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Inde

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L’Inde est située dans une péninsule méridionale du continent asiatique. Ses gigantesques dimensions lui ont valu le nom de sous-continent.

L’Inde possède un certain nombre de divisions physiographiques. Les montagnes septentrionales comprennent la célèbre chaîne himalayenne aux hautes cimes enneigées. C’est là que des fleuves tels que le Gange et le Brahmapoutre prennent leur source.

Les Grandes Plaines s’étendent devant les monts Himalaya et s’élargissent à leurs deux extrémités, englobant dans leurs limites le fertile delta du Gange, à l’est, et le désert semi-aride du Râjasthân, à l’ouest. La vallée du Gange, très riche en alluvions, est l’une des régions les plus fertiles de la terre, mais c’est aussi l’une des plus peuplées.

De la mer d’Oman au golfe du Bengale, soit d’ouest en est, s’étend le plateau péninsulaire appelé le Deccan. Les crêtes qui en forment la limite occidentale sont réputées pour leur beauté. Il suffit de contempler les hauteurs vertigineuses de ces cimes et l’éclat argenté des torrents tout fumants d’écume qui en dévalent pour être conquis par la majesté des œuvres divines. Et tout en bas, se perdant dans les lointains, une succession de vallées abruptes se diaprent de toutes les nuances du vert. La rangée de hauteurs qui se dresse à la limite occidentale alimente trois fleuves : le Godovari, le Krishna et le Cauvery.

La faune indienne abonde en animaux domestiques et en bêtes sauvages. Dans l’Himalaya se cache le léopard des neiges, qui ne se rencontre plus guère, tandis que l’éléphant, lui, peuple les forêts méridionales. À l’ouest errent les derniers lions asiatiques. La panthère hante presque toutes les forêts, ainsi que le tigre, devenu rare, lui aussi. Quant au rhinocéros, il habite le nord-est. Dans plusieurs régions se rencontrent l’antilope sauvage, le buffle, le chien, l’hyène, l’ours, le cervidé et le singe.

POPULATION ET RELIGION

La population de l’Inde représente environ le septième de la population mondiale et se compose essentiellement de sept races. Cependant les deux races dominantes sont les Nordiques, qui habitent le nord de l’Inde et dont les traits s’apparentent aux traits européens, et les Dravidiens, qui habitent généralement le sud du pays et qui sont noirs et de constitution plus frêle.

La Constitution indienne reconnaît quinze langues officielles, dont la principale est l’hindi, qui serait parlé par 181 millions de gens. Mais il y a 872 langues et dialectes qui sont parlés par les divers groupements tribaux et ethniques du pays ! Quant à l’anglais, il continue d’être la langue du commerce et de l’industrie.

L’hindouisme est la plus ancienne religion de l’Inde. Elle s’implanta dans le pays au sixième siècle avant notre ère, quand l’Empire perse s’étendit jusqu’en Inde. Les autres religions indigènes sont le bouddhisme et le jaïnisme, qui ont toutes deux pris naissance à l’époque où les Juifs étaient en captivité à Babylone, au sixième siècle avant notre ère. Bien plus tard, au quinzième siècle de notre ère, fut fondé le sikhisme. Environ dix pour cent de la population est musulmane. La première invasion musulmane eut lieu au huitième siècle de notre ère. Il n’y a que deux et demi pour cent des 609 millions d’habitants du pays qui sont membres des religions de la chrétienté. En 1973 il y avait près de quatorze millions de “chrétiens” en Inde, dont une grande partie habite au Kerala, dans le sud de l’Inde.

LE VRAI CHRISTIANISME PÉNÈTRE EN INDE

À en croire certains, c’est l’apôtre Thomas qui planta en Inde les premières graines de la vérité. Mais il ne s’agit là que d’une légende, qui ne trouve appui nulle part, malgré le fait que dans une banlieue de Madras s’élève une petite éminence qui s’appelle le mont St-Thomas. C’est là que l’apôtre serait mort en martyr. Au sommet de cette colline se dresse un sanctuaire dédié à son souvenir. Si la légende était vraie, il faudrait également dire que Satan a eu beaucoup de succès en semant les “mauvaises herbes” parmi l’excellente semence des fils du Royaume, car le christianisme apostat est florissant dans cette partie de l’Inde méridionale. — Mat. 13:24-30, 36-43.

Rien de légendaire, en revanche, dans ceci : En 1905, S. P. Davey, un étudiant en science, qui était allé aux États-Unis, fit la rencontre de Charles Taze Russell, le premier président de la Société Watch Tower. Après avoir étudié pendant quelque temps la Bible en sa compagnie, Davey retourna cette même année dans sa province natale de Madras pour y inaugurer l’œuvre du Royaume. Il prêcha parmi ses compatriotes, dont la langue était le tamil, et il finit par fonder quarante groupes d’étude biblique à Nagercoil et dans les environs, à l’extrême pointe de la péninsule indienne.

Dans cette même année, A. J. Joseph, un étudiant de vingt et un ans, se mit en quête de la vérité biblique. Joseph et ses parents étaient anglicans. Les parents avaient inculqué au jeune Joseph un profond respect pour la Bible. Cependant il avait beaucoup de questions à poser. Après avoir lu quelques ouvrages adventistes, Joseph cherchait des explications bibliques plus claires. Ce qui le troublait, c’étaient les dogmes de la trinité et du baptême des enfants. Ni son père ni personne d’autre n’avaient pu lui donner des explications satisfaisantes sur ces points.

Le père de Joseph lui dit d’écrire à P. S. Pulicoden, chef du mouvement adventiste de l’Inde méridionale, pour demander à cet homme s’il possédait des ouvrages expliquant la doctrine de la trinité. Pulicoden envoya à Joseph un livre de Russell : La Réconciliation de Dieu avec l’homme. Cet ouvrage éclaira le jeune Joseph sur la vérité concernant la suprématie de Jéhovah Dieu, sur les relations entre Jéhovah et son Fils Jésus Christ et sur la signification de l’esprit saint. Après avoir lu ce tome de la série appelée “Études des Écritures” et connaissant désormais l’adresse de la Société, Joseph ne tarda pas à se faire envoyer des États-Unis toutes les publications de Russell. Il devint un lecteur assidu de La Tour de Garde de Sion et Messager de la présence de Christ. Joseph commença aussi à diffuser un tract mensuel, L’Étudiant de la Bible, et d’autres imprimés du même genre.

Au début de 1906, la famille de Joseph habitait près d’un bourg appelé Kottayam, où se faisait un commerce d’épices et de caoutchouc, dans l’État royal de Travancore (Kerala). C’est à cette époque que Joseph se mit à traduire dans sa langue maternelle, le malayalam, “Le divin Plan des Âges”, premier volume de la série intitulée Études des Écritures. Le père de Joseph, son cousin Oommen et le jeune Joseph lui-​même se servirent du Chapitre XII et de sa “Carte des âges” pour diffuser la vérité parmi parents et amis. Ils répandirent leurs nouvelles croyances dans les villages et les rizières, dans les plantations de cocotiers et en d’autres lieux, affrontant la chaleur humide de la jungle et les nuées de moustiques des champs de riz.

Vers la fin de 1906, Joseph fut atteint d’une grave maladie des poumons. Sur le conseil du médecin il alla s’établir dans une région au climat plus sec, à 644 kilomètres de là, plus exactement à Cuddapah, ville située dans le district oriental de l’État de Madras. C’est là que, dans une vallée fertile enserrée entre les monts Velikonda et Palkonda, il se mit à étudier la Bible avec zèle. Il n’était pas encore rétabli qu’il diffusait avec enthousiasme les tracts que lui envoyait Russell. Joseph apprit même le telugu, la langue des habitants de l’endroit. Qu’il pleuve à torrents (mousson) ou qu’il fasse excessivement chaud, Joseph répandait le message du Royaume dans villes et villages.

UNE VISITE IMPORTANTE

Lecteur enthousiaste de La Tour de Garde, Joseph apprit que Russell allait se rendre en Inde au cours de sa tournée mondiale de 1912. La ville de Madras allait recevoir sa visite. Joseph saisit cette occasion d’entendre Russell et de pouvoir lui parler. À Madras, frère Russell fit un discours dans la salle YMCA et, bien que son programme fût chargé, il accorda à Joseph un entretien qui dura deux heures. On peut dire que c’est à la suite de cela que furent posés en Inde les vrais fondements de la diffusion de la vérité biblique. Russell et ceux qui l’accompagnaient préparaient, eux aussi, le terrain pour l’expansion future, et cela en faisant des discours dans toute l’Inde, dans la cité religieuse de Bénarès, dans la ville historique de Lucknow, à Trivandrum, Kottarakara, Nagercoil, Puram, Vizagapatam, sans oublier les ports de Calcutta et de Bombay.

Quand Russell, venant de Madras, arriva à Trivandrum, Davey alla l’accueillir à la gare et le para d’une guirlande de fleurs, selon la coutume indienne. Le représentant du gouvernement britannique, appelé le Résident politique, se montra fort hospitalier à l’égard de Russell et l’invita à séjourner dans la Résidence officielle. Il fit le nécessaire pour que Russell pût faire un discours à l’Hôtel de ville (Victoria Jubilee Town Hall). Russell prit encore la parole dans un village appelé Nyarakad, où habitait Davey. Par la suite, le nom du village fut changé en celui de Russellpuram (Village de Russell). Il porte ce nom encore de nos jours.

Le maharajah de Travancore entendit parler de ces réunions. Il invita Russell à son palais. Le prince hindou se montra plein d’égards pour Russell et lui demanda sa photographie. Par la suite, on put voir la photographie de Russell accrochée à l’un des murs du palais. Russell fit envoyer au maharajah les six volumes des Études des Écritures, ainsi que la Bible.

À Nagercoil, plus au sud, frère Russell fut accueilli par Josué Jacob, qui lui mit autour du cou une guirlande de fleurs. Le discours de Russell troubla fort les membres de l’Église évangélique de Londres. Quelque temps après, voici ce qui arriva, selon frère Jacob, qui n’a pas oublié la scène : “Un jour que je faisais un discours juste devant l’Église, un voyou m’envoya rouler à terre d’un coup de poing. Je me relevai et dis : ‘Nous proclamons le second avènement de notre Messie et vous ne devriez pas nous traiter de la sorte.’ Après cet incident, nous eûmes l’occasion d’aider certains membres de l’Église évangélique de Londres à venir à la vérité.”

Quelque temps après, il arriva que S. P. Davey s’adonna à la boisson. Grâce à l’argent que lui avait donné Russell, il avait acheté un bâtiment où devaient se tenir les réunions. Mais se trouvant empêtré dans des embarras financiers, il vendit cette construction à une mission évangélique locale. Ceux qu’il avait rassemblés au sein des classes d’étude biblique se dispersèrent. La plupart retournèrent à leurs Églises. D’autres, cependant, demeurèrent fidèles et se joignirent à frère Joseph pour faire l’œuvre du Royaume.

LE TRAVANCORE ENTEND LE MESSAGE DU ROYAUME

Pendant ce temps, frère Russell invita Joseph à entreprendre à plein temps l’œuvre de proclamation de la bonne nouvelle. Mais Joseph n’avait pas une très bonne santé et, d’autre part, il reconnaissait humblement que ses capacités étaient relativement limitées. Il devait aussi prendre la décision de quitter l’emploi qu’il occupait dans un bureau administratif. C’est avec beaucoup de timidité que Joseph accepta l’invitation de Russell. Tout comme Jérémie, lui non plus ne se croyait pas capable de porter une si lourde responsabilité. — Jér. 1:4-8.

Joseph réclama un collaborateur ; sa demande fut satisfaite. On lui envoya des États-Unis frère Hollister, qui arriva en 1912. Tous les deux élaborèrent un plan de traduction en malayalam des publications de la Société en vue de leur diffusion dans l’État de Travancore, réputé pour ses palmiers.

Leurs premiers textes parurent sous le titre “Les signes des temps”. C’étaient des extraits du tract mensuel appelé L’Étudiant de la Bible. Hollister chargea Joseph d’apporter un certain nombre de ces tracts à frère Devasahayam qui habitait à Neyyattinkara, bourg à riz situé à 16 kilomètres de Trivandrum. Frère Devasahayam représentait, lui aussi, la Société dans l’État de Travancore.

Voyageant en char à bœufs, Joseph distribua des tracts pendant tout le trajet. Les bœufs au pas lent le conduisaient par les sentiers sinueux qui côtoyaient les champs de riz d’un vert chatoyant. Ils pénétraient dans les palmeraies (aréquiers), tandis que Joseph, assailli par des nuées bruissantes d’insectes de toutes sortes et le corps moite de sueur, diffusait inlassablement aux membres de la chrétienté les vérités libératrices des Écritures. Passant à gué les nombreuses rivières du Travancore et contournant les étendues d’eau bordées de palmiers, Joseph s’enfonçait toujours plus dans le sud à travers cette région pittoresque, répandant en cours de route la “parole de vie”. Finalement il arriva à Neyyattinkara et alla trouver frère Devasahayam. — Phil. 2:14-16.

Nulle part ailleurs en Inde ne se rencontrait un aussi grand nombre de gens sachant lire et écrire que dans l’État de Travancore. Les habitants du Travancore devaient sans doute leur degré d’instruction à la présence de missions évangéliques enseignantes, très nombreuses parmi les Malayalis. Disséminées dans toute la population, parmi les pêcheurs du littoral comme parmi les paysans cultivant le riz, les ouvriers des plantations de thé, les bûcherons et les récolteurs de caoutchouc, ces missions produisirent au Travancore plus de chrétiens de nom que dans le reste de l’Inde. Le Travancore et l’État voisin de Madras se révélèrent être un champ fertile, et notre œuvre de diffusion des vérités bibliques fit de bons progrès. Mais Joseph n’était pas satisfait. Il réclama d’autres collaborateurs, car frère Hollister ne s’était pas installé définitivement en Inde.

Russell invita les frères Hart de Londres et Richardson, colporteur à Singapour, à se rendre en Inde. Quand Hart fut arrivé, en 1913, Joseph et lui allèrent à Neyyattinkara pour voir frère Devasahayam. Tous les trois établirent des plans en vue des progrès de l’œuvre. Mais Devasahayam ne persévéra pas. On ignore ce qu’il a pu faire de toutes les publications qui lui avaient été confiées. Il semble qu’il était comme beaucoup d’“évangélistes” indépendants en Inde : il était plus soucieux d’attirer les gens à sa suite que de les amener au Christ. Son œuvre se trouva réduite à néant.

Dans le nord du Travancore, plus exactement à Tiruvella, le fidèle frère Joseph et son compagnon Hart fondèrent un siège provisoire qui devait s’occuper de la partie septentrionale de l’État. À l’époque, l’œuvre consistait surtout en la diffusion des tracts et en discours basés sur “Le divin Plan des Âges”. L’œuvre faisait d’excellents progrès, notamment dans la zone septentrionale. Pendant ce temps, frère Richardson était arrivé de Singapour et commença à déployer son activité à Madras. Il prêcha surtout dans la communauté anglo-indienne composée de chrétiens de nom parlant anglais et sachant lire et écrire.

