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Chine, Hong-Kong et Macao

Chine, Hong-Kong et Macao

Chine, Hong-Kong et Macao

LA CHINE est le pays le plus peuplé de la terre. Située au sud-est de l’Asie et flanquée du Japon et de la Corée, elle couvre une superficie de plus de neuf millions de kilomètres carrés.

La majorité des Chinois sont cultivateurs ; ils élèvent du bétail, de la volaille et cultivent du riz et des légumes pour nourrir la population du pays qui compte 800 millions d’habitants. Au cours des siècles, les Chinois se sont taillé la réputation d’être de durs travailleurs et de surmonter les difficultés avec une remarquable ténacité. Ils sont traditionnellement bouddhistes et fatalistes. Leur bouddhisme a pour origine le taoïsme de la Chine antique, influencé par la philosophie de Confucius ; le culte des ancêtres joue un rôle très important dans la vie familiale.

Par tradition, la famille chinoise est très unie. Les familles de la même province et qui parlent le même dialecte forment des clans que l’on peut rarement ébranler. Le commerce d’un individu devient celui du clan. Pour ces Chinois l’argent représente la puissance et ils l’adorent comme un dieu ; quant à raisonner sur l’origine et le but de la vie, ils ne le font pratiquement pas.

“LA TOUR DE GARDE” ATTEINT LA CHINE

Les habitants de la Chine ont-​ils eu l’occasion d’entendre la bonne nouvelle du Royaume de Dieu ? Quand l’organisation moderne des témoins chrétiens de Jéhovah n’en était qu’à ses débuts, la bonne nouvelle toucha la Chine. La Tour de Garde de Sion fut imprimée pour la première fois et diffusée en juillet 1879; en 1883 elle paraissait déjà en Chine. Cette année-​là, Miss Downing, missionnaire de l’Église presbytérienne à Tche-fou, en Chine, trouva par hasard un exemplaire de La Tour de Garde. Un article sur le rétablissement de toutes choses fit impression sur elle ; elle s’abonna au périodique, quitta sa religion et devint témoin de Jéhovah. Elle parla de la vérité aux autres missionnaires et en aida quelques-uns à quitter la fausse religion.

Parmi eux, il y avait Horace A. Randle, missionnaire baptiste. Ses progrès furent lents au début, mais en 1896 il se mit à étudier sérieusement et partagea ses connaissances acquises avec sa femme et ses enfants. Sa femme et sa fille aînée acceptèrent la vérité. Il rendit également témoignage à ses compagnons missionnaires. Comme le relate La Tour de Garde de Sion du 15 mai 1900 (angl.), cela l’amena à prendre une grave décision : “Convaincu que ce témoignage vient de Dieu et qu’il est en contradiction avec le prétendu christianisme, je n’ai pas jugé utile d’en référer à la chair et au sang ; en 1898 je me suis retiré de l’Église baptiste et du Conseil des missions dont je faisais partie. Désormais affranchi des croyances et des traditions humaines, mon seul désir est de communiquer à mes semblables la vérité qui m’a apporté la joie et le réconfort.”

Le zèle de frère Randle l’amena à conduire des réunions dans plusieurs missions établies en Chine. Afin de répandre l’Évangile en Extrême-Orient, on envoya environ 5 000 tracts et 2 324 lettres aux missionnaires de Chine, du Japon, de la Corée et de Thaïlande, et on plaça quatre-vingt-dix exemplaires du livre L’Aurore du Millénium. Les réponses reçues furent peu nombreuses, mais une Chinoise instruite nous écrivit ce qui suit : “J’ai lu les tracts que vous m’avez si aimablement envoyés, d’abord avec intérêt, puis avec joie ; il y a longtemps que je n’ai pas été aussi heureuse. Plus je les lis, plus je désire les lire, et plus la lumière se fait dans mon esprit ; mais je souhaite vivement augmenter mes connaissances. J’aimerais recevoir le livre L’Aurore du Millénium et le tract sur l’enfer. Je vous serais très obligée de bien vouloir me dire comment vous faire parvenir le montant de ces écrits.” En Chine du Nord, un jeune homme quitta l’œuvre missionnaire de la Fraternité et prit fermement position pour la vérité. D’autres missionnaires manifestèrent également de l’intérêt pour le message. Ainsi, la lumière de la vérité commença à poindre très tôt en Chine. Toutefois, elle toucha principalement les missionnaires de la chrétienté, car à cette époque-​là le message n’était diffusé qu’en langue anglaise.

Le premier président de la Watch Tower Bible and Tract Society s’intéressait vivement à la prédication de la bonne nouvelle du Royaume de Dieu, comme l’ordonne Matthieu 24:14. Aussi, au début de l’année 1912, en qualité de président d’un comité de sept hommes, C. T. Russell débarqua-​t-​il dans la ville portuaire de Chang-hai, où il prononça des discours renfermant un message d’avertissement relatif à l’approche de la fin du “temps des Gentils”. Ces discours permirent de répandre les graines de vérité dans de vastes territoires.

Le témoignage fut de nouveau donné en 1915 puis en 1918, lorsque sœur F. L. Mackenzie, colporteur anglais, visita certaines régions du Japon, de la Corée et de la Chine. En 1923, deux sœurs charnelles, Bessie et Harriet Barchet arrivèrent à Chang-hai. Bessie Barchet présenta la vérité biblique à un jeune Chinois, Frank Chen, au moyen du livre La Harpe de Dieu. Mais des agents de la chrétienté le découragèrent momentanément de le lire. Toutefois, lorsque Miss Barchet rentra dans son pays en 1926, elle transmit le nom de Frank Chen à frère Akashi, de Tokyo. Au cours des quelques années qui ont suivi, Frank Chen progressa dans l’intelligence de la vérité qu’il apprécia grâce à la visite de frères de Chang-hai et à la correspondance entretenue avec un frère de New York.

En octobre 1931, deux colporteurs japonais de Formose arrivèrent à Chang-hai, suivis de frère Akashi. Celui-ci informa Frank Chen qu’il devait se faire baptiser de nouveau, bien qu’il l’ait déjà été dans une Église de la chrétienté. Frank Chen avait un ami intime, Bao Min Jong, qui s’intéressait également à la vérité. Aussi, le 21 octobre 1931, les deux premiers frères chinois furent baptisés dans une baignoire d’un hôtel de Chang-hai.

Il n’y avait pas de temps à perdre maintenant. Frère Akashi donna immédiatement des instructions à frère Chen pour qu’il traduise en chinois la brochure Royaume, puis la brochure Guerre ou Paix ? et le livre Gouvernement. Les clichés de la brochure Royaume ne tardèrent pas à être envoyés à Brooklyn, pour l’impression, mais frère Chen en avait déjà imprimé 500 exemplaires, avec une couverture toute simple, et il les distribuait chaque jour dans les rues. Bien que frère Bao ait été fusillé par les soldats japonais au début de 1932, frère Chen continua à travailler dur.

Au cours des années 1930, un groupe de pionniers intrépides venus d’Australie sema également des graines de vérité en Orient. Un bureau établi à Chang-hai pourvoyait aux publications dont ces pionniers avaient besoin dans leur service. Un couple fidèle, frère et sœur Schuett, prit souvent le bateau à Chang-hai à destination d’autres ports francs, y compris Hong-Kong, Tche-fou, Chan-téou, Tientsin, Tsing-tao et plus tard Pékin. Ils placèrent des milliers de livres et de brochures. En juin 1933, frère Chen rapporta que tous les dimanches, de 10 heures à 10 h 30, des discours prononcés à Brooklyn étaient retransmis sur les ondes par la station de radio XHHH, à Chang-hai.

Il n’était pas facile de répandre la bonne nouvelle du Royaume dans cette partie du monde. Cela est très bien illustré par le récit d’un homme d’affaires australien qui vivait à Chang-hai en 1935.

“C’était en été 1935; il faisait 35 degrés à l’ombre. Nous regardions par la fenêtre quand tout à coup, au milieu de la rue, apparut une Européenne âgée poussant un landau. Sur celui-ci il y avait un phonographe qui reproduisait des discours bibliques. Un Chinois l’accompagnait ; il traduisait les discours dans la langue chinoise. Tous deux étaient entourés d’un groupe de voyous chinois qui se moquaient d’eux, jurant et disant : ‘Regardez ce vieux fou de diable blanc !’”

Qu’allait faire cet homme d’affaires, Monsieur Wolnizer ? “Mon fils me dit : ‘Regarde cette pauvre vieille femme. Pourquoi ne lui offririons-​nous pas une tasse de thé ?’ C’est ce que nous avons fait. Elle en était très heureuse. Elle me dit alors : ‘Vous intéressez-​vous à la Bible ?’ ‘Évidemment, lui dis-​je, je m’intéresse particulièrement à la seconde venue du Christ.’ ‘Christ est revenu, me répondit-​elle, en me regardant droit dans les yeux.’ ‘Christ est revenu ? répétais-​je.’ Il faisait très chaud ce jour-​là ; d’autre part, n’était-​elle pas une femme âgée ? Il arrive que le soleil vous frappe sur la tête n’est-​ce pas ? Rassurez-​vous, je ne lui ai pas dit ces choses, je n’ai fait que les penser.”

