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Afrique du Sud et territoires avoisinants (1re partie)

Afrique du Sud et territoires avoisinants (1re partie)

L’Afrique du Sud et les territoires avoisinants (1re partie)

Accompagnez-​nous dans un pays aux contrastes étonnants : villes trépidantes et endroits perdus dans la brousse, habitations modernes et humbles huttes africaines. Promenez-​vous parmi des gens de toutes races. Prêtez l’oreille et vous entendrez des millions d’hommes parler l’anglais et l’afrikaans (langue dérivée du hollandais). Dans ce pays de vingt-six millions d’habitants se parlent encore des langues telles que le xhosa et le zoulou.

C’est l’Afrique du Sud. Le pays a une superficie de 1 222 432 kilomètres carrés et il est peuplé par des gens fort intéressants et souvent sympathiques. Parmi eux il y en a beaucoup qui ont faim de nourriture spirituelle et leur faim est satisfaite grâce à la vérité biblique proclamée par les témoins de Jéhovah.

Faisons d’abord un peu d’histoire. Au dix-huitième et au dix-neuvième siècle, l’Afrique du Sud fut le théâtre de nombreux combats. Quand la “vague” de population noire venue de l’Afrique centrale gagna le sud et que la “vague” blanche partie du Cap se répandit dans le nord, les heurts furent violents et se traduisirent souvent par des conflits sanglants. La guerre la plus grande fut celle qui, de 1899 à 1902, eut lieu entre les Anglais et les Boers (fermiers hollandais) et qu’on a appelée la guerre des Boers. La conséquence fut que les quatre colonies (Natal, État libre d’Orange, Transvaal et Cap) passèrent sous la domination anglaise. En 1910, elles devinrent une seule nation. En 1961, soit un demi-siècle plus tard, le pays est devenu la République sud-africaine, grâce au vote majoritaire des Blancs. Les Noirs n’ont pas le droit de voter, sauf dans quelques-uns de leurs “pays”, vastes territoires réservés à chaque tribu africaine.

VOYAGE RAPIDE

Faisons un rapide voyage à travers l’Afrique du Sud. Nous partirons du Cap, à la pointe méridionale du continent. Le Cap est la capitale législative, la plus ancienne ville du pays. À plus de huit cents kilomètres au nord se dresse Bloemfontein qui passe pour être la capitale judiciaire du pays. Pretoria, encore plus au nord, est la capitale du Transvaal et en même temps la capitale administrative de la République.

Au point de vue géographique, l’Afrique du Sud se caractérise surtout par le plateau intérieur. À partir d’une plaine côtière orientale, le pays s’élève brusquement et forme des chaînes montagneuses dont l’altitude varie entre 1 500 et 3 350 mètres. Le plateau dévale progressivement vers l’ouest. Autrefois, il était essentiellement constitué par des prairies où paissaient de grands troupeaux de zèbres, d’impalas, de springboks et d’autres bêtes gracieuses. Aujourd’hui, ces terres sont devenues des terres cultivées et la plupart des animaux sauvages peuplent les réserves, la plus célèbre étant le parc national Kruger. Mais vers le nord, dans la région de l’intérieur, le terrain est plus sec et devient le désert de Kalahari. Au nord-est s’étend le bushveld, c’est-à-dire la brousse.

Kimberley, dans l’État libre d’Orange, est un centre mondialement connu de production minière de diamants. Dans le Transvaal s’élève Johannesburg, la plus grande ville du pays, la “reine” du “reef”, chaîne de villes minières et industrielles. Le reef a fait son apparition après qu’on eut découvert de l’or dans la région, en 1886. À plus de 480 kilomètres au sud-est de Johannesburg se trouve Durban, sur les rivages de l’océan Indien. On y rencontre de nombreuses Indiennes revêtues de saris aux couleurs vives.

Douze millions et demi d’Africains, de neuf tribus au moins, habitent l’Afrique du Sud. Les tribus les plus nombreuses (les Xhosas et les Zoulous) comptent chacune plus de trois millions de membres. Viennent ensuite les Bassoutos, les Tswanas, les Tsongas, les Swazis, les Ndebeles, les Vendas et d’autres. Un peu plus de la moitié de la population africaine vit dans les “pays” africains, c’est-à-dire dans de vastes territoires attribués à chaque tribu africaine. En règle générale, la vie dans ces “pays” et dans les réserves est fort primitive. La plupart des habitants, en effet, vivent dans des huttes de terre. Le reste de la population africaine habite dans des agglomérations africaines, telles que Soweto avec ses maisons de briques qu’a fait bâtir la municipalité. Ces localités se trouvent à quelques kilomètres à l’extérieur des villes européennes. Selon la politique gouvernementale, chaque groupement racial doit se développer à part et indépendamment. L’Afrique du Sud a fait l’objet de vives critiques en raison de sa politique d’apartheid ou de ségrégation.

Outre les sectes de la chrétienté, les Africains ont leurs religions à eux. Les principales confessions chrétiennes sont représentées dans leurs rangs, mais cela n’a pas empêché de nombreux prédicateurs africains de fonder leurs propres petites sectes. Rien d’étonnant donc que l’Afrique du Sud soit le pays au monde qui compte le plus grand nombre de sectes, pas moins de deux mille ! Bien que se réclamant de telle ou telle Église chrétienne, la plupart des Africains pratiquent le culte des ancêtres et craignent les morts. Et cela ne se vérifie pas seulement dans les “pays”. Bien des Africains conduisant une voiture dernier modèle immolent de temps à autre un bouc pour apaiser les esprits de leurs ancêtres.

AU DÉBUT DU SIÈCLE

Au début du siècle, la population de l’Afrique du Sud était moins nombreuse. Le rythme de vie était plus lent et l’existence plus simple. Le pays se remettait des suites de la guerre des Boers quand il apparut que le temps était venu d’annoncer la bonne nouvelle dans ce territoire fascinant.

En 1902, un pasteur de l’Église réformée néerlandaise quitta les Pays-Bas pour se rendre à Klerksdorp, ville du Transvaal. Il emportait avec lui une petite boîte qui contenait des publications religieuses, y compris les Études des Écritures, un exemplaire en anglais de La Tour de Garde de Sion et la brochure L’Enfer : ce que dit l’Écriture sainte au sujet de “l’Enfer”. Frans Ebersohn et Stoffel Fourie rencontrèrent ce pasteur à Klerksdorp. Il leur permit de fouiller sa bibliothèque. Ils découvrirent ces publications, les trouvèrent intéressantes et purent les emporter. Ces deux hommes furent impressionnés à ce point par les vérités que contenaient leurs pages qu’ils décidèrent de fonder une nouvelle congrégation. Ils l’appelèrent “Volheid van Christus” (Plénitude du Christ). C’est ainsi que le message du Royaume prit pied en Afrique du Sud.

Ces deux hommes commencèrent à tenir des réunions et à passer de maison en maison pour annoncer la bonne nouvelle. En 1903, Frans Ebersohn écrivit à Russell, premier président de la Watch Tower Bible & Tract Society, et lui demanda d’envoyer en Afrique du Sud un “pèlerin”, c’est-à-dire un représentant spécial de la Société. Frère Russell lui répondit que pour le moment c’était impossible, mais qu’il ferait le nécessaire dès que possible.

En 1906, deux sœurs qui avaient émigré de Glasgow (Écosse) pour Durban y diffusèrent la bonne nouvelle avec enthousiasme. Bientôt d’autres personnes s’intéressèrent à la vérité dans cette ville et à la fin de l’année on dénombra en Afrique du Sud quarante abonnés à La Tour de Garde de Sion.

En 1907, un certain “Révérend” nommé Joseph Booth entra en scène en Afrique du Sud. Né en Angleterre, il se rendit en Nouvelle-Zélande pour y faire l’élevage du mouton. Plus tard, il alla travailler en Australie. Il s’affilia aux baptistes et, par la suite, il voulut faire œuvre de missionnaire en Afrique. En 1892, il débarqua au Nyassaland (actuellement le Malawi) en tant que missionnaire indépendant. Booth voulait l’égalité pour les Africains. Son idée était “l’Afrique pour les Africains”. Il fonda diverses “Missions industrielles”.

En 1900, Booth avait rompu avec la plupart de ses missions et s’était rendu plusieurs fois en Amérique où il se convertit à la religion des baptistes du septième jour. Il revint bientôt au Nyassaland pour y fonder une mission pour cette confession, qui observait le sabbat. Il ne tarda pas à être en désaccord avec les baptistes du septième jour. Il se joignit alors aux adventistes du septième jour et fonda pour eux une mission. Il entra aussi en conflit avec les autorités gouvernementales qui voyaient d’un très mauvais œil ses projets de changement social. En 1906, Booth commença à s’intéresser aux Églises du Christ et, bien qu’il fût repoussé par les Églises anglaises du Christ, il fut accepté dans une certaine mesure par leur filiale du Cap. Booth les aida à fonder une mission au Nyassaland. Selon une publication, L’Afrique indépendante, Booth allait d’une confession à l’autre comme un “auto-stoppeur” religieux.

À la fin de 1906, Booth, qui se trouvait alors en Écosse, lut quelques livres de frère Russell. Il ne tarda pas à se rendre aux États-Unis où il demanda à voir Russell. L’entretien fut intéressant et décisif. Russell ignorait le passé de Booth. Il ne savait pas que son but était de rendre l’Afrique aux Africains. Il ignorait que Booth était déjà considéré comme un indésirable par les autorités et les Blancs du Nyassaland et qu’il s’était déjà servi de plusieurs organisations religieuses pour réaliser ses projets. D’autre part, Russell cherchait quelqu’un qui fût disposé à ouvrir un nouveau champ d’activité. C’est pourquoi la Société, assumant tous les frais, se servit de Booth comme de son missionnaire auprès des peuplades qu’il connaissait bien.

Frère Russell ne se doutait guère que cela allait se traduire par une foule de difficultés et porter atteinte à la réputation de la Société. Quoi qu’il en soit, au début de 1907, Booth était revenu en Afrique et s’était mis à l’œuvre au Cap et en d’autres endroits du pays. N’étant point “persona grata” au Nyassaland, Booth s’abstint de se rendre dans ce pays pendant longtemps, tout en gardant le contact par des lettres et des messagers personnels. Son influence fut profonde.

Dans le numéro du 1er juin 1908 de l’édition anglaise de La Tour de Garde de Sion parut une lettre de L. de Beer, adressée à frère Russell. Elle jetait quelque lumière sur ce qui se passait. En voici un extrait : “Je m’intéresse beaucoup à vos six livres et j’ai deux frères qui marquent le même intérêt. L’un d’eux est un pasteur de l’Église réformée ; ce n’est pas seulement un lecteur, mais un penseur. Il est professeur honoraire ; il réside à Pretoria, au Transvaal, et publie un journal de l’Église réformée ; il prêche sur demande. (...)

“Il y a encore un ami de frère Booth et de moi-​même : le Révérend Orr, ministre de l’Église congrégationaliste indépendante à Wynberg (une de nos banlieues). Cet homme prêche déjà quelques-unes des nouvelles vérités contenues dans vos livres.

“Comme vous avez dû l’apprendre, il y a eu plusieurs personnes, dont j’étais, et s’intéressant toutes au message du Millénium, qui se sont réunies à l’Église de frère Orr pour y célébrer la Pâque. Nous étions cinq Européens et vingt-neuf indigènes et le service eut lieu en trois langues. Ce fut un moment important et une nouvelle étape dans notre vie.”

D’autres nouvelles de l’œuvre en Afrique du Sud parurent dans La Tour de Garde du 15 janvier 1909. Voici ce qu’on pouvait y lire : “Il y a trois frères noirs qui prêchent la vérité aux indigènes. L’un d’eux est allé porter le message au nord, à plus de trois mille deux cents kilomètres de son foyer. Ce frère, qui est jeune, parle plusieurs langues locales et sait bien écrire l’anglais. Son dernier rapport est fort encourageant. Les indigènes, semble-​t-​il, accueillent favorablement la Bonne nouvelle d’une grande joie, le message du Rétablissement.”

Le jeune Africain qui s’était éloigné à plus de trois mille deux cents kilomètres de sa région natale s’appelait Elliott Kamwana. Kamwana venait de la tribu des Tongas et il avait reçu son instruction dans la Mission Livingstonia (Mission presbytérienne écossaise), à Bandawe, sur les rives occidentales du lac Nyassa. Mais il avait rencontré Booth à Blantyre (Nyassaland), en 1900, et deux années plus tard il avait été baptisé à l’une des Missions du Septième Jour que Booth avait fondées. Plus tard, il était descendu en Afrique du Sud, avait travaillé quelque temps dans les mines et avait rencontré de nouveau Booth, au Cap. Kamwana resta plusieurs mois avec Booth, qui lui donna quelques directives, puis il retourna au Nyassaland, son pays. Dans La Tour de Garde du 1er juillet 1909, Booth décrit la distribution des tracts à Johannesburg et à Pretoria, parmi les Africains, et dit ensuite :

“Ils étaient très contents de ce qu’on leur apportait le même message que celui, ainsi qu’ils l’avaient appris, qui était annoncé dans leur pays, le Nyassaland, par frère Elliott Kamwana.

“Quelqu’un qui n’a passé que trois mois dans ce pays raconte qu’il a vu Elliott baptiser trois cents personnes en un seul jour ; un autre raconte qu’en un certain endroit il y a sept cents adhérents. Et l’on m’apprend encore qu’il y a environ trois mille personnes en trente endroits différents qui ont accepté le Divin plan, le préférant au presbytérianisme et à l’Église anglicane. Frère Elliott lui-​même signale qu’il y a environ neuf mille personnes qui marquent quelque intérêt, mais pas toutes dans la même mesure qu’on vient de voir.”

À la fin de ce rapport, frère Russell a inclus des nouvelles de dernière heure sur l’arrestation d’Elliott Kamwana, à l’instigation des missionnaires écossais calvinistes de Bandawe (Lac Nyassa). Frère Russell termine le rapport par ces quelques mots : “Frère Kamwana a baptisé 9 126 personnes au cours de l’année passée.”

Aucun commentaire n’accompagnait ce chiffre fantastique. À l’époque le nombre des baptisés aux États-Unis était bien inférieur à ce chiffre. Mais comment Kamwana faisait-​il ? Quelles étaient ses méthodes ?

ORIGINE DES “MOUVEMENTS DE LA TOUR DE GARDE”

En fait, ni Booth ni Kamwana n’avaient réellement quitté Babylone la Grande, c’est-à-dire la fausse religion. Ils ne sont jamais devenus des Étudiants de la Bible, des témoins chrétiens de Jéhovah. Leurs relations avec la Société Tour de Garde furent sommaires et superficielles. Marjorie Holliday, dont les souvenirs concernant la vérité remontent jusqu’au début de 1900, raconte que Joseph Booth tentait souvent de saboter les réunions que les frères chrétiens tenaient dans une pièce à l’étage, à Durban. Voici ce que dit notre sœur Holliday : “Par exemple, quand nous chantions ‘Libérés de la Loi’, il se tenait dehors et chantait, lui, ‘Non libérés de la loi’.”

Il n’est donc pas surprenant qu’Elliott Kamwana, l’élève de Booth, ait eu une notion faussée des vérités contenues dans les publications de la Société. Il est impossible de savoir aujourd’hui ce qu’il a prêché exactement à son retour au Nyassaland. Il semble qu’une des caractéristiques de sa campagne fut les baptêmes en plein air. Mais ces baptêmes n’avaient aucun lien avec le véritable baptême chrétien des serviteurs de Jéhovah. Quel que fût le contenu de sa prédication ou quelles que fussent ses méthodes, la campagne de Kamwana ne dura qu’un temps, de septembre 1908 à juin 1909, époque où le gouvernement intervint et le fit mettre en prison. Par la suite, il fut déporté dans l’archipel des Seychelles. Ce n’est qu’en 1937 qu’il put revenir au Nyassaland et devint un des leaders des faux “mouvements de la Tour de Garde”.

Malheureusement, par suite de l’activité de Kamwana, il se développa en Afrique centrale une situation qui pendant longtemps fut cause de bien des confusions. Des mouvements se créèrent, qui se servirent dans une petite mesure des livres de Russell et mêlèrent un peu de vérité à leurs idées à eux. C’est ainsi que de nombreuses personnes furent égarées. Ces mouvements n’employèrent pas tous les noms de “La Tour de Garde” ou “Société Tour de Garde” ; en fait, le mouvement dont Kamwana devint un des leaders s’appelait “La Mission de la sentinelle”.

Bien des années plus tard, en 1947, comme ces sectes dites de La Tour de Garde causaient encore pas mal de confusion, les frères responsables de la prédication au Nyassaland écrivirent à Kamwana. Voici sa réponse, qui porte sa signature : “La Mission de la sentinelle (Mission Mlonda) n’a pas de temps à perdre avec les bruits qui courent, car les Noirs et les Européens du Nyassaland savent que la Mission de la sentinelle est séparée et distincte de la Watch Tower Bible and Tract Society des Européens.”

Ainsi, il est clair que Kamwana n’a jamais été un véritable serviteur de Jéhovah. Il est encore manifeste que c’est lui qui fut à l’origine de la formation des divers faux “mouvements de la Tour de Garde”. Il semble que tout a commencé par sa campagne “enflammée” de 1909. Nguluh, frère africain de Johannesburg, qui se trouvait au Nyassaland à l’époque, a comparé la campagne de Kamwana à “un feu de brousse”. En ce temps-​là, de nombreux indigènes en quête de travail et d’un meilleur salaire quittaient le Nyassaland. C’est de cette façon donc que les faux “mouvements de la Tour de Garde” se sont répandus en Rhodésie, au Congo et en Afrique du Sud.

LA VILLE DE DURBAN ENTEND LE MESSAGE

Revenons à la ville de Durban, en 1906. Marjorie Holliday et sa mère étaient les voisines de Madame Morton. Sœur Arnott de Glasgow (Écosse) envoyait régulièrement des tracts et des imprimés à cette dame, qui était sa sœur charnelle. Madame Morton, elle, les passait à Madame Agnès Barrett, la mère de Marjorie Holliday, et toutes deux finirent par accepter la vérité. À l’époque il y avait aussi une sœur Taylor dans la ville. Elle venait d’Écosse. Quelque temps plus tard, sœur Arnott et sa famille quittèrent Glasgow pour venir s’installer à Durban. Selon sœur Holliday, ce sont les sœurs Arnott, Taylor, Morton et Barrett qui commencèrent effectivement l’œuvre à Durban. Une de leurs méthodes de diffusion consistait à distribuer des tracts et des imprimés aux gens sur les plages.

Quant à Marjorie Holliday, elle prit position à l’âge de dix ans en envoyant une lettre pour dire qu’elle quittait l’Église presbytérienne, rompant ainsi avec Babylone la Grande. Elle raconte encore qu’en 1910 le petit groupe de Durban s’augmenta d’un nouvel élément, frère Whiteus, Noir américain. D’après sœur Holliday, il avait beaucoup de succès à Durban. Puis elle relate un curieux incident. Frère Whiteus fut rappelé en Amérique, probablement par frère Russell. Or peu avant son départ il fut enlevé par Booth et enfermé dans une chambre ! (On ne s’explique pas les raisons de Booth.) Quoiqu’il en soit, les sœurs découvrirent son lieu de détention. Sœur Barrett réussit à le libérer, puis elle l’escorta jusqu’au quai d’embarquement.

Quand vint l’année 1910, un peu de bonne semence avait été répandue en Afrique du Sud. La situation n’était pas bonne au Nyassaland, et Booth créait des difficultés à Durban. Il était absolument nécessaire qu’un frère mûr et sûr fût chargé de la surveillance de l’œuvre dans ce champ immense.

POINT TOURNANT

L’année 1910 vit s’ouvrir un nouveau chapitre de l’œuvre en Afrique du Sud. À cette époque, tout était fini entre Booth et la Société. Vers le milieu de cette année-​là, frère Russell envoya William W. Johnston, qui devait avoir une trentaine d’années. C’était un Écossais de Glasgow, sérieux, pondéré et sûr, aux antipodes de Booth. Frère Johnston avait été l’un des aînés de Glasgow pendant plusieurs années. Il avait une bonne connaissance de la Parole de Dieu et c’était un excellent orateur. C’était un des “dons en hommes” que réclamait le champ africain, fort secoué par les “hauts faits” de Booth (Éph. 4:8). Frère Johnston avait pour mission principale de se rendre au Nyassaland, pour se faire une idée de la situation et venir en aide aux frères.

Le premier Blanc qui découvrit, en 1859, le lac Nyassa fut le célèbre explorateur et missionnaire David Livingstone. Après cela, le pays fut parcouru, en vue de sa pénétration par des Blancs, par des missionnaires de l’Église presbytérienne écossaise et de l’Église catholique. Il devint un protectorat britannique en 1891 et fit partie de l’Afrique centrale anglaise. Quand frère Johnston s’y rendit, le Nyassaland comptait environ un million d’habitants, dont très peu de Blancs.

Frère Johnston passa environ quatre mois au Nyassaland et signala qu’il y avait près de cent églises dans autant de villages et des milliers d’indigènes soumis à la “vérité présente”. (II Pierre 1:12, Segond.) Il constata que certains avaient “une assez bonne intelligence de la vérité”. Mais il fut déçu par l’esprit qui régnait chez eux.

“Certains d’entre eux, disait frère Johnston, semblaient croire que j’étais venu avec les poches pleines d’argent pour faire des dons aux pasteurs et aux enseignants et leur donner, à eux, des emplois rémunérateurs sous l’égide de la Société. J’ai dû les détromper. (...) J’ai le regret de dire que presque chaque fois que j’ai eu affaire à des frères, ils me demandaient une aide pécuniaire.” Johnston constata encore que l’influence de Booth “se voyait nettement dans l’œuvre au Nyassaland”. Il en était qui observaient le sabbat du septième jour. Frère Johnston déclara encore : “J’ai fait mon possible pour présenter la vérité sur cette question et j’ai réussi, par la grâce de Dieu, à en libérer au moins quelques-uns de cette servitude.”

Frère Johnston s’efforça d’organiser un peu les choses et désigna plusieurs indigènes comme enseignants, après leur avoir bien expliqué la question du sabbat. Il constata avec joie que beaucoup étaient “remplis d’un ardent désir de mieux connaître la Parole de Dieu”. Pendant quelque temps, après son retour en Afrique du Sud, il reçut des rapports du Nyassaland, mais au bout de quelques années il n’y avait plus beaucoup de contact. Pendant quinze ans le mouvement créé par Booth et Kamwana se trouva livré à lui-​même, ou presque. Il n’est donc pas surprenant qu’une telle situation ait engendré les faux “mouvements de la Tour de Garde”.

UNE PETITE FILIALE AVEC UN IMMENSE TERRITOIRE

Peu après son retour à Durban, en 1910, frère Johnston se vit chargé par frère Russell d’ouvrir dans cette ville une filiale de la Société La Tour de Garde. Cette filiale à un seul membre était tout simplement une petite chambre (School Lane, Durban). Elle faisait office de bureau et, à l’occasion, de lieu de réunion. Mais le territoire qui lui avait été attribué était immense. En gros, son champ d’activité était toute l’Afrique au sud de l’équateur. En fait, certains des territoires dont la filiale eut la charge, tels que le Congo, l’Ouganda et le Kenya, s’étendaient au nord de l’équateur. Le champ comprenait encore l’île Maurice dans l’océan Indien, Madagascar au large des côtes du Mozambique, Ste-Hélène dans l’Atlantique et l’île de Sao Tomé dans le golfe de Guinée. Mais, ainsi que l’a écrit Zacharie, “qui a méprisé le jour des petites choses ?” — Zach. 4:10.

LES EFFORTS PORTENT DU FRUIT

Il ne faut pas mépriser le travail des cœurs humbles comme frère Whiteus. Un jour, à une porte, une dame accepta la série complète des Études des Écritures que lui offrait frère Whiteus. Elle n’a pas lu ces livres, mais sa fille, Madame Thompson, qui devait se rendre par mer à Glasgow, les prit avec elle et les lut sur le bateau. Pendant son séjour à Glasgow, quelqu’un frappa à sa porte et lui remit une feuille d’invitation à un discours que devait faire frère Russell. Madame Thompson se rendit à la salle, mais elle n’y put entrer, tant il y avait de monde. Or, à ce moment précis, les frères décidèrent d’ouvrir la fosse d’orchestre, si bien qu’elle put trouver une place. Le discours lui plut énormément. Une des sœurs qui se trouvaient là nota son adresse en Afrique du Sud et, par la suite, frère Johnston fit une visite à cette dame. Elle accepta la vérité et ne tarda pas à prendre le baptême. Elle demeura fidèle et active dans le service pendant de nombreuses années, jusqu’en 1965, année où elle mourut à l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans. Sa fille et ses deux petites-filles devinrent, elles aussi, des témoins pleins de zèle. Ainsi, la visite faite par frère Whiteus porta beaucoup de fruits.

Pendant ce temps, frère Johnston faisait des discours tous les dimanches soir (à la Salle maçonnique, Smith Street). Les auditeurs n’étaient pas encore très nombreux, mais parmi eux se trouvait un norvégien du nom de Myrdal. Sa femme était une adventiste du septième jour. Tous les deux discutaient nuit après nuit sur les doctrines. Monsieur Myrdal finit par l’emporter et bientôt sa femme, son fils Henri et lui-​même assistèrent régulièrement aux discours de frère Johnston. Ils commencèrent aussi à venir aux réunions du dimanche matin appelées “Études libres de la Bible”.

D’autre part, à partir de 1911, on note un intérêt réel chez les Africains en Afrique du Sud. Jérémie Khuluse de Ndwedwe, petite agglomération indigène à cinquante kilomètres de Durban, se souvient qu’un homme appelé Johannes Tshange vint dans cette localité depuis le Cap. Tshange avait connu la vérité au Cap et il désirait la répandre dans sa ville natale de Ndwedwe. Le père de Jérémie Khuluse marqua beaucoup d’intérêt, notamment pour le nouvel enseignement concernant l’enfer. Des études bibliques commencèrent et eurent lieu tous les soirs. Beaucoup vinrent se joindre au petit groupe. Ils utilisaient les Études des Écritures et, quelques mois plus tard, comme ils prêchaient la vérité à leurs semblables, les ecclésiastiques de l’endroit s’émurent. Les membres de l’Église méthodiste wesleyenne se rassemblèrent pour parler du problème. Après maintes discussions, il fut décidé d’excommunier tous ces nouveaux intéressés à la vérité. Ce fut là probablement la première congrégation africaine de vrais adorateurs qui ait été formée en Afrique du Sud.

