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À la recherche d’un Père

À la recherche d’un Père

À la recherche d’un Père

Kham Thong était fatigué. La journée avait été rude, mais il aimait son travail et se sentait heureux. Il venait de savourer un délicieux repas que sa femme lui avait préparé et passait un moment agréable avec elle et ses deux jeunes enfants. Sa femme, Oï, était occupée à coudre, mais pas au point de cesser de bavarder avec qui lui prêtait une oreille attentive. Tout en participant à cette conversation à bâtons rompus, Kham se mit à réfléchir.

Sa femme allait-​elle mieux, ou bien était-​ce le fruit de son imagination? Même le repas lui avait paru meilleur. Était-​ce simplement dû à son humeur? Certes, il était joyeux. Mais en observant sa femme plus attentivement, il remarqua qu’elle avait soigné sa tenue. Son visage le surprit davantage encore. Il y a longtemps qu’il ne lui avait connu cette expression détendue et radieuse. Il se réjouissait de ce changement, car il aimait sa femme et pensait que ce sentiment était réciproque, bien que leur ménage ait parfois traversé des moments difficiles. Sa femme était travailleuse et sincère, mais elle était aussi très susceptible et s’emportait facilement à la moindre critique.

Tout en méditant sur ces pensées, il reconnut que depuis plusieurs semaines aucune dispute n’était venue troubler leurs relations. La conversation animée et amicale qu’ils avaient eue la veille en partageant un repas composé de mangues succulentes et de riz lui revint à l’esprit. Il est vrai qu’en une certaine occasion ils avaient eu un désaccord, mais ils en avaient discuté très gentiment, et il avait beaucoup apprécié cela.

Kham avait grandi sans connaître ses parents. Sa mère était morte alors qu’il était encore enfant. Quant à son père, dont la vie était plutôt mystérieuse, il ne s’en souvenait plus. Les membres plus âgés de sa famille avaient laissé entendre qu’il les avait abandonnés. D’ailleurs, ils évitaient toujours d’en parler. Sa sœur aînée s’était occupée de la cuisine et de la maison. Toutefois, Kham n’avait jamais connu l’ambiance d’une famille unie. Chacun entrait et sortait à sa guise. Sa sœur faisait de son mieux, c’est sûr, mais elle paraissait constamment fatiguée, à court de temps et d’argent. Il avait compris qu’elle les faisait vivre avec ce que leur envoyait Tuen, leur frère aîné, qui vivait loin d’eux. Mais c’était à peine suffisant; aussi allait-​elle vendre quelques produits au marché le matin. Quant à lui, Kham, personne ne lui avait jamais témoigné le moindre intérêt. Il avait l’impression d’être un orphelin, abandonné et solitaire. Enfant, il avait pris l’habitude de jouer seul, de penser seul et, plus tard, de tout faire seul. Cela l’avait conduit à se replier sur lui-​même.

UN CHARIOT EN BOIS ET QUELQUES LETTRES

Kham avait appris à aimer le travail bien fait. Ce goût avait été en grande partie influencé par un chariot en bois que son père, un ancien charron, lui avait fabriqué avant de partir. Ce chariot était une pièce magnifique et avait fait naître en lui un profond respect pour les talents d’artisan de son père, respect qui s’accentua avec le temps. En fait, c’est ce qui l’avait encouragé à continuer le métier de charron, bien que ce choix l’ait obligé à apprendre tout seul, à tâtonner en se servant des outils qui se trouvaient encore dans la vieille maison paternelle. Même quand il voyait ses enfants jouer avec ce chariot, il pensait toujours à son père, mais il était envahi par des sentiments contradictoires. Comment celui-ci avait-​il pu, d’une part, lui donner un jouet aussi merveilleux et, d’autre part, abandonner sa femme et ses enfants, les laissant ainsi sans ressources?

Il avait obtenu quelques renseignements sur son père peu après son mariage, lorsqu’il avait rendu visite à sa sœur aînée qui vivait avec son mari dans la maison paternelle. Comme il était naturellement attiré par les ouvrages bien faits, il avait admiré, en passant, cette bâtisse que son père avait construite. Il s’était mis à penser à lui et avait demandé une fois de plus à sa sœur ce qu’il était devenu. “Mais je n’en sais rien”, avait-​elle répondu avec impatience. “Tiens! avait-​elle ajouté, lis ces lettres; il les avait envoyées à Tuen.” Sur ce, elle avait sorti une liasse de vieilles lettres qui se trouvaient au fond d’un tiroir et les avait jetées devant lui. “Tu peux les garder. Elles ne me servent plus à rien.” Kham les avait prises et, arrivé chez lui, il s’était mis à les lire.

Il se souvenait que ces lettres l’avaient tellement bouleversé qu’il en avait lu des extraits à Oï. “Tu vois, avait-​il dit, après tout, mon père était un brave homme! Il n’était pas seulement un habile artisan, mais aussi un bon père. Il avait chargé mon frère aîné Tuen de s’occuper de nous et avait pris des dispositions pour cela. Il a quand même pensé à nous. Tiens, il a aussi parlé de moi dans une de ses lettres. C’est Tuen qui a gaspillé tout l’argent quand il a fait une fugue avec sa petite amie. Tuen avait laissé entendre que les maigres sommes d’argent qu’il envoyait à ma sœur aînée venaient de sa poche. Tu te rends compte!” Il répéta encore à Oï: “Mon père était un brave homme et il s’est occupé de nous.” Les lettres étaient incomplètes et ne précisaient pas où habitait le père de Kham ni s’il avait l’intention de revenir. Kham se rappelait qu’il avait exprimé à Oï son désir de mieux le connaître. Il lui avait dit: “Il reviendra peut-être un de ces jours.”

Son petit garçon l’interrompit dans ses méditations pour lui demander de tailler son crayon. Mais Kham préféra lui expliquer comment le tailler lui-​même. En voyant la joie de son fils, qui montrait à sa sœur ce que son papa l’avait aidé à faire, Kham comprit qu’il avait obtenu un bon point dans son rôle de père, et pas seulement pour avoir bien taillé les crayons. En y réfléchissant, il eut le sentiment que depuis qu’il avait lu ces lettres il avait été un meilleur père. Toutefois, il reconnut avec sincérité que l’amélioration de l’ambiance familiale devait avoir une cause plus profonde. “Pourquoi Oï a-​t-​elle changé ainsi, se demandait-​il. Oui, pourquoi?”

Il ignorait alors que la joie qu’il avait manifestée en lisant ces renseignements au sujet de son père avait beaucoup impressionné Oï. En fait, pour la première fois, Oï commençait à comprendre le bonheur très intense qu’on peut éprouver quand on retrouve un bon père que l’on n’a jamais connu.

Plongé dans ses réflexions, Kham promena son regard autour de lui, puis il fixa de nouveau son attention sur sa femme. Elle avait vraiment un air radieux, tout comme au début de leurs fréquentations. Enhardi par cette pensée, il lui demanda: “Oï, as-​tu remarqué quelque chose dans notre foyer ces derniers temps?” Voyant son air intrigué, il ajouta: “Je veux parler de l’ambiance.” “Oui, en effet, j’ai constaté des progrès”, répondit-​elle. Connaissant la susceptibilité d’Oï sur tout ce qui concernait son attitude, avec prudence Kham demanda: “Connais-​tu la raison de ces progrès?”