Pourtant, pour avoir manifesté son sens de l’hospitalité en offrant une “tasse de thé”, toute la famille Wolnizer a connu la vérité par l’entremise de sœur Hudson, et s’est fait baptiser en 1937. Les Wolnizer ont ouvert leur foyer aux réunions et travaillé avec les fidèles pionniers et proclamateurs en vue de répandre la bonne nouvelle.

Les rapports sur l’activité déployée de 1935 à 1937 indiquent qu’un grand témoignage a été rendu en Chine. En 1935, quatre frères participèrent au ministère de pionnier et visitèrent les villes de Nankin, de Chang-hai, de Tsing-tao, de Han-kéou, de Kiéou-kiang, de Wou-how et de Sou-tchéou. Tous les dimanches, pendant environ trois ans, les discours de frère Rutherford furent retransmis par la station de radio XMHA, de Chang-hai, jusqu’à ce que l’Église catholique réussisse, par son opposition, à les faire cesser. Des lettres furent envoyées de toutes les parties de la Chine, même de la Mandchourie et de la province de Kanson, située à l’extrême ouest du pays. Il est intéressant de noter qu’à ce moment-​là, onze brochures et le livre Préparation avaient été traduits et étaient disponibles en langue chinoise.

Le 7 juillet 1937 éclata la guerre sino-japonaise. Les Schuett continuèrent leur activité de pionnier au mieux de leurs possibilités, étant donné les circonstances. Puis, en 1939, trois pionniers allemands, Willie Poethko, Herman Guettler et Paul Mobius, furent envoyés à Chang-hai par la filiale de Suisse. Comme le Japon s’était allié à l’Allemagne, les pionniers n’eurent pratiquement pas de difficulté à entrer dans le pays. Selon le rapport annuel de 1939, il y avait en Chine 4 pionniers et 9 proclamateurs de congrégation qui placèrent 846 livres et consacrèrent 2 817 heures à la prédication de la bonne nouvelle, contre 1 182 heures en 1938. La Chine devait subir ensuite la domination dure et cruelle des Japonais.

LA BONNE NOUVELLE PARVIENT À HONG-KONG

À environ 1 200 kilomètres de Chang-hai, sur la côte de la Chine, se trouve la colonie britannique de Hong-Kong. Le magnifique port naturel est une véritable ruche ; chaque jour on y reçoit plus de cinquante bateaux venus de Chine et des autres ports du monde. N’importe quel jour de l’année on peut voir côte à côte des jonques, des sampans, des bacs et des grands navires. La colonie comprend en fait trois parties séparées : l’île de Hong-Kong (Victoria), Kowloon et les régions éloignées près de la frontière de la Chine appelées Nouveaux Territoires.

La vie dans les Nouveaux Territoires est presque exactement la même qu’en Chine. Par contre, la ville est prospère, animée, pleine de sons cacophoniques, le mode de vie étant essentiellement britannique, sur un fond de culture chinoise. Hong-Kong est maintenant une ville moderne avec une “jungle de béton” typique. Après Tokyo, Hong-Kong est probablement la ville d’Orient à la plus forte densité de population.

Comment décrire l’activité théocratique déployée par les témoins chrétiens de Jéhovah à Hong-Kong” ? Afin de répondre correctement à cette question, nous vous rappellerons d’abord que Hong-Kong n’est autre qu’une “petite Chine”. Toutes les superstitions, l’orgueil national, les traditions, le bouddhisme, le taoïsme, le confucianisme, le culte des ancêtres et l’amour extrême pour les richesses ont également atteint le peuple de Hong-Kong. Ici, il n’y a eu ni faits de prédication ni accroissement spectaculaires qui demanderaient à être signalés dans l’histoire moderne de l’œuvre du Royaume.

Les témoins ont plutôt dû se montrer très patients et persévérants, travaillant dur ; ils ont parfois éprouvé de la peine et des déceptions, mais également de la joie à chaque fois qu’un petit accroissement était enregistré. C’est la raison pour laquelle les frères locaux qui ont embrassé la vérité et demeurent fermes sont très précieux aux yeux des missionnaires venus de l’étranger. Il n’est pas facile d’accepter la vérité et d’y rester attaché dans l’atmosphère matérialiste de Hong-Kong.

Chaque jour, les parents chinois inculquent sans relâche à leurs enfants le sens de la fidélité envers la famille, leur enseignant comme un “devoir” de s’acquitter de la dette qu’ils ont contractée envers ceux qui les ont élevés. Tout manquement à ce “devoir” constitue une atteinte à l’honneur des parents pouvant conduire au suicide. L’amour n’intervient pas nécessairement dans l’acquittement de la “dette”. C’est ce qui ressort de la réponse suivante faite par une femme à qui l’on avait demandé quelle était son espérance quant à l’avenir : “J’espère avoir beaucoup d’enfants. Ainsi lorsqu’ils seront grands, ils pourront s’occuper de moi.” En conséquence, il est courant de retirer des adolescents de l’école pour les faire travailler. Ils travaillent six et parfois même sept jours par semaine, douze heures par jour et plus, et remettent la totalité de leur salaire à leurs parents, qui leur donnent une petite récompense. Quand il y a suffisamment d’enfants, il arrive que le père quitte son emploi et passe son temps dans des “maisons de thé”, dépensant son argent à distraire ses amis. Aussi, lorsque des enfants apprennent la vérité, assistent à cinq réunions par semaine et recherchent d’abord le Royaume de Dieu, les parents ne sont pas du tout d’accord. Gardant bien ces pensées présentes à l’esprit, voyons ensemble l’histoire des témoins de Jéhovah à Hong-Kong.

Le 18 janvier 1912, le journal anglais South China Morning Post de Hong-Kong annonçait que le pasteur Russell prononcerait deux discours dans la salle de l’Hôtel de ville. Le lendemain soir, 19 janvier, il parla à 17 h 15 et à 21 heures devant un auditoire se composant principalement d’Européens. Les deux sujets développés étaient “Où sont les morts ?” et “Questions du public”. Entre ces deux discours il se rendit au Théâtre royal où il s’adressa à un public chinois comprenant environ quatre cents personnes.

Au cours des années suivantes, des pionniers australiens robustes ont rendu témoignage ici à l’occasion de leurs tournées de prédication en Orient. En 1939, frère Schuett et sa femme vinrent de Chang-hai et, aidés d’un autre pionnier et de deux proclamateurs, ils prêchèrent ici pendant deux mois. En 1941, un autre pionnier, Wilfred Johns, passa quatre mois dans la colonie, et l’Annuaire (angl.) de 1942, page 147, rapporte qu’il consacra 429 heures au ministère du champ, plaçant 462 livres et un grand nombre de brochures. Mais puisque la colonie se préparait en vue d’une éventuelle attaque japonaise, frère Johns dut partir. Néanmoins, les semences de vérité germeraient.

En 1941, les Japonais fermèrent le bureau de la Société Watch Tower à Chang-hai; les frères n’avaient plus de publications et peu d’argent pour faire imprimer des brochures. À partir de ce moment-​là et jusqu’à la fin de la guerre, ils furent coupés du siège central de Brooklyn. Ils décidèrent d’acheter une petite ferme, selon ce qu’écrit frère Mobius, pour qu’aucun d’eux n’ait à retourner travailler dans le monde afin de subvenir à ses besoins. Frank Chen quitta Chang-hai pour acheter du terrain, mais les frères attendirent longtemps avant de recevoir de ses nouvelles. Plus tard, écrivant de Taïwan, il dit avoir été arrêté, battu et jeté en prison.

Entre-temps, frères Poethko, Guettler, Mobius et Schuett étaient de retour à Chang-hai, où ils furent tous arrêtés et menacés d’être exécutés s’ils continuaient à travailler pour la Société américaine Watch Tower. Les trois frères allemands et frère Schuett furent relâchés par la suite, car les autorités les avaient identifiés à des ressortissants allemands. Frère et sœur Schuett accomplirent un excellent travail en Chine et à Hong-Kong, et ils gardèrent le contact par correspondance avec les personnes bien disposées. Quelque temps après la fin de l’occupation japonaise, ils quittèrent Chang-hai, et frère Poethko fut chargé de s’occuper de la filiale. Voici ce qu’il rapporte à propos de l’activité déployée en Chine au cours de l’année de service 1946: “Au mois de juin 1946, nous avons véritablement commencé notre activité de maison en maison avec les nouvelles publications dont nous disposions. Lors de la dernière Commémoration, l’assistance était de dix personnes et trois d’entre elles ont pris les emblèmes.” Mais les témoins n’étaient pas assez nombreux pour toucher les habitants de Chang-hai, qui étaient déjà plus de six millions.

Le vendredi matin 4 avril 1947, frères Knorr et Henschel, qui avaient visité le bureau de la filiale de Manille, aux Philippines, décidèrent de se rendre à Chang-hai afin d’y voir les frères, mais en raison d’une panne survenue à l’un des moteurs de l’avion, ils durent retourner à Manille. Ils essayèrent d’atteindre Chang-hai par Hong-Kong, mais en arrivant dans cette ville le samedi, ils apprirent que l’avion pour Chang-hai avait décollé le matin. Frères Knorr et Henschel firent le nécessaire pour célébrer le Repas du Seigneur à Hong-Kong, le dimanche 6 avril. La Tour de Garde du 15 janvier 1948 fait le rapport suivant à ce sujet : “Dimanche soir 6 avril, quatre d’entre nous se réunirent à 18 heures dans la chambre d’hôtel pour nous entretenir de la commémoration de la mort du Christ. Frère Knorr prononça l’allocution sur le repas commémoratif et sa signification. C’était une belle cérémonie et les deux frères qui prirent les emblèmes en présence de deux personnes de bonne volonté, apprécièrent beaucoup ce privilège (...). Puis vint le lundi (...) comme nous ne pouvions nous rendre à Chang-hai, nous en avons conclu que le Seigneur aiderait d’une autre manière, probablement par l’envoi de frères de Galaad, les proclamateurs du Royaume de cette ville et que c’est ainsi qu’il ferait progresser le service du Royaume en Chine, ce vaste pays d’Extrême-Orient, où la vérité est si peu connue.”