Frère Johnston fut très occupé en 1911. Il fit un voyage spécial à Johannesburg dans le Transvaal et à Parys dans l’État libre d’Orange. À Johannesburg il fit beaucoup de visites, grâce à quoi on put organiser des “classes bibliques”. Un excellent discours eut lieu à la mairie de Parys. Le maire présenta l’orateur et l’adjoint au maire traduisit ses paroles en hollandais. On dénombra 250 auditeurs. Il est clair que frère Johnston participa à l’œuvre de la multiplication des classes, œuvre que le peuple de Dieu faisait dans le monde entier. Bientôt des réunions eurent lieu à Pretoria, Balfour, Port Elizabeth et Ndwedwe.

Bien que peu nombreux, les serviteurs de Jéhovah firent beaucoup d’efforts pour répandre le message vital de la Bible. Dans un rapport sur l’œuvre en Afrique du Sud pour l’année 1912, La Tour de Garde du 1er février 1913 signale la distribution de 28 808 exemplaires d’un tract en anglais intitulé “La Tribune du Peuple”, 30 000 tracts en anglais “Journal pour Tous” et 3 000 tracts en hollandais “La Tribune du Peuple”. Dans une petit note, La Tour de Garde du 15 novembre 1913 signale la parution d’imprimés en langue zouloue. Ainsi la bonne nouvelle atteignait beaucoup de monde en ce pays.

À l’époque, les sermons de frère Russell paraissaient régulièrement dans la presse. La Tour de Garde du 15 décembre 1913 indique que six cents journaux d’Angleterre, d’Afrique du Sud et d’Australie imprimaient hebdomadairement ses articles. Pour le monde entier, le chiffre était d’environ deux mille quotidiens. Frère Johnston avait créé une agence d’édition pour les sermons en Afrique du Sud et, à la fin de 1913, onze quotidiens du pays publiaient les sermons en quatre langues.

1914 ARRIVE !

Les mois se succédaient et 1914 arrivait. Dans le monde entier, les frères ont dû se demander ce que réservait cette année-​là. Les frères d’Afrique du Sud étaient très conscients de la date. Parmi eux il y avait les Myrdal de Durban. Voici ce que raconte Henri Myrdal : “Je me souviens fort bien de la date du 4 août 1914, du jour où ma mère, qui lisait le journal, nous dit à tous, la famille : ‘Ça y est ! La Guerre est venue, exactement comme le pasteur Russell l’a dit dans ses livres.’”

En Angleterre, beaucoup suivaient avec intérêt la marche des événements et reconnurent le “signe”. Parmi ceux-là figurait Georges Phillips, qui avait seize ans à l’époque et faisait le service de colporteur à Barrow (Barrow in Furness). Georges ne se doutait guère alors du rôle important qu’il allait jouer dans le développement de l’œuvre en Afrique du Sud.

Au Nyassaland, nombre d’Africains qui s’intéressaient sincèrement à la vérité étaient, eux aussi, conscients de la date. Les Allemands se trouvaient juste de l’autre côté de la frontière, au Tanganyika (à l’époque l’Afrique-Orientale germanique), et des troupes anglaises se préparaient pour défendre la frontière. Certains se rendaient compte que les prophéties bibliques s’accomplissaient.

Voici ce qu’on peut lire dans l’ouvrage L’Africain indépendant (angl.), à la page 230 : “Les Africains eux-​mêmes montrèrent par leur comportement l’inquiétude que la Guerre avait provoquée chez eux. Pour beaucoup, en effet, la prophétie de La Tour de Garde, selon laquelle le monde prendrait fin en octobre 1914, paraissait être sur le point de se réaliser.” On en a confirmation dans une lettre que frère Achirwa du Nyassaland adressa à frère Russell et qui fut publiée dans La Tour de Garde du 1er septembre 1914. En voici un extrait : “Nous vivons sûrement au temps de la fin, d’après les Écritures. (...) Mais nous lisons dans la Bible que le Libérateur viendra, et que le Royaume de Dieu viendra, et que toutes les nations connaîtront la Voie de notre Dieu ; mais Il détruira les méchants.” Puis le frère parle des réunions qui, en certaines occasions spéciales, étaient fréquentées par des centaines de personnes.

“PREMIER CONGRÈS SUD-AFRICAIN”

C’est sous ce titre que La Tour de Garde du 15 août 1914 a publié une lettre de frère Johnston. Voici ce qu’il écrivait :

“Le premier congrès sud-africain de l’Association internationale des Étudiants de la Bible est maintenant entré dans l’Histoire, laissant à ceux qui ont eu le privilège d’y assister un magnifique souvenir qui ne pourra que nous éperonner et nous guider jusqu’à ce que nous parvenions au plus grand de tous les congrès, par-delà du voile [dans le ciel].”

Puis Johnston décrivit ce qui s’était passé le 10 avril à Durban. On était venu de toutes parts. Il mentionna en particulier “une sœur qui a fait près de quinze cents kilomètres”. Il fit encore cette remarque : “Nous sommes vraiment un tout ‘petit troupeau’. Notre plus grande assistance a été de trente-quatre personnes.” Frère Johnston voulait dire trente-quatre Étudiants de la Bible, car, au discours public, on dénombra cinquante personnes. Étant donné le chiffre de l’assistance, le nombre des baptisés était très élevé : il y en eut seize en tout. Le même week-end, ils observèrent également le Mémorial de la mort du Christ : trente-deux participants. Ces frères ne se doutaient guère que cinquante-sept ans plus tard (1971), il y aurait à Johannesburg une assemblée avec une assistance de près de cinquante mille personnes ! Cela rappelle cette prophétie : “Le petit deviendra un millier.” — És. 60:22.

FAUSSES ACCUSATIONS

Les premières semaines de 1915 furent des semaines très sombres pour le Nyassaland. Il y avait déjà eu un combat très vif à la frontière entre les Anglais et les Allemands, combat qui tourna à l’avantage des premiers. Beaucoup d’Africains furent tués ou blessés dans cette bataille, mais on n’avait pas encore vu le pire. Le 23 janvier il se produisit une grave insurrection parmi les Africains, suscitée par John Chilembwe, chef instruit d’une secte africaine. Cet homme tua quelques Européens et tenta de provoquer un soulèvement général. Mais la révolte fut promptement écrasée par des troupes africaines, des officiers européens et des volontaires.

Par la suite, on accusa la Société d’avoir trempé dans cette révolte. L’ouvrage officiel Histoire de la Grande Guerre parle en effet de Chilembwe comme d’un “fanatique religieux (...) de la secte dite ‘Tour de Garde’”. Une enquête sérieuse a prouvé depuis lors que ceux qui, au Nyassaland, s’intéressaient à la vérité et même ceux du mouvement de Kamwana, faux ‘mouvement de la Tour de Garde’, n’ont participé d’aucune manière à l’émeute. Le livre L’Africain indépendant passe au crible les témoignages sur ce point et, à la page 324, il donne sa conclusion : “Il apparaît que Chilembwe lui-​même n’avait aucun rapport avec le mouvement américain de la Tour de Garde, et les tentatives pour relier ses visées révolutionnaires avec cette organisation aux États-Unis semblent porter à faux.” Naturellement, comme Chilembwe avait été un des convertis de Booth et que Booth avait eu jadis quelques rapports avec la Société, les ennemis de la vérité se sont empressés de se saisir de ces faits et d’accuser faussement la Société qu’ils voulaient faire passer pour un bouc émissaire. En fait, Chilembwe et ses lieutenants étaient membres des missions orthodoxes, hautement respectées. Celles-ci également firent l’objet de nombreuses critiques de la part du gouvernement.

À la page 232, L’Africain indépendant fait une observation intéressante à propos d’une fausse accusation portée contre la Société. On prétendait, en effet, que ses publications, par leur influence, avaient incité quelques Africains à participer aux soulèvements. Voici cette remarque : “Il conviendra encore de noter que nulle part dans les volumes de Russell (c’est nous qui mettons en italiques) il n’est conseillé aux adhérents de ses doctrines d’intervenir activement afin de hâter le renversement de ces institutions, comme préparation de l’Ère millénaire ; au contraire, il leur est conseillé d’attendre patiemment l’intervention divine.”

L’ACCROISSEMENT CONTINUE

Quelques mois plus tard, à Durban, les frères eurent une autre excellente assemblée. Celle-ci fut de nouveau reliée à la célébration du Mémorial, et quarante-sept personnes prirent les emblèmes. Pour la classe zouloue de Ndwedwe il y en eut trente-huit de présents, et aussi quinze de Johannesburg, huit du Cap, six de Douglas et deux de Balfour.

L’année 1914 était passée. Les événements mondiaux accomplissaient les prophéties d’une façon remarquable, mais l’œuvre n’était pas terminée et il restait encore beaucoup à faire. Voici ce que frère Johnston dit dans une lettre adressée à frère Russell : “L’année qui vient de s’écouler a été une année de continuelles épreuves pour les individus comme pour les classes [ou congrégations].” Cependant le rapport d’activité de l’Afrique du Sud indique une diffusion de 4 700 livres et de 75 131 exemplaires d’imprimés remis à titre gracieux, ainsi que 312 réunions. L’œuvre ne s’était nullement immobilisée.

LE PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION

En 1916, le Photo-Drame de la Création arriva en Afrique du Sud. C’était une œuvre qui comportait des projections fixes et animées, en couleur et sonorisées. Le Photo-Drame fut interdit au Cap par les autorités pour ne pas “blesser les susceptibilités religieuses” du public.

Cependant, montrant tout le travail qui s’était fait avec le Photo-Drame, au début de 1918 frère Johnston calcula qu’en dix-huit mois il avait parcouru plus de quinze mille kilomètres pour le projeter en diverses régions du pays. Le Photo-Drame attirait partout de très nombreux spectateurs. Interdit au Cap, il put cependant être projeté à Durban, à Johannesburg, à Pretoria et en divers autres endroits du Transvaal, de l’État libre d’Orange et du Natal. On ne peut pas dire que le Photo-Drame ait provoqué une grande moisson, mais il permit de donner un témoignage puissant et étendu.

PREMIÈRES NOUVELLES DE RHODÉSIE ET DU TRANSVAAL

En 1916, on entendit parler pour la première fois de l’activité en Rhodésie. Voici ce que dit Johnston dans une lettre adressée à frère Russell : “J’accuse réception de ta note concernant l’œuvre en Rhodésie, adressée à Mr Nodehouse. J’ai écrit à cet homme, lui demandant plus de précisions et j’attends sa réponse.”

À l’époque, le témoignage en Afrique du Sud ne se limitait nullement aux grandes villes. Dans la petite ville de Koster, à l’ouest du Transvaal, habitait un homme du nom de Japie Theron, avocat compétent, qui avait fini par se rendre compte que les religions du monde étaient fausses. Un jour, il lut dans un journal un article à propos de la remarquable prophétie de 1914 qui avait été publiée par la Société des dizaines d’années avant cette date. L’homme commanda des publications et reçut la série Études des Écritures. Il ne tarda pas à discerner la vérité et ressentit un ardent désir d’aider ses semblables. Souvent il entrait en discussion avec les ecclésiastiques, les mettant au défi de prouver leurs doctrines, telles que celle de l’enfer.

Frère Theron ne manquait pas d’initiative, loin de là. Ainsi, il donnait régulièrement le témoignage à bord d’un petit train qui traversait sa ville chaque jour. Il allait le prendre à la gare et se mettait aussitôt au travail en commençant par le wagon de tête. Il proposait des publications aux passagers tandis que le train grimpait lentement une pente abrupte. Il calculait sa progression vers le wagon de queue de telle sorte que lorsque la machine arrivait au sommet de la rampe, il avait fini son “territoire” sur roues et pouvait sauter du train ! Frère Theron finit par être très connu dans le Transvaal occidental et dans l’État libre d’Orange. Il aida de nombreuses personnes à accepter la vérité.

Dans le Transvaal septentrional, la lumière rayonnait sur une vaste région et beaucoup de publications s’envoyaient par la poste, d’une personne à l’autre. C’est ainsi que des imprimés tombèrent entre les mains de deux jeunes gens qui fréquentaient l’école de la petite ville de Nylstroom dans le nord du Transvaal. Selon l’un des deux, Paul Smit, la publication qui lui toucha le cœur et le détermina à l’action fut la brochure L’Enfer : ce que dit l’Écriture sainte au sujet de “l’Enfer”. Voici ce qu’a déclaré frère Smit : “Vous pouvez me croire, Nylstroom fut secouée comme par un ouragan quand nous, qui n’étions que deux écoliers, fîmes savoir avec assurance que les doctrines de l’Église étaient fausses. Nous faisions cela sans crainte. À l’époque, il n’y avait que les trois Églises réformées néerlandaises et l’Église anglicane qui avaient ‘le droit de la ville’ de vaquer librement à leurs affaires. Quand ‘la lance d’incendie fut dirigée sur l’enfer’, imaginez les tourbillons de fumée qui s’élevèrent dans l’air ! Bientôt il ne fut plus question dans la ville et dans le district que de cette nouvelle religion. Naturellement, le clergé ne faillit pas à son rôle traditionnel. Il usa de calomnies et de la persécution. Pendant des mois, oui, pendant des années, ses sermons hebdomadaires visèrent cette ‘fausse religion’.”

PROSPÉRITÉ SPIRITUELLE MALGRÉ LES DIFFICULTÉS

En ce temps-​là, les réunions étaient présidées par les “anciens” que la congrégation élisait à main levée. On élisait aussi les diacres qui avaient pour tâche d’ouvrir les fenêtres, d’aligner les chaises, de distribuer les cantiques, etc. Ainsi fonctionnaient les congrégations en ce temps-​là.

Le 31 octobre 1916 mourut frère Russell, premier président de la Watch Tower Society. Il était resté actif et fidèle jusqu’au bout. La nouvelle de son décès causa beaucoup de détresse et de désarroi parmi le peuple de Jéhovah. “Qu’allons-​nous faire maintenant ?” Voilà ce que se demandaient également les frères de Durban. Après un premier moment de chagrin et de douleur commença une période d’épreuves. La personnalité et l’activité de frère Russell avaient fortement marqué l’œuvre du Royaume et beaucoup étaient si attachés à sa personne qu’ils supportèrent mal les changements qui survinrent après sa mort. À Durban, frère Myrdal se souvient des discussions qui s’élevaient régulièrement aux réunions et d’un groupe qui commença à se manifester comme ennemi de la Société et fauteur de troubles. Les problèmes ne se résolurent pas sans peine. Malgré tout, l’œuvre progressait avec la manifeste bénédiction divine.

En 1917, la filiale sud-africaine de la Société fut transférée de Durban au Cap, presque à l’ombre de la montagne de la Table. Cela devait faciliter les expéditions de publications. Au Cap, la petite maison du 123 Plein Street devait devenir la filiale pendant les six années à venir.

En Afrique du Sud, le nombre des frères augmentait régulièrement. D’après frère Johnston, les frères blancs devaient être entre deux cents et trois cents. La plupart d’entre eux se rencontraient dans les quatre groupes ou congrégations principales, celles de Durban, de Johannesburg, de Pretoria et du Cap. Beaucoup d’autres étaient isolés. À Ndwedwe il y avait une congrégation florissante qui se composait de quatre-vingts zoulous. Il y avait encore un petit groupe de Bassoutos qui se réunissaient en un lieu appelé Bank et quelques frères xhosas qui se rassemblaient à East London.

Dans un rapport, frère Johnston écrit ceci à propos des frères africains :

“Bien que les frères indigènes n’aient pas de publications dans leurs langues natales, il est surprenant de constater leur intelligence de la Vérité présente. Oui, c’est bien là l’œuvre du Seigneur et c’est merveilleux à nos yeux. Ayant tous un profond respect pour la Bible, la Parole de Dieu, ils ont écouté attentivement la Vérité que leur communiquaient des enseignants indigènes qui savaient lire les livres anglais et les traduire dans leurs langues. N’ayant pour ainsi dire rien à désapprendre, ils ont accepté avec empressement le Message du Seigneur qui leur était présenté. Qu’ils aient bien compris leur consécration [offrande de soi] et qu’ils aient été sincères, c’est ce qu’attestent leurs souffrances pour motif de conscience. Presque tous nos chers frères indigènes ont été solennellement et publiquement excommuniés de Babylone. Ils ont été chassés des Réserves des Missions où ils sont nés et on les a proclamés personnes dangereuses dans leurs localités [agglomérations africaines], qui sont leur monde. Mais ils ne se sont pas laissé ébranler et ils considèrent comme une pure joie le fait d’avoir pu souffrir pour le Christ.”

L’œuvre au Nyassaland avait déjà provoqué l’opposition du gouvernement qu’influençaient des missionnaires jaloux, car leurs écoles se vidaient et leurs églises commençaient à être désertées. “C’est pourquoi, dit frère Johnston, plusieurs frères responsables ont été déportés et sont actuellement internés dans l’île Maurice.”

UN NOUVEAU CHAMP S’OUVRE

Depuis le dix-septième siècle, Stellenbosch est un centre universitaire, qui forme surtout les ecclésiastiques de l’Église réformée néerlandaise. En 1917, Piet de Jager fréquentait l’université de la ville avant d’aller à la mission de l’Église réformée, au Nigeria. Il semble que l’un de ses condisciples avait déjà accepté la vérité et étudiait les publications de la Société. Cela déplaisait aux autorités ecclésiastiques qui demandèrent à Piet de Jager d’aller trouver cet étudiant et de l’inviter à l’étude biblique hebdomadaire instituée par l’Association des étudiants chrétiens. Quel fut le résultat ? Piet de Jager lui-​même accepta la vérité. Imaginez la consternation dans les cercles ecclésiastiques ! Peu après, Piet de Jager eut maintes discussions animées avec les professeurs sur l’âme, l’enfer, etc. Bientôt il quitta le séminaire.

Par la suite, un débat public eut lieu entre frère Piet de Jager et Dwight Snyman, docteur en théologie de l’Église réformée néerlandaise. Quinze cents étudiants étaient présents. À ce sujet, frère A. Smit raconte ce qui suit : “Piet coinça le docteur en théologie sur chaque point et prouva à l’aide de la Bible que les doctrines de l’Église n’étaient pas bibliques. Un des étudiants résuma le débat en ces mots : ‘Si je ne savais que Piet de Jager a tort, je jurerais qu’il a raison parce qu’il a tout prouvé à l’aide des Écritures !’”

Quand il fut au Cap, frère Johnston, outre ses activités à la filiale, consacrait beaucoup de temps au champ. Un jour il visita la petite ville de Franschhoek, près de Stellenbosch. C’est une des plus anciennes villes d’Afrique du Sud, qui fut fondée en 1688 par des réfugiés huguenots. Elle avait aussi une population de couleur (descendants issus du croisement des races noires et blanches). Le temps était venu pour que la semence du Royaume tombe ici sur un bon sol. Quelques années auparavant, plusieurs personnes, sous la conduite d’Adam van Diemen, instituteur métis, homme très intelligent et d’une haute moralité, avaient rompu avec l’Église réformée néerlandaise et formé leur propre groupement religieux. Ce dut être vers la fin de 1917 ou au début de 1918 que frère Johnston vint à la porte de Van Diemen et lui laissa des publications. Van Diemen ne se procura pas seulement des ouvrages pour son usage personnel, mais il prit encore toute une provision de publications pour ses amis. Parmi ceux-ci figurait un homme du nom de Daniels. Et c’est ainsi qu’un exemplaire du Divin Plan tomba entre les mains de G. Daniels, son fils de dix-sept ans. Pour le jeune Daniels, ce fut là le début d’une vie passée dans le service de Jéhovah. Van Diemen, lui aussi, accepta la vérité et se dépensa beaucoup pour répandre la vérité. Il visita d’autres lieux, tels que Wellington, Paarl, Bellville, Parow, Elsie’s River, Wynberg et Retreat, non loin du Cap. Son activité zélée l’amena à quitter ses fonctions d’enseignant et à entreprendre le service à plein temps. Le message du Royaume avait pris un bon départ dans ce champ-​là.

En 1918, Johnston, le serviteur de filiale, se vit confier une autre tâche. La Société, constatant que le champ d’Australie et de Nouvelle-Zélande nécessitait la présence d’un frère spirituellement fort, décida de l’y envoyer. Le nouveau serviteur de filiale, son successeur, fut Henri Ancketill, qui avait reçu la vérité à Pietermaritzburg. C’était un ancien membre de l’assemblée législative du Natal. D’origine irlandaise, c’était un homme de petite taille, aux cheveux blancs et le menton orné d’une barbe. Il était retraité et assez âgé. En raison de son âge, la charge lui sembla un peu lourde, mais il s’acquitta néanmoins de ses fonctions avec efficacité et fidélité pendant les six années à venir.

LA FOI EN DES TEMPS DIFFICILES

Le nouveau surveillant de filiale, Henri Ancketill, entra en fonctions en des temps difficiles. Les administrateurs de la Société étaient emprisonnés en Amérique, l’œuvre du témoignage s’était fort ralentie et les infidèles commencèrent à se manifester. Cela était très visible à Durban. Les discussions et les difficultés qui avaient surgi peu après la mort de Russell prenaient de plus en plus d’ampleur et finirent par atteindre leur point culminant sous l’action d’un certain Jackson, qui avait une très haute opinion de lui-​même et de ses capacités. Lui et deux autres, Pitt et Stubbs, étaient manifestement les meneurs de l’opposition.

Une scission survint en 1919, et un très grand nombre (c’était en fait la majorité) de ceux qui assistaient aux réunions devinrent hostiles et résolurent de s’assembler à part. Ils se donnèrent le nom d’“Étudiants associés de la Bible” et fondèrent leur propre organisation. Il ne resta que douze personnes, dont la plupart étaient des sœurs. Henri Myrdal se trouva dans une situation très difficile. En effet, son père avait rallié l’opposition, tandis que sa mère était restée fidèle à la Société. Cela lui donna à réfléchir. Il pria Dieu et, avec sagesse, conclut que la Société devait être l’instrument béni du Seigneur. Il prit donc le même parti que sa mère.

De plus en plus de gens parlant l’afrikaans venaient à la connaissance de la vérité. Willem Fourie en est un exemple. C’était un neveu de Stoffel Fourie, qui était entré pour la première fois en contact avec la vérité à Klerksdorp, en même temps que Frans Ebersohn. Son père s’était procuré, en fait, un exemplaire du Divin Plan des Âges en néerlandais, aux environs de 1906, et s’était rendu compte alors que les religions du monde étaient fausses. Willem Fourie apprit que Japie Theron, l’avocat de Koster, avait eu un débat avec le clergé et lui avait porté un défi : il lui donnerait 1 000 livres (2 800 dollars) si le clergé lui prouvait avec la Bible que l’âme était immortelle. À l’époque Fourie était encore membre de l’Église réformée néerlandaise et, comme les chefs de cette religion recherchaient des fonds pour bâtir une nouvelle église, ceux-ci demandèrent à un predikant (“prédicateur”) de bien vouloir relever le défi. L’ecclésiastique refusa, au grand chagrin de Fourie, qui quitta par la suite l’Église. Aux environs de 1919, il reçut les publications de la Tour de Garde, les étudia attentivement et constata que c’était la vérité. Il ne tarda pas à prendre part au service du champ.

Rappelez-​vous ces deux écoliers de Nylstroom qui causèrent grande sensation en racontant à tout le monde que les doctrines sur l’enfer étaient fausses. Tous les deux, Paul Smit et son ami, furent mis en quarantaine. Quelque temps plus tard, le compagnon de Paul se vit offrir un emploi par le conseil de l’enseignement et fut l’objet de pressions très vives pour qu’il renonce à sa religion. Il succomba. Paul versa bien des larmes, mais il priait sans cesse Jéhovah. Par la faveur imméritée de Dieu, il est resté fidèle. Il persévéra, donnant des témoignages occasionnels et prêtant des publications. Si grand était son isolement qu’il ne se rendait même pas compte qu’il y avait une organisation. Il devait s’appuyer entièrement sur Jéhovah. Un peu plus tard, il reçut la visite de frère Piet de Jager et d’autres colporteurs. Quel bien ont dû faire ces visites personnelles en ce temps-​là !

Bien que très nouveau et encore jeune, Paul Smit commença à recevoir les bénédictions de Jéhovah sous la forme de “lettres de recommandation”. (II Cor. 3:1-3.) Sa première “lettre” fut le fils d’un fermier du voisinage qui accepta la vérité. En 1922, Paul commença une étude avec la famille Vorster, employant le livre La Harpe de Dieu qui venait de paraître. C’était une famille de sept personnes, qui habitait à plus de six kilomètres des Smit. Paul faisait le trajet à pied toutes les semaines, prenant à travers champs. Par la suite, les parents et un des fils devinrent des témoins. Quand arriva 1924, Paul avait réussi à fonder un groupe de treize personnes à Nylstroom. Ce fut la première classe ou groupe dans le Transvaal septentrional.

Mais que se passait-​il en Afrique centrale, au Nyassaland ? M. Nguluh se trouvait au Nyassaland en ce temps-​là. C’était un prédicateur de l’Église presbytérienne. Mais il raconte qu’après la Première Guerre mondiale des personnes du Nyassaland diffusaient la vérité et que c’est vers cette époque, en 1920, qu’il reçut le livre Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais. Cet ouvrage, dit-​il, “heurta ma compréhension de la Bible en tant que prédicateur”.

Un autre homme qui connut la vérité au Nyassaland fut un jeune Africain appelé Junior Phiri. Son baptême, cependant, dut avoir lieu en cachette. Il était difficile, en effet, d’exercer certaines activités religieuses en raison des craintes que suscitaient les sectes non orthodoxes, surtout après la révolte de John Chilembwe en 1915. Après son baptême, un des frères donna une poignée de main à frère Phiri et l’avertit que désormais il se trouvait en danger, mais qu’il devait marcher fidèlement au nom de Jésus.