Oï continua à coudre pendant quelques instants mais avec moins d’ardeur, puis elle s’arrêta. Kham retenait presque sa respiration. Il savait que sa femme était capable de voir là une critique et de se mettre en colère. Néanmoins, il remarqua qu’Oï était pensive; son visage ne laissait voir aucune irritation. “Eh bien, il semble que tu aies été très touché par ces nouvelles au sujet de ton père, Kham. Je m’en suis aperçue et cela m’a fait réfléchir à l’importance d’avoir un bon père. En fait, dit-​elle après une pause, je crois que tout ce que tu fais pour ‘trouver’ ton père m’aide moi-​même à trouver un père.” “Comment cela, trouver toi-​même un père? Tu as toujours eu un père. Il habite là-bas, à la croisée des chemins.” “Oui, je sais et je n’ai peut-être pas toujours su l’apprécier. Ce n’est toutefois pas à lui que je pensais, mais à un autre père, un premier Père.” Rassuré par sa réaction, Kham était néanmoins intrigué par sa réponse. Il avait déjà du mal à trouver un père — et maintenant il y en avait “un autre”, un “premier Père”. “Oï, pourquoi dis-​tu qu’il y en a ‘un autre’, un ‘premier Père’?” Oï se retourna; cela faisait longtemps que Kham n’avait vu un tel sourire enjôleur sur le visage de sa femme. “Tu veux vraiment savoir?” demanda-​t-​elle. “Bien sûr”, répondit Kham en riant tout en se mettant à l’aise pour écouter sa femme.

Oï délaissa sa machine à coudre et alla s’asseoir près de son mari. “Kham, as-​tu remarqué ces deux jeunes filles qui viennent me rendre visite le mardi après-midi?” “Non, mais j’ai vu, dans le voisinage, des jeunes filles que je ne connaissais pas. Qui sont-​elles?” “Eh bien, il y a quelques mois, elles se sont présentées à notre porte et ont dit qu’elles voulaient me parler. Elles avaient l’air gentilles, aussi les ai-​je invitées à entrer. L’une d’elles a commencé à décrire la situation instable du présent monde et a ajouté qu’il y avait une solution. J’ai alors compris qu’elles faisaient partie de ce groupe de gens qui vont de porte en porte afin de proposer des écrits religieux. J’ai quand même continué à les écouter, d’abord parce que je crois qu’il faut toujours être poli, mais aussi parce que ce qu’elles disaient semblait raisonnable, même si je n’ai pas tout compris. L’une d’elles a fait une remarque intéressante; elle a dit que le Créateur, donc le Père du premier homme, rassemblait à présent des gens de toutes nations pour en faire une grande famille dont il serait le Père...” Après un instant d’hésitation, Oï ajouta: “Et le Dieu. Comme tu peux l’imaginer, cette idée d’appartenir à une grande famille avec un Père au-dessus de nous me plaisait beaucoup. C’est pourquoi je leur ai dit que j’aimerais en savoir davantage sur ce sujet. Elles sont donc revenues la semaine suivante pour m’en expliquer un peu plus et, depuis, elles viennent régulièrement chaque semaine. Maintenant, j’ai le sentiment que ce qu’elles disent est vrai. C’est pour cela que je t’ai annoncé que j’avais trouvé un Père.”

Kham restait silencieux, profondément troublé. Il aimait ce qu’elle avait dit à propos du “premier Père”, mais c’était le mot “Dieu” qui le gênait et l’amenait à se poser des questions au sujet d’Oï. Allait-​elle devenir une fanatique religieuse? À ce moment-​là, Kham remarqua que sa femme s’était blottie contre lui. En fait, cela faisait des années qu’ils ne s’étaient sentis aussi proches au cours d’une conversation sérieuse. Ses nouvelles convictions religieuses ne pouvaient pas être mauvaises puisqu’elles réussissaient à la changer ainsi. Bien au contraire, pensa Kham, en prenant sa femme par les épaules et en la serrant contre lui. Il se sentait maintenant plus détendu, mais ce mot “Dieu” le troublait encore. Oï avait dû s’en douter, vu que Kham avait noté une légère hésitation dans sa voix avant de prononcer ce mot.

Ce climat exceptionnel de compréhension mutuelle encouragea Kham à lui ouvrir son cœur. “Oï, c’est ce mot ‘Dieu’ qui me gêne. Pas toi?” “Au début, il me gênait également, Kham, et je n’ai jamais su pourquoi. En fait, la plupart des gens ici ne croient pas en Dieu, et ce simple mot en fait rire quelques-uns.” “C’est vrai, dit Kham après une pause, et c’est peut-être ce qui me met mal à l’aise. Tu sais, ma famille aussi semblait ricaner chaque fois qu’il était question de mon père et il m’arrivait parfois de partager ces sentiments; si je n’avais pas eu le jouet en bois, et surtout les lettres, je n’aurais peut-être pas changé.” “Ce que tu dis est intéressant, Kham; cela montre que l’on peut facilement être influencé par les opinions des autres. N’est-​il pas préférable de se baser sur des faits seulement et de ne pas suivre les préjugés d’autrui?” “Tu as parfaitement raison, Oï, dit-​il en l’attirant contre lui. Nous suivrons cette ligne de conduite et nous n’imiterons plus la foule. Mais il y a encore autre chose qui m’intrigue. La majorité de ceux qui méprisent ‘Dieu’ en disant: ‘Où est-​il?’ ou: ‘Je ne le vois pas’, se donnent bien du mal pour plaire à des démons qu’ils ne voient pas non plus. Et beaucoup semblent en avoir peur. Considèrent-​ils Dieu comme un personnage qu’il faut redouter et apaiser?” Kham marqua une pause, puis il ajouta: “Penses-​tu que je répugne à accepter Dieu parce que je l’imagine inconsciemment comme un super-démon tout-puissant qui tourmente ceux qui s’opposent à lui?”

“C’est peut-être le cas de nombreuses personnes, répondit Oï, mais ces jeunes filles m’ont appris que le vrai Dieu, dont le nom est Jéhovah, est tout à fait différent. Il est puissant, c’est vrai, mais abondant en miséricorde, même envers ceux qui font le mal; d’ailleurs il ne tourmente jamais personne. Il est semblable à un père très bon et tout-puissant qui ne meurt jamais; ainsi, il est toujours prêt à venir en aide aux humains. Il ne ressemble pas aux démons. Il prend l’initiative de secourir les hommes. La Bible le décrit comme un Dieu d’amour.” “Tu as parlé d’‘amour’; si cet amour existe vraiment, cela m’intéresse. L’amour associé à la puissance pourrait réaliser de grandes choses.” “C’est ce que je pense aussi”, reconnut Oï. “Mais, ajouta Kham après une longue pause, cela ne cadre pas avec la réalité, et nous avons décidé de nous en tenir aux faits. Par exemple, ces nations ou ces religions qui prétendent croire en Dieu ne font nullement preuve d’amour. Leurs membres s’exploitent et s’entre-tuent au même titre que les non-croyants.” “C’est vrai, s’exclama Oï, parce qu’ils ne servent pas Jéhovah mais un dieu fait de main d’homme. En fait, ils donnent une fausse image de Dieu. Beaucoup de ces nations se disent chrétiennes mais, en réalité, il n’y a aujourd’hui dans le monde aucune nation chrétienne.” “Hum, c’est fort possible, mais pourquoi?” demanda Kham. “Eh bien, pourquoi ta famille a-​t-​elle présenté ton père sous un faux jour, lança Oï, en particulier ton frère Tuen?” “Je me rends compte maintenant, surtout en ce qui concerne Tuen, que c’était dans son intérêt. Tu sais, Oï, cette conversation m’intéresse, mais le sujet semble si ardu que je ne sais par quel bout commencer”, soupira Kham.