Au Travancore l’œuvre fit de rapides progrès, non sans rencontrer une forte opposition. On fit des discours publics dans la plupart des centres dits “chrétiens” et des villes principales. De petits groupes d’étude biblique ne tardèrent pas à se former en nombre d’endroits. C’est alors qu’éclata la Première Guerre mondiale.

Comme toute communication avec l’Amérique et l’Angleterre risquait d’être coupée à cause de la guerre, Hart et Richardson furent rappelés en Angleterre en novembre 1914. Plein de zèle et d’enthousiasme, Joseph fit de son mieux pour porter la charge tout seul, mais bientôt il réclama de nouveau de l’aide. Frère Russell demanda alors à Hart de retourner en Inde. À son arrivée en 1916, frère Hart gagna les provinces septentrionales du pays, diffusant des ouvrages bibliques en anglais parmi les Anglo-Indiens. Ces métis étaient des chrétiens de nom.

PREMIÈRES ASSEMBLÉES

En 1916, les frères organisèrent la première assemblée du peuple de Jéhovah en Inde. Elle eut lieu en décembre dans la ville de Tiruchirapalli au sud de l’État de Madras. C’est frère Hart qui organisa ce congrès des “Étudiants de la Bible” pour toute l’Inde. Quatre amis au moins vinrent de l’île de Ceylan. En cette circonstance historique, on dénombra trente-cinq personnes dans l’assistance.

En ce temps-​là on fit grand usage des images de l’“Eurêka-Drame” qui faisait partie du “Photo-Drame” de la création. Bien des gens du pays virent cette présentation visuelle du dessein de Dieu à l’égard de la terre et de l’homme. Comme en ce temps-​là l’électricité était moins répandue qu’à notre époque, on se servit de gazogènes à acétylène pour les projections.

À l’époque on édita de nombreux tracts sur les thèmes “Où sont les morts ?” et “Le retour de notre Seigneur”. Les frères étaient également heureux d’avoir une traduction en malayalam du livre Le divin Plan des Âges, en un seul volume. Parmi les membres des Églises il y en eut qui se réveillèrent sur le plan spirituel et vinrent aux classes d’étude biblique établies dans les villages. Le long du littoral du Travancore, de petits groupes se formèrent dans des villages ou bourgs tels que Kottayam, Aymanam, Chingavanam, Talapady, Meenadom, Ayerkunnam, Kanghazha, Valiyamala et Neermankuzhy. En fait, Meenadom a l’honneur d’être la première congrégation des Témoins de Jéhovah fondée en Inde.

OPPOSITION ET INTERDICTION

Après la publication en 1917 du livre Le mystère accompli survinrent de véritables épreuves. Hart lui-​même commença à faire opposition à l’œuvre qu’il avait contribué à mettre sur pied. Au Travancore il y eut des croyants qui s’achoppèrent à ce que disait l’ouvrage Le mystère accompli et qui se mirent du côté de Hart. Il publia une lettre ouverte aux “Étudiants de la Bible” du Travancore et il se rendit en personne dans cet État dans l’intention d’entraîner les frères à le soutenir dans son opposition à la Société Watch Tower. Certains se détachèrent de la vérité et se placèrent sous la direction de Paul S. L. Johnson des États-Unis, qui avait suscité une révolte analogue dans ce pays. Mais, en général, ces efforts n’eurent guère d’impact en Inde.

L’opposition, cependant, vint d’ailleurs. Quand frère Rutherford et ses collaborateurs aux États-Unis, faussement accusés de sédition, furent arrêtés et emprisonnés en 1918, la presse indienne parla de l’affaire. À la suite de quoi, le gouvernement britannique commença à prendre des mesures contre les frères en Inde.

A. A. Hart, qui devenait déloyal envers la Société, achevait à l’époque une tournée de prédication dans l’île de Ceylan et dans le sud de l’Inde. Lorsqu’il arriva chez Joseph, à Kottayam (Travancore), on lui fit parvenir un avis du maharajah de l’endroit. Se basant sur des directives des chefs britanniques, le maharajah demandait à Hart de quitter le pays en l’espace d’une semaine. Il se rendit en Australie. Les livres de la Société Watch Tower furent alors interdits, mais on tâcha de cacher les stocks.

L’œuvre du Royaume continua à progresser malgré l’interdiction. C’est à cette époque, en 1919, que frère Ipe connut la vérité. Ipe était hindou, et c’est en fréquentant l’école d’une mission qu’il vit la Bible pour la première fois. Il avait aussi fréquenté quelque peu l’organisation dite “Les frères”. Mais lorsqu’on lui fit connaître la vérité à Kottayam, il reconnut la voix de “l’excellent berger” et “consacra” ou voua sa vie à Jéhovah. — Jean 10:14, 15.

Les disciples de Johnson étaient très actifs dans cette région. Quels furent les sentiments de frère Ipe à leur égard ? Voici ce qu’il reconnut lui-​même : “J’étais fort désorienté après avoir quitté l’hindouisme. Je me suis laissé séduire par les Johnsonistes et pendant quelque temps je les ai suivis. Mais je ne tardai pas à me rendre compte de la fausseté de leurs doctrines et je les quittai pour aller me joindre au peuple de Jéhovah. C’est là que je suis resté.”

Notre œuvre se poursuivait malgré l’interdiction. On se servait uniquement de la Bible. Les frères fidèles, plus zélés que jamais, continuèrent à faire des discours publics et à tenir des réunions. En 1920, K. C. Chacko s’enfuit de “Babylone la Grande” et prit position pour Jéhovah. Parlant des premières réunions chrétiennes auxquelles il assista dans le Travancore, il déclara : “Il était courant de voir le président demander aux sœurs de faire la prière.” Mais lorsque les choses furent remises en ordre, cela ne se reproduisit plus.

LA VÉRITÉ SE RÉPAND MALGRÉ L’OPPOSITION

L’interdiction fut levée en 1920. Peu de temps après, frère Joseph demanda à Rutherford l’autorisation de faire réimprimer en malayalam Le divin Plan des Âges. On réunit les fonds nécessaires et, en 1923, mille exemplaires sortirent des presses. Cela donna un nouvel élan à l’œuvre, notamment au Travancore.

Au fur et à mesure que la vérité se répandait, l’opposition du clergé se faisait de plus en plus vive. Un ecclésiastique de l’Église anglicane, T. J. Andrew, demanda à Joseph de débattre publiquement avec lui sur le sujet de l’âme. Joseph accepta le débat. Andrew proposa comme lieu du débat public son église, qui se trouvait dans la ville de Thottakad. On distribua des feuilles d’invitation et, le dimanche après-midi, trois cents personnes étaient présentes. La proposition était la suivante : “Les Écritures enseignent clairement que l’âme humaine est immortelle, éternelle, et qu’elle ne peut donc jamais mourir.” Andrew devait établir la vérité de cette proposition ; Joseph, lui, devait en démontrer la fausseté.

Andrew prit la parole le premier. Il parla pendant une heure, se servant uniquement de I Corinthiens 2:11: “Qui connaît les choses de l’homme, si ce n’est l’esprit de l’homme qui est en lui ?” (Bible du roi Jacques). Dans sa réponse, Joseph, lui, se référa à de nombreux passages bibliques et établit la différence entre l’esprit et l’âme. Il fit très bonne impression et, après le débat, beaucoup d’auditeurs, désireux d’en savoir davantage, vinrent le trouver. C’est à cette époque que fut formée une nouvelle congrégation dans la petite ville de Thottakad, au cœur même de la zone rurale du Travancore.

Joseph demanda alors à la Société de lui envoyer davantage de collaborateurs à plein temps. Quatre frères furent choisis : son propre cousin Oommen, ainsi que les frères Mani de Thottakad, Chacko de Kottayam et Varughese de Talappady. Varughese était instituteur et savait bien écrire le malayalam. Pendant plusieurs années, il transcrivit pour l’imprimeur les manuscrits que frère Joseph préparait en malayalam. Les cinq frères travaillaient en équipe. Ils faisaient la tournée des villes et des villages du Travancore, prononçant des discours, donnant des explications aux classes d’étude biblique et distribuant des tracts et d’autres auxiliaires bibliques.

Frère Joseph voulait maintenant étendre l’œuvre à d’autres parties de l’Inde. Dix-sept ans auparavant, alors qu’il relevait de maladie à Cuddapah dans l’État de Madras (à présent Andhra Pradesh), Joseph avait appris le telugu. Mettant son dessein à exécution, Joseph entreprit de visiter l’ancien État de Hyderabad, répandant des tracts et faisant des discours. Un jour, il tomba sur un journal telugu, La lumière millénaire, qui publiait des extraits des ouvrages de la Société. Joseph écrivit aussitôt à Rutherford pour lui demander l’autorisation d’éditer en telugu certains de nos textes. C’est ainsi que furent publiés en cette langue 2 000 tracts “Où sont les morts ?” et 5 000 autres sur “Le retour de notre Seigneur”. Joseph fit alors une très longue tournée dans ce qui était alors l’État de Hyderabad, où il répandit ces imprimés. Il réussit à se procurer un répertoire des adresses des missions chrétiennes en Inde et put ainsi visiter la plupart des centres évangéliques chrétiens.

Pendant ce temps, il y avait en Inde des isolés qui faisaient des efforts pour répandre la vérité. Le soldat anglais Frederick James, plus connu sous le nom de Jimmy James, quitta l’armée, “se consacra” à Jéhovah, le Dieu de paix, et s’établit à Cawnpore (Kanpur), dans les Provinces-Unies septentrionales (Uttar Pradesh), où il exerçait le métier d’ingénieur électricien.

Bien qu’isolé, frère James prêcha la Parole de Dieu, plus particulièrement parmi ses anciens camarades de l’armée. Il y eut un militaire qui marqua un intérêt sincère. C’était Jack Nathan. Il était dans l’armée britannique et avait entendu dire par un ecclésiastique qu’un certain “farceur” du nom de James avait des révélations sur le retour du Seigneur. Mais Nathan n’arrivait pas à faire la rencontre de Jimmy James. Quand enfin il le trouva, une discussion s’engagea qui dura jusqu’à trois heures du matin, tous les deux parcourant à pied les huit kilomètres qui les séparaient de la caserne de Nathan. Nathan comprit tout de suite que c’était là l’explication qu’il cherchait. En 1921, Nathan assista au Repas du Seigneur, dans la maison de James à Cawnpore. Cinq personnes étaient présentes. Par la suite, Jack Nathan prêcha aux autres militaires et, à son retour en Angleterre en 1923, il put quitter l’armée et mener une existence vouée à Jéhovah Dieu. Il est actuellement membre de la famille du Béthel de Toronto (Canada).

LES ADVERSAIRES FACE AU ZÈLE

Dans la seconde moitié de l’année 1923, Joseph, revenu dans l’État de Travancore, faisait un discours biblique à Pallam, village au sud de Kottayam. Debout sur le bord de la route, Joseph parlait devant un auditoire relativement nombreux quand, soudain, un énergumène se rua sur lui, le prit par la barbe et interrompit la réunion. (Sur le conseil de son médecin, Joseph avait laissé pousser sa barbe pour protéger sa gorge et ses poumons devenus fragiles par suite de sa dernière maladie.) Frère Joseph fut ensuite traîné sur plus de six kilomètres, jusqu’à la périphérie de la ville de Kottayam. C’est alors seulement qu’on le laissa aller. Mais son zèle n’en fut nullement refroidi.

Un passant, qui avait été témoin de la scène, vint trouver Joseph dans sa maison et l’invita à venir dans son propre village, à Chingavanam. Il pourrait y rester une semaine et faire des discours bibliques. Cet homme, qui craignait Dieu, bâtit un lieu de réunion avec des bambous et des feuilles de palmier. Joseph fit imprimer des feuilles d’invitation et, pendant toute une semaine, entre 300 et 400 personnes purent entendre ses explications sur la Parole divine. Cet homme si aimable accepta lui-​même la vérité, et une congrégation fut fondée à Chingavanam.

Ces événements attirèrent l’attention. L’Église catholique, l’Église syrienne chrétienne et l’Église anglicane unirent leurs forces pour faire obstacle à la vérité. Elles firent passer les Témoins pour des athées parce que ceux-ci ne croyaient pas à la trinité. Elles publièrent des articles odieux qui diffamaient Russell. Joseph se procura donc des exemplaires d’une brochure de Rutherford parue sous le titre Une grande bataille dans les cieux ecclésiastiques et les distribua parmi les ecclésiastiques qu’il connaissait dans cette région. On notera que l’opposition venait des rangs de ceux qui se disaient chrétiens ; elle ne vint jamais des musulmans ni des hindous. À chaque réunion que nos frères tenaient en ce temps-​là se manifestait une forme d’hostilité et il se produisait des interruptions. La tactique des adversaires consistait le plus souvent à battre du tambour ou à taper sur des boîtes de conserve, afin de couvrir par leur vacarme la voix de ceux qui annonçaient le message du Royaume. C’était là leur seul argument contre la vérité biblique !

Kozhencherry est un village du Travancore situé dans une région qui produit du poivre et du gingembre. C’est aussi la forteresse de la secte chrétienne réformée de Marthoma (Saint Thomas). Il avait été décidé qu’on projetterait le Photo-Drame de la Création aux habitants de Kozhencherry, mais les frères avaient du mal à trouver une salle. Finalement, on leur permit d’utiliser l’école de l’endroit. Joseph s’y rendit avec tout son matériel. Il assembla le projecteur et commença la séance. Soudain, des gens entraînés par un prêtre en colère envahirent les lieux. Ils firent un tel vacarme qu’on dut mettre fin à la réunion. On appela la police, mais aucun agent ne se montra.

Plus au sud, à Kundara, se trouve le rempart de la secte jacobite avec son école de théologie. À Kundara aussi il y eut des manifestations d’hostilité. Dans un cadre paisible formé de palmiers et de bananiers, Joseph était en train de faire un discours. Il expliquait la “Carte des âges”. Soudain, une foule menée par un prêtre fit irruption. Tous ces gens firent un vacarme énorme en tapant sur des boîtes de conserve et en poussant des hurlements. C’est alors qu’intervint un hindou, qui avait été attiré par tout ce bruit. Il demanda au prêtre si c’était là suivre l’exemple du Christ ou celui de ses ennemis et il menaça d’appeler la police. Sur quoi le prêtre s’éclipsa et la foule se dispersa.

L’ŒUVRE SE POURSUIT

Notre œuvre au Travancore faisait des progrès. Le divin Plan des Âges avait paru en malayalam et, en 1920, on fit imprimer Le Temps est proche (second volume des Études des Écritures).

En 1924, la filiale suisse de la Société nous envoya du papier et on publia une édition en malayalam d’une brochure de Rutherford parue sous le titre Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais.

Dans la même année, frère Rutherford envoya de l’argent à Joseph pour qu’il achète un terrain et fasse construire une salle de réunion à Meenadom, où se trouvait la plus ancienne congrégation de l’Inde. Nichée parmi des champs de riz bordés de palmiers et d’arbres fruitiers, cette salle se révéla être un très agréable lieu de réunion.

