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Taïwan

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“ILHA FORMOSA !”, ou “La belle île !” Telle a été l’exclamation des Portugais lorsque, au seizième siècle, ils ont aperçu pour la première fois de leurs caravelles cette île verdoyante. En fait, beaucoup de gens l’appellent encore Formose. Le voyageur moderne sera tout aussi favorablement impressionné en admirant pour la première fois cette île de 380 kilomètres de long sur 90 kilomètres de large, située au large de la Chine continentale, car depuis la côte jusqu’à la ligne de faîte de ses montagnes qui s’élèvent au-dessus de 3 900 mètres, elle est toujours revêtue d’un tapis vert. Bien que petite, — 35 961 kilomètres carrés, — Taïwan est le pays du monde où la densité de population est la plus élevée avec 400 habitants au kilomètre carré.

En raison de l’histoire très mouvementée de cette île, sa population est constituée de tribus venues de régions lointaines d’Asie. Des Malais sont venus s’installer ici, et les Amis, actuellement l’un des grands groupes ethniques de l’île, en sont les descendants. À la fin du dix-septième siècle, il y a eu un afflux de Chinois et Taïwan est devenue une province de l’immense Empire chinois. En 1895, l’île fut cédée au Japon victorieux et envahie par de nombreux immigrants de ce pays. Durant le demi-siècle de domination nippone, trois générations ont été instruites dans la langue japonaise qui devint le seul moyen de communication commun aux différents groupes linguistiques.

Trente-cinq ans après le commencement de ce régime autoritaire et du programme d’éducation japonais, quelques personnes sont venues à Taïwan pour effectuer une campagne d’instruction beaucoup plus importante. En 1927, la Société Watch Tower confia à un Américain d’origine japonaise le soin d’ouvrir une filiale au Japon. À cette époque-​là, Taïwan faisait partie du territoire dépendant de cette nouvelle filiale ; c’est donc tout naturellement qu’entre 1928 et 1930 le serviteur de cette filiale visita Taïpeh, la capitale de Taïwan, et donna des discours dans le Kokaido, la salle de conférences municipale. C’est à l’occasion de ces réunions qu’un jeune Japonais du nom de Saburo Ochiai comprit l’importance du message du Royaume et commença à étudier la Bible. Il augmenta ainsi sa connaissance et son zèle, tout en aidant un jeune Formosan à connaître le message biblique. Un peu plus tard, tous deux ont commencé à prêcher à leurs semblables en visitant le nord et le sud de l’île à partir de Taïpeh.

À Taichung, à environ deux cents kilomètres au sud de Taïpeh, Mme Miyo Idei, qui habitait encore plus au sud, rendait visite à un ami presbytérien quand frère Ochiai frappa à la porte de celui-ci. C’est là que Mme Idei vit pour la première fois plusieurs livres de la Société Watch Tower : La Harpe de Dieu et Création. Elle n’avait pas d’argent sur elle et son hôte ne manifesta aucun intérêt ; cependant, elle avait été très impressionnée par ces deux jeunes gens qui effectuaient leur œuvre avec beaucoup de zèle.

Au bout de deux ans, les jeunes gens arrivèrent à Chiayi, la ville de cette dame. Ayant appris que l’un d’eux se trouvait chez un médecin dans une ville voisine, elle lui fit savoir qu’elle aimerait le rencontrer. Peu après, les deux jeunes gens lui ont rendu visite, et elle a reconnu Ochiai. Il s’ensuivit une discussion sérieuse qui dura de 9 heures du matin à 4 heures de l’après-midi, avec seulement une brève pause pour prendre un repas très simple. Presque quarante ans après, Miyo Idei nous dit : “J’ai été étonnée de tout ce qu’on pouvait apprendre dans la Bible. Émerveillée par leur connaissance, je me souviens de leur avoir posé ces deux questions : ‘Si de telles choses extraordinaires doivent arriver, pourquoi les dirigeants du monde ignorent-​ils le Royaume de Dieu ?’ et : ‘Quand Harmaguédon viendra-​t-​il ?’”

D’autres entretiens ont suivi et quand ces proclamateurs zélés du Royaume ont pris congé de Mme Idei, ils lui ont laissé les livres Création, La Harpe de Dieu, Gouvernement, Prophétie, Lumière et Réconciliation. Ces ouvrages allaient être ses instructeurs et ses compagnons durant les années suivantes. Évidemment, à un certain moment elle a compris qu’elle devait prêcher à son tour. Elle a donc commandé 150 brochures à la Todaisha, la Société Watch Tower en japonais, et a commencé à les distribuer au début des années trente. Comme elle le relate elle-​même, son activité n’est pas passée inaperçue aux yeux des autorités ; elle dit : “Alors que je prêchais depuis quelques mois, l’arrestation du serviteur de filiale du Japon a été annoncée dans le journal. Les répercussions ont été immédiates, car lorsque j’ai revisité les personnes qui avaient accepté des publications, elles m’ont rapporté que des détectives étaient venus chez elles et les leur avaient confisquées. Puis, quatre détectives sont venus chez moi perquisitionner. Ils ont emporté tous nos livres et nos périodiques. L’un d’entre eux m’a interrogée au poste de police local. Toutefois, il a reconnu que je ne faisais rien de mal et m’a relâchée.”

Pendant ce temps, les frères Ochiai et Yeh Kuo Yin poursuivaient leur ministère vers le sud, franchissant les montagnes et suivant la vallée qui sépare deux chaînes de montagnes à l’est de l’île. Dans cette région, un Formosan nommé Tu Chin Teng, qui tenait une petite boutique d’écrivain public dans la ville de Kuan Shan, accepta spontanément le message et commença à le transmettre à ses semblables. Après leur retour au Japon, Ochiai et son compagnon ont correspondu pendant un temps avec les personnes bien disposées de Taïwan ; mais bientôt celles-ci ont été vraiment isolées. Tandis que les conditions mondiales empiraient et que le Japon intensifiait ses efforts pour conquérir la Chine, de grandes pressions ont été exercées sur les habitants de Taïwan pour les obliger à adorer l’empereur du Japon en tant que descendant direct du soleil, considéré comme une divinité.

Les “brebis” de Taïwan n’étaient pas oubliées. Dès qu’il y a eu un peu plus de liberté, deux ministres pionniers japonais se sont rendus à Taïpeh pour aider à relancer l’activité du Royaume dans l’île. Raüchi Oe et Yoshiuchi Kosaka ont informé les Idei de leur arrivée. Ceux-ci ont répondu aussitôt et joyeusement : ‘Nous vous en prions, venez !’ Le jour de décembre 1937 où les deux jeunes gens sont arrivés à Chiayi à bicyclette fut pour les Idei un événement inoubliable. Les garçons avaient parcouru les 230 kilomètres séparant Taïpeh de cette ville avec tous leurs biens empilés sur leurs vieilles bicyclettes. Une paire de baguettes dépassaient de la poche de leur chemise. “Pourquoi ces baguettes ?”, a demandé Mme Idei. Ils lui ont expliqué que durant leur voyage ils allaient manger dans des endroits où les repas étaient bon marché, mais que les baguettes qui y sont utilisées n’étaient pas très hygiéniques. Les deux jours d’étude biblique ont été suivis d’un événement joyeux : le baptême de frère et sœur Idei.

Quelques jours plus tard, les pionniers ont pris congé de leurs nouveaux frère et sœur et ont poursuivi leur périple à bicyclette autour de Taïwan. Ce voyage a dû être épuisant, car leurs bicyclettes étaient chargées de publications et d’affaires personnelles, et la route qui gravissait et descendait la montagne était en mauvais état et se réduisait souvent à une piste étroite. Dans une lettre adressée à sœur Idei, frère Oe lui a rapporté qu’il avait contacté quelques membres de la tribu des Amis manifestant de l’intérêt pour la vérité. Effectivement, en janvier 1938, Tu Chin Teng, l’écrivain public formosan et plusieurs membres de la tribu des Amis ont été baptisés par les deux pionniers.