UNE IDÉE MERVEILLEUSE

Oï se tourna carrément vers lui. Son visage était grave mais bienveillant. Elle demanda: “Dis-​moi franchement, Kham, crois-​tu en un Créateur?” “Il m’est difficile de répondre à ta question, rétorqua-​t-​il. Tu vois, d’un côté il faut bien qu’il y ait un Créateur à l’origine de toutes ces choses merveilleuses qui nous entourent.” Il s’arrêta un instant, puis il se mit à observer plus attentivement sa femme; il contemplait ses traits réguliers et délicats, l’éclat de ses yeux et surtout son sourire. ‘Qui a créé tout cela, se demanda-​t-​il, cette harmonie dans la forme et le profil? Cela ne peut être dû au hasard ou à des forces aveugles. C’est impossible!’ Il y avait un artiste à l’origine. La beauté de sa femme ne venait pas seulement de son teint frais ni de sa peau fine; il y avait autre chose. Il se souvenait de certaines photos d’enfants mourant de faim. Ils avaient l’air pitoyable avec leurs joues creuses et leur regard fixe; ils avaient encore la peau fine, mais ils étaient maigres. Par contre, quantité de gens, qui avaient passé la première jeunesse, accumulaient de la graisse, et leurs silhouettes avaient perdu toute beauté. Leur graisse n’était pas à la bonne place; elle n’était plus soumise à la vigilance d’un artiste.

“Eh bien, Kham, dit Oï après un long silence, à quoi penses-​tu en me regardant?” Il se détendit et, souriant, dit à sa femme doucement: “Dis-​moi, Oï, comment une jolie fille comme toi aurait-​elle pu exister simplement par hasard, sans l’intervention d’un Créateur, et de surcroît un artiste? Toutefois, malgré toutes ces preuves de l’existence d’un Créateur, je suis encore sceptique. Rien n’arrête les malheurs et la méchanceté. Pourquoi? S’il y a bien un Créateur, pourquoi ne fait-​il rien?” “Cela m’embarrassait aussi, répondit Oï, mais les jeunes filles m’ont expliqué que Dieu avait de bonnes raisons d’attendre avant d’agir, et que très bientôt il ferait quelque chose.”

“Tu as dit qu’elles t’ont ‘expliqué’. Mais comment t’ont-​elles ‘expliqué’?” “Oh, à l’aide de leur Bible.” “Voyons, tu parles comme si le simple fait de trouver la réponse dans la Bible était une garantie. Qu’est-​ce donc que cette Bible dont tu parles tant?” demanda-​t-​il, intrigué. “C’est un grand livre, expliqua Oï, le plus ancien récit de l’histoire de l’humanité, qui relate son origine. L’une des jeunes filles l’a décrit comme une collection de lettres venant de Dieu. Plus de soixante, il me semble”, dit-​elle. “Des lettres venant de Dieu”, répéta Kham qui avait du mal à contenir son émotion. “Tu sais, Kham, je me souviens t’avoir entendu dire que la lecture des lettres de ton père avait modifié tes sentiments à son égard: Tu te sentais attaché à quelqu’un.” “C’est exact, elles m’ont révélé que mon père n’avait pas abandonné sa famille comme certains le laissaient croire, mais qu’il s’occupait de nous et que mon frère aîné Tuen était responsable de nos malheurs.” “Eh bien, tu vois, Kham, j’ai eu le même sentiment en lisant la Bible, ces ‘lettres’ venant de Dieu, mon premier Père. Elles m’ont montré, à moi aussi, quelle était la cause de tous nos problèmes.” “Tu parais bien excitée par ces ‘lettres’ dont tu parles”, dit Kham avec un sourire. “C’est vrai; et toi, n’étais-​tu pas excité par ces lettres que tu avais trouvées? Pourtant elles venaient seulement d’un homme!” Kham ne put s’empêcher de rire. Sa femme avait remporté une victoire.

“Pourquoi ces lettres étaient-​elles si importantes à tes yeux?” demanda Oï. Il réfléchit un moment avant de répondre. “Eh bien, j’ai toujours eu le sentiment que mon père était un homme bon, mais après avoir lu ces lettres j’en avais la certitude. J’ai aussi compris qu’il avait été diffamé et j’ai alors pu le reconnaître ouvertement comme mon père et prendre sa défense.” “Oui, répondit Oï, c’est exactement ce que ces lettres venant de mon premier Père ont fait: elles ont réhabilité son nom. Les jeunes filles m’ont promis de m’apporter un exemplaire de ces lettres, une Bible, mardi prochain.” Ces lettres commençaient à intéresser Kham, mais il ne voulait pas le laisser trop paraître. En fait, il désirait prendre le temps de réfléchir. Sa petite fille vint à son secours en renversant quelque chose, ce qui détourna l’attention de sa maman. Oï décida alors de la mettre au lit.

En réalité, il y avait quelque chose qui tourmentait la conscience de Kham. Il s’aperçut que depuis qu’il avait lu ces lettres, il sentait grandir en lui de la reconnaissance et une certaine responsabilité vis-à-vis de son père, pour ce que celui-ci avait fait en faveur de sa famille. Ne devrait-​il pas ressentir les mêmes sentiments pour le Créateur de l’homme — si toutefois il existait vraiment? Il éprouvait le besoin urgent d’éclaircir cette question, mais comment? Il se souvenait que c’était la construction du chariot en bois qui l’avait amené à s’intéresser à son père. Une idée lui traversa l’esprit. Ce premier Père avait-​il laissé un “chariot” derrière lui? Sûrement, pensa Kham en regardant les jeux d’un lézard au plafond. En fait, se dit-​il, la nature entière est vraiment une sorte de chariot qui mérite d’être étudié. Alors, pourquoi ne pas l’examiner? C’est ce qu’il décida de faire; il se mit donc à observer le lézard occupé à chasser des insectes. Il avait de jolies pattes, bien plus difficiles à fabriquer que des roues de chariot. Les organes adhésifs que les lézards possèdent sous les pattes leur permettent non seulement de courir sur le sol mais aussi de s’accrocher au plafond. Qui a conçu et créé cela? Kham s’en sentait bien incapable. Il se rappela le premier chariot qu’il avait essayé de construire, en particulier les roues. Comme elles paraissaient simples au premier abord! Pourtant, la construction de la première roue lui avait coûté beaucoup d’efforts. Oui, il avait dû vraiment réfléchir pour la faire. S’il faut penser autant pour réaliser de simples roues, des pattes de lézard doivent exiger davantage de réflexion encore.

Après avoir flâné un moment dans la pièce, son regard se posa sur Oï, qui était maintenant retournée à sa machine à coudre. Elle fronçait les sourcils et tenait un morceau de papier. Pensant qu’il devait s’intéresser à elle, Kham lui demanda: “Que fais-​tu?” “Ce que je fais, rétorqua-​t-​elle, eh bien, jusqu’à présent pas grand-chose. J’ai acheté du tissu pour confectionner une robe, mais je ne vois pas comment le couper pour en avoir assez.” “Voyons, ne dois-​tu pas calculer avant de faire une robe?” demanda-​t-​il pour la taquiner. Il attendit sa réaction. “Calculer, calculer, s’écria-​t-​elle, évidemment il faut calculer avant de confectionner une robe. Ça ne se fait pas tout seul!” “C’est vrai, je suis d’accord avec toi, les choses ne se font pas toutes seules”, dit Kham. Et ils se mirent à rire quand Kham lui fit part de ses conclusions personnelles au sujet des pattes du lézard.