En 1924 encore, frère Joseph fit une longue tournée en chemin de fer dans toute l’Inde. Il fit des discours sur “Où sont les morts ?” et “Le retour du Seigneur”. Parti de Kottayam au Travancore, il se dirigea vers le nord-ouest et, finalement, sa tournée l’amena jusqu’à Calcutta.

De Calcutta, la célèbre capitale du jute, Joseph, poursuivant son voyage en direction de l’ouest, arriva à Allahabad, ville de pèlerinages pour les hindous. Puis de là, se dirigeant vers le nord, il atteignit Cawnpore, centre de l’industrie textile. L’étape suivante fut Agra, la ville du Taj Mahal. Ensuite, allant vers le nord-ouest, il parvint à Ambala, grand poste militaire, et, finalement, il rentra chez lui au sud de l’Inde après avoir parcouru 5 798 kilomètres. C’était là un bel exploit accompli tout seul, mais tout s’était fait grâce à la force que donne Jéhovah (Phil. 4:13). C’est ainsi que le “sol” de l’Inde fut préparé en vue de l’œuvre future du peuple de Dieu en cet immense pays.

L’année suivante fut une année de deuil pour frère Joseph, mais laissons-​lui la parole : “En 1925 un grand malheur est arrivé dans ma famille. Atteints d’une dysenterie grave, trois de mes enfants sont morts. Ce fut un grand choc pour ma femme et moi, mais nous avons été consolés par notre foi inébranlable en la résurrection. Jéhovah nous a aidés à supporter ce malheur avec courage et fermeté et à aller de l’avant dans l’œuvre.”

L’EXPANSION COMMENCE

Quand se fut calmée la fièvre de la Première Guerre mondiale, on fit une autre tentative pour que l’œuvre du Royaume rayonne dans toute l’Inde. À l’occasion du congrès des “Étudiants de la Bible” qui se tint à Londres (Alexandra Palace) en mai 1926, Rutherford s’enquit sur les frères susceptibles de se rendre en Inde pour y consolider l’œuvre et lui donner une extension plus grande. On choisit George A. Wright et Leslie Shepherd, mais, pour une certaine raison, Leslie Sheperd fut remplacé par Edwin Skinner.

Wright et Skinner, tous deux jeunes et célibataires, quittèrent Londres en juillet 1926 et arrivèrent à Bombay vers la fin du mois, sous les pluies torrentielles de la mousson. Frère Joseph et un compagnon nommé Abraham les attendaient au débarcadère. Joseph resta quelques jours auprès des deux frères, afin de leur donner de vive voix des explications sur l’étendue de l’œuvre et les résultats obtenus. On se procura le nom et l’adresse des lecteurs de La Tour de Garde. C’étaient surtout des Anglo-Indiens qui travaillaient soit au télégraphe, soit aux chemins de fer. Il s’agissait de familles ou de petits groupes disséminés dans toute l’Inde, depuis Quetta, tout au nord, jusqu’à Madras dans le sud. La filiale de Bombay, chargée de mieux centraliser l’activité, devait diriger de façon plus efficace l’œuvre du Royaume en Inde.

Wright et Skinner louèrent une maison dans le centre de la ville (Lamington Road). Il y eut un changement administratif. Edwin Skinner devenait le nouveau surveillant de la filiale. Le territoire de la filiale englobait toute l’Inde, la Birmanie, Ceylan, la Perse et l’Afghanistan. C’était un territoire gigantesque avec une immense population.

Ces deux frères commencèrent par annoncer deux discours publics : “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais” et “Où sont les morts ?” Ils louèrent à cette occasion une salle de cinéma de Bombay (Wellington Cinema de Dhobi Talao). Ces discours leur donnèrent l’occasion d’entrer en contact avec ceux des auditeurs qui laissaient leur adresse. Ils s’attachèrent à l’intérêt suscité et c’est ainsi que fut formé un petit groupe qui se réunit à la filiale pour étudier la Bible. Ces gens étaient des “chrétiens” qui fréquentaient la mission luthérienne de Bâle, mission qui déployait son activité dans ce qui était alors la Présidence de Madras, à Mangalore, là où l’on parle le canarais, langue régionale. Les discours se faisaient en anglais, langue que parlaient généralement les habitants de Bombay qui travaillaient dans le commerce et l’industrie.

Les voisins des frères Wright et Skinner étaient des “chrétiens” de la communauté anglo-indienne. Ils indiquèrent aux deux frères, frais débarqués dans le pays, les endroits habités par des “chrétiens”, notamment par ceux de la communauté anglo-indienne, qui savaient lire l’anglais. Les frères visitèrent ces lieux et répandirent quantité de livres La Harpe de Dieu. Cela conduisit les frères jusqu’au district de Parel, dans la partie nord de Bombay, là où la Société des chemins de fer indiens possédait des ateliers, des bâtiments de tout genre et une salle publique.

Nos frères louèrent cette salle (Railway Institute Hall) et se mirent à annoncer des discours publics. Leurs efforts ne furent pas infructueux, car ces frères firent la connaissance de George Waller, qui travaillait aux ateliers des chemins de fer. Cet homme possédait des publications de la Société et avait donc une certaine notion de notre message. On commença alors une étude biblique dans la maison de l’un des ouvriers de l’endroit. C’est ainsi que fut inaugurée à Bombay la prédication organisée. George Waller fut un Témoin de Jéhovah très zélé. Il est mort en 1963, fidèle jusqu’à la fin.

DANS L’INTÉRIEUR DU PAYS

En 1926, il n’y avait que deux frères à la filiale de Bombay. Cela voulait dire qu’il n’y en avait qu’un seul qui pouvait se rendre dans l’intérieur du pays, l’autre devant s’occuper des affaires de la filiale. C’est Skinner qui, le premier, alla explorer le territoire et voir où habitaient les Étudiants de la Bible dont il connaissait l’adresse. Il se rendit d’abord en train à Madras où il rencontra frère Wrightman, qui vivait très pauvrement avec sa femme et ses trois enfants. Un petit groupe se réunissait dans la maison de ce frère pour l’étude biblique hebdomadaire. Un soldat britannique en garnison à Madras manifestait de l’intérêt ; il mit une chambre à la disposition de frère Skinner.

Trois jours plus tard, frère Skinner, quittant le littoral oriental, traversa le pays d’est en ouest. Il se rendait à Kottayam dans le Travancore. À l’époque, cet État était gouverné par un maharajah. C’est là qu’avaient été jetés les premiers fondements de l’œuvre du Royaume, grâce à l’activité de Joseph. À présent, cette œuvre faisait des bons progrès. Skinner resta environ une semaine dans le Travancore, pendant laquelle il desservit une petite assemblée. Il put ainsi faire la connaissance d’une quarantaine de frères et sœurs très actifs.

Gagnant le sud, Skinner se rendit pour la première fois dans l’île de Ceylan, qui s’appelle aujourd’hui Sri Lanka. À Colombo il essaya d’aider la congrégation locale qui se composait d’une vingtaine d’Étudiants de la Bible sous la direction de frère Van Twest.

UNE NOUVELLE TOURNÉE EFFICACE

Vers le commencement de 1927, Skinner entreprit une nouvelle tournée. Cette fois, il pénétra dans les régions septentrionales de l’Inde. Muni de l’adresse des abonnés à La Tour de Garde et de celle des Étudiants de la Bible habitant ces régions, il commença son voyage. La première étape fut Agra, à quelques kilomètres au sud de Delhi. C’est là qu’il rencontra Frank Barrett, un Anglo-Indien qui travaillait au Service du Télégraphe.

Barrett était un prédicateur plein d’enthousiasme qui avait jadis séjourné à Allahabad, ville sainte de l’hindouisme. Des centaines de milliers de pèlerins s’y rendaient périodiquement pour adorer leurs divinités au confluent du Jamuna et du Ganga, plus connu sous l’appellation de Gange. Pendant son séjour en cette ville, frère Barrett installait régulièrement, aux époques des pèlerinages, un éventaire rempli de publications qu’il proposait ou offrait gratuitement à toutes ces foules. Barrett avait fait traduire en hindoustani un tract sur le sujet Aabadi Zindagi (“La vie éternelle”).

Quittant Agra et obliquant vers le nord, Skinner se rendit à Ambala, ville à cantonnement située dans le Pendjab oriental. C’est là qu’il trouva Clarence Manning qui habitait dans les bâtiments du Service du Télégraphe. Skinner l’encouragea à faire tout son possible pour répandre la bonne nouvelle du Royaume. C’est également dans ces régions que le surveillant de filiale s’aperçut qu’il pouvait faire très froid en janvier dans l’Inde du nord. Voici ce qu’il dit : “Je me revois encore attablé pour le dîner avec la famille Manning. Nous avions tous notre manteau tellement il faisait froid. Dans ces régions les maisons ont des murs très épais et des plafonds très élevés. C’est pour qu’il y fasse moins chaud en été, mais aucun chauffage n’est prévu pour les froids de janvier.”

Poursuivant son voyage dans le Pendjab (qui signifie “Cinq Fleuves”), Skinner traversa le Sutlej, affluent de l’Indus. Il s’arrêta à la ville universitaire de Lahore, métropole principale du Pendjab et dont la population est en majorité musulmane. C’est là qu’il rencontra V. C. W. Harvey, un autre télégraphiste. Il séjourna chez lui. Harvey fit le nécessaire pour que le discours public eut lieu à l’Hôtel de ville. Pour des raisons de prestige, il amena un avocat influent, qui n’était pas dans la vérité, à faire office de président. Par la suite, Skinner, revenant sur ses pas, regagna Bombay.

LE TÉMOIGNAGE DU ROYAUME S’ÉTEND

C’est dans la seconde moitié de 1926 que fut inaugurée la prédication du dimanche matin, de maison en maison. À Bombay, cette disposition fit progresser l’œuvre du Royaume. Mais en ce temps-​là, on s’appliquait surtout à répandre des publications, sans faire de nouvelles visites. On ne revenait voir les personnes que dans des cas exceptionnels où l’intérêt était particulièrement manifeste. Même dans ces cas-​là, on ne commençait pas d’étude biblique à domicile, mais on invitait ces personnes à venir au lieu de réunion, pour une étude biblique en groupe. Croyant que Har-Maguédon allait venir très vite, les frères s’efforçaient de faire le plus possible de territoire et d’y répandre le message du Royaume sous forme imprimée.

Pendant les toutes premières années, Wright et Skinner se rendaient à tour de rôle dans les agglomérations lointaines, notamment dans les centres “chrétiens”, et cela dans le seul but de répandre des publications. C’est dans les colonies des chemins de fer qu’ils déployaient principalement leur activité, car ces colonies comptaient toujours de nombreux “chrétiens” anglo-indiens. Ces agglomérations se composaient de vingt, de trente et parfois même de plusieurs centaines de familles. On trouvait souvent un gîte dans les pièces que la compagnie des chemins de fer réservait au personnel roulant.

Environ un an après son arrivée en Inde, frère Skinner reçut un envoi de dix mille exemplaires du livre Délivrance. (C’était une édition brochée de l’ouvrage, qui parut en 1926.) Oui, dix mille livres pour deux pionniers seulement ! Il n’y avait pas assez de place à la filiale pour y entreposer tous ces livres. On chercha donc quelque chose de plus spacieux. Grâce à un avis paru dans la presse locale, on trouva dans la banlieue de Colaba un logement avec assez d’espace disponible. La filiale fut donc transférée de la zone centrale de Byculla à la banlieue sud, plus exactement au 40 Colaba Road. Elle devait rester là pendant douze ans.

Peu après l’arrivée du livre Délivrance, frère Skinner se rendit pour la deuxième fois dans la province septentrionale du Pendjab. Cette fois, c’est à bord d’un navire qu’il gagna Karachi. Il resta une semaine dans cet important port commercial (commerce du blé). Comme c’était alors la coutume, frère Skinner rechercha les chrétiens de nom et se rendit donc dans la colonie des chemins de fer et dans les zones peuplées d’Anglo-Indiens. Il répandit de nombreux livres Délivrance.

Quittant Karachi sur le delta de l’Indus, Skinner se rendit en train à Quetta, capitale du Baloutchistan britannique, située à 1 676 mètres au-dessus du niveau de la mer et à 863 kilomètres de Karachi. Dans cette ville se trouvait un lecteur de La Tour de Garde, Walter Harding. Harding était gardien du rail et habitait donc à la colonie des chemins de fer. La femme de Harding, qui était membre de l’Église locale, se montrait quelque peu hostile aux vérités bibliques que proclamait son mari.

Skinner fut présenté à un ecclésiastique méthodiste. L’homme, qui était un bon vivant, l’invita à un repas et, à cette occasion, Skinner fit la connaissance d’autres méthodistes et put leur parler du Royaume de Dieu et de l’espérance du paradis rétabli sur terre. Harding, lui, était comme une voix solitaire ‘criant dans le désert’ de cet avant-poste de la chrétienté.

Après la mort de l’un de leurs fils, Madame Harding accepta la vérité, ainsi que tous les enfants, dont certains entrèrent dans le service à plein temps. Ainsi donc, avec cette famille Harding de Quetta, laquelle fut successivement transférée à Rawalpindi, Karachi et Lahore, on peut dire que l’œuvre du Royaume fut solidement établie dans la partie septentrionale de l’Inde, celle qui devait devenir plus tard l’État du Pakistan, qui signifie “terre sainte”.

LA BONNE NOUVELLE DIFFUSÉE SUR LES ONDES

On chercha à étendre le témoignage du Royaume grâce aux ondes. Une station de radiodiffusion fut ouverte à Bombay en 1928 et on nous permit de l’utiliser pour diffuser le message du Royaume.

Le premier discours de dix minutes, prononcé par frère Skinner, fut entendu par frère James dans la ville lointaine de Cawnpore. Celui-ci écrivit à la filiale une lettre où il commentait l’allocution. Après quelques discours radiodiffusés, on nous interdit l’usage de la station, sous le prétexte que seules les religions orthodoxes pouvaient se servir de l’antenne pour diffuser leurs thèmes religieux.

LE PROBLÈME DES LANGUES

Pleinement conscient du problème linguistique de l’Inde, pays où se parlent quinze langues principales, on prit des dispositions pour faire paraître le message en un plus grand nombre de langues indiennes. Dans l’État de Travancore, les frères parlant le malayalam possédaient déjà Le divin Plan des Âges dans leur langue. À présent on faisait imprimer en malayalam La Harpe de Dieu et la brochure Liberté pour les peuples.

On fit ensuite imprimer en canarais la brochure La détresse du monde — Le pourquoi. Le remède. Elle devait être diffusée à Bombay parmi les “chrétiens” de la Mission de Bâle et aussi dans leur État natal dans le sud.

Mangalore, port qui exportait du café et du bois de santal, compte une population fort nombreuse de catholiques et de protestants. C’est le siège de la Mission luthérienne allemande de Bâle. À son arrivée à Mangalore, frère Skinner fut accueilli par M. Aiman, membre de la Mission de Bâle et rédacteur d’une petite revue religieuse imprimée en canarais. Après avoir discuté de quelques sujets bibliques avec Skinner, M. Aiman consentit à publier dans cette revue des extraits du livre Délivrance. C’est ainsi que les lecteurs de ce journal purent lire dans leur propre langue des vérités bibliques. On permit aussi à frère Skinner de faire un discours public dans une salle de la Mission de Bâle. Après la fin du discours, on présenta La Harpe de Dieu aux auditeurs, et on ne tarda pas à prendre des dispositions pour que des membres de cette Mission pussent étudier chaque semaine la Bible grâce à La Harpe de Dieu en canarais.