Frère Phiri rencontra une forte opposition chez les pasteurs baptistes de l’endroit, qui incitèrent le chef à l’arrêter et à l’emmener devant le juge. Celui-ci l’accusa d’appartenir à la secte interdite de John Chilembwe. Le magistrat voulut savoir pourquoi il avait quitté son ancienne religion baptiste. Le frère lui expliqua qu’il n’acceptait plus la doctrine relative aux morts, puis il demanda au juge quelle était son opinion sur ce point. Celui-ci lui répondit : “Ma foi, les morts sont dans la tombe.” Le frère acquiesça et cita Jean 3:13, texte que le juge chercha dans sa propre Bible. Cela fit une bonne impression. Frère Phiri déclara au magistrat qu’il n’était pas membre de la secte de John Chilembwe, mais de la religion appelée “Association internationale des Étudiants de la Bible”. Il fut libéré, à la grande déception des pasteurs baptistes.

Maintenant transportons-​nous à environ 3 200 kilomètres du Nyassaland, dans la province du Cap, en Afrique du Sud, et voyons ce qu’il advient du groupe de couleur de Franschhoek. En ce temps-​là, l’Église réformée néerlandaise prenait conscience de l’existence de ce groupe nouveau et vigoureux et elle commença à passer à l’action. Un camarade d’école du jeune frère Daniels, nommé Van Niekerk, Étudiant de la Bible qui promettait, devint un excellent instituteur. Il se vit offrir un bon emploi, à condition de rejoindre, lui et sa famille, les rangs de l’Église réformée néerlandaise. Ils cédèrent et retournèrent dans “la captivité spirituelle”. Plus tard, quand Van Niekerk eut quitté cette région, on fit la même offre à Daniels, qui refusa. À partir de ce moment, les persécutions commencèrent et devinrent si cruelles que cette famille dut partir. Les ennemis ne les laissaient pas tranquilles. Une nuit, ils vinrent à la maison et déclarèrent à la famille de Daniels que si tous ne rentraient pas dans les rangs, on recourrait à la sorcellerie pour supprimer la famille tout entière. Pour réponse, Daniels cita un cantique basé sur le Psaume 23, montrant par là qu’il comptait sur la protection de Jéhovah.

Après cela, la haine et l’opposition s’intensifièrent, de sorte qu’il devint dangereux pour les frères de sortir seuls la nuit. On leur donnait toutes sortes de noms. On les appelait “Russellistes”, “faux prophètes”, “Les sans-âmes de Van Diemen”, etc. Mais les frères restèrent fermes. Ils éprouvaient en leur personne l’accomplissement de ce que Jésus avait dit au sujet de ses vrais disciples, savoir : “Vous serez les objets de la haine de tous à cause de mon nom.” — Luc 21:17.

LA FILIALE CHANGE D’ADRESSE

Vers ce temps-​là (1923), la filiale s’installa au 6 Lelie Street, dans une pièce très vaste, au rez-de-chaussée. La congrégation occupait 95% de l’espace disponible pour ses réunions et, au fond du local, frère Ancketill utilisait un petit réduit, qui lui tenait lieu de bureau. L’année suivante, en 1924, la congrégation quitta les lieux. La pièce fut alors divisée en plusieurs autres. Sur le devant il y avait le bureau et à l’arrière l’expédition, l’imprimerie et le stock. On fit des étagères et également tout le nécessaire pour l’installation de la presse quand elle arriverait.

CE QUI SE PASSAIT À JOHANNESBURG

Voyons maintenant ce qui se passait à Johannesburg, où frère Johnston avait formé, des années auparavant, la première classe. Sœur Iris Tutty, qui était de cette ville, avait environ cinq ans quand elle commença à distribuer des tracts en les glissant sous les portes. Elle se revoit encore debout contre le bureau de sa mère, la regardant écrire des cartes et des lettres adressées à divers frères, quand survenaient une naissance, un décès, etc. La mère de sœur Tutty se chargeait de cette correspondance parce qu’elle était secrétaire de la “Ligue de Philadelphie”, instituée par frère Russell et dont le but était de garder le contact avec les frères et sœurs, dans leurs joies comme dans leurs peines, grâce au lien fraternel de l’amour.

Sur le plan social, il y avait très peu de contact entre les Blancs et les Noirs, bien qu’en ce temps-​là les lois sur une stricte ségrégation (apartheid) n’existaient pas encore. Mais cela n’empêchait pas de donner le témoignage. C’est ainsi que la mère de sœur Tutty fit connaître, en 1921, la vérité à un Africain, Enoch Mwale. L’année suivante, celui-ci commença à prendre part au service du champ. Il étudia pendant un temps avec les frères européens. Par la suite, quand arriva le livre La Harpe de Dieu, les frères africains formèrent leur groupe à eux.

LA CAMPAGNE DES “MILLIONS D’HOMMES”

En 1921, la Société commença une grande campagne de réunions publiques, qui dura des années. Le célèbre discours “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”, prononcé pour la première fois par Rutherford en février 1918, fut utilisé sur une grande échelle en Afrique du Sud. Frère Ancketill, surveillant de filiale, assisté de frère Piet de Jager, alors dans le service à plein temps, et de Parry Williams, frère de langue anglaise, visitèrent toutes les grandes villes d’Afrique du Sud et firent le discours en anglais et en afrikaans. Les résultats furent excellents. Au premier discours, qui fut prononcé au Cap, à l’Opéra, on dénombra deux mille auditeurs. On laissa quantité de publications et il y eut beaucoup d’intérêt. Ces discours se firent en néerlandais et en anglais, et on plaça des livres “Des millions...” en anglais, en néerlandais et en afrikaans. Au cours de la grande tournée de 1921, ces frères visitèrent Bulawayo et Salisbury, en Rhodésie du Sud (actuellement la Rhodésie).

Le discours fut prononcé devant toutes sortes d’auditoires, petits et grands. Voici ce qu’écrit frère Parry Williams : “Nous avons fait des centaines de kilomètres pour parler, dans des villes, devant des assistances de quatre-vingts personnes environ pour la conférence en anglais, et à peu près le même chiffre pour le discours en hollandais.” Les frères Piet de Jager et William Dawson, qui, selon les affiches, étaient respectivement l’orateur et le colporteur, firent soixante-dix discours au cours de l’année, selon un rapport daté du 31 août 1923, soit en moyenne près de six discours par mois. Outre le célèbre discours “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”, on développa encore d’autres sujets frappants, comme “Bientôt la résurrection”, “Le monde nouveau a commencé” et “Toutes les nations sont en marche vers Harmaguédon”. Avec les adresses remises après chaque discours, ils firent 2 483 visites et placèrent des milliers de publications.

Les Églises de la chrétienté commencèrent à sentir la chaleur du message. Voici ce qu’il est dit dans le rapport annuel de 1923 : “Dans une certaine ville une église apostolique a dû fermer ses portes en raison de l’effet de notre message et cela réjouit le cœur de tous ceux qui prennent part à l’œuvre. Un rédacteur du ‘Kerkbode’, journal paroissial de l’Église réformée néerlandaise, a rendu l’autre jour hommage à l’Association internationale des Étudiants de la Bible en disant que, bien que n’acceptant pas nos doctrines, ils recommandaient aux membres de l’Église réformée néerlandaise le zèle des Étudiants de la Bible.”

L’ACTIVITÉ DE COLPORTEUR

L’activité de pionnier ou de colporteur, comme on disait à l’époque, commençait, elle aussi, à prendre forme. En 1923, il y avait six personnes dans le service à plein temps. Ce sont ces serviteurs-​là qui accomplissaient la plus grande partie de l’œuvre dans le pays, car les autres frères et les intéressés faisaient surtout du témoignage occasionnel. Un de ces serviteurs à plein temps était frère Edwin Scott, qui fut chargé de distribuer des exemplaires imprimés de la résolution qui avait été adoptée à l’assemblée internationale de Cedar Point, en septembre 1922. Trente-cinq millions d’exemplaires de ce tract furent répandus dans la chrétienté. Ce frère fidèle portait sur son dos un grand sac bourré de tracts en anglais et en néerlandais. Il avait à la main un bâton pour se défendre contre les chiens méchants ! Il visita soixante-quatre villes des quatre provinces sud-africaines et distribua cinquante mille tracts en six mois. En outre, ce tract fut envoyé par la poste aux ecclésiastiques de toutes les confessions d’Afrique du Sud et de Rhodésie. “Proclamez, proclamez, proclamez le roi et son royaume”, tel fut le cri de guerre lancé par Rutherford à l’occasion de cette célèbre assemblée de 1922. La poignée de frères sud-africains étaient bien résolus à faire cette proclamation.

Au début de 1923, deux jeunes sœurs, qui avaient été pendant un temps membres de l’ecclésia [congrégation] de Johannesburg, entreprirent le service à plein temps. C’étaient Lenie Theron (sœur charnelle de frère Theron, l’avocat de Koster) et Elisabeth Adshade. Elles quittèrent leurs fonctions d’institutrices et s’engagèrent dans les rangs des colporteurs. Au cours d’une tournée dans le Natal septentrional et dans le Transvaal, ces deux sœurs placèrent 3 188 livres, soit chacune environ 500 livres par mois ! Voici ce qu’écrit une de ces sœurs dans une lettre citée dans La Tour de Garde du 1er janvier 1924 :

“J’ai l’impression que je file sans arrêt à toute vitesse, à bord de toutes sortes de trains (...). Souvent je suis arrivée très tard la nuit, dans une gare isolée, par suite d’un retard du train. Mais, fidèle à sa promesse, le Seigneur ne nous abandonne pas. Chaque fois il a incité quelqu’un à m’aider. Cela affermit notre foi et augmente notre amour, quand nous voyons toute la sollicitude divine.

“Un jour, après avoir lu un bel article sur l’importance du service, mon excitation a été si grande que je n’ai pu dormir. J’ai fini par me lever. J’ai regardé la carte et j’ai constaté que nous oubliions Barberton et plusieurs autres agglomérations se trouvant sur une ligne d’intérêt local, qui s’écartait de notre itinéraire. Il ne fallait pas laisser ces localités. J’en parlai à ma compagne. Notre décision fut vite prise : elle devait se rendre là-bas tandis que moi j’irais à sa rencontre tout en prêchant. La première agglomération que je visitais ensuite était une toute petite localité. Je ne fis que dix-huit visites, mais je plaçai quarante-neuf volumes [Études des Écritures], seize ‘Des millions...’ et treize ‘Harpe’. J’avais très peu dormi la veille, trois heures seulement. Car j’avais parlé jusqu’à 23 h 30 à quelqu’un qui marquait beaucoup d’intérêt, puis j’ai fait mes valises jusqu’à deux heures du matin, et j’ai pris le train à 5 h 30. J’aimerais vous dire tout ce qui m’arrive et comment le Seigneur nous guide, mais je n’ai pas le temps.” N’est-​ce pas là un exemple admirable pour notre temps ?

IMPORTANTS CHANGEMENTS AU CAP

L’œuvre progressait sur un vaste territoire, et de bien des manières. Mais frère Ancketill, au Cap, avançait en âge et trouvait la charge bien lourde. Le président de la Société, frère Rutherford, décida donc d’envoyer un nouveau serviteur de filiale. Frère Ancketill avait fait du bon travail et avait bien défendu l’œuvre pendant une période difficile. Or voici que de nouvelles menaces pesaient sur les territoires d’Afrique du Sud. Ce fut le successeur de frère Ancketill qui dut affronter cette situation.

En 1924, d’importants changements eurent lieu au Cap. La Société avait envoyé une presse, avec tout le nécessaire d’imprimerie. De plus, de nouveaux frères arrivèrent d’Angleterre. L’un d’eux était Thomas Walder, qui avait été pendant quelque temps l’adjoint du surveillant de la filiale anglaise. C’était un jeune homme d’une trentaine d’années, qui devait prendre la place de frère Ancketill comme surveillant de filiale d’Afrique du Sud. Son compagnon, Georges Phillips, qui était plus jeune que lui de quelques années, était un Écossais de Glasgow.

En mai 1924, quand frère Rutherford vint à Glasgow pour une assemblée, Georges Phillips présidait la session du dimanche matin. Alors qu’ils étaient assis l’un à côté de l’autre, attendant de pouvoir monter sur l’estrade, frère Rutherford dit à Georges : “Tu m’as entendu dire hier soir que j’envoyais frère Walder en Afrique du Sud. Te plairait-​il de l’accompagner ?” La réponse fut : “Me voici, envoie-​moi.” Georges disposa de quinze jours pour faire ses bagages et prendre congé de sa famille et des frères de Glasgow. Frère Rutherford lui avait encore dit : “Ce sera peut-être pour un an ou pour plus longtemps, mais rappelle-​toi qu’il n’y a pas de congé en temps de guerre. Tu prendras un billet d’aller.”

Quand ces deux frères arrivèrent en Afrique du Sud, il n’y avait que six personnes dans le service à plein temps et une quarantaine d’autres faisaient un peu de prédication. Quant au territoire, il était immensément vaste. Il comprenait l’Afrique du Sud, le Basutoland, le Bechuanaland, le Swaziland, le Sud-Ouest africain, la Rhodésie du Nord et du Sud, le Nyassaland, le Mozambique, le Tanganyika, le Kenya, l’Ouganda, l’Angola et diverses îles des océans Indien et Atlantique : Ste-Hélène, Madagascar et l’île Maurice.

Bientôt une presse à platine, alimentée à la main, arriva de Brooklyn. Sous la direction d’un frère du Cap, qui était imprimeur, frère Walder et frère Phillips montrèrent qu’il est possible de ramener cinq ans d’apprentissage à cinq mois. Ils apprirent ce que cela voulait dire pour un imprimeur de bien ouvrir l’œil. Bientôt des milliers de tracts et d’autres imprimés sortirent de la petite presse. En outre, des publications se traduisaient en afrikaans et dans les différentes langues africaines. Un frère de l’État libre d’Orange, un fermier nommé Izak Botha, apprenant qu’on traduisait La Harpe de Dieu en afrikaans, fit aussitôt un don de 500 livres (1 400 dollars) pour contribuer aux frais d’impression.

DES DIFFICULTÉS SURGISSENT

Un des tout premiers soins de frère Walder, le nouveau surveillant de filiale, fut de porter son attention sur les deux Rhodésies (Rhodésie du Nord et Rhodésie du Sud), et également sur le Nyassaland. Les publications de la Société avaient déjà pénétré dans ces territoires, bien que la situation dans cette partie de l’Afrique fût incertaine.

Il est difficile aujourd’hui de se faire une idée précise de ce qui se passait dans les deux Rhodésies au début des années vingt. Quoiqu’il en soit, le clergé de la chrétienté commençait à s’émouvoir. Un journal (The Rhodesia Herald) du 6 juin 1924 fit paraître un long rapport sur une conférence qui avait réuni les missionnaires et pendant laquelle il fut question du “mouvement de la Tour de Garde” et de la Watch Tower Bible and Tract Society. À l’exemple d’Élymas le sorcier, qui n’hésita pas ‘à gauchir les voies de Jéhovah’ afin de mettre obstacle à l’œuvre chrétienne de l’apôtre Paul, le clergé porta de fausses accusations contre les témoins chrétiens de Jéhovah (Actes 13:6-12). Un ecclésiastique nommé Greenfield accusa la Société de propager un “bolchevisme ecclésiastique”. Il déclara que cette propagande venait de Russie et se demanda si l’on pouvait la tolérer en Afrique. Il proposa donc la résolution suivante : “Que, dans l’opinion de cette conférence des missionnaires de Rhodésie, les doctrines de la Watch Tower Bible and Tract Society sont propres à ébranler la vraie religion de l’Église et la loi de l’État, et sa propagande parmi les indigènes du pays est donc particulièrement dangereuse ; par conséquent, il est demandé au gouvernement de surveiller et de réglementer ses activités.”

D’autres prirent la parole pour appuyer la résolution. L’administrateur du Wankie Colliery (Rhodésie du Sud), Mr Thomson, raconta que des groupes de vingt ou trente personnes se faisaient baptiser. Toute tentative pour contrôler le mouvement, déclara-​t-​on encore, n’avait d’autre effet que de multiplier les convertis, qu’on estimait être au nombre de quinze cents. Selon Greenfield, leur propagande promettait le renversement de la puissance de l’homme blanc. À quelques exceptions près, la conférence adopta la résolution.

En ce temps-​là, les missionnaires et les ecclésiastiques évoquaient volontiers le spectre du communisme. Cependant, abstraction faite des références à la Russie et au bolchevisme, on ignore si ces quinze cents adhérents qui se réclamaient de la Watch Tower Bible and Tract Society étaient nos frères ou des membres de l’un des faux “mouvements de la Tour de Garde”. Le rapport, cependant, montre que le nom de “Tour de Garde” était bien connu dans les deux Rhodésies, en 1924, et qu’il était nécessaire de faire la lumière sur ce point.

C’est pourquoi, à la fin de 1924, frère Walder se rendit dans les deux Rhodésies. Son but était de rencontrer les autorités pour apprendre tout ce qui se passait au nom de la “Tour de Garde”. Les renseignements qu’il recueillit auprès d’elles lui firent comprendre qu’il n’y avait pas de temps à perdre, qu’il fallait séparer sans retard ceux qui s’intéressaient sincèrement à notre œuvre d’avec ceux qui appartenaient aux mouvements indigènes. L’année suivante, en 1925, un frère européen, Willial Dawson, fut envoyé d’Afrique du Sud. Il visita tous les centres qui affirmaient avoir des relations avec la Société en Rhodésie du Sud et en Rhodésie du Nord.

Selon le rapport de ce frère, parmi ces gens, la plupart ne comprenaient pas réellement la vérité, telle que l’exposaient les publications de la Société. D’un autre côté, certains marquaient un intérêt véritable et avaient besoin d’aide et de direction. Frère Walder, au Cap, désavoua promptement les mouvements indigènes qui se servaient sans en avoir le droit du nom de Tour de Garde et en informa les autorités. Il envoya des lettres aux autorités de la Rhodésie du Sud et de la Rhodésie du Nord, dans lesquelles il expliquait nettement que la Société déclinait toute responsabilité en ce qui concernait les faux mouvements que certains éléments tentaient de rattacher à elle.

À l’époque où frère Dawson visitait les deux Rhodésies, un homme appelé Mwana Lesa répandait la terreur parmi les Africains. Mwana Lesa (qui signifie “Fils de Dieu”) était un Africain du Nyassaland. Son vrai nom était Tom Nyirenda et il était entré en Rhodésie du Nord par le Congo. Selon les rapports, il était membre d’un des mouvements indigènes de la Tour de Garde et se faisait passer pour un prophète. D’après un article qui parut dans le Sunday Times du 1er juillet 1934 et qui était de la main de Scott Lindberg, cet homme s’était procuré un exemplaire du Livre des martyrs (angl.). Dans cet ouvrage il apprit qu’autrefois les hommes blancs attachaient les sorcières sur une sellette à plongeon et les noyaient. Cela semble l’avoir beaucoup impressionné. Allant de village en village, il prêcha aux indigènes que “l’Afrique appartenait aux Africains et qu’il fallait en expulser l’homme blanc”.

Nyirenda s’associa ensuite avec Chiwila, un chef de Lala (la partie sud-est de l’actuel Copper Belt [zone du cuivre]). Tous les deux complotèrent. Nyirenda devait supprimer les ennemis de Chiwila en les accusant de sorcellerie et en les noyant par immersion baptismale. Celui-ci remporterait alors la victoire aux élections et accéderait à la royauté. Voici ce qu’écrivit Lindberg : “On révéla alors à Tom les noms de tous les ennemis de Chiwila. Il convoqua tous les chefs et leur dit qu’il avait été envoyé par Dieu pour purifier la tribu de la sorcellerie et que chaque homme, chaque femme et chaque enfant devaient être baptisés dans la rivière.

“Les indigènes, superstitieux, furent invités à se rendre en un endroit où une rivière rapide se frayait un chemin à travers un ravin sinueux parmi les collines, et là, revêtu d’une tunique blanche, Tom se tenait debout sur un bloc de pierre au milieu de la rivière.

“Il déclara aux gens que Dieu l’avait envoyé pour séparer les brebis d’avec les chèvres. Il baptisa alors chaque personne par immersion dans la rivière, avec l’aide des partisans de Chiwila, qui maintinrent leurs ennemis sous l’eau, la tête en amont, jusqu’à ce qu’ils fussent morts noyés.

“Les gens chantaient des cantiques, tandis qu’ils se tenaient là à regarder chaque victime sans vie, et pendant toute la nuit la forêt retentit des exhortations frénétiques de Mwana Lesa.

“Après avoir noyé vingt-deux indigènes cette nuit-​là, Tom passa la frontière et s’installa au Katanga, province du Congo belge, donc hors d’atteinte des autorités de Rhodésie.”

LA LUMIÈRE EST FAITE

Au Congo, Tom Nyirenda commit d’autres atrocités avant d’être arrêté par la police de la Rhodésie du Nord. Jugé et condamné, il fut pendu sur la place de la prison de Broken Hill, devant les chefs indigènes. Ces actes odieux furent reliés au nom “La Tour de Garde”. Mais Mwana Lesa n’eut absolument aucun rapport avec la Watch Tower Bible and Tract Society, ou les Étudiants de la Bible ; c’était là le nom qu’on donnait aux témoins de Jéhovah de l’époque. Au contraire, Mr Lindberg écrit que Tom Nyirenda “avait été admis au sein de l’Église catholique et avait reçu l’absolution pendant sa détention”, avant son exécution. Malgré cela, les ennemis du Royaume de Dieu, le clergé des confessions chrétiennes, s’évertuèrent à noircir la véritable Watch Tower Bible and Tract Society, l’accusant d’être responsable de tous ces événements. Ces hommes voulaient tourner les autorités et le public contre nous, afin d’empêcher les témoins de prendre pied dans le pays. On se rend donc mieux compte du gigantesque obstacle qu’il fallait vaincre pour établir l’œuvre du Royaume en Rhodésie du Nord.

Au Nyassaland aussi il fallut faire la lumière sur notre position. Quant aux intéressés, ils avaient grand besoin d’aide. Dans La Tour de Garde du 15 décembre 1923 parut le rapport suivant du représentant de la Société : “Je viens de recevoir la visite du commandant (...), commissaire en chef de la police. C’est un excellent homme, un Gamaliel moderne. Il a fait une enquête sur notre œuvre au Nyassaland. Il est écœuré devant les mensonges odieux que le clergé débite sur notre compte. Il m’a dit qu’il s’était déguisé et avait assisté à nos réunions parmi les indigènes. Il connaît personnellement tous les chefs. Il raconte que la vérité se répand comme un feu de brousse parmi les indigènes.”

Quoi qu’il en soit, il était bon que la Société envoyât John Hudson et sa femme au Nyassaland en 1925, pour se livrer à une enquête et remettre les choses en ordre. Sa visite fut très utile. John Hudson raconte que pendant son séjour de quinze mois au Nyassaland il fit de nombreuses tournées dans le pays et prononça beaucoup de discours. Il constata que la plupart des frères avaient très peu de connaissance de la vérité. Dans ses allocutions le frère s’efforçait de bien faire sentir à ses auditeurs l’importance de garder le contact avec la Société et d’accepter sa direction.

D’après frère Junior Phiri, frère Hudson engagea encore les maris à s’asseoir, aux réunions, à côté de leurs femmes. Dans les tribus d’Afrique, un mari ne prend pas son repas en compagnie de sa femme et, quand la famille va à l’église, les hommes s’assoient d’un côté et les femmes de l’autre. Frère Hudson a donc donné de bons conseils sur ce point.

Mais, selon frère Nguluh, certains groupes se dirent ceci : “Nous n’allons pas nous laisser enseigner par les hommes du Cap, mais nous ferons ce qui semblera droit à nos yeux.” Ainsi donc, la visite de frère Hudson a dû provoquer une séparation entre ceux qui étaient disposés à accepter la direction de la Société et ceux qui refusaient. Ce qui fut malheureux, c’est que ceux qui refusaient la direction de la Société voulaient encore se servir du nom “La Tour de Garde”, et l’un des principaux chefs semblait être Willie Kavala. Ce qui caractérisait ce mouvement, c’est qu’il ne croyait pas à la résurrection. Selon frère Nguluh, ces faux frères refusaient de payer les impôts et se proclamaient les chefs du Royaume de Dieu !

Après que frère Hudson eut fait un rapport sur sa visite, la Watch Tower Society du Cap envoya une lettre aux autorités du Nyassaland. En voici un extrait :

“Au nom de la Société précitée, j’ai l’honneur de vous informer que nos représentants au Nyassaland ont été rappelés (...). Si nous avons envoyé Mr et Mme Hudson au Nyassaland, c’est en raison des activités de certaines Églises indigènes qui prennent le nom de ‘La Tour de Garde’. Il nous est impossible d’approuver ce mouvement. Il dénature totalement les doctrines de la Société et, dans l’ensemble, ses membres ne manifestent aucune inclination à se soumettre à notre direction. Nous nous en séparons donc entièrement.”

À partir de ce moment-​là, ceux qui s’intéressaient sincèrement à la vérité ont dû livrer leur propre combat, sans l’aide d’un représentant de la Société au Nyassaland ! Pendant ce temps, comment la vérité progressait-​elle en Afrique du Sud où les frères jouissaient de la direction de l’organisation ?

LES AFRICAINS D’AFRIQUE DU SUD SONT AIDÉS

À Johannesburg, d’autres Africains venaient à la connaissance de la vérité, et la bonne nouvelle se répandait chez ceux qui habitaient dans les établissements et les compounds miniers (hôtels pour Africains). L’un de ces Africains était Yotham Mulenga. Il se souvient qu’un frère blanc, ayant le Photo-Drame de la Création, vint au compound où il habitait. La projection fit grand effet sur frère Mulenga, qui acheta le premier volume des Études des Écritures et commença bientôt à assister aux réunions à Johannesburg, où il fit la connaissance d’autres frères africains.