Oï retourna à ses “calculs” et Kham à ses méditations. Jetant de nouveau un coup d’œil sur le lézard, il se rappela qu’un ou deux jours auparavant il avait observé un jeune lézard qui, à peine sorti de l’œuf, avait commencé à chasser les mouches. Qui lui avait appris cela? Récemment, il avait lu un article expliquant qu’on avait fabriqué des robots pour exécuter différentes tâches, souder des pièces de voitures par exemple. Avant d’aboutir à un tel résultat, des générations d’hommes ont dû faire des recherches pendant des milliers d’années; et même avec un programme, se demandait Kham, l’un de ces robots serait-​il capable d’attraper une mouche? Ainsi, plus il y réfléchissait, plus il était convaincu de l’existence d’un Créateur, d’un Créateur étonnamment intelligent. Mais Kham pensait qu’il devait discuter avec quelqu’un qui rejetait l’existence d’un Créateur afin d’en avoir le cœur net. En fait, pour autant qu’il s’en souvienne, il n’avait jamais entendu de conversation sérieuse à ce sujet?

DES RÉPONSES PEU CONVAINCANTES

Quelques jours plus tard, alors qu’il était en ville, Kham rencontra un ancien camarade de classe qu’il n’avait pas vu depuis un certain temps; ils s’arrêtèrent donc dans un café pour bavarder. C’était un jeune homme sympathique et intelligent qui avait fréquenté l’université et passait pour un intellectuel plein d’avenir. Quand celui-ci lui demanda des nouvelles d’Oï, Kham eut soudain une idée. Pourquoi ne pas essayer de savoir ce qu’il pensait d’un Créateur? Kham lui apprit alors que sa femme s’intéressait à une religion qui croyait en Dieu.

Kham fut surpris par les moqueries de son ami, car elles n’étaient pas dans ses habitudes. Quoi qu’il en soit, cela l’amena à lui poser cette question directe: “Qui a créé l’homme et la nature qui nous entoure?” Kham écouta attentivement son ami, mais malgré cela il ne réussit pas à tout comprendre. Le jeune homme lui expliqua qu’au début tout n’était que chaos et que les choses commencèrent à se développer progressivement et par hasard, à partir de quatre éléments: le feu, l’eau, l’air et la terre (si sa mémoire était bonne). Au départ, une cellule unique se multiplia, puis d’autres se développèrent. Les cellules qui étaient bonnes se reproduisaient; celles qui ne l’étaient pas disparaissaient. Elles apparurent fortuitement et survécurent ou non selon les circonstances. Kham ne savait pas grand-chose au sujet des cellules, mais il avait l’esprit pratique; aussi les compara-​t-​il à ce qu’il connaissait déjà: les roues d’un chariot.

Puisque la cellule la plus élémentaire devait, pour être utile, se reproduire par elle-​même, elle devait nécessairement être autrement plus compliquée qu’une roue. Il lui avait paru facile, à priori, de faire des trous dans un moyeu de roue et d’y fixer solidement chaque rai. Mais il avait eu bien du mal pour ajuster les divers éléments. Il avait fait des calculs et pris des précautions avant de couper le bois, mais malgré cela il avait gâché un tas de rais avant de réussir une seule roue. Compter uniquement sur le hasard reviendrait à jeter du bois et un ciseau dans une bétonnière. Combien de temps faudrait-​il attendre avant d’obtenir un simple rai? Le hasard seul ne produirait qu’une chose informe. Qu’il s’agisse de fabriquer des roues ou de multiplier des cellules, il ne suffisait pas de se laisser guider par le hasard. Quand il concentrait son attention sur la fabrication d’une roue, le moindre moment de distraction avait des conséquences fâcheuses; il l’avait appris à ses dépens. Cela doit être encore plus vrai lorsqu’il s’agit de faire des cellules et même des organismes complets. ‘Après tout, pensa-​t-​il, n’est-​ce pas ce qui arrive quand une personne a le cancer? Il suffit qu’une cellule se développe de façon anarchique, prolifère en dehors des limites fixées d’avance et contamine tout le corps, privant dans le même temps les cellules saines des substances alimentaires nécessaires. L’action du hasard peut provoquer la mort, jamais la vie!’

Chaque fois que Kham essayait de réfuter la théorie de son ami, celui-ci répliquait que chacune des étapes exigeait des millions d’années, comme si cette réponse avait un pouvoir magique. En rentrant chez lui, Kham souriait presque en pensant à tous les efforts qu’avait faits son ami pour l’aider à imaginer ce que représentait un million d’années. Certes, il avait réussi, mais pas dans le sens qu’il espérait. Kham avait imaginé, non pas des cellules qui se seraient harmonieusement développées après des millions d’années, mais des pattes de lézards difformes aussi hautes qu’une montagne! D’ailleurs, plus il y pensait, plus il croyait en la nécessité d’un Créateur.

UNE QUESTION ÉTRANGE

Toutefois, Kham fut troublé par la pointe que son ami lui avait lancée en le quittant. “S’il faut une cause première à toute chose, lui avait-​il dit, alors d’où vient ton Créateur?” Kham était un homme très droit, non seulement en affaires, mais également dans son raisonnement. Il ne voulait pas se tromper lui-​même ni tromper les autres. À ses yeux, il était plus important de trouver la vérité que d’avoir le dernier mot. Il lui fallait donc, pour être satisfait, trouver une réponse à cette question. Il y a bien un Créateur, c’est certain, mais comment est-​il venu à l’existence? Il n’abandonnerait pas le sujet avant d’avoir obtenu une réponse satisfaisante. Oï pourrait peut-être l’aider.

Il avait encore cette question embarrassante présente à l’esprit quand il arriva chez lui, un peu plus tôt que d’habitude. Il s’attarda un moment dans le jardin, mais cette fois dans un but bien précis. Il voulait l’observer et apprécier le travail que cela représentait, tout comme il avait admiré l’œuvre de son père. Il fut émerveillé. Pourquoi ne l’avait-​il pas été plus tôt? Il savait qu’il avait appris à aimer les beaux ouvrages de bois et de métal. D’ailleurs, il en était assez fier, et c’est ce qui l’avait tout d’abord rapproché de son père. Maintenant, il ressentait le besoin d’étudier attentivement la nature afin de goûter davantage les choses qui n’avaient pas été faites par l’homme.

Assis sur un tronc d’arbre, Kham regardait autour de lui. Les collines boisées à quelque distance de son atelier ou la grande variété des fleurs que sa femme avait plantées, tout était agréable, reposant et rafraîchissant. Quelle différence avec les cabanes construites par les hommes dans le quartier de bidonvilles qu’il avait traversé en rentrant chez lui! Aux alentours, ce n’étaient que sacs en plastique vides, bouteilles et autres détritus. ‘Incontestablement, pensa-​t-​il, le Créateur n’a jamais fait pareils taudis.’ Kham connaissait suffisamment les hommes pour savoir comment les taudis étaient venus à l’existence. Ils étaient dus essentiellement à l’absence de moyens et de capacités, à la fatigue, à la paresse, à la négligence, au manque d’intérêt pour ce qui pouvait être agréable. Mais assurément, le Créateur des choses qu’il observait n’avait aucune de ces faiblesses.

Kham était émerveillé par l’étendue de la sagesse et de l’intelligence manifestes dans tout ce qui était vivant. Quelle différence avec les réalisations humaines, avec une roue, par exemple, qu’il pouvait espérer imiter! Pareille tâche était à sa portée; c’était d’ailleurs surtout pour cela qu’il s’y était intéressé. Il se souvenait du jour où il avait démonté une des vieilles roues construites par son père pour essayer de la copier. Mais en voyant une abeille émerger d’une fleur, à proximité, il comprit combien il serait vain d’en ‘démonter’ une afin d’essayer de la reproduire. Comme il suivait du regard l’abeille en plein travail, il se mit à l’observer d’un œil nouveau. C’était une usine produisant du miel, très efficace et en même temps propre et jolie. ‘Si seulement les raffineries de sucre fonctionnaient ainsi!’ pensa-​t-​il. Il se rappelait avoir lu que ces raffineries polluaient les rivières et l’atmosphère. Et elles étaient loin d’être esthétiques! Étant artisan, il savait qu’il fallait faire de grands efforts pour fabriquer quelque chose qui soit à la fois utile et beau. Le Créateur devait certainement aimer beaucoup l’homme pour lui avoir donné le miel si délicieux, produit par une usine aussi attrayante.