Il semble que c’est à cette époque que deux témoins baptisés de la région de Taitung ont déménagé à Chiayi pour rejoindre les Idei. Ayant appris cela, les frères Oe et Kosaka sont retournés chez les Idei et y sont restés pendant environ dix jours pour les aider ; après quoi ils ont poursuivi leur voyage jusqu’à Taïpeh pour continuer à s’occuper d’un petit dépôt de publications que la Société possédait dans cette ville. L’œuvre du Royaume semblait avoir un fondement solide dans trois endroits de Taïwan : à Taïpeh, à Chiayi et dans le département de Taitung. Mais des difficultés se préparaient.

OPPOSITION IMMÉDIATE

Dans la ville de Kuan Shan, outre frère Tu Chin Teng, il y avait un autre écrivain public nommé Lin Tien Ting. Les gens nouvellement intéressés à la Bible faisaient appel aux services du frère plutôt qu’à ceux de l’autre écrivain. Pour cette raison et pour d’autres, Lin Tien Ting ferma sa boutique et accepta un emploi dans la police. Dès qu’il fut bien établi, il se lança dans une campagne d’intimidation contre les frères. Par rancune, il les accusa de mépriser l’empereur et de refuser de se conformer aux exigences du culte devant les autels shintoïstes. Il prétendit aussi que les frères organisaient des baptêmes pour lesquels les candidats se présentaient nus et qu’ils pratiquaient l’adultère. Cela aboutit à l’arrestation de quelques frères et sœurs. Toutefois, ayant appris ce qui se passait, frère Oe s’est empressé de venir à Kuan Shan et a obtenu la libération des frères.

Pendant ce temps, la vague de nationalisme et d’intolérance devenait de plus en plus forte. Il a été jugé plus sage de fermer le petit dépôt de publications de Taïpeh et de s’installer, à Hsinchu, une ville plus petite située à quarante-cinq kilomètres plus au sud. En avril 1939, ce transfert venant à peine d’être effectué, les frères Oe et Kosaka ont été arrêtés. Une campagne était déclenchée pour éliminer les témoins de Taïwan. Le 21 juin à minuit, frère et sœur Idei ont également été arrêtés. Frère Idei a été gardé en prison avec un autre frère jusqu’au mois d’octobre, mais sa femme a été relâchée après une nuit passée en prison, principalement parce qu’elle était institutrice. Toutefois, bien qu’elle n’eût aucun autre moyen de subsistance, elle quitta l’enseignement, car en sa qualité de chrétienne elle ne pouvait enseigner des mythes shintoïstes et faire de la propagande nationaliste comme on le lui avait ordonné.

Quand son mari a finalement été libéré, tous deux sont allés à Taïpeh dans l’espoir de jouir d’une plus grande liberté pour adorer Jéhovah. Évidemment, ils se faisaient du souci à propos des frères Oe et Kosaka. Après réflexion, ils ont décidé que sœur Idei, qui était originaire de la même région du Japon que frère Oe, essaierait de lui rendre visite en prison pour porter aux prisonniers des vêtements, des fruits et des friandises, afin d’améliorer leur sort. On ne lui a pas accordé la permission de voir frère Oe, mais on lui a dit qu’on ferait parvenir aux deux jeunes gens les choses qu’elle avait apportées. Tandis que sœur Idei était raccompagnée par un gardien, le bruit de ses geta (sandales de bois) résonnait dans le couloir humide. Il y avait un mur de béton derrière la grille de chaque cellule, afin qu’on ne puisse voir l’intérieur de celle-ci. Alors qu’ils approchaient de la grille du quartier où se trouvait frère Oe, un visage est apparu entre le mur et la grille. C’était frère Oe, un balai dans une main et une pelle à poussière dans l’autre. Sœur Idei se précipita vers lui et lui saisit les mains à travers la grille métallique. Bien que leur rencontre ait été interdite, Jéhovah les avait réunis !

En automne 1940, les deux frères ont été transférés à la prison pour mineurs de Hsinchu où il leur a été accordé une plus grande liberté. De ce fait, sœur Idei a pu les visiter souvent. En octobre 1941, ils ont été transférés à la prison de Taïpeh, ce qui laissait entendre qu’ils ne seraient pas relâchés avant longtemps. Sœur Idei a continué de s’occuper d’eux. Elle a décidé d’essayer de les visiter bien qu’ils aient été transférés à Taïpeh et qu’elle n’eût que peu de chances d’obtenir l’autorisation nécessaire. À sa grande surprise, les autorités se sont montrées conciliantes et elle a pu parler à frère Kosaka à travers une fenêtre grillagée. Au premier regard, elle s’est rendu compte qu’il était atteint de tuberculose et que la maladie avait déjà beaucoup évolué. Comme elle le rapporte maintenant, elle a eu l’impression de voir “un visage blanc comme un linge et des lèvres aussi rouges que des fraises fraîches”.

Ensuite, ce fut le tour de frère Oe ; sœur Idei nous relate : “Avec un large sourire et d’une voix assurée, il m’a dit : ‘C’est une excellente prison, où il n’y a ni punaises ni poux. En payant, on peut obtenir un matelas, des nouilles, une bonne nourriture et même une villa personnelle.’ Le gardien a éclaté de rire. Je n’ai jamais oublié cette entrevue dans la prison, car elle m’a donné l’assurance que frère Oe ne renoncerait jamais et qu’il avait pris le dessus sur ses gardiens. Ce fut ma dernière entrevue avec lui.” Dix jours après, dans la nuit du 30 novembre, les Idei ont été arrêtés à leur tour. Environ deux mois plus tard, sœur Idei a appris que l’un des prisonniers était mort de la tuberculose. Il s’agissait sans doute de frère Kosaka. À la fin de la guerre, quand tous les prisonniers ont été libérés, elle a écrit dans plusieurs prisons pour savoir ce qu’était devenu frère Oe, mais en vain. Après de nouvelles recherches, elle est arrivée à la conclusion qu’il avait été tué. Ayant appris la bonne nouvelle du Royaume de Dieu au Japon alors qu’il n’avait que dix-sept ans, ce frère a véritablement combattu un excellent combat et a achevé sa course vers 1945.

Depuis sa libération en août 1942 jusqu’au moment où Taïwan est retombée sous la coupe des Chinois, après la Seconde Guerre mondiale, sœur Idei n’a eu aucun contact avec le peuple de Jéhovah et n’a pu obtenir aucune publication. Comment a-​t-​elle maintenu sa foi solide ? “Ma Bible, explique-​t-​elle, ne me quittait jamais. Dès ma libération j’en ai acheté un exemplaire dans une bouquinerie. Quelle bénédiction ! Le récit encourageant des actes des apôtres et de leurs souffrances en prison m’a réellement fortifiée. De plus, Jéhovah était toujours avec moi pour me soutenir.”

Pendant ce temps, dans la partie orientale de l’île, il n’y avait aucun répit dans les difficultés suscitées avec méchanceté par Lin Tien Ting. L’interdiction de l’œuvre au Japon et à Taïpeh en 1939 provoqua une opposition plus violente encore. La police et le gouvernement forcèrent les frères à effectuer de durs travaux. En une certaine occasion, une fête fut organisée à Ta Pi, dans la commune de Chih Shang. Le plat principal était de la viande du buffle qui avait été dérobé à un témoin. Cette perte était comparable à celle d’un tracteur pour un cultivateur de l’Occident. Plusieurs frères ont été déshabillés et battus sans pitié avec des tiges de bambou. Au moins deux sœurs ont été dévêtues et jetées à terre ; après quoi les policiers leur ont enfoncé des tiges de bambou effilées dans les parties intimes. L’un de ces témoins maltraités est encore en vie et, bien que très âgé, adore toujours fidèlement Jéhovah.