LES PREMIERS MISSIONNAIRES ARRIVENT

Le 17 juin 1947, Harold King et Stanley Jones, diplômés de la huitième classe de Galaad, arrivèrent à Chang-hai, où il faisait une chaleur étouffante. Les trois pionniers allemands étaient là pour les accueillir. Tandis qu’ils prenaient leur repas du soir, frères Jones et King découvrirent quelles étaient les conditions, tant spirituelles que matérielles, à Chang-hai.

Chang-hai traversait une crise dans les domaines religieux, commercial et politique. Les membres du parti nationaliste du Kouo-min-tang combattaient contre les communistes de Mao Tsé-Toung dans les provinces du nord, et la guerre s’approchait chaque jour davantage de Chang-hai. Les réfugiés venaient grossir la population de la ville déjà surpeuplée. Il y avait des milliers de mendiants, et beaucoup d’entre eux mouraient de froid durant les nuits d’hiver. Au début de 1948, le respect pour les Anglais était très bas. Des milliers de personnes, en majorité des étudiants, incendièrent des immeubles britanniques à Canton. Les bâtiments étaient couverts de slogans et il y avait des manifestations anti-britanniques. Les arrestations politiques, les émeutes, le marché noir, la luxure et la saleté faisaient partie de la vie à Chang-hai.

Les deux nouveaux missionnaires apprirent qu’une étude était conduite au domicile d’une famille appelée Chang. Monsieur et Madame Chang se prétendaient chrétiens et permettaient qu’une étude se tienne dans leur foyer, mais rien chez eux ne donnait à penser qu’ils agiraient conformément à ce qu’ils avaient appris. Toutefois, leur fils Manfred faisait de bons progrès. Il avait rendu témoignage à son cousin, Ernest Kong, et à sa femme qui devinrent par la suite actifs dans la vérité. Ainsi, un fondement était posé, un petit noyau de Chinois bien disposés communiqueraient le message à leurs semblables dans leur propre langue.

Les réunions de la congrégation se tenaient dans une petite arrière salle d’une agence immobilière. Le jour où l’on présenta frères Jones et King, quatorze personnes étaient présentes à la réunion. Leur venue était une grande source d’encouragement pour le petit groupe.

Stanley Jones fut nommé surveillant de filiale pour la Chine, et aussitôt après, l’œuvre fut organisée de manière à toucher davantage la population chinoise. On scinda la congrégation en deux groupes : l’un devait visiter la partie est de la ville, et l’autre la partie ouest. Parmi les fidèles proclamateurs il y avait sœur Fira Groezinger, qui avait connu la vérité par l’intermédiaire des frères pionniers. Frère King étudia avec son mari qui accepta lui aussi la vérité et participa à l’œuvre du Royaume en Chine, jusqu’à son départ forcé.

C’était difficile au début ; tous avaient besoin de cartes de témoignage rédigées en chinois pour présenter le message. Les publications étaient disponibles en anglais et en chinois. À cette époque-​là, le livre Salut et cinq brochures avaient été traduits en chinois. Les missionnaires avaient l’impression de se cogner la tête contre les murs. Le dialecte de Chang-hai constituait un grand obstacle à surmonter. La majorité des gens étaient bouddhistes et ne se montraient pas prompts à écouter la Bible. Presque à chaque porte il y avait un autel où brûlaient des bâtons d’encens. À l’intérieur des maisons, on trouvait également des autels et des sanctuaires. Des miroirs étaient fixés aux fenêtres et au-dessus des portes pour effrayer et chasser les mauvais esprits. Au-dessus des portails, il y avait des bandes de papier rouge sur lesquelles étaient écrites des formules souhaitant bonne chance, et des images terrifiantes représentant des dieux bouddhiques.

L’activité de porte en porte se faisait en grande partie dans des cités. Dans chaque rue, on entrait sous une voûte qui donnait sur une cité comprenant de nombreuses maisons. Celles-ci comportaient souvent deux étages et étaient disposées par rangées de quatre. En général, un immeuble abritait de nombreuses familles. Parfois, une cité n’était qu’un labyrinthe de ruelles. Une cité pouvait être extrêmement nette et propre, dans les quartiers résidentiels par exemple, ou pleine d’ordures et de flaques d’eau, dans les quartiers pauvres. D’ordinaire, il y avait un gardien à la porte principale, qui la fermait pour la nuit.

Petit à petit, les missionnaires progressèrent dans la connaissance de la langue chinoise. Étant donné qu’il existe des centaines de dialectes chinois mais seulement une langue écrite, il ne fut pas facile de trouver un professeur parlant le dialecte de Chang-hai. Pendant un certain temps, les missionnaires conduisirent de nombreuses études bibliques avec ceux qui comprenaient l’anglais. Souvent, seules les personnes connaissant quelque peu la Bible acceptaient d’étudier. La chrétienté avait “converti” beaucoup de chrétiens de nom. Ces “conversions” s’étaient faites en échange d’avantages matériels, aussi beaucoup de ces gens n’étaient que de prétendus chrétiens. Toutefois, le fait que la Bible en langue chinoise cite souvent le nom de Jéhovah a donné lieu à de bonnes discussions.

Jéhovah bénissait ce petit groupe composé de ses témoins, qui commencèrent à obtenir des résultats dans leur activité. En allant de maison en maison, frère Jones rencontra un membre actif d’une Église et sa femme, Nancy Yuen. Le mari ne s’intéressait pas le moins du monde à la Bible, mais Madame Yuen vit immédiatement la différence entre la chrétienté et le véritable christianisme. Elle commença à assister régulièrement aux réunions et quitta son Église. Elle parlait bien l’anglais et devint l’amie de sœur Groezinger. Par leur dynamisme, ces deux sœurs encouragèrent grandement les nouveaux qui commençaient à fréquenter les réunions. Et voici qu’un proclamateur chinois, Nancy Yuen, prêchait de maison en maison et conduisait des études bibliques, et cela en langue chinoise !

Entre-temps, frère Guettler rencontra Monsieur Vong qui travaillait à la centrale électrique de Chang-hai. Il devint un témoin actif. Manfred Chang rendit témoignage à Kay Chow dans son bureau du chantier naval de Chang-hai, et elle aussi vint grossir les rangs des témoins. Tous ces résultats furent obtenus en l’espace de quelques mois seulement. Imaginez leur joie de voir cinquante-neuf personnes assister à la Commémoration en 1948!

Dans le même temps, les deux missionnaires avaient déménagé et s’étaient installés dans un logement plus stable, à trois minutes de marche de la Salle du Royaume. Les loyers étant élevés, il leur avait fallu deux mois pour trouver ce logement convenable. Il s’agissait d’une petite pièce, tout juste assez grande pour y loger deux lits, et d’une kitchenette. Quel était le montant du loyer ? En monnaie américaine, 80 dollars, et ce n’était pas cher !

La filiale de Chang-hai organisa un service de baptêmes en juillet 1948. Les frères furent très heureux de compter neuf baptisés ; à l’exception d’un seul, tous étaient chinois.

En janvier 1949, Lew Ti Himm, un autre diplômé de Galaad, Chinois né en Amérique, arriva à Chang-hai. Quatre autres frères l’accompagnaient : Cyril Charles et Joseph McGrath, en route pour Taïwan où ils serviraient comme missionnaires, et William Carnie et Roy Spencer, en route pour Hong-Kong, leur futur territoire missionnaire. Grâce à des réunions spéciales avec ces frères missionnaires en transit, la congrégation de Chang-hai fut fortifiée.

LA VÉRITÉ COMMENCE À SE RÉPANDRE À HONG-KONG

Juste avant la Seconde Guerre mondiale, un jeune homme du nom de Paul Lam, qui parlait l’anglais, vint à connaître la vérité. Il nous dit comment : “Je sortais de l’école et je venais de commencer à travailler. Je remarquais que beaucoup de gens riches dépensaient leur argent comme on fait couler de l’eau. Je les enviais. Je me suis donc mis à la recherche des richesses. Un jour que je furetais dans un magasin de livres d’occasion, un ouvrage intitulé ‘Richesses’ attira mon attention. Je pensais : ‘C’est exactement ce que je cherche.’ J’ai vu que c’était un livre biblique, et comme j’étais ‘chrétien’, je l’ai acheté.” Les enseignements relatifs à l’enfer, à la Trinité et aux autres doctrines lui parurent intéressants et logiques. À la fin du livre, il remarqua la photographie en couleur représentant les autres livres de la Société, et pendant toute la durée de la guerre il ne cessa de fouiller tous les magasins de livres d’occasion jusqu’à ce qu’il les trouve tous. Après la fin des hostilités, il écrivit aux bureaux de deux filiales de la Société Watch Tower, l’un en Australie et l’autre en Inde. Il commanda d’autres publications et souscrivit un abonnement à La Tour de Garde et à Réveillez-vous ! Grâce aux visites des proclamateurs de Chang-hai et à l’aide des premiers missionnaires, Paul Lam fit de plus rapides progrès.