Kham commença à considérer le Créateur comme une personne bienveillante et non plus comme un ordinateur insensible. En observant la fleur passive et l’abeille très active, il se mit à penser à la grande variété de talents visibles dans la création. Cette abeille avait même une certaine capacité de réflexion pour faire son travail. Il remarqua ensuite un lézard immobile sur un poteau de la barrière, qui fixait quelque chose loin devant lui. Kham l’observa patiemment. Soudain le lézard passa à l’action; il dégringola de son perchoir et se précipita vers sa proie, qu’il avait repérée à distance. Le lézard doit, lui aussi, pouvoir réfléchir d’une certaine manière, et peut-être plus que l’abeille. Kham en vint alors à s’interroger sur la faculté de penser. Elle est manifestement très variable, mais adaptée à chaque forme de vie. L’homme est indiscutablement doté de la capacité de réflexion la plus élevée, et pourtant certaines choses échappent à sa compréhension. Il a aussi ses limites. Et alors? Ne peut-​il pas les accepter et s’en accommoder? ‘Au fait, pensa Kham, n’y a-​t-​il pas là un rapport avec ma question: “D’où vient Dieu?”’ Il ne savait même pas qui est Dieu! Est-​il un créateur intermédiaire ou le tout premier Créateur, le premier Père? Peut-être le cerveau humain ne peut-​il trouver lui-​même la réponse, ou bien Kham ne disposait-​il pas de renseignements suffisants pour aller plus loin. Mais avait-​il besoin de savoir comment Dieu est venu à l’existence?

Après tout, Kham n’avait pas pu connaître la vérité sur son père avant d’avoir retrouvé ses lettres! L’homme avait peut-être besoin de lettres venant de son Créateur pour vraiment le comprendre. La nature, sa création, prouve l’existence de Dieu, mais elle ne révèle pas ses pensées et son dessein pour le futur. Les hommes sont incapables de lire les pensées de leurs semblables qu’ils peuvent voir; alors comment pourraient-​ils saisir celles de Dieu qu’ils ne voient pas? L’homme a incontestablement besoin de lettres venant de Dieu pour arriver à bien le connaître.

Kham sentit grandir son intérêt pour les lettres de Dieu dont parlait Oï. En acceptant nos limites et en étudiant ces lettres, nous pourrions vraiment progresser dans notre connaissance de Dieu et en retirer des bienfaits. Par exemple, Kham ne savait pas pourquoi un ciseau était beaucoup plus dur que le bois; mais en prenant bien soin du ciseau et en l’utilisant d’une façon convenable, il pouvait façonner des roues. Fabriquer des ciseaux n’était pas son affaire, et faire des dieux non plus. Prenons un autre exemple: Devons-​nous connaître en détail le passé de notre employeur avant de travailler pour lui afin de gagner notre vie? En fait, c’était pure présomption que de vouloir à tout prix connaître l’origine de Dieu avant même d’écouter ses conseils pour mener une vie meilleure. Kham se rappela ensuite que son ami n’avait pas cherché à savoir d’où venaient ces ‘éléments chaotiques’ avant d’ajouter foi à la théorie d’une évolution aveugle due au hasard.

Kham savait que les gens disent généralement que tout ce qui n’a pas été créé par l’homme vient de la “nature”. C’est également ce qu’il pensait jusque-​là. Il réfléchit à la différence entre “nature”, “Créateur” et “Dieu”. La “nature”, elle, nous prodigue libéralement ses bienfaits, sans exiger aucune reconnaissance. En revanche, le mot “Créateur” appelle un sentiment de gratitude, même si celle-ci n’est pas exigée explicitement. Pour Kham, le mot “Dieu” sous-entendait des marques concrètes de gratitude ainsi que la soumission à Dieu en raison même de ce qu’il est. Était-​ce bien logique? Il se posait la question. Kham était son propre maître et il aimait cette indépendance. Malgré tout, il devait reconnaître certaines autorités. Par exemple, il n’avait pas le droit de couper des arbres pour ses chariots sans autorisation. Bien que se prétendant libres, les gens de sa région et lui-​même étaient soumis au pouvoir du gouverneur et de ses adjoints. Il pensait que c’était indispensable au maintien de l’ordre et que cette autorité n’était pas pesante si le gouverneur était un homme bon. Ainsi, Kham conclut qu’il n’avait moralement pas le droit de refuser de se soumettre à “Dieu” s’il était effectivement le Créateur de l’homme. Kham commençait à se sentir coupable d’ingratitude; en effet, la beauté de tout ce qui l’entourait lui avait toujours semblé normale. En fait, il n’avait même jamais songé à remercier sa femme qui avait pris la peine de planter et de s’occuper des fleurs de son jardin.

À ce moment-​là, ses pensées furent interrompues par le vrombissement assourdissant d’un hélicoptère de l’armée qui passait à basse altitude pour repérer les rebelles cachés dans les collines voisines. Il le suivit du regard, comme s’il en avait été contraint par l’intensité du bruit. Finalement, l’hélicoptère disparut derrière de grands arbres. Il aurait dû normalement s’intéresser à l’appareil puisqu’il aimait la mécanique. Mais il était plutôt très irrité par cette intervention intempestive et bruyante. ‘Pourquoi faut-​il qu’il soit aussi bruyant, pensa-​t-​il, et en plus à l’instant même où je me désaltérais dans la quiétude et la beauté de ce jardin? Ne pourrait-​il pas se déplacer en silence?’ Il reçut alors une réponse inattendue, un “oui” silencieux mais éloquent. Là, juste sous son nez, passait une reproduction vivante en miniature d’un magnifique hélicoptère; elle était toute proche, mais il ne l’entendait même pas. C’était une libellule. Il l’observa alors qu’elle voltigeait de droite à gauche à la recherche d’insectes, et il comprit qu’elle était supérieure à l’hélicoptère sur bien des points. L’homme était peut-être incapable de réaliser un hélicoptère plus silencieux, mais le Créateur, lui, le pouvait; Kham en était certain. Il comprit encore autre chose qui lui avait échappé jusque-​là: le besoin d’oublier tout le tapage des hommes autour de leurs réalisations et de considérer les témoignages muets mais partout présents des œuvres merveilleuses du Créateur. Kham se leva et se dirigea vers la maison, non sans avoir décidé de passer plus de temps à contempler son jardin, le “chariot de Dieu”, et d’en consacrer moins à la lecture de journaux qui glorifient les hommes.

Alors qu’il entrait dans la maison, sa femme lui dit: “Je t’ai aperçu assis dans le jardin. Que faisais-​tu pendant tout ce temps?” Kham réfléchit un instant, puis il répliqua: “Je regardais le ‘chariot’.” Oï avait l’air perplexe. Levant les yeux, elle dit enfin: “Tu veux parler du ‘chariot de Dieu’?” “Mais ma femme est intelligente!” conclut-​il en souriant. “Je te poserai plus tard quelques questions au sujet de ces lettres et d’un problème qui me tracasse.”