Parmi les frères européens de l’endroit, certains aidaient les Africains en ce temps-​là. L’un de ces Européens fut frère V. Futcher, alors sous-gérant du compound. Il aida beaucoup d’Africains à accepter la vérité. Parmi ceux-ci se trouvait Albin Mhelembe du sud du Mozambique. Il connut la vérité en 1925 grâce à la prédication de frère Futcher. Avant la fin de 1925, Mhelembe retourna à Lourenço Marques, capitale du Mozambique, puis il se rendit à Vila Luiza, sa ville natale. Là il commença à prêcher la vérité aux membres de l’Église missionnaire suisse, à Marracuene. Mhelembe avait beaucoup de succès, et la vérité ne tarda pas à prendre solidement pied au Mozambique. Une quarantaine de personnes fréquentaient les réunions, certaines d’entre elles faisant une trentaine de kilomètres pour s’y rendre. Oui, l’œuvre du Royaume commençait à prendre racine dans un autre champ encore.

NULLEMENT ÉBRANLÉS PAR LA PERSÉCUTION

En Afrique du Sud, les principaux représentants de Babylone la Grande sont les chefs de l’Église réformée néerlandaise. À maintes reprises, ils ont cruellement persécuté ceux qui prenaient position pour la vérité, les harcelant de ville en ville, tout comme les Juifs du premier siècle harcelaient les apôtres Paul et Barnabas (Actes 14:2, 5-7, 19). On en a un exemple dans ce qui s’est passé dans l’État libre d’Orange. Vers le milieu des années vingt, un avocat fort connu et sa femme assistèrent à une conférence que frère de Jager fit dans la ville de Boshof. Parmi l’assistance figuraient de nombreux notables, dont certains accompagnèrent ensuite l’orateur dans un salon de thé pour lui poser des questions sur la Bible. L’avocat, Mr Théo Denyssen, et sa femme furent très impressionnés. Ils achetèrent des publications et, par la suite, ils acquirent la conviction que c’était bien là la vérité. Ils ne tardèrent pas à donner le témoignage à leurs amis et aux gens de leur parenté. Cela eut pour effet de provoquer le courroux du ministre de l’Église réformée néerlandaise. Peu après, frère Denyssen et sa femme quittèrent l’Église ; et, à la fin de 1925, trois personnes de leur parenté et onze de leurs amis avaient quitté, eux aussi, cette Église ; leurs lettres furent lues du haut de la chaire.

Frère Denyssen était fort connu dans cette région de l’État libre d’Orange. Aussi sa prise de position pour la vérité causa-​t-​elle une énorme sensation et fut un grand témoignage. En 1927, un petit groupe de personnes et lui-​même prirent part à une activité d’expédition postale : ils envoyèrent par la poste et dans presque toute la province dix mille brochures et imprimés, y compris la résolution “Un témoignage aux dirigeants du monde”. En 1927, tous ceux de la congrégation de Boshof assistèrent à l’assemblée nationale à Johannesburg et treize d’entre eux, y compris frère et sœur Denyssen, prirent le baptême. Dans la même année, pour marcher du même pas que les frères du monde entier, qui venaient de commencer l’activité de maison en maison le dimanche matin, ce petit groupe commença, lui aussi, à entreprendre cette forme de service. Les ministres de la fausse religion s’émurent et firent toute une série de sermons contre le “Russellisme”. Plus tard, un débat public eut lieu entre deux frères et trois pasteurs. Un sergent de police se trouvait dans l’assistance. Il discerna la vérité, prit position et demeura fidèle jusqu’à sa mort.

Rendu furieux par le succès des témoins, le pasteur de Boshof demanda aux diacres et aux anciens de rendre visite à tous les membres de l’Église pour leur dire de ne plus confier aucune affaire à frère Denyssen, qui était avocat. À la fin de 1927, la famille Denyssen dut partir. Elle alla s’installer à Wellington, non loin du Cap. Mais le pasteur de la localité commença une campagne de persécution et fit tant et si bien que les Denyssen durent aller habiter au Cap.

Mais que se passait-​il dans les territoires du nord, où la situation parmi les Africains était cause de graves préoccupations ? En 1926, Georges Phillips, membre du bureau du Cap, fut envoyé avec Henri Myrdal en Rhodésie du Sud, pour y faire une tournée. À la frontière il leur fut dit qu’ils ne pourraient entrer dans le pays qu’à la condition de ne pas travailler parmi les Africains. Il semble que les autorités aient accepté la résolution de la conférence des missionnaires, celle qui a été mentionnée plus haut.

La méthode employée par frère Phillips et frère Myrdal consistait à se rendre dans une ville ou un bourg, où ils louaient une salle. Puis ils imprimaient des feuilles d’invitation avec un tampon de caoutchouc et allaient ensuite inviter les gens. Après le discours, ils prenaient les noms et adresses de ceux qui marquaient de l’intérêt. Ils allaient ensuite revoir ces personnes, en leur proposant la série Études des Écritures et La Harpe de Dieu. C’est à bicyclette qu’ils faisaient toutes ces visites, mais ils allaient de ville en ville en train. Chaque fois qu’ils arrivaient à une nouvelle ville, un “comité d’accueil” de la police les attendait. Le Service d’enquête criminelle surveillait de près ces deux Européens de la Watch Tower Bible and Tract Society. C’est ainsi qu’ils visitèrent Bulawayo, Que Que, Gatooma, Gwelo, Salisbury et Umtali. À Umtali Mr et Mme Gunn acceptèrent la vérité. Les deux frères visitèrent encore Wankie, centre de production charbonnière. Ils en profitèrent pour aller voir les chutes Victoria, un des plus beaux spectacles du monde. On leur fit également visiter une mine. Mais ils observèrent les ordres de la police et s’abstinrent de prendre contact avec les Africains de “La Tour de Garde” qui travaillaient dans cette mine. Après une visite de plusieurs mois, pendant laquelle ils placèrent 4 200 publications et suscitèrent de l’intérêt en plusieurs endroits, ils rentrèrent en Afrique du Sud à temps pour assister à l’assemblée annuelle du Cap, à la fin de décembre 1926.

UN NOUVEAU CHANGEMENT AU CAP

Au Cap, à la petite filiale, les choses n’allaient pas trop bien. Frère Walder, surveillant de filiale, avait été auparavant membre de la filiale anglaise et il avait l’habitude de s’occuper d’un champ relativement grand, le champ britannique, et de tenir de grandes réunions à l’ancien “Tabernacle” de Londres. Quand il arriva au Cap, tout lui avait semblé différent et très petit. Pendant le peu de temps qu’il fut surveillant de filiale en Afrique du Sud, il y eut quelques progrès, mais, à ses yeux, ils avaient été bien lents et insignifiants. Cela fut pour lui une épreuve. Il quitta le pays à la fin de 1927, après un séjour de trois ans et demi.

Frère Rutherford désigna aussitôt son adjoint Georges Phillips pour lui succéder à la filiale. Frère Phillips était bien préparé pour ses nouvelles responsabilités. En 1927, il se trouvait déjà depuis treize ans dans le service à plein temps. C’était un homme expérimenté dans le champ et dans le bureau. Il aimait l’organisation de Jéhovah et était loyal envers la Société. C’était un esprit clair et un combattant. Ces qualités lui furent très utiles dans les temps difficiles qui approchaient.

L’œuvre en Afrique du Sud commença bientôt à s’accélérer. Frère Phillips avait entrepris le service à plein temps très jeune et pendant toute sa vie il encouragea les autres à goûter aux joies de servir Jéhovah en tant que pionniers. Il n’est donc pas surprenant que les rangs des colporteurs aient bientôt commencé à grossir.

Quand on lit le récit de leur travail, de leur persévérance face à l’opposition et de leurs efforts infatigables pour pénétrer dans de nouveaux territoires, on se souvient immanquablement de l’activité des apôtres de Jésus Christ, celle dont parle le livre des Actes.

VIOLENCES

Dans les rangs des serviteurs à plein temps se trouvaient Piet de Jager et Henri Myrdal, qui faisaient maintenant équipe et parcouraient le pays en prononçant des discours et en allant voir ceux qui marquaient de l’intérêt. Si en de nombreux endroits le clergé suscitait de l’opposition et tonnait du haut de la chaire et dans la presse, les actes de violence, cependant, étaient rares. Mais le jour où de Jager et Myrdal arrivèrent à une petite ville appelée Dewetsdorp, dans l’État libre d’Orange, l’opposition se transforma en violence. Comme d’habitude, les deux frères avaient loué une salle. Ils préparèrent les feuilles d’invitation avec leur petit tampon de caoutchouc, puis ils annoncèrent le discours. Ils avaient loué le théâtre de la ville, mais le matin du jour du discours, le propriétaire les informa qu’il leur refusait la salle. Le ministre de l’Église réformée néerlandaise l’avait averti que s’il permettait que ce discours ait lieu ses ouailles boycotteraient le théâtre.

Que faire ? Les deux frères allèrent trouver les autorités municipales qui leur accordèrent l’autorisation de faire un discours sur la place du marché. Ils préparèrent aussitôt de nouvelles feuilles d’invitation et les distribuèrent le plus vite possible. Le discours eut lieu ce soir-​là. Il y avait soixante-quinze personnes dans l’assistance.

Le discours venait à peine de commencer quand la foule s’avança vers l’orateur et se mit à le conspuer. Les cris augmentèrent. Soudain frère Myrdal, debout près de l’orateur, reçut un grand coup sur la tête, qui lui fit presque perdre conscience. Heureusement un policier en civil se trouvait là et fut témoin de la scène. Derrière la foule s’agitait le pasteur de l’Église réformée néerlandaise, qui excitait ses ouailles et provoqua, de propos délibéré, cet acte de violence. Certains furent arrêtés. Ils durent comparaître le lendemain devant le tribunal et reçurent une amende. Nullement ébranlés, les deux frères continuèrent leur tournée de conférences.

En 1928, la puissante résolution “Déclaration contre Satan et pour Jéhovah” avait été adoptée dans l’enthousiasme à l’assemblée de Detroit (États-Unis). Ce message était la conclusion d’une série de sept messages annuels. À l’occasion de la même assemblée de Detroit, l’émouvant discours “Un chef pour l’humanité”, prononcé par Rutherford, fut retransmis par un réseau qui mettait à contribution 107 stations de radio. Au Cap, quelques-uns se souviennent encore d’avoir écouté ce discours sur ondes courtes. Outre cette retransmission d’Amérique, des dispositions furent prises en vue de faire des discours sur les ondes, grâce à la Compagnie de radiodiffusion africaine, la seule compagnie de radiodiffusion sud-africaine. On reçut l’autorisation de diffuser sept discours en 1928, à partir des trois studios situés au Cap, à Johannesburg et à Durban. Ainsi la bonne nouvelle atteignit des lieux très éloignés et beaucoup entendirent le message du Royaume pour la première fois.

Vers la fin de 1920, une campagne d’expédition postale fut entreprise par les frères. Son but était de toucher les gens qu’on ne pouvait atteindre par le porte à porte. L’un des frères du Cap, Frank Smith, assuma tous les frais que représenta l’envoi de 50 000 brochures aux fermiers, aux gardes forestiers, bref à tous ceux qui vivaient dans des endroits difficilement accessibles. Ce sont les membres de l’ecclésia du Cap qui se chargèrent de la mise sous enveloppe et des adresses. Le résultat ne se fit pas attendre. On reçut de nombreuses commandes de publications et des lettres d’encouragement qui montraient toute la consolation et la joie que la bonne nouvelle apportait aux personnes isolées. Les ecclésiastiques réagirent comme d’habitude, par des calomnies dans la presse.

LE SUD-OUEST AFRICAIN ENTEND LA BONNE NOUVELLE

C’est grâce à ces envois postaux que le message du Royaume pénétra dans le Sud-Ouest africain, c’est-à-dire dans la partie la plus vaste de ses 723 588 km2 de désert ou de terrain semi-désertique. Le long du littoral occidental et sur 150 kilomètres environ s’étend le grand désert de Namib. La population, clairsemée, qui compte 610 000 individus, dont 60 000 Blancs, se compose de Sud-Africains, d’Allemands et d’Anglais pour ce qui est des Européens et, pour ce qui est des Africains, de Hereros, d’Ovambos, de Namas ou Hottentots, de Damaras et de Boschimans. N’oublions pas non plus un groupement qui s’appelle fièrement “Basters” (littéralement : “Hybrides”), car ces métis sont issus du croisement des premiers colons blancs avec les Hottentots.

En 1928, ce pays était vierge en ce qui concernait l’œuvre du Royaume. Mais en cette année-​là, lorsque commença la campagne d’expédition postale, on réussit à se procurer un répertoire des adresses de ce pays. On envoya alors une brochure (The People’s Friend) à toutes les adresses qui paraissaient dans le répertoire. Une des graines du Royaume tomba sur un bon sol, d’une manière inhabituelle.

Un homme nommé Bernhard Baade qui, à cette époque, travaillait dans une mine, recevait ses œufs d’un fermier des environs. Un jour, les œufs arrivèrent enveloppés dans les premières pages de la brochure mentionnée plus haut. Il commença à lire et bientôt son intérêt fut éveillé. Mais, pour pouvoir poursuivre sa lecture, il dut attendre d’autres arrivages d’œufs enveloppés dans les pages suivantes de la brochure. L’homme commanda des publications et il ne tarda pas à prendre position pour la vérité.

L’année suivante, en 1929, sœur Lenie Theron fut envoyée d’Afrique du Sud à Windhoek, dans le Sud-Ouest africain. De là elle alla visiter les principales localités du pays, parcourant près de 8 000 kilomètres. Beaucoup de gens avaient reçu la brochure envoyée l’année précédente et marquèrent leur gratitude. La sœur répandit une énorme quantité de publications. En quatre mois, elle plaça 6 388 livres et brochures en anglais, en afrikaans et en allemand.

Pendant que sœur Theron se dépensait dans le Sud-Ouest africain, sa compagne, Elisabeth Adshade, fut envoyée en Rhodésie du Sud. Elle rencontra pas mal d’opposition de la part de la police et des magistrats, mais elle persévéra avec courage et visita toutes les agglomérations européennes du pays.

En 1929, le message du Royaume atteignit une vaste étendue de l’immense champ sous la surveillance de la filiale d’Afrique du Sud. À ce propos, voici ce que dit l’Annuaire de 1930 : “Des demandes de publications nous sont parvenues par la poste depuis le Kenya, en Afrique-Orientale britannique ; le Tanganyika et le Nyassaland, en Afrique-Centrale britannique ; et le Congo belge.”

LES PROBLÈMES N’EMPÊCHENT PAS LES PROGRÈS

Frère Paul Smit, notre ancien écolier de Nylstroom, se trouvait à Pretoria à la fin des années vingt. Il raconte que le groupe de Pretoria traversait une crise et voici ce qu’il relate entre autres : “Il n’y avait pas de progrès dans le groupe et, quand se fit l’organisation pour le service, le groupe fut ébranlé et deux membres quittèrent ses rangs. En ce temps-​là, l’un des anciens (frère Mœller) était en train d’écrire un livre, bien que la Société lui eût dit qu’elle n’y tenait pas. Je lui demandai de renoncer à son entreprise, mais il refusa. Un dimanche matin, après la parution de son ouvrage, il en apporta plusieurs exemplaires à la salle et nous pria de l’aider à le propager. J’ai été scandalisé et je lui ai dit carrément que je m’opposerai à quiconque s’opposerait à la Société.” Cela vexa les anciens qui quittèrent nos rangs, eux et leurs disciples. Il ne resta qu’une sœur âgée et infirme, ainsi que frère et sœur Smit.

Peu après, frère et sœur Steynberg vinrent s’établir dans la région de Pretoria. Cela fut un grand encouragement pour le tout petit groupe de Pretoria et cela fit également beaucoup de bien aux Steynberg. Le groupe de Pretoria venait de traverser une pénible période de purification mais, à partir de ce moment, les progrès furent sensibles et constants.

Après le groupe européen de Pretoria, voyons maintenant ce qui se passait chez les Africains de l’endroit. Frère Hamilton Kaphwitt, de Bulawayo, vint s’installer à Pretoria en 1927. Comme il n’y avait pas à l’époque de réunions africaines dans cette ville, il allait assister aux réunions africaines de Johannesburg. Puis, en 1931, un frère nommé Mulauzi arriva du Nyassaland et se joignit à frère Kaphwitt. Tous les deux commencèrent à étudier La Harpe de Dieu ensemble. Pendant longtemps les réunions pour les frères africains se tinrent, à Pretoria, au domicile de Hamilton Kaphwitt. Encore de nos jours, nombre de congrégations africaines dans les “localités” à proximité des villes européennes se tiennent dans des demeures privées. Jusqu’à présent le gouvernement et les autorités municipales ont fait obstacle à la construction de Salles du Royaume pour Africains.

En janvier 1930, frère Phillips se maria et sa femme fit partie du personnel du bureau. En 1930, d’autres éléments vinrent se joindre à eux. Ce furent Llewelyn Phillips et Georges Spence. Llewelyn Phillips venait du pays de Galles ; il n’était pas parent avec Georges Phillips. Il avait une bonne expérience dans le service de pionnier et avait servi pendant plusieurs années au Béthel de Londres.

C’est également au début des années trente que la filiale du Cap commença à produire des brochures dans les langues du pays (en xhosa, zoulou et sesotho). La Harpe de Dieu parut en xhosa et la brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde fut publiée en zoulou.

EN AFRIQUE ORIENTALE

En 1931, un autre champ commença à s’ouvrir, celui de l’Afrique-Orientale britannique. Il était formé par des territoires qui sont devenus aujourd’hui trois pays distincts : le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie (qui, elle, se compose du Tanganyika et de Zanzibar). Au début des années trente, tous se trouvaient sous la juridiction britannique. Avec la montée des nationalismes africains, ces États obtinrent l’un après l’autre leur indépendance. En 1962, le Tanganyika devint la république indépendante de Tanzanie au sein du Commonwealth britannique. L’Ouganda devint indépendant la même année et le Kenya en 1963. La population se compose d’une multitude de nationalités et de tribus et on y parle une foule de langues. Heureusement que le souahéli est la langue qui permet de se faire comprendre dans toute l’Afrique orientale.

Sur le plan religieux, l’expression “Afrique noire” est tout à fait appropriée. En effet, la plupart des indigènes sont membres de religions païennes. Les missions de la chrétienté, tant catholiques que protestantes, sont actives depuis bien des années, mais, comme dans les autres régions d’Afrique, elles n’ont pas produit des chrétiens qui ‘adorent avec l’esprit et la vérité’. (Jean 4:24.) Mais à quelle époque les premiers rayons de vraie lumière commencèrent-​ils à éclairer cette région noire au sens spirituel ?

Vers cette époque-​là, au Cap, un nouveau frère nommé Gray Smith participait au service de colporteur auxiliaire. Son frère aîné, Frank, connut, le premier, la vérité, mais en 1928 Gray se mit, lui aussi, à étudier sérieusement. Il fut baptisé en 1929 et presque aussitôt il entreprit le service de colporteur auxiliaire. Plus tard, il se joignit à Frank pour un voyage fort intéressant en Afrique orientale.

En 1931, tous les deux furent envoyés au Kenya pour voir s’il était possible de propager la bonne nouvelle en Afrique orientale. Le Kenya était alors un protectorat britannique, avec une population de 4 000 000 d’individus, dont 25 000 Européens. Les deux frères prirent une automobile qu’ils convertirent en caravane, puis ils s’embarquèrent à bord du “Saxon Castle”, qui se rendait à Mombasa, port du Kenya. De là ils firent à bord de leur caravane les 650 kilomètres qui les séparaient de Nairobi, la capitale, où ils avaient envoyé quarante cartons de livres. En raison du mauvais état des routes, il leur fallut huit jours pour faire le trajet. Ils parcoururent Nairobi et placèrent tous les livres en un mois. Beaucoup d’Indiens originaires de Goa prirent des livres, mais la plupart de ces publications furent rassemblées par les prêtres catholiques, qui les brûlèrent.

Pendant le voyage du retour, les deux frères contractèrent la malaria. À l’époque, c’était une maladie fort grave. Ils s’embarquèrent à bord d’un navire qui venait de Dar-es-Salaam, mais ils devinrent si malades qu’il fallut les débarquer à Durban et les conduire à l’hôpital. Frank Smith ne reprit plus conscience. Il mourut. Quant à Gray Smith, il réussit à s’en tirer à grand-peine et dut rester quatre mois à l’hôpital. Cependant, vers la fin de 1931, il fut de retour au Cap.

Vers ce temps-​là, en Angleterre, un jeune homme nommé Robert Nisbet venait de renoncer à un bon emploi dans un laboratoire pharmaceutique londonien et s’apprêtait à entreprendre le service de pionnier. Frère Rutherford, qui se trouvait alors à Londres, l’envoya chercher et lui dit : “Nous cherchons quelqu’un qui soit disposé à aller au Cap. Veux-​tu y aller ?” Robert répondit par l’affirmative.

En arrivant au Cap, on montra à frère Nisbet tout un arrivage de publications qui devaient être envoyées par bateau en Afrique orientale. Il y avait deux cents cartons ! Frère Nisbet avait entendu parler du voyage des frères Smith et savait ce qui était arrivé à Frank. Malgré cela, il accepta avec empressement d’aller en Afrique orientale. David Norman l’accompagna. Ils devaient visiter les territoires du Kenya, de l’Ouganda, du Tanganyika et de Zanzibar. Quel champ immense !

Pour se protéger contre la malaria, ils dormaient sous des moustiquaires et prenaient des doses massives de quinine, qu’on pouvait se procurer à tous les bureaux de poste. Ils portaient aussi le casque colonial. C’est le 31 août 1931 qu’ils commencèrent à Dar-es-Salaam, capitale du Tanganyika, leur campagne de témoignage. Ce ne fut pas toujours facile, comme le montre ce commentaire de frère Nisbet : “La réverbération du soleil sur les rues blanches, la chaleur d’étuve et la nécessité où nous étions de porter de lourdes charges de publications, voilà quelques-unes des difficultés qu’il a fallu affronter. Mais nous étions jeunes et nous y prenions plaisir.”

En moins de quinze jours, ces deux pionniers énergiques avaient placé près d’un millier de livres et de brochures de toutes les couleurs. Cela provoqua la colère du clergé et bientôt une note parut sur le tableau d’affichage de l’église catholique, note qui attirait l’attention des paroissiens sur la loi canonique n1399 qui interdit aux catholiques de garder chez eux des publications de cette nature. La plupart de ces imprimés furent répandus parmi les Indiens. N’ayant pas de publications en souahéli et aussi en raison de l’analphabétisme des Africains parlant cette langue, les frères ne purent travailler parmi ces derniers.

De Dar-es-Salaam, ils se rendirent à Zanzibar, île située à une trentaine de kilomètres de la côte et qui fut autrefois un centre de traite d’esclaves. La ville de Zanzibar, avec son enchevêtrement de rues étroites, où un étranger se perdait facilement, baignait dans le parfum du giroflier ; Zanzibar, en effet, approvisionne le monde entier en clous de girofle. Sa population compte 250 000 individus, dont 300 Européens qui formaient alors la société dirigeante. La plupart des habitants ne parlaient que le souahéli, et il y avait 45 000 Indiens et Arabes. De nombreux livres furent répandus parmi les Indiens et quelques-uns chez les Arabes, mais là aussi, puisque la plupart des gens ne parlaient que le souahéli, la majorité ne fut pas touchée par le message.

Après un séjour de dix jours à Zanzibar, ils s’embarquèrent pour Mombasa. Leur destination était les hautes terres du Kenya où il y a abondance de légumes et de fruits frais et où règne un climat tempéré. Ils voyagèrent en chemin de fer et visitèrent les localités le long de la voie ferrée, jusqu’au lac Victoria. Ils traversèrent cette mer intérieure (400 km de long et 140 km de large) et arrivèrent à Kampala, capitale de l’Ouganda. Ils y répandirent une grande quantité de livres et recueillirent des abonnements à L’Âge d’Or. À quatre-vingts kilomètres de là, dans la jungle, quelqu’un vit son ami lire avec enthousiasme le livre Gouvernement. Il vint à Kampala pour aller trouver les jeunes gens qui diffusaient ces publications. Il prit un exemplaire de tous les livres et s’abonna à L’Âge d’Or.

Avant d’entreprendre en voiture le voyage du retour, ils visitèrent encore une ville située à une quarantaine de kilomètres à l’intérieur du pays. Ils étaient réjouis de savoir qu’ils avaient pu porter, les premiers, le message du Royaume si loin à l’intérieur de l’Afrique. Ils revinrent de cette ville par un autre chemin et eurent la joie de pouvoir visiter les chutes Ripon, la source du Nil. Alors qu’ils faisaient route vers Mombasa, ils firent encore quelques agglomérations le long de la voie ferrée. À Mombasa, ils prêchèrent dans une chaleur accablante. Après avoir répandu beaucoup de publications et fait deux discours dans cette ville, ils s’embarquèrent à bord du “Llandovery Castle” et firent route vers le Cap, un voyage de près de 5 000 kilomètres.

Au cours de ces deux premiers voyages en Afrique-Orientale britannique, les prédicateurs ont répandu près de 7 000 livres et brochures et ont recueilli de nombreux abonnements à L’Âge d’Or. Certaines des graines sont tombées sur une bonne terre. C’est ainsi que la Société, au Cap, a reçu une lettre de quelqu’un qui lui demandait de lui envoyer tous les livres et toutes les brochures de Rutherford. C’était le directeur d’une mine d’or dans le boundou (région isolée) du Tanganyika. Ainsi, grâce aux efforts de pionniers zélés et courageux, le message pénétrait en Afrique-Orientale britannique et l’œuvre du Royaume progressait.

Oui, en 1931, un champ immense avait été entamé par la poignée de fidèles serviteurs d’Afrique du Sud. Cette année-​là, 68 280 livres furent répandus dans le champ sud-africain et huit assemblées de service eurent lieu pour affermir la foi des frères. Combien étaient-​ils pour accomplir cette œuvre dans un champ aussi vaste ? Une centaine de proclamateurs pour toute l’Afrique du Sud !

EN AVANT, TÉMOINS DE JÉHOVAH !

Ce qui marqua le couronnement de l’année 1931, ce fut la nouvelle qu’au congrès de Columbus (États-Unis) les participants avaient adopté le nom de “témoins de Jéhovah”. Cela réjouit le cœur des serviteurs de Jéhovah dans le monde entier, y compris la petite poignée de chrétiens énergiques d’Afrique du Sud. Nombre de frères furent saisis d’appréhension à l’idée de se servir du glorieux nom de Dieu, mais cela les aida à mieux apprécier leur privilège de proclamer le nom de Jéhovah dans toute l’Afrique du Sud. L’œuvre du Royaume en Afrique du Sud était arrivée à un nouveau tournant.

