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Ghana

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LE GHANA se trouve sur l’énorme avancée occidentale du continent africain. Situé juste au-dessus de l’équateur, il a des frontières communes avec la Côte-d’Ivoire à l’ouest et le Togo à l’est. Sa superficie étant de 238 537 kilomètres carrés, le Ghana est aussi étendu que la Grande-Bretagne. La population actuelle s’élève à huit millions et demi d’habitants, dont 16 093 sont des témoins de Jéhovah. Jusqu’au 6 mars 1957, ce pays était connu sous le nom de Côte-de-l’Or.

Il est intéressant de remarquer que la religion indigène des Ghanéens est fondée sur l’animisme. La question de l’âme et de savoir ce qui arrive après la mort revêt une telle importance dans cette croyance qu’elle peut empêcher le développement de tout autre enseignement religieux dans ce pays.

La doctrine suivant laquelle les objets inanimés ont une âme ou sont habités par des esprits dignes de vénération a conduit les Ghanéens à l’adoration de rivières, de lacs et de lagunes, dont les plus connus sont le Pra, le Tano et le Densu, le lac Bosomtwi et les lagunes de Korle et de Sakumo. Ils pensent que certains animaux sont les incarnations sacrées de l’âme de tribus particulières et qu’il est juste de leur rendre un culte. Des montagnes, des rochers, des vallées, des arbres et des plantes ont tous été adorés ou respectés d’une façon superstitieuse.

Les prêtres catholiques ont accompagné les Portugais qui ont été expulsés en 1642 de la Côte-de-l’Or. Avant leur départ, ils avaient cependant introduit le culte de Saint-Antoine parmi le peuple.

De nos jours, les habitants païens d’Elmina ont érigé une sorte de chapelle pour abriter la statue de Saint-Antoine. Ils ont appelé ce dernier Nana Ntuna (grand-père Antoine). Dans les temps modernes, la vieille Bible qui, prétendaient-​ils, était venue avec sa statue a disparu de la cabane, mais le rosaire et le crucifix sont toujours là. Les habitants ont également créé le dieu Brafu Kweku, assistant de Saint-Antoine. Isa (Jésus) est représenté dans la Ntuna Bum (cabane d’Antoine) par “ce qui semble être les restes réduits en poussière de très vieilles hosties abandonnées dans un récipient”.

Ainsi, “Nana Ntuna, Isa et Brafu Kweku forment la trinité du culte d’Antoine pratiqué dans cette chapelle. Pendant la célébration de l’office, des cierges allumés sont déposés autour de la statue, et de l’encens est brûlé”. L’adoration de Ntuna pratiquée à Elmina résulte directement des premiers efforts de la chrétienté pour christianiser un peuple animiste.

Depuis l’expulsion des Portugais, deux siècles se sont écoulés avant que la chrétienté ne fasse une autre tentative pour évangéliser les habitants de la Côte-de-l’Or, cette fois-​ci au moyen des missions protestantes. Dès que les missionnaires ont surmonté le problème de l’acclimatement, au prix de plus d’un décès, ils se sont livrés à l’étude des langues indigènes. En peu de temps, des missionnaires de Bâle et de Brême ont consigné par écrit les trois dialectes principaux, le tchi, l’éhoué et le gan. Ils ont poursuivi leurs efforts en traduisant des parties de la Bible dans les langues du pays, et en 1971, la Bible tout entière était imprimée et disponible en tchi, en éhoué et en gan.

Ces traductions sont si exactes que celles en éhoué et en gan sont toujours les seules à être utilisées, presque sans avoir été révisées.

L’emploi du nom divin est une particularité encore plus digne d’éloges de ces trois traductions. Il est rapporté à sa place presque à chaque fois dans les Écritures hébraïques sous la forme de Iehowa et Yehowa. En éhoué et en gan, les traducteurs ont fait davantage encore, puisqu’ils ont utilisé le nom divin dans les Écritures grecques. En gan, il apparaît dans II Corinthiens 6:17, 18, et en éhoué dans les textes d’Hébreux 7:21; 13:6, de I Pierre 3:12 et du livre de la Révélation où se trouve l’expression “Alléluia”.

Ainsi, les premiers missionnaires ont enseigné aux gens que le nom du Dieu suprême est Iehowa ou Yehowa. Ils ont construit des écoles et ont appris à lire aux habitants. Ils ont également publié des livres et des brochures exposant des récits simplifiés de l’histoire biblique et en ont encouragé la lecture. Cela a contribué à donner aux indigènes des renseignements fondamentaux sur la Bible et à les familiariser avec le nom divin.

L’instruction en Côte-de-l’Or a reçu une plus grande impulsion après la Première Guerre mondiale. À l’exception des régions musulmanes situées au nord, l’influence des Églises n’a cessé de croître à travers le pays à cette époque. Elles ont fondé davantage d’écoles et ont même étendu leur champ d’activité aux affaires commerciales et à d’autres domaines. L’instruction et les églises étaient si imbriquées dans l’esprit des indigènes qu’ils appelaient les églises sukuu ou écoles.

Cela explique pourquoi être baptisé officiellement par l’une des Églises de la chrétienté était considéré comme un signe de prestige. Les gens instruits se réclamaient de telle ou telle Église, tout en traitant ceux dont les noms n’étaient pas inscrits sur le registre d’une Église d’arriérés, d’égarés, d’ignorants et de païens.

Cependant, malgré cette apparence extérieure de piété, les pratiquants indigènes n’avaient pas changé intérieurement. Le baptême se pratiquait à bon marché. Tous ceux qui en faisaient la demande orale pouvaient le recevoir, même sur leur lit de mort. Les ecclésiastiques n’accordaient aucune importance aux changements pourtant indispensables qu’une personne devait effectuer dans sa vie pour la conformer à la volonté divine.

De nombreux pratiquants “éclairés” ont continué de rendre hommage aux dieux de leurs ancêtres. Ils ont participé aux fêtes païennes consistant à honorer les morts de nombreuses façons différentes. Les chefs de tribu qui continuaient d’offrir de la nourriture et de la boisson aux dieux de leurs ancêtres ont été admis comme membres des Églises pour une question de prestige. Pour achever en beauté des réjouissances païennes, ces chefs, accompagnés d’une importante suite, ont assisté aux offices religieux avec des tambours et quantité d’ornements païens pour “rendre grâces à Dieu” en faisant d’énormes dons en espèces, qui ont toujours été bien accueillis par les Églises.

Bien qu’il ait été interdit à des polygames et à certains chefs de tribu de communier sous les deux espèces, la polygamie ne constituait pas un obstacle pour devenir membre d’une Église. En réalité, quelqu’un était plus ou moins considéré dans l’Église selon ce qu’il lui versait. Même l’enterrement religieux et d’autres services dépendaient en grande mesure du paiement de la cotisation comme membre de l’Église.

Devant tout cela, il n’est guère étonnant qu’autour des années 1920, des Africains aient trouvé que les Églises constituaient une grande mystification. À cette époque-​là, des habitants de la Côte-de-l’Or, indignés par ces abus et observant la situation confuse et les enseignements de la chrétienté, se sont demandé s’il était impossible à Dieu de faire quelque chose de mieux.

Eddy Addo, par exemple, était un homme svelte à la peau cuivrée, au caractère agressif et usant de franc-parler. Tout en étant un membre actif de l’Église, il tenait tête au clergé sans tergiverser sur ce qu’il appelait “une pensée personnelle troublante au sujet des demandes fréquentes d’argent”. Citons également J. B. Commey, homme sérieux et méditatif, qui cherchait la vérité. Il reçut un choc lorsque le prêtre de l’Église anglicane lui affirma que l’Église était une société avec ses propres lois, qui n’ont pas besoin d’être en harmonie avec la Bible.

Considérez également le cas de C. T. Asare, un étudiant plutôt doux et timide, cherchant d’une façon sincère et honnête à adorer Dieu. Observez-​le, assis en face du prêtre, lors d’une entrevue précédant la messe. Écoutez le prêtre exiger le denier du culte comme condition pour communier. Asare détourne les yeux en rougissant. Il explique avec difficulté qu’en tant qu’étudiant il est désormais couvert par la dispense spéciale dégageant les étudiants de payer cette taxe à l’Église. Entendez-​vous alors le prêtre le congédier d’une voix suraiguë, en ajoutant : “Tu crois peut-être que je peux travailler sans manger !”

D’autres habitants de la Côte-de-l’Or, tel I. K. Norman, ont recherché avec ardeur les vérités de la Parole de Dieu. C’était un jeune homme plein d’esprit, qui avait reçu une bonne instruction et dont l’avenir matériel était assuré en tant que fonctionnaire de l’État. Mais le jeune Norman était loin d’être satisfait de la religion dans laquelle il avait été élevé. Malgré son sens inné de l’humour, il prenait la religion au sérieux, à tel point qu’il écrivit à l’archevêque de Canterbury et à l’évêque de Liverpool, au risque de perdre son emploi, pour mettre clairement en doute le dogme de la trinité. Imaginez sa déception de recevoir la lettre d’un aumônier lui expliquant que l’archevêque était trop occupé pour faire suite à sa lettre ! Songez à son profond mécontentement de constater que la lettre poursuivait en l’exhortant à se faire baptiser au plus vite et en lui affirmant qu’après cela, tout deviendrait clair à ses yeux !

Ces hommes-​là désiraient vraiment connaître la bonne façon d’adorer Dieu. L’animisme païen ne les avait pas satisfaits, et la chrétienté les avait déçus.

JÉHOVAH RÉPAND LA LUMIÈRE

“Vraiment (...) Dieu n’est pas partial, mais (...) en toute nation l’homme qui le craint et pratique la justice lui est agréable.” — Actes 10:34, 35.

Ce verset décrit précisément la situation dans laquelle se trouvait, en 1924, le petit groupe de personnes de la Côte-de-l’Or, assoiffées de la vérité biblique. Elles avaient marché à tâtons, enveloppées dans les ténèbres, soupirant et gémissant à cause de toutes les pratiques détestables de la chrétienté et du monde païen.

L’un des serviteurs oints de Jéhovah est arrivé à cette époque pour les aider à apprendre la vérité de la Parole de Dieu. Il s’agissait de Claude Brown, un Antillais qui avait émigré au Canada. Il faisait déjà partie des Étudiants de la Bible pendant la Première Guerre mondiale et avait préféré passer quelque temps dans les prisons canadiennes plutôt que de violer sa neutralité chrétienne. Vers la fin de l’année 1923, il quitta la ville de Winnipeg, au Canada, et embarqua pour la Sierra Leone. Une fois arrivé dans ce pays, il se joignit à W. R. Brown, qui était venu des Antilles six mois plus tôt pour annoncer la bonne nouvelle du Royaume de Dieu aux habitants de l’Afrique occidentale.

Claude Brown passa environ trois mois en Sierra Leone. Il y donna des conférences bibliques et s’acclimata à l’Afrique occidentale. Au début de 1924, W. R. Brown l’envoya faire une tournée de conférences en Côte-de-l’Or et au Nigeria.

Avant de quitter la Sierra Leone, Claude Brown a obtenu des renseignements sur une famille originaire de ce pays qui s’était établie en Côte-de-l’Or. Bien qu’Accra, capitale de la Côte-de-l’Or, comptait à cette époque-​là 43 000 habitants, Claude Brown a réussi à trouver cette famille. Les Cole, car tel était leur nom, se sont montrés très hospitaliers et ont reçu chez eux cet ambassadeur du Royaume de Dieu.

Ils possédaient un centre de loisirs appelé la Villa Joyeuse. Le principal théâtre ressemblait à une salle de cinéma et pouvait contenir environ 400 personnes. Il était surtout utilisé pour un manège de chevaux de bois manœuvré à la main, qui pouvait facilement se démonter et être déplacé afin de laisser la salle libre pour d’autres activités. La Villa Joyeuse était déjà connue comme l’endroit idéal de la ville pour des conférences publiques et des réunions. Claude Brown a obtenu l’autorisation de se servir de cette salle pour ses discours bibliques. Ce furent les premiers à être donnés dans le pays par un représentant des serviteurs oints de Jéhovah.

Il avait apporté de grandes affiches annonçant les conférences. Il remplit à la main les indications du lieu et de l’heure des réunions, et s’activa à coller les affiches sur des édifices publics, des maisons particulières et des panneaux d’affichage.

À cette époque-​là, lire les avis adressés au public était un signe d’instruction qui rehaussait le prestige du lecteur. Les affiches de Claude Brown ont donc très vite attiré l’attention d’une grande partie de la population d’Accra. Les personnes sachant lire et écrire et d’autres plus ou moins analphabètes se sont rassemblées en demi-cercle devant chacune de ces affiches, dont les déclarations les frappaient. Un grand nombre de personnes qui les avaient lues n’ont pas tardé à répéter les questions suivantes : “Où sont les morts ?” “Si les bons sont au ciel et les méchants vraiment en enfer, pourquoi vivons-​nous dans la crainte des morts ?”

Il est intéressant de rapporter que quelques-uns des hommes qui avaient réfléchi aux problèmes soulevés par les affiches de Claude Brown, tels J. B. Commey et Eddy Addo, ont refusé de se rendre à l’église ce jour-​là, afin d’être sûrs que rien ne viendrait les empêcher d’arriver à la Villa Joyeuse suffisamment à l’avance pour écouter l’étranger qui expliquait la Bible.

À 14h.30, la salle était plus qu’à moitié pleine et, au début du discours, il n’y avait pas moins de 500 assistants. Le public se composait de personnages marquants, tels que des ecclésiastiques en vue, parmi lesquels J. T. Roberts, fondateur de l’école d’enseignement secondaire d’Accra. M. E. Ayeh, proviseur de l’école primaire diocésaine, l’avocat P. Hutton Mills, qui devint plus tard ministre d’État, et M. John Buckman, élevé par la suite au poste de secrétaire du Conseil provincial des chefs de tribu, étaient également parmi les assistants.

Contrairement à ce que ces personnes avaient l’habitude de voir dans les églises de la chrétienté, ni estrade ni chaire n’avait été préparée pour l’orateur. Un simple bureau se dressait, recouvert d’une nappe propre et blanche sur laquelle avaient été déposés la Bible et les livres de référence appartenant à l’orateur.

Claude Brown jeta un rapide coup d’œil sur son auditoire et commença son discours. Il fit remarquer que la mort est un problème universel et que la question : “Où sont les morts ?” est donc vraiment pertinente. Il souligna le fait que la mort n’est pas une bénédiction mais une calamité, qu’elle est le résultat de la désobéissance et répugne à la nature humaine. Les auditeurs ne pouvaient rien faire d’autre qu’acquiescer d’un signe de tête.

L’orateur a ensuite attiré l’attention des assistants sur la conception païenne du lieu où se trouvent les morts. Il exposa également la notion protestante du ciel et de l’enfer, ainsi que l’adjonction catholique du purgatoire. En faisant appel à la raison plutôt qu’aux sentiments de son auditoire, il montra comment ces points de vue se contredisent et, ce qui est pire, sont en opposition directe avec la doctrine d’une résurrection enseignée par les Écritures. Puisque ces enseignements sont en désaccord avec ceux de la Bible et avec l’amour de Dieu, ils doivent être opposés à l’Auteur de la Bible, le Dieu de vérité, Jéhovah. Ils sont donc erronés.

L’orateur en vint à insister sur la nécessité de s’appuyer sur la Parole divine de vérité pour obtenir une réponse digne de confiance. Un témoin oculaire de cette conférence écrit : “J’ai un souvenir très vif du murmure d’approbation qui s’est élevé dans toute la salle au moment où le conférencier a cité Actes 2:29-34 pour réfuter l’enseignement selon lequel les hommes fidèles d’autrefois allèrent directement au ciel à leur mort.”

L’orateur a expliqué point par point la condition des morts exposée dans les Écritures. Après avoir étayé ses arguments de nombreux textes bibliques, il a achevé son discours.

Un témoin oculaire rapporte : “Heureusement, il a pu répondre adroitement à toutes les questions à l’aide de la Bible.” Un autre a déclaré : “S’il est vrai que les premières impressions constituent des indices pour des événements à venir, alors cette première conférence énergique démontrait à l’évidence que la vérité s’était installée d’une façon définitive en Côte-de-l’Or.”

Le jeune Eddy Addo s’intéressa beaucoup à ce qui avait été dit lors d’une deuxième conférence sur le sujet “Les vivants peuvent-​ils communiquer avec les morts ?” À partir de ce moment-​là, il collabora étroitement avec Claude Brown, en l’aidant à compléter et à monter des affiches annonçant d’autres conférences de cette série. Entre deux conférences, Claude Brown s’occupait de distribuer des livres dans les rues. Sur la Place de la poste, sur la route Bannerman, près de la Villa Joyeuse, où il logeait et partout où il allait, une foule de gens l’entouraient et prenaient ses imprimés en lui posant des questions bibliques.