Dans un village de la commune de Chih Shang, un camp a été installé pour servir de centre de propagande et de lavage de cerveau. La cible était l’esprit des jeunes gens de la région. Par groupes de 500, ils ont été obligés de subir ce stage qui comprenait des exercices militaires et des rites shintoïstes. Tous, sauf les frères les plus forts, ont succombé à ce traitement. Dans le même temps, des rumeurs se sont répandues selon lesquelles certains des frères ayant des positions de responsabilité avaient fait des compromis, ce qui provoqua une grande confusion.

En 1945, l’île étant passée de la domination japonaise à celle des Chinois, les frères espéraient bénéficier d’une certaine accalmie. Après tout, le gouvernement nationaliste chinois était un des membres fondateur de l’Organisation des Nations unies. Les frères se sont donc efforcés de faire de nouveau progresser l’œuvre et le vrai culte. Toutefois, en raison des incertitudes provoquées par cette période transitoire, les fonctionnaires locaux ont reçu une plus grande autorité et la plupart d’entre eux ont continué à traiter les témoins avec autant d’injustice. Les frères devaient se réunir clandestinement dans des endroits isolés ; ils quittaient leur maison tôt le matin avec une houe sur l’épaule comme pour aller dans les champs et revenaient le soir de la même manière. Ces réunions duraient la plus grande partie de la journée, et des frères faisaient le guet pour avertir leurs compagnons lorsque quelqu’un approchait.

Dans le même temps, l’ennemi Lin Tien Ting complotait pour faire de nouveau interdire l’œuvre. On utilisa les dossiers qui avaient été réunis par la police japonaise pour inciter les fonctionnaires chinois à intervenir contre les adorateurs de Jéhovah. On intercepta et confisqua leur courrier, si bien que les frères ne reçurent aucune réponse malgré leurs efforts répétés pour entrer en contact avec la Société, que ce soit à l’ancienne adresse japonaise ou à celle des États-Unis. Au début d’octobre 1946, une réunion spéciale fut organisée à Chih Shang dans l’intention de mettre fin à l’activité des témoins. Neuf policiers et fonctionnaires étaient présents, ainsi qu’environ 300 témoins. On ne donna pas à ces derniers l’occasion de répondre aux infâmes accusations portées contre le peuple de Jéhovah. Cependant, plus tard dans la soirée, certains frères assumant des responsabilités eurent la possibilité de présenter les faits aux fonctionnaires, et il en résulta une certaine accalmie.

Le gouvernement nationaliste prit des mesures permettant de lui révéler la corruption et l’injustice de ses fonctionnaires. C’était l’occasion qu’attendaient les frères pour accuser l’officier de police Lin Tien Ting. En janvier 1947, celui-ci fut déclaré coupable par les tribunaux hualiens, mais le répit qui en résulta ne dura pas longtemps, car Lin Tien Ting, profitant d’une amnistie, fut relâché et reçut de l’avancement dans la police. Il se montra plus farouche que jamais dans son opposition à l’œuvre du Royaume.

On continua à faire des efforts pour répondre aux fausses accusations portées contre les témoins et pour inciter les autorités à lever l’interdiction. En 1947, un juge de Taitung reconnut que les témoins devaient bénéficier de la liberté de culte, mais il transmit l’affaire à Taïpeh, la capitale. Les frères et sœurs continuaient d’être harcelés ; ils étaient arrêtés et gardés en prison pendant une semaine ou plus ; après quoi ils étaient relâchés sans avoir jamais été déférés au tribunal. En même temps, les frères se souciaient de faire parvenir la “bonne nouvelle” à un plus grand nombre de gens parmi la tribu des Amis. En premier lieu, on instruisit à l’aide du livre La Harpe de Dieu un groupe de frères qui furent envoyés deux par deux pour en enseigner d’autres.

L’AIDE DE LA FILIALE DE CHINE

En 1947, un témoin de Changhaï était venu à Hsinchu, à Taïwan, pour occuper un poste dans l’enseignement. Il y rencontra les Idei qui lui parlèrent des frères amis isolés dans la partie orientale de l’île. Il transmit ces renseignements à Stanley Jones, le nouveau serviteur de la filiale de Changhaï, qui venait d’arriver en Chine avec son compagnon. La Société prit des dispositions pour que frère Jones visite Taïwan. En avril 1948, quand il est arrivé à l’aéroport, il a été accueilli par frère Idei et un autre frère chinois. Impatient de visiter la tribu des Amis, frère Jones décida de prendre le train pour aller à Taïnan, à 300 kilomètres au sud de Taïpeh. Cela était nécessaire, car la route la plus courte pour atteindre la côte orientale était coupée par des inondations. De ce fait, frère Jones suivit la route que les frères Oe et Kosaka avaient empruntée presque dix ans auparavant.

Il interrompit son voyage pour rester quelque temps chez sœur Idei qui vivait alors à la campagne, entre Taïnan et Kaohsiung. Étant arrivé à Taitung, frère Jones se présenta à la police qui lui confirma la permission de tenir des réunions avec les Amis. Après trois heures de train et de nombreux arrêts, les voyageurs arrivèrent à Chih Shang. Comme les frères étaient heureux de rencontrer pour la première fois un frère de l’Occident ! Certains d’entre eux avaient parcouru quarante-cinq kilomètres à pied pour cette occasion. Dans ses discours prononcés devant 600 personnes, frère Jones s’efforça de les aider à connaître l’organisation mondiale des témoins et à comprendre la façon de procéder du bureau central et le rôle joué par les filiales pour servir les intérêts spirituels des frères. Il leur parla aussi des grandes assemblées internationales, et il y eut beaucoup d’animation parmi l’assistance lorsqu’il montra des photographies de certains de ces congrès. À cette époque-​là, un grand nombre de ceux qui étudiaient les vérités bibliques étaient prêts à faire l’offrande de leur personne à Jéhovah ; c’est pourquoi 261 candidats ont été baptisés en une seule journée.

Frère Jones profita aussi de cette occasion pour montrer aux frères comment diriger les réunions, comment effectuer l’œuvre de prédication et comment faire le rapport des heures passées dans le service du champ, de leurs nouvelles visites et de leurs études bibliques. Les frères devaient envoyer leurs rapports à Hsinchu, d’où ils seraient transmis à Changhaï pour être inclus dans le rapport de la filiale de Chine.

Bien que le serviteur de filiale ait rencontré les autorités de Taïpeh et ait reçu l’assurance que les frères pouvaient pratiquer leur culte en toute liberté, les rapports qu’il a reçus après son retour à Changhaï indiquaient que la situation des frères amis ne s’était pas améliorée. La police ne cessait de les harceler en insistant sur le fait que leur œuvre devait être enregistrée auprès du gouvernement central avant qu’ils puissent tenir leurs réunions. Quoi qu’il en soit, la visite de frère Jones produisit un certain résultat puisque en août 1948 la filiale de Chine reçut des rapports d’activité de soixante-six proclamateurs de Taïwan.

À la fin de 1948, frère Jones se rendit de nouveau à Taïpeh. Cette fois, avec l’aide d’un médecin chinois venu de Changhaï, il s’efforça d’expliquer la véritable nature de notre activité aux divers fonctionnaires du gouvernement. Il désirait que le Commissaire des affaires civiles prenne une mesure précise en rédigeant une lettre concernant le statut des frères et leur droit d’effectuer l’œuvre du Royaume. À son retour à Changhaï, frère Jones reçut une lettre du Commissaire, mais elle ne contenait qu’un permis l’autorisant à voyager dans toute l’île de Taïwan et à y prêcher librement. Elle ne prévoyait aucune garantie ni aucune liberté pour les frères locaux. Quelle déception !