Au début des années trente, stimulés par le nom biblique de “témoins de Jéhovah”, les frères d’Afrique du Sud allèrent de l’avant avec grand zèle et beaucoup de détermination. Ils recevaient de plus en plus d’armes et d’instruments spirituels, et, en 1932, l’un des instruments les plus puissants fut sans nul doute la brochure spéciale Le Royaume, l’Espérance du Monde. Dans tous les pays, les témoins de Jéhovah diffusaient cette brochure et participaient à la campagne consistant à rendre visite à tous les ecclésiastiques, à tous les hommes politiques et à tous les hommes d’affaires du territoire. Nombre d’entre eux n’avaient jamais été contactés. Maintenant, ils se voyaient offrir leur chance.

Naturellement, il n’est pas toujours facile d’aborder des personnages de haut rang et des membres du parlement. C’est pourquoi les frères profitèrent du fait que plusieurs fois l’an les membres du parlement se rendaient en chemin de fer du Cap, capitale législative, à Pretoria, capitale administrative. Au moment voulu, quand tous ces messieurs attendaient à la gare, les frères arrivèrent et leur offrirent la brochure spéciale. Comme ces hommes avaient plus de 1 500 kilomètres à faire, ils avaient là une bonne occasion de lire la brochure et de réfléchir à son contenu.

Un autre instrument qui commença à être utilisé en 1933 fut les discours enregistrés de frère Rutherford. La Compagnie de radiodiffusion africaine donna son accord pour que ces puissants messages passent sur les ondes chaque mois, depuis les trois stations principales du Cap, de Johannesburg et de Durban. C’est ainsi que le message atteignit beaucoup de foyers — et sans nul doute beaucoup de cœurs — en Afrique du Sud, en Rhodésie du Sud et même en Rhodésie du Nord, à plus de 3 000 kilomètres dans le continent africain. Après avoir écouté ces discours, beaucoup de gens acceptèrent plus volontiers les publications. Au bout d’une année se forma un comité consultatif pour les émissions religieuses. Il se composait d’ecclésiastiques des religions orthodoxes et il réussit à mettre un terme à ces émissions.

Mais il était impossible d’arrêter le zèle des proclamateurs de ce temps-​là. Dans les petites villes, où l’église réformée néerlandaise était le principal édifice du culte à des kilomètres à la ronde, les fermiers se rassemblaient sur la place de l’église les dimanches où se célébrait la Communion (nagmaal en afrikaans, ce qui signifie “repas du soir”). Ils y campaient sous la tente et auprès de leurs chariots attelés de bœufs. Souvent les frères circulaient parmi eux et entamaient des discussions. Les frères parlant afrikaans aimaient tout particulièrement ces débats spirituels et, plus tard, ils en faisaient état dans les réunions de témoignage.

Alors qu’il venait de commencer ses activités de pionnier dans le Transvaal septentrional, Fred Ludick contracta la malaria. Quelques Africains vinrent à son secours. Ils lui firent boire quelque chose extrait d’un fruit sauvage et cela le guérit. Quand, par la suite, son compagnon, Sidney McLuckie, fut atteint, lui, de la fièvre typhoïde, les choses ne s’arrangèrent pas. Voici ce que raconte Fred : “Cet homme de 80 kilos n’en pesa plus qu’une quarantaine au bout de quelques semaines, puis il mourut. Nous l’avons enterré au pied des montagnes de Cala dans le Transkei (Province du Cap).” Ainsi un autre fidèle serviteur de Jéhovah avait donné sa vie dans l’œuvre du Royaume.

Pendant un temps, frère Ludick servit dans le Bushveld du Transvaal septentrional. Il travailla dans ce territoire avec un petit groupe qui comptait dans ses rangs frère Muller et sa famille. Au début des années trente, frère Muller accomplit un travail énorme dans tout le Transvaal du nord et jusque dans le Cap septentrional. Il en aida beaucoup à parvenir à la connaissance de la vérité.

Bien entendu, il y avait aussi des difficultés. Par exemple, un jour Fred Ludick se rendit à un poste missionnaire catholique. Il y rencontra un prêtre auquel il se mit à expliquer le but de sa visite. Il nota que le visage de l’ecclésiastique devenait de plus en plus pourpre. Soudain celui-ci se précipita dans le bâtiment et revint armé d’un fusil qu’il pointa sur frère Ludick. Fred garda son sang-froid, pivota sur ses talons et revint à sa voiture. Un frisson lui descendit alors le long du dos.

À cette époque, frère Ludick avait renoncé à la bicyclette, lui préférant une Fiat modèle 1928, dont les roues avaient des rayons en bois. Frère Muller et lui parcoururent à bord de ce véhicule une vaste région du Bushveld. Ils durent souvent dormir à la belle étoile, et il leur arrivait de percevoir dans leur sommeil le rugissement des lions. Mais après une dure journée passée dans le service, où ils avaient été cahotés sur les routes et avaient dû réparer crevaison sur crevaison, ils dormaient comme des souches, sans se soucier outre mesure des lions. Ils avaient aussi des ennuis avec les freins de la voiture. Un jour, alors qu’ils passaient par un endroit particulièrement dangereux (Soutpans Berg Pass), ils durent attacher une corde aux rayons des roues avant et tirer dessus de toutes leurs forces, et cela chaque fois que la voiture devait dévaler une pente raide ! Après un voyage pareil, les deux prédicateurs étaient tout heureux de revenir à la ferme des Muller, où les attendaient sœur Muller et ses enfants. Ceux-ci recevaient une excellente éducation au foyer et, plus tard, certains d’entre eux entreprirent le service à plein temps. Deux d’entre eux servent toujours à la filiale d’Afrique du Sud. L’un d’eux, Frans Muller, est l’actuel surveillant de filiale.

STE-HÉLÈNE REÇOIT LE TÉMOIGNAGE

Pendant que toute cette activité avait lieu au Transvaal, des pionniers s’apprêtaient à faire le voyage de Ste-Hélène, une toute petite île de l’océan Atlantique, à environ 2 000 kilomètres de la côte occidentale de l’Afrique. C’est une île de 122 km2 et qui compte 5 000 habitants, dont la plupart sont des gens de couleur très pauvres. C’est là que fut exilé Napoléon, de 1815 à 1821.

Gray Smith, qui s’était remis de sa grave maladie après le voyage en Afrique orientale, était disposé à faire de nouveaux efforts et faisait ses préparatifs pour se rendre à Ste-Hélène. Son compagnon fut Hal Ancketill, fils de l’ancien surveillant de filiale Henri Ancketill. Tous deux se munirent d’une ample provision de publications et, quand ils furent arrivés sur les lieux, ils firent l’île à fond. Ils placèrent 1 100 publications.

C’est ainsi que, grâce à cette visite, Thomas Scipio accepta la vérité et se mit à annoncer le Royaume. Quand il quitta la police, Scipio, qui avait alors soixante ans, devint pionnier et assura sa subsistance en cultivant des légumes. Son fils, Georges Scipio, devait devenir le premier surveillant de la congrégation qui fut formée par la suite dans l’île.

Frère Thomas Scipio comprit dès le début qu’il devait annoncer la bonne nouvelle du Royaume. Courageusement, il donna le témoignage aux gens de sa parenté et aux autres insulaires. Un an plus tard, il y en eut d’autres qui se joignirent à lui dans l’œuvre du témoignage et, dès qu’il fut question d’utiliser le phonographe et les discours enregistrés, il se procura l’appareil et les disques. Pendant des années, ce moyen se révéla très efficace pour donner le témoignage à ceux qui voulaient bien écouter.

En 1935, un petit groupe de six proclamateurs fut formé à Jamestown, l’unique ville de l’île. Les activités de cette poignée de proclamateurs fidèles ne furent pas sans porter des fruits. Ils se multiplièrent. Un des nouveaux frères, qui était propriétaire d’un café, se procura un phonographe et il saisissait toutes les occasions pour faire entendre les disques à ses clients. En 1939, il y avait deux groupes, l’un à Jamestown et l’autre à quelques kilomètres de là, à Longwood, où fut détenu Napoléon.

DE NOUVEAU DANS LE SUD-OUEST AFRICAIN

Après cette visite réussie à Ste-Hélène, frère Smith décida de se rendre dans le Sud-Ouest africain en 1935. Il emmenait avec lui sa femme et ses enfants. Ils avaient une fourgonnette équipée d’un phonographe dernier modèle.

Ils connurent de nombreuses joies de service. En cinq mois, ils répandirent 13 000 livres et brochures et recueillirent 70 abonnements à L’Âge d’Or. Les ecclésiastiques, pasteurs luthériens, prêtres catholiques et pasteurs de l’Église réformée néerlandaise, furent fort mécontents. En un certain endroit, le pasteur de l’Église réformée néerlandaise accusa frère Smith de vendre des livres sans autorisation. Le juge devant lequel il dut comparaître se contenta de rire et prit lui-​même des publications.

De nouveau quelques graines de vérité tombèrent sur de la bonne terre. Un homme du sud, Abraham de Klerk, qui s’était procuré quelques publications, fut convaincu que c’était là la vérité. Il resta attaché à sa nouvelle foi et enseigna sa famille aussi bien qu’il put. Jéhovah bénit ses efforts, car sa femme et plusieurs de ses enfants acceptèrent la vérité. “Oom” (oncle) Abraham, un des premiers témoins du Sud-Ouest africain, servit fidèlement Jéhovah jusqu’au jour de sa mort survenue vers la fin des années soixante.

LE SWAZILAND PENDANT LES ANNÉES TRENTE

Passons maintenant dans la partie orientale de l’Afrique du Sud et visitons un autre pays, le Swaziland. Il est entouré sur ses trois côtés par le Transvaal et, à l’est, il a une frontière commune avec le Mozambique. Sa superficie est d’environ 17 350 km2. Sa population compte 420 000 individus, dont quelques milliers seulement sont Européens.

Des pionniers sont allés au Swaziland au début des années trente et un grand témoignage fut donné dans le pays. Ils ne se bornèrent pas à prêcher aux Européens habitant les villes, ils rendirent encore visite au chef suprême du peuple swazi, le roi Sobhuza II. Cet homme se montra très aimable à l’égard des témoins et les accueillit solennellement dans son kraal. Il convoqua sa garde du corps, qui se composait d’une centaine de guerriers, pour que tous puissent entendre une sélection musicale et écouter un discours enregistré de Rutherford, président de la Watch Tower Bible and Tract Society. Frère Ludick, qui était présent, raconte que le souverain était entouré de ses cinquante épouses !

Robert et Georges Nisbet eurent, eux aussi, l’occasion de donner le témoignage au roi. Après avoir écouté plusieurs enregistrements de frère Rutherford, le roi fut si content qu’il voulut acheter l’appareil, les disques et le haut-parleur. Cela mit les pionniers dans l’embarras. Ils réussirent finalement à satisfaire le roi en lui laissant une grande provision de publications.

L’ÎLE MAURICE ET MADAGASCAR

En 1933, la filiale d’Afrique du Sud décida d’envoyer deux pionniers expérimentés dans l’île Maurice et à Madagascar. Il fut demandé à Robert Nisbet et à Bert McLuckie de visiter ces deux îles. Ils se rendirent d’abord dans l’île Maurice.

Avant de quitter Durban pour se rendre dans l’île Maurice, ils étudièrent pendant quelque temps le français, qu’ils croyaient être la langue principale. Quand ils arrivèrent sur les lieux, ce fut pour constater que les insulaires parlaient le créole, une sorte de dialecte ou patois français. Les pionniers n’arrivaient donc pas à se faire comprendre. Les choses étaient encore plus difficiles pour frère Nisbet, à cause de son fort accent écossais. Il lui arriva même de s’entendre dire à une porte : “S’il vous plaît, parlez-​moi en anglais, car je ne comprends pas votre langue !”

L’île était sous influence catholique. Aussi nos deux frères rencontrèrent-​ils bientôt des difficultés. Des plaintes, inspirées par les prêtres, parvinrent à la police, qui télégraphia en Afrique du Sud pour s’assurer de l’identité des frères. La police reconnut aux frères le droit de prêcher, mais elle les avertit qu’ils ne pouvaient tenir des réunions sans permission et que, dans leur cas, cette autorisation ne leur était pas accordée. D’autre part, le journal local, La vie catholique, mit ses lecteurs en garde contre ces deux “faux prophètes”. Cela eut un effet sur le nombre de publications placées, mais cela ne diminua en rien la joie et la détermination de nos frères en quête de “brebis”.

À l’époque, le cardinal catholique Hinsley, de Grande-Bretagne, rendait visite à l’île. Il devait officier à des cérémonies d’installation : un prêtre devait être fait évêque de l’île. On voyait partout des prêtres et des dignitaires de l’Église, qui étaient venus assister aux cérémonies. Cela donna aux pionniers une excellente occasion d’offrir la brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde. C’est Robert Nisbet qui tendit la brochure au cardinal Hinsley en personne. Il l’accepta sans mot dire. Bert McLuckie en offrit une au nouvel évêque, qui la prit, la déchira en morceaux et la jeta dans la corbeille à papiers.

En ce temps-​là, dans l’île Maurice, le tarif des transports était très bas, probablement le plus bas du monde. Par exemple, on pouvait faire le tour de l’île en train, puis de nouveau en autobus et en train, le tout pour une demi-couronne (0,35 dollar). C’est ainsi que les pionniers purent visiter tous les recoins de l’île. Outre les publications en français, ils placèrent des brochures en chinois et dans diverses langues indiennes, telles que le tamil, l’ourdou et l’hindi. Il arriva que l’éditeur d’un journal indien fut si intéressé par un long article de L’Âge d’Or, qui démasquait l’hypocrisie de l’Église catholique, qu’il décida de le faire paraître en plusieurs parties dans son quotidien. Mais avant qu’il pût publier la conclusion, la police était intervenue. Elle l’avertit de bien réfléchir aux conséquences. L’homme arrêta la publication de l’article. Malgré toute cette opposition de la part des prêtres, les pionniers achevèrent leur travail.

Leur séjour dans l’île Maurice fut un grand témoignage. Ils laissèrent derrière eux un petit groupe qui fit du témoignage occasionnel. Comme frère Nisbet et frère McLuckie ont dû être heureux de voir le fruit de leur travail ! Mais qu’arriva-​t-​il quand ils visitèrent Madagascar ?

Cette île immense située au large du littoral sud-est de l’Afrique a environ 1 600 kilomètres de long. La côte orientale est balayée par les moussons et connaît un climat très pluvieux. Mais les autres parties de l’île ont un climat plus sec. On rencontre donc dans l’île toutes sortes de végétations : plantes du désert et plantes tropicales.

Madagascar compte une population d’environ six millions d’individus d’origines diverses. Il semble que les Arabes et les Hindous y installèrent des comptoirs dès les temps anciens. Depuis, Portugais, Français et Anglais tentèrent tous de coloniser l’île. Finalement, ce sont les Français qui en prirent possession. Depuis lors, la culture et la langue françaises ont eu une forte influence sur les habitants de l’île. Cela veut dire que dans les années trente, quand les témoins de Jéhovah vinrent pour la première fois dans l’île, c’est la religion catholique qui était la religion dominante.

Robert Nisbet et Bert McLuckie arrivèrent à Madagascar en 1933. Usant de prudence, ils commencèrent leur travail à Tamatave, le port principal, où ils avaient débarqué. Ils firent rapidement le territoire, répandant beaucoup de publications. Puis ils se rendirent à Tananarive, la capitale, située à l’intérieur de l’île.

Quand ils furent arrivés à Tananarive, ils tombèrent un jour sur un marchand grec qui possédait des publications de la Société, traduites dans sa langue. Ce sont des gens de sa parenté, qui habitaient Brooklyn, qui les lui avaient envoyées. Cela encouragea les frères. Quelle joie encore quand ils entendirent cet homme hospitalier offrir de les loger gratuitement dans une pièce au-dessus de son magasin !

Frère Nisbet et frère McLuckie ne réussirent pas à fonder un groupe lors de leur séjour. Il faut dire que la langue fut une véritable barrière, car très peu de gens comprenaient l’anglais. Ils restèrent néanmoins à Tananarive jusqu’à épuisement de leur stock de publications, puis ils retournèrent en Afrique du Sud. C’est ainsi que de nombreuses graines de vérité furent semées dans l’île.

PREMIERS EFFORTS AU MOZAMBIQUE

Le Mozambique était un autre champ immense, pratiquement vierge. Ce pays, presque entièrement plat, a une superficie de 776 970 km2. C’était une possession portugaise dont la population compte aujourd’hui 6 650 000 individus, dont très peu de Blancs. La capitale s’appelle Lourenço Marques, port important situé près de la frontière de l’Afrique du Sud, à l’extrême sud. L’autre port important est Beira, à quelques centaines de kilomètres au nord.

L’Église catholique régente ce pays depuis des siècles, bien que la liberté religieuse soit censée y régner et qu’il y ait quelques petites sectes protestantes dans les villes. Dans les fermes on avait recours au travail forcé, en payant très mal la main d’œuvre. D’autre part, les peines infligées aux Africains étaient très sévères. Par contre, dans ce pays il n’y a pas de discrimination raciale officielle. On n’y voit donc pas de pancartes avec ces mots “Réservé aux Européens”, ni de ségrégation dans les transports, les banques et les magasins. Mais il y a une distinction entre les Africains, entre les Africains “non civilisés” et les Africains “civilisés” appelés assimilados. Tout Africain peut passer de la condition de “non civilisé” à celle de “civilisé”, grâce à un processus juridique. Il doit subir certains examens et devient alors un homme “blanc”. Ce n’est plus un “Noir”, quelle que soit la couleur de sa peau. L’Africain qui désire accéder à cette nouvelle condition doit déposer sa demande au tribunal local. Il doit prouver qu’il sait lire et écrire le portugais, qu’il appartient à la religion chrétienne (catholique), qu’il subvient sans peine à ses besoins et qu’il est disposé à vivre à l’européenne. Ce qui importe surtout, c’est qu’il soit à même d’adopter le mode de vie des Blancs. Il a alors droit au passeport. Ses enfants reçoivent un enseignement gratuit et lui a le droit de voter. Mais il doit faire son service militaire et payer un impôt sur le revenu assez élevé. Il n’y a que très peu d’Africains qui sont capables de changer de condition.

En 1925, les graines du Royaume étaient tombées sur un bon sol parmi les Africains de cette partie de la terre, et pendant plusieurs années elles ont grandi sans obstacle. Mais à la fin des années trente, les autorités procédèrent à un contrôle, pour savoir quels étaient ceux qui s’étaient abonnés à La Tour de Garde. Il y eut pas mal d’arrestations. Ceux qui furent jetés en prison dans le sud du Mozambique y rencontrèrent des détenus qui étaient du Nyassaland. Tous ensemble, ils formaient un groupe assez nombreux. Ce n’est qu’après deux ou trois ans qu’ils furent finalement jugés. Certains furent condamnés à la déportation pour douze ans à la colonie pénitentiaire de Sao Tomé, tandis que les autres furent envoyés pour dix ans dans les camps de travail au nord du Mozambique. La sentence disait qu’il ne fallait pas qu’ils soient ensemble en un même lieu, car alors toute la région serait ‘empoisonnée par leur enseignement, qui est très puissant’.

Dans le groupe des condamnés se trouvait un frère appelé Mahlanguana. Il se souvient que l’un des lieux où il travailla dans le nord était une grande plantation de cocotiers, près du petit port d’Antonio Enes. Un jour, le chef de la police vint faire une inspection et le surprit en train de préparer un sermon biblique. Il signala le fait au directeur de la colonie pénitentiaire, qui répondit qu’il n’y avait là rien de dangereux. Le chef de la police, cependant, fit fouetter le frère et l’envoya en prison pour quatre mois. Des années plus tard, après avoir purgé sa peine, frère Mahlanguana est revenu à Vila Luiza. La prédication du Royaume y avait cessé. Mais, dès son retour, l’intérêt se ranima, l’œuvre reprit un nouveau départ.

C’est ainsi que l’œuvre se revivifia dans le champ africain au sud du Mozambique. Mais qu’en fut-​il des Européens ?

C’est en 1929 que le premier Européen arriva à Lourenço Marques et se mit à donner le témoignage aux Blancs, aux Portugais. C’était Henri Myrdal, qui avait cessé le service de pionnier pour se marier avec Edith Thompson. Tous les deux ont dû mener le combat tout seuls, et, quelquefois, non sans difficulté. Mais en 1933 Piet de Jager qui, entre-temps, avait épousé Lenie Theron, sœur très zélée dans les rangs des colporteurs, fut envoyé par la Société dans le champ européen du Mozambique. Frère et sœur de Jager firent tout le territoire européen et répandirent une grande quantité de publications en anglais et en portugais.

Deux autres pionniers allèrent à Lourenço Marques en 1935, mais ils n’y restèrent que fort peu de temps, et pour cause. C’étaient Fred Ludick et David Norman. Ils allèrent loger chez les Myrdal. Voici leur histoire : “Le cinquième jour de notre activité, alors que, comme deux touristes bien élevés, nous prenions le thé sur la place publique, David me dit : ‘Fred, ne regarde pas de ce côté, mais à gauche. Il y a là-bas deux messieurs qui nous observent depuis près d’une demi-heure.’ (...) Quand nous sommes rentrés chez nous ce jour-​là, sœur Myrdal nous a dit : ‘La police secrète est venue vous chercher plusieurs fois.’ Elle n’avait pas encore fini de parler que la voiture cellulaire tourna l’angle de la rue, faisant marcher sa sirène. On nous embarqua aussitôt dans la Marie noire (la voiture cellulaire qui servait à transporter les criminels).”

Les deux frères comparurent devant un haut fonctionnaire, Senhor Teixeira. David Norman n’eut pas peur de lui dire que c’était l’évêque qui se tenait derrière tout cela. Il le blessa au vif, car l’homme se leva d’un bond et hurla : “Si vous étiez mes concitoyens, je vous ferais déporter tout de suite à l’île de Madère, mais comme vous êtes des citoyens sud-africains, je vais vous faire expulser sur-le-champ.” Ce jour même, les frères furent emmenés de Lourenço Marques et dirigés vers la frontière de l’Afrique du Sud. Dans la voiture qui les emportait, ils se virent entourés de policiers armés jusqu’aux dents. Arrivés à la frontière, les frères, qui possédaient encore quelques publications, donnèrent le témoignage aux policiers, leur laissèrent des imprimés et, avant de les quitter, leur serrèrent la main à tous.

L’évêque du Mozambique passa encore à l’action en 1937. Frère Myrdal fut alors convoqué par le chef de la police, qui lui dit que l’évêque s’était plaint auprès de lui. Le prélat affirmait que les publications de la Société diffusées dans le pays étaient susceptibles de provoquer un soulèvement armé, une véritable révolution. Frère Myrdal voulut lui donner des explications, mais le policier refusa de l’écouter et l’avertit que s’il continuait à répandre des imprimés il serait aussitôt expulsé.

Mais frère Myrdal ne se laissa pas intimider. Il demanda à être reçu par le gouverneur général. Il voulait faire appel de la décision de la police. Le gouverneur, qui était un homme aimable, mit l’affaire entre les mains de son adjoint, Senhor Mano. Il se trouva que Mano était une personne raisonnable, catholique de nom, mais en désaccord avec nombre de doctrines de l’Église. Il lut attentivement les publications de la Société et en conclut que l’accusation selon laquelle ces imprimés étaient susceptibles de provoquer une révolution était absolument sans fondement. Il déclara qu’aucune mesure ne serait prise. L’évêque ne réussit donc pas à se débarrasser des témoins de Jéhovah.

Pendant tout ce temps, les employeurs de frère Myrdal se demandaient s’il allait être expulsé. Ils n’avaient pas l’air content ; c’est pourquoi frère Myrdal leur envoya sa démission. Au lieu de l’accepter, ils décidèrent de le faire muter à leur succursale de Johannesburg, mais plus tard, en 1939.

En 1938, on tenta de nouveau d’envoyer des pionniers européens à Lourenço Marques. David Norman revint, cette fois avec un nouveau compagnon, frère Frank Taylor, qui venait d’Angleterre. Mais ils étaient à peine arrivés que la police entra en action. On leur laissa le choix : ou bien ils cesseraient leur prédication, ou bien ils seraient expulsés. La filiale du Cap leur demanda de revenir en Afrique du Sud, mais de laisser tout un stock de publications chez les Myrdal.

Entre-temps, le gouverneur général, personnage sympathique et aimé du peuple, fut rétrogradé par les autorités et muté dans la petite colonie portugaise de Goa, aux Indes. Un fonctionnaire catholique, un homme violent, lui succéda.

Sachant que le séjour des Myrdal au Mozambique allait se terminer, la Société leur demanda d’envoyer des publications à tous les fonctionnaires gouvernementaux du pays. Les Myrdal mirent des centaines de publications en portugais sous enveloppe et, la veille de leur départ, les postèrent dans diverses boîtes aux lettres.

S’il n’a pas été possible d’éveiller dans le champ européen un intérêt véritable, par contre, dans le champ africain, l’œuvre continuait à progresser. En 1940, les proclamateurs africains du Mozambique étaient au nombre de trente-huit. Ils se réunissaient dans quatre centres.

L’ŒUVRE S’ORGANISE AU NYASSALAND

Après la visite de frère Hudson au Nyassaland, en 1925, les quelques personnes qui continuèrent à rechercher la direction de la Société restèrent en contact avec la filiale du Cap. Puis, en 1933 se manifesta un petit noyau d’intéressés qui avaient besoin d’aide. On demanda aux autorités la permission de faire venir un représentant européen au Nyassaland. La demande fut agréée par le gouverneur. En mai 1934, donc, un dépôt fut ouvert dans le pays, à Zomba, sous la direction de la filiale sud-africaine. Autant qu’en put juger la filiale, il y avait environ une centaine d’intéressés au Nyassaland. Bert McLuckie fut envoyé d’Afrique du Sud pour organiser l’œuvre au Nyassaland.