Par suite de la prise de pouvoir des communistes en Chine, Hong-Kong était devenue une ville surpeuplée. Mais Paul Lam aida à la recherche d’un logement provisoire pour les deux diplômés de la onzième classe de Galaad, William Carnie et Roy Spencer, qui arrivèrent le 16 janvier 1949. Il fallut plus de trois mois pour trouver un logement permanent au 1 Beautiful Terrace, sur l’île de Hong-Kong, tout en haut d’une colline très raide. Il s’agissait d’une pièce d’environ 3,50 m sur 3,50 m. Les missionnaires y installèrent un lit gigogne et des lits de camp, et entreposèrent les quarante cartons de publications qu’ils avaient apportés. Dans cette unique pièce, on dormait, on faisait la cuisine, la lessive, le repassage ; autrement dit, elle servait pour tout.

Presque immédiatement, les deux missionnaires organisèrent des réunions. Elles se tenaient en anglais. Paul Lam y assistait et appréciait la compagnie des frères. Mais les missionnaires se rendaient compte que la langue serait un problème. À Hong-Kong, on parle le dialecte cantonais, et ceux qui comprenaient suffisamment l’anglais pour apprendre la vérité étaient peu nombreux. Aussi Paul Lam commença-​t-​il à enseigner chaque soir le cantonais aux deux frères missionnaires. Il les accompagnait également dans le service du champ comme interprète, et chaque fois qu’un discours public était prononcé, il faisait aussi office d’interprète.

Le cantonais est essentiellement une langue parlée, tandis que le mandarin est la langue écrite, qui se lit avec la prononciation cantonaise. En conséquence, la personne qui s’installe à Hong-Kong doit apprendre deux langues. Les nouveaux missionnaires progressaient lentement. En général, les études bibliques, l’activité de maison en maison et les réunions continuaient à se faire en anglais. Pourtant, en dépit de la barrière linguistique, un bon travail a été accompli au cours des premières années, témoin le noyau de proclamateurs chinois qui se sont montrés de précieux éléments pour l’œuvre, jusqu’à ce jour.

En ce temps-​là, on diffusa beaucoup de publications et on aida plusieurs personnes bien disposées à connaître la vérité. Par la suite, la plupart de ces premiers témoins sont devenus surveillants de circonscription ou de congrégation, pionniers spéciaux ou traducteurs. Jéhovah dirigeait les choses de sorte que l’œuvre progresse à partir d’un bon fondement.

À cette époque-​là, les étrangers étaient bien accueillis dans la plupart des foyers et on plaçait facilement des publications. Mais beaucoup de personnes considéraient notre visite uniquement comme une occasion d’apprendre l’anglais. En automne 1949, frère Carnie laissa le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” en anglais à Madame Liang, dont le seul désir était de se montrer polie vis-à-vis d’un étranger. Lorsqu’il revint la voir, cette Chinoise ne manifesta aucun intérêt pour la vérité. Toutefois, son fils Fu-lone rapporte ce qui suit : “Elle pensa qu’il me serait profitable d’avoir quelques discussions avec un Européen, afin d’améliorer mes connaissances de la langue anglaise.” Fu-lone avait fréquenté l’école d’une mission et, à part lui, tous les membres de sa famille se disaient chrétiens. Il suivit la suggestion de sa mère et eut des entretiens avec frère Carnie. Mais cela ne l’intéressait vraiment pas ; comme il était embarrassé pour le dire au frère, il quittait la maison les jours de rendez-vous. Frère Carnie cessa donc ses visites. Quelques mois plus tard, Fu-lone tomba malade et dut garder le lit. Il eut alors le temps de méditer sérieusement sur ce qu’il avait appris, et il arriva à la conclusion qu’il doit y avoir un Créateur. Peu après, frère Carnie se présenta de nouveau chez ce jeune homme, et le trouva plus réceptif au message. Un certain soir, le chapitre sur l’enfer attira son attention ; les arguments présentés firent une telle impression sur lui, qu’il lut le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” d’un bout à l’autre, en deux jours. Lorsque frère Carnie revint, il eut la surprise de constater que ce jeune homme avait accepté la vérité dans son cœur.

Sa famille manifesta de l’opposition quand il commença à assister aux réunions. Celles-ci avaient lieu aux heures des repas ; Fu-lone décida donc de ne pas manger les soirs de réunion, et il ne permit pas davantage à sa famille opposée de l’entraver dans ses progrès. Il se fit baptiser en 1951. Plus tard, il aida sa sœur à connaître la vérité ; après son baptême, celle-ci servit pendant quelque temps comme missionnaire à Taïwan.

En avril 1950, Cyril Charles et Joseph McGrath qui étaient à Taïwan se joignirent aux deux missionnaires qui travaillaient ici, à Hong-Kong. Un peu plus tard dans l’année, les missionnaires s’installèrent au 232 Tai Po Road, où un autre diplômé de Galaad vint les rejoindre, ce qui porta leur nombre à cinq.

SANS CRAINTE FACE AU DANGER IMMINENT

Entre-temps, la situation politique en Chine se dégradait de plus en plus, et allait avoir de graves répercussions sur l’œuvre du Royaume. Lorsque les forces communistes commencèrent à occuper les provinces du nord, le petit groupe de témoins continua sans problèmes sérieux à s’acquitter de la tâche confiée par Dieu et consistant à faire des disciples. La vie à Chang-hai se poursuivait, animée et bruyante. Puis, on apprit que les armées rouges étaient parvenues à la rive septentrionale du Yang-tseu-kiang et menaçaient Nankin, capitale du parti nationaliste Kouo-min-tang. Les habitants de Chang-hai devinrent alors inquiets, et un grand exode commença. Tous ceux qui en avaient les moyens matériels quittèrent la ville, y compris le propriétaire de la Salle du Royaume. Les témoins allaient-​ils la perdre ? Le propriétaire leur proposa tout le magasin du rez-de-chaussée pour la somme de 1 000 dollars, que les frères purent réunir grâce à leurs propres dons et à ceux des personnes bien disposées.

La tension montait chaque jour davantage à Chang-hai. Au printemps de 1949, les rouges étaient passés à l’offensive et les nationalistes quittaient le continent pour s’enfuir à Taïwan. Les navires de guerre britanniques et américains habituellement ancrés sur le Houang Pou avaient quitté leur base. Lorsque les missionnaires se couchaient le soir, ils pouvaient entendre des coups de canon à mesure que les forces communistes se rapprochaient de Chang-hai.

Frères Jones et King devaient maintenant prendre une grave décision. Quitteraient-​ils Chang-hai avant que la ville ne tombe aux mains des communistes, ou bien resteraient-​ils avec leurs frères pour leur donner l’aide et le soutien dont ils auraient besoin ? Après en avoir longuement discuté et demandé conseil à Jéhovah dans la prière, ils décidèrent de demeurer tous deux à Chang-hai afin de veiller sur les “brebis” de Jéhovah.

Mais une nuit, le crépitement de la fusillade devint très fort. La radio annonça le matin que la ville était tombée. Comme frères Jones et King sortaient pour acheter de la nourriture, ils virent les rues bordées de soldats communistes, à l’air très fatigué, accroupis et couchés sur les trottoirs. La radio informa la population qu’elle n’avait rien à craindre de l’armée rouge qui est l’amie du peuple. Les gens étaient invités à vaquer à leurs occupations comme à l’ordinaire. La liberté était également garantie.

Ce jour-​là, frères Jones et King rendirent de brèves visites aux frères, qui étaient tous en bonne condition. Ils décidèrent de poursuivre leur ministère comme s’il ne s’était rien passé. Puisque les autorités avaient maintes et maintes fois assuré qu’elles protégeraient les minorités et les groupes religieux, il n’y avait pas lieu d’agir autrement. Les réunions de la congrégation se tinrent donc comme à l’accoutumée, et le nombre des assistants augmenta. Au début l’accueil aux portes resta le même, mais petit à petit il devint hostile, à mesure que les gens succombaient à la propagande du nouveau gouvernement. Cent millions de dollars chinois ne valaient qu’un dollar américain. Nous présentions les livres de porte en porte pour la contribution de 10 millions de dollars l’exemplaire. Même le mendiant était millionnaire !

En dépit des conditions qui résultèrent de la prise de pouvoir par les communistes, de nombreuses personnes bien disposées prirent position pour la vérité et demeurèrent fermes quand les témoins de Jéhovah furent arrêtés et emprisonnés. L’une d’elles se nommait William Koo ; après avoir étudié avec frère King et fait de bons progrès, il devint finalement surveillant de congrégation à Chang-hai. M. P. Liu connut la vérité par l’intermédiaire de frère Lew et il devint très actif dans l’œuvre du Royaume. D’autres, y compris la famille Liang, ont dû être disciplinés par l’organisation, mais s’étant repentis par la suite, ils persévèrent dans l’intégrité. Ce sont là quelques frères que nous sommes loin d’avoir oubliés. Mais ce qui est plus important, c’est que Jéhovah les connaît et il les récompensera selon leurs œuvres.