Cependant, malgré les difficultés, le message du Royaume commençait à se répandre parmi les habitants de la montagne, car certains cherchaient quelque chose de plus satisfaisant que le culte superstitieux de la lune. La plupart d’entre eux menaient encore une vie très primitive et étaient influencés par le démonisme, bien que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale il n’y eût plus de chasseurs de têtes. À huit heures de marche de la gare la plus proche, celle de Hai Tuan, vivait une femme récemment mariée, connue sous le nom de Takako de la tribu Bunun. À l’occasion de l’une de ses rares visites à Hai Tuan, Takako se procura une Bible. La lecture de ce livre l’incita à abandonner quelques-unes de ses pratiques superstitieuses. Elle rencontra l’opposition de son mari qui la répudia et la chassa du village, elle et son bébé d’un an, avec pour tout bien les vêtements qu’elle portait. Elle alla vivre chez des amis et continua à lire la Bible et à faire part aux autres de tout ce qu’elle apprenait.

Vers le mois de mars 1950, son mari étant venu à Hai Tuan pour habiter près du lieu de son nouveau travail, les deux conjoints furent réunis. Tous deux eurent désormais plus de facilité pour étudier la Bible et apprendre les desseins de Jéhovah. Ensemble, ils commencèrent à assister aux réunions clandestines, ce qui les obligeait souvent à marcher pendant deux heures pour s’y rendre. En une certaine occasion, ils furent arrêtés et fouillés par des policiers qui trouvèrent la Bible du mari ; celle de Takako était cachée dans les couches de son petit enfant. À partir de ce faible commencement, de petits groupes de personnes bien disposées appartenant à la même tribu que Takako se sont formés dans plusieurs villages. Le 13 mai 1953, Takako a été baptisée et en 1957 elle a reçu une formation de trois mois et a été nommée pionnier spécial. Grâce à son activité zélée, quelque soixante personnes de divers villages bunun ont accepté le message du Royaume.

Dans les années 1940, un membre de la tribu des Amis travaillant dans le territoire de la tribu Païwan, à proximité de la pointe méridionale de l’île, se procura un exemplaire de La Tour de Garde en japonais. Il apprécia cette lecture et demanda d’autres exemplaires. Il partagea la vérité qu’il venait de découvrir avec d’autres membres de la tribu Païwan, ses compagnons de travail. De la même façon, d’autres tribus, comme celles des Taiyal, des Lukaï et des Puma ont entendu parler de la bonne nouvelle.

ARRIVÉE DE MISSIONNAIRES DE GALAAD

Venant de Changhaï, deux missionnaires diplômés de la onzième classe de Galaad sont arrivés au port de Chilung le 2 février 1949. Ils ont été accueillis par un frère chinois et deux ou trois frères amis. Après avoir séjourné quelque temps chez les Idei à Hsinchu, ils se sont rendus dans le territoire des Amis. Quel changement ! Ni douche, ni électricité, ni lit à l’occidentale ! Il leur fallait vivre dans une maison de conception amie avec la terre battue pour plancher, un toit de chaume et une sorte de plate-forme surélevée comme lit. Un coin de la porcherie servait de cabinet. Ils étaient là pour aider leurs frères. C’était cela qui comptait.

À Chih Shang, on leur a dit qu’il n’y avait pas 300, mais 600 personnes qui s’intéressaient au message. Ils ont donc décidé de visiter tous les villages habités par ces gens. Les frères locaux se sont servis de plusieurs “messagers” pour communiquer la bonne nouvelle aux divers groupes. Elle fut transmise, car ce ne sont pas 300 ni 600, mais 1 600 personnes qui ont répondu à l’invitation. Heureusement, ces deux missionnaires, frère McGrath et frère Charles, avaient suivi un bref cours de japonais à Galaad. À l’aide d’une Bible et d’un dictionnaire japonais, ils ont pu donner à ces personnes bien disposées quelques renseignements sur l’organisation de Dieu. Leurs discours ont été traduits en langue amie pour ceux qui ne comprenaient pas le japonais. Ils se sont rendu compte que les nouveaux frères avaient besoin d’une étude systématique de la Bible pour parvenir à la maturité.

Ils ont donc décidé d’étudier avec eux un sujet à la fois et ont choisi comme livre de base “Que Dieu soit reconnu pour vrai !”. Il leur a fallu cinq jours d’étude et de préparation patientes avant d’être prêts à instruire les frères réunis. Les “messagers” indiquaient aux intéressés où et quand ils devaient se réunir. Frère McGrath se rendait dans une direction et frère Charles dans une autre. Dans chaque village, ils passaient huit heures ou plus à instruire les frères en procédant par questions et réponses. Le soir, ils se détendaient en leur compagnie.

Les frères locaux avaient besoin de cette formation. Ils étaient sincères, mais leur intelligence du message biblique comportait évidemment de nombreuses lacunes. Par exemple, les missionnaires ont remarqué que les sœurs manquaient de temps à autre les réunions. S’étant renseignés, ils ont appris que les prescriptions de la Loi mosaïque concernant la période de menstruation des femmes étaient encore appliquées. Il avait été dit aux sœurs de ne pas assister aux réunions durant cette période. Les missionnaires ont donc aidé tous ces frères et sœurs à comprendre que les chrétiens ne sont plus “sous la Loi mais sous la bonté imméritée”.

Frère McGrath s’est rendu souvent dans la capitale, afin d’obtenir la reconnaissance de l’œuvre du Royaume dans le pays. Pendant ce temps, frère Charles a décidé de faire un peu de prédication de maison en maison à Kuan Shan. Dès que les frères l’ont appris, ils ont exprimé le désir de se joindre à lui. Finalement, 140 d’entre eux ont désiré participer au ministère du champ pour la première fois, même si cela risquait de les conduire en prison. Ils ont été répartis en deux groupes qui ont pris deux directions opposées, afin de parcourir le territoire des Amis en décrivant un cercle et de se retrouver sur la côte orientale de Chih Shang. Ils ont emporté du riz qui constituait leur principale nourriture. Ils dormaient dans les villages où ils passaient. Avant de pénétrer dans un village, ils tenaient une réunion de service afin d’être prêts à surmonter les objections résultant de la principale religion de l’endroit. Ensuite ils commençaient leur activité. Ayant achevé de parcourir tout le territoire le long de la côte, ils n’ont toujours pas rencontré l’autre groupe. Ils avaient pourtant marché pendant deux semaines !

La partie la plus difficile de leur voyage restait encore à faire. Ils devaient maintenant franchir la chaîne montagneuse qui les séparait de la vallée où ils habitaient. Les montagnes de Taïwan sont escarpées, mais, ce qui est pire, la pluie avait rendu les chemins de terre argileuse très glissants. La piste descendait en serpentant jusqu’au pied d’une falaise. Le moindre faux pas signifiait une chute de 200 mètres ! Les chaussures à semelle de caoutchouc de frère Charles étaient dangereuses. Les frères lui ont donc prêté leurs souliers à semelle très crantée. Ils se sont donné la main et, en faisant plus d’une prière, ils sont arrivés sains et saufs en bas de la falaise. Combien ils étaient reconnaissants à Jéhovah lorsque, après leur long périple, ils ont finalement retrouvé l’autre groupe ! Toutefois, il y avait de mauvaises nouvelles. Plusieurs membres de ce groupe avaient été arrêtés. Quelques jours plus tard, il y a eu d’autres arrestations, et tous les efforts pour obtenir la libération des frères sont restés vains.

Dans le même temps, frère McGrath s’est entendu dire qu’une lettre avait été envoyée au magistrat de Taitung pour ordonner à la police de cesser ses interventions auprès des frères et de leur accorder la protection lorsqu’ils voyageaient de village en village pour transmettre leur message. Toutefois, le magistrat nia l’existence d’une telle lettre et, sur la base de fausses accusations, prétendit que les témoins étaient communistes. Mais l’œuvre se poursuivait malgré ce lourd handicap.