Notre œuvre au Travancore continuait à faire d’excellents progrès malgré les difficultés. Les frères devaient parcourir bien des kilomètres dans des conditions difficiles (chaleur accablante, manque de confort, etc.). En 1928, les quatorze congrégations indigènes, composées de quarante et un proclamateurs et de treize pionniers, réussirent à faire 550 réunions publiques auxquelles assistèrent 40 000 personnes.

Oui, à l’époque, il y avait soixante-deux “ouvriers” membres des “ecclésias” ou classes, comme on disait en ce temps-​là. Ces prédicateurs faisaient tout leur possible pour répandre en Inde le message du Royaume. Il était manifeste qu’un plus grand nombre d’ouvriers était nécessaire pour un si vaste pays. On demanda donc au siège de la Société d’envoyer davantage de pionniers. La réponse fut l’envoi de quatre frères d’Angleterre, qui partirent pour Bombay. Claude Goodman et son compagnon Ron Tippin débarquèrent en août 1929, quelques mois seulement après l’arrivée d’Ewart Francis et de son compagnon Stephen Gillett. Après avoir été présentés aux frères de Bombay et mis au courant des méthodes employées en Inde, ces pionniers gagnèrent leurs territoires respectifs.

DES RÉSULTATS DANS LE PENDJAB

On fit alors un nouvel effort pour répandre le message dans le Pendjab. Voyageant par mer, Claude Goodman et Ron Tippin arrivèrent à Karachi.

Ce qui suit montre comment Jéhovah prend soin de ses fidèles serviteurs : Au bout d’une semaine, pendant laquelle les deux pionniers avaient habité dans le logement le plus économique qu’ils avaient pu trouver, il arriva que Ron Tippin donna le témoignage à la propriétaire d’un grand hôtel de Karachi. Cette dame accepta les publications et lui demanda où il habitait. Quand elle sut où les deux frères logeaient, elle les invita à rester dans son hôtel pendant toute la durée de leur séjour. Comme les pionniers ne recevaient aucune allocation personnelle de la Société, cette offre venait à propos et permit à ces deux frères de continuer à servir dignement avec les fonds nécessaires pour le travail qui les attendait.

De Karachi, Goodman et Tippin, faisant route vers le nord, pénétrèrent dans la province de Sind et arrivèrent à Hyderabad, ville du désert. Ce fut là qu’ils se séparèrent, Tippin montant à Quetta pour aider la famille Harding et Goodman se rendant à Ambala pour encourager la famille Manning. Il faisait extrêmement chaud en cet été de 1930 et la plupart des gens d’expression anglaise de cette ville étaient allés à Mussoorie, dans l’Himalaya, à 2 012 mètres d’altitude. Voyageant en chemin de fer et à cheval, Goodman les rejoignit afin de leur faire entendre le message du Royaume.

Pendant son séjour en ce lieu, Goodman apprit que Mohandas Gandhi se trouvait à Mussoorie. Il était l’hôte d’un marchand fort riche. Voici ce qu’écrit Goodman :

“Le nom de Gandhi ne me disait rien à l’époque, sinon que c’était celui d’un homme politique résolu à soustraire l’Inde à la domination britannique. Mais c’était un homme, et en tant que tel il avait besoin d’entendre le message du Royaume comme tout le monde. Le jour donc où, faisant le territoire, je parvins à sa résidence temporaire, je décidai de lui demander une entrevue. Au bout d’un moment, il sortit, habillé simplement, comme de coutume, et un bâton à la main. Il m’invita à venir me promener avec lui dans le jardin, qui était magnifique. Pendant notre promenade, nous parlions et je lui brossai un tableau du monde nouveau. Gandhi me promit de lire nos publications que son hôte avait déjà dans sa bibliothèque.” Ainsi, dix-sept ans avant son assassinat, celui qui devait donner l’indépendance à l’Inde et qu’on allait appeler “Père de la nation”, eut l’occasion d’accepter la domination du gouvernement de Dieu.

Au bout de quelque temps, Tippin rejoignit Goodman à Ambala. Tous les deux firent alors route vers Lahore, en réponse aux nombreuses lettres venues des villages des environs de cette ville du Pendjab. L’auteur de toutes ces lettres était un ecclésiastique du genre franc-tireur. Comme les deux pionniers ne parlaient pas le pendjabi et ne possédaient aucune publication dans cette langue, ils n’eurent pas d’autre ressource que de faire des discours sur la “Carte des âges”, l’ecclésiastique franc-tireur faisant fonction d’interprète. Des foules nombreuses se rassemblèrent pour les écouter, mais les deux frères devaient apprendre par la suite que les villageois n’avaient d’autre préoccupation que de voir notre “Mission” leur bâtir une école ou un hôpital.

UTILISATION DES CAMPING-CARS

C’est en 1929 qu’on commença à utiliser en Inde les camping-cars pour la prédication. Montés par deux frères et bien approvisionnés en publications, ces véhicules étaient pourvus de couchettes et d’un équipement ménager. Grâce à ces voitures, la Société pouvait étendre maintenant l’activité de la prédication aux zones rurales lointaines, sans avoir à se soucier des hôtels disponibles et des moyens de transport public. Habitant des “homes missionnaires mobiles”, chaque équipage parcourait le vaste sous-continent dans tous les sens, cherchant des centres dits chrétiens et annonçant à leurs habitants la bonne nouvelle du salut.

Souvent nos frères itinérants se rendirent dans les “missions” de la chrétienté et parfois même ils furent bien accueillis par les ecclésiastiques de l’endroit, qui les recevaient dans leurs jolis bungalows. En ce temps-​là, les grands contrastes entre “Babylone la Grande” et l’organisation de Jéhovah n’étaient pas reconnus aussi clairement (Rév. 17:3-6 ; 18:4, 5). Mais il y eut division dès qu’on eut entendu les discours publics et lu nos publications. Certains de ces ecclésiastiques européens étaient plus préoccupés de donner un enseignement professionnel aux garçons et filles de leurs écoles que de les instruire dans la Bible.

En ces jours-​là, voyager en camping-car n’était pas toujours de tout repos, car les routes se réduisaient le plus souvent aux deux traces creusées par les roues des chars à bœufs. Quant aux rivières, elles étaient dépourvues de ponts. Pendant la saison sèche, les rivières étaient plus ou moins taries. Ce n’étaient plus que des courants peu profonds traversant des étendues de sable. Pour franchir les rivières en cet état, il fallait dégonfler partiellement les pneus, décharger la voiture et transporter le chargement sur l’autre rive. Une fois de l’autre côté, il fallait évidemment regonfler les pneus et recharger. Pendant la saison des pluies, on confectionnait une sorte de bac en reliant deux bateaux par des planches, puis on procédait à l’embarquement de la voiture. Les traces creusées par les roues des chars à bœufs devenaient des ruisseaux de boue. Malgré toutes ces difficultés, on faisait pénétrer le message dans des régions jusque-​là inaccessibles.

En ces jours-​là, il arriva que George Wright faisait une tournée dans les Provinces-Unies (Uttar Pradesh), à l’approche de la saison sèche. Frère Skinner le rejoignit à Cawnpore. Après avoir passé la nuit chez les James (ils durent aller dormir dehors, tellement il faisait chaud dans leur chambre), nos deux pionniers entreprirent un voyage de 362 kilomètres, qui les mena jusqu’à Nainital, importante station estivale située dans l’Himalaya, à 1 951 mètres d’altitude. Ils montèrent la route étroite et sinueuse du Tal (ou lac) de Naini. L’unique route carrossable de Nainital était la route plate qui contournait le lac, mais seule l’automobile du vice-roi avait le droit d’y circuler. Tous les autres véhicules devaient aller se garer au parking devant le bazar près du lac.

Nos frères logèrent à l’YMCA Hôtel et visitèrent les résidences disséminées sur les versants des montagnes. Il fallait escalader en zigzag des pentes très raides, ce qui rendait la prédication de maison en maison assez difficile. Skinner, qui était un peu plus jeune et plus robuste que Wright, s’occupait des hauteurs les plus élevées, tandis que Wright, dont le cœur était moins solide, prenait les pentes moins dures. On laissa beaucoup de publications dans les foyers.

De Nainital, nos frères se frayèrent un chemin à travers les montagnes et arrivèrent à Ranikhet, un cantonnement où vivaient des soldats britanniques mariés. Ils placèrent un certain nombre de publications dans cette ville. Quittant Ranikhet, nos frères arrivèrent à la fin de la route carrossable d’Almora. Là ils purent admirer les splendides cimes enneigées de l’Himalaya. Dans cette ville lointaine d’Almora, la chrétienté avait établi quelques missions religieuses. Ainsi, ces gens isolés eurent, eux aussi, l’occasion de recevoir le témoignage sur le Royaume établi de Jéhovah.

DANS UNE VALLÉE PERDUE

Pendant leur séjour dans la région montagneuse du Népal, Skinner et Wright apprirent qu’un célèbre évêque méthodiste, Stanley Jones, se trouvait dans son ashram ou ermitage, tout au fond d’une vallée perdue appelée Sath Tal (Sept Lacs). Voici ce que raconte frère Skinner : “Nous nous sommes donc mis en route pour aller demander une entrevue à ce missionnaire américain bien connu. Après avoir longtemps roulé sur une route sablonneuse, nous sommes enfin arrivés sur les lieux et avons découvert, cachée au fond de cette vallée, une grande propriété qui se composait d’un bâtiment principal et de plusieurs chalets. Le bâtiment principal avait une salle à manger très spacieuse dont le parquet était recouvert d’un tapis. (...)

“Nous nous sommes rendus au bâtiment principal et on nous a présentés à Stanley Jones qui nous a reçus fort courtoisement et nous a invités à prendre le déjeuner avec lui et la vingtaine de missionnaires qui habitaient cet ashram. Le repas fut servi à la mode indienne : on nous présenta sur un thali (plat de métal) du curry et du riz qu’il fallait manger avec les doigts et assis à même le sol. Mais à George Wright et à moi, on donna des cuillers !

“Après le repas, on parla de l’œuvre de ces missionnaires. C’étaient tous des protestants de diverses confessions. Je me souviens que Stanley Jones disait que l’individualisme est la clé du progrès et que les missionnaires devaient savoir disposer librement d’eux-​mêmes. Aucun passage biblique ne fut cité au cours de ce débat sur leurs activités missionnaires. Quand nous quittâmes la salle à manger, nous voulûmes entraîner Stanley Jones dans une discussion sur les doctrines bibliques, mais il n’y consentit pas et n’accepta aucun livre de la Société.”

Après cela, frère Skinner fit demi-tour. Tandis que Wright continuait de visiter la région de Nainital, Skinner, lui, se rendit en voiture jusqu’à Kathgodam, qui était une tête de ligne. Là il prit le train de Lucknow, traversa de vastes plaines écrasées de soleil et arriva finalement à Bombay, à l’autre bout du sous-continent.

DES PROGRÈS DANS LE PENDJAB

Au début de 1931, frère Skinner entreprit une nouvelle tournée dans le Pendjab. Cela allait devenir l’événement annuel de la saison fraîche. Les tournées, en effet, commençaient normalement au début de janvier. Skinner choisit la région des rivières de la vallée de l’Indus. C’était une région de petits villages échelonnés le long des canaux d’irrigation.

Un Hindou qui s’appelait Samuel Shad habitait à Khanewal. C’était un instituteur “chrétien”. Il offrit de traduire en ourdou les brochures de la Société et de servir d’interprète à Skinner pendant sa tournée des villages. Après avoir choisi des villages qui se composaient entièrement de chrétiens de nom, tous les deux prenaient régulièrement le train à Lahore, puis ils poursuivaient leur voyage soit en tonga (voiture à deux roues tirée par un cheval), soit tout simplement à cheval. Ils passaient deux ou trois jours dans chaque village.

Les villageois habitaient des maisons bâties en pisé et dont le toit était en bois ou à couverture végétale. Le mobilier était primitif. On couchait sur un charpoy. C’était une sorte de cadre de bois monté sur quatre pieds et tressé de cordes.

Mais ces visites étaient toujours une source de joie et d’encouragement. En effet, quand ils revenaient des champs, ces paysans s’asseyaient sur leurs charpoys, la Bible à la main. Il y en avait qui fumaient une hookah (pipe refroidie à l’eau et dont le tuyau mesure de 60 à 90 cm). Mais tous ces paysans passaient d’un verset à l’autre, au fur et à mesure qu’on leur expliquait la vérité divine. C’étaient tous des chrétiens de nom, membres des diverses sectes de la chrétienté, à l’exception de la secte catholique. Il y avait très peu de catholiques dans cette région.

On faisait des réunions publiques dans les grands bourgs tels que Raiwind, Renala Khurd et Okara. Par la suite, il y en eut qui entrèrent dans le service de pionnier, mais quand arriva la Seconde Guerre mondiale tout cet intérêt s’évanouit en grande partie. Cependant le terrain avait été ensemencé, préparé pour les diplômés de Galaad qui devaient venir dans cette région plus tard, lorsque serait formé le nouvel État du Pakistan.

Ces gens étaient opprimés par les maîtres de leurs missions. Le gouvernement avait octroyé des terres à ces missions et celles-ci les avaient louées à des cultivateurs. Un accord était intervenu : Les cultivateurs devaient donner chaque année à la mission une partie de la valeur de leurs récoltes, jusqu’à ce qu’ils eussent payé leurs terres. Mais le plus souvent tout cela n’était que pure théorie. Il suffisait que les pluies fussent rares ou qu’il y eut une véritable sécheresse pour que la valeur des récoltes se trouvât réduite. Le résultat était que ces gens devaient constamment de l’argent aux missions.

Quand le message du Royaume atteignit ces hommes, ils voulurent rompre avec les missions, mais ils en furent incapables ou n’eurent pas le courage de le faire. Il y eut des cas où certains se virent privés de leurs terres, ce qui occasionna bien des souffrances. Beaucoup firent des compromis et ne se dégagèrent jamais des liens de Babylone la Grande. Quand éclata la Seconde Guerre mondiale et que les communications avec la filiale de Bombay devinrent impossibles, même Samuel Shad, qui avait tant fait pour ouvrir cette région au message du Royaume, retourna dans la chrétienté pour assurer sa subsistance et mourut dans les griffes de Babylone la Grande.

LE VOYAGE DE PARIS

La Société allait tenir un congrès international à Paris en mai 1931. Frère Skinner obtint la permission d’y assister, mais, comme il ne pouvait se rendre en Europe en bateau, faute de temps, il fit le trajet en passant par le Golfe Persique et en gagnant ensuite, par voie de terre, Basra, Bagdad, Istamboul et Paris.

À l’occasion du congrès de Paris, Skinner eut le privilège de s’entretenir personnellement avec Rutherford, deuxième président de la Société Watch Tower. Pour intensifier l’œuvre du Royaume en Inde, frère Skinner obtint la permission d’acheter un véhicule qui ferait, lui aussi, office de camping-car.