Ce soir-​là, le repas terminé, alors qu’ils étaient installés confortablement, Kham se tourna vers sa femme et lui demanda: “Oï, que répondrais-​tu si quelqu’un te posait cette question: ‘Comment Dieu est-​il venu à l’existence?’” “Dieu n’est pas venu à l’existence, répondit Oï, il a toujours existé. La Bible parle de lui comme étant ‘d’éternité en éternité’. Il est la grande cause suprême.” “Hum! laisse-​moi réfléchir”, murmura Kham. Puis, exprimant sa pensée à voix haute, il dit: “‘Une cause première qui a toujours existé’; cela semble difficile à comprendre.” “Vois-​tu une autre solution?” répliqua-​t-​elle. “Voilà une question intéressante, Oï. En fait une seule réponse s’impose: il n’y a pas de solution. S’il y en avait une, d’où serait venue la première chose ayant jamais existé? Elle n’aurait tout simplement pas pu venir à l’existence puisqu’il n’y aurait rien eu, pas même une cause première, pour la faire venir à l’existence. Donc, il y a toujours eu une force créatrice, et de surcroît intelligente, une personne, pour créer toutes les choses de la nature.”

“Ainsi, à la question: ‘Comment Dieu est-​il venu à l’existence?’ la réponse serait ce que tu viens de dire: ‘Il a toujours été.’ Mais, ajouta Kham en se tournant vers Oï, cela ne t’ennuie pas de ne pas comprendre comment?” “Pourquoi cela m’ennuierait-​il? Il y a quantité de choses que je ne comprends pas. Par exemple, qu’est-​ce que l’électricité? Eh bien, je n’en sais rien, mais si j’appuie sur cette pédale, ma machine à coudre va fonctionner. On n’a pas besoin de comprendre chaque chose pour en retirer des avantages. Ce serait présomptueux, surtout s’il s’agit du Créateur de l’homme”, déclara Oï en posant sur Kham un regard éloquent. “Je suis de ton avis, Oï. Mais il m’a fallu beaucoup plus de temps pour aboutir à la même conclusion.” “Bien sûr, seulement n’as-​tu pas dit que tu avais une femme intelligente?” répondit-​elle sur un ton taquin. Puis elle ajouta, plus sérieusement: “N’oublie pas, Kham, que j’ai été aidée par la Bible.” “Très bien, mais puisque tu es si intelligente, dit-​il en riant, je vais te poser une autre question. L’autre jour tu m’as dit que la Bible était une collection de lettres émanant du Créateur et destinées à l’humanité.” “Oui, je m’en souviens.” “Bon, alors comment puis-​je être sûr qu’elles viennent bien de Dieu?”

Oï hésita avant de répondre: “Je pense que les choses qui y sont écrites pourraient vraiment te le confirmer.” “Cela ne me semble pas très convaincant”, objecta-​t-​il. “Voyons, y a-​t-​il une autre façon de le vérifier? Comment t’es-​tu assuré que les lettres que tu as lues venaient vraiment de ton père?” Kham songea qu’il n’avait aucune preuve à ce sujet. Il n’avait pas vu son père écrire ces lettres et, du reste, il ne les avait pas reçues directement de lui. En fait, elles n’étaient même pas signées de sa main. Et si elles l’avaient été, il n’aurait eu aucune possibilité de vérifier sa signature. Malgré tout, il n’avait pas le moindre doute quant à leur origine. Les lettres avaient toutes été écrites de la même main et leur contenu révélait que son père en était bien l’auteur. Toutes reflétaient une connaissance intime des membres de la famille et une grande considération pour eux. D’ailleurs elles se terminaient toujours par l’expression “votre père affectionné”. Qui en dehors de lui aurait eu le désir et la capacité d’écrire des lettres aussi remarquables? Il fut heureux de découvrir qu’il avait suffisamment de preuves pour étayer cette conviction. Après tout, même la façon dont il les avait trouvées le confortait dans cette opinion.

Kham se tourna vers Oï et dit: “Je vais te poser une question, mais réfléchis bien avant de me répondre. As-​tu des preuves formelles que la Bible est réellement composée de lettres venant de Dieu? Ou en es-​tu simplement convaincue en ton for intérieur?” Oï réfléchit un long moment; elle ne voyait pas où Kham voulait en venir. Elle répondit enfin: “Je ne sais pas s’il y a des preuves formelles ... mais je suis convaincue que la Bible vient de Dieu.” Kham, à son tour, se mit à méditer. Y aurait-​il un avantage à ce qu’il en soit ainsi: des raisons de croire plutôt que des preuves formelles? Puis, se tournant vers Oï, il lui demanda: “Pour qui la Bible a-​t-​elle été écrite et dans quel but?” Elle réfléchit encore pendant un instant avant de répondre: “Pour ceux qui cherchent Dieu, je pense, afin qu’en la lisant ils se sentent attirés vers lui. Je me rappelle ce que les jeunes filles m’ont expliqué: Jésus parlait au moyen d’illustrations pour que ses adversaires ne puissent pas comprendre. En revanche, les gens sincères cherchaient à en savoir davantage et ils acquéraient donc plus de connaissance. C’est ce que j’ai constaté en lisant la Bible. Certaines parties sont très difficiles à comprendre, mais quand je pose des questions, je reçois généralement des réponses satisfaisantes.” “Vois-​tu, Oï, tu soulèves là un point intéressant. Le Créateur de l’homme et de la terre aurait pu facilement annoncer à grands fracas ce message depuis les cieux, en des termes si clairs et si simples que chaque homme aurait pu comprendre. Pourtant tu dis qu’il utilise la Bible, livre difficile qui exige des efforts de compréhension. Peux-​tu me dire pourquoi?”

“Eh bien, je pense que la Bible a été écrite pour toucher le cœur des gens. En fait, je me souviens d’avoir lu un jour que la Bible était comparée à une épée tranchante qui pénétrerait dans le cœur et en discernerait les pensées.” Kham l’interrompit: “Ainsi, une ferme conviction serait plus efficace qu’une preuve incontestable. La Bible agirait alors comme un aimant qui n’attirerait que les personnes sincères; les autres pourraient tergiverser si bon leur semble et révéler de cette manière ce qu’elles ont dans le cœur.” Oï se mit à rire: “Je suis de ton avis, Kham, mais je suis surprise de te voir déjà tirer ces conclusions alors que tu n’as jamais ouvert une Bible.” “Vois-​tu, Oï, j’ai remarqué que plus on réfléchit, plus on obtient de bons résultats. N’oublie pas que c’est ainsi que j’ai appris à faire des chariots. De toute façon, je n’ai pas encore de Bible, mais assurément j’ai maintenant une meilleure idée de ce que j’y trouverai quand je m’en procurerai une.

“Cependant, cela soulève une autre question: Pourquoi a-​t-​il fallu des siècles avant que les gens aient la possibilité de se procurer une Bible?” “Eh bien, tout d’abord, expliqua Oï, ceux à qui la Bible avait été confiée à l’origine se sont pervertis au fil des siècles; ils ont cessé de la répandre et ont même persécuté ceux qui s’efforçaient de la faire connaître.” “Dans quel but faisaient-​ils cela?” demanda Kham. “Voyons, répliqua Oï, pourquoi ton frère Tuen a-​t-​il enfoui les lettres de ton père dans un tiroir au lieu de laisser sa famille les lire?” “Je vois ce que tu veux dire: Il avait quelque chose à cacher, et ces lettres l’auraient dénoncé. Il a dérobé le nom ou la réputation de son père pour se faire lui-​même un nom.” “C’est exact, et c’est justement ce que les prétendus chrétiens ont fait avec Jéhovah, le nom de Dieu. Les lettres de Dieu dévoilent les faux enseignements répandus à son sujet et la mauvaise conduite de ceux qui se disent chrétiens tout en continuant à se battre et à se massacrer.” “C’est vrai, dit Kham, et je comprends pourquoi il faut absolument que je lise ces lettres.”