Puis, les difficultés se sont succédé très rapidement. Frère Charles a attrapé la jaunisse. Ensuite, quand il lui a fallu demander le renouvellement de son permis de séjour, la police a refusé de lui rendre l’ancien ou de lui en accorder un nouveau. Comme il était sujet britannique, sa situation était très précaire, car le gouvernement britannique, qui avait reconnu le régime de la Chine continentale, était très antipathique au gouvernement de Taïpeh. Comprenant que son séjour dans l’île allait être écourté, frère Charles a convoqué tous les frères responsables pour une réunion à Chih Shang. Pendant quatre jours, il a parlé avec eux des exigences de l’organisation chrétienne. Ses auditeurs ont été exhortés à suivre ces instructions, à étudier la Bible et à compter sur la direction de Jéhovah. Ensuite, le missionnaire a pris congé de ses frères pour lesquels il avait développé un amour très profond. Il a passé quelques jours de convalescence chez sœur Idei à Hsinchu puis il s’est rendu au consulat britannique à Tansui. Frère McGrath et lui logeaient dans un petit hôtel. Frère McGrath avait contracté la malaria. Frère Charles a décidé de sortir et de faire un peu de prédication dans Taïpeh ; il a pu ainsi obtenir des médicaments et de la nourriture pour frère McGrath. En temps voulu, ils ont jugé préférable de partir pour Hong-Kong plutôt que d’attendre d’être officiellement expulsés de Taïwan. Avec tristesse, ils ont fait des signes d’adieu au groupe de frères amis qui avaient fait le trajet de Chilung pour assister à leur départ. Ces deux frères étaient restés à Taïwan à peine plus d’un an.

EFFORTS POUR OBTENIR LA RECONNAISSANCE LÉGALE

Étant donné l’évolution de la situation, la Société décida de placer de nouveau Taïwan sous la direction de la filiale du Japon. Le 3 avril 1951, un missionnaire de ce pays, frère Tohara, s’est donc rendu dans l’île pour préparer la visite de frère Knorr, président de la Société. Les frères Knorr et Henschel ont tenu plusieurs réunions dans des salles d’hôtel avec des frères représentant les groupes des Amis et de Hsinchu. Lorsque frère Knorr est parti pour le Japon, frère Henschel est resté avec frère Tohara dans l’intention de rencontrer quelques fonctionnaires du gouvernement. Des dispositions ont été prises avec le colonel Cheng Yi Kuan, du Bureau des affaires étrangères, administration provinciale de police de Taïwan, pour envoyer dans l’île un représentant de la Société, afin de faire la vérité sur les accusations selon lesquelles les témoins se livraient à des pratiques immorales et encourageaient la subversion. Donald Steele, qui avait été évacué au Japon après avoir quitté la Corée ravagée par la guerre, a été désigné pour effectuer cette enquête ; mais les autorités chinoises ont refusé catégoriquement sa demande de visa.

La structure du gouvernement de Taïwan rendait particulièrement difficile l’enregistrement légal de l’œuvre de la Société. Le gouvernement central était censé détenir le contrôle absolu, mais pour ce qui était des questions civiles, celui-ci était en réalité entre les mains des gouvernements provinciaux, certains pouvoirs étant même délégués aux fonctionnaires départementaux. Les demandes présentées au gouvernement étaient donc souvent renvoyées d’une administration à une autre sans résultats satisfaisants.

En 1952, la Société envoya frère Lloyd Barry à Taïwan. Il voyagea dans différentes régions de l’île et, comme il parlait le japonais, il put s’adresser directement aux frères. Il rendit visite aux Idei à Hsinchu, ainsi qu’à un couple bien disposé dans le département de Pingtung, beaucoup plus au sud. Il rencontra aussi les frères de la côte orientale et leur donna beaucoup d’encouragements. Durant son séjour, il fit les démarches nécessaires pour obtenir l’enregistrement d’une filiale locale de l’Association internationale des Étudiants de la Bible. En attendant certains documents indispensables qui devaient lui être envoyés de Brooklyn, il eut l’occasion de rencontrer quelques personnes influentes. Voici ce qu’il nous rapporte :

“Un matin, alors que je prenais mon petit déjeuner au Grand Hôtel de Taïpeh, un Américain d’un certain âge me demanda poliment s’il pouvait s’asseoir à ma table. Il me posa aussitôt cette question : ‘Qu’est-​ce qui vous amène à Taïwan ?’ Après que je lui eus répondu franchement que j’étais témoin de Jéhovah, il se leva et, me serrant la main vigoureusement, déclara : ‘Je viens justement d’écrire un chapitre de l’un de mes livres sur les témoins de Jéhovah.’” Il s’agissait du Dr C. Braden, professeur de religions orientales à l’université Northwestern, aux États-Unis. Ses recherches sur les témoins l’avaient amené à développer un profond respect pour eux et pour leur enseignement. Il se trouvait à Taïwan en qualité d’invité personnel du gouverneur Wu, la personnalité que frère Barry désirait précisément rencontrer. À la suite de cette rencontre, un entretien d’une demi-heure avec le gouverneur Wu fut accordé à frère Barry. Il n’en sortit aucun résultat tangible, bien que les tortures physiques des témoins de Jéhovah aient été moins nombreuses.

Par la suite, il s’avéra que le gouverneur Wu lui-​même était dans une large mesure à l’origine des nombreuses injustices dont le peuple de Jéhovah était victime. C’est ce que confirme un article du China Post du 5 juin 1971, qui cite un extrait du livre Le christianisme à Taïwan (angl.) de feu le Dr Hollingworth K. Tong ; on peut y lire ceci : “Le Dr K. C. Wu, alors gouverneur de Taïwan, se renseigna auprès de chefs religieux en qui il avait confiance sur les témoins et leurs buts. Ils lui dirent que cette secte avait provoqué de grandes difficultés aux États-Unis et au Canada, et que 20 de leurs missionnaires avaient été expulsés de Russie où ils préconisaient le renversement du gouvernement soviétique.” Les chefs religieux de la chrétienté à Taïwan sont donc directement accusés d’avoir été à l’origine des brutalités subies par les frères.

En 1952, une période de sécheresse plongea les frères dans une situation pitoyable. La plupart d’entre eux n’avaient que très peu de vêtements. Aussitôt, les frères de New York leur ont envoyé du secours. La distribution de ces dons rendit un puissant témoignage devant les autorités locales et démontra aux frères de ce pays que leurs compagnons vivant au-delà des mers avaient un profond amour pour eux. Puis, en 1955, frère Barry reçut l’autorisation de projeter le film “La Société du Monde Nouveau en action” sur tout le territoire de Taïwan durant les trois années suivantes. Hualien était la ville alimentée en électricité la plus proche du territoire des Amis. C’est donc là, après que la police eut aidé frère Barry à trouver une salle d’école, que le film fut projeté devant plusieurs groupes d’assistants en quatre soirées différentes. Au total, 2 865 frères et personnes bien disposées ont assisté avec joie à cette projection, et la plupart d’entre eux voyaient un film pour la première fois. Le commentaire fut traduit en langue amie, afin que tous les assistants comprennent clairement ce qui était dit à propos de l’organisation et de leurs nombreux frères.

À son retour au Japon, frère Barry fut très heureux d’apprendre que le 23 mars 1955 l’interdiction qui pesait depuis longtemps sur les activités des témoins de Jéhovah avait été levée. L’Association internationale des Étudiants de la Bible était légalement reconnue. Les 1 782 frères pouvaient donc se réunir librement et prêcher publiquement. Ces réunions devaient néanmoins remplir certaines conditions dont celle d’être organisées dans des locaux enregistrés officiellement. Les frères ont donc commencé aussitôt à construire leurs Salles du Royaume. Il était également exigé que les réunions soient tenues en chinois et non pas en japonais. On a donc rapidement organisé des cours pour permettre aux frères d’apprendre le chinois.