Certaines personnes qui ont assisté à ses conférences à Accra se sont groupées et l’ont supplié de rester dans cette ville pour les aider par des cours bibliques. Claude Brown aurait aimé consentir à leur demande, mais il avait reçu la mission de visiter le Nigeria en faisant la même série de conférences. Il les quitta donc quelques jours plus tard, en les assurant qu’il demanderait à frère W. R. Brown, habitant en Sierra Leone, de leur envoyer quelqu’un qui pourrait s’installer en Côte-de-l’Or pour les aider.

C’est ainsi que 1924 fut l’année qui vit non seulement l’installation de l’éclairage électrique à Accra, mais également celle d’une différente sorte d’éclairage : la lumière spirituelle en Côte-de-l’Or.

LA VÉRITÉ PÉNÈTRE DANS LE PAYS

Les conférences de Claude Brown et la diffusion d’imprimés provoquèrent une réaction en chaîne qui fit progresser la vérité dans tout le pays à une vitesse extraordinaire. Pour vous l’expliquer, servons-​nous des faits de prédication racontés par les anciens qui ont connu cette époque-​là.

J. O. Blankson, étudiant en pharmacie, avait tout d’abord déclaré que Claude Brown devait être stupide de mettre ainsi en doute la doctrine de l’immortalité de l’âme. Il assista à une conférence prononcée par frère Brown et constata que seuls ceux qui ne connaissaient pas le sujet partageaient ses préjugés. Bien sûr, il changea d’avis. Il obtint le livre La Bataille d’Harmaguédon lors d’une conférence ultérieure et dévora son contenu avec un réel plaisir. Sur la page de garde, il écrivit : “Je remercie Dieu pour cet important message que j’ai été en mesure de recevoir. Puisse-​t-​il m’aider dans la compréhension ! John Ottoe Blankson, 5 novembre 1924.”

“La vérité me rendait plein d’entrain, écrit-​il, et j’en parlais librement à mon école de pharmacie.” Un jour, il décida d’accompagner un camarade d’école à la cathédrale anglicane de la Trinité, où des leçons de “confirmation” étaient données. À la fin des cours, il souleva une question sur la trinité. L’enseignant n’avait aucune réponse à lui donner. Blankson retourna en ce lieu une deuxième fois et posa une autre question, avec le même résultat. La troisième fois, il rencontra le prêtre en personne, qui devint par la suite évêque de l’Église anglicane à Accra. Blankson posa de nouveau sa question sur la trinité. Il obtint enfin une réponse, donnée par le prêtre dans un accès de colère : “Sortez d’ici ! Vous n’êtes pas chrétien ; vous appartenez au Diable. Sortez d’ici immédiatement !”

Une fois de retour chez lui, Blankson écrivit au prêtre pour l’inviter à une conférence dans la salle de cinéma Palladium, afin de défendre la doctrine de la trinité s’il était convaincu de son exactitude. La réaction de l’ecclésiastique ne s’est pas fait attendre. Un beau matin, Blankson fut appelé au bureau du conférencier principal de l’école de pharmacie. Cet homme semblait agité, et Blankson sentait qu’il y avait de l’électricité dans l’air.

“Blankson”, s’est-​il écrié, “avez-​vous écrit une lettre au révérend Martinson ?”

Le cœur de Blankson battait la chamade ; les mains serrées derrière le dos, il parvint néanmoins à répondre : “Oui, Monsieur”, ce qui l’affermit pour maintenir sa position.

L’enseignant lui dit : “C’est bon ! Inutile de me parler davantage. Asseyez-​vous là. Voici du papier, un stylo et de l’encre. Écrivez une lettre présentant vos excuses et donnez-​la-​moi. Je veillerai à ce que le révérend Martinson la reçoive et l’affaire en restera là.”

Blankson s’est assis, a pris le papier et le stylo et a écrit : “Monsieur, mon enseignant me demande de vous écrire une lettre d’excuses et je suis prêt à les faire si vous admettez que vous enseignez de fausses doctrines.”

En lisant cette phrase, l’enseignant s’exclama : “Dites donc, Blankson, avez-​vous l’intention d’envoyer cette lettre ?”

“Oui, Monsieur. Je ne peux qu’écrire cela.”

“Soit ! Dans ce cas vous allez être renvoyé. Comment pouvez-​vous critiquer le prêtre de l’Église du gouvernement et espérer conserver votre emploi ?”

Blankson éleva la voix en répondant : “Mais Monsieur, vous êtes notre enseignant. Si vous nous donnez des cours et qu’il y ait des points que nous ne comprenions pas, devons-​nous nous abstenir de vous poser des questions ?”

“Bien sûr que non.”

“Eh bien, Monsieur, c’est exactement ce qui s’est passé. Cet homme nous enseignait la Bible et je lui ai posé une question. S’il est incapable de me répondre, pourquoi dois-​je lui présenter mes excuses ?”

Blankson n’a pas été congédié. Sa lettre d’excuses n’a jamais été envoyée. Il a continué à jouir de la considération de ses enseignants et, bien sûr, après cela il a prêché la vérité dans son école avec une entière liberté. Il a été diplômé en 1926 et envoyé à Salaga, dans les territoires du nord où dominent l’islam et l’animisme. Bien entendu, il emporta la vérité avec lui, jusqu’à Navrongo, près de la frontière septentrionale.

Ceux qui ont embrassé la Parole de Dieu à cette époque-​là manifestaient un zèle et un enthousiasme semblables en prêchant et en diffusant des imprimés. Le résultat ? En 1935, les publications de l’Association internationale des Étudiants de la Bible avaient pénétré dans de nombreuses villes et avaient même gagné des villages isolés au fond du pays.

DISPOSITIONS POUR ORGANISER UN SERVICE PRATIQUE

Selon sa promesse, Claude Brown a fait connaître les merveilleux résultats de ses conférences en Côte-de-l’Or à frère W. R. Brown, alors en Sierra Leone. Il lui a également parlé du désir d’un grand nombre de personnes amies de la vérité habitant à Accra et à Koforidua de suivre des cours pour étudier la Bible. Frère W. R. Brown a immédiatement pris des dispositions pour que frère Obadiah Jamieson Benjamin se rende à Accra. Il y est arrivé au cours du mois de mai 1925.

Frère Benjamin, originaire de Sierra Leone, était un jeune homme de vingt-six ans, grand et maigre, légèrement penché en avant et d’une allure distinguée. C’était un orateur éloquent qui avait appris le grec, le latin, le français et l’anglais. Il a été l’un des premiers à venir à la vérité en Sierra Leone à la suite des conférences que frère W. R. Brown a prononcées en 1923, et il a continué à bien progresser, de sorte qu’en 1925, lorsque l’appel fut lancé, il était disposé à abandonner son travail de douanier pour venir en aide aux amis de la vérité en Côte-de-l’Or.

Une fois arrivé à Accra, frère Benjamin a été dirigé vers M. E. Ayeh dont le foyer était devenu le centre de ceux qui attendaient l’aide promise. M. Ayeh a immédiatement mis au courant toutes ces personnes. Les cours ont donc commencé dans son appartement de la route Kofi Oku.

En revenant de Sierra Leone, Claude Brown s’est arrêté au cours du mois d’août 1925 en Côte-de-l’Or. Il était surtout heureux de voir combien ces amis de la vérité progressaient dans l’étude de la Bible. Il a passé quelques semaines avec eux, faisant des conférences tantôt dans la Villa Joyeuse tantôt dans la salle de cinéma Palladium. À l’une de ces conférences, il a invité ceux qui le désiraient à prendre une provision de tracts Acte d’accusation contre le clergé et à les distribuer librement à tous ceux qui voulaient en obtenir un exemplaire. Presque tous les assistants se sont précipités sur les tracts. En commençant à partir des portes de la salle, ils ont diffusé les tracts dans toute la ville, certains allant même de maison en maison. C’est ainsi que pour la première fois, en 1925, les indigènes de la Côte-de-l’Or ont été aidés à participer à la diffusion du message sous la forme imprimée, en allant de maison en maison. Il est intéressant de remarquer que ce tract contenait la résolution adoptée lors de l’assemblée qui s’est tenue du 20 au 27 juillet 1924 à Columbus (États-Unis), et qui est liée avec la troisième sonnerie de trompette des messages de jugement prononcés contre la fausse religion.

En 1927, durant une de ses visites en Côte-de-l’Or, W. R. Brown passa quelque temps à Accra pour fortifier la foi des amis de la vérité. Il alla ensuite à Koforidua dans le même but. C’est dans cette ville qu’il célébra la Commémoration avec les amis de la vérité. Il passa du temps avec ceux qui désiraient prendre le baptême, emmena ceux qui remplissaient les conditions à un cours d’eau tout proche et les baptisa par immersion. Cela s’est produit le 27 avril 1927. C’étaient les premières personnes à se faire baptiser en Côte-de-l’Or.

En 1932, frère W. R. Brown recommença ses voyages dans le pays en visitant Koumassi dans l’Achanti et les villes jumelles de la côte, Sekondi et Takoradi. Il est revenu en 1935 avec tout le matériel nécessaire pour projeter le “Photo-Drame de la Création”. Les journaux de la Côte-de-l’Or ont donné une excellente publicité à sa visite, au point que les salles où il parlait étaient toujours bondées. Une fois, 2 000 personnes se sont présentées pour l’écouter. À la fin de son voyage, des congrégations avaient été fermement établies dans quatre agglomérations du pays.

UN MAUVAIS DÉVELOPPEMENT DE LA SITUATION

La diffusion zélée d’imprimés dans le pays signifiait que de nombreuses personnes qui accepteraient ces publications ne seraient pas en mesure de fréquenter une congrégation du peuple de Jéhovah. Par suite, un certain nombre de gens qui avaient lu les livres et reconnu que le message qu’ils contenaient était la vérité ont essayé de suivre une religion fondée sur ce qu’ils avaient lu. Cela devint particulièrement évident au début des années 1930. Jusque-​là, le message s’était uniquement répandu parmi les gens qui possédaient une certaine instruction et lisaient l’anglais. À partir de ce moment-​là, les gens humbles de la campagne qui avaient souffert comme des bêtes de somme sous le joug de la chrétienté ont accepté ce message avec une reconnaissance venant du plus profond de leur cœur.

Un grand nombre de ces personnes avaient été si déçues par la chrétienté qu’elles avaient cessé d’aller à l’église. Le montant de l’argent qu’elles devaient à leur Église s’était élevé à des sommes qu’il leur serait impossible de payer dans toute leur existence. Ces gens étaient pauvres, leur vie était simple et ils n’avaient pas l’habitude de manier beaucoup d’argent. Maintenant qu’ils avaient contracté des dettes, ils savaient que pour être enterrés à l’église, ce seraient leurs proches parents qui devraient payer celles-ci jusqu’au dernier centime. Vous imaginez facilement avec quel empressement et quelle impatience ces personnes ont accepté d’adorer Dieu selon la vérité.

Sampson Nyame et ses amis les ont organisées en une sorte d’Église, dont le siège se trouvait à Osino (Akim Aubuakwa), près du foyer de Sampson Nyame. Ils croyaient collaborer avec l’Association internationale des Étudiants de la Bible et se nommaient les “Étudiants de la Bible” et les “Commentateurs de la Bible”. Des amis de la vérité, stupéfaits de la dextérité avec laquelle ces personnes manipulaient les Écritures, leur donnèrent le nom en langue tchi de “Nkyerasefo Bible”, ce qui signifie littéralement “Interprètes de la Bible”. Cette appellation semblait bonne à leurs conducteurs, puisqu’elle traduisait plus ou moins le nom anglais de “Commentateurs de la Bible”. Plus tard, cette organisation s’est appelée “Gyidi” ou “Foi”.

Ne connaissant rien des structures de l’organisation des témoins de Jéhovah, Sampson Nyame, M. K. Twum et W. Otchere ont introduit dans leur “Église” un grand nombre de caractéristiques adventistes et pentecôtistes, contraires aux Écritures. Lors des prières en groupe, certains prétendaient avoir reçu l’esprit saint et parlaient en langues. À Nkwatia, les membres de cette “Église” ont commencé à avoir des soupçons sur l’origine divine de cet esprit et ont adressé une requête à Jéhovah afin de lui demander, s’il s’agissait vraiment de son esprit saint, qu’il le répande sur chaque membre du groupe et non sur quelques-uns seulement. Après cet incident, plus personne n’a reçu cette sorte d’esprit.

Cette “mauvaise herbe” s’est rapidement répandue et a entraîné à sa suite de nombreuses personnes dans les régions d’Akim, de Krobo, de Kwahu et d’Achanti. Le plus curieux, c’est que les dirigeants de cette organisation maintenaient les relations avec le groupe de personnes étudiant la Bible et le dépôt de publications de Koforidua. Frère A. W. Osei, un “colporteur” responsable du groupe et du dépôt de publications à Koforidua visitait régulièrement un certain nombre de ces groupes avec Sampson Nyame et leur laissait pour les besoins de leurs congrégations des publications de l’Association internationale des Étudiants de la Bible. Cependant, jusqu’à la fin des années trente, aucune tentative n’a été faite pour les organiser d’une façon convenable en classes d’étude de la Bible ou en congrégations selon les structures de l’Association internationale des Étudiants de la Bible.

LE CLERGÉ DE LA CHRÉTIENTÉ EST ACCULÉ

Il ne fallait pas s’attendre à ce que le clergé de la chrétienté subisse l’assaut donné à la fausse religion sans user de représailles malveillantes. La plupart des gens qui ont accepté la vérité à cette époque-​là provenaient des ouailles de la chrétienté qu’ils quittaient parce que la vérité démasquait les membres du clergé comme étant des ouvriers d’iniquité. Ces gens avaient le sentiment d’avoir été trompés pendant toute leur vie et ils regrettaient d’avoir versé de l’argent pour entretenir le clergé. Dans de telles circonstances, il est tout naturel qu’ils se soient servis des dures vérités bibliques pour cribler le clergé dans un esprit de vengeance, utilisant des méthodes qu’on qualifierait aujourd’hui de dépourvues de tact.

En décembre 1930, un frère appelé Norman envoya un article tiré de L’Âge d’Or traitant de Noël au directeur du Gold Coast Weekly Spectator. L’homme reproduisit cet article dans son journal. En janvier 1931, frère Norman poursuivit en envoyant un autre article intitulé “Les fêtes et leurs origines”. Cet article fut également imprimé. Quelques semaines plus tard, la lettre d’un lecteur de Péki, mettant le clergé au défi soit de réfuter soit de soutenir les déclarations présentées dans ces articles, fut publiée dans le journal. Bien sûr, il n’y a pas eu de réponse, mais les prêtres sentaient monter leur colère contre les frères.

En juin 1931, un avocat, directeur du journal appelé Vox Populi, encouragea Eddy Addo à écrire un article sur la sorcellerie. La chrétienté était divisée sur ce sujet et avait créé un comité d’ecclésiastiques qui devaient examiner la question et délibérer de l’existence des sorcières. L’article s’intitulait “Au comité de la sorcellerie”. Il contenait bon nombre de déclarations qui ont dû exaspérer le clergé. Cependant, Eddy Addo a reçu une lettre datée du 27 juillet 1931 et provenant de la ville reculée de Sekyedomase, située au nord de l’Achanti. Cette lettre déclarait entre autres : “Monsieur, j’ai lu avec le plus vif intérêt votre article du 27 juin intitulé ‘Au comité de la sorcellerie’. Permettez-​moi, Monsieur Addo, de vous féliciter du fond du cœur (...). Je partage entièrement vos sentiments qui s’opposent à la sorcellerie et j’ai souvent eu l’occasion de citer les mêmes arguments dont vous vous êtes servi dans votre article adressé aux ‘plus saints des saints’ qui nient l’existence des sorciers et de leurs enchantements.”

Les prêtres n’étaient pas seulement exaspérés par les coups cinglants des vérités bibliques. Ils perdaient également leurs ouailles. Voilà pourquoi ils en sont arrivés à haïr les frères et à faire tout ce qui était en leur pouvoir pour s’opposer à eux. À Jamase, située à environ quarante kilomètres au nord de Jumasi, un prêtre catholique de race blanche a violemment attaqué frère Noah Adjei dans un accès de colère incontrôlé. À d’autres endroits, les ecclésiastiques ont excité la foule ou ont recherché l’aide des autorités locales pour expulser les frères de leur ville. En 1932, un prêtre catholique a essayé cette méthode à Obuasi avec des résultats dignes d’intérêt.

Grâce à ses mines d’or, Obuasi est une ville florissante de l’Achanti. Michael Firempong avait été amené à la vérité par I. D. Anaman. De gardien de la paix, il avait été promu au rang de brigadier et affecté à la gare d’Obuasi. Peu de temps après son arrivée, la ville commençait à être saturée de publications, dont quelques-unes étaient même parvenues aux missions des Églises de la chrétienté.

Un matin que Firempong rendait témoignage au chef de gare, membre de l’Église catholique, un prêtre s’est présenté en disant : “Êtes-​vous l’individu qui distribue ces publications communistes ? Certains de ces livres sont arrivés dans la mission l’autre jour, et j’ai eu le plaisir d’en faire un feu de joie. Vous répandez de la propagande communiste dans cette ville. Je vais voir le directeur des mines et lui parler de vos activités.”