UNE DÉCOUVERTE

Une idée traversa alors l’esprit de Kham. Il se leva, se dirigea vers son bureau et se mit à fouiller dans les papiers rangés dans les tiroirs. Il trouva enfin ce qu’il cherchait: une petite brochure intitulée “Genèse”. Il l’agita devant Oï et demanda: “Est-​ce que ceci a un rapport avec la Bible?” “Certainement, s’exclama Oï. Où l’as-​tu trouvée? En fait, c’est la première lettre.” “Elle est dans mon bureau depuis quelque temps. Je ne sais plus où je l’ai eue”, répondit Kham, tout en s’asseyant pour la lire.

Après un long silence, Oï sursauta en entendant l’exclamation de Kham: “Mais dis donc, Oï, c’est merveilleux! C’est exactement ce que je cherchais. Cette brochure parle de la création.” Oï ne dit rien. Elle avait le vif désir de lui raconter tout ce qu’elle savait afin de l’encourager à étudier la Bible à ses côtés, mais elle n’ignorait pas que cette décision lui appartenait. Elle était au supplice, car elle mourait d’envie de lire cette lettre, elle aussi. Jusqu’alors elle n’avait pu lire que quelques versets dans la Bible que les jeunes filles lui avaient apportée. Cependant, elle continua à coudre, convaincue que Kham reprendrait la conversation quand il y serait disposé. En effet, c’est ce qu’il fit.

“Oï, es-​tu prête à répondre à quelques questions?” “Oui, bien sûr, mais n’oublie pas que je ne suis qu’une débutante.” “Bon, je suis en train de lire le récit concernant le premier homme et la première femme. Ils avaient reçu la permission de manger du fruit de tous les arbres du jardin d’Éden, à l’exception d’un seul, sinon ils mourraient. Peux-​tu m’expliquer pourquoi? Était-​il empoisonné?” Oï s’approcha de Kham et jeta un regard furtif à ce qu’il lisait. “Non, répondit-​elle, Dieu utilisait cet arbre comme un symbole. As-​tu remarqué qu’il est appelé ‘l’arbre de la connaissance du bon et du mauvais’? Il représentait une question d’ordre moral: L’homme était-​il prêt à accepter l’autorité ainsi que le droit de donner ou de reprendre que Dieu détenait en sa qualité de Créateur et de Propriétaire, ou bien était-​il décidé à faire et à prendre ce qu’il voulait? L’ordre régnait dans tout l’univers sous la direction divine. L’homme allait recevoir autorité sur les choses d’ici-bas afin que la terre devienne elle aussi un lieu où prévaut l’ordre sous la domination de Dieu, comme c’était le cas de ce jardin. Le premier homme et la première femme avaient donc une lourde responsabilité. Leurs actions et leur enseignement exerceraient une influence sur leurs enfants et, par conséquent, sur toute l’humanité. Ils étaient ainsi mis à l’épreuve pour savoir s’ils étaient moralement prêts à assumer ce rôle, s’ils allaient se montrer fidèles à leur propriétaire et chef suprême.”

Au bout d’un moment, Kham dit: “Je reconnais qu’il est impossible de bâtir une maison solide sur de mauvaises fondations. Or Dieu ne construisit pas une simple maison, mais un monde qui allait compter des milliards de personnes. La fidélité au propriétaire de la terre était donc indispensable. C’est justement ce qui ne va pas dans le monde! Personne ne fait preuve de fidélité envers qui est en droit de l’exiger. Je m’en rends compte et pourtant je commence seulement à croire en Dieu!” “Mais regarde, Kham, interrompit Oï, as-​tu remarqué ce qui est écrit ici? Le serpent, c’est-à-dire le Diable, dit à la femme: ‘Assurément vous ne mourrez pas, car Dieu sait que le jour même où vous en mangerez vos yeux s’ouvriront à coup sûr et que vous serez comme Dieu, connaissant le bon et le mauvais.’” Kham semblait étonné: “Je ne comprends pas ce passage.” “Eh bien, dit Oï, le Diable ne suggérait-​il pas à la femme que Dieu lui mentait à seule fin de la garder dans la soumission? N’insinuait-​il pas également qu’elle pourrait vivre indépendamment de Dieu et établir ses propres lois?”

“Un instant, Oï; tu parles du Diable, mais qui est-​il?” “Oh, excuse-​moi, j’aurais dû te l’expliquer, dit Oï. Avant de former les choses matérielles, Dieu créa les anges, des créatures spirituelles supérieures à l’homme en intelligence et en puissance. Comme l’homme, ils étaient dotés du libre arbitre et de la faculté d’imaginer. L’un de ces anges laissa son imagination errer au delà de ce que permettait la fidélité à Dieu. L’idée d’avoir une foule de personnes soumises à son pouvoir et à son influence lui parut agréable. Aussi incita-​t-​il la première femme à suivre sa direction en lui proposant de la libérer de Dieu”. “Ah! je comprends maintenant. Regarde ce qui est écrit ensuite: ‘Alors la femme vit que l’arbre était bon pour la nourriture, (...) oui, que l’arbre était désirable à regarder. Elle se mit donc à prendre de son fruit et à en manger.’ C’est très intéressant, elle a fait passer ses idées personnelles avant la parole de Dieu. Elle pensait être devenue capable de se diriger elle-​même, alors qu’en réalité elle se plaçait sous la mauvaise influence de Satan. Tu vois ce qui est arrivé par la suite: ‘L’homme aussi se mit à en manger et ils furent chassés du jardin de sorte qu’ils ne purent avoir accès à l’arbre de vie et obtenir la vie éternelle.’ À mon avis, ce fait est très révélateur. C’est une mise en garde contre l’indépendance intellectuelle, contre toute forme de pensée qui va à l’encontre de Dieu. En d’autres termes, cela montre qu’une religion fondée uniquement sur les pensées et les philosophies humaines ne peut conduire à la vie éternelle.”

Kham resta silencieux pendant un long moment; il réfléchissait à ce qu’il venait de lire. Il considérait maintenant sous un angle nouveau les causes du malheur et de la souffrance, et surtout il pouvait entrevoir une issue. Il songea alors au moment où il avait lu les lettres que son père avait envoyées. Au début, son cœur débordait de joie, mais par la suite il avait ressenti un vide plus grand encore. C’est comme s’il n’avait eu qu’un aperçu ou un avant-goût de quelque chose de très appétissant, le laissant dans l’attente d’une réalité indéfinissable, de réponses à des questions qu’il ne saurait formuler. Il se souvenait des années précédant son mariage, lorsqu’il était très malheureux. Il n’avait jamais songé au suicide, comme tant d’autres, mais la vie lui semblait vraiment triste, sans aucun espoir. Il avait lu, ou on lui avait dit, il ne savait plus, que cette vie et son cortège de malheurs n’étaient que le salaire des péchés commis dans une vie antérieure. Mais il ne comprenait pas pourquoi; cela lui paraissait injuste. Il ne se rappelait même pas les fautes qu’il avait commises au cours d’une vie précédente, et pourtant il en subissait le châtiment! C’était comme si on envoyait quelqu’un en prison sans lui dire quelle loi il a transgressée. Comment la justice pouvait-​elle imposer une punition si celle-ci n’était pas juste? Comment pouvait-​il éviter de commettre les mêmes péchés s’il ignorait leur nature? Tout cela l’avait plongé dans un sentiment d’impuissance et de désespoir, sans personne à qui il aurait pu demander de l’aide. Il comprenait maintenant à quoi il aspirait, ce qu’il cherchait: une aide, une direction. La lecture des lettres généreuses et encourageantes de son père l’en avait rendu plus conscient: il avait besoin d’aide. La lettre inspirée par Dieu qu’il venait de lire commençait à combler ce besoin. Il éprouvait un bonheur qu’il n’avait jamais connu auparavant, et ce bonheur pourrait durer toute la vie, sans jamais être perdu à cause de la maladie ou de la mort, si ces lettres venaient effectivement du Créateur.