Entre-temps, l’œuvre avait commencé à se développer parmi la population d’expression chinoise. En 1951, Marion Liang, dont la famille s’était enfuie de la Chine continentale en 1949 et réfugiée à Hong-Kong, assista pour la première fois à une assemblée des témoins de Jéhovah. Elle entendit frère Knorr prononcer le discours “Proclamez la liberté dans tout le pays”. Elle quitta Hong-Kong pour aller suivre les cours de l’université nationale de Taïwan ; mais elle ne trouva aucun témoin. Toutefois, elle progressa dans la connaissance biblique et, en 1952, lorsqu’elle revint à Hong-Kong pour y passer ses vacances, elle fut baptisée. Elle retourna ensuite à Taïwan. C’est à ce moment-​là que le seul témoin de Taïwan parlant le chinois mandarin attendait à Chilung l’arrivée de deux nouveaux missionnaires venant de New York : frère et sœur Halbrook. Frère Barry était également là pour les accueillir. Une petite maison de missionnaires fut ouverte à Taïpeh, sur la route nord de Chung Shan, deuxième section. Pour les nouveaux venus, l’activité de maison en maison entreprise dès le lendemain en compagnie de frère Barry et de sœur Liang fut une expérience tout à fait nouvelle. Ils emportaient quelques brochures en chinois, mais au début ils se sont efforcés de trouver des personnes parlant l’anglais, afin de pouvoir commencer rapidement des études. Sœur Liang accepta de consacrer deux heures quotidiennes pendant trois jours de la semaine pour les aider à préparer des sermons et des études bibliques en chinois.

Les Halbrook n’étaient pas les seuls à se débattre avec le chinois. À Taïpeh, les frères amis, qui avaient été instruits sous le régime japonais, étaient maintenant impatients d’apprendre la langue chinoise, afin de pouvoir remplir les conditions requises par le gouvernement pour tenir les réunions. Un groupe d’étude biblique en chinois fut organisé dans la maison des missionnaires, et un certain nombre de jeunes proclamateurs amis ainsi que d’autres personnes bien disposées s’y sont joints. Lin Kao Ho, un jeune frère ami, progressa au point de devenir plus tard un serviteur de circonscription et un traducteur très capable.

Trois mois après l’arrivée de ces missionnaires, se produisit un événement très important dans l’histoire de l’œuvre du Royaume sur cette île. Frère Knorr est revenu, afin de réaliser sa promesse d’organiser une assemblée pour les frères et sœurs amis. Lorsque le président de la Société, accompagné des frères Barry et Adams, est arrivé à Taïpeh, il a décidé de prendre très tôt le matin un avion qui l’a conduit à Hualien ; là, il a pris le train pour faire les soixante kilomètres menant à Fu Yuan. Une surprise attendait ces frères. Les proclamateurs s’étaient souvenus dans les moindres détails des films de la Société et avaient organisé tous les services nécessaires à une assemblée. Pour les baptêmes, ils avaient creusé une piscine de dix mètres de long sur quatre mètres cinquante de large, qu’ils avaient revêtue de pierres. Ils avaient détourné le cours d’une petite rivière pour alimenter la piscine, ce qui permit de baptiser 123 personnes. Parmi ces nouveaux baptisés, il y avait des membres de la tribu Bunun ainsi que d’autres tribus de la montagne. Frère Barry traduisait les discours en japonais, sœur Liang les interprétait en chinois, et ils étaient ensuite transmis en langue amie. Quelle joie de voir 1 808 assistants au discours public !

UNE FILIALE EST OUVERTE À TAÏWAN

Après cela, frère Knorr décida d’ouvrir une filiale à Taïwan, afin que les frères puissent profiter d’une surveillance théocratique plus étroite et d’une meilleure aide. Frère Paul Johnston fut nommé serviteur de filiale. Sa femme et lui avaient été membres de la même classe de Galaad que les Halbrook. Ce nouveau chapitre de l’histoire de l’œuvre du Royaume à Taïwan fut ouvert par une assemblée à Ta Pu, dans le département de Chih Shang ; frère Franz, vice-président de la Société, en fut le principal orateur. Frère Adrian Thompson, serviteur de district venu du Japon, les Halbrook et sœur Liang s’étaient rendus les premiers sur les lieux de l’assemblée. De leur côté, frère et sœur Johnston ont accueilli frère Franz et ont voyagé avec lui, d’abord en avion jusqu’à Hualien, puis par le chemin de fer à voie étroite jusqu’à Chih Shang. Une fois de plus, l’organisation de l’assemblée émerveilla les visiteurs. Il y avait même un “service pour l’eau” qui consistait à aller chercher l’eau à une source distante d’une centaine de mètres. Des équipes de sœurs accomplissaient cette tâche.

Durant l’une des sessions de l’assemblée, 2 029 personnes adoptèrent la résolution spéciale contre le communisme. C’est à cette occasion que frère Franz est monté sur la scène et a donné un récital improvisé d’harmonica, tandis que les frères se rassemblaient pour le commencement du programme. Cela a touché le cœur d’un grand nombre. L’assistance maximum de 3 029 personnes a été atteinte lors de la projection du film “Le bonheur de la société du Monde Nouveau”.

Ensuite, d’autres dispositions ont été prises pour l’extension de l’activité du Royaume à Taïwan. De nouveaux locaux plus vastes ont été loués à Taïpeh pour abriter une maison de missionnaires plus adéquate, une Salle du Royaume et le bureau de la filiale de la Société. En automne 1957, l’interdiction frappant l’activité hors de la ville de Taïpeh fut levée. Cette interdiction était en vigueur depuis le début de l’année précédente. Comment a-​t-​elle été levée ? Le père d’un jeune étudiant de la Bible était membre du corps législatif et avait la réputation de lutter avec détermination. Il était favorable à l’œuvre du Royaume. Après que son fils l’eut mis au courant de notre problème, il accepta de nous ménager une rencontre avec le ministre de l’Intérieur, un de ses amis. Grâce à cette entrevue, notre œuvre d’éducation biblique fut de nouveau reconnue.

Peu après, nous avons organisé la première assemblée de circonscription à Hualien. Le serviteur de filiale prononça le discours public en chinois ! Le premier obstacle linguistique était franchi. Le pas suivant consistait à communiquer avec les frères et les personnes bien disposées de la tribu amie.

La Société cherchait toujours à obtenir la reconnaissance légale de la Watch Tower Bible and Tract Society à Taïwan. Dans cette intention, elle acheta en 1958 un terrain situé à Taïpeh, à la cité n5, 99, rue Yun-Ho, afin d’y construire un bâtiment abritant la filiale et des missionnaires. L’acte de vente fut enregistré au nom de Paul Johnston, représentant la Watch Tower Bible and Tract Society de Pennsylvanie. Cela servit de base pour l’enregistrement de la Société. Les premières tentatives n’ayant donné aucun résultat, on demanda l’aide de l’ambassade américaine, mais en vain. Toutefois, lorsque l’affaire fut portée à l’attention du département d’État à Washington, celui-ci envoya des instructions à l’ambassadeur pour qu’il veille à ce que les termes de l’accord commercial passé entre Taïwan et les États-Unis soient appliqués équitablement dans le cas de la Société Watch Tower. Cela changea tout, et l’enregistrement de la Société fut approuvé en 1963 et inscrit à la cour du district de Taïpeh le 8 mai 1964.