DE NOUVEAUX OUVRIERS DANS LE CHAMP INDIEN

Pendant ses courtes vacances, qu’il passa en Angleterre (Sheffield), dans sa famille, frère Skinner fit la connaissance des frères Randall Hopley et Clarence Taylor, lesquels étaient colporteurs (ou pionniers, comme on les appelle aujourd’hui). Il leur demanda s’ils aimeraient servir Jéhovah en Inde. Ils répondirent par l’affirmative. Avec la permission de la Société, Hopley et Taylor, ainsi que le colporteur Gerald Garrard, s’embarquèrent à Londres et arrivèrent à Bombay en septembre 1931. Le jour où ils débarquèrent sur le sol indien, frère Skinner était là pour les accueillir.

Au bout d’une semaine, où il leur fallut s’habituer à la chaleur humide, les colporteurs se rendirent dans leurs territoires. Hopley et Taylor se rendirent à Poona, traversant les magnifiques Ghâtes occidentales. Ils ne tardèrent pas à répandre les publications de la Société parmi les habitants de cette grande ville militaire.

Après plusieurs mois d’activité à Poona, les deux frères, tombés malades, durent faire le voyage de Bombay (193 kilomètres). Une fois rétablis, ils allèrent servir dans la province de Sind et également au Pendjab, au nord-ouest de l’Inde. Munis de cartons de publications et de couvertures, Hopley et Taylor partirent en train. Ils longèrent les collines Aravalli, passant par Marwar et Luni, Puis par Hyderabad, et ils arrivèrent finalement à Karachi. Ce voyage de trois jours, et en troisième classe, ne fut pas facile, mais c’était le plus économique.

Après avoir trouvé à se loger chez Florence Seager, qui leur témoigna une humanité peu commune, Hopley et Taylor se mirent à répandre la Parole divine à Karachi. Quittant Karachi, ils s’éloignèrent de la plaine de l’Indus, gagnèrent les montagnes Kirthar et parvinrent à Quetta, à 1 676 mètres au-dessus du niveau de la mer. La ville de Quetta, elle, est située dans une plaine environnée de montagnes dont certaines atteignent 3 353 mètres d’altitude. Heureux de se trouver dans un climat plus frais que celui de la plaine, Hopley et Taylor passèrent là bien des jours à prêcher le Royaume. Mais bientôt les deux frères étaient de nouveau en route. Ils allaient cette fois à Delhi, capitale de l’Inde britannique et siège du grand Mogol.

La ville de Delhi se composait de deux parties, l’ancienne Delhi et la nouvelle Delhi. Comme cette cité était bien plus grande que toutes celles qu’ils avaient visitées, ils y séjournèrent bien plus longtemps. Ils n’eurent aucune difficulté à placer des publications, mais il leur fut moins facile de convaincre les Hindous et d’autres que la vie ne pouvait s’obtenir que grâce au sacrifice rédempteur de Jésus Christ.

En été, la chaleur devient intolérable à Delhi. Les deux frères se rendirent donc à Nainital, station climatique située dans les avant-monts de l’Himalaya. Plusieurs écoles avaient été bâties en cet endroit. Nos frères purent donc donner le témoignage aux instituteurs, ainsi qu’aux habitants des plaines et aux riches marchands et autres qui fuyaient l’accablante chaleur estivale.

Après avoir achevé leur travail à Nainital, les deux frères partirent pour une longue tournée qui devait les maintenir occupés pendant deux ans et demi. Selon la coutume des pionniers de l’époque, ils cherchèrent les endroits habités par les chrétiens de nom et y répandirent des centaines de livres et de brochures. Ils visitèrent de grandes étendues de territoire, notamment dans les Provinces-Unies. Ils visitèrent également Mathura, là où serait né Krishna, dieu immoral de l’hindouisme ; Agra, ancienne capitale de l’empereur Akbar ; Lucknow, important centre de bifurcation ; Cawnpore, ville du cuir ; Allahabad, ville sainte des musulmans et des hindous ; et Bénarès, ville “éternelle” de l’hindouisme. Toutes ces villes eurent l’occasion de connaître les desseins et l’organisation de Jéhovah.

Pendant ce temps, Claude Goodman et Ron Tippin étaient revenus en Inde, après un séjour en Birmanie. Ils débarquèrent à Calcutta pendant la mousson. Voyant des masses et des masses de gens, ils se demandaient si cette ville serait jamais touchée par le message. À leur connaissance, il n’y avait personne à Calcutta qui appartenait à la “Voie”. (Actes 9:1, 2.) Ayant loué une pièce non meublée (près de Free School Street), ils utilisèrent des cartons en guise de chaises et de tables et le plancher en guise de lit. La plupart des citadins ne parlaient que le bengali. Les pionniers n’avaient donc d’autre ressource que de concentrer leurs efforts sur la petite minorité qui savait lire l’anglais. C’est ainsi que l’œuvre commença à Calcutta.

“LE ROYAUME, L’ESPÉRANCE DU MONDE”

C’est en juillet 1931 que les Étudiants de la Bible adoptèrent leur nouveau nom de “Témoins de Jéhovah”. Puis, au cours d’une campagne spéciale, la brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde fut distribuée parmi les ecclésiastiques, les hommes politiques et les financiers des grandes nations, afin de faire connaître aux dirigeants notre nouvelle désignation.

Cette campagne finit par atteindre l’Inde. Une partie de l’année 1932 fut donc consacrée à la traduction en plusieurs langues indiennes de la brochure Le Royaume. Quelle ne fut pas la joie des pionniers du nord de l’Inde de recevoir cette brochure en ourdou, en gujarati et en hindi et de pouvoir la répandre dans le Pendjab, à Bombay et dans les Provinces-Unies ! Au Travancore et dans les Provinces de Madras, les frères étaient occupés à répandre la brochure Le Royaume en malayalam et en tamil. Pendant ce temps, les pionniers remettaient la brochure en anglais entre les mains des ecclésiastiques. Sur 7 320 brochures en anglais et 14 603 en langues indigènes, il y en eut 2 468 qui furent remises aux dirigeants des Églises. Quelle joie pour les frères de recevoir toutes ces traductions !

EN CAMPING-CAR À TRAVERS L’INDE CENTRALE

Le témoignage en camping-car se développait, lui aussi. À l’époque, deux de ces véhicules sillonnaient les routes et les chemins de l’Inde. En août 1932, Claude Goodman et Ron Tippin furent envoyés à Jhansi, capitale historique des guerriers mahrattas, mais qui est à présent un centre agricole. Ils devaient prendre possession d’un des camping-cars. Après avoir appris à conduire en très peu de temps, Goodman et Tippin chargèrent le véhicule de tout ce dont ils avaient besoin, sans oublier des cartons de publications en anglais, ainsi que des brochures en ourdou et en hindi.

Ces pionniers courageux se frayèrent un chemin à travers l’Inde centrale. Ils devinrent fort habiles à traverser les rivières à gué. Rien ne les arrêtait lorsqu’il s’agissait de porter aux gens la Parole de Dieu. Avant de passer à gué un cours d’eau, ils dégonflaient partiellement les pneus de la voiture, enlevaient le tuyau d’échappement et se livraient à quelques autres opérations du même genre. Le résultat était que le moteur faisait un bruit épouvantable et le vacarme attirait invariablement des indigènes curieux, qui semblaient surgis de nulle part. Un jour qu’ils franchissaient à gué la rivière Mahanadi, ils cassèrent un des ressorts principaux de la voiture. Ils firent la réparation tant bien que mal et décidèrent de faire le trajet de Cuttack sans s’arrêter en cours de route pour donner le témoignage dans les villages.

Après avoir traversé Rampur, ils s’arrêtèrent un peu plus loin, à 16 kilomètres de cette ville, en pleine jungle, et se préparèrent à passer la nuit dans leur camping-car. Plus tard, ils entendirent le bruit d’une voiture sur la route, ce qui était un événement fort rare, et un peu plus tard ils entendirent le même bruit. Peu après nos frères furent réveillés par des cris. C’étaient des policiers avec leur chef. Le rajah de l’endroit était passé par là un peu plus tôt et il avait vu de la lumière dans leur camping-car. Il demandait aux pionniers soit de revenir à Rampur, soit de permettre aux policiers de garder la voiture toute la nuit, car la région était infestée de tigres et d’éléphants. Les frères se résignèrent à rebrousser chemin sous escorte. Le lendemain, ils décidèrent d’annoncer la parole dans cette ville. Tout le monde avait entendu parler de l’intervention du rajah, et les frères étaient presque devenus célèbres. Ils répandirent presque toutes leurs publications. Cela leur fit penser à ce qui était arrivé à Jonas qui, lui aussi, fut “conduit” un bout de chemin vers son territoire de Ninive. — Jonas 1:17 ; 2:10 ; 3:1-3.

EN DIRECTION DU SUD

Cuttack est situé dans le delta du fleuve Mahanadi, dans le réseau des canaux d’irrigation de l’Odissa. C’est dans cette ville que nos voyageurs finirent par arriver à bord de leur camping-car en plus ou moins piteux état. Après avoir consacré plusieurs jours aux réparations et s’être fait envoyer des publications de Bombay, Goodman et Tippin mirent le cap sur le sud. Ils allèrent par la route qui longe le littoral oriental de l’Inde, se dirigeant vers le cap Comorin.

Dormant dans les jungles, se lavant dans les rivières et donnant le témoignage en cours de route, les deux pionniers gagnèrent le sud, par petites étapes. Comme ils tenaient la filiale informée de leur progression, celle-ci leur envoyait des publications aux endroits indiqués, ce qui leur permettait de renouveler leur stock. Ils placèrent ainsi des milliers de livres et de brochures, offrant à de nombreuses familles l’occasion d’accepter l’espérance de la Bible.

À Puri, les frères virent un char énorme d’une vingtaine de tonnes surmonté de l’idole hindoue de Juggernaut. C’est là le titre cultuel des dieux Vishnou et Krishna. Chaque année, l’idole est traînée par les rues de la ville. Devant elle se prosternaient des centaines de gens, tandis que d’autres tiraient sur les cordes pour faire avancer le char. Quelle bénédiction de connaître la vérité qui libère ! — Jean 8:32.

LE TÉMOIGNAGE DONNÉ PAR HAUT-PARLEURS ET PAR L’IMAGE

En 1933, Florence Seager fit une visite à la filiale de Bombay et lui fit don d’un phonographe fabriqué par la Société. Cet appareil, le premier du genre dans ce pays et qui fonctionnait sur accus, avait son propre amplificateur et un plateau de 40 centimètres. Avec ce don fut inaugurée en Inde une nouvelle forme de notre œuvre. Les camping-cars furent convertis en voiture à haut-parleur. L’activité avec le phonographe commença à Bangalore où, cette année-​là, se tenait une petite assemblée.

Les camping-cars ainsi transformés accomplirent un travail énorme, car ils permettaient de faire retentir le message dans d’innombrables agglomérations. Il ne fallait que quelques minutes pour monter sur le toit de la voiture deux haut-parleurs et les relier à l’amplificateur. C’est ainsi que des discours bibliques enregistrés furent diffusés dans les bazars, les parcs, les routes principales, partout où il y avait du monde. Le dimanche, on faisait entendre aux gens sortant de l’office des sujets tels que “Le purgatoire”, “La trinité” et “Pourquoi le clergé s’oppose-​t-​il à la vérité ?” Souvent des personnes venaient à la voiture et nous demandaient des publications. Le clergé ne resta pas passif, mais ses efforts n’aboutirent pas. Il arrivait aussi que des indigènes primitifs grimpaient sur le toit de la voiture pour trouver la source de la “voix”.

L’un des camping-cars faisait fonctionner un appareil de projection. Dans les agglomérations éloignées, les Hindous virent une chose qu’ils n’avaient encore jamais vue : la projection des images du Photo-Drame de la Création.

Pour faire de son camping-car une voiture à haut-parleur, George Wright avait acheté une dynamo qu’il faisait fonctionner avec le moteur de la voiture. Il produisait ainsi sa propre électricité pour la projection du Photo-Drame. En ces jours-​là, les frères devaient se débrouiller tout seuls pour faire fonctionner leur matériel. En guise d’ampoules, Wright utilisa souvent des ampoules de phares de locomotive que lui fournissaient des mécaniciens complaisants.

À cette époque, frère Skinner accompagna frère Wright dans une tournée des Provinces-Unies. Dans une certaine ville, ils louèrent une salle d’école pour le Photo-Drame. Pendant que Wright était dans la salle en train de projeter les images, Skinner, lui, était assis dans la voiture, les yeux fixés sur le voltmètre et attentif au ronronnement du moteur qui devait toujours tourner au même régime, sinon l’ampoule de l’appareil de projection risquait de griller.

DES OUVRIERS COURAGEUX DANS LE CHAMP

Vers le milieu de la décennie 1930-​1940, on fit de grands progrès dans la production des publications dans les langues indigènes. À cette époque, on disposait de diverses brochures en tamil et en ourdou. Pour la première fois dans l’histoire de notre œuvre en Inde, la production des publications dépassa le chiffre des cent mille. En 1934, en effet, on plaça 102 792 livres et brochures.

Vers cette époque, Gerald Garrard, pionnier de haute taille et très gai de caractère, passa neuf mois à donner le témoignage aux habitants de Calcutta. Il supportait difficilement la chaleur. Mais il connaissait les joies du service, dont l’une, entre autres, lui fit oublier ses ennuis de santé. Pendant qu’il visitait seul les immeubles d’affaires de Calcutta, frère Garrard rencontra quelqu’un dont le père était Témoin de Jéhovah à Londres. Cet homme s’appelait William King. Garrard sut éveiller son intérêt et l’homme accepta la vérité.

Le compagnon qui fut adjoint par la suite à Garrard s’appelait Vanderbeek, ancien capitaine de marine. Ce frère se dépensait avec amour aux côtés de Garrard, mais il fut atteint de la fièvre typhoïde et mourut. Ce fut vraiment triste. Frère Vanderbeek mourut un dimanche soir. Garrard l’ensevelit le lundi matin et célébra le Mémorial de la mort du Christ le soir du même jour.

Maude Mulgrove, une femme menue mais très vive, était infirmière dans un hôpital. Elle accepta la vérité à Bombay et entreprit le service de pionnier en 1935. Elle fut aussitôt envoyée à Bangalore, capitale de l’État indigène de Mysore et réputée pour la finesse de la soie produite dans ses murs. Située à 949 mètres au-dessus du niveau de la mer, Bangalore, qui comptait alors de nombreuses casernes anglaises, jouit d’un climat très sain. C’est là que Maude Mulgrove, l’une des sœurs qui eut le plus de résultats dans le service de pionnier en Inde, commença sa carrière de prédication à plein temps.

L’INDE À LA FIN DES ANNÉES 30

Vers cette époque, frère Randall Hopley visitait la plupart des régions de l’Inde du sud-est. À Negapatam (qui s’appelle maintenant Nagapattinam), il fut rejoint par un jeune pionnier nommé George Puran Singh. Ancien membre de la religion des Sikhs, il avait accepté la vérité pendant son séjour dans le Malaya. Pendant qu’ils travaillaient ensemble, frère Hopley put aider ce jeune pionnier à développer ses aptitudes de prédicateur.