“J’étais en train de réfléchir, dit Kham après un long silence, à ce que les jeunes filles t’ont dit, à savoir que l’homme a été créé pour vivre sur la terre. Après tout, ce que nous venons de lire confirme cette idée. Au fur et à mesure que la famille humaine se serait agrandie, le jardin originel aurait été étendu progressivement à toute la terre qui serait alors devenue un paradis. Le fait que le premier homme et la première femme furent chassés de ce parc semble démontrer qu’ils avaient perdu le privilège de vivre ne serait-​ce que temporairement dans cette partie parfaite, disons cultivée, de la terre, mais qu’ils reçurent la permission de vivre, pendant un temps limité, dans les régions incultes.” “C’est vrai, répondit Oï, ils furent chassés de la famille de Dieu et vécurent comme des résidents illégaux sur la terre. Mais, vois-​tu, il est dit ensuite qu’ils ‘eurent des enfants’. Comment Dieu allait-​il les considérer?” “Je pense qu’ils allaient être eux aussi des résidents illégaux comme Adam et Ève, répondit Kham, et qu’ils allaient être contaminés par l’attitude rebelle de leurs parents, bien qu’individuellement ils n’aient pas rejeté Dieu.” “C’est exact, reprit Oï, et Jéhovah, qui est un Dieu miséricordieux, a promis de fournir un moyen qui permettrait de faire disparaître la tare de ces enfants afin qu’ils puissent être réintégrés dans sa famille et que lui-​même redevienne leur Père.” “C’est donc ce que tu entendais par ‘trouver un Père’, Oï. Les hommes cesseront d’être des résidents illégaux et ils réintégreront la famille de Dieu.

“Trouve-​t-​on dans cette lettre quelques renseignements à ce sujet?” “Oui, mais c’est assez succinct. Il te faudra lire toutes les lettres avant de comprendre l’ensemble de ces dispositions. Regarde, Kham, ce qui est écrit ici: ‘Et grâce à ta postérité se béniront assurément toutes les nations de la terre, parce que tu as écouté ma voix.’” “‘Ta postérité’, qu’est-​ce que cela veut dire?” demanda Kham. “Ces paroles furent adressées à Abraham il y a environ 4 000 ans. Il est l’ancêtre des Arabes et des Juifs. Abraham s’est fait un nom grâce à sa foi et à son obéissance à Jéhovah. Il faudrait trop de temps pour t’expliquer le peu que je sais au sujet de la ‘postérité’, mais, d’après ce que j’ai compris, c’est le moyen qu’a prévu Jéhovah pour purifier les descendants d’Adam de leur péché et les préparer à devenir ses enfants.” “Alors, ils seront transférés de la jungle qu’est le présent monde dans le jardin de Dieu”, dit Kham. “C’est exactement cela”, reconnut Oï. “Hum, murmura Kham, la société humaine est une vraie jungle où chacun lutte pour soi. Il est vrai que quelques personnes s’efforcent sincèrement de faire le bien, mais leurs efforts sont en grande partie réduits à néant par un environnement impitoyable. Rien ne vaut un grand jardinier pour diriger tous les justes selon un modèle universel. Tu vois, Oï, il est de plus en plus évident que l’humanité a besoin d’un Chef suprême, accepté par tous, qui voit tout et qui agisse comme un Père. Lui seul aurait la possibilité de récompenser les bons. Quant aux malfaiteurs, il semble encore plus nécessaire de les placer sous l’autorité d’un père qui ne les laisse pas dominer ou même écraser ceux qui pratiquent le bien, comme c’est parfois le cas dans certains pays soumis à des dictatures tyranniques. Quel sera donc le sort des malfaiteurs récalcitrants, Oï? Que deviendront-​ils?”

“Ne penses-​tu pas qu’ils devraient disparaître?” répondit Oï. “C’est vrai, reprit Kham, aujourd’hui les hommes s’entre-tuent, tant au niveau individuel qu’à l’échelle nationale. Je pense que cela est mal. Mais le Créateur de la vie aurait tout à fait le droit de détruire ceux qui refusent de faire le bien. Quel est le père qui laisserait un chien enragé autour de sa maison au risque de le voir mordre ses enfants? Sans aucun doute, le rôle d’un père ne consiste pas simplement à mettre au monde des enfants, mais à veiller sur eux et à les protéger de ceux qui leur veulent du mal.” Oï l’interrompit alors: “Kham, si je t’ai bien compris, tout ce que tu viens de dire correspond exactement à ce que la Bible enseigne. Quand Jéhovah aura rassemblé toute sa famille sur son domaine, c’est-à-dire la terre entière, il continuera à prendre soin d’eux. En fait, le thème principal de la Bible est le Royaume de Dieu, et ce Royaume est précisément le moyen qui permettra de réaliser tout cela.”

Kham se tut un instant. Puis il regarda Oï et dit en pesant bien ses mots: “SI CE QUE TU DIS... EST VRAI... IL S’AGIT ALORS DE LA NOUVELLE LA PLUS MERVEILLEUSE... QUE L’HOMME AIT JAMAIS ENTENDUE. N’est-​ce pas ton avis, Oï?” “Tu sais que j’en suis convaincue, Kham. Tu t’en es rendu compte. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’autre jour tu m’as demandé ce qui avait contribué à une meilleure ambiance dans notre foyer. Elle n’était pas aussi bonne avant parce que j’en étais responsable, je le reconnais. Mais j’ai changé. Oui, depuis le jour où j’ai appris cette bonne nouvelle, j’ai commencé à espérer vraiment en un avenir meilleur et je considère dès maintenant la vie différemment.”

Kham se leva d’un bond et, regardant Oï bien en face tout en la prenant par les épaules, il lui dit avec enthousiasme: “Oï, si nous allions à la recherche de notre Père, tous les deux ensemble, tu veux bien?” Elle lui répondit par un sourire.

CHER LECTEUR,

Vous vous demandez certainement si Kham et Oï ont retrouvé leur Père. N’oubliez pas que l’un et l’autre sont des personnages imaginaires. En revanche, le Père, le Créateur, existe bel et bien, tout comme les questions qui ont été soulevées. Nous vous encourageons donc personnellement à rechercher votre Père. Vous connaîtrez alors un grand bonheur, car vous aurez trouvé la réponse aux questions les plus importantes concernant la vie, et la vôtre aura vraiment un sens.

Mais comment pouvez-​vous rechercher ce Père? Les Témoins de Jéhovah sont disposés à vous aider en étudiant gratuitement la Bible avec vous. Vous êtes donc invité à vous mettre en relation avec ceux qui vous ont laissé cette brochure ou à écrire directement aux éditeurs.

[Illustration, page 12]

Le cadeau d’un père à son fils.

[Illustration, page 13]

Le don d’un autre père à ses fils.

[Illustration, page 18]

Pourquoi les sucreries ne peuvent-​elles pas être comme cette productrice de miel — efficace, mais propre et très belle?

[Illustration, page 21]

Elle est bien supérieure à un hélicoptère.