En 1958, sœur Liang fut invitée à faire partie de la trente et unième classe de l’École de Galaad, aux États-Unis. En été de cette même année, son frère charnel et elle reçurent leur diplôme à l’assemblée tenue au Yankee Stadium. Ils sont restés au bureau central de la Société, à Brooklyn, pendant deux mois encore afin d’achever la traduction du livre Paradis en chinois. Ensuite, sœur Liang, la première et la seule diplômée de Galaad venue de Taïwan, est retournée à Taïpeh pour effectuer le service de missionnaire. Son aptitude à parler deux langues fut très utile. La composition manuelle du texte des publications chinoises, qui se faisait auparavant à Hong-Kong, allait désormais être effectuée à Taïwan. Ce travail était confié à des sociétés du monde, mais la correction était faite à la filiale de Taïwan. Les flans étaient pressés à partir du texte ainsi composé, puis envoyés à Brooklyn pour la préparation des clichés utilisés sur les presses rotatives de la Société. Finalement, sœur Liang est devenue un membre à part entière de la famille du Béthel de Taïpeh, où son travail consistait à corriger les articles toujours plus nombreux des périodiques en langue chinoise. Quant à son frère à Hong-Kong, il effectuait la plus grande partie des travaux de traduction.

Durant les années suivantes, d’autres missionnaires sont arrivés à Taïwan. En 1959, il a été décidé d’étendre leur activité à d’autres villes. Une petite maison a été louée à Kaohsiung, la deuxième ville de Taïwan, à 300 kilomètres au sud de la capitale. Frère et sœur Halbrook ainsi que les frères Peel et Johansson y ont été nommés.

En avril 1960, frère Henschel, du bureau central de la Société, a de nouveau visité Taïwan à l’occasion d’une autre grande assemblée dans le territoire des Amis. Ces visites des frères de Brooklyn ainsi que l’organisation plus régulière d’assemblées de circonscription et de district ont donné aux frères le sentiment de faire partie de l’organisation de Jéhovah. Cela se révéla être une excellente préparation avant l’épreuve imminente de leur foi et de leur attachement à Jéhovah et aux principes de sa Parole.

Alors que les progrès étaient lents parmi la population d’expression chinoise, les résultats étaient apparemment excellents parmi les Amis et les autres groupes linguistiques. Le nombre maximum de proclamateurs dans ce pays était passé de 417 en 1951 à 2 009 en 1957. Le chiffre le plus élevé jamais atteint a été celui de 2 459 proclamateurs enregistré en août 1961. Mais combien d’entre eux étaient réellement attachés à Jéhovah et à ses principes justes ? L’organisation de l’École du ministère du Royaume, qui commença en avril 1961, allait contribuer à clarifier la situation.

Tous les pionniers spéciaux et les surveillants ont passé quatre semaines à étudier la Parole de Dieu et le fonctionnement de l’organisation sous la direction de frère Halbrook. La langue était toujours un problème, mais les frères ont retiré un grand profit de cette formation spéciale. L’école s’est ensuite déplacée vers l’est à l’intention de la majorité des frères responsables de cette région. Ce cours a fait une profonde impression sur tous ceux qui l’ont suivi. Ils ont commencé à comprendre l’importance de vivre en conformité avec la vérité. Il en est résulté une période de purification de l’œuvre à Taïwan. Par la suite, un grand nombre de témoins ont cessé de suivre le modèle chrétien pour ce qui est du service de Jéhovah. Ils étaient devenus membres de l’organisation uniquement pour les avantages qu’ils pouvaient en retirer.

PURIFICATION ET RECONSTRUCTION

Enhardis par leur étude des principes bibliques à l’École du ministère du Royaume, les frères se sont mis à révéler les irrégularités commises au sein de l’organisation des témoins à Taïwan. Même des frères responsables ont été accusés de malhonnêteté, de favoritisme, de conduite immorale et de déloyauté envers l’organisation théocratique. Malheureusement, certaines de ces accusations étaient justifiées. Plusieurs frères ont été exclus, d’autres ont perdu leurs privilèges de surveillants ou de pionniers spéciaux et certains ont été l’objet de mesures disciplinaires. Quelques-uns de ceux qui avaient été exclus se sont tournés ouvertement contre la Société et ont usé de leur influence sur les frères de certaines congrégations pour les détourner aussi.

Quelques exclus ont même été jusqu’à porter des accusations contre l’organisation des témoins auprès des divers services du gouvernement. Ils ont incité des congrégations à refuser la visite des serviteurs de circonscription nommés par la Société. Les enquêtes ont également révélé qu’un grand nombre de témoins avaient été recommandés et finalement désignés pour servir comme pionniers spéciaux, surveillants dans les congrégations ou même comme serviteurs de circonscription non pas parce qu’ils remplissaient les conditions requises par les Écritures, mais parce qu’ils étaient parents avec celui qui les recommandait ou sous son influence.

La Société a décidé d’envoyer à Taïwan un frère connaissant le japonais, afin qu’il puisse communiquer directement avec la majorité des frères et sœurs. Frère et sœur Logan, qui avaient été missionnaires au Japon pendant sept années, ont été choisis. Ils sont arrivés à la fin de 1961 et, après avoir suivi un cours de deux mois pour apprendre le chinois mandarin, frère Logan a assisté aux réunions spéciales d’une semaine organisées au bureau de la filiale pour les serviteurs de circonscription. Il a ensuite été nommé pour travailler avec les serviteurs de circonscription amis sur la côte orientale ; il s’est efforcé de les former en vue d’un meilleur service et en même temps d’aider les serviteurs des congrégations à être mieux qualifiés. Avec le temps, il s’est aperçu que l’incapacité des surveillants à répondre aux questions posées en chinois ne venait pas uniquement de leur connaissance défectueuse de la langue. Un grand nombre d’entre eux avaient une mauvaise intelligence des doctrines fondamentales de la Bible. C’est pourquoi des mesures ont été prises pour améliorer l’instruction biblique donnée aux frères.

Dans cette intention, on a désormais organisé des assemblées de circonscription tous les six mois. Les serviteurs responsables de l’organisation des assemblées se rendaient sur les lieux quelques jours à l’avance ; pendant la journée, ils travaillaient aux préparatifs de l’assemblée et le soir frère Logan passait du temps avec eux pour examiner les principes bibliques et les questions d’organisation. De cette manière, un grand nombre de ces frères se sont qualifiés pour transmettre cette précieuse instruction aux frères de leurs congrégations. Sœur Logan, la première sœur missionnaire à vivre parmi les Amis, était également très occupée, car elle parlait le japonais et apprenait le chinois. Chaque matin, elle emmenait les sœurs dans le service du champ et l’après-midi elle étudiait avec elles des publications de base telles que la brochure “Bonne nouvelle”. Un lien affectueux très solide s’est développé entre les missionnaires et les proclamateurs amis.

Frère Logan organisait des cours d’une semaine à l’intention de tous les serviteurs des congrégations, afin de les aider à connaître les doctrines fondamentales et la manière de procéder de l’organisation. Par des démonstrations pratiques il leur a été montré comment conduire les études de livre de la congrégation, et d’autres réunions en langue amie ont été également organisées. Ce programme de formation a favorisé les progrès mais a aussi fait baisser le nombre des proclamateurs. Pourquoi ? Parce qu’il a révélé que certains n’avaient même pas progressé au point de pouvoir être invités à participer à la prédication. À cette époque, il fallait insister non pas sur la quantité, mais sur la qualité.