Dans le Pendjab, au nord, quatre pionniers indiens et six proclamateurs du Royaume faisaient du bon travail. Dans cette province fertile, on comptait seize bourgs et villages où se tenaient régulièrement des réunions fréquentées par 166 personnes intéressées. Il fallait beaucoup de courage et de détermination pour persévérer dans l’œuvre, car le besoin d’une bonne direction était manifeste et peu nombreux étaient les éléments capables d’encourager les faibles. L’Armée du Salut expulsa huit hommes des terres qu’ils cultivaient, parce que ceux-ci avaient quitté cette confession et s’étaient mis à fréquenter les Témoins de Jéhovah. Dans le Pendjab, le champ était immense et les ouvriers peu nombreux.

En décembre 1938, le surveillant de filiale d’Australie, Alex MacGillivray, se rendit en Inde en compagnie d’Alfred Wycke. Un congrès eut lieu à Lonavla, station climatique située à 129 kilomètres au sud-est de Bombay. Voulant sonder la profondeur d’un lac avoisinant, en vue de l’immersion, Claude Goodman et Ewart Francis entrèrent dans l’eau et firent même quelques brasses avant de venir faire leur rapport. Quinze jours plus tard, frère Goodman était à l’hôpital, terrassé par la fièvre typhoïde, et Ewart Francis était mort. Ils ont dû contracter cette maladie dans les eaux du lac, qui devaient être souillées. La perte de l’un de nos pionniers les plus efficaces fut un rude coup pour l’œuvre.

À la suite de la visite de frère MacGillivray, la filiale australienne envoya en Inde, avec l’autorisation de la Société, une petite presse.

De 1926 à 1938, les pionniers avaient déployé une grande activité en Inde. Ils avaient parcouru des milliers de kilomètres et répandu d’énormes quantités de publications. Ils avaient visité de très nombreuses localités, mais, malgré tous leurs efforts, l’accroissement n’était pas grand. En 1938, il y avait dix-huit pionniers et deux cent soixante-treize “proclamateurs de groupe”, soit au total près de trois cents Témoins pour tout le pays. Ces frères fidèles étaient dispersés dans vingt-quatre congrégations disséminées dans toute l’Inde. Mais les frères commencèrent à avoir plus vive conscience de leur responsabilité de bien prêcher la bonne nouvelle et de faire œuvre d’enseignant. Petit à petit, l’œuvre s’organisa sur de meilleures bases. On se mit à mieux compter les heures passées dans le champ, on s’appliqua à faire de nouvelles visites et à conduire des études bibliques à domicile.

Depuis quelque temps déjà, on pensait que la filiale de l’Inde devrait se trouver en un meilleur endroit qu’au 40 Colaba Road. Après en avoir reçu l’autorisation, la filiale de Bombay alla s’établir au 17 Bastion Street, dans le quartier des affaires. Les locaux étaient plus vastes et il était plus facile de se rendre à la gare et en d’autres endroits pour les affaires de la Société. Peu après ce déménagement éclata la Seconde Guerre mondiale.

ACTIVITÉS PENDANT QUE LA GUERRE FAISAIT RAGE

La guerre entraîna des restrictions de plus en plus nombreuses. La filiale dut revenir s’installer à son ancienne adresse. Dans le Sind et le Pendjab, la bonne nouvelle n’était plus guère prêchée que dans les grandes villes de Karachi et de Lahore. Il ne se faisait pas beaucoup de prédication ailleurs. Mais quelques progrès furent réalisés dans ce qui est devenu aujourd’hui le Pakistan.

Le gouvernement anglais, maître de l’Inde à l’époque, demanda qu’on lui remît, en vue du service militaire, les noms de tous les sujets britanniques européens. Les Témoins de Jéhovah de l’Inde se soumirent à cette exigence de “César” et frère Skinner, le surveillant de filiale, envoya une liste de noms avec une lettre expliquant clairement notre position chrétienne de neutralité. — Mat. 22:21 ; Jean 15:19 ; 17:14 ; II Tim. 2:3, 4.

Le résultat de cette explication fut que les frères qui auraient dû partir furent exemptés du service militaire. Mais le gouvernement britannique voulait que nos pionniers fassent une sorte de service national. On leur demanda s’ils ne voyaient pas d’objection à travailler pour la Poste. Dans sa réponse, frère Skinner expliqua que nous ne voyions aucune objection à faire un travail de postier, en tant que travail civil, mais que notre mission consistait à annoncer la Parole de Dieu et que nous ne désirions pas qu’on nous enlève à cette activité. Les autorités permirent alors aux pionniers de continuer librement leur service divin : la proclamation de la bonne nouvelle.

L’INFLUENCE DE LA FAUSSE RELIGION EST COMBATTUE

L’influence néfaste du faux culte se manifesta par quelques incidents qui se produisirent en 1940. Dans une petite ville, des catholiques tentèrent de ‘donner forme au tourment par décret’ en incitant l’autorité civile à interdire l’usage de notre phonographe (Ps. 94:20). Une pétition portant cent cinquante signatures, dont celles de trois prêtres, fut envoyée au magistrat en exercice. Nous étions accusés d’outrage à leur Église. Après enquête, le magistrat ordonna aux signataires de laisser les Témoins de Jéhovah tranquilles et il ne prit aucune mesure contre notre œuvre.

Une autre escarmouche religieuse eut lieu la même année, mais dans une autre ville. Furieux de voir deux pionniers indiens répandre des publications parmi “son troupeau”, un pasteur se livra à des voies de fait sur leur personne. Aussitôt les pionniers firent imprimer un texte signalant à l’attention du public ce comportement indigne d’un chrétien. Ils distribuèrent cette feuille dans toute la ville. On fit également entrer en action une voiture à haut-parleur qui diffusa quelques discours bibliques. Le résultat fut qu’un groupe de “chrétiens” indiens vit la différence entre la chrétienté et le christianisme. Ces personnes devaient prendre part, par la suite, à la proclamation du Royaume.

DES RÉGIONS LOINTAINES SONT VISITÉES EN BATEAU

C’est en bateau que la bonne nouvelle fut portée dans des parties du Travancore qui sont sillonnées par tout un réseau de bras de rivières et d’eaux stagnantes, et qui sont donc difficilement accessibles. Des pionniers malayalis louèrent un bateau à rames et visitèrent les villages disséminés dans ces régions aquatiques. Ils purent faire des discours devant un millier de personnes et répandre des publications. Environ six cents livres et brochures furent placés dans seize villages qui n’étaient accessibles que par voie fluviale. C’est ainsi que ces régions riches en champs de riz et en palmiers reçurent un bon témoignage sur le Royaume de Dieu.

EFFORTS ACCRUS AU TRAVANCORE

C’est aux environs de 1941 que l’œuvre atteignit un sommet au Travancore. C’est à cette époque, en effet, que La Tour de Garde parut pour la première fois en malayalam. Elle était imprimée sur la presse de la Société. Rappelons qu’en 1938 la filiale australienne avait envoyé en Inde une petite presse. C’est le pionnier Claude Goodman qui fut chargé de surveiller l’impression de La Tour de Garde pour les frères malayalis.

Voici l’aveu que nous fit frère Goodman : “Je n’avais aucune notion d’imprimerie et je ne savais pas le malayalam, la langue dans laquelle devait être imprimée La Tour de Garde. Je surmontai le premier problème en lisant des livres sur le sujet et le second en usant du langage mimique, lorsque j’expliquai par signes à frère Varughese ce que je lisais dans les livres. En l’espace de quelques mois, nous imprimions notre périodique en malayalam aussi bien, sinon mieux, que ne l’avait fait auparavant la firme commerciale.” Il ne fait pas de doute que l’introduction de la presse fut un pas en avant. Cela contribua aux progrès de l’œuvre en Inde méridionale.

En raison des circonstances, il fallut mettre un terme à la diffusion du message par camping-cars. Les restrictions du temps de guerre avaient provoqué une grave pénurie d’essence et le rationnement qui fut institué ne permit plus de faire de longs trajets. D’autre part, la filiale de l’Inde ne recevait plus aucun soutien financier des autres filiales. On considéra donc que c’était la volonté de Jéhovah que les camping-cars fussent vendus et que l’argent ainsi obtenu fût affecté à d’autres formes d’activité. Un immense travail avait été accompli grâce à ces voitures, qui permirent de donner le témoignage dans toutes les parties de l’Inde.

LA BONNE NOUVELLE EST ANNONCÉE MALGRÉ L’INTERDICTION

Certain jour du printemps de 1941, frère Underwood prêchait de maison en maison à Patna, capitale de l’État de Bihâr. Soudain la police arriva sur les lieux, l’arrêta et l’emmena au poste. Là on lui confisqua toutes les publications de sa serviette. Par la suite, toutes les publications que possédait Underwood furent officiellement interdites par le gouvernement. La mesure prise dans l’État de Bihâr s’étendait automatiquement à tous les autres États de l’Inde. C’est ainsi que le gouvernement, par la notification n21-C en date du 14 juin 1941, confisqua toutes les publications de la Société.

La police fit une perquisition à la filiale de Bombay et saisit toutes les publications. Mais la main de Jéhovah n’était pas trop courte. Ne pouvant plus stocker des publications et étant privée de l’aide financière du siège de Brooklyn, la filiale de l’Inde fut transférée dans des locaux plus petits et moins chers situés dans le district de Colaba. La Tour de Garde était désormais interdite, mais tous les numéros nous parvinrent durant cette période. Les navires marchands qui mouillaient dans le port de Bombay avaient souvent à leur bord des matelots qui étaient Témoins de Jéhovah et qui apportaient invariablement à la filiale le dernier numéro de La Tour de Garde.

Sans crainte et tout en restant prudent, on reproduisait alors le texte sur des machines à polycopier et on le faisait parvenir aux frères disséminés dans l’Inde. C’est ainsi que dans les années qui suivirent parurent, polycopiés, les livres “La vérité vous affranchira” et “Le Royaume s’est approché”, ainsi que diverses brochures. Tout cela parvint aux frères. Grâce à la bonté de Jéhovah, pendant toute cette période d’interdiction, personne ne manqua de rien en fait de textes permettant d’étudier la Bible.

Dans le champ, les frères étaient en butte aux tracasseries de fonctionnaires gagnés par l’hystérie de la guerre. À Kottayam, le jour vint où un car de police s’arrêta devant le dépôt de la Société et la petite presse fut confisquée. La machine resta entre les mains de la police pendant la durée de la Seconde Guerre mondiale. À Calcutta, nos pionniers se faisaient régulièrement interpeller par la police, qui confisquait toutes les publications en leur possession

On fit appel au vice-roi Lord Linlithgow, pour que fût respectée la liberté du culte, mais il fit la sourde oreille. Les frères, cependant, étaient résolus à poursuivre la lutte. On envoya donc la brochure Dieu et l’État aux corps législatifs et à nombre d’institutions de la chrétienté, tandis que les ecclésiastiques, eux, recevaient la brochure Théocratie.

C’est en janvier 1942 que mourut notre frère fidèle et bien-aimé Joseph F. Rutherford. Le nouveau président de la Société Watch Tower, Nathan H. Knorr, correspondit immédiatement avec toutes les filiales et établit avec amour des communications avec elles. Il était réconfortant de sentir cet étroit contact avec le siège, au sein des conditions adverses créées par la guerre.

Bientôt on inaugura une nouvelle campagne d’études bibliques à domicile. Chaque proclamateur devait visiter méthodiquement son territoire, relever l’adresse des intéressés et, si possible, revenir régulièrement conduire une étude biblique à domicile. D’autre part, en Inde, tous les pionniers qui parlaient l’anglais étaient invités à entrer dans les rangs des pionniers spéciaux et à faire 175 heures de service par mois s’ils voulaient recevoir une aide financière.

À Lahore, Jacob Forhan, qui était Perse, servait comme pionnier spécial en compagnie d’un frère anglais, Clarence Taylor. Soudain, en mars 1942, tous deux furent arrêtés sans qu’on leur dise pourquoi et emmenés en prison. Taylor fut relâché, mais Forhan resta trois mois en prison. Par des appels renouvelés et des entrevues personnelles, on s’efforça d’amener les autorités à nous révéler pourquoi frère Forhan était emprisonné. On avait tout lieu de croire qu’un ecclésiastique anglican du nom de Johnson avait fait une déclaration mensongère à la police. Quand on lui demanda à brûle-pourpoint s’il avait porté une accusation mensongère contre ce pionnier, Johnson se répandit en dénégations. On n’a jamais dit à frère Forhan de quoi on l’accusait. Lorsqu’il fut relâché, il continua courageusement à prêcher dans le même territoire.

Sœur Kate Mergler, qui était, elle aussi, dans les rangs des pionniers spéciaux, rencontrait également des difficultés. C’est dans la station climatique d’altitude de Kotagiri, dans les monts Nilgiri, qu’elle reçut au mois de juillet l’ordre de quitter le district en moins d’une semaine. L’ordre avait été émis par le gouverneur de la Province de Madras, lequel était catholique. La raison invoquée était que sa présence à Kotagiri ‘risquait de porter atteinte à l’effort de guerre’ ! Notre jeune sœur choisit ‘d’obéir à Dieu plutôt qu’à l’homme’ et continua son activité de prédication (Actes 5:29). Elle fut arrêtée et condamnée à dix-huit mois de détention dans la prison de femmes de Vellore, dans la Province de Madras. On fit appel et sœur Mergler fut relâchée après six mois de détention.

Depuis quelque temps les nerfs du surveillant de filiale et de ses collaborateurs étaient mis à rude épreuve par le vacarme épouvantable que faisaient les engins de guerre circulant la nuit dans les rues. La filiale donnait sur la route qui menait à la zone militaire de Bombay où l’on parquait les blindés, les canons et le matériel lourd. La nuit, le bruit était infernal. C’est pourquoi, avec l’autorisation de la Société, la filiale déménagea une fois de plus. Cette fois, on alla s’installer dans le district plus tranquille de Byculla (au 167 Love Lane), dans une demeure plus spacieuse et plus économique. C’est de là que fut dirigée notre activité chrétienne pendant dix-huit ans, plus précisément jusqu’en 1960, l’année où la Société fit l’acquisition d’une maison dans la banlieue de Santa Cruz, à vingt et un kilomètres au nord de Bombay.

Comme on l’a déjà dit, la presse de la Société avait été confisquée et les imprimeurs de l’extérieur avaient peur de travailler pour nous. L’une des conséquences fut que les frères malayalis du sud ne pouvaient plus se procurer des publications pour le service du champ. Mais ils persévérèrent dans l’activité et donnèrent le témoignage en se servant uniquement de la Bible. On réussit cependant à faire entrer de petites quantités de publications anglaises dans cet État du sud. L’opposition catholique se fit plus violente et il arriva un jour que des catholiques interrompirent une réunion publique en lançant de la bouse de vache sur l’orateur. Le lendemain, ce frère courageux visita toutes les maisons de ce village, présentant à tous les habitants le message de vie.