Frère McLuckie se rendit chez Richard Kalinde. Il demeura chez lui pendant environ un mois. Ce frère africain devait lui devenir très proche pendant son séjour au Nyassaland. Bert McLuckie venait tout juste de se mettre à l’œuvre quand il fut terrassé par un accès de malaria qui le cloua sur un lit d’hôpital pendant quinze jours. Une fois remis, il loua deux pièces qui devaient faire office de dépôt de la Société. En attendant, une pièce lui servit de bureau et l’autre de chambre à coucher.

Son travail consistait essentiellement à résoudre la situation confuse créée par les faux “mouvements de la Tour de Garde”. Ce fut moins difficile qu’il le craignait. D’abord, le chef de la police reconnut volontiers que ces faux mouvements africains n’avaient rien à faire avec la Watch Tower Bible and Tract Society. D’autre part, frère McLuckie avait reçu de la filiale du Cap des consignes précises sur la manière de régler la situation. Il visita donc un groupe après l’autre, dans tout le Nyassaland. Dans chaque groupe, il faisait un discours, interprété par frère Kalinde. Puis il lisait la résolution publiée dans la brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde, résolution qui avait trait au nom biblique de témoins de Jéhovah. Il demandait ensuite à tous ceux qui étaient pour la résolution de lever la main. La plupart levaient la main, mais ce qui se passa par la suite devait montrer que beaucoup n’étaient pas sincères.

Frère McLuckie fit d’autres visites aux congrégations, de temps à autre. Il en aida beaucoup à mettre fin au soutien qu’ils apportaient aux faux “mouvements de la Tour de Garde” et à leurs chefs. Pendant qu’il accomplissait toute cette œuvre, bien des aventures lui arrivèrent, car nombre de congrégations se trouvaient en pleine brousse. Il arrivait aux frères de l’endroit de faire des routes sur des kilomètres dans la brousse, pour que sa voiture pût passer et parvenir jusqu’aux lieux de réunion. Il y avait un groupe isolé qu’on ne pouvait atteindre qu’en pirogue, par une rivière infestée de crocodiles. C’était donc un voyage fort dangereux. Frère McLuckie s’asseyait sur un siège au milieu de la pirogue, veillant à ne pas la faire chavirer, tandis que les pagayeurs africains se relayaient. Le frère fut très reconnaissant pour tous les services que lui rendirent ces frères et heureux de voir combien ils appréciaient les choses spirituelles.

Frère McLuckie déploya aussi son activité parmi les Européens du Nyassaland, et, un jour, il visita une localité appelée Karonga. Pour y parvenir, il dut emprunter la route qui dévale la montagne Livingstonia et qui fait des lacets si dangereux qu’il dut la descendre très lentement et faire appel à toute son expérience de conducteur. Arrivé sur les lieux, il rencontra deux commerçants grecs, qui prirent des publications dans leur langue. Plus tard, l’un d’eux prit le baptême.

En novembre 1934, deux pionniers d’Afrique du Sud traversèrent l’Afrique-Orientale portugaise et entrèrent au Nyassaland. Il leur fut possible de donner le témoignage aux petites colonies européennes de Zomba, Blantyre, Limbe, etc. Ils répandirent sept cents livres et brochures. Ce fut, semble-​t-​il, la première fois qu’on faisait du porte-​à-​porte chez les Européens de ces endroits.

C’est ainsi que, finalement, une solide organisation théocratique fut fondée au Nyassaland. On recueillait aussi les rapports d’activité et, pour 1934, les proclamateurs furent en moyenne au nombre de vingt-huit. Peu après, frère McLuckie fut rappelé à la filiale du Cap. Son frère, Bill McLuckie, se chargea du dépôt du Nyassaland, le 17 mars 1935. Il servit fidèlement dans ce pays pendant bien des années.

Au fur et à mesure que s’établissait l’organisation théocratique parmi les intéressés du Nyassaland, le nombre des proclamateurs qui remettaient un rapport augmentait rapidement. En 1935, les 28 proclamateurs de 1934 étaient devenus 340 ! Pendant ce temps, l’opposition se faisait plus vive. Certains missionnaires de la chrétienté poussaient les autorités à prendre des mesures. Ils firent tant et si bien qu’en novembre 1934 une de nos brochures et L’Âge d’Or furent interdits. Mais cela n’arrêta pas l’accroissement, et, en 1937, on compta 48 congrégations, avec un chiffre de pointe de 1 319 proclamateurs.

Peu après, quelques discours furent enregistrés en cinyanja, à la plus grande joie des frères africains. Nombre de congrégations se cotisèrent pour acheter des phonographes. Certains frères allaient pêcher ensemble sur le lac Nyassa, puis vendaient le poisson au marché. Ils mettaient ensuite l’argent dans leur “caisse pour le phonographe”. Dans le nord, les frères achetaient parfois un grand arbre qu’ils abattaient et acheminaient vers le village par la rivière. Puis ils se mettaient à le creuser et en faisaient une pirogue. Ils vendaient le bateau et, avec l’argent de la vente, ils se procuraient un phonographe. Cela représentait des mois de labeur pour les proclamateurs, mais cela leur permettait d’acheter un phonographe et d’augmenter l’efficacité de leur prédication. Cette année-​là parut le livre Richesses, ouvrage qui apporta aux congrégations une nourriture spirituelle substantielle. Et le serviteur du dépôt put signaler dans son rapport que jamais encore il n’avait régné une telle unité parmi les frères.

NOUVEAUX EFFORTS EN AFRIQUE-ORIENTALE BRITANNIQUE

Comme nous l’avons vu plus haut, en 1931 l’Afrique-Orientale britannique reçut la visite des frères Gray et Frank Smith et, par la suite, celle de Robert Nisbet et de David Norman. Ils répandirent quantité de publications durant leur séjour et donnèrent un bon témoignage. Mais voici qu’était venu le temps d’une nouvelle visite.

La troisième campagne en Afrique orientale commença en 1935, quand arrivèrent quatre pionniers d’Afrique du Sud : Gray Smith et sa femme et les deux frères Nisbet : Robert et Georges. Cette fois, ils étaient bien équipés. Ils disposaient de deux grandes voitures de livraison, qui avaient été aménagées (lits, cuisine, réserves d’eau et d’essence, moustiquaires). Grâce à ces véhicules, ils purent atteindre des endroits qui n’avaient jamais reçu le témoignage, malgré l’état des routes que recouvrait parfois une végétation haute de trois mètres. Ils dormaient souvent en pleine brousse et entendaient battre le cœur de l’Afrique avec tous ses animaux sauvages : lions qui peuplaient la nuit de leurs rugissements, zèbres qui paissaient paisiblement, girafes au long cou, masses imposantes des éléphants et des rhinocéros.

Quand ils furent arrivés au Tanganyka, ils se séparèrent. Frère Smith et sa femme restèrent au Tanganyka pendant quelque temps, tandis que les frères Nisbet se rendirent à Nairobi, où les Smith devaient les rejoindre par la suite. Pendant leur séjour au Tanganyka, les Smith furent arrêtés et reçurent l’ordre de retourner en Afrique du Sud. Mais frère Smith décida d’aller à Nairobi, car il possédait un passeport sud-africain avec la mention “sujet britannique de naissance”. En arrivant à Nairobi (Kenya), sa femme et lui allèrent aussitôt trouver la police qui leur permit de rester après versement d’une caution de 100 livres (280 dollars), somme qui leur fut rendue le jour de leur départ.

Ils se rendirent ensuite dans l’Ouganda. En arrivant à Kampala, ils constatèrent que la police les surveillait constamment. Néanmoins, ils réussirent à répandre pas mal de publications avant de devoir partir, frappés par un arrêt d’expulsion pris à leur encontre par le gouverneur. Ils revinrent donc à Nairobi, où ils se joignirent de nouveau aux frères Nisbet.

Là aussi les autorités ne leur furent pas favorables. Ils purent toutefois donner un excellent témoignage. De nombreuses publications furent répandues : 3 000 livres et 7 000 brochures ; beaucoup s’abonnèrent à L’Âge d’Or. On éleva une vigoureuse protestation contre les arrêts d’expulsion, mais les autorités ne donnèrent aucune explication satisfaisante.

Durant cette campagne, Robert Nisbet contracta la fièvre typhoïde et il resta à l’hôpital de Nairobi, tandis que les autres entamaient le chemin du retour. Frère Smith et Georges Nisbet voulurent se rendre à Zanzibar, mais les autorités refusèrent. Ils rentrèrent donc en Afrique du Sud. Robert Nisbet guérit, et, plus tard, en 1955, il devint le premier surveillant de filiale de l’île Maurice. Son frère Georges, après une période d’activité missionnaire dans l’île Maurice, fut renvoyé en Afrique du Sud et, en 1958, devint membre de la filiale sud-africaine.

Ces pionniers qui ouvrirent la voie en “Afrique noire” étaient, à coup sûr, animés d’une grande foi, d’une foi qui leur permit d’affronter toutes les difficultés et tous les dangers. Sur ces six pionniers, quatre firent de longs séjours à l’hôpital, terrassés par les fièvres (malaria, typhoïde, hématurie). Grâce à leurs efforts, des quantités énormes de publications furent répandues, ce qui posa le fondement de l’œuvre d’édification spirituelle que devaient entreprendre dans les années cinquante les missionnaires sortis de Galaad.

DE NOUVEAUX PROGRÈS EN RHODÉSIE DU SUD

La dernière visite en Rhodésie du Sud (actuellement la Rhodésie) datait de 1929. C’était une sœur qui se trouvait dans les rangs des pionniers qui s’y était alors rendue toute seule. C’était sœur Adshade, qui rencontra beaucoup de difficultés auprès des autorités. Puis, en mai 1932, ce sont des pionniers d’Afrique du Sud qui se rendirent dans ce territoire. Ils étaient quatre, dans deux voitures : Frère et sœur Piet de Jager, ainsi que Robert Nisbet et Ronald Snashall. Ils se présentèrent à la frontière un samedi après-midi, alors que les fonctionnaires faisaient une partie de tennis. Les frères leur déclarèrent qu’ils représentaient l’Association internationale des Étudiants de la Bible. Les fonctionnaires, qui semblaient pressés de reprendre la partie, ne posèrent pas d’autres questions. Mais bientôt le pot aux roses fut découvert. Après quelques jours d’activité à Bulawayo, les pionniers furent convoqués à la CID (Service des enquêtes criminelles) et aussi au poste de police ; ils durent rédiger de longues déclarations.

Quelques jours après, sur l’ordre du gouverneur, on demanda aux frères de quitter le pays dans les quarante-huit heures. Il ne leur fut pas permis de faire appel. Ils consultèrent un homme qui leur était favorablement disposé et, sur son conseil, ils insistèrent pour faire appel et refusèrent de partir tant qu’un jugement ne serait pas rendu. Ils présentèrent leur appel au chef de la CID, qui devait le transmettre au gouverneur. Le lendemain, la presse anglaise et la presse sud-africaine firent paraître des articles sur l’incident. Le Cape Times du 30 mai 1932 écrivit ceci : “BULAWAYO, samedi. Quatre visiteurs européens de l’Union, qui sont arrivés voici trois semaines dans l’intention de faire œuvre de missionnaire, ont reçu l’ordre de quitter la colonie lundi prochain, les autorités les considérant comme des ‘habitants ou visiteurs indésirables’.

“Les autorités désapprouveraient les doctrines que les missionnaires ont l’intention de propager.”

Pendant ce temps, les frères avaient contacté la filiale londonienne et, de là, la Société envoya un télégramme au haut-commissaire de la Rhodésie du Sud. À la suite de quoi, les autorités changèrent d’avis et il fut permis aux frères de rester pendant six mois, à condition de ne pas déployer leur activité parmi les Africains. C’était la troisième fois qu’un excellent témoignage était donné à la population européenne de la Rhodésie du Sud. Il ne semble pas qu’à l’époque leur œuvre ait éveillé un intérêt particulier, mais ils purent donner le témoignage aux portes et remettre à presque tous les chefs du pays un exemplaire du livre Justification et la brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde.

Pendant leur séjour, frère de Jager alla voir dans sa ferme le premier ministre de la Rhodésie, Mr Moffat. Apparemment l’entretien fut cordial. Aussi frère de Jager écrivit-​il aux autorités, leur demandant la permission de faire venir des représentants européens pour que l’œuvre de la Société Watch Tower parmi les Africains fût bien dirigée. C’était en octobre 1932 qu’il rédigea les lettres. La filiale du Cap, elle, avait déjà envoyé, le 14 septembre 1932, une lettre dans ce sens au secrétaire colonial du gouvernement de la Rhodésie du Sud. Cependant les efforts conjugués de la filiale sud-africaine et de frère de Jager n’aboutirent pas. Les autorités rhodésiennes, influencées par le clergé, avaient, semble-​t-​il, fermé la porte sur les témoins de Jéhovah de Rhodésie.

La filiale du Cap ne resta pas sans réagir. Elle écrivit une longue lettre au secrétaire colonial de la Rhodésie, en octobre 1932, une lettre rédigée en termes fort nets. La réponse ne se fit pas attendre. La voici : “Le gouvernement ne peut revoir sa décision, qui vous a été communiquée, selon laquelle certains représentants de votre Société ont été déclarés interdits de séjour dans cette colonie.” On écrivit encore une lettre un an plus tard, en novembre 1933, mais adressée cette fois au ministère des Affaires intérieures de Rhodésie. La réponse fut la même.

La filiale du Cap ne se tint pas pour battue. Chaque année, et cela pendant plusieurs années, elle écrivit une longue lettre aux autorités de Salisbury, leur demandant l’autorisation d’envoyer des représentants spéciaux pour organiser et diriger l’œuvre du Royaume. Régulièrement le gouvernement refusait. Le fait qu’en 1934 les chefs du Nyassaland autorisèrent l’ouverture d’un dépôt et permirent à un frère d’organiser l’œuvre dans ce pays, ainsi que le fait que la même chose a pu se faire en Rhodésie du Nord, en 1936, ces deux faits étaient autant d’arguments pour la filiale du Cap. En 1938, on fit deux demandes et, en réponse à la seconde, une lettre datée du 16 novembre 1938 et en provenance du secrétaire des Affaires indigènes, disait ceci : “Je suis autorisé à vous dire que le gouvernement n’est pas prêt à reconnaître la Société tant que nous n’aurons pas pu observer plus longtemps les effets de la reconnaissance légale en Rhodésie du Nord et au Nyassaland. D’autre part, il est peu probable que le gouvernement reconnaisse la Société tant que ses écrits ne répondront pas mieux aux besoins des indigènes de la colonie.”

Mais les efforts pour faire progresser l’œuvre du Royaume en Rhodésie du Sud revêtirent d’autres formes qu’un échange régulier de lettres entre la filiale du Cap et le gouvernement de la Rhodésie du Sud. Le 25 octobre 1935, le journal officiel de la Rhodésie du Sud (Southern Rhodesia Government Gazette) publia le texte de deux projets de loi destinés à réglementer l’œuvre de prédication. L’un des deux projets (“Native Preachers Act, 1936”) avait pour but la réglementation des mouvements religieux parmi les indigènes, grâce à des certificats qui seraient délivrés aux prédicateurs et aux enseignants indigènes. Après bien des débats, ce projet de loi fut repoussé. L’autre projet de loi (“Sedition Act, 1936”) visait à la suppression des déclarations des journaux, des livres, des images et des disques jugés séditieux. Les débats que provoqua ce projet ne laissèrent subsister aucun doute : on cherchait à atteindre l’œuvre de la Société. Ce projet de loi était manifestement une arme nouvelle dirigée contre le témoignage du Royaume. Le président Rutherford lui-​même écrivit une lettre au premier ministre de la Rhodésie du Sud et à tous les membres de l’assemblée législative. La filiale du Cap reproduisit cette lettre à 25 000 exemplaires, qui furent envoyés à tous les Européens dont le nom paraissait dans le répertoire d’adresses de la Rhodésie du Sud.

Malgré tous ces efforts, le projet de loi fut adopté et, peu après, quatorze publications de la Société furent rangées parmi les écrits séditieux (sept livres et sept brochures). Voulant créer un cas dont la solution ferait jurisprudence, la Société envoya aussitôt par la poste des exemplaires des ouvrages interdits à un frère africain nommé Kabungo, qui visitait à l’époque les congrégations de la Rhodésie du Sud. Ils furent saisis par la douane à Bulawayo. La Société répliqua en demandant mainlevée de la saisie. L’affaire vint devant la Haute Cour de la Rhodésie du Sud, en mai 1937. L’avocat de la Société, Mr Beadle (il devint plus tard juge en Rhodésie), avait étudié attentivement nos publications. Dans une discussion avec frère Phillips, le surveillant de la filiale sud-africaine, discussion qui eut lieu pendant les deux jours qui précédèrent le procès, cet homme montra qu’il connaissait bien le contenu de nos ouvrages. Quand commencèrent les débats, on parla pendant plusieurs jours de ces livres. Frère Phillips, qui était venu du Cap, était assis à côté de l’avocat et l’aidait à trouver les passages bibliques et à bien expliquer les extraits des quatorze publications mises en cause. Après les débats, le président du tribunal, J. Hudson, déclara qu’il lirait les livres avant de rendre son verdict. Il rendit sentence le 23 septembre 1937. Le juge pesa le pour et le contre des arguments de la défense, puis il résuma son opinion en ces termes : “Ce qui caractérise ces publications, c’est qu’elles ont toutes été écrites de bonne foi, avec l’intention d’attirer l’attention sur les tares fondamentales des gouvernements terrestres, dans leur organisation comme dans leur administration. (...) Mon opinion, donc, est qu’aucune de ces publications n’est séditieuse.”

Ce fut là une importante victoire de la Société. Mais le gouvernement répliqua en faisant appel. L’affaire vint donc devant un tribunal d’appel (Division d’appel de la Cour suprême de l’Union sud-africaine) le 15 mars 1938. Le 22 mars 1938, le juge N. J. de Wet rendit son jugement. C’était une confirmation du jugement du tribunal de la Rhodésie du Sud. L’affaire fit grand bruit dans la presse de Rhodésie et d’Afrique du Sud. Le Chronicle de Bulawayo publia tous les attendus du jugement. Un grand témoignage fut donné et la Société obtint mainlevée de la saisie sur les publications.

L’œuvre parmi les frères fit de bons progrès. En 1938, les proclamateurs étaient au nombre de 321 et disposaient de 20 phonographes. On comptait 34 groupes ou congrégations.

Au début de 1938, la Société demanda de nouveau l’autorisation d’envoyer deux représentants qui déploieraient leur activité dans le champ européen. L’autorisation lui fut accordée, “à condition que chacun, avant son arrivée ou à son arrivée, s’engage par écrit à ne pas diffuser de publications, à ne pas tenir de réunions publiques et à ne faire aucune propagande parmi la population indigène de la Rhodésie du Sud”. Ainsi, bien que la fortune de la bataille eût tourné en faveur de la Société, les hostilités n’étaient pas terminées.

Les deux pionniers qui furent envoyés par la Société en 1938 furent Robert Nisbet et Jim Kennedy, un Sud-Africain qui n’avait pas encore une longue expérience du service de pionnier. À la frontière, on les questionna et, finalement, on leur accorda un permis de séjour de six mois. Ils prêchèrent parmi les Européens. Dans une région de mines d’or, ils placèrent 200 livres en un seul jour. Partout, les gens semblaient avoir entendu parler d’eux et attendaient leur visite. Les fermiers, en général, étaient aimables et hospitaliers, mais quelques-uns, en entendant le nom de “Tour de Garde”, voyaient rouge.

À Bulawayo, nos pionniers rencontrèrent frère McGregor, qui avait été dans la vérité en Écosse, mais qui s’était refroidi. Ils lui prodiguèrent des encouragements et, après quelque temps, il reprit l’activité. Les pionniers trouvèrent encore la famille Gunn, qui, douze ans auparavant, avait été contactée par Georges Phillips et Henri Myrdal. Eux aussi étaient inactifs, mais les deux pionniers les aidèrent à reprendre vie sur le plan spirituel. C’est ainsi qu’en 1938 ils furent à même d’organiser un groupe à Bulawayo. Ce fut le premier groupe d’étude européen, qui comptait dix-sept intéressés. Par la suite, frère McGregor fit fonction de représentant de la Société en Rhodésie et se rendit très utile, recueillant les rapports et veillant aux intérêts du Royaume dans ce pays.

DIFFICULTÉS EN RHODÉSIE DU NORD

Les témoins étaient en train de gagner la bataille en Rhodésie du Sud. Mais que se passait-​il dans le pays voisin, la Rhodésie du Nord (Zambie), où, en 1925, Mwana Lesa avait causé tant de difficultés ?

Les années qui suivirent l’épisode de Mwana Lesa furent des années difficiles. Les groupes se trouvaient dans la plupart des grands centres le long de la voie ferrée, qui avait été posée depuis Livingstone, à la frontière méridionale, jusque dans la zone des mines de cuivre et à la frontière du Congo. Ces groupes s’étaient formés autour de personnes qui correspondaient avec le siège de Brooklyn ou avec la filiale du Cap. Il s’agissait surtout de commandes de publications ou de dons. Celui qui faisait la correspondance devenait le chef du groupe et était reconnu pour tel par les autres.

Étant constamment en butte aux tracasseries des autorités et se trouvant privées de toute direction de l’organisation, les personnes se réunissaient par petits groupes dans les maisons. Cependant des chrétiens sincères et dévoués étudiaient attentivement la Parole de Dieu avec les pauvres moyens dont ils disposaient.

Thomson Kangalē était un jeune homme sincère. En 1931, Thomson, qui avait alors une vingtaine d’années, se trouva sans travail après la fermeture de la mine Bwana Mkumwa, par suite de la grande crise économique mondiale. Il réussit à se faire embaucher à la mine Nkana, à Kitwe. On lui demanda un jour de s’occuper des deux équipes de football de la mine. Il partageait sa chambre avec un tout jeune homme, le gardien de but. Un dimanche, ce jeune homme assista par hasard à une réunion des témoins de Jéhovah. Quand il en revint, il avait en main un volume format de poche des Études des Écritures. À voir l’application que mettait son compagnon à comprendre le livre, Thomson fut intrigué. Il décida de se rendre à une de ces réunions pour voir ce qui s’y passait. Il assista à une réunion où il fut beaucoup question du livre La Harpe de Dieu. Thomson se procura un exemplaire. Il raconte que, revenu chez lui, il dévora le contenu de l’ouvrage et que bientôt il “renonça à tout sentiment personnel pour faire l’œuvre de Dieu”. Il prit le baptême dans la même année. Frère Thomson Kangalē entreprit le service de pionnier le 13 octobre 1937. Il fut serviteur des frères et serviteur de district (surveillant de circonscription et surveillant de district). Il annonça aussi la bonne nouvelle au Tanganyika et dans l’Ouganda, où il fut envoyé par la filiale de la Rhodésie du Nord.

Cependant, quand on se reporte aux quelques années qui ont précédé l’époque où frère Kangalē a connu la vérité, on constate que l’œuvre a rencontré une forte opposition en Rhodésie du Nord. Tous les efforts qu’a faits la Société de 1927 à 1934 pour envoyer des représentants européens qui auraient pu diriger en permanence l’œuvre en Rhodésie du Nord, tous ces efforts échouèrent. Les deux dernières demandes envoyées durant cette période furent celle du 12 octobre 1932 et celle du 20 septembre 1934 (on accusa réception de cette dernière, mais sans lui donner une suite favorable). Les événements qui suivirent révélèrent qu’un projet était mis sur pied en vue de la suppression de l’œuvre.

À l’époque, quelques-uns des écrits de la Société, tels que La Harpe de Dieu et plusieurs brochures, avaient été traduits et publiés en cinyanja. Dans leurs études, les intéressés se servaient du manuel La Harpe de Dieu. Un rapport incomplet de l’Annuaire de 1935 indique que la poignée de proclamateurs des deux Rhodésies avaient répandu 11 759 publications en 1934. Leur activité souleva la colère des ecclésiastiques et des éléments politiques. Ceux-ci accusèrent les représentants de la Société d’être responsables des croyances et de la conduite des mouvements indigènes et se mirent à ‘façonner le méfait’ en recourant à la loi. — Ps. 94:20, OstyMN.

‘ON DONNE FORME AU TOURMENT PAR DÉCRET’

On donna forme à ce méfait par un amendement apporté au code pénal de la Rhodésie du Nord, amendement proposé le 3 mai 1935 au conseil législatif par le procureur général Fitzgerald, un catholique bon teint. Cette loi fut appelée par la suite l’Ordonnance 10 de 1935. Elle visait manifestement les publications de la Société. Voici ce que déclara Fitzgerald : “[Cette loi] rend illicites la vente et la diffusion des journaux séditieux ; elle donne à certains fonctionnaires le droit d’ouvrir les paquets postaux, pour s’assurer qu’ils ne contiennent pas d’imprimés séditieux ; et, finalement, ce qui est essentiel, elle confère au gouverneur le droit d’interdire par décret l’importation dans le territoire de tout journal, livre ou document jugé séditieux.” Fitzgerald reconnut avoir agi sur certains conseils, sans nul doute sur ceux de la conférence des missionnaires qui s’était tenue aux Chutes Victoria. Certains membres du Conseil, qui défendaient la liberté, s’opposèrent à ce projet de loi. Il fut néanmoins adopté et cette loi fut un bon instrument entre les mains des ennemis. Quand, en 1935, des émeutes éclatèrent dans le Cooper Belt (zone des mines de cuivre), ce fut pour eux l’occasion rêvée pour s’en prendre aux témoins de Jéhovah.