En 1963, en raison d’obligations familiales, frère Johnston a dû quitter le service à plein temps. Frère Logan a donc été nommé pour s’occuper de la filiale. Peu après, au mois d’août, une des assemblées “autour du monde” a été organisée dans le village de Shou Feng. À ce moment-​là, le nombre total des proclamateurs était descendu à 1 200. L’assemblée, organisée cette fois au nom de la Société Watch Tower, fut un jalon très important dans la progression du vrai culte. Les 535 délégués étrangers attirèrent beaucoup l’attention. Les agents de police et les officiers de la sécurité, qui étaient présents pour la circonstance, ont certainement été impressionnés par ce qu’ils ont vu et entendu, car par la suite il a été nettement plus facile d’obtenir les autorisations nécessaires pour les assemblées. L’amour qui caractérisait l’esprit de l’assemblée offrait un net contraste avec certaines des assemblées organisées précédemment à Taïwan. Personne ne dominait sur les volontaires qui travaillaient dans les différents services. Tout, y compris le soutien matériel de l’assemblée, a été fait absolument volontairement.

Les frères locaux étaient aussi très heureux de rencontrer des proclamateurs venus de toutes les parties du monde. Les Noirs étaient très populaires ainsi que les sœurs japonaises dans leur kimono coloré. Les proclamateurs locaux qui parlaient le japonais ont passé des journées merveilleuses en compagnie des visiteurs du Japon.

En 1964, le serviteur de filiale, accompagné du serviteur de la circonscription amie, passa quinze jours à visiter onze territoires confiés à des pionniers spéciaux et travailla avec ceux-ci dans le service du champ. Cela a permis de discerner rapidement qui était qualifié pour ce service et qui ne l’était pas. Des changements ont été effectués ; certains pionniers ont reçu une formation spéciale, tandis que d’autres se sont vu retirer ce privilège. Avec le temps, un grand nombre de ceux qui ont été rayés de la liste des pionniers sont devenus complètement inactifs, ce qui a confirmé les accusations portées contre eux, à savoir qu’ils servaient pour obtenir l’allocation mensuelle accordée aux pionniers spéciaux plutôt que par amour pour Jéhovah. Le service de pionnier spécial repartait désormais d’un bon pied. D’excellents résultats n’ont pas tardé à être obtenus.

Dans les congrégations, des surveillants qualifiés ont peu à peu remplacé ceux qui manquaient de connaissance ou qui ne remplissaient pas les conditions chrétiennes requises. Le nombre total de proclamateurs pour le pays est tombé à 1 004 en 1967 ; c’était le chiffre le plus bas depuis 1953. Cela n’a pas été une cause de découragement comme l’a montré le sacrifice de louanges de bien meilleure qualité adressé à Jéhovah par tous ceux qui aimaient réellement son nom. Durant l’année de service 1970, soixante-trois personnes ont été baptisées, et en 1971 il y a eu le même nombre de baptêmes, ce qui a été une source de joie véritable, car tous ces candidats avaient subi au préalable un examen sérieux quant à leurs qualifications, montrant qu’ils étaient réellement attachés à Jéhovah Dieu.

En mai 1971, on a pensé que les frères avaient suffisamment progressé pour pouvoir profiter de l’École du ministère du Royaume ; elle a donc été rouverte. La première classe, en chinois mandarin, a été organisée au bureau de la filiale. Les classes suivantes ont eu lieu dans des endroits appropriés du territoire ami. Par suite de tous ces progrès dans les conditions existant au sein des congrégations, on a pu remarquer un changement d’attitude. Maintenant, les frères en général sont disposés à abandonner leurs travaux agricoles ou un autre emploi, même pendant la période des moissons, pour assister aux assemblées ou pour écouter un représentant spécial de la Société à l’occasion de sa visite.

Lors de son passage en 1968, frère Knorr a donné son accord pour la construction sur la propriété de la Société à Taïpeh d’un bâtiment permettant d’abriter une plus grande Salle du Royaume et des logements plus spacieux pour les missionnaires, ce qui a vivement réjoui les 205 personnes à qui il s’adressait. En raison des lois régissant la construction, il a fallu démolir les vieilles constructions et édifier un bâtiment entièrement nouveau. Il a suffi de neuf mois pour achever le magnifique bâtiment d’un étage qui abrite une très belle Salle du Royaume, neuf chambres de missionnaires, le bureau de la filiale et le service des expéditions. L’inauguration qui a eu lieu en octobre 1969 a été un événement très joyeux pour les 165 assistants.

Aussitôt après eut lieu la deuxième assemblée internationale à Taïwan, qui fut organisée dans la salle de conférences de l’Académie nationale des arts de Taïpeh. Bien que le programme fût entièrement présenté en chinois, donc compris par seulement 40 pour cent des frères du pays, plus de 500 frères ont néanmoins loué des autocars et assisté à l’assemblée, uniquement pour être avec leurs compagnons. Ceux qui ne comprenaient pas la langue chinoise pouvaient cependant comprendre l’amour et l’unité si évidents dans tous les domaines. Une autre assemblée eut lieu ensuite à Chih Shang ; le programme fut présenté en langue amie, et plus de 1 400 personnes y ont assisté.

Quand on considère Taïwan en cette année favorable de 1971, on peut constater qu’il y a en réalité deux champs d’activité distincts parmi la population. Il y a environ un demi-million d’habitants autochtones, répartis dans diverses tribus, y compris celle des Amis. Dans leur territoire isolé et montagneux, environ 950 proclamateurs déploient leur activité. Il n’est pas rare qu’ils marchent pendant deux heures pour ne prêcher que durant une heure. Le problème de l’analphabétisme a été en grande partie résolu, mais beaucoup de proclamateurs doivent encore recevoir une instruction empreinte d’amour. De nombreuses congrégations manquent de serviteurs mûrs. Il y a certainement d’excellentes perspectives parmi ces gens humbles dont beaucoup ont servi fidèlement Jéhovah malgré de sévères épreuves.

L’autre champ d’activité est constitué par la population chinoise qui se compose d’environ douze millions de personnes originaires de Taïwan et de plusieurs autres millions venues du continent. Neuf millions d’entre elles vivent dans des territoires qui n’ont pas encore été visités par les témoins et dans lesquels il y a au moins cinq villes de plus de 200 000 habitants. Dans cette partie chinoise du pays il y a 150 proclamateurs formant une seule circonscription. Les missionnaires ont été le fer de lance de l’activité parmi les Chinois. En effet, entre les années 1956 et 1959, la Société a nommé au total cinquante missionnaires à Taïwan. Parmi ceux-ci, trente-neuf ont dû renoncer à ce service, mais il est réjouissant de constater que certains de ces couples de missionnaires ont choisi de demeurer à Taïwan, afin de continuer à contribuer à l’avancement de l’œuvre du Royaume ; d’autre part, un grand nombre de ceux-ci ont été remplacés. La Société continue de veiller aux intérêts spirituels des frères de ce pays, car huit missionnaires diplômés de la cinquantième classe de Galaad et six autres venant des Philippines ont été nommés à Taïwan en 1971. Combien nous sommes heureux également que les visas d’entrée aient été accordés à neuf autres missionnaires diplômés de la cinquante et unième classe de Galaad ! Ceux-ci ont quitté New York aussitôt après la remise des diplômes, le 7 septembre 1971, afin de se rendre à Taïwan.

Les efforts des missionnaires, des pionniers et des proclamateurs de congrégation parmi la population chinoise ont donné d’excellents résultats. Ainsi, les 1 150 proclamateurs de Taïwan qui ont remis un rapport ont placé 20 622 livres et brochures et obtenu 3 546 nouveaux abonnements à La Tour de Garde et à Réveillez-vous ! En outre, ils ont diffusé 103 069 exemplaires de ces périodiques. Durant cette même année 1971, ils ont conduit 761 études bibliques et passé 207 135 heures dans le ministère du champ.

Nous sommes tous très heureux d’apprendre que lors de la Commémoration, le 9 avril 1971, il y a eu 3 068 assistants, dont un grand nombre de représentants de la race la plus nombreuse de la terre. Voilà qui permet d’espérer une nouvelle progression de l’œuvre sur cette “belle île”, l’une des ‘parties les plus lointaines de la terre’ !