Conformément à sa menace, le prêtre a écrit un long rapport contenant un avertissement sur les dangers du communisme naissant dans la ville, déclarant qu’il fallait “étouffer dans l’œuf ces menées”, dont l’instigateur était le grand brigadier affecté à la gare. Le directeur des mines a immédiatement transmis le rapport au commissaire de police responsable de l’Achanti. À son tour, celui-ci l’a envoyé au commissaire divisionnaire responsable du district d’Obuasi.

Firempong fut appelé un beau matin au bureau du commissaire de police. Celui-ci lui demanda des exemplaires des livres qu’il lisait et diffusait dans la ville. Le brigadier s’est exécuté en lui faisant parvenir un colis contenant les livres Délivrance, La Harpe de Dieu, Lumière, Gouvernement et plusieurs brochures. Il a prié Dieu et a continué de participer au ministère.

Trois mois plus tard, alors qu’il avait été déplacé à Tarkwa, les livres lui ont été renvoyés avec une note du commissaire affirmant qu’il ne se trouvait rien de communiste dans ces ouvrages. À de nombreux endroits, les pages des livres avaient été cochées, et certaines phrases avaient été soulignées. Le commissaire avait vraisemblablement fait circuler ces ouvrages parmi des hauts fonctionnaires du gouvernement afin qu’ils les lisent et y apposent des remarques. Bien sûr, le brigadier Firempong fut transporté de joie en constatant que les machinations du prêtre catholique avaient fait que les publications soient lues par les gens situés au sommet du pouvoir gouvernemental.

Dans tout le pays, de nombreuses aventures semblables se sont produites dans lesquelles les efforts du clergé pour étouffer la vérité ont échoué. Les ecclésiastiques avaient beau dire à leurs ouailles de s’abstenir d’écouter les frères, cela ne faisait que stimuler leur curiosité et leurs questions. Un prêtre de l’Église anglicane qui se sentait frustré alla voir frère J. B. Commey à Accra et protesta en ces termes : “Pourquoi continuez-​vous cette ineptie ? À cause de vous, les femmes me posent maintenant des questions absurdes.”

Après quelque temps, le clergé s’est rendu compte qu’il ne pouvait rivaliser avec les sauterelles symboliques qui causaient des ravages dans son pâturage religieux (Joël 1:4). Il ne pouvait pas non plus tenir en échec les chevaux symboliques qui le piquaient de tous les côtés à la fois (Rév. 9:7-10). Cependant, l’organisation protestante appelée le “Conseil chrétien” fit une démarche désespérée en recherchant l’aide du gouvernement colonial pour que frère W. R. Brown, qui dirigeait l’œuvre à partir du Nigeria, soit déclaré “persona non grata”.

À la suite de cela, on a interdit officieusement l’importation et la diffusion des publications de la Société. L’article 271 a ii du Code des douanes de 1923 a été invoqué. Il autorisait le service des douanes à confisquer et à détenir tous les “livres, journaux et imprimés qui, selon l’opinion du Contrôleur (soumis à toutes les instructions du gouverneur), sont séditieux, diffamatoires, de caractère scandaleux ou démoralisants”. Les publications de la Société Watch Tower et de l’Association internationale des Étudiants de la Bible ont été classées dans cette catégorie. Cela s’est produit en 1936. Le clergé de la chrétienté se réjouissait. Il croyait avoir tué l’œuvre des témoins de Jéhovah.

L’INTERDICTION DE SÉJOUR ET LES RESTRICTIONS

La décision d’interdire dans l’avenir l’entrée de W. R. Brown en Côte-de-l’Or n’a pas été communiquée aux frères au moment où elle a été prise. Comment en ont-​ils été informés ? Frère Brown lui-​même l’explique :

“Dans le rapport de service de l’année écoulée [1936], nous avons écrit que nous étions déterminés à consacrer davantage d’heures au service cette année, et, si possible, à tripler la production de l’année dernière en livres et en brochures. Par conséquent, nous projetions de faire le tour de la Côte-de-l’Or avec une voiture munie de haut-parleurs, à partir de la ‘semaine de service’ qui se tient du 3 au 11 octobre 1936.

“Nous avons commandé à Brooklyn pour la Côte-de-l’Or 20 000 brochures Qui gouvernera le monde ? et autant de brochures Gouvernement. Nous avons quitté Lagos le 1er octobre en embarquant la voiture munie de haut-parleurs et quarante cartons de livres et de brochures, afin d’arriver à Accra la veille de cette campagne. Dès l’arrivée du vapeur à Accra, la voiture et les quarante cartons ont été débarqués avant que l’agent du service de l’immigration monte à bord. Tous les passagers étrangers lui ont présenté leurs passeports. Je lui ai également tendu le mien pour m’entendre dire de patienter jusqu’à ce qu’il ait fini avec les autres passagers. On m’a ensuite appelé et informé qu’il ne me serait pas permis de pénétrer en Côte-de-l’Or. Lorsque les frères à terre, qui m’attendaient, ont entendu parler de cela, ils ont été voir l’agent du service de l’immigration en étant disposés à payer comptant une caution de 60 livres sterling pour permettre mon débarquement, mais cela leur fut refusé. Le jour suivant, je me suis retrouvé à bord d’un autre navire avec la voiture et les bagages, en partance pour Lagos et dans l’obligation de payer mon voyage de retour.

“Par la suite, nous avons appris que les membres du prétendu ‘Conseil chrétien’ avaient décidé d’interdire toute activité ultérieure du représentant de la Société en Côte-de-l’Or. Ils lui reprochaient la réaction manifestée en sa faveur par le public et la presse quand il donna les conférences du juge Rutherford un an plus tôt, dans une salle comble où environ 2 000 âmes s’étaient rassemblées.”

Le 17 février 1937, les frères ont envoyé au gouverneur, sir Arnold Hodson, une pétition demandant la mise en circulation des livres expédiés en Côte-de-l’Or un mois après le refoulement de frère Brown hors du pays, mais qui étaient alors sous la garde du Contrôleur des douanes. La lettre de réponse du gouverneur, datée du 18 mars, expliquait que les publications avaient été confisquées conformément aux lois de la Côte-de-l’Or et qu’il n’avait nullement l’intention de révoquer la décision du Contrôleur des douanes dans cette affaire. Par la suite, en juin 1937, les soixante-neuf cartons contenant 22 245 ouvrages ont été brûlés.

La filiale de Lagos a immédiatement indiqué aux frères de la Côte-de-l’Or d’entrer en relations avec un avocat afin de voir ce qu’il était possible d’entreprendre pour demander justice selon la loi.

Ce n’était pas le Code des douanes qui était mis en cause, mais plutôt les préjugés et l’intention malveillante qui avaient présidé à son application. D’après les apparences, le Contrôleur des douanes et ses employés étaient à l’abri des poursuites résultant d’une mauvaise application du Code, et cela grâce à une décision arbitraire du gouverneur.

Le 24 août 1937, l’avocat a écrit à frère Brown à Lagos en joignant des copies de sa correspondance échangée avec le gouvernement. Sa lettre déclarait :

“D’après certaines conséquences sans doute encore à suivre, il est clair que le point essentiel de l’affaire soumise à l’examen du gouverneur n’a pas été envisagé d’une façon honnête dans la lettre du ministre des Colonies. Nous avons cependant la liberté d’entreprendre des démarches qui décideront peut-être le gouvernement à nous donner une réponse satisfaisante. Tout en n’abandonnant nullement l’idée d’adresser sur toute l’affaire une pétition en règle au gouverneur, je constate qu’il est peu probable, à moins que des pressions extérieures ne s’exercent sur le gouvernement de la Côte-de-l’Or, que des démarches soient entreprises volontairement à Accra pour satisfaire et dédommager la filiale de votre Société dans ce pays.”

La lettre de l’avocat parlait ensuite d’une enquête qu’il effectuait pour sonder l’opinion publique sur les publications et les activités déployées par les frères du pays. Il espérait en inclure les résultats dans la pétition. Il a écrit la pétition et les frères l’ont vérifiée. Après leur approbation, elle a été rédigée sous sa forme définitive et présentée au gouverneur. Sa réponse, datée du 26 janvier 1938, déclarait : “Son Excellence a examiné attentivement la pétition de vos clients, la Watch Tower Bible and Tract Society, Bureau de la Côte-de-l’Or, et n’est pas disposée à faire la déclaration générale demandée dans l’alinéa 18 de votre pétition.”

LA VOITURE MUNIE DE HAUT-PARLEURS BOULEVERSE L’ENNEMI

W. R. Brown envoya par la suite S. Ogunde en Côte-de-l’Or avec une voiture équipée de haut-parleurs pour répandre le message du Royaume. La nouveauté de cette voiture dans le pays, jointe à la curiosité africaine traditionnelle, a immédiatement assuré le succès de cette campagne. À cette époque, les gens vivaient très simplement et disposaient de beaucoup de temps libre, mais les moyens de se divertir étaient très limités, surtout dans les régions rurales. Dès qu’ils entendaient quelque chose d’inhabituel, les Africains se précipitaient dans les rues. Parmi ces personnes si détendues, la voiture munie de haut-parleurs amplifiant son étrange musique et ses sermons prononcés par “la voix de l’Européen”, attirait littéralement les foules. Bien que beaucoup de personnes fussent plutôt curieuses de voir le spectacle que vraiment intéressées par le message, le nombre des assistants constituait une excellente publicité pour la voiture équipée de haut-parleurs. Quelle a été la réaction du clergé ? Frère Ogunde fait le compte rendu suivant :

“L’inscription ‘Message du Royaume’ écrite sur le pavillon des haut-parleurs, la première installation de ce genre en Côte-de-l’Or, a exaspéré le clergé qui a été effrayé d’entendre la diffusion des conférences du juge Rutherford. Ses membres ont incité les autorités à nous persécuter, de sorte que nous avons été appelés plusieurs fois à comparaître devant l’officier de paix dans les provinces centrale et occidentale. Il nous a avertis de ne plus utiliser la voiture munie de haut-parleurs. Constatant qu’aucune loi ne nous empêchait de le faire, nous avons continué à rendre témoignage dans d’autres endroits en quittant les villes principales. En une certaine occasion, le fonctionnaire qui délivre les permis à Takoradi, ville située dans la province occidentale, nous a menacés d’annuler notre permis de conduire s’il voyait encore les haut-parleurs installés sur notre voiture. Nous avons fait le maximum pour opérer à l’abri de ses regards !”

En parlant des résultats complets obtenus par cette activité, frère Ogunde poursuit son rapport en ces termes : “Les personnes qui étaient de bonne volonté ont manifesté un grand intérêt et une vive reconnaissance pour le message du Royaume qui leur était apporté au moyen de la voiture munie de haut-parleurs. En l’espace de trois mois, nous avons placé plus de cent livres et plus de 20 000 brochures. Sur l’ordre de Satan, et grâce aux manœuvres perfides de ses agents religieux visibles, le gouvernement de la Côte-de-l’Or a maintenant promulgué une loi interdisant dans ce pays la circulation de tous les véhicules à moteur munis de haut-parleurs sans autorisation préalable des autorités compétentes.” Cela mit un point final à la campagne entreprise avec la voiture équipée de haut-parleurs.

LES ÉQUIPEMENTS DE SONORISATION ET LES PORTE-VOIX

Avant d’avoir été refoulé hors du pays lors de sa brève visite de 1938, frère Brown avait laissé trois équipements de sonorisation et des jeux de sermons enregistrés sur disques aux frères A. W. Osei et J. B. Commey. Grâce à ce nouvel équipement, les frères ont pu atteindre de nombreuses villes et parler à de grandes foules.

À Konongo, en 1944, Doe, inspecteur de police, a arrêté quelques frères et les a maintenus en détention sans qu’aucune charge ne soit relevée contre eux. Cela se reproduisait presque chaque semaine, juste au moment où les frères étaient prêts à sortir dans le service du champ. Un beau jour, les frères se sont trouvés en face de l’inspecteur, dans son foyer. Il apporta de sa bibliothèque le livre Gouvernement et la brochure Une Guerre universelle est proche. Il a parlé du plaisir qu’il avait tiré de la lecture de ces ouvrages, affirmant qu’il ne voudrait jamais s’en séparer car ils sont vraiment excellents, parlent de la vérité, etc. Les frères lui ont dit que le livre qu’ils présentaient possédait le même message.

“Je sais”, dit-​il.

“Alors, pourquoi nous attirez-​vous des difficultés ?”

“C’est le prêtre catholique qui vous crée des ennuis !”

“Mais pourquoi donc ?”

“Il affirme que deux de ses fidèles ont adhéré à vos idées et que son Église finira par s’effondrer, à moins que vous n’abandonniez et ne quittiez la ville.”

“Partagez-​vous son avis ?”

“Ce qu’il dit est exact, mais je sais que je ne devrais pas collaborer avec lui. En fait, je ne vais plus continuer.”

Le frère Eric Adu Kumi rapporte qu’à partir de ce jour-​là, l’inspecteur Doe ne leur a plus créé de difficultés. En réalité, il a même autorisé les frères à recevoir leur courrier dans la boîte postale réservée à la police afin que l’adversaire ne puisse détruire aucune publication qui leur serait destinée.

À la fin des années trente, il n’y avait que les trois puissants équipements de sonorisation dans le pays. Les frères ont donc inventé un moyen leur permettant de remédier à cet inconvénient. Ils ont alors découpé et soudé des morceaux de fer-blanc ou d’un autre métal pour constituer de grands entonnoirs, qui allaient leur servir de porte-voix. Les frères ont appelé ces instruments des “cors” ou des “mégaphones” et les ont utilisés pour adresser la parole aux foules assemblées dans les villages et les villes. Le frère K. Gyasi, qui possède une grande expérience de leur emploi, déclare à propos de ce dispositif : “Il était très pratique car il permettait à la voix d’atteindre de grandes distances et il s’est avéré comme le plus puissant haut-parleur dont nous disposions à cette époque.”

Partout où retentissaient les porte-voix, les gens se précipitaient hors de leurs foyers, quittant parfois la table au milieu du repas pour entendre la Parole de Dieu sortir de la “curieuse corne”. Les frères furent ainsi en mesure d’étendre l’œuvre et de former des congrégations ainsi que des groupes dans la plupart des territoires non attribués de l’époque. Cela a également aidé les frères, car leurs nombreux faits de prédication intéressants et leurs aventures parfois fâcheuses ont fortifié leur zèle et leur foi. Frère Anaman se souvient des faits suivants :

Au cours de 1943, il a décidé de rendre visite à son père qui s’était retiré du service de l’Église presbytérienne et s’était installé à Kwanyaku, sa ville natale. Il a écrit à J. O. Blankson et à E. K. Paning en leur demandant de le rejoindre sur place pour visiter ce territoire.

Ces trois frères ont pris un jour le porte-voix et sont allés vers cinq heures du matin à la limite séparant les prétendus quartiers chrétiens ou “Salem” du reste de la ville et ont commencé à déclamer une conférence. “Salem” ne connaissait plus la paix. Le pasteur de l’Église presbytérienne, Opanin Birikuran, et le directeur de l’école presbytérienne, sortirent de leurs foyers. Le prêtre se jeta sur frère Anaman et s’empara du porte-voix.

Il s’écria : “Vous n’avez pas le droit de prêcher ici.”

“Pourquoi ?”, s’enquit frère Anaman.

“Ce territoire est à moi. Allez donc chez les païens !”

Anaman se tourna vers le directeur de l’école et lui demanda en anglais : “Qu’y avait-​il de faux dans mes déclarations ?”

L’homme répondit : “Rien, il s’agissait d’un excellent commentaire de la Bible.”

“Alors, pourquoi voulez-​vous nous empêcher de prêcher ?”

Le prêtre, qui ne connaissait pas un mot d’anglais, coupa la conversation en disant : “Je vous ai dit de partir d’ici ! Vous n’avez pas le droit de parler ici. Ce territoire m’appartient !”

“Les gens qui y vivent vous appartiennent-​ils également ?”

“Oui, ce sont mes brebis. Allez-​vous-​en !”

Frère Blankson est intervenu et a expliqué que dans une telle situation, l’instruction de Jésus qui consiste à “secouer la poussière” de ses pieds était appropriée. “Voilà, nous secouons la poussière de nos pieds. Nous allons chez les païens. Mais sachez qu’au jour du jugement, ce sera pire pour vous que pour les villes de Sodome et de Gomorrhe !” C’est sur ces mots qu’ils se sont dirigés vers la partie païenne de la ville.

Cette aventure laissa le prêtre aux prises avec une sorte de crainte morbide. Au lever du soleil, il alla chez le père de frère Anaman et s’indigna en disant que son fils et ses compagnons lui avaient jeté un maléfice et qu’on devrait les obliger à l’écarter. Cet homme, qui s’était retiré du service religieux de l’Église, reprocha au prêtre d’entraver la prédication de la Parole de Dieu. Par un curieux concours de circonstances, le prêtre est mort brutalement le matin suivant. Frère Anaman rapporte qu’‘une grande crainte est tombée sur les gens, et que les portes des foyers se sont ouvertes librement à nous’.