Durant la première année de la domination communiste, frère King rencontra C. C. Chen. Ce jeune homme manifesta un intérêt peu commun pour le message. Il ne tarda pas à se faire baptiser et se vit confier certaines tâches importantes au sein de la congrégation. Le gouvernement communiste l’affecta à la centrale électrique, sous les ordres de frère Vong, pour qu’il reçoive une formation dans la technique électrique. Les frères de la congrégation étaient loin de se douter que ce C. C. Chen s’était laissé séduire par l’idéal communiste et qu’il espionnait la congrégation pour le compte des chefs de ce parti. Par la suite, lors du jugement des frères Jones et King, il fut le principal témoin à charge. Il était évident qu’il fournissait des informations aux communistes depuis longtemps.

Pendant les trois premières années, l’œuvre, y compris l’activité de maison en maison, se poursuivit sans entrave. Les frères accomplissaient ouvertement leur ministère, les communistes étant occupés à réaliser leurs entreprises et à mettre en place leur système administratif. En 1950, il y eut onze baptêmes. En 1951, 105 personnes assistaient à la Commémoration, et les frères obtenaient une licence d’importation qui leur permit de faire venir de Hong-Kong toutes les dernières publications parues en anglais.

La question suivante était souvent posée : Est-​il possible d’aider une personne ayant reçu une formation chinoise et bouddhique et ne possédant aucune connaissance de la Bible à accepter la vérité ? La réponse vint lorsque Paul Lam rendit témoignage dans le cadre de son travail, à Helen Lau, propriétaire d’un magasin de thé chinois. Frère Lam lui remit le livre Salut en chinois et offrit de l’aider à comprendre la Bible. Bien que sa connaissance de la langue anglaise fût très limitée, elle assista régulièrement aux réunions et prit le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” en anglais. Elle commença à prendre part au ministère du champ, se fit baptiser et entreprit le service de pionnier en 1954. Elle ne tarda pas à intéresser à la vérité ses deux sœurs cadettes, sur qui l’amabilité et la patience des témoins avaient fait une impression favorable, et toutes deux devinrent des serviteurs de Jéhovah. C’était donc la preuve que la vérité biblique peut vaincre les puissantes traditions chinoises.

On commença une étude avec un jeune homme qui “désirait apprendre l’anglais”, mais qui apprit bien autre chose. Lam Yan Yue et quelques-uns de ses camarades de classe se mirent à étudier avec frère Carnie. Ses camarades ne persévérèrent pas, mais Yan Yue fut frappé par la gentillesse et la sincérité des missionnaires. Il ne craignit pas de “perdre la face” ; bien au contraire, il était heureux que le missionnaire “n’hésitât pas à redresser mes idées erronées”, comme il le dit lui-​même. En temps voulu il fut baptisé, et par la suite il servit en qualité de surveillant de congrégation.

LES DIFFICULTÉS AUGMENTENT SUR LE CONTINENT

Les rouages de la machine communiste fonctionnant à plein rendement, les ouvriers reçurent l’ordre d’assister aux réunions communistes avant et après le travail. Dans chaque cité il y avait un “comité” et des réunions politiques, et tout élément “anti-communiste” était signalé. Le contrôle communiste s’étendit également à la religion. Il fallait que toutes les religions soient organisées et financées par des Chinois et que leurs prédicateurs soient aussi des Chinois. Toute religion ne remplissant pas ces conditions devait se faire enregistrer ; c’est ce que firent les témoins de Jéhovah.

En 1952, il y avait vingt-deux proclamateurs, et dix-sept nouveaux se firent baptiser. La situation devenait de plus en plus difficile pour les frères locaux. On exigeait d’eux qu’ils étudient les “pensées de Mao”. Pendant et après les heures de travail, les portes de l’entreprise étaient fermées, si bien que personne ne pouvait partir. Les frères devaient donc écouter des exposés sur le communisme parfois pendant quatre heures d’affilée. Rien d’étonnant à ce que la Salle du Royaume fût devenue pour eux un lieu de rafraîchissement. C’est ce qu’un frère exprima en ces termes : “La petite Salle du Royaume de Chang-hai était comme une oasis au cœur d’un désert brûlant de haine politique et d’oppression.” C’est grâce à l’esprit de Jéhovah et parce qu’ils se sont régulièrement nourris de sa Parole que nos chers frères ont pu survivre dans le désert spirituel de la Chine communiste. Ils ne se découragèrent pas et furent remplis d’une joie débordante lorsqu’en 1953 ils enregistrèrent une assistance de 85 personnes à la Commémoration et 10 baptêmes pour l’année.

LE COMMENCEMENT DE LA FIN

Un jour que frère King prêchait, un gardien de cité fanatique provoqua une scène désagréable. Avant qu’il n’ait pu s’en rendre compte, frère King se trouvait face à une foule hostile. Un agent de police arriva et reprit sévèrement frère King parce qu’il endoctrinait les gens et troublait leur paix. Deux jours plus tard, les missionnaires étaient convoqués au commissariat de police. Les ordres étaient on ne peut plus clairs : “Interdiction de prêcher hors de la Salle du Royaume.” Les frères étaient autorisés à visiter uniquement les personnes qui étudiaient déjà la Bible, et leurs noms devaient être signalés à la police. Malgré cela, aucune étude biblique ne se perdit.

Les frères se rendaient compte qu’il leur faudrait prendre davantage de précautions pour poursuivre leur œuvre. Les Européens ne passant pas inaperçus, on décida que les frères chinois continueraient à prêcher de maison en maison, tandis que les missionnaires rendraient témoignage dans les magasins et aux passants qu’ils rencontreraient en chemin.

Au début de 1954, l’un des missionnaires, Lew Ti Himm, mourut. Il avait travaillé avec zèle et sans se relâcher. Cette année-​là, la mesure disciplinaire prise à l’encontre d’un couple nous fit perdre dix proclamateurs ; pourtant, en mars 1955, on enregistra un nouveau maximum en prédicateurs du Royaume, les frères ayant passé en moyenne 10,6 heures dans le ministère. Le point culminant de l’année fut l’assistance à la Commémoration qui s’éleva à 175 personnes.

À cette époque-​là, les frères étaient privés de publications, bien qu’ils aient reçu les périodiques encore pendant quelque temps. En réalité, aucun interdit n’avait frappé les publications ; elles n’arrivaient tout simplement plus. Frère King dit : “Pas un seul livre n’est passé au travers de leurs filets. Ils étaient vraiment efficaces.” Mais une sœur fidèle de Grande-Bretagne apporta son aide en leur envoyant un résumé des articles principaux de La Tour de Garde sous forme de lettres qu’elle expédiait par avion à Chang-hai.

Au milieu de l’année 1956, les troubles firent de nouveau leur apparition. Cinq proclamateurs furent retenus par la police et interrogés pendant cinq heures. Les autorités gardèrent Nancy Yuen pendant quatre jours. C’était un avertissement leur enjoignant de ‘pratiquer leur religion dans leur propre église’. Nos frères n’en continuèrent pas moins de prêcher mais en prenant beaucoup de précautions. Exactement quatre mois plus tard, Nancy Yuen fut arrêtée pour la seconde fois. Elle s’était rendue au domicile d’une personne pour conduire une étude biblique, et elle n’est jamais rentrée chez elle. Les missionnaires se renseignèrent pour savoir ce qui lui était arrivé et si elle se portait bien, mais on les rabroua en ces termes : “Cela ne regarde que les Chinois. Occupez-​vous de vos propres affaires.” À partir de ce moment-​là sa mère s’occupa de ses petits enfants. Deux ans plus tard, on l’autorisa à visiter Nancy au centre de détention. Pendant tout ce temps, Nancy avait constamment été interrogée dans le but qu’elle trahisse ses compagnons, mais elle demeura fidèle à Jéhovah et à ses frères. Elle fut finalement condamnée à l’emprisonnement. En une certaine occasion, frère Jones l’aperçut dans la cour de la prison de Chang-hai, où il fut lui-​même emprisonné par la suite.

L’Organisation internationale pour les réfugiés allait cesser ses activités, aussi ceux qui étaient placés sous sa juridiction furent-​ils envoyés dans d’autres pays. En conséquence, les frères Mobius, Guettler et Poethko durent partir. Les firmes étrangères fermèrent leurs portes et les Groezinger s’en allèrent également. Un travail considérable incombait maintenant aux frères Jones et King. Mais Jéhovah bénit leurs efforts, et ils eurent la joie de voir 107 personnes assister à la Commémoration en 1958.

Après l’assemblée internationale des témoins de Jéhovah tenue à New York en 1958, la Société prit des dispositions pour que frère Charles, surveillant de filiale de Hong-Kong, prenne le bateau jusqu’à Chang-hai, pour y visiter les frères. (Peu de temps auparavant, frère Jones avait demandé un visa de sortie pour assister à cette assemblée, mais cela lui avait été refusé. Frères Jones et King avaient ainsi appris qu’ils n’étaient pas autorisés à quitter le pays.) Quand le bateau accosta, on interdit à quiconque de descendre à terre. Frères Jones et King prirent donc le bac qui descend le fleuve, espérant voir frère Charles. Ils l’aperçurent effectivement, le saluèrent d’un geste de la main et reçurent néanmoins un message. De sa grosse voix forte frère King cria : “Dis à maman que nous sommes tous heureux et bien portants !” Frère Charles répondit : “Deux cent cinquante mille vous envoient l’expression de leur amour !” Il faisait évidemment allusion au nombre des assistants à l’assemblée internationale de “La volonté divine” qui avait eu lieu à New York, du 27 juillet au 3 août 1958.