Malgré l’interdiction qui frappait nos publications, nous avons inlassablement tenté de faire imprimer quelque chose. En 1942 nous parvint de Brooklyn un exemplaire de la brochure Espérance. Comme le texte de cette brochure semblait manifestement ne pas correspondre avec ce que prévoyait la réglementation indienne (Defence of India Rules) en cette matière, la filiale demanda aux autorités de lui garantir qu’on ne confisquerait pas cette brochure lorsqu’elle serait imprimée. Après un temps fort long, le gouvernement central consentit à faire une exception avec cette brochure, mais en prenant toutefois soin de préciser qu’il n’empêcherait pas les gouvernements provinciaux d’interdire la brochure s’ils le jugeaient bon. La brochure Espérance fut imprimée à Bombay (Uniform Printing Press). Sur le dos de chaque brochure figuraient ces mots : “Sur ordre du Gouvernement, cette brochure ne tombe pas sous le coup de la notification n21-C, en date du 14 juin 1941.”

Parmi les assemblées remarquables du peuple de Dieu qui eurent lieu à cette époque, signalons celle qui se tint à Bombay en janvier 1943. Ce rassemblement de trois jours se révéla être le plus grand congrès qui se fût jamais tenu en Inde. Soixante-dix-sept proclamateurs étaient présents, y compris deux de Ceylan.

DES EFFORTS ZÉLÉS SONT RÉCOMPENSÉS

Des frères et sœurs birmans, ayant fui l’occupation japonaise de la Birmanie, s’étaient installés à New Delhi, capitale de l’Inde. Dans cette ville se forma une petite congrégation de Témoins de Jéhovah. Sœur Phyllis Tsatos avait un parent qui travaillait au siège militaire britannique de Delhi. Un jour, ce parent lui présenta trois soldats anglais. L’un de ces militaires était Peter Palliser, qui devint Témoin de Jéhovah, servit pendant quelque temps comme surveillant de circonscription en Angleterre et fut, par la suite, chargé de la surveillance de la filiale du Kenya. Le plus âgé de ces trois soldats était marié. Sa femme se trouvait en Angleterre. Comme elle était dans la vérité, elle lui envoyait régulièrement chaque numéro de La Tour de Garde. Les frères de Delhi envoyaient chaque édition à la filiale de Bombay, où ils étaient polycopiés afin d’être diffusés en Inde.

À Poona, donc à bien des kilomètres de là, deux sœurs pionniers, Maude Mulgrove et Edith Newland, persévéraient avec zèle dans leur activité. Soudain, un juge de district leur ordonna de quitter Poona. On fit appel au gouvernement de Bombay, mais l’arrêté d’expulsion fut maintenu. Les deux sœurs allèrent prêcher ailleurs dans la même province, mais le public avait été informé de la mesure qui les frappait. Un prédicateur baptiste, Fred Hurst, l’apprit dans son journal. Aussitôt il se mit en quête des publications éditées par la Société Watch Tower. Il fit le tour de toutes les librairies et découvrit finalement l’un des volumes intitulés “Justification”. Il y trouva l’adresse de la filiale indienne. Il écrivit donc au bureau de Bombay et reçut la visite d’Edwin Skinner. Hurst reconnut immédiatement que la doctrine de la “trinité” n’avait aucun appui dans la Bible et commença à s’intéresser à la vérité. Sa femme lui fit une violente opposition, mais le cœur de son mari était droit. Après avoir réfléchi pendant quelque temps, il quitta l’Église baptiste, alla gagner sa vie en Australie et devint un Témoin de Jéhovah très actif.

On continuait à faire des efforts zélés dans l’État de Travancore et notre œuvre progressait régulièrement. Elle s’accomplissait surtout parmi les indigènes et dans leur idiome. Les frères de cette région vivaient, pour la plupart, dans une très grande pauvreté. Le salaire moyen était de huit annas par jour. En 1943, cela équivalait à environ deux cents américains. Leurs habitations étaient soit des huttes faites avec des feuilles de palmier séchées, soit des petites maisons construites en latérite (argile ferrugineuse qui durcit en séchant). Accablés par l’indigence, les gens étaient si occupés à gagner leur vie qu’ils n’avaient guère le temps d’écouter notre message. Dans quelques cas, cependant, l’extrême pauvreté incita certains d’entre eux à chercher l’unique remède : le Royaume de Dieu.

Les pionniers spéciaux se sont énormément dépensés dans le service. Ils étaient disséminés dans tout le pays. Parmi eux figuraient de vaillants combattants comme George Wright, Clarence Taylor, Randall Hopley, Gerald Garrard et Jacob Forhan. L’immense masse de la population, qui ne professait pas le christianisme, était mentalement hostile à la Bible. Aussi les territoires qu’on pouvait visiter avec fruit étaient-​ils peu nombreux et fort éloignés les uns des autres. On ne tombait jamais sur des rangées et des rangées de maisons offrant des possibilités de commencer des études bibliques. Il fallait beaucoup de temps et d’énergie pour découvrir les personnes susceptibles de témoigner de l’intérêt ou mentalement aptes à comprendre le message biblique. Il fallait être fort physiquement et spirituellement pour faire 175 heures dans de tels territoires par une température variant entre 27° et 46°. Mais, par la faveur imméritée de Jéhovah, ces fidèles serviteurs ont tenu bon. Ils purent voir quelques résultats après toutes leurs années de service, car en 1943 il y avait en Inde trente-sept congrégations totalisant vingt pionniers et trois cent quatre-vingt-un proclamateurs.

L’ŒUVRE SE POURSUIT MALGRÉ L’INTERDICTION

Coupés du siège de Brooklyn, les frères connaissaient des difficultés financières. Mais une fois encore, la main de Jéhovah ne fut pas trop courte (És. 59:1). De diverses sources nous parvinrent des contributions qui permirent à l’œuvre de se poursuivre.

À Delhi, treize ecclésiastiques de six sectes différentes (anglicane, presbytérienne, méthodiste, baptiste, catholique et “américaine”) s’unirent pour livrer bataille aux Témoins de Jéhovah. Ils firent paraître un tract intitulé “Avis à tous les chrétiens de Delhi”. Ce texte était un tissu de mensonges. On y affirmait entre autres que les Témoins de Jéhovah avaient été interdits pour des motifs politiques. Frère Basil Tsatos répliqua en publiant un tract de même format, avec le même titre, mais dont le texte était uniquement composé de citations bibliques. Ce tract, qui n’émanait pourtant pas de la Société, valut à l’imprimeur et à Basil Tsatos des poursuites judiciaires.

Ces difficultés n’empêchaient pas le peuple de Jéhovah de poursuivre l’importante œuvre de prédication et de faire des disciples. Par exemple, en janvier 1944, un congrès eut lieu à Bombay, dans la zone très catholique de Bandra. Au cours de la même année de 1944, on inaugura en Inde le service, rétabli, du “Serviteur des frères” (service de circonscription). Un des pionniers spéciaux, Ronald Tippin, reçut une formation à cet effet. Il devait faire le service parmi les proclamateurs de langue anglaise. Il fut chargé de visiter les congrégations de Delhi, de Calcutta, de Bombay, de Bangalore et de quatre autres endroits. A. J. Joseph, serviteur du dépôt de Kottayam (Travancore), entreprit ce service parmi les vingt-huit congrégations de son territoire.

Il fallut du temps pour bien organiser les frères du Travancore. Aucun d’entre eux n’avait une montre. Aussi n’arrivaient-​ils pas souvent à l’heure aux réunions et celles-ci dépassaient la durée prescrite. Pour savoir l’heure, ils se fiaient à la position du soleil dans le ciel ou aux tiraillements de leur estomac. Pour ce qui est d’étudier, les frères se laissaient tellement absorber par le sujet qu’il était impossible de faire des études d’une heure. Ces fidèles frères du Travancore devaient copier à la main le texte d’étude de toutes leurs Tour de Garde. Mais cependant ils ne prenaient aucun retard sur leurs autres études hebdomadaires.

L’INTERDICTION EST LEVÉE

La situation évolua lentement et devait conduire à la levée de l’interdiction qui frappait les publications de la Société. Margrit Hoffman, jeune femme suisse qui était bonne d’enfants chez un officier anglais de haut rang, lut des publications de la Société et correspondit quelque temps avec la filiale de Bombay. À la fin de son contrat, elle se fit baptiser et, par la suite, entreprit le service de pionnier. Alors qu’elle prêchait à New Delhi, sœur Hoffman frappa à la porte d’un parlementaire de Madras. Cet homme politique écouta ses explications sur la nature de notre œuvre. La sœur aborda également le sujet de l’interdiction pesant sur notre œuvre, interdiction provoquée par le clergé. Ce parlementaire, fort bien disposé, consentit alors à soulever devant le Parlement des questions à ce propos.

Pendant ce temps, Basil Tsatos, qui pratiquait la physiothérapie, soignait Sir Srivastava, ministre de l’Alimentation auprès du vice-roi. Frère Tsatos en profita pour lui donner le témoignage. Il lui parla naturellement de l’interdiction et de l’attitude des ecclésiastiques à l’égard de notre œuvre. Il lui apprit également que M. Skinner, notre directeur de filiale à Bombay, avait fait plusieurs démarches à ce sujet auprès du ministre Jenkins, mais sans succès. À la plus grande joie de notre frère, Sir Srivastava lui répondit : “Ne vous en faites pas, M. Jenkins quitte ses fonctions dans quelques jours et un bon ami à moi va prendre sa place dans le ministère du vice-roi. Dès que ce sera fait, priez M. Skinner de venir me voir et je le présenterai à Sir Francis Mudie.”

Le nécessaire fut fait pour que frère Skinner pût se rendre à Delhi s’entretenir avec Sir Francis Mudie, le nouveau ministre du Gouvernement central. Après cela, tous les membres du Corps législatif central se virent priés de nous prêter leur concours en posant devant l’Assemblée législative des questions sur l’interdiction. Deux membres non chrétiens du Parlement prirent en main notre affaire. On leur communiqua tous les détails et ils préparèrent treize questions. Ces questions devaient être soulevées devant le Parlement à une date fixée. Ce jour-​là, frère Skinner, Margrit Hoffman et Basil Tsatos étaient présents dans la galerie réservée aux visiteurs.

Le moment décisif arriva lorsque fut posée la question suivante : “Est-​il vrai que le gouvernement de l’Inde a interdit les publications de la Watch Tower Bible and Tract Society et dans ce cas, pour quelles raisons ?” Imaginez la joie de nos frères quand ils entendirent Sir Francis Mudie répondre en ces termes : “L’interdiction a été décrétée par mesure de précaution, mais maintenant le gouvernement a décidé d’annuler l’interdiction.” Cette déclaration fut faite le 21 novembre 1944. Dix-huit jours plus tard, soit le 9 décembre, l’interdiction fut officiellement levée. Nous pouvions désormais importer et imprimer les publications de la Société et les répandre dans toute l’Inde sans avoir à craindre aucune intervention officielle.

Dans la dernière semaine de 1944, un congrès eut lieu à Jubbulpore (Jabalpur), importante ville militaire située à 991 kilomètres au nord-est de Bombay. Cette cité était le centre missionnaire “chrétien” pour les Provinces Centrales (Madhya Pradesh). C’était donc le lieu idéal pour faire savoir à la chrétienté que les Témoins de Jéhovah ne se trouvaient plus sous le coup d’une interdiction gouvernementale. Pour la première fois en trois ans et demi, nous pûmes présenter des publications aux passants dans les rues et aussi aux portes sans avoir à redouter une intervention officielle.

EXPANSION À BOMBAY MALGRÉ L’OPPOSITION

L’interdiction n’avait nullement mis un terme à l’expansion de l’œuvre dans Bombay. Frère Kaunds reçut l’adresse de Benjamin Soans. Comme Arthur Kaunds, Benjamin Soans était, lui aussi, de la région du Kanara méridional, sur le littoral sud-ouest de l’Inde, et tous deux parlaient le canarais. Soans avait des notions sur la Bible et écrivait des articles pour un journal canarais. Cependant il travaillait dans l’atelier de la compagnie du téléphone de Bombay, aux côtés de vingt autres ouvriers, tous membres de la même communauté religieuse : la mission protestante de Bâle.

Il ne fallut pas longtemps pour que Soans parle à ses camarades de travail, et il ne tarda pas à voir grossir l’assistance de l’étude biblique qui avait lieu chez lui. En l’espace d’un mois, Benjamin Soans conduisait lui-​même une étude biblique avec un groupe d’amis et, en l’espace de neuf mois — au début de 1946 —, il fut baptisé. Aussitôt il se vit chargé d’achever la traduction en canarais du livre “La vérité vous affranchira”, traduction qui avait été commencée par sœur Rose Robello. Par la suite, frère Soans fut jusqu’à sa mort, qui survint en décembre 1966, le traducteur de l’édition canaraise de La Tour de Garde. Sa fille Joanna succéda à son père comme traductrice de La Tour de Garde en canarais.

Un soir, de nombreux proclamateurs de la congrégation de Bombay étaient en train de présenter les périodiques dans les rues, près de la Fontaine Flora. Soudain arriva une bande de jeunes catholiques qui voulaient vendre des brochures expliquant leur culte. Quand un passant s’arrêtait pour parler à un Témoin ou lui prendre un périodique, un jeune catholique venait alors brandir sa brochure sous le nez du passant, essayant ainsi d’intimider le Témoin.

Chaque semaine, les membres de l’Action catholique changeaient de tactique. Il arrivait que des catholiques se placent en cercle autour d’un seul Témoin, pour le cacher aux yeux des passants. Loin de les intimider, ces méthodes donnèrent encore plus de hardiesse aux proclamateurs. Les frères réagirent en clamant des slogans tels que “Pourquoi le pape combat la liberté”. Cela faisait sourire les passants et embarrassait les adversaires, qui finirent par laisser le champ libre aux Témoins.

L’AGITATION D’APRÈS-GUERRE

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale (1945), la situation de l’Inde se détériora rapidement. L’agitation finit par gagner tout le pays. D’innombrables personnes perdirent leur emploi. Les anciens internés politiques reprirent le combat pour l’indépendance nationale. On annonça que la Grande-Bretagne était prête à accorder l’autonomie au pays, et bientôt les affaires publiques se dégradèrent dangereusement. On était dans un état proche de l’anarchie. Les communautés religieuses luttaient entre elles pour le pouvoir et même pour leur existence. Elles en vinrent finalement aux mains à Calcutta et à Bombay. Les forces navales et aériennes se mutinèrent. Les grèves paralysèrent les communications postales et télégraphiques. La famine menaçait le pays. Telle était la situation en 1945.

À ce propos, frère Garrard nous rapporte un incident survenu à cette époque. Voici son récit : “Pendant les émeutes dirigées contre les Blancs, ce n’était pas une mince affaire lorsqu’on se trouvait pris au milieu de la foule. Mais nos pensées étaient toujours tournées vers Jéhovah. Je me souviens de la première fois que cela m’est arrivé. Une cinquantaine de personnes menaçaient de me tuer, mais ne savaient pas comment s’y prendre ! On me laissa finalement partir parce que j’étais un prédicateur. Une autre fois, nous étions trois qui nous vîmes entourés par des gens venus de droite et de gauche. Avant que l’affaire commence, on a l’estomac qui se serre, mais une fois que tout est commencé, on se sent aussi calme que possible. Il semble que l’esprit de Jéhovah neutralise la peur. On met sa confiance en Dieu. Il n’y a rien d’autre à faire et l’on est stupéfait de voir la tournure que prennent les choses.”