Somme toute, les païens des villages étaient favorablement disposés envers le message. Il leur est cependant arrivé de susciter des difficultés aux frères. À Akoti, un village proche d’Asesewa, dans le territoire Krobo, E. T. Quaye ainsi que d’autres frères ont été frappés et jetés dans un cachot malpropre de la résidence du chef de tribu, pour avoir prêché le jugement divin contre les dieux païens.

LES “INTERPRÈTES DE LA BIBLE” SE TOURNENT VERS LE VRAI CULTE

Redresser la situation de ceux qui s’appelaient les “Interprètes de la Bible” a été l’une des activités qui a contribué à la bénédiction de Jéhovah sur son peuple. Elle a été entreprise à partir des trois ou quatre dernières années de la décennie 1930. Auparavant, des efforts isolés avaient été déployés, mais désormais il s’agissait d’une ligne de conduite adoptée par l’organisation pour aider les “Interprètes” à ajouter la connaissance à leur zèle et à bien diriger leur prédication. Une campagne bien préparée a été engagée dans ce but.

Cela n’a pas été facile, mais la vérité a triomphé grâce à l’amour et à la patience manifestés. À l’exception de quelques individus engagés dans une mauvaise voie, les membres du groupe ont tous effectué le changement nécessaire. Parmi ceux qui ne l’ont pas fait, aucun n’était capable de perpétuer l’activité de leur organisation. Dès 1940, l’“Église” des “Interprètes de la Bible” a donc cessé d’exister.

Sampson Nyame, W. Otchere et M. K. Twum, leurs anciens conducteurs, ont tous entrepris le service de pionnier. Cet accroissement constituait une bénédiction qui entraînait une responsabilité supplémentaire : celle de veiller sur ces nouveaux venus. L’organisation était envahie tout d’un coup par des paysans analphabètes. Ils devaient étudier la Parole de Dieu pour parvenir à la maturité. Mais comment y arriveraient-​ils, à moins d’apprendre à lire ?

Un grand nombre de frères instruits possédaient un amour véritable pour ces personnes. Surtout à partir de 1937, ils ont organisé dans les congrégations et dans les maisons particulières des cours pour apprendre à lire et à écrire. Les progrès réalisés par les étudiants ont été extraordinaires. En l’espace de deux mois, certains étaient en mesure de lire la Bible. Quelques-uns sont même parvenus à parler, à lire et à écrire l’anglais, et avec aisance.

Ils sont devenus très utiles dans l’organisation, occupant différentes fonctions et veillant aux réunions organisées dans leur congrégation. À cette époque-​là, elles étaient principalement fondées sur les publications anglaises.

On avait demandé aux congrégations d’abandonner la coutume de la chrétienté consistant à sonner les cloches pour indiquer l’heure de se réunir pour adorer Dieu. Mais cela soulevait un autre problème. Comment ces villageois, pour la plupart analphabètes, allaient-​ils savoir à quel moment il fallait se réunir ?

Il suffisait simplement de demander à celui qui possédait une montre parmi ces campagnards de venir à la Salle du Royaume à l’heure. En le voyant arriver, les autres connaîtraient l’heure. Une autre méthode consistait à revenir à l’emploi du cadran solaire rudimentaire. Ces personnes écoutaient retentir la cloche de l’école de leur village, qui carillonnait l’heure entre sept et quatorze heures. Aux différentes heures, elles pouvaient ainsi indiquer la “progression” de l’ombre sur leur maison, sur un arbre en face de chez elles ou sur n’importe quel objet immobile et connaître ainsi le temps écoulé.

Des dispositions semblables ont été prises pour les aider à tenir un rapport de leur activité dans le service du champ et à le remettre à la congrégation. Bien sûr, au fur et à mesure que davantage de frères ont appris à lire et à écrire et ont acheté des montres, le problème a disparu.

Toutes ces dispositions ont reçu les bénédictions de Jéhovah, si bien que le nombre de ceux qui remettaient un rapport de leur activité dans le champ est passé de moins de 50 en 1936 à 500 en 1946, répartis dans 33 congrégations.

LES DIFFICULTÉS AUGMENTENT PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Lorsque la guerre a éclaté en 1939, les autorités ont rendu encore plus insupportables les mesures déjà rigoureuses prises à l’encontre des frères. Dans cette situation, certains des frères, et en particulier ceux de Koumassi, qui étaient déjà notés comme des “fauteurs de troubles”, ont décidé d’affronter l’ennemi plutôt que d’attendre et d’être acculés dans leurs derniers retranchements.

Lorsque le périodique Consolation a édité en 1939 une série d’articles intitulés “Le Pape et la guerre”, les frères Anaman, Blankson et Quansah ont décidé d’envoyer la totalité des exemplaires qu’ils recevaient aux ecclésiastiques éminents et aux fonctionnaires du gouvernement, y compris le gouverneur. Ils ont commencé avec le numéro contenant le premier de cette série d’articles.

Quelques semaines après cette distribution spéciale, un agent de police est venu au bureau de frère Anaman. Il lui a appris que le commissaire de police, membre de l’Église catholique romaine, désirait le voir.

Juste après cette entrevue, J. G. Quansah alla également au bureau de frère Anaman. Quand il apprit ce qui se passait, il fila au commissariat de police à toute vitesse, et y arriva avant frère Anaman et l’agent. Il les suivit dans le cabinet du commissaire. Ce dernier était assis derrière son bureau. Il arborait une attitude hostile et avait l’air menaçant.

“Est-​ce vous qui m’avez envoyé ceci ?”, demanda-​t-​il en tendant le périodique Consolation. Son expression était vraiment inquiétante. La question s’adressait à Anaman, et Quansah avait du mal à contenir son impatience en entendant ces mots : “Je fais partie de ceux qui l’ont envoyé.” Ces paroles expiraient à peine sur les lèvres d’Anaman que Quansah s’écria derrière lui :

“Moi aussi, et voici la deuxième partie de l’article !” Tout en parlant, il laissa tomber le nouvel exemplaire du périodique sur le bureau du commissaire.

Le commissaire de police en resta interloqué et complètement abasourdi. Il avait évidemment projeté de menacer le frère dans l’espoir de l’intimider. Il n’avait jamais compté sur une telle hardiesse de la part des témoins de Jéhovah. Il prit la parole en balbutiant comme un acteur qui viendrait de manquer son entrée. Il se contenta de prendre les adresses des frères et les laissa aller, à la plus grande stupéfaction de ses subalternes.

À cette époque-​là, la presse de la Côte-de-l’Or était très libérale et favorablement disposée envers les frères. Dans son rapport sur l’année de service 1939, le surveillant de filiale de cette région déclara ceci :

“Dans ce pays, nous nous sommes servis de la presse pour rendre témoignage. C’est le Seigneur lui-​même qui a sans aucun doute indiqué cette autre méthode. Une colonne nous est réservée quotidiennement pour nos articles intitulés ‘Face aux réalités’. Certains écrits de frère Rutherford sont reproduits. Non seulement cela fait enrager les membres de la hiérarchie de l’Église, mais cela les fait hurler de douleur conformément aux déclarations des Écritures. De nombreuses personnes ont appris la vérité au moyen des journaux.”

Nos adversaires ont utilisé la Voix catholique (angl.) pour répéter le mensonge selon lequel les frères étaient des communistes propageant le manque de respect envers le gouvernement britannique. Cela provoqua l’arrivée de policiers en civil lors d’une des réunions tenues à la Salle du Royaume de Koumassi. Les frères ont identifié les étrangers et ont présenté un programme improvisé à leur intention. La réunion a été traitée par questions et réponses de la façon suivante :

Q. “Certains disent que vous manquez de respect à l’égard du gouvernement britannique et que vous essayez d’établir votre propre royaume. Est-​ce exact ?”

R. “Absolument pas ! Le gouvernement britannique est un gouvernement humain, comme tous ceux qui sont sur la terre à notre époque. Nous désirons plutôt que le Royaume de Dieu établi au ciel nous gouverne.”

Q. “En préconisant le Royaume de Dieu, ne commettez-​vous pas un acte séditieux ?”

R. “Comment pourrait-​il en être ainsi ? Les rois et les reines d’Angleterre prient pour la venue du Royaume de Dieu, n’est-​ce pas ? Ils récitent même les paroles suivantes du Notre Père : ‘Que ton Règne arrive.’ Peut-​on les accuser de sédition ?”

(Les policiers ont fait un signe de tête approbateur. Le programme s’est poursuivi.)

Q. “Mais pourquoi vous attaquez-​vous particulièrement à l’Église catholique ?”

R. “Regardez donc la préface de la propre Bible du Roi, la Version autorisée du roi Jacques. Nous y lisons : ‘De sorte que s’il arrivait d’une part, que nous soyons diffamés dans notre pays ou à l’étranger par des papistes qui nous calomnieraient parce que nous sommes de pauvres instruments voulant faire connaître davantage la sainte Vérité de Dieu au peuple, qu’ils désirent maintenir dans l’ignorance et les ténèbres (...).’ Ainsi, vous voyez que le roi d’Angleterre lui-​même et ses érudits partagent notre avis : les ‘papistes’ de l’Église catholique désirent maintenir dans les ténèbres spirituelles les gens éloignés de la ‘sainte Vérité de Dieu’. Il est certes injuste de nous calomnier parce que nous osons réparer le mal qu’ils ont fait et continuent de faire. Sans aucun doute, si la hiérarchie nous envoie des policiers, c’est uniquement à cause de cela.”

Les policiers ont de nouveau fait un signe d’approbation. Après une heure de discussion si animée, ils sont devenus comme les officiers qui avaient été envoyés pour s’emparer de Jésus : ils sont repartis sans faire une seule arrestation. — Jean 7:32, 45, 46.

Le lendemain, frère Quansah a rencontré dans la rue le brigadier qui lui a déclaré : “Nous avons fourni un bon rapport sur votre compte. Votre unique ennemie est l’Église catholique.” Nous n’avons plus jamais vu de policier en civil aux réunions.

L’EFFORT DE GUERRE

Le 16 juin 1941, sir Arnold Hodson, gouverneur de la Côte-de-l’Or, publia dans la Gazette un règlement appelé “Ordonnance du service obligatoire, 1941”, selon laquelle “chaque sujet britannique de sexe masculin et chaque ressortissant britannique ou chaque personne traitée comme un ressortissant britannique ayant entre dix-huit et quarante-cinq ans et habitant d’ordinaire en Côte-de-l’Or” est susceptible d’être appelé en vue du service militaire obligatoire.

En 1940, les frères de Koumassi ont traduit en dialecte tchi l’article de La Tour de Garde du 1er novembre 1939 traitant de la “Neutralité”. Ils en ont envoyé des exemplaires polycopiés à un grand nombre de congrégations du pays s’exprimant en tchi. En 1941, ils ont continué sur leur lancée en traduisant un article du périodique Consolation intitulé “Qui craignez-​vous ?”, qui a également été distribué dans les congrégations de langue tchi.

En 1941, les frères de Koumassi ont pris des dispositions pour passer plusieurs week-ends à étudier ces articles avec les frères de Safo et d’Asonomaso. Leur connaissance ainsi fortifiée, ils ont été en mesure de décider comment agir en harmonie avec leur position de neutralité vis-à-vis de la guerre et de la déclaration du gouverneur. Ils ont refusé de participer à la collecte faite au profit de l’achat d’avions du type Spitfire qui allaient servir à la guerre. Cela souleva contre eux la colère des gens, qui éclata sous forme de persécutions.

L’adversaire cherchait à inciter les chefs de tribu de Kwahu à persécuter les témoins. Des ecclésiastiques, d’importants membres de l’Église et d’autres hommes influents de la région ont présenté les frères sous un faux jour au chef suprême. Ils ont prétendu qu’ils s’étaient rebellés contre le roi de l’Achanti et avaient dû fuir sa colère. Ils affirmaient que de telles personnes avaient été bien accueillies au sein des témoins de Jéhovah afin de renverser les autorités de cette région.

Le chef suprême a siégé en conseil avec ses sous-chefs pour discuter de l’affaire. Ils avaient presque décidé d’expulser les réfugiés et d’interdire l’activité des témoins indigènes lorsque le chef d’Obo s’est levé et a déclaré en substance : “Ces gens sont des prédicateurs de la Parole de Dieu. Ils ne forcent personne à les écouter ni à se joindre à leur Église. Ils sont différents de tous les membres des Églises que nous connaissons et cela pourrait bien signifier qu’ils sont les véritables adorateurs de Dieu et que Dieu les soutient. Vous devriez donc bien réfléchir à ce que vous avez l’intention d’entreprendre contre eux. Quant à moi, je n’adhérerai à aucune action susceptible de combattre la volonté divine.”

Cette déclaration a effrayé les chefs et a mis un point final à leur réunion. Cependant, constatant leur défaite collective, certains ont commencé à comploter contre les frères dans leurs propres villes. Le chef de Nkwatia était particulièrement actif dans ce domaine. Il a fait jeter deux frères en prison pendant deux mois et c’est sur son incitation que frère Anaman a été arrêté et interrogé plusieurs fois par la police.

Là aussi, les frères avaient été présentés sous un mauvais jour au commissaire responsable du district. Il les a convoqués à son bureau de Mpraeso et les a interrogés. Lorsqu’ils lui ont expliqué leur position de neutralité chrétienne, il a dû décevoir profondément les persécuteurs en déclarant aux frères :

“Je sais que la position des témoins de Jéhovah en Angleterre est exactement la même. Retournez chez vous, mais gardez-​vous de décourager les autres habitants de soutenir l’effort de guerre.”

Les ennemis ont continué de s’exciter jusqu’à ce qu’ils obtiennent que le chef suprême fasse à nouveau comparaître les frères devant lui. Cette fois-​ci, les frères étaient accusés de ne pas avoir payé leurs impôts. Imaginez la situation lorsqu’ils ont tous présenté sur-le-champ leurs reçus pour la taxe ordinaire de base (taxe d’équipement). Cela réduisit au silence un grand nombre d’adversaires, car eux-​mêmes n’avaient pas payé cette taxe de base.

Le capitaine de l’armée du chef, traditionnellement appelé Osafohene, choisit ce moment-​là pour se lever et déclarer à l’assemblée :

“Vous savez très bien que nous adorons également des dieux et des fétiches qui nous imposent certains tabous et certaines restrictions. Comme on le dit chez nous : ‘Ne force personne à rejeter les tabous de son fétiche.’ Donc, si ces adorateurs de Jéhovah affirment que la guerre est taboue selon leur Dieu, je crois que nous devrions les laisser tranquilles. Gardons-​nous bien de les obliger à transgresser les lois de leur Dieu.”

LES RÉSULTATS DE LA PERSÉCUTION

Quels ont été les résultats de la persécution ? Elle s’est avérée une bénédiction dans de nombreux domaines et a fait progresser l’œuvre dans le pays. Tout d’abord, de nombreux frères qui s’étaient déplacés dans des territoires isolés ont pu y commencer l’œuvre de témoignage. Non seulement les anciennes congrégations ont été fortifiées, mais un grand nombre de nouvelles congrégations ont été formées.

De plus, l’opposition des villages jumeaux de Safo et d’Asonomaso a été vaincue une fois pour toutes. Un grand nombre de villageois pensaient qu’à leur retour de prison, les frères feraient du tapage dans la ville et rendraient le mal pour le mal. Ils ont donc été très surpris de voir qu’au lieu d’agir ainsi, les frères allaient de maison en maison, saluant et bavardant avec chacun. De nombreuses personnes sont devenues réceptives à la bonne nouvelle. Mais cela ne s’arrêta pas là.

Après la période des persécutions, leurs principaux meneurs ont été assaillis par de sérieuses difficultés. Les esprits animistes superstitieux n’ont pas manqué de rattacher ces difficultés aux persécutions endurées par les vrais chrétien. Opanin Kwabena Saara, l’un des principaux auteurs des séances de correction organisées à Asonomaso est mort en tombant d’un grand funtumia (arbre à caoutchouc). Deux fonctionnaires du tribunal qui avaient essayé de railler les frères sont morts mystérieusement. Le brigadier Fodwoo fut congédié trois jours après avoir déclaré qu’il jetterait frère J. F. Rutherford lui-​même en prison s’il était en Côte-de-l’Or.

Les adversaires païens ont associé ces différents événements et d’autres encore et ont déclaré : ‘Dieu est vraiment avec eux !’ Certains sont même venus à la vérité, comme le montre le récit suivant.

Deux messagers d’Asantehene sont partis voir le chef d’Asonomaso. Après avoir réglé les affaires officielles, ils se sont arrêtés auprès d’un homme d’un certain âge et de sa femme qui jouissaient de la brise fraîche du soir devant leur demeure. Les messagers ont déclaré : “S’il te plaît, l’‘Ancien’, nous aimerions te demander un renseignement. Veuille nous excuser de te demander cela, mais tout d’abord, es-​tu originaire de cette ville ?”