Dès les premiers troubles, il apparut clairement que les ennemis des témoins de Jéhovah étaient résolus à faire d’eux des boucs émissaires. À l’époque des émeutes, il n’y avait que 350 témoins de Jéhovah dans les deux Rhodésies. Ce fut pour tenter d’harmoniser l’œuvre de la Rhodésie du Nord avec celle des autres pays que fut tenue à Lusaka, par les témoins africains, du 10 au 12 mai, une assemblée non officielle. La CID (Service des enquêtes criminelles), qui crut sans doute que l’assemblée de Lusaka avait quelque rapport avec les troubles qui se produisirent à la fin mai dans le Copper Belt, fit des perquisitions chez les témoins de Jéhovah de la Rhodésie du Nord et de la Rhodésie du Sud. À Luanshya, six témoins de Jéhovah furent arrêtés le 5 juin et maintenus en prison pendant trois jours, après quoi on les relâcha, sans rien retenir contre eux. À Ndola, un infirmier de l’hôpital du gouvernement perdit sa place parce que c’était un témoin de Jéhovah. Dans tout le pays, on agit de même à l’égard des témoins, à l’instigation des fonctionnaires du gouvernement. Dans une lettre datée du 1er juillet 1935 et adressée au principal responsable du gouvernement de la Rhodésie du Nord, le surveillant de la filiale du Cap prit la défense des témoins de Jéhovah et demandait de mettre un terme aux persécutions.

Les témoignages recueillis par la Commission d’enquête créée à la suite des émeutes, et qui parurent en deux volumes, révèlent que pas un seul témoin de Jéhovah n’avait pris part au soulèvement. Au contraire, Mr J. L. Keith, commissaire du district de Ndola, a déclaré ceci : “Les témoins de Jéhovah et la Tour de Garde en tant qu’organisation n’ont pas pris part à la grève.”

Les dépositions qui ont été recueillies prouvent que ce sont les Awembas, en majorité catholiques et fort hostiles aux témoins de Jéhovah, qui furent à l’origine des troubles. Ce qui provoqua les émeutes, ce fut l’augmentation de l’impôt de capitation. Voici ce qu’a déclaré le directeur d’une mine de cuivre (Roan Antelope Copper Mine — Luanshya) : “Chaque fois que nous demandions ce qui avait provoqué les troubles, la réponse était toujours la même : l’augmentation de l’impôt.”

Juste avant l’audition de la Commission, audition qui commença le 8 juillet 1935, la filiale du Cap, qui persistait à demander au gouvernement rhodésien la permission d’envoyer un représentant européen en Rhodésie du Nord, reçut enfin une réponse. Une lettre en provenance du gouvernement et portant la date du 24 juin 1935 disait ceci : “Le gouvernement (...) ne voit plus d’objection à toute mesure que vous pourrez prendre pour assurer une meilleure surveillance de vos adeptes.” Il fut décidé d’envoyer Piet de Jager, mais le gouvernement de la Rhodésie du Nord objecta, disant qu’il voulait “quelque membre plus ancien du personnel de direction de la Société”. Quand il reçut l’assurance que Piet de Jager n’était envoyé que pour se livrer à une enquête et faire un rapport et que, par la suite, ce serait quelqu’un d’origine anglaise qui prendrait la direction, alors le gouvernement fut d’accord. La Société et les témoins de Jéhovah avaient été accusés devant la Commission d’enquête, et le gouvernement lui avait soumis toute une série d’“extraits” de nos publications, pour qu’elle pût en déterminer la nature subversive. C’est pourquoi il fut décidé d’envoyer Piet de Jager à temps pour qu’il pût déposer en faveur de la Société. Il donna un excellent témoignage et expliqua tous les “extraits” jugés “subversifs”. Même J. L. Keith, un fonctionnaire du gouvernement, reconnut qu’ils n’étaient pas plus subversifs que des extraits de la Bible.

Les conclusions de la Commission furent publiées le 2 octobre 1935. Voici ce qu’elle disait : “La Commission est arrivée à la conclusion que ce qui a provoqué les troubles de Mufulira, ce fut lorsque la police de la mine annonça soudain dans la soirée que l’impôt serait uniformément augmenté de 15 shillings. Elle est encore arrivée à la conclusion que ce qui a provoqué les troubles de Nkana et de Luanshya, ce fut lorsqu’on annonça mensongèrement que la grève avait réussi, sans oublier le fait qu’on mit les indigènes au défi de montrer qu’ils n’étaient pas des vieilles femmes.” Mais les ennemis de Jéhovah exultèrent quand ils entendirent ceci à propos de la Société : “La Commission est arrivée à la conclusion que les doctrines et les publications de la Société Watch Tower font tomber dans le mépris tant l’autorité civile que l’autorité spirituelle, et plus particulièrement l’autorité indigène ; que c’est là un mouvement dangereusement subversif ; et que cela a pu provoquer les troubles de ces derniers temps.”

C’est précisément ce que voulaient nos ennemis. Rien d’étonnant donc que le 4 octobre 1935, le gouverneur, Hubert Young, usa des pouvoirs que lui conférait l’Ordonnance 10 de 1935 pour interdire toute une série de nos livres, y compris La Harpe de Dieu, le seul ouvrage en cinyanja largement utilisé par les indigènes, et un autre ouvrage qui n’était plus imprimé depuis dix ans ! Finalement, tout fut interdit, à l’exception de deux brochures de Rutherford.

Le rapport de la Commission et l’interdiction de nos livres, tout cela fit grand bruit dans la presse. La plupart des articles nous étaient hostiles, mais la filiale du Cap prit chaque fois la défense de la vérité. Dans une édition spéciale, un journal de Ndola (Northern Rhodesia Advertiser du 16 octobre 1935) donna un excellent témoignage. En effet, le journal publiait la déposition de la Société devant la Commission, ainsi que toute la correspondance. Dans ce numéro, l’éditeur invitait tout le monde à venir voir dans son bureau les ouvrages interdits. “Nous les avons tous dans notre bureau. Quiconque souhaite les consulter est prié de venir. (...) N’ayez pas peur. Venez voir de quoi il s’agit et faites-​vous une opinion par vous-​mêmes.” Dès que le rapport de la Commission fut publié, il arriva que des exemplaires des brochures Gouvernement et Intolérance, accompagnés d’une lettre explicative, finirent par se trouver entre les mains de tous les Européens de la Rhodésie du Nord.

ON OBTIENT UN CERTAIN SUCCÈS

Voici ce qu’écrivit encore le journal cité ci-dessus (Northern Rhodesia Advertiser), qui attirait l’attention sur l’illogisme de l’administration de la Rhodésie du Nord : “Que l’on soit pour ou contre les témoins de Jéhovah, il est clair que quelque chose ne tourne pas rond dans l’administration quand on sait qu’en 1933 le gouverneur du Nyassaland leur a permis d’entrer au pays, alors que, devenu gouverneur de la Rhodésie du Nord, il (le même homme) ne leur accorde le droit de séjour qu’après bien des hésitations. Puis, après deux mois, il leur demande de plier bagage sans raison valable. Et n’oublions pas que tout ce qu’on reproche aux membres de ‘La Tour de Garde indigène’ ne se serait pas produit si l’on avait laissé les témoins entrer au pays auparavant.”

L’éditeur du journal faisait allusion au fait que le gouvernement avait demandé à la Société de rappeler frère de Jager après deux mois de séjour, “car les habitants européens ont officiellement protesté contre sa présence dans cette ville, et ses activités paraissent créer des perturbations”. Dans sa réponse, la filiale du Cap fit remarquer que le gouvernement de la Rhodésie du Nord lui avait accordé l’autorisation d’envoyer un représentant européen “après avoir mûrement réfléchi à la situation”, et que la mission de frère Jager en Rhodésie du Nord n’était qu’une étape préliminaire en vue de doter l’œuvre du pays d’une direction permanente. Le gouvernement demanda alors que la Société envoyât un autre représentant européen. On proposa Llewelyn Phillips, qui se chargerait de l’œuvre en ce territoire et ouvrirait sans retard un dépôt à Lusaka, à l’époque la nouvelle capitale de la Rhodésie du Nord. On reçut une lettre disant “que l’affaire était prise en considération et que la décision vous sera notifiée en temps voulu”. Le sujet fut de nouveau abordé par le surveillant de filiale dans une lettre datée du 25 novembre 1935 et adressée au secrétaire d’État de la Rhodésie du Nord “pour savoir si je puis envoyer maintenant Mr L. V. Phillips pour qu’il soit notre représentant dans ce pays”. Voici la réponse : “Il est peu probable que vous receviez une réponse précise avant quelque temps.”

Pendant ce temps, frère de Jager, qui combattait courageusement pour la vérité, resta à Ndola. Voulant mettre en question la validité de la loi frappant nos publications, il offrit le 21 octobre 1935 deux des ouvrages interdits à l’éditeur d’un journal local. Tombant sous le coup de la loi, il fut condamné à une amende de deux livres par le juge de Ndola. Il fit appel devant la Haute Cour de la Rhodésie du Nord.

C’est alors, pendant que l’affaire était en instance, que la question des témoins de Jéhovah et de la Tour de Garde fut évoquée à la Chambre des Communes. Cela eut lieu lorsque Mr Thurtle voulut obtenir “l’assurance que les témoins de Jéhovah et les adhérents du mouvement de la Tour de Garde seraient traités équitablement en Rhodésie du Nord”. Mr J. H. Thomas, ministre des Colonies, “déclara qu’il était en consultation avec le gouverneur de la Rhodésie du Nord à propos de la conduite à tenir”.

La filiale du Cap passa aussitôt à l’action en envoyant le télégramme suivant au ministre des Colonies : “Vous demandons respectueusement de nous donner la possibilité de nous expliquer sur notre œuvre en Rhodésie du Nord avant que vous décidiez de la conduite à tenir. Vous envoyons lettre par avion.” Ce même jour une longue lettre lui fut adressée, qui contenait une explication circonstanciée du complot visant à supprimer notre œuvre en Rhodésie du Nord. Il y était question des conférences des missionnaires, de l’épisode Mwana Lesa, des troubles du Copper Belt et des difficultés à obtenir l’autorisation d’envoyer un représentant européen pour prendre en main la direction de l’œuvre et aider les Africains sincères. Puis venait l’appel suivant : “Nous vous prions de faire en sorte qu’il soit mis un terme à la discrimination injuste qui frappe les témoins de Jéhovah en Rhodésie du Nord ; de faire lever l’interdiction qui frappe nos publications, et de veiller à ce qu’il soit permis à nos vrais adhérents d’exercer leur droit naturel d’adorer Jéhovah Dieu selon leur conscience, sans obstacle.”

Cela eut des résultats. En mars 1936, le surveillant de la filiale du Cap reçut une lettre du Secrétariat de la Rhodésie du Nord. Voici ce qu’écrivait le secrétaire en chef : “J’ai reçu l’ordre de (...) vous inviter à envoyer M. L. V. Phillips comme votre représentant à la place de M. P. J. de Jager, afin d’établir un dépôt à Lusaka. (...) Et aussi de me référer à votre lettre datée du 11 décembre et adressée au ministre des Colonies et de dire que le ministre en a examiné attentivement le contenu. Son Excellence le Gouverneur a déjà recommandé qu’un représentant européen soit admis en Rhodésie du Nord et le ministre vient d’approuver cette proposition.” Quelle victoire après une si longue bataille !

UNE AUTRE BATAILLE CONTINUE

Mais la lutte pour la liberté du culte n’était pas encore terminée, car nos publications se trouvaient toujours sous le coup de l’interdiction et, d’autre part, la Haute Cour n’avait pas encore statué sur le procès en appel. L’affaire vint devant la Haute Cour le 20 mai 1936 et le jugement fut rendu le 18 juin. L’appel avait été rejeté. Frère de Jager demanda aussitôt la permission de faire appel devant le Conseil privé. Le 15 septembre 1936, la Haute Cour de Rhodésie lui opposa un refus. Cependant la Société ne se tint pas pour battue dans cette lutte pour la liberté du culte. Elle s’assura des services d’un avocat de Londres, qui devait collaborer avec notre avocat en Rhodésie du Nord, pour que notre affaire parvienne devant le Conseil privé. Quel fut le résultat final ? Le comité judiciaire du Conseil privé de Londres refusa d’entendre l’affaire.

En janvier 1936, une lettre spéciale de Rutherford, président de la Société, et qui était adressée aux membres de l’Assemblée législative de la Rhodésie du Sud, fut également envoyée aux membres du Conseil législatif de la Rhodésie du Nord, ainsi qu’au gouverneur et à la presse.

En 1936, les témoins de Jéhovah de l’Union sud-africaine furent également très occupés à distribuer 50 000 exemplaires de L’Âge d’Or, N425 ; et il y eut 20 000 exemplaires d’une publication spéciale, avec les mêmes données, qui furent répandus dans les deux Rhodésies. Nous y exposions les faits qui établissaient l’innocence des témoins de Jéhovah, y compris une lettre très ferme que Rutherford avait adressée à Alison Russell, président de la Commission d’enquête, après que celle-ci eut publié son rapport. Ainsi le public fut pleinement renseigné sur les visées des ennemis de la vérité.

UNE AUTRE TÂCHE EST ENTREPRISE

Tous les efforts de la Société pour obtenir la permission d’établir un dépôt en Rhodésie du Nord furent enfin couronnés de succès. Le dépôt fut ouvert le 16 juillet 1936, à Lusaka, juste en face du poste de police. Frère Llewelyn Phillips fut nommé serviteur du dépôt. Mais il restait encore une immense tâche à accomplir. Il s’agissait d’épurer l’organisation de tous les éléments indésirables, de la purifier de l’influence des “mouvements de la Tour de Garde” et de tout ce qu’avait produit l’absence de direction, et aussi d’enseigner aux cœurs sincères la saine doctrine de la Bible et d’organiser l’œuvre sur une base solide.

La première chose que fit frère Llewelyn Phillips, ce fut de visiter de nombreux centres principaux. Là, avec l’accord des fonctionnaires du gouvernement, il rencontra beaucoup de personnes qui se réclamaient de la Société Watch Tower. Mais que constata-​t-​il ? Voici un extrait de son rapport : “Il devint clair que l’immense majorité de ces gens était comme les habitants de Ninive au temps de Jonas, ‘qui ne savaient pas la différence entre leur droite et leur gauche’. Beaucoup étaient sincères, d’autres, qui étaient fiers, estimaient que la Société offrait une mesure d’autonomie plus grande qu’aucune autre organisation religieuse. D’autres encore, comme le dit Jude, étaient des impies ‘qui changeaient la faveur imméritée de notre Dieu en prétexte d’inconduite’. (Ainsi, ils se partageaient les épouses et appelaient cela ‘le baptême de feu’).”

Outre la confusion créée par les divers “mouvements de la Tour de Garde”, il y avait aussi le problème que posait le manque de publications par suite de l’interdiction, sans oublier l’analphabétisme. La plupart des frères étaient en effet analphabètes. Il y avait de nombreuses coutumes tribales qui étaient en conflit avec les Écritures. Les femmes, par exemple, ne s’asseyaient jamais à côté des hommes aux réunions. En outre, un Africain voit en sa femme la mère de ses enfants, la cuisinière, la jardinière, celle qui porte les fardeaux, etc. Il la considère rarement, sinon jamais, comme une compagne véritable, comme “son complément”. — Gen. 2:18.

De plus, la plupart des frères avaient des difficultés à établir un lien entre la vie quotidienne et les vérités qu’ils apprenaient. Les frères avaient lu nos publications et savaient que le Royaume avait été établi dans les cieux en 1914, mais si on leur demandait combien d’années s’étaient écoulées depuis lors, ils n’en avaient pas la moindre idée. Beaucoup savaient que les gouvernements de ce monde étaient sous l’influence de Satan, mais ils ne comprenaient pas quels étaient leurs rapports véritables avec ces gouvernements. Comme ils vivaient isolés dans de petits villages en pleine brousse et n’avaient guère de relations avec le monde extérieur, ils n’arrivaient pas à saisir toutes les explications contenues dans les publications de la Société. Par exemple, le seul contact que beaucoup de villageois avaient avec le gouvernement était celui qu’ils avaient avec le commissaire local de district et leur tribunal indigène. Les seuls rapports que l’Africain avait avec la religion étaient parfois ceux qu’il avait avec l’école fondée par une mission. Et le seul commerce qu’il connaissait, outre le troc, était celui qui se faisait au magasin local. Aussi, quand il était question dans nos publications de la religion, de la politique et du commerce comme faisant partie de ce monde, ces frères pensaient qu’il s’agissait de l’école de la mission, du commissaire de district et du magasin local.

Il fallut également réévaluer le nombre des véritables proclamateurs du Royaume, car il y en avait beaucoup qui ne remplissaient pas les conditions requises. C’était à cause de leur manque de connaissance et aussi à cause de leur mode de vie. Le premier rapport complet pour une année de service, rapport établi sous la direction du dépôt, indique qu’il y avait eu en 1937 une moyenne mensuelle de 756 proclamateurs, avec un maximum de 1 081. Ces frères reçurent la visite de pionniers qui faisaient fonction de serviteurs régionaux. Ces pionniers avaient reçu une formation au dépôt, avec des instructions détaillées sur des questions doctrinales et morales, et aussi en ce qui concerne l’organisation.

Ces frères durent faire appel à tout leur amour pour Jéhovah pour bien s’acquitter de cette tâche. Ils rencontrèrent en effet des difficultés sans nombre. Certains villages se trouvaient à plus de 1 600 kilomètres de la voie ferrée principale, car il n’y avait qu’une seule voie qui traversait le pays. Il n’y avait pas de voies ferrées secondaires, sauf celles qui menaient au Copper Belt. Pour visiter les groupes d’intéressés, ces frères durent voyager la plupart du temps à bicyclette ou faire des centaines de kilomètres à pied à travers un pays sec, brûlant et dangereux. De plus, il leur fallut une énorme somme de patience et d’amour pour mettre sur pied de nouvelles congrégations. Parfois il leur fallait rester au moins deux mois avec une nouvelle congrégation, pour lui donner un semblant d’organisation. Il leur fallut encore combattre la tendance qu’avaient certains à être “chefs” dans l’organisation du Seigneur. Mais leur labeur fut béni, car en 1939 il y eut chaque mois une moyenne de 1 191 proclamateurs, avec sept pionniers, et un nouveau maximum de 2 378 proclamateurs en 1940. Il y avait 88 congrégations.

UNE ORGANISATION PLUS SOLIDE EN AFRIQUE DU SUD

Alors que la bataille se poursuivait dans les territoires du nord, les frères africains de Johannesburg étaient en train d’y remporter, sur une bien plus petite échelle, la bataille contre les mauvais éléments du “mouvement de la Tour de Garde”.

D’autre part, des changements avaient lieu à la filiale du Cap. En mars 1933, la Société décida que la filiale du Cap irait s’installer dans des locaux plus vastes. Il s’agissait de deux pièces au cinquième étage d’un grand immeuble commercial (623, Boston House), et d’un entrepôt (Progress Chambers, Progress Lane) qui devait abriter la petite presse, le service d’expédition et le stock. Ce sont frère Phillips et un frère du Cap qui s’occupaient du petit travail d’impression. Les nouveaux locaux étaient situés plus au centre de la ville et étaient plus commodes. Ils constituèrent le centre de l’organisation théocratique pendant près de douze ans.

Deux années plus tard, en 1935, un frère qui avait de l’expérience dans l’imprimerie fut envoyé par frère Rutherford au Cap. C’était André Jack qui n’était pas seulement un imprimeur qualifié, mais aussi un pionnier qui avait été dans le service à plein temps en Lituanie, en Lettonie et en Estonie. Quand l’œuvre fut interdite dans ces pays, il fut expulsé et dut rentrer en Écosse. Quand il fut arrivé en Afrique du Sud, il décida d’augmenter le matériel d’imprimerie. Bientôt leur petite imprimerie à une seule machine fonctionnait à plein rendement. En 1937 fut installée la première presse automatique. Elle a produit des millions de feuilles d’invitation et de formules au cours de ces trente-trois dernières années. Elle fonctionne toujours en Afrique du Sud, à la filiale d’Elandsfontein.

PHONOGRAPHES ET VOITURES À HAUT-PARLEUR

Dans le champ, on faisait un travail énorme avec le phonographe et les voitures à haut-parleur. Par exemple, à Pretoria, la congrégation avait obtenu la permission de diffuser des discours tous les dimanches soir, sur la place de l’église, au centre même de la ville. Au bout de quelque temps, on porta plainte et les frères durent quitter les lieux. Mais ce problème fut bientôt résolu. Frère Smit avait un ami. Celui-ci habitait un appartement qui surplombait la place. On put donc continuer à diffuser, par la fenêtre ouverte, le programme du dimanche soir, sans incident.

Au milieu des années trente, frère Robert Nisbet conduisait une des voitures à haut-parleur de la Société. Il s’en servit beaucoup parmi les Africains du Zoulouland, qui est un grand territoire du Natal septentrional, territoire qui pendant des années fut le pays des Zoulous. C’est devant les moulins à sucre et les mines de charbon du Natal septentrional que se rassemblaient de grandes foules d’Africains pour écouter la musique et les discours diffusés par la voiture à haut-parleur. On plaça ainsi de très grandes quantités de publications. Plus tard, quand parut le livre Richesses, la voiture de frère Nisbet fut appelée “Imoto Yobucebi” (“La voiture Richesses”).

En 1935, les frères de tous les pays se réjouirent en apprenant ce qu’il fallait entendre par la “grande foule” dont il est question en Révélation chapitre 7. Ceux qui ne faisaient pas partie des oints furent transportés de joie à la perspective de vivre éternellement sur la terre. On porta dès lors plus d’attention à la classe des “autres brebis”, à la “grande foule”, dont les rangs ne tardèrent pas à grossir. — Jean 10:16 ; Rév. 7:9.

Alors qu’elle faisait la région minière connue sous le nom de Reef, Iris Tutty, une sœur qui servait dans les rangs des pionniers, eut le privilège de travailler à bord de l’une de ses voitures. Voici ce qu’elle raconte : “C’était une belle voiture, d’un noir luisant, dont le toit était surmonté d’un haut-parleur. Sur chacun de ses côtés, des panneaux portaient ces mots : ‘Message du Royaume : servez Dieu et Christ le Roi’, et sur la porte arrière un calicot annonçait le dernier discours de Rutherford. Cette voiture fut bientôt très connue dans Johannesburg et dans le Reef. On l’appelait la ‘Voiture de la Bible’.” Plusieurs congrégations du Reef avaient élaboré un programme d’utilisation de cette voiture. Les week-ends, la voiture était pleinement en service, car elle devait parcourir une vaste région et faire entendre des discours enregistrés en de nombreux endroits, y compris les foyers de l’enfance, les hôpitaux, les places de marché, sans oublier les marches de l’Hôtel de ville de Johannesburg.

Un jour, à Johannesburg, juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale, alors que la tension politique montait, on passa le disque “Fascisme ou liberté”. Ce soir-​là, l’assistance était particulièrement nombreuse. Le discours était commencé depuis quelque temps quand éclatèrent des cris et des vociférations. Une pluie de tomates et de bouteilles s’abattit sur les proclamateurs. La foule allait attaquer lorsque arriva la police. Les agents chargèrent et dispersèrent l’attroupement, puis ils formèrent un cordon autour des frères et les aidèrent à plier bagage et à sortir de la zone dangereuse. Les frères furent reconnaissants à Jéhovah pour cette protection.

Les voitures à haut-parleur ont accompli un travail prodigieux en ces jours-​là. Elles parcoururent toutes les parties du pays et leur voix puissante atteignit de très nombreuses personnes. En 1937, il y avait cinq voitures à haut-parleur en service, avec deux pionniers à bord de chaque voiture. Il y avait aussi douze grands phonographes en action dans diverses régions du pays. C’est dans la même année que commença pour de bon l’activité avec le phonographe portatif, après un appel de frère Rutherford. La filiale du Cap faisait des enregistrements en afrikaans, en cinyanja, en sesotho, en xhosa et en zoulou.

En 1938, la Société disposait de publications en trente langues et avait des congrégations établies dans quatre-vingts centres. Les principales publications de l’époque, telles que le livre Richesses et la brochure Dévoilées, visaient directement la hiérarchie catholique, qui ne restait pas insensible. Dans la presse, les ecclésiastiques mirent le peuple en garde contre les écrits de Rutherford, qui inondaient le pays. La presse catholique aurait voulu qu’on interdît les salles aux témoins de Jéhovah pour les empêcher de tenir des réunions publiques.

LES PIONNIERS PERSÉVÈRENT

En 1938, les pionniers d’Afrique du Sud étaient au nombre de trente. Dans leurs rangs figurait Iris Tutty de Johannesburg, une sœur dont nous avons déjà parlé. Un jour, sœur Tutty dut gravir un perron très élevé pour arriver à la porte d’une maison. Quand elle se trouva sur le perron, une femme ouvrit brusquement la porte. Le visage empourpré de colère, elle lui cria des insultes, fit tomber la sœur sur les marches et claqua la porte. Après s’être relevée et avoir ramassé ses affaires, la sœur eut envie de pleurer, mais elle pensa qu’il valait mieux prier. Il se trouva qu’à la porte suivante elle fut accueillie par un couple qui lui témoigna beaucoup de bonté. L’homme et la femme lui offrirent une tasse de thé et lui dirent que la conduite de leur voisine les avait profondément choqués, d’autant plus que c’était la femme du pasteur. L’entretien se transforma en visite productive et, par la suite, ces deux personnes devaient devenir des témoins baptisés de Jéhovah.

Tout comme les autres proclamateurs, les pionniers constatèrent que les mines du Reef étaient un champ très productif. On y répandait beaucoup de livres. Les pionniers allaient se placer à l’entrée de la mine et proposaient les publications aux mineurs, blancs et noirs, qui remontaient du fond. Beaucoup portaient encore le casque et leurs vêtements étaient imprégnés de l’humidité des galeries. Les mineurs africains voulaient à tout prix se procurer des livres dans leurs propres langues, et parfois les pionniers voyaient se former une file d’attente, chacun attendant son tour. Les mineurs prenaient encore des publications pour les envoyer à leurs familles. Plus tard, sœur Tutty eut le plaisir de rencontrer quelques Africains qui la reconnurent. L’un d’eux lui dit : “Vous vous rappelez de moi ? Je vous ai acheté une Bible et maintenant je vais aux réunions.”