La remarquable prise de position des témoins de Jéhovah irritait considérablement les autres groupements religieux qui n’avaient cessé de faire des compromis. Ils firent alors pression sur la police et se plaignirent de ce que l’État n’intervenait pas pour les empêcher de poursuivre leurs activités. Cette plainte porta du fruit.

Le 14 octobre 1958, frères Jones et King s’étaient levés à 6 h 30. Ils étaient en train de préparer leur petit déjeuner et allaient se mettre à table lorsque frère King vit des agents de police faire irruption dans leur cité. Il dit : “Je me demande bien où ils vont.” La réponse vint sous la forme de violents coups frappés à leur porte. On les arrêta sous l’inculpation de “réactionnaires”, et leur logement fut entièrement fouillé. Cinq heures plus tard, on les emmena en prison où, pendant deux ans, ils furent constamment soumis à des interrogatoires.

Lors de leur jugement en 1960, on cita le nom de frères et de sœurs chinois, précisant qu’ils seraient jugés par la suite. Le surveillant de congrégation, frère Koo, frère Liu ainsi que Nancy Yuen figuraient sur la longue liste de noms. Ainsi, en 1958 l’œuvre des témoins de Jéhovah fut forcément arrêtée en Chine.

ORGANISATION EN VUE D’UNE ACTIVITÉ PLUS EFFICACE À HONG-KONG

Durant ces années-​là, les frères de Hong-Kong s’efforcèrent de prêcher la bonne nouvelle avec plus d’efficacité. En avril 1951, frères Knorr et Henschel visitèrent Hong-Kong. Une assistance de 707 personnes étaient rassemblées au Star Theatre lorsque frère Knorr prononça le discours “Proclamez la liberté dans tout le pays”, qui avait fait l’objet d’une grande publicité. Cette visite fut très encourageante pour les cinq missionnaires actifs dans cette île, et elle posa les jalons de l’établissement d’une filiale, le 1er septembre 1951, frère Carnie en étant le surveillant. Au cours des quelques années qui ont suivi, neuf autres missionnaires furent envoyés à Hong-Kong.

Au début des années 1950, rien n’avait été fait pour que les missionnaires étudient méthodiquement la langue chinoise. Sœur Gannaway rappelle que lorsqu’elle arriva à Hong-Kong en 1953, la seule phrase en chinois utilisée par les missionnaires était la suivante : “Yaumo yan sik-gong ying-mun ?” qui veut dire : “Y a-​t-​il quelqu’un qui parle anglais ?” Les logements de la filiale étaient insuffisants et bruyants, car ils étaient situés au-dessus d’une maison de thé qui fonctionnait jusqu’à une heure avancée de la nuit. Inutile de vous dire que la visite de frère Knorr en avril 1956 tombait à point nommé. Comprenant immédiatement la situation, il dit : “Dorénavant toutes les réunions se tiendront en chinois et les missionnaires apprendront et utiliseront cette langue.” On ouvrit une autre maison de missionnaires, et l’année suivante, La Tour de Garde et le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai” paraissaient en chinois.

Frère Franz fut le principal orateur de l’assemblée tenue en janvier 1957, qui avait pour décor la baie de Repulse. Il mit l’accent sur l’importance de travailler d’un cœur entier et d’être fidèle à l’organisation de Jéhovah. Il prit également le temps de parler aux frères locaux qui en furent profondément impressionnés. Frère Franz se réunit aussi avec les dix-neuf missionnaires et les pionniers spéciaux afin de discuter de leurs problèmes et de les encourager à la fidélité. En décembre 1958, les trois premiers pionniers de Hong-Kong envoyés à Galaad ayant été diplômés, ils revinrent, et frère Kenneth Gannaway, qui servait aux îles Sous-le-Vent, aux Antilles, rejoignit le groupe de missionnaires dont le nombre s’éleva à treize répartis dans les deux maisons.

MACAO ENTEND LA BONNE NOUVELLE

La colonie portugaise de Macao est située à 65 kilomètres de Hong-Kong, sur l’estuaire du Si-kiang. C’est la plus ancienne colonie occidentale de la côte chinoise ; elle se compose d’une étroite bande de terre faisant neuf kilomètres de long sur un kilomètre et demi de large, et de deux petites îles. Macao elle-​même ressemble à une vieille ville du Portugal, bien que le mode de vie oriental prédomine. Le portugais est la langue officielle, mais la majorité des habitants sont chinois et parlent le cantonais.

Deux pionniers spéciaux furent envoyés à Macao en février 1963. L’un d’eux, Daniel Ng, rencontra un jeune Chinois de vingt et un ans du nom de John Chu, arrivé récemment d’Indonésie. Frère Ng commença une étude biblique avec ce jeune homme, et toute la famille, y compris la mère et le père, se joignit à lui. John ne tarda pas à participer à la prédication ; malheureusement les deux pionniers spéciaux se virent dans l’obligation de quitter l’île à la fin de l’année. John resta donc seul pendant trois mois, au cours desquels le surveillant de circonscription, frère Thorn, passa cinq jours avec lui, lui apportant l’aide dont il avait besoin. Son sérieux et son zèle étaient étonnants. Le jour où frère Thorn partit, John vint à son hôtel à 6 h 30 du matin, pour qu’il lui donne des instructions supplémentaires sur la façon d’organiser le travail.

Deux pionniers spéciaux expérimentés, Mary Chan et Lee King Foon, arrivèrent en juin 1964. Leur activité méthodique porta de bons fruits, car en 1965 trois proclamateurs participaient au ministère du champ et trente et une personnes assistaient à la Commémoration. Cette remarquable activité n’échappa pas au clergé de l’Église catholique, et bientôt la police secrète surveillait les témoins. Un dimanche après-midi où se tenait l’étude de La Tour de Garde chez frère John, les agents de la police secrète firent irruption chez lui et confisquèrent toutes les publications et les bibles, ordonnant aux assistants de les suivre au poste de police. Le lendemain, les deux pionniers spéciaux recevaient l’ordre de retourner à Hong-Kong. Par crainte, certains cessèrent de fréquenter le groupe ; mais les autres sortirent fortifiés de l’épreuve et continuèrent de rendre témoignage en prenant des précautions.

Ces dernières années, une puissante faction communiste a vu le jour à Macao et sa présence s’est fait sentir. Les communistes se sont montrés tout aussi fanatiques et intraitables que ceux qui composaient la faction catholique romaine. Tandis que ces deux factions se surveillaient l’une l’autre et se disputaient le pouvoir, les témoins de Jéhovah continuaient paisiblement de rendre témoignage sur le Royaume de Dieu. Un pionnier spécial de Hong-Kong est récemment retourné chez lui après avoir travaillé pendant quatre ans avec le petit groupe de Macao. Il y a maintenant six proclamateurs actifs dans l’œuvre du Seigneur, et leur zèle est rendu manifeste par le fait que durant l’année de service 1973, ils ont passé en moyenne 12,3 heures dans le ministère du champ et vingt personnes étaient réunies pour assister à la Commémoration. Notre cœur se réjouit de savoir que deux de ces proclamateurs ont servi comme pionniers ordinaires pendant l’année de service 1973 et seront nommés pionniers spéciaux cette année. Frère John Chu, qui est un chrétien mûr, veille sur cette petite congrégation du peuple de Jéhovah.

JOIES, ACCROISSEMENT ET ÉPREUVES

À Hong-Kong, la majorité de ceux qui s’intéressent à la vérité sont jeunes. Il semble que les personnes plus âgées soient fermement attachées à leur mode de vie et n’en changeront pas de peur qu’à leur mort elles aient à subir un châtiment pour avoir abandonné les traditions chinoises. Une jeune fille, May Yu, commença à fréquenter les réunions à l’âge de treize ans, alors qu’elles se tenaient en langue anglaise. Bien que ne connaissant pas cette langue, elle appréciait la gentillesse et l’amour des frères. Inutile de vous dire la grande joie qu’elle a éprouvée lorsque les réunions ont été tenues en chinois. L’expérience vécue par cette jeune fille à l’école met en évidence les pressions exercées sur les étudiants à Hong-Kong, ce qui incite de nombreux nouveaux à délaisser la vérité pendant leur scolarité.

Sœur May Yu rapporte : “En 1961, je travaillais beaucoup pour préparer ma dernière année d’école ; c’est une année où nous sommes tous sous tension en raison des examens de fin d’études. Les pressions exercées sur nous et les devoirs qu’on nous imposait en supplément étaient tels que nous n’avions pas assez de vingt-quatre heures pour nous acquitter de ces charges. On nous parlait constamment de l’importance d’acquérir une plus grande instruction, de l’université, de professions bien rémunérées et de la réputation de nos parents et de nos enseignants. Je pensais que cela mettrait en danger ma spiritualité. Toutefois, l’échange d’encouragement, les conseils m’invitant à faire du ministère la carrière de ma vie et l’étude individuelle m’ont aidée à résister victorieusement aux pressions de cette société matérialiste.” Sœur Yu eut la joie d’aider une compagne de classe à acquérir la connaissance de la vérité, et celle-ci servit par la suite en tant que pionnier spécial pendant quelques années. En novembre 1962, sœur Yu entreprit le service de pionnier spécial et jusqu’à ce jour elle persévère dans le service à plein temps au Béthel, en qualité de traductrice.