Après la réponse affirmative de l’homme, ils ont poursuivi en disant :

“Il y a quelques mois, Nana, le roi de l’Achanti, a arrêté un certain nombre de témoins de Jéhovah qui refusaient de payer l’impôt pour la guerre. Il a lui-​même giflé quelques-uns d’entre eux, mais comme tout le monde le sait, personne ne peut continuer à vivre si ‘Celui qui est assis sur l’or’ [le roi] l’indique du doigt. Aussi, veuille nous apprendre combien de temps après leur retour chez eux ces hommes sont morts.”

En apprenant qu’aucun de ces hommes n’était mort, ils ont dit : “Nous pensons que tu ne sais pas de quoi nous parlons.”

L’homme expliqua qu’il était parfaitement au courant, car il était le fils du chef d’Asonomaso, et l’un des hommes qui avaient été maltraités par l’Asantehene Kwadwo Owusu était son beau-frère. Montrant sa femme du doigt, il déclara : “Tenez, voici sa sœur !”

Les hommes étaient stupéfaits. “Nous savons maintenant que ces hommes sont vraiment des serviteurs du vrai Dieu. Nous rapporterons cela au ‘Puissant’ et nous l’avertirons de prendre garde au cas où il aurait encore affaire aux témoins de Jéhovah.”

Akua Kwatema, la femme de cet homme, était superstitieuse et païenne. Elle n’avait jamais envisagé la situation sous cet angle. Maintenant qu’elle l’examinait très sérieusement, elle finissait par conclure : “S’il existe un Dieu capable de sauver ses serviteurs de la colère des dieux de l’Achanti, il est digne d’être adoré.” Elle s’est tout de suite mise à fréquenter les témoins de Jéhovah et sert Dieu fidèlement jusqu’à ce jour.

Pour passer à un autre sujet, nous aimerions vous raconter un fait relatif à une assemblée. Un frère aveugle de Koforidua, frère B. A. Quaye, nous explique les dispositions qu’il a prises pour assister à l’assemblée tenue à Swedru en 1944. Il n’avait pas suffisamment d’argent pour payer le prix de son voyage, mais possédait assez de nourriture pour l’aller, en partant à pied. Bien que la distance à parcourir fût d’environ 115 kilomètres, il décida d’être présent à l’assemblée.

Il a pu convaincre un autre frère qui ne voulait pas l’accompagner, à cause, prétextait-​il, du “manque d’argent”. Ils sont partis à pied une semaine avant le début de l’assemblée. En cours de route, d’autres se sont joints à eux, si bien que le petit groupe s’élevait à une vingtaine de personnes avant d’arriver à Swedru. Que s’était-​il passé ?

Ils dormaient la nuit chez des frères se trouvant sur leur route. De nombreux frères et sœurs en bonne santé ont été étonnés et encouragés par les efforts du frère aveugle. À l’origine, ils avaient choisi de rester chez eux à cause du manque d’argent, mais ils ont décidé de se joindre à lui dans sa marche et ont reçu d’abondantes bénédictions à l’assemblée. La générosité manifestée par les frères qui ont entendu raconter ce fait à l’assemblée a permis aux congressistes venus à pied de revenir chez eux en train ou en camion.

UNE ANNÉE DE VICTOIRES ET DE SURPRISES

Les frères de la Côte-de-l’Or ont décidé au début de l’année 1947 de tenir une assemblée à Accra. Ils étaient prêts à faire appel à tous les moyens pour abroger l’interdiction de séjour à l’encontre de frère Brown, afin de lui permettre d’assister à l’assemblée. Ils ont désigné frère J. G. Quansah comme leur secrétaire et lui ont demandé d’envoyer une pétition en leur nom au gouverneur.

Frère Quansah a présenté la pétition le 6 mars. Elle fut acclamée comme un chef-d’œuvre, bien que ce frère n’ait jamais reçu d’instruction juridique. Le 25 mars 1947, nous avons tous éprouvé une grande joie en recevant la réponse suivante de M. G. Sinclair, représentant du ministre des Colonies, adressée à frère Quansah :

“Je suis délégué par le gouverneur pour vous notifier que l’Office national d’immigration est disposé à permettre l’entrée de M. Brown dans ce pays.”

Cette décision a été communiquée à frère Brown, toujours à Lagos, et deux semaines plus tard, il arrivait à Accra. Lui-​même déclare : “Vous imaginez facilement que voir mes enfants dans le Seigneur et assister à l’assemblée me comblait de joie !”

Au lieu du petit groupe de témoins qu’il avait vus en 1935 dans ce pays, 800 proclamateurs et amis de la vérité s’étaient assemblés dans la salle de cinéma Palladium.

DISPOSITIONS POUR SOUTENIR LE POINT DE VUE CHRÉTIEN SUR LE MARIAGE

Le point de vue chrétien sur le mariage monogame a été l’une des importantes questions discutées à cette assemblée. Avant 1947, un certain nombre de frères (loin de la majorité d’entre eux) étaient polygames. Les principes de moralité chrétienne exposés dans Galates 5:19-21 et partout ailleurs dans la Bible étaient respectés et les frères s’efforçaient de les suivre. Cependant, la polygamie n’était pas nettement considérée comme l’adultère. Cela provenait principalement du fait que, dans la société africaine, la polygamie est tout aussi honorable que la monogamie.

Finalement, un exemplaire de La Tour de Garde, paru le 15 janvier 1947, contenait un excellent article traitant du mariage. Le périodique précisait clairement que les chrétiens ne doivent pas avoir “plusieurs femmes”.

En utilisant La Tour de Garde du 15 janvier comme source des matériaux, le vendredi 4 avril 1947, frère W. R. Brown a donné à l’assemblée d’Accra un discours d’une heure et demie sur le mariage. Ce discours devint immédiatement le grand sujet de conversation des congressistes. Pour la première fois, le baptême était refusé aux polygames et il était demandé à ceux qui avaient été baptisés dans cette situation de purifier leur vie, afin de continuer à être acceptés au sein de l’organisation de Jéhovah.

Les polygames qui désiraient se conformer aux principes chrétiens sur le mariage devaient effectuer de grands changements dans leur vie. Ils étaient cependant disposés à les faire, remplis du désir de plaire à Dieu. La Société a traité ces différents cas avec beaucoup de patience et de bienveillance, conformément à la miséricorde de Jéhovah. À moins qu’il ne s’agît d’un cas particulier, les frères avaient six mois pour régulariser leur situation. La majorité a manifesté sa reconnaissance pour cette disposition, comme cela ressort du commentaire suivant du surveillant de filiale de l’époque :

“Lorsque tout a été réglé, il était très encourageant de constater que les personnes qui ont refusé de conformer leur vie aux principes chrétiens se comptaient sur les doigts d’une main. Jéhovah a béni l’activité des frères consistant à faire de nouveaux disciples. Ces derniers sont venus dans l’organisation avec une claire intelligence des conditions requises par les Écritures.”

DES DIPLÔMÉS DE GALAAD ARRIVENT

Frère Brown a donné une bonne nouvelle à la fin de l’assemblée en annonçant que deux diplômés de la huitième classe de Galaad étaient désignés pour venir en Côte-de-l’Or et qu’ils arriveraient au milieu du mois de juin. Les frères ont accueilli cette communication en applaudissant à tout rompre. Ils ne pouvaient plus refréner leur joie lorsque frère Brown a ajouté que “la prochaine fois que je vous rendrai visite vous ne serez plus 800 mais 8 000”.

Le 17 juin 1947, exactement comme prévu, les deux frères diplômés de Galaad, George Baker et Sidney Wilkinson, sont arrivés par bateau au port de Takoradi. Ils ont eu un avant-goût de ce qui les attendait dans ce pays, quand, lors du débarquement, frère Baker se vit confisquer, aux termes du Code des douanes, les publications de la Société composant sa bibliothèque personnelle. Les frères qui étaient venus les accueillir au port les ont vite mis au courant de ce qui s’était passé dans le pays. À côté de cela, l’incident concernant les livres de frère Baker semblait insignifiant. De toute façon, l’accueil chaleureux manifesté par les frères les a aidés à surmonter cette première difficulté.

LES RECOURS POUR OBTENIR UNE PLUS GRANDE LIBERTÉ

Le 11 septembre 1947, la filiale de Lagos a été informée que le Conseil législatif de la Côte-de-l’Or devait se réunir le mardi 16 septembre. Les frères disposaient donc de cinq jours seulement pour présenter au gouverneur et à chaque membre élu de ce conseil la première pétition qu’ils avaient élaborée.

Les frères ont travaillé dur et ont réussi à expédier des exemplaires de la pétition, comme prévu, en utilisant le télégramme, la poste aérienne et d’autres moyens rapides de communication. Pendant ce temps-​là, des copies de la pétition et des lettres d’accompagnement étaient envoyées au roi d’Angleterre, au premier ministre britannique et au ministre des Colonies. La filiale de Londres prenait en même temps des dispositions pour que toutes les congrégations des îles Britanniques envoient une lettre d’appel au gouvernement de la Côte-de-l’Or. De plus, les frères anglais étaient exhortés à écrire en tant que citoyens amis de la liberté et indignés de l’attitude manifestée par le gouvernement de la Côte-de-l’Or envers les témoins de Jéhovah. Les frères d’Angleterre ont répondu à cette requête et ont inondé la Maison du gouvernement installée à Accra de quelque 1 500 lettres protestant contre le refus de permettre l’entrée des publications de la Société dans ce pays.

Au milieu du mois de novembre, 10 496 personnes avaient signé une troisième pétition qui déclarait : “Nous n’avons aucune raison de nous plaindre des activités des témoins de Jéhovah, ni du contenu de leurs publications qui ne sont pas subversives mais ont pour but de servir les intérêts supérieurs du peuple.” Les signataires comprenaient de nombreux enseignants, des chefs de tribu, des avocats, des ecclésiastiques, des journalistes, des hommes d’affaires et d’autres personnalités en vue. La remise officielle de cette pétition eut lieu le 17 novembre 1947.

Mais le mois de décembre était déjà là et le vendredi 19, frères Knorr et Henschel ont atterri sur l’aérodrome d’Accra. Ces administrateurs de la Société en visite dans notre pays s’intéressaient au problème soulevé par l’attitude du gouvernement colonial envers notre œuvre. Ils n’ont pas seulement assisté à l’assemblée, mais ils ont passé du temps à visiter des fonctionnaires du gouvernement, tels que le Contrôleur des douanes, des membres du Conseil législatif et le directeur de l’éducation, qui avaient fait la critique des livres avant l’interdiction. Cependant, aucun d’eux ne put préciser ce qui était répréhensible dans nos publications.

Une assemblée s’est tenue pendant la visite de frères Knorr et Henschel dans un théâtre appelé le Palladium. Elle était bien organisée et les deux diplômés de Galaad désormais installés à Accra ont beaucoup contribué à son bon déroulement.

Le dimanche matin, frère Henschel a donné le discours du baptême. Les candidats ont ensuite été emmenés jusqu’à la plage dans des autobus en location. Une plantation de cocotiers sur le littoral leur a permis de changer de vêtements. Ils ont ensuite été baptisés par immersion dans les lames puissantes de l’Atlantique. Un total de 171 personnes ont ainsi été baptisées.

Quelque 950 frères assistaient à l’assemblée, parmi lesquels bien plus de 800 participèrent au service du champ en annonçant la réunion publique et en allant de maison en maison avec le livre Enfants qui était autorisé en Côte-de-l’Or. Les “hommes-sandwichs” étaient bien organisés et la diffusion de feuilles d’invitation s’est poursuivie jusqu’au moment de la réunion publique. Une multitude de gens qui se promenaient quotidiennement dans les rues d’Accra savaient que le discours public que prononcerait frère Knorr s’intitulait “Le gouverneur permanent de toutes les nations”.

On enregistra une assistance record à la conférence de 1 353 personnes, dont plusieurs centaines écoutaient à l’extérieur de la salle. Frère Knorr a parlé en anglais et son discours a été traduit en tchi et en gan.

Dans ses remarques finales, le président de la Société a donné de bons conseils aux frères sur la façon de poursuivre l’œuvre malgré l’obstacle de la censure. Il les a encouragés à l’aide de la Parole de Dieu et les a surpris en ajoutant : ‘À partir du 1er janvier 1948, donc dans quelques jours, une filiale fonctionnera désormais en Côte-de-l’Or.’ Le frère A. G. Baker allait en être le surveillant, aidé par frère S. Wilkinson.

C’était vraiment une bonne nouvelle ! Les frères n’ont cessé d’applaudir tout au long du discours, jusqu’à la fin de la session. L’assemblée s’est donc terminée ainsi, chacun attendant avec impatience les bénédictions qui découlent de l’établissement d’une filiale.

Avant de quitter l’Afrique occidentale, frère Knorr avait exposé par écrit la marche à suivre que les frères devaient adopter dans leur bataille pour lever l’embargo injuste mis sur les publications de la Société. Parmi d’autres points, il a mentionné que pendant son entrevue avec le Dr Danquah, un avocat, une suggestion avait été faite pour que la Société prenne des dispositions afin de porter l’affaire devant la Chambre des communes britannique. Le Dr Danquah avait pris l’exemple d’un livre écrit par le socialiste George Padmore et intitulé Comment la Russie a transformé son Empire colonial (angl.). Les douanes de Sa Majesté avaient confisqué un envoi de cet ouvrage adressé à l’avocat Ako Adjei d’Accra en alléguant le même Code des douanes. L’affaire fut portée devant la Chambre des communes en juillet 1947. Cela suffit pour inciter M. Creech Jones, le ministre des Colonies, à examiner cette affaire. Il en résulta la libre circulation de cet ouvrage en Côte-de-l’Or.

En conséquence, frère Knorr a écrit à la filiale de la Société aux îles Britanniques et l’a chargée de faire le maximum pour porter l’affaire devant le Parlement.

Le 14 janvier 1948, frère Atwood, membre de la filiale du Nigeria, a écrit à sir Gerald Creasy, qui exerçait à cette époque-​là les fonctions de gouverneur de la Côte-de-l’Or, et souleva la question de la pétition qui lui était adressée mais qui avait été présentée avant son entrée en fonctions. Le gouverneur a envoyé une réponse amicale, en affirmant qu’il accorderait un soin tout particulier à cette demande.

Le même jour, frère Atwood a également envoyé une lettre et un exemplaire du livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” à chaque membre élu du Conseil législatif de la Côte-de-l’Or. Après avoir fait assez longuement l’historique de la bataille, la lettre déclarait :

“Il est difficile de comprendre comment une personne sensée peut affirmer que cette publication est ‘séditieuse, diffamatoire, à caractère scandaleux ou démoralisante’. Il est néanmoins clair que telle est l’opinion du Contrôleur, et cet ouvrage est interdit bien que plus de 10 000 citoyens plaident en sa faveur. Je saisis l’occasion d’en recommander un exemplaire à votre examen attentif.”

Ce n’est pas avant le 7 décembre 1948, après plusieurs mois de dur labeur, que frère Baker a pu écrire : “L’entrée libre est désormais accordée à dix-sept publications différentes.”

Cela devait produire et produisit effectivement d’excellents résultats pour le service du champ. À la fin de l’année de service 1949, le nombre des publications placées était passé de 23 724, l’année précédente, à 124 462, et le nombre des études bibliques de 168 à 569. On comptait 2 053 proclamateurs contre 1 134 l’année précédente, tandis que 65 congrégations au lieu de 42 et 4 circonscriptions au lieu de 2 fonctionnaient. La victoire venait vraiment de Jéhovah.

LES TERRITOIRES DU NORD DE LA CÔTE-DE-L’OR

Sous de nombreux aspects, le nord diffère énormément du sud, à tel point qu’il pourrait s’agir d’un pays entièrement distinct. Ce territoire comprend un peu plus d’un tiers de la superficie totale du pays, mais est beaucoup moins peuplé. Les administrateurs coloniaux ne se sont pas beaucoup intéressés à cette région, en partie à cause de son climat plus inhospitalier et également parce que ce territoire est presque totalement dépourvu de ressources minérales ou de bois. Le nord reste donc la région où les coutumes sont dans une large mesure influencées par la superstition des religions païennes et islamique.

À la fin des années vingt et au début des années trente, frères J. O. Blankson et C. S. T. Caesar ont quelque peu prêché dans ce territoire à des endroits tels que Navrongo, Wa, Gambaga, Tamale et Salaga — un marché d’esclaves tristement célèbre à l’époque de la colonisation portugaise. Mais ils se sont surtout adressés à des gens instruits, des fonctionnaires du gouvernement venus du sud.

En août 1949, à la suite de l’assemblée de Koumassi, les frères Baker et Wilkinson ont parcouru la région pour se rendre compte du territoire, mais ce n’est pas avant l’année de service 1951 que la Société a réussi à envoyer un pionnier ordinaire E. K. Konu, à Tamale, la capitale administrative du nord. Frère Konu a été nommé pionnier spécial. Deux mois plus tard, E. A. S. Anson a été désigné comme pionnier spécial à Yendi, ville située à environ 100 kilomètres à l’est de Tamale.