FACE AU CLERGÉ

Vers la fin des années trente, le message du Royaume pénétra dans une région très conservatrice, à l’est de la province du Cap, plus exactement dans les environs de King William’s Town, à une soixantaine de kilomètres au nord de East London. Parmi les fermiers et les habitants de l’endroit, beaucoup descendaient des Allemands qui s’étaient installés là au milieu du dix-neuvième siècle. La religion dominante était donc le culte luthérien. Un jour qu’il travaillait à la réfection de la maison d’un pasteur luthérien, un certain M. Kieck se procura des publications auprès d’un proclamateur du Royaume. L’homme prit grand plaisir à lire ces écrits et il en commanda d’autres. Il ne tarda pas à répandre le message parmi ses amis et les gens de sa parenté, dont la plupart pensaient qu’il avait perdu la raison. Finalement, cependant, dans sa famille, certains commencèrent à marquer de l’intérêt. En 1938 eut lieu un débat public entre trois pasteurs luthériens et M. Kieck. Il y avait une centaine de personnes dans l’assistance. Au cours du débat, M. Kieck sortit une Bible en allemand en usage sous le régime hitlérien. Il y manquait des Psaumes et quelques versets. Cela déconcerta quelque peu les pasteurs, mais ce n’était rien en comparaison de la défaite qu’ils essuyèrent sous les coups des puissants passages bibliques qui furent ensuite cités. À un certain moment, l’un des pasteurs jeta sur la table les publications de la Société et s’écria : “Allez au diable avec vos livres !” À cette vue, six luthériens de l’assistance, qui avaient déjà manifesté de l’intérêt, furent convaincus que c’était bien là la vérité. Ils prirent position pour Jéhovah.

Cela ne fut pas sans suites. En 1938, le ministre de l’Intérieur de l’Afrique du Sud interdit l’importation du livre Richesses et de plusieurs brochures, sous le prétexte qu’ils étaient “néfastes”. Cette mesure fut prise malgré le fait qu’en mars 1938 la Haute Cour d’Afrique du Sud, à Bloemfontein, avait déclaré que les publications de la Société n’étaient pas des écrits séditieux. Rappelons que le livre Richesses et d’autres publications montraient clairement la collusion qui existait entre le fascisme, le nazisme et l’Église catholique. On apprit par la suite que certains pasteurs luthériens étaient à l’origine de la mesure gouvernementale qui frappait d’interdiction certains de nos écrits. Un peu plus tard, ces mêmes pasteurs furent internés quand on s’aperçut qu’ils faisaient de la propagande pour le nazisme pendant la Seconde Guerre mondiale.

La Société fit appel au ministre de l’Intérieur, protestant contre la décision qui frappait d’interdiction les publications. Il ne changea pas d’avis, ne fournit aucune explication et ne permit pas qu’on fît appel en justice. La filiale du Cap publia alors un tract de quatre pages, sous le titre “Protestation”. On y lisait, en gros caractères, les mots suivants : “Intolérance religieuse en Afrique du Sud. Interdiction du livre ‘Richesses’, manuel d’étude biblique.” Ce tract prouvait que les pasteurs luthériens allemands de la province orientale du Cap étaient à l’origine de l’interdiction et que le livre Richesses avait été mis en juin 1938 sur la liste des ouvrages interdits (écrits pornographiques, etc.). Le tract parut en afrikaans et en anglais et fut répandu dans tout le pays. Beaucoup commandèrent le livre Richesses.

DÉBUT DE L’ACTIVITÉ DE ZONE

Dans la même année, en 1938, fut organisée l’activité de zone. Des représentants itinérants de la Société devaient visiter les congrégations et les proclamateurs isolés pour les instruire et leur prodiguer des encouragements.

L’un des tout premiers serviteurs de zone d’Afrique du Sud fut Frank Taylor, dont la femme, Christine, venait d’arriver d’Angleterre. Pour Christine, l’activité parmi les Africains était chose nouvelle. Son mari raconte qu’il n’oubliera jamais l’expression de son visage quand elle remit sa première brochure à une femme zouloue qui avait pour tout vêtement des colliers de perles et un pagne. La femme plongea alors sa main dans l’épaisseur de ses cheveux crépus et en tira une pièce de monnaie appelée “tickey” : sa contribution pour la publication.

Peu après avoir commencé l’activité de zone, Frank et Christine se rendirent à East London, où ils eurent la joie de rassembler les familles qui s’intéressaient à la vérité : les Kiecks, les Horrmanns et les Schanknechts. Toutes ces personnes avaient rompu avec l’église luthérienne allemande de King William’s Town. Plus tard, on forma la congrégation de East London avec tous ces nouveaux, dont la plupart sont encore vivants.

L’ŒUVRE DU ROYAUME S’ACCÉLÈRE

En janvier 1939, la filiale du Cap fit un autre pas en publiant pour la première fois en afrikaans le périodique Consolation. Piet de Jager qui, jusqu’à présent, traduisait les livres en afrikaans tout en faisant le service de pionnier, fut prié de venir au Béthel pour y travailler comme traducteur à plein temps.

Cela représentait plus de travail pour Andrew Jack, dans la petite imprimerie de la filiale, car le texte devait être composé à la main. C’est le premier périodique de la Société qui fut imprimé en Afrique du Sud. On ne publiait encore aucun périodique dans les langues africaines.

Oui, l’œuvre du Royaume en Afrique du Sud faisait des progrès rapides. En 1939, il y eut en Afrique du Sud un nouveau maximum de 555 proclamateurs. Il est intéressant de noter que sur ce nombre il n’y en avait que 180 qui étaient des Africains et des gens de couleur. En Afrique du Sud, la moyenne mensuelle fut de 439 proclamateurs ; en Rhodésie du Sud, de 473 ; en Rhodésie du Nord, de 1 198 ; au Nyassaland, de 1 041 ; en Afrique-Orientale portugaise, de 17, et à Ste-Hélène, de 11. Cela donne un total de 3 179 proclamateurs pour tous les territoires sous la direction de la filiale du Cap. Cette année-​là ils avaient consacré 1 042 078 heures à la prédication. Cela montre clairement que, depuis l’identification de la “grande foule” en 1935, l’accroissement était bien plus rapide et que beaucoup de nouveaux prenaient position.

LA GUERRE STIMULE LES PROCLAMATEURS

Lorsqu’en septembre 1939 Hitler déclencha sa guerre-éclair en Pologne, le monde était entré dans une période de violence et de souffrances sans précédent. Quand la machine de guerre se mit à dévorer un pays après l’autre, l’œuvre du Royaume en Europe en fut gravement affectée. L’Afrique du Sud, sous la direction de son nouveau premier ministre Jan Smuts, entra en guerre avec l’Allemagne et beaucoup de Sud-Africains combattirent en Afrique du Nord et en Italie.

Étant très éloignée du théâtre des opérations, l’Afrique du Sud n’a pas beaucoup souffert de la guerre, moins que de nombreux autres pays. Avec le temps, il y eut quelques pénuries de denrées alimentaires et d’autres restrictions. Mais, en 1940, l’œuvre du Royaume en Afrique du Sud entra dans une période d’accroissement et d’expansion comme on n’en avait jamais connu auparavant. Les événements stupéfiants de la guerre secouèrent l’apathie de beaucoup de gens et les firent penser à l’accomplissement des prophéties bibliques.

À l’époque, le périodique Consolation en afrikaans avait un grand succès. La filiale du Cap décida donc que le moment était venu de faire paraître aussi en afrikaans le périodique La Tour de Garde. En janvier 1940, l’Informateur (qui fut appelé par la suite Notre ministère du Royaume) parla de nouveaux modes de diffusion des périodiques : diffusion dans la rue, diffusion de porte en porte et routes de périodiques. Il était clair que de plus grandes quantités de périodiques seraient nécessaires. On installa donc une linotype, ainsi qu’une plieuse. En outre, un frère de Durban, qui avait de l’expérience en ce domaine, fut prié de venir aider frère Jack dans la petite imprimerie. C’est ainsi que le 1er juin 1940 parut pour la première fois, imprimé à la filiale du Cap, Die Wagtoring (La Tour de Garde en afrikaans).

On peut dire que ce premier numéro était sorti au bon moment, et cela s’est fait sans doute sous la direction de Jéhovah. Les premiers mois de l’année 1940 furent relativement calmes en Europe. Mais soudain les divisions blindées de Hitler se lancèrent à la conquête de l’Europe occidentale. Jusqu’à cette date les frères qui parlaient afrikaans comptaient sur La Tour de Garde en néerlandais, qui leur venait de Hollande. Mais en mai 1940 la filiale de Hollande dut subitement fermer ses portes. Les frères du Cap ignoraient évidemment que cela allait se produire. Mais c’est au moment précis où La Tour de Garde en néerlandais cessa de leur parvenir que commença à paraître La Tour de Garde en afrikaans.

Les frères se mirent à diffuser le périodique avec enthousiasme, si bien que le tirage mensuel monta jusqu’à 17 000 exemplaires. Dans les pays où l’œuvre n’était pas interdite on commença à voir dans les rues des proclamateurs avec leur sac à périodiques.

À la fin de l’année de service 1940, frère Phillips put annoncer à frère Rutherford que le nombre des proclamateurs s’était accru de façon remarquable. En Afrique du Sud, on avait atteint un nouveau maximum de 881 proclamateurs, avec une moyenne de 656, moyenne qui représentait une augmentation de 50% sur celle de l’année précédente. Oui, la guerre stimulait vraiment les proclamateurs d’Afrique du Sud.

L’ÉGLISE CATHOLIQUE PROVOQUE UNE INTERDICTION

Le principal organe de presse de l’Église catholique d’Afrique du Sud (Southern Cross) fit paraître, dans son numéro du 2 octobre 1940, un long article qui signalait à ses lecteurs ce qui s’était passé au Canada (où en juillet 1940 on avait totalement interdit l’œuvre du Royaume). On y lisait encore ceci : “Les activités de ces gens [les témoins de Jéhovah] qui condamnent la fidélité à l’autorité de l’État et à celle de l’Église sont même plus dangereuses dans un pays comme l’Afrique du Sud, qui a une énorme population indigène. Le gouvernement devrait mettre un frein à la diffusion de leur propagande en ce pays.” Peu après la parution de cet article, on commença à saisir, à des fins de censure, des exemplaires de La Tour de Garde et de Consolation. La filiale demanda des explications, mais les autorités restèrent muettes.

Comme personne n’ignorait que l’Église catholique était à l’origine de tout cela, on composa un numéro spécial des Nouvelles du Royaume, qui était la réponse à l’attaque du journal catholique (Southern Cross). On en distribua rapidement 200 000 exemplaires dans toutes les parties de l’Afrique du Sud. Puis fut rédigé un texte dans lequel étaient énumérés tous les faits concernant les témoins de Jéhovah et leur œuvre. Des exemplaires en furent envoyés aux membres du Parlement, aux magistrats et à la presse. On joignit à ce texte, pour les membres du Parlement et pour les juges, des exemplaires d’un article qui traitait de la neutralité chrétienne et qui avait paru dans La Tour de Garde du 1er novembre 1939. Quelque temps après, la police reçut l’ordre de confisquer tous les exemplaires de cet article de La Tour de Garde. On fit appel au premier ministre et, dans la réponse, qui émanait d’un haut fonctionnaire de l’Union sud-africaine, il était dit ceci, entre autres : “Si vos intentions ont été et sont toujours excellentes, vous ne pouvez tout de même pas vous attendre à ce qu’on vous permette de faire avorter les mesures que prend le gouvernement pour la poursuite de la guerre jusqu’à la victoire. Si la Société réussissait à amener tous les habitants de ce pays à son point de vue, l’ennemi ne rencontrerait plus aucune résistance. Aussi comprenons-​nous mal que vous puissiez croire que le gouvernement va rester les bras croisés, sans prendre aucune mesure à votre endroit.”

La filiale rédigea alors une pétition à l’adresse du gouvernement. Elle protestait contre la confiscation des publications de la Société et priait respectueusement le gouvernement de restituer les écrits saisis et de rétablir la liberté du culte dans le pays. En l’espace de dix jours, on recueillit 50 000 signatures d’Européens de toutes les parties de l’Union sud-africaine. C’est vers cette époque qu’il fut annoncé officiellement que La Tour de Garde et Consolation avaient été interdits par le gouvernement.

Une autre mesure du gouvernement consista à confisquer des chargements complets de périodiques, dès leur arrivée. Il devenait clair qu’une interdiction totale frappait l’importation des publications de la Société. Le premier imprimé confisqué fut la brochure Théocratie. Les six ou sept cargaisons suivantes eurent le même sort. C’était, disait-​on, des écrits “néfastes”.

Tout cela était imputable à l’influence de l’Église catholique et aussi à la situation particulière créée par la guerre, car auparavant les publications interdites pénétraient dans le pays sans obstacle. La filiale réclama la restitution des publications et cela l’amena à intenter une action en justice. L’affaire vint devant la Cour suprême du Cap. Tout semblait jouer contre la Société. Or les frères furent agréablement surpris de voir les juges adopter une attitude impartiale et ordonner que le ministre responsable du décret d’interdiction explique son geste et accorde une audience pour que les explications nécessaires puissent lui être fournies.

La bataille juridique continua pendant quelque temps, et ce ne fut pas avant 1942, après une lutte qui dura une année entière, que fut fournie la liste des raisons qui faisaient que nos écrits étaient rangés dans la catégorie des publications “néfastes”. Il fut donné quinze jours à la filiale pour répondre à tous ces points, ce qui fut fait ; en même temps frère Phillips manifesta le désir de donner des explications personnelles conformément au jugement du tribunal. Or le tribunal n’avait pas fixé de date limite pour la présentation de ces explications. Les mois passèrent. Il fallut attendre deux ans avant le règlement de l’affaire.

En août 1941, tout le courrier envoyé par la filiale du Cap était confisqué par la censure. La filiale ne s’en aperçut que quelques semaines plus tard, ses soupçons ayant été éveillés par des lettres envoyées par des frères. On éleva une protestation, mais en vain. Les autorités croyaient que dans la correspondance de la Société il était question de l’effort de guerre. Elles devaient constater que leurs soupçons n’étaient nullement fondés.

En septembre 1941, le ministre de l’Intérieur, invoquant les décrets en vigueur en raison de la situation, donna l’ordre de confisquer toutes les publications de la Société en Afrique du Sud. Voici ce qui se passa alors à la filiale. À dix heures du matin, les agents de la CID (Service des enquêtes criminelles) se présentèrent pour exécuter l’ordre. Ils vinrent avec des camions pour enlever tout le stock de publications. Mais le surveillant de filiale avait l’esprit vif. Il regarda l’ordre et constata qu’il n’était pas conforme aux décrets spéciaux. Pendant qu’il faisait attendre les agents dans le bureau de la filiale, il demanda de toute urgence à la Cour suprême un arrêt qui empêcherait le ministre de l’Intérieur de saisir les publications. Sa demande fut agréée. À midi, il obtint l’arrêt et la police dut remonter dans les camions vides et s’en aller. Cinq jours plus tard, le ministre de l’Intérieur retira l’ordre. On imagine sans peine la joie de la famille du Béthel après cette importante victoire !

LA BATAILLE CONTINUE

Notre combat se poursuivit. L’édition en afrikaans de Consolation fut interdite en vertu d’un arrêté des douanes, qui réglementait l’importation. Comme ce périodique était imprimé en Afrique du Sud, il s’agissait de toute évidence d’une erreur. On n’en condamna pas moins un pionnier à Kroonstad, pour avoir diffusé le périodique. On fit appel et l’affaire vint devant la Cour suprême, qui cassa le jugement. Plus tard, le 12 septembre 1941, le journal officiel annonçait que l’interdiction était levée. Une autre victoire pour la Théocratie !

Toute cette bataille faisait grand bruit dans la presse. Ce fut une énorme publicité pour le message du Royaume et l’œuvre des témoins de Jéhovah. La filiale du Cap, qui se rendait compte que le public avait besoin d’être éclairé là-dessus, publia deux brochures spéciales, qui parurent sous les titres suivants : Pourquoi supprimer le message du Royaume ? et Les témoins de Jéhovah : qui sont-​ils et quelle est leur œuvre ? Ces brochures furent abondamment diffusées en anglais et en afrikaans, au cours du mois d’octobre 1941.

Il était absolument nécessaire de bien expliquer la nature de l’œuvre effectuée par les témoins de Jéhovah, car beaucoup d’articles de presse donnaient une image déformée de leur activité. On faisait courir toutes sortes de bruits sur leur compte, les accusant de faire partie de la “cinquième colonne” et d’être des “nazis”. Un des principaux quotidiens (Daily Dispatch de East London) publia un article diffamatoire sur Rutherford, président de la Société. Comme l’éditeur refusait de publier une lettre rectificative, une action en diffamation fut intentée contre lui et il se vit poursuivi en dommages et intérêts (5 000 livres). Voyant que les frères étaient bien résolus, il fit volte-face, publia des excuses et paya tous les frais de justice.

MESURES PRISES APRÈS L’INTERDICTION

Après l’interdiction de quelques-unes de nos publications, les frères s’empressèrent de cacher les ouvrages visés. Ils se montraient “prudents comme des serpents”. (Mat. 10:16.) À Johannesburg, la police fit plusieurs perquisitions chez les frères, mais le plus souvent ceux-ci étaient avertis à l’avance par un agent de la sûreté qui s’intéressait à la vérité. À Pretoria, Frans Muller, qui allait encore à l’école à cette époque et habitait donc avec ses parents, poussa, l’un après l’autre, des cartons de livres dans des passages très étroits situés sous le plancher en bois de leur demeure. La cachette était pratiquement introuvable. Tout cela faisait que les proclamateurs n’avaient pas beaucoup de livres pour leur activité, mais on employait les écrits imprimés sur place, comme le livre Enfants. Voici ce que raconte un frère de couleur du Cap : “On n’avait pas beaucoup de publications, mais cela ne ralentit en rien notre œuvre. On nous conseilla de prêter des livres aux gens et de commencer ainsi des études. C’est ce que nous avons fait et il était surprenant de voir comme les études bibliques se multipliaient. Beaucoup commencèrent à venir à la vérité durant cette période.”

On eut un maximum de 1 253 proclamateurs. Tous travaillaient dur. À l’assemblée de Johannesburg qui eut lieu cette année-​là, on compta 800 personnes dans l’assistance. Il y eut 186 baptêmes. Beaucoup de nouvelles congrégations furent organisées. De 127 en 1940, les congrégations étaient passées à 172 en 1941.

Bien que La Tour de Garde venant des États-Unis figurât sur la liste des ouvrages interdits, Jéhovah pourvut à la nourriture spirituelle. Les frères du Cap n’ont jamais manqué de matière à imprimer. Les textes paraissaient sous le titre “Nourriture en temps convenable”. Il y a un abonné qui, pendant toute la guerre, a reçu régulièrement La Tour de Garde américaine et qui, après l’avoir lue, l’envoyait à la filiale du Cap. C’était frère J. J. van Zyl. Les numéros qu’il recevait portaient l’adresse suivante : “Sergent J. J. van Zyl, Police sud-africaine, Kranskop, Natal.”

ENFIN LA VICTOIRE !

La lutte contre Dieu et contre son œuvre ne tourna pas à l’avantage des adversaires. À partir de 1941, on se battit sans relâche pour obtenir la levée de l’interdiction et la restitution de nos publications. À la fin de 1943, les stocks de publications de la filiale étaient au plus bas et les frères priaient pour que les publications saisies leur fussent rendues. Des choses commencèrent alors à se produire. Un nouveau ministre de l’Intérieur fut désigné. Le surveillant de la filiale envoya une nouvelle lettre au chef de la censure, lui demandant la levée de l’interdiction. Une copie de cette lettre fut envoyée au nouveau ministre. Le surveillant de la filiale lui demandait également une audience, l’audience que l’ancien ministre avait promise, mais n’avait jamais accordée.

En janvier 1944, l’audience eut lieu. Le ministre promit de faire restituer les chargements confisqués, de faire lever l’interdiction qui frappait les périodiques et de faire rendre les autres publications qui avaient été saisies. Il promit aussi d’annuler l’ordre émis en vertu des décrets spéciaux. Une semaine plus tard, la filiale recevait confirmation écrite de ces promesses, et, quelques jours après, un énorme stock de publications (1 800 cartons) fut restitué à la filiale. Tout était en parfait état, après trois ans. On imagine l’allégresse des frères de la filiale et du champ. Quelle merveilleuse victoire !

LES LIVRES SONT INTERDITS EN D’AUTRES PAYS

Dans les premières années de la Seconde Guerre mondiale, on se mit à interdire les livres dans de nombreuses parties de l’Empire britannique et dans d’autres pays. C’est ce que Jéhovah avait fait prophétiser au prophète Daniel : la ‘petite corne’ (dont le Commonwealth britannique faisait partie) ‘prenait de grands airs’, ‘jetant la vérité par terre’ et commettant une “transgression” contre les choses sacrées de Dieu (Dan. 8:9-12). Cela s’appliquait aussi aux trois protectorats britanniques en Afrique du Sud : le Basutoland, le Bechuanaland et le Swaziland. Les publications de la Société y furent officiellement interdites en février 1941. L’interdiction resta en vigueur jusqu’en 1960, malgré tous les efforts faits pour en obtenir la levée. On interdit même la Bible du roi Jacques, celle qui était sortie des presses de la Société. Cela eut lieu à une époque (1941) où dans ces trois pays il n’y avait pas un seul témoin de Jéhovah.

ANNÉES FÉCONDES DANS LE SUD-OUEST AFRICAIN

En 1939, un autre chapitre de l’histoire de l’œuvre dans le Sud-Ouest africain a commencé de s’écrire. Aucun groupe n’avait encore été formé dans ce champ immense. Barry Prinsloo et sa femme Jeanne décidèrent alors d’aller donner le témoignage dans ce territoire.

Barry fit l’acquisition d’un camion qu’il transforma en camping-car. Il y monta un gazogène, s’attendant, avec raison d’ailleurs, à une pénurie d’essence à cause de la guerre. Pour se rendre de Johannesburg dans le Sud-Ouest africain, nos deux pionniers durent traverser le désert de Kalahari. Les routes y étaient pratiquement inexistantes. Ils durent donc suivre les traces laissées par les véhicules précédents, traces qui par moments étaient complètement effacées.

Ils atteignirent finalement Windhoek et, de là, ils continuèrent à se diriger vers le nord, tout en prêchant et en répandant des publications. Pendant quelque temps, ils furent filés par la police. Ils finirent par être arrêtés sous l’accusation de vente sans permis. Sur les conseils de la Société, ils firent ajourner leur procès, en attendant le jugement d’affaires de même nature en Afrique du Sud. Quelques semaines plus tard, frère Prinsloo comparut devant le tribunal, dont la sentence lui fut favorable.

Ils apprirent qu’une assemblée allait se tenir à Johannesburg et, bien que cela représentât un trajet fort difficile de 1 600 kilomètres, ils résolurent d’y assister. Mais il se produisit un drame. La plupart des rivières du Sud-Ouest africain ne sont rien d’autre que des ravins desséchés, sablonneux, qui se transforment en torrents après une pluie exceptionnellement abondante. Alors qu’ils tentaient de traverser l’une de ces rivières, leur véhicule s’enlisa. Cette nuit-​là, la rivière charria un flot énorme, qui emporta leur voiture à des centaines de mètres en aval. C’est là qu’ils la retrouvèrent le lendemain, complètement brisée et le châssis enfoncé dans le sable. Ils récupérèrent une partie de leurs biens et informèrent la Société de ce qui leur était arrivé, lui disant combien ils regrettaient de ne pas pouvoir assister à l’assemblée. Mais bientôt le surveillant de filiale leur fit parvenir un don, suivi d’un télégramme.

Après l’assemblée, ils revinrent et campèrent près de leur véhicule, tâchant de le réparer. Dans le même temps, ils donnèrent le témoignage aux ouvriers agricoles ovambos, leur interprète étant Johannès. Johannès était un Boschiman dont ils avaient loué les services. Il devait les accompagner dans leurs voyages à travers le territoire. Ce doit être le premier Boschiman qui ait accepté la vérité. La tribu des Boschimans est une tribu de nomades qui habitent sous la tente et qui tirent leur subsistance de la chasse à l’arc. Ce sont de loin les plus petits Africains de l’Afrique australe. Ils ressemblent par la taille aux pygmées de l’Afrique centrale. Ce sont des chasseurs aux mœurs fort primitives. Il est très difficile de communiquer avec eux, non seulement parce qu’ils habitent des endroits inaccessibles, mais aussi parce qu’ils disposent d’un vocabulaire très réduit et parlent avec de constants clappements de la langue. Certains d’entre eux, cependant, deviennent ouvriers agricoles. En raison des interdictions qui frappaient les publications et de la situation générale, la Société finit par demander aux Prinsloo de revenir en Union sud-africaine.

Ainsi, bien que des pionniers soient allés en 1929, en 1935 et en 1942 dans le Sud-Ouest africain et qu’ils aient répandu beaucoup de publications, le champ ne fut pas réellement cultivé ; il ne porta donc pas beaucoup de fruits. L’année 1950, cependant, marqua un tournant dans l’histoire de l’œuvre dans le Sud-Ouest africain. En effet, la Société envoya dans ce pays quatre missionnaires de Galaad, savoir : Georges Koett, Fred Hayhurst, Gus Eriksson et Roy Stephens. Au début de 1950, un home de missionnaires fut établi à Windhoek.

Ces frères devaient s’efforcer, non pas simplement de répandre des publications, mais surtout de trouver les “autres brebis” du Seigneur. Cependant ils placèrent beaucoup d’écrits (Jean 10:16). À l’époque, ils réussirent à contacter cinq frères africains, venus de l’Union sud-africaine et qui s’étaient installés dans les environs. Ils formèrent alors une petite congrégation avec eux. L’un des missionnaires commença pas moins de vingt-cinq études. Selon toute apparence, l’œuvre dans ce territoire, notamment parmi les Africains, avait pris un très bon départ.

[Carte, page 80]

(Voir la publication)

AFRIQUE AUSTRALE

ZAÏRE (Congo belge)

OUGANDA

KENYA

TANZANIE (Tanganyika)

ANGOLA

ZAMBIE (Rhodésie du Nord)

MALAWI (Nyassaland)

RHODÉSIE (Rhodésie du Sud)

MOZAMBIQUE

SUD-OUEST AFRICAIN

BOTSWANA (Bechuanaland)

SWAZILAND

AFRIQUE DU SUD

Johannesburg

Durban

Le Cap

LESOTHO (Basutoland)

[Illustration, page 97]

Georges Phillips composant à la main, à la filiale du Cap.

[Illustration, page 102]

Habitation zouloue