L’assemblée internationale de “La bonne nouvelle éternelle” qui eut lieu à l’Hôtel de ville du 13 au 18 août 1963, stimula tous les frères. Les 222 proclamateurs, pionniers et missionnaires de Hong-Kong travaillèrent sans relâche à la préparation de ce congrès, qui ne les a pas déçus. La visite de presque 500 de leurs compagnons chrétiens réjouit sincèrement les frères locaux qui n’étaient jamais allés dans d’autres pays. Ils ont été témoins de l’amour véritable et de l’unité manifestés par leurs frères venus de l’étranger, et cela leur donna une meilleure idée de la merveilleuse organisation de Jéhovah. Avec un zèle renouvelé ils retournèrent dans le champ, et lors de la Commémoration suivante, l’assistance s’élevait à 459 personnes.

Le mois d’avril 1964 fut triste pour les frères de Hong-Kong, car l’un des premiers missionnaires arrivés dans l’île, “Bill” Carnie, mourut. Il avait été surveillant de filiale pendant douze ans. Frère Carnie aimait ses semblables, et dans quelque activité que ce fût, il manifestait les fruits de l’esprit. Tous ceux qui l’ont connu se souviennent de lui avec émotion.

Nos frères de Hong-Kong ont toujours témoigné de l’amour à l’égard de leurs frères emprisonnés derrière le rideau de bambou. Chaque jour ils prient pour eux. Quelle joie ce fut pour eux lorsque Harold King sortit des prisons chinoises en 1963! Songez un peu ! un de leurs frères venait de passer quatre ans et demi en prison, et il était pourtant demeuré ferme dans la foi ! Il leur parla aussi de la foi de leurs frères chinois toujours emprisonnés. Puis, en 1965, Stanley Jones fut relâché après sept ans d’incarcération, et il leur apporta d’autres bonnes nouvelles relatives à la fidélité de leurs frères en Chine. Tandis qu’une atmosphère lourde et triste planait sur la Chine, Hong-Kong s’épanouissait dans la gaieté et la prospérité matérielle. Frère Jones le remarqua et les frères apprécièrent ses conseils appropriés, les encourageant à ne pas se laisser prendre au piège du matérialisme, ce qui leur ferait perdre la vie éternelle.

En 1966, Hong-Kong reçut avec reconnaissance un autre groupe de sept missionnaires diplômés de la quarante et unième classe de Galaad. On put ainsi ouvrir une nouvelle maison de missionnaires à Kowloon, dans un territoire qui était pratiquement vierge, à savoir la région industrielle appelée Kwun Tong. Il n’y avait là aucun proclamateur, et la population s’élevait à 225 000 habitants ; les missionnaires étaient donc les bienvenus. Contrairement aux premiers missionnaires, ces nouveaux venus commencèrent par suivre pendant deux mois un cours de chinois, organisé par la Société et placé sous la direction d’un instructeur. Ainsi, en un temps relativement court, ils possédaient les rudiments du dialecte cantonais.

Au début de 1967, les missionnaires remarquèrent un changement dans l’attitude des personnes en général. Il se préparait quelque chose. En 1966 il y avait eu des émeutes relativement mineures à propos d’une augmentation de cinq pour cent sur le tarif des bacs. Les ennuis allaient-​ils recommencer ? Dans un rapport mensuel envoyé à la Société, le surveillant de filiale, frère Gannaway, écrit : “Il semble que les communistes d’ici aient pris de l’assurance suite à la victoire remportée à Macao. Comme jamais auparavant, les gens manifestent maintenant une attitude hostile à l’égard de la religion. De toute évidence, les événements pourraient se précipiter.”

Peu de temps après, des émeutes éclatèrent dans tout Hong-Kong. Les forces communistes tentaient d’avoir la haute main sur le gouvernement et forçaient les gens à les soutenir. Pendant quelque temps, ils firent exploser des bombes n’importe où, même devant l’immeuble où se tenait une assemblée de district. Ces bombes blessèrent de nombreuses personnes. Des enfants qui, sans le savoir, jouaient avec ces engins, furent tués et mutilés. Ces explosions incitèrent la population à se tourner contre les communistes, et leur tentative avorta.

Néanmoins, la crainte s’était emparée d’un grand nombre de gens. Des centaines d’entre eux avaient réservé toutes les places sur les bateaux et les avions, en prévision d’un exode. Avant que les émeutes ne soient déclenchées, la Société avait invité les frères à fréquenter les réunions et à étudier individuellement, car c’étaient là deux points faibles. Ceux qui ne prirent pas à cœur ce conseil abandonnèrent la course. Ainsi, après le maximum de 261 proclamateurs atteint en 1967, la moyenne est descendue à 218, en 1968.

Quel réconfort ce fut d’avoir la visite de frère Knorr à Hong-Kong en mai 1968! Il parla sur le thème “Souviens-​toi de ton Dieu”. Les frères écoutèrent très attentivement, et frère Knorr fit la remarque suivante : “Chaque fois que je citais un verset, toutes les têtes des assistants s’inclinaient tandis qu’ils suivaient la lecture dans leur propre Bible.” Cette visite était ce dont les frères avaient besoin ; elle leur donna confiance et les détermina à persévérer dans l’œuvre et à servir Jéhovah d’un cœur entier. L’œuvre progressa de nouveau, et pour la première fois en quatorze ans, les proclamateurs de congrégation atteignirent une moyenne de plus de dix heures et 558 personnes assistèrent à la Commémoration en 1968.

Parmi ceux qui écoutèrent le discours de frère Knorr, il y avait Madame Fok, une personne bien disposée qui fut stimulée par ce qu’elle vit et entendit. Son cas montre que quiconque cherche vraiment la vérité la trouve. Elle dit : “Quand j’avais onze ans, mon père fut tué à Canton. Durant les années qui ont suivi, j’ai vu beaucoup de tueries et de haine. Cela m’a incitée à méditer sur la vie. J’ai décidé de m’enfuir de Chine, et après bien des difficultés, je suis arrivée clandestinement à Hong-Kong. Je pensais y vivre mieux, mais j’ai été déçue. Je n’ai vu que compétition, tromperie et cruauté ; et cela m’a donné à réfléchir sur la signification de la vie. Je remarquais l’harmonie manifeste de la nature, alors que l’homme mène une vie tout à fait contraire à celle-ci. Je désirais donc connaître la réponse à ces questions et trouver la vérité, si toutefois elle existait.” Elle se mit à étudier des livres traitant de philosophie qui ne lui apportèrent pas la satisfaction attendue.

C’est alors qu’elle reçut la visite des témoins de Jéhovah. Au début, ce n’est pas tant la vérité que la considération et l’amour véritable des témoins pour leurs semblables qui firent impression sur elle. Lorsqu’elle assista au discours de frère Knorr, elle dit : “J’ai été frappée de voir que tous les témoins sont chaleureux, bons et pleins d’amour les uns envers les autres. Ils sont aussi joyeux et ont la foi. J’en ai donc conclu qu’ils doivent posséder un trésor que les autres n’ont pas.” Cela l’incita à étudier plus sérieusement, et elle ne tarda pas à être convaincue d’avoir trouvé la vérité qu’elle cherchait depuis si longtemps. Elle éprouve maintenant une ‘profonde reconnaissance envers Jéhovah qui a envoyé quelqu’un prêcher chez elle’. Elle est devenue un proclamateur baptisé et zélé. Elle fait le service de pionnier temporaire chaque fois qu’elle en a la possibilité, bien qu’elle ait une grande famille et un mari opposé à la vérité. Son plus jeune frère s’est récemment échappé de Chine, et elle espérait beaucoup l’aider à accepter la vérité ; mais comme la plupart des réfugiés, ce jeune homme est un athée convaincu et ne s’intéresse pas au message. Toutefois sœur Fok ne perd pas espoir.

L’organisation de Jéhovah a pourvu à une abondante nourriture spirituelle pour son peuple ici. Outre La Tour de Garde qui paraît en chinois deux fois par mois, depuis 1962, nous recevons mensuellement le périodique Réveillez-vous !, qui a été bien accueilli et a joué un rôle important dans la préparation du terrain en vue d’un plus grand témoignage. Cinq des derniers livres de la Société et six brochures sont également disponibles en chinois. Ce choix de manuels d’étude biblique a fait dire à un éminent missionnaire luthérien que de toutes les religions, les témoins de Jéhovah ont le plus remarquable éventail de publications en chinois.

Aucun manuel n’a jamais fait autant impression sur les frères dans le champ que le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle. Lorsque le premier envoi nous parvint en 1969, ils doutaient que les gens puissent apprendre la vérité et prendre position en six mois. Mais les sujets développés d’une manière concise, nette et précise dans ce manuel ont non seulement beaucoup aidé les proclamateurs mais ils ont aussi produit un groupe de nouveaux témoins de Jéhovah fermes et fidèles.

Soit dit en passant, le bureau de la filiale de la Société a été installé, dans des locaux plus appropriés, au premier étage du 312 Prince Edward Road, à Kowloon. Au début, la Société ne possédait qu’un seul appartement, mais dès que cela fut possible, elle fit l’acquisition d’un second, attenant ; elle dispose ainsi d’un plus grand espace pour stocker les publications et loger d’autres missionnaires.