Lors de l’assemblée de 1952 ayant pour thème “Pressons-​nous vers la maturité”, les frères ont été vivement réjouis d’entendre les faits de prédication racontés par les pionniers spéciaux exerçant leur activité dans le nord du pays. Très peu d’habitants du sud ont visité cette région. Les énormes différences de culture et de paysage la rendent séduisante et même mystérieuse pour de nombreux habitants du sud. D’après les rapports, de bons progrès avaient été réalisés, mais le besoin de proclamateurs était encore grand. La Société a donc pris des dispositions pour envoyer davantage de pionniers spéciaux dans ce territoire.

Ils ont travaillé dur malgré les conditions de vie plus difficiles existant dans le nord. Certains se sont acheté des bicyclettes afin d’être en mesure de visiter le vaste territoire qui leur avait été confié. Parfois, ils ont dû parcourir quatre-vingts kilomètres et davantage à bicyclette pour visiter et affermir des proclamateurs isolés. Ils ont appris les langues indigènes et ont enseigné à lire et à écrire aux amis de la vérité qu’ils ont trouvés. Certains ont également appris l’anglais.

S. K. Adama, de Lawra, fait partie de ces autochtones remplis de zèle qui ont accepté la vérité biblique et se sont rendus très utiles dans leur congrégation locale. Nous l’avons rencontré dans son petit atelier de tailleur, revêtu d’un vêtement flottant, d’un pantalon à la mode européenne et coiffé d’une calotte faite à la main et ressemblant à un fez. Son beau visage s’éclaira tandis qu’il nous accueillait en nous donnant de vigoureuses poignées de main. Son sourire découvrit un parfait ensemble de dents limées d’une façon délicate. Il nous a ensuite raconté son histoire sur le thème : “La vérité biblique me délivre de la prison de Satan.”

Il a entendu l’un des pionniers spéciaux prêcher la bonne nouvelle du Royaume à Lawra en 1953, alors qu’il n’avait que dix-neuf ans. Les déclarations du pionnier lui ont semblé trop surprenantes pour qu’il les retienne, mais il a été frappé de voir que le nom de Jéhovah revenait souvent au cours du sermon.

Lorsque celui-ci a été terminé, il a demandé au pionnier qui est Jéhovah. Un témoignage complémentaire lui a été rendu sur le vrai Dieu. À son retour chez lui, Adama a déclaré à sa famille : “Aujourd’hui, j’ai rencontré un homme qui m’a appris l’existence d’un Dieu appelé Jéhovah.” Quelle a été la réaction de ces païens endurcis ?

Frère Adama déclare : “Cela n’était pas nouveau pour eux, car les Dagaris adoraient de nombreux soi-disant dieux et Jéhovah pouvait être le dieu d’une autre tribu.”

Le pionnier est venu lui rendre visite quelques jours plus tard. Adama avait été touché par le sermon traitant des qualités du vrai Dieu et de ce que Jéhovah avait l’intention de faire pour l’humanité sur la terre au moyen de son Royaume. Il a reconnu que ce message devait être la vérité. Mais il n’a pas pris position pour elle. Il a quitté la ville de Lawra pour Accra où il a eu une autre occasion d’examiner l’enseignement des témoins de Jéhovah.

Lorsque ce qu’il a vu et entendu à leur sujet à Accra l’a davantage persuadé que les témoins de Jéhovah possèdent la véritable religion, il est retourné dans la ville de Lawra. Il éprouva une déception en constatant que le pionnier avait quitté Lawra pour la ville de Tumu, distante d’environ 110 kilomètres. Il a néanmoins pu convaincre son frère de l’exactitude du message biblique. Ils ont donc décidé de parcourir ensemble les 110 kilomètres les séparant de Tumu pour chercher le pionnier.

C’est à ce moment-​là que quelqu’un leur a donné l’adresse du surveillant de circonscription. Ils sont entrés en relations avec lui et il leur a écrit presque aussitôt pour les assurer qu’il leur rendrait visite. Il est arrivé quelques semaines plus tard, accompagné de deux pionniers spéciaux qui avaient reçu la ville de Lawra comme territoire. Un petit groupe d’indigènes ont été baptisés en peu de temps.

Les anciens de cette ville ne regardaient pas notre activité d’un bon œil. Frère Adama rapporte : “Ils nous ont pris nos femmes et nous ont ordonné de ne plus servir Jéhovah car ils ne pouvaient supporter que leurs filles soient mariées à des adorateurs d’un ‘dieu étranger’. Mais cela ne nous a pas découragés. Ils sont donc allés voir le chef suprême de Lawra et lui ont dit : ‘Ces gens apportent dans notre ville les traditions et les coutumes d’autres personnes. Vous devriez les en empêcher.’”

Après avoir examiné l’affaire, le chef Karbo a dit aux anciens : “Bien que chef, je n’ai aucune autorité pour interdire aux gens d’adorer le dieu de leur choix.”

Frère Adama se souvient que “les anciens étaient plutôt déçus. Ils nous ont jeté une malédiction en affirmant que nous mourrions d’ici quelques jours car nous avions abandonné la tradition et les coutumes de nos ancêtres”.

Adama fait la remarque suivante : “Trois jours se sont passés et aucun d’entre nous n’est mort. Nous avons au contraire obtenu un terrain pour construire une Salle du Royaume au nom de Jéhovah.”

Tout étonnés, les adversaires ont déclaré : “Que se passe-​t-​il ? Si vous êtes encore en vie pour construire une maison à votre Dieu Jéhovah, il doit vraiment être le Dieu tout-puissant.”

“Les anciens ont donc reconnu que Jéhovah est le vrai Dieu et, même s’ils ne l’ont pas adoré avec nous, ils se sont abstenus de nous persécuter. Finalement, nos femmes ont pu faire l’offrande de leur vie à Jéhovah qui a continué à faire prospérer notre congrégation.”

De nombreux faits semblables ont fortifié les pionniers spéciaux qui visitaient les territoires du nord. Les visites occasionnelles des frères venus du sud en autocar, généralement au moment de l’assemblée de circonscription, étaient également encourageantes. Il est arrivé que les congrégations d’Accra achètent des bicyclettes et les envoient dans le nord par l’intermédiaire de la Société, pour que les pionniers spéciaux puissent s’en servir. Certains ont envoyé des vêtements usagés pour qu’ils soient distribués parmi les personnes nécessiteuses. Tout cela a été très apprécié.

L’EXPANSION

Le besoin de publications dans les dialectes locaux était sans aucun doute très grand. Des dispositions ont donc été prises pour que le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” soit traduit en tchi.

T. A. Darko a été baptisé à cette époque. Son premier contact avec la vérité remonte à 1938, mais il est resté presbytérien fervent jusqu’en 1948, lorsqu’il a lu le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” Cet homme connaissait parfaitement le tchi, l’anglais et le gan et s’intéressait à la traduction. Avant son baptême, il avait commencé de lui-​même à traduire le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” en tchi. Il avait l’intention de quitter la ville d’Akropong, bastion du presbytérianisme, pour s’installer dans les collines d’Akwapim et utiliser cet ouvrage afin d’enseigner la vérité aux pratiquants de cette religion.

Après le baptême de cet homme, le surveillant de filiale apprit l’intérêt qu’il manifestait pour la traduction et la Société l’a donc invité à venir au Béthel pour traduire à plein temps. C’est ce qu’il a fait le 1er février 1949.

Cette année a d’ailleurs été bien remplie et nous avons réussi à tenir deux assemblées de district, l’une à Koumassi et l’autre à Accra, dans la Salle commémorative du roi George V, appelée de nos jours Maison du Parlement. Lors de la seconde assemblée, le frère Atwood, venant du Nigeria, a visité le pays en qualité de surveillant de zone.

Les totaux ont indiqué que 2 719 personnes de plus que le nombre de proclamateurs du pays avaient assisté à ces deux assemblées pendant lesquelles 404 personnes avaient été baptisées. Cela portait le chiffre de baptêmes obtenus pendant toute l’année à 806.

L’œuvre a progressé si vite qu’en août 1949, 71 pour cent des 2 053 proclamateurs étaient des nouveaux venus, c’est-à-dire qu’ils avaient accepté la vérité depuis l’établissement de la filiale. Il est inutile de vous dire que le besoin de bergers se faisait sentir. La Société a donc pris des dispositions pour que davantage de missionnaires ayant suivi les cours de Galaad arrivent dans le pays.

W. C. Walden et G. L. Covert sont venus les premiers en février 1949. En septembre de la même année, trois autres missionnaires sont arrivés. Frère G. F. Burt, élève de la dixième classe, n’avait pas pu obtenir l’autorisation d’entrer au Kenya, pays qui lui avait été attribué à l’origine. Il a donc été affecté en Côte-de-l’Or. Les deux missionnaires suivants étaient canadiens. Il s’agissait de John Charuk et de son frère Michael, tous deux diplômés de la douzième classe.

UNE AUTRE ATTAQUE SE TRANSFORME EN VICTOIRE

Frères Knorr et Henschel avaient projeté de visiter ensemble la Côte-de-l’Or pour la deuxième fois en 1952.

Dans tout le pays, les témoins de Jéhovah attendaient leur visite avec impatience. Le nombre des proclamateurs était passé de 575 en 1947 à 4 446. Chacun désirait bénéficier des conseils et des discours du président de la Société et de son secrétaire. C’est pourquoi, tout comme cela avait été fait en 1947, nous avons pris des dispositions pour tenir une assemblée nationale à Accra du 21 au 23 novembre.

À la surprise générale, l’Ancien Polo Grounds, appartenant à la Couronne britannique, était disponible pour l’assemblée ! Ce terrain très vaste au bord de la mer est situé juste en face de la Cour suprême et de la Salle commémorative du roi George V. Il était impossible de trouver un meilleur endroit dans toute la Côte-de-l’Or !

À quarante-cinq kilomètres de là, presque 2 000 tiges de bambou furent découpées et transportées à l’Ancien Polo Grounds. La première construction qui a été achevée était une gigantesque cuisine qui comprenait suffisamment de place pour vingt cuisinières. Des nattes de raphia séparaient les différents services et entouraient les bureaux. Le toit était constitué de branches de palmier.

L’estrade de l’orateur était construite et décorée d’une façon magnifique. Un auvent avait été édifié par-dessus pour donner de l’ombre. Le thème de l’assemblée, “Pressons-​nous vers la maturité”, était mis en évidence par des lettres découpées et suspendues à cet auvent.

Au fur et à mesure que nous approchions de la date de l’assemblée, des vivres et d’autres provisions affluaient de l’intérieur du pays. Trois camions chargés chacun de cinq tonnes d’ignames et un autre chargé de plantains sont arrivés après avoir parcouru 300 kilomètres depuis le nord du pays. Outre ces chargements, d’autres vivres tant et plus n’ont cessé d’occuper les 150 volontaires de la cafétéria. Ajoutez à cela la recherche de chambres pour les 6 000 délégués n’habitant pas Accra et attendus pour l’assemblée.

La campagne publicitaire a été dirigée avec zèle. Trois cents affiches ont été collées dans Accra et dans sa banlieue immédiate. De grandes banderoles ont été tendues au-dessus des carrefours importants. Deux enseignes de quinze mètres de haut donnaient tous les détails sur le discours public que devait faire N. H. Knorr, le président de la Société Watch Tower, et qui était intitulé “Il est temps de considérer la voie divine”.

C’est alors que nous avons reçu une nouvelle stupéfiante : les visas de frères Knorr et Henschel avaient été annulés !

“Le premier ministre, le Dr Nkrumah, nous a accordé une entrevue. L’affaire lui a été expliquée et il a déclaré que deux semaines auparavant, les membres de son cabinet avaient discuté notre œuvre missionnaire. Si la décision prise nous permettait de continuer nos activités missionnaires, elle n’autorisait pas l’entrée d’autres missionnaires dans le pays. Nous lui avons dit que frères Knorr et Henschel ne venaient pas ici en qualité de missionnaires, mais uniquement pour nous rendre visite pendant quelques jours. À la fin de l’entrevue, le premier ministre a déclaré qu’il aborderait la question avec le ministre de la Défense et des Affaires étrangères. Plus tard, un secrétaire du gouvernement nous a déclaré que le problème avait été examiné et que la décision finale confirmait le refus d’accorder les visas. De plus, un câble avait été envoyé à cet effet à New York.”

Dès lors qu’il n’était pas permis à frères Knorr et Henschel de venir, le point culminant suivant de l’assemblée serait la parution du livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” en tchi. Les frères d’expression tchi se faisaient une véritable joie de se procurer cette publication dans leur propre dialecte. Ils pourraient ainsi vraiment progresser dans l’acquisition de la connaissance exacte. Cela les aiderait surtout à conduire de meilleures études bibliques à domicile.

Mais, là encore, la possibilité de transformer ce désir en réalité était sérieusement menacée. Comment cela ? Le bateau qui transportait les livres était arrivé trop tard pour qu’ils puissent parvenir aux frères lors de l’assemblée.

La ville d’Accra n’a jamais été vraiment un port, et, avant la construction de celui de Tema, les bateaux devaient faire la queue à un mille au large du rivage et attendre que de très lentes pirogues transbordent leur chargement et l’amènent jusqu’au littoral. Cela explique pourquoi les bateaux attendaient le long de la côte pendant plusieurs jours. Chaque capitaine veillait à ne pas perdre sa place dans la queue. Nous avons appris que les publications étaient arrivées deux jours avant l’assemblée et qu’il ne fallait pas compter sur le débarquement de cette cargaison avant au moins sept jours. Que pouvaient faire les frères ?

Le bureau de la filiale a décidé de joindre le Contrôleur des douanes et de lui demander son aide. Quand on considère la lutte qui avait régné dans le passé entre le service des douanes et les témoins de Jéhovah, il fallait posséder une foi véritable pour s’approcher avec optimisme du chef de ce service en sollicitant son concours. Mais le surveillant de filiale possédait une telle foi.

Frère Baker a expliqué à ce fonctionnaire européen que la traduction de cet important ouvrage s’était poursuivie pendant les trois années écoulées en vue de sa parution lors de l’assemblée. Pendant son déroulement, voilà que les livres allaient se trouver bloqués à un mille de la côte. Pouvait-​il venir à notre aide ?

Le Contrôleur de Sa Majesté a aussitôt emmené frère Baker au rivage devant son subordonné à qui il a expliqué la situation. Il a chargé l’officier subalterne d’emprunter deux pirogues de la flottille servant au débarquement et de faire conduire M. Baker à la rame jusqu’au capitaine du navire. Laissons frère Baker nous raconter la suite.

“À cause de la houle, nous avons mis un certain temps pour atteindre le navire. Une fois que nous l’avons accosté, je me suis rendu compte qu’il me fallait agripper une échelle de corde pendant que la pirogue se soulevait et s’enfonçait sous l’action des lames. Je ne me souviens pas d’avoir fait cet apprentissage à l’École de Galaad !

“C’est avec quelques palpitations que j’ai fini par monter sur le pont où le capitaine attendait pour savoir ce que signifiait toute cette agitation. Après mes explications, il a dit : ‘Cette partie de la cargaison n’a pas été enregistrée sur nos papiers. Je n’ai aucune idée de l’endroit où elle peut se trouver.’

“Je lui ai demandé s’il nous autorisait à la chercher. Il a accepté, et plusieurs membres de l’équipage ont foncé dans différentes directions. Au bout de dix minutes rien n’avait encore été trouvé, lorsque le capitaine s’est écrié : ‘S’agit-​il de cela ?’

“Je me suis élancé et c’était parfaitement vrai ! Il avait trouvé les cartons. La cale a été ouverte et la grue les a hissés et déposés dans notre pirogue. En moins d’une heure, nous étions revenus sur la côte. Imaginez la joie de chaque assistant lorsque le livre a été présenté comme prévu à l’assemblée !

“Nous étions énormément déçus de ne pas avoir frères Knorr et Henschel parmi nous à l’assemblée, mais l’action du gouvernement a finalement contribué à un plus grand témoignage et les quotidiens ont eu beaucoup à dire à ce sujet les jours suivants.”

Un grand témoignage a été rendu par la voix de la presse qui a fait de longs commentaires. Il était encore plus agréable de constater qu’aucun ne critiquait les témoins de Jéhovah.

Voici quelques-unes des manchettes de journaux : “Donnez des raisons”, “La Tour de Garde élève une protestation”, “Une bévue déplorable”, “Nkrumah, le premier ministre, mécontent de l’interdit de séjour imposé à M. Knorr, l’affaire peut aller jusqu’à l’ONU”, “Le discours de M. Knorr supprimé”, “Les États-Unis peuvent s’informer du cas de M. Knorr”, “La liberté n’existe-​t-​elle pas dans ce pays ? Le cas de M. Knorr cité, seuls des rouges agissent ainsi”, “Les faits concernant M. Knorr”, “Un jugement fondé sur des hypothèses”. La Couronne d’Angleterre a dû trouver beaucoup de ces rubriques très embarrassantes.

Un éditorial donnait l’avertissement suivant : “De nombreuses autres questions sont impliquées dans les mesures prises à l’encontre des témoins de Jéhovah. Il s’agit de la liberté individuelle. Celle d’adorer, de parler ou de penser est en danger.”

Un autre déclarait : “Il va y avoir des répercussions retentissantes, car les membres de la Watch Tower n’ont pas peur de s’exprimer (...). En elle-​même l’interdiction de séjour de M. Knorr constitue une raillerie des prétentions des Nations unies à une citoyenneté mondiale. Cela comporte un aspect tragique. C’est le moins qu’on puisse dire.”

Un grand nombre de personnes instruites ont soupçonné la chrétienté de complicité dans cette affaire, comme cela ressort de l’éditorial suivant d’un journal :

“Il n’est pas déloyal de sous-entendre qu’une influence subtile a été exercée de l’extérieur pour maintenir M. Knorr en dehors du pays. Sa source peut même être chrétienne, car l’Église semble être tombée aux jours difficiles d’une vive concurrence, tandis que les membres de la Watch Tower semblent être en train de gagner.”

Le 26 novembre 1952, au matin, un avion transportant frère Knorr a atterri sur l’aérodrome d’Accra. Frère Knorr savait qu’il n’était pas autorisé à entrer dans le pays. Il avait donc pris des dispositions pour que quelques-uns des frères puissent le rencontrer à l’aérodrome. Il fait le compte rendu suivant :

“Les frères m’attendaient quatre jours plus tôt. Cependant, à mon arrivée à trois heures du matin, j’ai trouvé le serviteur de filiale et d’autres membres du bureau. J’ai particulièrement pris plaisir à discuter avec eux pendant quarante-cinq minutes de la situation à Accra.

“J’ai été particulièrement réjoui d’apprendre qu’ils avaient pu tenir une assemblée aussi merveilleuse. Huit mille frères sont venus à Accra de toutes les parties du pays et un énorme témoignage a été rendu.”

Auparavant, frère Knorr avait écrit une lettre destinée à être lue à l’assemblée devant tous les assistants. Puisqu’elle était arrivée trop tard, la filiale en a fait connaître le contenu à toutes les congrégations par une circulaire datée du 25 novembre.

Frère Knorr commençait sa missive en disant : “Je vous écris cette lettre avec un profond regret.” Il poursuivait cependant en adressant un grand nombre d’exhortations et d’encouragements chrétiens aux frères en ces termes :

“Que cette affaire ne vous inquiète pas. Ne laissez pas non plus la colère monter dans vos cœurs. Ces fonctionnaires du gouvernement possèdent l’autorité (...) de refuser leur visa aux personnes dont ils ne souhaitent pas la présence dans le pays. Cela fait partie de leur travail et, bien sûr, de leurs attributions (...). Nous aurions éprouvé beaucoup de joie à être parmi vous et nous aurions pu (...) vous aider dans le ministère que vous effectuez. Mais si ce service chrétien vous est refusé par le gouvernement, il n’y a pas lieu de vous inquiéter le moins du monde.

“Vous avez fait l’offrande de votre vie à Jéhovah Dieu, et non pour plaire à un homme ou à un groupe d’hommes d’une organisation. Vous êtes des esclaves du Tout-Puissant. Vous vous intéressez particulièrement à une activité, que frère Henschel et moi-​même soient là pour vous en parler ou que vous la lisiez individuellement dans la Parole du Seigneur. Il s’agit de glorifier votre Père qui est dans les cieux (...).

“Veuillez poursuivre votre prédication de la bonne nouvelle dans la paix, le calme et avec l’esprit de Jéhovah (...). J’espère que le résultat de cette restriction sur la venue de frère Henschel et de moi-​même en Côte-de-l’Or s’avérera salutaire pour chacun d’entre vous. Je souhaite sincèrement que cela vous rende plus zélés et plus déterminés à annoncer à un nombre accru de personnes cette bonne nouvelle du Royaume, à prendre des dispositions pour conduire davantage d’études bibliques et participer encore plus au témoignage de maison en maison et à augmenter votre activité dans chaque forme du service du champ (...).

“Que votre zèle se manifeste pendant l’année 1953 à venir en adorant Jéhovah dans un ordre sacré (...) !

“Montrez votre amour à tous les habitants de la Côte-de-l’Or en leur apportant la ‘bonne nouvelle’ du Royaume de Dieu, qui est la seule espérance du monde. Que Jéhovah déverse ses abondantes bénédictions sur chacun d’entre vous tandis que vous continuez à effectuer cette activité, que vous maintenez votre intégrité et que vous participez à la justification de son nom et de sa Parole ! Frère Henschel et moi-​même envoyons l’expression de notre amour à toute la congrégation.”

Quelle lettre encourageante ! Nous avons enregistré pendant l’année de service 1953 un accroissement de 21 pour cent et un nouveau maximum de 5 181 dans le nombre des proclamateurs.

L’ACTIVITÉ AU MOYEN DU FILM

Nous arrivons en octobre 1954, quand la Société a commencé à déployer une activité dans tout le pays au moyen du film “La Société du Monde Nouveau en action”. L’électricité n’étant disponible jusqu’à ce jour que dans les villes principales, la Société a fait l’acquisition non seulement d’un appareil de projection mais également d’une génératrice et d’un appareillage électrique, ainsi que d’une voiture de type Land Rover pour transporter ce matériel jusque dans les régions éloignées du pays.

À la fin de l’année de service 1955, lors de cinquante-neuf représentations, 109 496 personnes avaient vu le film. Il a contribué à vaincre l’opposition et les préjugés, comme cela ressort du commentaire suivant d’un chef de l’Église méthodiste :

“Avant d’avoir vu ce film, je n’avais pas beaucoup réfléchi à votre Église. Depuis lors, je dis à mes ouailles d’écouter l’enseignement des témoins de Jéhovah.”

Citer l’année 1955 nous amène à parler des Assemblées du Royaume triomphant. Voir vingt délégués quitter la Côte-de-l’Or pour assister à plusieurs assemblées tenues en Europe était certainement encourageant. Quelques-uns d’entre eux ne connaissaient pas du tout l’anglais ni aucune autre langue européenne. Cela revenait au même, puisqu’ils furent puissamment édifiés par ce qu’ils ont vu et vécu grâce à l’hospitalité témoignée par les frères européens et à l’amour et à l’unité qui règnent au sein de l’organisation de Jéhovah. Ils sont revenus animés d’une profonde reconnaissance pour la vérité et plus conscients que jamais de leurs obligations envers leurs compagnons chrétiens.

À la suite des assemblées européennes, la filiale de la Côte-de-l’Or a organisé à Accra du 17 au 20 novembre 1955 une assemblée nationale sur le même thème. Le gouvernement nous a de nouveau avantagés en nous accordant la permission d’utiliser l’Ancien Polo Grounds.

Frère Henschel devait assister à cette assemblée et il fallait lui obtenir un visa. L’épisode de 1952, où les visas avaient été refusés aux frères Knorr et Henschel, allait-​il se renouveler ? Une fois que la demande a été faite, il y a eu une longue attente, et cela nous a provoqué un peu d’inquiétude. Cependant, après plusieurs sollicitations, le visa a été délivré juste à temps pour être envoyé par câble à frère Henschel. Cela lui a permis d’inclure la Côte-de-l’Or dans son itinéraire.

La toute première session de l’assemblée a vu une assistance de 7 000 personnes. Ce nombre s’est accru régulièrement jusqu’au maximum de 14 331 personnes au discours public. Le nombre de baptêmes s’élevait à 926.

DES CHANGEMENTS DANS LA SURVEILLANCE

Lorsque frère Baker est parti pour raison de santé, frère Knorr a désigné frère G. F. Burt pour s’occuper de l’administration de la filiale jusqu’à ce que d’autres dispositions soient prises. C’est ce qu’a fait frère Burt jusqu’au 27 juin 1956, date à laquelle Herbert Jennings est arrivé et a été nommé surveillant de filiale.

Frère Jennings, ressortissant canadien, a été baptisé le 22 octobre 1950 et a commencé le service de pionnier ordinaire en mars 1952. Il a été nommé surveillant de circonscription en janvier 1955 et, sept mois plus tard, a été appelé pour assister à la vingt-sixième classe de Galaad, où il a reçu son attribution pour la Côte-de-l’Or. Frère Jennings n’avait que vingt-cinq ans lorsqu’il est arrivé, mais il était déjà chauve. Puisque dans la société africaine la calvitie tout comme les cheveux gris est rattachée à un âge avancé, cela s’est avéré un avantage pour lui dans son travail.

En 1956, la Société a particulièrement mis l’accent sur la maturité à cultiver dans notre pays, ce qui, bien sûr, exigeait une surveillance exercée par des ministres compétents. Avant 1956, l’accroissement numérique semblait être la préoccupation essentielle. Nous avons obtenu cet accroissement. Désormais, il était indispensable de former les proclamateurs en vue de plus grandes responsabilités au sein de l’organisation. Pour citer un exemple, cela signifiait s’attaquer au problème de l’analphabétisme, en apprenant aux proclamateurs à lire et à écrire, au lieu de désigner un proclamateur instruit pour accompagner de maison en maison deux ou trois personnes analphabètes ou de leur dire de conserver des cailloux et des brindilles dans plusieurs sacs pour rapporter leur activité dans les différents aspects de leur ministère.

Veiller à ce que chaque proclamateur demeure actif était un autre problème qui méritait notre attention. Depuis quelques années, nous avions remarqué que le taux d’accroissement dans le nombre des proclamateurs avait diminué, bien que de nombreux nouveaux venus aient été baptisés. Au cours de l’année de service 1953, l’accroissement dans le nombre de proclamateurs s’élevait à 21 pour cent. En 1954, il est descendu à 16 pour cent, puis à 7 pour cent l’année suivante et à 4 pour cent dans les huit premiers mois de l’année de service 1956. Cela nous préoccupait.

Une étude de ce problème nous a révélé que certaines personnes se faisaient baptiser trop rapidement, sans posséder une connaissance véritable des responsabilités qui découlent de l’offrande de soi et du baptême. Ces personnes n’avaient pas acquis une connaissance suffisante de Jéhovah et de ses desseins qui leur aurait permis d’édifier leur foi de façon inébranlable. Il en résultait qu’elles participaient à la proclamation quelque temps après leur baptême et abandonnaient ensuite le service.

Le numéro du mois de mai 1956 du Supplément de l’Informateur offrait la solution dans un article intitulé “Examen exigé de chaque candidat au baptême”. L’article chargeait les surveillants des congrégations d’examiner individuellement tous les candidats au baptême, afin de s’assurer qu’ils n’en étaient pas empêchés par une union impure ou quelque autre conduite non chrétienne. Chaque candidat devait posséder une connaissance fondamentale de la vérité, acquise grâce à une étude régulière du livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai !”, ainsi qu’une claire intelligence et reconnaissance de la signification de l’offrande de soi et du baptême et de ses obligations devant Jéhovah. Si un candidat était approuvé, le surveillant-président devait remplir et signer une formule Qualifié pour le baptême. Sauf de rares exceptions, les services du baptême étaient limités au moment des assemblées et, même là, personne n’était baptisé sans présenter auparavant une formule Qualifié pour le baptême entièrement remplie et signée par son surveillant de congrégation. Cette disposition réduisit le nombre des baptêmes mais garantissait que seuls ceux qui remplissaient les conditions étaient reconnus comme des témoins de Jéhovah.

LA CÔTE-DE-L’OR DEVIENT LE GHANA

Le 6 mars 1957, le gouvernement britannique a accordé l’indépendance à la Côte-de-l’Or. Le pays était désormais affranchi de la domination coloniale. Cet événement apporta une grande joie à tous ceux qui avaient réclamé “l’autonomie immédiate”.

Comme il fallait s’y attendre, quantité de souvenirs coloniaux, tels que des obligations, des chartes et des dépêches, y compris la “liste des sociétés missionnaires agréées”, ont été relégués aux archives et aux musées. Même le nom de Côte-de-l’Or a été jugé d’origine coloniale et rejeté. Depuis lors, le pays s’appelle le Ghana. La Constitution du pays indépendant établissait que “la loi ne supprimera jamais à quelqu’un sa liberté de conscience ni son droit de professer sans contrainte, de pratiquer ou de propager n’importe quelle religion, pourvu qu’elle soit conforme à l’ordre public, aux bonnes mœurs et salutaire”.

L’analphabétisme était peut-être le plus grand des problèmes à surmonter. En 1957, 61 pour cent des 6 727 proclamateurs ne savaient ni lire ni écrire. Jusqu’à cette année-​là, la responsabilité d’apprendre à lire et à écrire était dans une grande mesure laissée à chacun. Les plus zélés y sont parvenus par leurs propres efforts. Cela explique peut-être le fait que dans l’organisation, le taux d’analphabétisme était d’un peu plus de 60 pour cent alors que dans le pays il atteignait plus de 70 pour cent.

Des dispositions ont été prises pour constituer des cours d’alphabétisation. La visite de ces classes est toujours émouvante. Dans la modeste Salle du Royaume d’un village, nous avons rencontré des gens consciencieux, certains âgés et d’autres plus jeunes, groupés autour d’une lanterne et profondément absorbés par la lecture de leçons illustrées. Certains ont une vue basse et d’autres portent des lunettes. Observez maintenant la sœur âgée, s’efforçant au moyen d’une association d’idées de se souvenir de la signification de ce que l’instructeur désigne au tableau. Remarquez son visage qui s’illumine quand elle est en mesure de déchiffrer et de traduire en langage parlé la feuille imprimée. L’instructeur se sent tellement réconforté par ses efforts qu’il applaudit spontanément et tous les membres de la classe en font autant. Au fur et à mesure que les mois passent, elle progresse au sein de ce groupe. Lors de notre visite suivante, nous la rencontrons en train de rajuster ses lunettes tandis qu’elle est aux prises avec des manuels plus difficiles. Une autre fois, elle s’efforce de bien tenir un crayon entre ses doigts déformés par les années qu’elle a passées à la ferme à travailler dur avec la houe. Regardez-​la faire tous ses efforts pour tracer de simples traits, des tirets et des cercles. Même s’ils ne sont pas très réussis, on doit la féliciter pour ses bons progrès. Imaginez sa joie quand elle constate que dans l’espace d’une année, elle est en mesure de lire la Parole de Dieu et d’écrire ses propres rapports d’activité et ses lettres personnelles.

C’est ainsi que les témoins de Jéhovah ont abordé avec empressement le problème de l’analphabétisme qui régnait dans l’organisation. Les cours ont été supervisés de très près et conduits dans une atmosphère d’amour chrétien. Cela nous a valu les louanges d’un certain nombre de fonctionnaires du gouvernement, tel ce Directeur de l’alphabétisation dans la région occidentale qui a visité les cours organisés par une congrégation qui avait réussi à apprendre à lire et à écrire à vingt personnes en moins d’une année. Cela l’incita à déclarer : “Vous êtes manifestement un peuple différent (...). Si d’autres organisations manifestaient le même état d’esprit que vous, ce pays ne compterait bientôt plus d’analphabètes.”

L’ENREGISTREMENT LÉGAL DU MARIAGE

Ensuite, le principal projet consistait à aider les frères à établir leur mariage sur un fondement solide. Depuis que le pays était devenu une colonie britannique, les lois anglaises sur le mariage civil y étaient appliquées et l’on reconnaissait également les mariages non enregistrés, selon le droit coutumier. Ces deux unions étaient considérées comme parfaitement légales, bien que la priorité fût accordée par la loi aux mariages civils. Jusqu’en 1957, la majorité de nos frères étaient mariés selon le droit coutumier. Bien que ces unions fussent légales, cela signifiait qu’elles n’étaient pas enregistrées, sauf dans quelques cas où des personnes s’étaient fait inscrire auprès des conseils locaux.

Le 4 juillet 1957, la filiale a écrit à toutes les congrégations en expliquant qu’il était indispensable que les mariages au sein des témoins de Jéhovah soient enregistrés. Cette instruction était fondée sur les matières tirées de différents exemplaires de La Tour de Garde datés de 1956 et traitant du mariage. À cette époque, cela signifiait que les couples, qui avaient été mariés sans enregistrement selon le droit coutumier, devaient contracter un mariage civil.

À l’heure actuelle, le gouvernement a accordé à la majorité des conseils locaux du pays l’autorisation d’enregistrer les mariages coutumiers. Cela est différent des mariages civils, mais ils sont enregistrés d’une manière tout aussi irrévocable, légale et convenable. Désormais, les futurs couples peuvent donc décider s’ils désirent contracter un mariage civil ou enregistrer leur union selon le droit coutumier auprès du conseil local.

L’ASSEMBLÉE DE KOUMASSI

Aucune difficulté imprévue ne s’étant présentée, tout était prêt pour que l’assemblée de Koumassi se tienne à partir du 5 mars 1959. Mais qu’en était-​il de frère Knorr ?