L’assemblée “Paix sur la terre” qui eut lieu en 1969 restera longtemps gravée dans le cœur des frères de Hong-Kong. La visite des délégués venus de treize pays, les sujets présentés au programme, les représentations dramatiques et la présence de trois membres du Collège central, frères Knorr, Franz et Suiter, stimulèrent une nouvelle fois les frères. Les missionnaires aussi sont reconnaissants envers Jéhovah et son organisation qui les ont aidés à retourner dans leur pays d’origine afin d’assister à une assemblée et de visiter leur famille. Ils sont revenus avec un zèle accru et sont déterminés à poursuivre la tâche qui leur a été confiée ici.

En 1970, la Société a envoyé comme missionnaires à Hong-Kong neuf jeunes sœurs zélées qui étaient pionniers spéciaux aux Philippines. Elles se sont mises à l’étude de la langue comme s’il s’était agi d’apprendre un dialecte philippin, et grâce à cette attitude positive, elles ont obtenu des résultats exceptionnels. Elles ont appris en outre à cultiver la persévérance et la patience pour amener les nouveaux à l’offrande de soi et au baptême. Elles ont apprécié l’exemple donné dans ce domaine par des missionnaires comme Beth Gannaway et Elizabeth Jarvis qui, depuis respectivement vingt et seize ans, servent avec patience dans le territoire qui leur a été attribué.

Il est également encourageant de voir que parmi ceux qui ont dû quitter le service missionnaire pour des raisons de santé, familiales ou autres, la majorité est restée à Hong-Kong et continue à servir fidèlement comme proclamateurs du Royaume. Hong-Kong reste pour eux le territoire qui leur a été confié, et c’est pour cela que les frères locaux les aiment.

Il ne faut pas oublier qu’ici personne ne vient à la vérité sans avoir un véritable combat à mener. Témoin ce qui s’est récemment passé à Kwun Tong. Fu-lone Liang étudiait avec un jeune garçon catholique. Après de nombreuses “batailles” à propos de questions doctrinales, il comprit où se trouvait la vérité et décida de prendre position. Ses parents se sont alors rendu compte que le temps passé aux réunions et dans le service du champ serait perdu pour ce qui est de gagner de l’argent ; ils se mirent donc à le persécuter de toutes sortes de façons. Il appréhendait de rentrer chez lui après une réunion. Son père et sa mère criaient sur lui, le maudissaient et le harcelaient sans relâche, parfois jusqu’au petit matin. Ils avaient interdit à ses frères et sœurs plus jeunes de lui parler. Il est arrivé que son père fasse usage de la force pour l’empêcher d’assister aux réunions, allant même jusqu’à le poursuivre avec un couperet. À plusieurs reprises, sa mère est allée faire du scandale à la Salle du Royaume. Un dimanche matin, il fut réveillé par un bruit de verre cassé. C’était sa mère qui brisait des bouteilles. Pour quelle raison ? “Je m’en vais à la Salle du Royaume, dit-​elle, pour crever les yeux à tous ces missionnaires !” Cette opposition a duré pendant des mois, jusqu’à ce qu’il soit devenu trop dangereux pour lui de rester chez ses parents. Un jour il demanda à ces derniers : “Pourquoi vous intéressez-​vous tant à l’argent ? M’avez-​vous élevé par amour ?” Ils répondirent : “Non, pour l’argent !” Même après qu’il eut quitté le foyer familial pour aller vivre avec un frère, sa mère est venue à la Salle du Royaume et a essayé de frapper frère Liang ; elle a craché au visage de son fils jusqu’à épuisement. Puis elle est allée gémir dans la rue, révélant ses sentiments à quiconque voulait bien l’écouter. Depuis lors, ce jeune homme s’est fait baptiser. Il remet plus des deux tiers de son salaire à ses parents et garde pour lui tout juste de quoi vivre, afin que les siens ne puissent parler en mal de la vérité. Malgré cela, quand ils en ont l’occasion, ils le harcèlent encore. Comme nous sommes heureux de le voir rester ferme dans la vérité et continuer de progresser !

Les rapports indiquent qu’au cours des vingt-trois années passées, 427 personnes se sont fait baptiser à Hong-Kong et 135 en Chine. Beaucoup d’entre elles n’ont pas persévéré et se sont laissées détourner de la vérité. D’autres sont parties à l’étranger et font du bon travail auprès des Chinois qu’ils rencontrent. Ainsi, l’histoire des témoins de Jéhovah à Hong-Kong montre que les missionnaires et les frères locaux ont travaillé durement. Les résultats produits ont bien été décrits par une sœur locale, qui a dit : “Lorsque je pense aux années de travail accompli, je me rends compte du rôle important joué par les missionnaires envoyés ici par la Société. La façon dont ils ont veillé avec amour à notre bien-être spirituel nous a mieux fait comprendre nos relations avec Jéhovah. Même encore maintenant les missionnaires aident beaucoup les proclamateurs à s’affermir. Leur gentillesse, leurs visages souriants et leur facilité d’adaptation au mode de vie de Hong-Kong sont une source d’encouragement. Aucun fossé ne sépare les missionnaires des proclamateurs.”

L’année de service 1973 a bien débuté grâce à la nomination d’aînés pour veiller aux besoins spirituels des congrégations. Les huit congrégations ont été ramenées à six afin que l’aide de ces frères mûrs ne soit pas dispersée. La réaction des frères a dépassé toutes les espérances. C’était exactement ce qu’il fallait. Les frères sont plus zélés que jamais dans le ministère. En décembre 1972, les proclamateurs ont atteint la moyenne de 17,3 heures. L’approvisionnement en périodiques est tout à coup devenu insuffisant, si bien que lors de la journée des périodiques les proclamateurs ont dû offrir deux brochures. La réserve courante de brochures prévue pour deux ans a fondu en l’espace de trois mois seulement. Un plus grand nombre de frères ont entrepris chaque mois le service de pionnier temporaire, et en janvier 1973, nous avons enregistré un nouveau maximum de 270 proclamateurs.

En avril 1973, l’activité a suivi la même courbe ascendante. Cinquante-neuf proclamateurs ont été pionniers temporaires. Il y a eu six pionniers ordinaires et vingt-huit pionniers spéciaux et missionnaires, ce qui représente au total quatre-vingt-treize proclamateurs à plein temps. Ainsi, un proclamateur sur trois a été pionnier en avril ! Nous avons aussi atteint un nouveau maximum dans le nombre des assistants à la Commémoration qui s’est élevé à 705 personnes.

Lors d’une assemblée de circonscription tenue en avril, il a été annoncé que l’assemblée internationale de “La volonté divine” aurait lieu du 8 au 12 août 1973, au collège Grantham, à Kowloon. Le zèle des frères pour le ministère s’est alors accru et leur enthousiasme grandissait à mesure qu’approchait l’assemblée. Les Salles du Royaume étaient pleines, car l’assistance à l’étude de La Tour de Garde s’élevait à 130 pour cent du nombre des proclamateurs et celle à la réunion de service et à l’École du ministère, à 120 pour cent. Les frères n’étaient pas pressés de partir après les réunions, et la plupart restaient dans la salle pour profiter de la présence de leurs compagnons chrétiens. Un esprit chaleureux imprégnait toute l’organisation.

L’assemblée internationale de “La volonté divine” a passé trop vite. Pendant cinq jours, les frères ont participé à un riche festin spirituel. Ils ont apprécié l’enthousiasme chaleureux des 300 frères venus d’autres pays. Mais ce qui les réjouit encore davantage, ce fut la présence de cinq membres du Collège central. Leur personnalité, leurs excellents discours et leur remarquable exemple d’humilité ont incité nos frères de Hong-Kong à s’approcher encore davantage de Jéhovah et de son organisation.

Les résultats obtenus au cours de l’année de service écoulée et l’esprit qui anime actuellement les frères de Hong-Kong se dégagent des remarques finales prononcées lors de l’assemblée par le surveillant de filiale, frère Gannaway. Il a dit : “En ce qui concerne le témoignage rendu aux habitants de Hong-Kong, cette année a été la plus merveilleuse que nous ayons jamais connue.” Il apprit ensuite aux auditeurs qu’en juillet, un nouveau maximum de 271 proclamateurs avait été atteint et qu’il y avait eu 35 baptêmes durant l’année de service. Mais bien plus encourageant encore fut le fait que la moitié des proclamateurs ont entrepris le service de pionnier temporaire au cours de l’année. Les frères ont été heureux d’entendre qu’à la fin de juillet on avait déjà enregistré de nouveaux maximums dans toutes les formes de l’activité ministérielle ; et le rapport d’août n’avait pas encore été établi !

Les témoins de Jéhovah sont très animés et très actifs dans ce champ difficile. Ils se dépensent dans l’œuvre consistant à rendre témoignage et à faire des disciples. Ils se rendent compte que Jéhovah active les choses et ils ont l’assurance qu’il ouvrira le cœur d’un plus grand nombre de “brebis”, afin qu’elles apprennent la vérité. Les perspectives d’accroissement sont bonnes grâce aux nombreux nouveaux qui fréquentent maintenant le peuple de Dieu. Quant à nos frères bien-aimés derrière le “rideau de bambou”, nous pouvons nous souvenir d’eux dans nos prières à Jéhovah. De temps à autre des nouvelles nous parviennent indiquant qu’ils gardent leur intégrité. Il appartient à notre Dieu bienveillant Jéhovah de décider si un autre témoignage sera rendu en Chine avant que n’éclate la “grande tribulation”.