Cette fois-​ci, il n’a eu aucune difficulté à venir dans le pays, grâce à la volonté divine. Frère Jennings nous raconte ce qui suit :

“Frère Knorr est arrivé à Accra et a passé la douane le soir de la veille de l’assemblée. Il est resté le jeudi et le vendredi à examiner les affaires de la filiale, puis ma femme et moi-​même sommes montés en avion avec lui en direction de Koumassi pour assister à l’assemblée.

“Dès son arrivée, frère Knorr a prononcé un discours à la session en langue étrangère à laquelle assistaient des délégués d’expression française venus de la Côte-d’Ivoire et du Togo ainsi que des délégués d’expression frafra venus du nord du Ghana. Les frères attendaient son arrivée et ont écouté attentivement tout au long du discours.

“Cet après-midi-​là, les surveillants se sont assis dans la partie réservée à cet effet pour écouter un programme spécial. La réunion a commencé par deux discours d’une demi-heure, après quoi frère Jennings a conseillé les frères sur le sujet ‘Surveillants, maintenez en vie vos groupes’. Frère Knorr s’est ensuite adressé aux surveillants sur le thème ‘Paissez le troupeau de Dieu avec habileté’. En citant l’exemple du roi David et de Jésus-Christ comme bergers fidèles et habiles, il a confié aux surveillants la responsabilité d’aider les nouveaux et les proclamateurs faibles avant que l’un d’entre eux ne devienne inactif. Après avoir manifesté son inquiétude en constatant que beaucoup de ceux qui avaient été baptisés ont abandonné le service actif, il a indiqué clairement l’obligation qui incombe aux surveillants de ranimer ces inactifs.

“Le dernier jour de l’assemblée, le dimanche, s’est levé ensoleillé et chaud. Différents orateurs du Béthel et des serviteurs de congrégation se sont succédé pendant la session du matin en donnant des conseils et des renseignements sur des sujets bibliques. À leur plus grande joie, les assistants ont pu écouter des faits de prédication et des cantiques, enregistrés par des frères derrière le rideau de fer. Chaque discours de l’assemblée a été traduit simultanément en tchi, en gan, en éhoué et en adangbe.

“Les serviteurs de circonscription et de district se sont rassemblés à midi pour une réunion spéciale. Frère Knorr a traité à fond un sujet apportant des précisions sur la façon d’être des enseignants au sein du troupeau. Il ne s’agit pas seulement de dire aux frères ce qu’ils doivent faire mais de montrer l’exemple soi-​même. Le programme de l’après-midi comprenait la lecture d’une lettre devant tous les assistants pour qu’ils l’approuvent et l’adoptent. Cette lettre exprimait la reconnaissance des frères envers la Société pour cette assemblée, la visite de frère Knorr et la parution du nouveau livre Du paradis perdu au paradis reconquis.

“N. H. Knorr, le président de la Société, a traité le dernier sujet de la journée qui était le discours public intitulé ‘Un paradis terrestre grâce au Royaume de Dieu’. Le relevé de l’assistance a indiqué que 13 754 personnes écoutèrent cet important et intéressant sujet. Cela nous a tous réjouis car il représentait presque le double du nombre de témoins du Ghana. Tous manifestèrent leur joie et leur reconnaissance pour ce discours en étant attentifs et en applaudissant fréquemment.

“Un total de 460 personnes ont été baptisées le samedi matin.”

Frère Jennings raconte une anecdote amusante à propos du retour à Accra. Frère Kofi Kye s’était proposé pour l’emmener, ainsi que frère Knorr, dans sa voiture le dimanche soir après le discours public. Ils sont donc montés dans la voiture et sont partis après avoir échangé les derniers adieux et quitté l’assemblée.

Il faisait déjà sombre. Les questions de frère Knorr indiquaient sa crainte que le conducteur ne retrouve le chemin du retour vers Accra. Frère Jennings venait à peine de le rassurer qu’ils se sont rendu compte qu’ils étaient dans un cul-de-sac. C’était une curieuse méthode pour rassurer un étranger voyageant après la tombée de la nuit !

De toute façon, le conducteur a fait demi-tour et s’est arrangé pour retrouver la route de la jungle. Mais comment frère Knorr pouvait-​il être certain qu’elle le mènerait à Accra ? Après quatre heures de conduite en automobile dans la forêt, il a été soulagé de voir apparaître un signe indiquant : ‘Vous arrivez à Accra !’

Frère Jennings se souvient que “frère Knorr nous a obligés, puisque nous passions dans la jungle, à chercher les animaux sauvages sur notre route, tels que des lions, des panthères et d’autres. Après 250 kilomètres de forêt, le ‘tableau de chasse’ ne comprenait qu’un mulot et une grenouille verte qui sautait d’un mètre en l’air pour avancer de trente centimètres.”

FRÈRE BROWN REVIENT

Avant de conclure cette partie de l’histoire de l’œuvre, revenons en arrière au 6 avril 1947, à la fin d’une assemblée tenue dans la salle de cinéma Palladium à Accra, dans laquelle s’étaient réunis 800 frères. Frère W. R. Brown donne les remarques finales à l’assistance et déclare au milieu d’un tonnerre d’applaudissements : “La prochaine fois que je vous rendrai visite, vous ne serez plus 800 mais 8 000.”

En 1950, lorsqu’il y a eu suffisamment de missionnaires de Galaad en Afrique occidentale pour continuer ce qu’il avait commencé grâce à la bonté imméritée de Jéhovah, frère Brown, déjà âgé, a quitté le Nigeria en compagnie de sa femme et s’est installé dans les Antilles.

Dix années plus tard, le Dr Nnamdi Azikiwe, important homme d’État nigérian, qui l’avait connu durant son séjour dans ce pays, s’est souvenu de lui. Le Dr Azikiwe venait d’être nommé gouverneur général du Nigeria récemment indépendant et il avait invité frère Brown et sa femme à venir au Nigeria en octobre 1960.

Frère Brown et sa femme ont également saisi l’occasion de faire une visite au Ghana. Il a surtout été heureux de constater qu’un certain nombre de ceux qui avaient combattu tout au début à ses côtés restaient aussi fermes dans la vérité. Combien de proclamateurs le Ghana comptait-​il à cette époque-​là ? Selon le rapport de service d’avril 1960, ils étaient 8 172.

À la fin des années 1950, la Société avait préparé un grand nombre de frères ghanéens à se qualifier pour occuper diverses fonctions de responsabilités dans l’organisation. Rien que dans cette décennie, neuf frères et deux sœurs du Ghana ont assisté à l’École de Galaad et ils ont été envoyés dans quatre pays différents.

LA NOUVELLE VISITE DE FRÈRES KNORR ET HENSCHEL

Le mois de décembre 1970 est arrivé avec un autre événement apportant des bénédictions sans précédent. Frère Knorr a pris la décision de nous rendre de nouveau visite, onze années après son dernier passage ici. Il était accompagné de sa femme et de frère Henschel. Mais ce n’était pas tout. Ils voyageaient en compagnie de 182 autres frères et sœurs en visite venus des États-Unis, du Canada et d’autres pays par delà les mers. Les membres de ce groupe faisaient un voyage en Afrique occidentale, prévu pour coïncider avec une série d’assemblées tenues le long de la côte occidentale.

C’est dans cette région de l’Afrique qu’un début de choléra asiatique s’est déclaré quelques mois avant les assemblées. Dans leur lutte pour enrayer l’épidémie dans des régions soumises à leur compétence, des membres du Service de la santé en étaient arrivés à éprouver de la méfiance envers tous les grands rassemblements. Cela explique pourquoi des fonctionnaires municipaux de Koumassi ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour empêcher que l’assemblée ait lieu. Pour le motif de conditions d’hygiène insuffisantes, cinq emplacements prévus pour différentes assemblées ont été annulés l’un après l’autre. Puis, quatre semaines seulement avant l’assemblée, nous avons reçu la permission d’utiliser le Stade des Sports, à l’exception du dimanche. Des centaines de volontaires se sont attelés à la tâche et ont reconstruit la plupart des structures mises en place au même endroit lors de l’assemblée de 1967. Cinq jours à l’avance, tout était achevé pour que l’assemblée puisse commencer.

Bien sûr, la Société se préoccupait de la santé des assistants aux assemblées et recommandait des mesures d’hygiène sévères. Elles ont été suivies scrupuleusement partout, ce qui provoqua l’admiration des inspecteurs de la Santé publique. À Koumassi, là où nous avons eu la plus grande difficulté avec le médecin sanitaire municipal, l’un des membres du Service de la santé nous a avoué que l’attention que nous avions manifestée aux détails de l’hygiène et des affaires sanitaires avait dépassé ce qu’eux-​mêmes étaient capables de réaliser.

À Accra, les difficultés ont commencé quelques heures seulement avant le début du programme. Tandis qu’une foule de personnes arrivaient de toutes parts, un membre du Service de la santé dont le bureau donnait sur les terrains de l’assemblée est accouru vers frère Danley, le serviteur de l’assemblée, l’air sérieusement préoccupé. Vu la menace du choléra, les autorités avaient décidé d’annuler l’assemblée après quelques délibérations.

À la suite d’une plus ample discussion, la raison l’a emporté. Nous lui avons expliqué que le problème ne serait pas résolu si la foule sans cesse croissante se dispersait. Par conséquent, nous avons eu l’autorisation de continuer le programme de l’assemblée comme prévu et un grand nombre de délégués ont été dans des centres de vaccination situés à proximité pour se faire immuniser contre le choléra. Aucun cas de choléra n’a été décelé ou signalé lors de ces assemblées, et seules quelques maladies bénignes ont été traitées aux services des premiers secours.

Chacun attendait impatiemment la présence exceptionnelle de plus de 180 délégués venus d’au-delà des mers assister aux assemblées ayant pour thème “Les hommes de bonne volonté”. Lorsque deux autocars remplis de délégués ont pénétré sur le stade de Koumassi, les 18 000 personnes réunies ont éclaté en cris de joie et en un tonnerre d’applaudissements. Des centaines d’assistants se sont alignés le long des rampes d’accès pour accueillir et serrer personnellement la main de chaque visiteur. À Accra, l’effervescence n’était pas moindre. Un visiteur a déclaré : “C’est une expérience que nous n’oublierons jamais.” Un autre a ajouté : “Nous n’avons nulle part bénéficié d’un tel accueil. Je crois que j’ai dû serrer huit mille mains.”

D’autre part, des témoins locaux ont été impressionnés par l’humilité et la coopération que manifestaient les visiteurs. Ces derniers attendaient leur tour dans les queues de bon cœur et témoignaient de la considération envers les autres personnes. De nombreux observateurs en ont été stupéfaits. Ayant pour ainsi dire vécu jusqu’à “hier” sous la domination coloniale, les Ghanéens considèrent que le “Blanc” ne manifeste aucune bonne volonté à servir. C’est ce qu’a fait ressortir le commentaire de frère K. A. Odoom qui a déclaré à l’une des sessions de ce programme spécial : “Les Blancs sont arrivés les tout premiers dans notre pays comme nos maîtres. Mais ‘la vérité nous a rendus libres’ et nous vous regardons maintenant comme nos frères.” Sans aucun doute, l’esprit de Jéhovah est une force unificatrice.

Une sœur d’expression tchi a déclaré : “Je connais la vérité depuis trente ans. J’ai lu ce qui concerne nos frères étrangers. Maintenant, je vous ai enfin vus.” Voici comment un missionnaire s’exprima : “D’ordinaire, nous rentrons dans notre pays pour prendre du repos ou récupérer des forces. Cette fois-​ci, vous venez à nous et nous nous sentons grandement rafraîchis et fortifiés par votre présence.”

Consigner toutes les expressions de reconnaissance et d’amour semblables à celles-là remplirait plusieurs pages. Sans aucun doute, frère Knorr s’est fait l’écho de chacun d’entre nous, que nous fassions partie ou non des visiteurs, quand il a déclaré : “Les mots sont impuissants à traduire mes sentiments devant la manifestation merveilleuse de votre amour.”

Pendant ses remarques finales à l’assemblée d’Accra de 1970, frère Knorr a annoncé que le bâtiment de la filiale du Ghana, qui avait été construit en 1962, serait agrandi du double de ses dimensions actuelles afin de fournir suffisamment de place pour emmagasiner les publications et offrir de nouveaux locaux à l’imprimerie.

Au mois de janvier suivant l’assemblée d’Accra, une étude des projets d’agrandissement était prête. Au cours du mois de mai, les levés définitifs ont été soumis aux fonctionnaires municipaux d’Accra. Pendant ce temps-​là, c’était la mise en route du travail préparatoire, y compris réceptionner les matériaux de construction envoyés par les congrégations de Koumassi. Le permis de construire a été accordé le 29 juillet 1971 et la construction véritable a commencé aussitôt. Les congrégations de témoins de Jéhovah dans les régions d’Accra et de Tema ont été invitées à envoyer des volontaires à tour de rôle pour travailler à la construction pendant le week-end. Les milliers de témoins au cœur bien disposé ont merveilleusement répondu à cet appel et cinquante à cent cinquante personnes se sont présentées et ont travaillé dur pour faire avancer le projet.

Nous sommes reconnaissants de l’excellent état d’esprit qui a été manifesté. Grâce à l’admirable effort et à l’habileté de tous ces volontaires, l’annexe était prête à être habitée dès le mois de mai 1972. Nous avons été en mesure de construire la nouvelle partie du bâtiment pour exactement la moitié du prix que cela nous aurait coûté en passant par un entrepreneur local. Cette économie — une généreuse contribution de nos frères et sœurs bien disposés — est beaucoup appréciée !

L’agrandissement suffit à la nouvelle imprimerie et à l’emmagasinage supplémentaire de publications au rez-de-chaussée. L’étage de l’immeuble assure un logement et d’autres commodités pour quatorze membres de la famille du Béthel en plus.

Entre les mois d’avril et de juin, l’imprimerie de la Société à Brooklyn, aux États-Unis, a expédié par bateau du matériel d’imprimerie et l’équipement nécessaire, tandis qu’une nouvelle presse était envoyée par l’entreprise allemande Heidelberg. Au cours des semaines qui suivirent, notre imprimerie a pris tournure. L’installation complète pour produire La Tour de Garde en éhoué, en gan et en tchi était posée. Le tirage préliminaire a commencé en juillet. Au cours du mois d’août, Notre ministère du Royaume était édité et la composition en trois langues de La Tour de Garde de décembre 1972 commençait.

Cette extension des activités de la filiale de la Société au Ghana s’avérera un véritable bienfait pour les témoins chrétiens de Jéhovah dans tout le pays.

En terminant le récit de l’histoire des témoins de Jéhovah du Ghana de 1924 à 1972, il convient de reconnaître le rôle joué par les missionnaires envoyés de l’École de Galaad et d’autres qui ont franchi les mers pour nous aider. Chacun d’entre eux n’a pas été mis en évidence dans cette histoire. Cependant, ils ont tous dû endurer différents problèmes pour contribuer à l’avancement de l’œuvre au Ghana.

Les témoins de Jéhovah ghanéens sont vraiment reconnaissants envers Jéhovah et envers son organisation d’avoir fait tant d’investissements dans ce pays, pas tellement d’argent et de biens immobiliers, mais plutôt de dons en hommes, afin d’aider les personnes au cœur honnête à obtenir la bonne volonté de Dieu pendant que cette occasion existe encore.

En revoyant tout cela, nous ne pouvons que nous émerveiller de la façon dont Jéhovah a glorifié son nom dans cette partie de l’Afrique. Si nous nous rappelons l’année 1924, pendant laquelle Claude Brown, l’unique témoin de Jéhovah, parcourait la ville d’Accra en collant des affiches sur les murs et en diffusant des feuilles d’invitation aux gens pour une conférence biblique à la Villa Joyeuse, en passant par l’année 1927 pendant laquelle W. R. Brown a baptisé la première poignée de croyants de Koforidua et d’Accra, sans oublier la lutte juridique pour établir la bonne nouvelle sous l’autocratie coloniale et la tyrannie indigène, jusqu’en 1972, alors que nous possédons encore notre liberté en tant que témoins de Jéhovah Dieu, nous ne pouvons que nous exprimer ainsi : “Ce n’est certainement pas une œuvre humaine ; c’est celle de Jéhovah.”

Les 16 093 témoins de Jéhovah ghanéens, dont 16 se déclarent membres de la classe du reste oint, et les milliers d’autres personnes qui, nous l’espérons, se joindront encore à eux en tant que serviteurs voués du Très-Haut avant que n’éclate la “grande tribulation”, répéteront à jamais les paroles suivantes du livre biblique des Psaumes :

“Ô ! magnifiez Jéhovah avec moi, et exaltons ensemble son nom !” “Je louerai le nom de Dieu par le chant, et je le magnifierai par l’action de grâces.” “Ô ! rendez grâce à Jéhovah, car il est bon ; car sa bonté de cœur est jusqu’à des temps indéfinis.” — Ps. 34:3; 69:30; 107:1; NW.