Le pays tout entier n’était plus qu’une immense masse d’hommes en pleine effervescence. Mais au milieu de cette mer humaine démontée se tenait un groupe de gens sans grande importance numérique. Aucunement effrayés par la situation, inébranlables dans leur résolution d’adorer Dieu et d’annoncer son Royaume, les Témoins de Jéhovah invitaient les nations à se réjouir avec son peuple. — Deut. 32:43.

SPIRITUELLEMENT VIVANTS AU SEIN DE LA TOURMENTE

Désireuse d’affermir la jeune congrégation de Calcutta, la Société tint un congrès dans cette ville, en 1946. On pensait que le discours “Le Prince de la Paix” mettrait un peu de baume sur les blessures causées par la récente effusion de sang qui s’était produite à Calcutta. La ligue musulmane avait proclamé le 16 août “Journée de l’Action directe”. Ce jour-​là, de très nombreux Hindous furent tués et leurs maisons furent pillées et détruites. La ville devint le théâtre de l’une des émeutes les plus brutales qui eussent jamais ensanglanté ses rues.

Depuis 1940, la ligue musulmane faisait campagne pour la formation d’un État musulman séparé (Pakistan). Un avocat célèbre, M. A. Jinnah, proposa que cet État fut constitué par le nord-ouest de l’Inde, car cette région était en très grande part musulmane. Dans les provinces du Sind et du Pendjab, la haine entre hindous et musulmans risquait d’exploser à tout moment. Malgré ces conditions qui régnaient à Karachi, Rawalpindi et Lahore, il y eut quelques pionniers qui s’efforcèrent de poursuivre l’œuvre du Royaume. Cependant la gravité de la situation accaparait l’attention des masses. Il y eut bien des proclamateurs indiens qui cessèrent d’apporter leur concours à la Société dans sa campagne de prédication. Apparemment, ils étaient devenus Témoins avec des arrière-pensées, dans l’espoir de recevoir une aide financière. C’est ainsi que l’œuvre dans la région qui devait devenir le Pakistan se ralentit considérablement.

PARTICULARITÉS DE LA PENSÉE HINDOUE

Pour ce qui est de l’Inde en général, la toute première difficulté que rencontre un proclamateur, c’est de trouver un terrain où les esprits puissent se rencontrer. Pour un étudiant hindou, par exemple, une chose peut être à la fois vraie et fausse. Si vous, vous croyez que le feu brûle, alors ce sera vrai pour vous, mais si lui pense que non, alors ce sera vrai pour lui. Il concédera volontiers que votre raisonnement logique est la vérité, mais l’instant d’après il souscrira à un raisonnement qui lui est diamétralement opposé. Selon lui, tous les deux sont vrais.

Le respect que l’hindou témoigne pour la Bible est le plus souvent superficiel. En réalité, il ne fait aucun cas des Saintes Écritures. Pour lui, il n’y a ni vérité ni erreur. Tout est vérité et tout est erreur. Il n’y a ni mal ni bien. Le mal est bien et le bien est mal. Il n’y a pas de Dieu et il n’y a pas de Satan. Tout est Dieu. Prenez cette chaise sur laquelle vous êtes assis. Vous croyez qu’elle est dépourvue de vie. C’est parce que vous êtes incapable de capter ses ondes de pensée et de communiquer avec son intelligence, laquelle, selon lui, est supérieure à la vôtre. Cette chaise aussi est Dieu !

UNE VISITE TRÈS UTILE

Tel était le territoire que visitait depuis des années une poignée de pionniers et dans lequel allaient être envoyés des missionnaires de l’École de Galaad. En même temps que les premiers missionnaires de Galaad, qui débarquèrent en 1947, arriva frère N. H. Knorr. C’était la première visite d’un président de la Watch Tower Bible and Tract Society depuis celle du pasteur Russell en 1912.

Le lundi 14 avril 1947, frère Knorr, accompagné de frère Henschel, partit de Rangoon (Birmanie) à bord d’un hydravion. Ils amerrirent sur le Hooghly près de Calcutta. Les frères les attendaient sur la rive. Le calme qui régnait dans la ville était précaire. Les hindous et les musulmans étaient d’humeur combative et le couvre-feu était appliqué en plusieurs endroits de la cité. Frère Knorr et frère Henschel traversèrent la ville à bord d’un vieil autobus, et voici ce qu’ils remarquèrent :

“C’est le costume des passants qui attira tout d’abord notre attention (...). La plupart des hommes étaient en dhoti, sorte de jupe constituée par quelques mètres de coton drapés autour des hanches. Beaucoup étaient coiffés du pugri, turban dont la couleur indiquait la nationalité. Dans certains quartiers, de nombreuses têtes étaient coiffées du fez. Il y avait aussi des hindous qui portaient des chemises à la mode occidentale, dont ils laissaient flotter les pans. Les femmes, drapées dans des saris voyants, étaient couvertes de bracelets d’argent et d’or. Il y en avait qui portaient des anneaux à leurs oreilles et à leur nez ; d’autres avaient fixé des pierres précieuses aux ailes de leur nez. (...)

“Puis nous vîmes notre première vache sacrée, qui avançait sur le trottoir. Elle semblait avoir droit de passage, car tout le monde s’écartait devant elle. Nous ne tardâmes pas à voir d’autres bovins sacrés. C’était là quelque chose de nouveau pour nous. Nous avions l’habitude de voir des vaches dans un pré ou à l’étable, mais nous n’avions jamais vu des vaches déambuler par les rues principales d’une ville de quatre millions d’habitants et se nourrir aux étalages (quand on les chassait d’un étalage, elles allaient à un autre) ou bien manger ce que les passants laissaient tomber sur le trottoir. C’étaient des animaux “sacrés”. (...)

“Nous finîmes par arriver à la Salle du Royaume, et la réunion eut lieu avec quinze frères. Le couvre-feu, annoncé par la police, avait empêché certains de venir (...). Nous leur avons transmis l’amour et les salutations de leurs frères des autres parties du monde et leur avons prodigué maints encouragements (...). Le plus souvent l’atmosphère de la ville est d’une moiteur étouffante. Mais ce soir-​là il soufflait une forte brise, qui n’était pas glacée et qui rafraîchit l’assemblée de cent personnes en train d’écouter un discours de frère Knorr (...). C’était la dernière réunion que nous avions avec les frères, nous prîmes donc congé.”

À Bombay, il y avait beaucoup à faire à la filiale, et le rapport se poursuit en ces termes : “Pendant toute la journée nous avons travaillé dans un concert de cris de mendiants et de coups de klaxon. Les rues étaient si encombrées de monde que les conducteurs klaxonnaient continuellement.”

L’assemblée eut lieu dans la salle des conférences de l’École des études économiques et sociologiques (université de Bombay). Cette salle était située au cœur de la cité. Le premier jour, le mardi 22 avril, on dénombra 114 personnes dans l’assistance ; il y eut six baptisés.

Voici qui vous donnera une idée de l’esprit de superstition des Indiens. L’incident s’est produit à l’occasion de la visite de frères Knorr et Henschel, et plus précisément le deuxième jour de l’assemblée. Leur rapport est ainsi conçu : “Tandis que nous nous rendions à l’assemblée, nous avons rencontré un homme qui portait de l’eau. On nous a dit qu’il avait pris cette eau ‘sainte’ dans un puits tout proche. Ce puits est sacré pour les Indiens et certains boivent régulièrement de son eau. On raconte qu’un jour, un intouchable y avait puisé de l’eau pour ses besoins personnels. Cette ‘souillure’ avait soulevé le mécontentement général. Mais l’eau n’en était pas moins impure. La seule façon pour les chefs religieux de la rendre de nouveau ‘sainte’ consisterait à jeter dans le puits sept seaux de fumier de taureau sacré. Après quoi les Indiens ont pu boire de cette eau ‘sainte’ et l’utiliser à des fins religieuses. On dit aussi que ce puits est la principale cause de choléra à Bombay.”

Frère Knorr parla ce matin-​là de l’œuvre en Inde et des objectifs futurs. Les frères ont bien accueilli ces nouvelles ainsi que l’annonce de la réorganisation de l’activité dans le pays. L’assistance s’élevait à 120 personnes venues de Karachi, de Delhi, de Madras, du Travancore, de Calcutta, de Ceylan et de nombreuses autres villes. Leur détermination de propager la bonne nouvelle du Royaume était remarquable.

Le discours intitulé “La joie pour tous les hommes” a rassemblé un auditoire de 504 personnes. Ce sujet avait été préparé particulièrement à l’intention des habitants des pays asiatiques. Les visiteurs avaient de la peine à quitter les frères à la fin de l’assemblée ; ils durent partir, laissant l’Inde en proie aux troubles.

LE PAYS S’ENFLAMME

Le 20 février 1947, le gouvernement britannique annonça son intention de se retirer de l’Inde en juin 1948 ; lord Mountbatten fut alors nommé vice-roi et chargé de régler la transmission des pouvoirs. La Ligue musulmane réagit violemment au moyen d’émeutes sanglantes. Dès lors, les assassinats, les pillages, les incendies et la violence sous toutes ses formes ravagèrent le Bengale-Oriental, le Pendjab et la Province frontalière du nord-ouest. Finalement, le parti du Congrès accepta la division de l’Inde, ce qui eut pour conséquence la constitution de l’État pakistanais.

De plus grandes atrocités ont été commises à partir du 15 août, lors de la formation du Pakistan musulman et de l’Union indienne, peuplée d’hindouistes. Animés par un zèle religieux fanatique, en proie à la crainte et aigris par la pauvreté, hindous, sikhs et musulmans s’entre-tuèrent en utilisant toutes les armes qui leur tombaient sous la main : haches et épées, recourant même au feu. Alors ce fut l’exode ; des millions de gens formant caravanes se croisaient sur les routes. Les musulmans fuyaient l’Inde pour se réfugier au Pakistan, les sikhs et les hindous abandonnaient le Pendjab pour chercher asile en Inde. Un observateur a rapporté que l’une des caravanes atteignait une longueur de plus de cent kilomètres. Selon un autre observateur, le plus important convoi de réfugiés comprenait 400 000 personnes. Ces longs cortèges de miséreux et d’affamés laissaient derrière eux des cadavres en grand nombre. Cela déclencha une réaction violente ; on exerça des représailles sanglantes, ce fut une véritable boucherie. Durant ces massacres, frère Cotterill se trouvait du côté pakistanais de la “partition” servant les frères de Karachi.

Puis frère Cotterill fut désigné pour desservir une assemblée de circonscription à Dehra Dun, l’un des foyers de la révolte. L’employé qui délivrait les billets de chemin de fer chercha à le dissuader d’entreprendre ce voyage qui allait être un véritable cauchemar. Mais frère Cotterill se dit : “Si c’est la volonté de Jéhovah, je m’efforcerai d’aller là-bas.” Il écrit :

“Donc, après quelques jours passés avec les frères de Karachi, je me mis en route. Le train avançait prudemment, me semblait-​il, en direction du nord, passant par Multan et Montgomery. Tandis que nous approchions de Lahore, les signes de confusion devenaient de plus en plus évidents, car de nombreux réfugiés fuyaient le Pakistan et d’autres l’Inde. Un musulman fervent qui se trouvait dans mon compartiment s’agenouilla plus d’une fois sur son tapis à prières, pour implorer Allah et lui demander protection. Cela me rappelait Londres pendant la Seconde Guerre mondiale. Après avoir passé toute la nuit debout sur le quai, j’ai pris un train à destination de l’Inde. Le wagon était comble et un climat de peur y régnait. Dans mon compartiment tout était calme. Je me suis mis à lire un exemplaire de La Tour de Garde et j’ai donné un numéro de Réveillez-vous ! à mon voisin. Notre compartiment de première classe, qui était prévu pour six personnes, en comptait quarante.

“Dans chaque gare, des foules de gens se pressaient sur le quai. Tandis que je traversais le pays, je voyais d’importants convois de réfugiés avec des chameaux, des chevaux, des ânes, des brebis et des chèvres. Heureusement, je n’ai jamais assisté à une tuerie. Pourtant, des trains entiers de voyageurs ont été massacrés, y compris celui qui précédait le nôtre. À Amritsar, des sikhs, armés de longs couteaux fixés sur des bâtons, ont fouillé tous les wagons, prêts à tuer dès qu’ils le jugeraient bon. Je me mis à prier Jéhovah par son Fils Jésus Christ, pour lui demander de me protéger, si telle était sa volonté, et de m’aider à rester calme. J’ai effectivement gardé mon calme en poursuivant ma lecture des Saintes Écritures.

“Des hommes, des femmes et des enfants s’entassaient sur le toit des wagons avec leurs chèvres et leurs bagages. Un quaker américain me donna un colis de l’armée des États-Unis contenant quelques biscuits et du chocolat, ce qui me permit de me restaurer un peu. Finalement, nous sommes arrivés à Saharanpur, de l’autre côté de la frontière, où, accompagné du jeune homme qui avait lu Réveillez-vous ! je me suis mis en quête de nourriture. Il m’a alors dit qu’il était un soldat musulman de l’armée indienne, et qu’il regagnait son cantonnement. Cette journée avait été la plus pénible qu’il ait jamais connue. En effet, si les autres voyageurs avaient su qu’il était musulman, ils l’auraient impitoyablement tué. Il devait être le seul voyageur musulman de ce train.

“Le lendemain matin je me rendis par le car à Dehra Dun, où j’ai prononcé un discours approprié ayant pour thème ‘Bénis soient les pacifiques’. Dans cette région, sikhs et musulmans s’entre-tuaient. Frère Gerald Garrard et moi avons jugé plus prudent de raccompagner les sœurs. Pour la dernière partie du programme de l’assemblée, l’assistance s’élevait à six personnes, cela en raison du couvre-feu très strict. Je me rendis ensuite à Calcutta, où Randall Hopley était serviteur des frères. Nous avons tenu l’assemblée de circonscription à la salle de l’YMCA, à Chowringhee, où j’ai eu la joie de faire la connaissance des frères d’expression bengalie. Puis j’entrepris un long voyage en train jusqu’au Travancore. À Talapady, les frères malayalis ont chanté le cantique d’ouverture ; tous les proclamateurs âgés avaient été réunis comme pour former un chœur. (...) Il était nécessaire d’expliquer aux frères parlant le malayalam que nous sommes bel et bien des Témoins de Jéhovah. En effet, lors du recensement de la population, certains avaient déclaré qu’ils étaient ‘Russellistes’.

“Je me rendis ensuite à Bangalore pour voir les frères et les encourager à répondre à l’invitation de Jéhovah en assistant aux assemblées de circonscription. J’allai ensuite à Madras où se tint une joyeuse assemblée et où j’appris à aimer profondément les frères d’expression tamile. De là, je retournai à Bombay rejoindre frère Carmichael dans le territoire qui nous avait été assigné et où l’on parle marathi.”

L’ÉCOLE DE GALAAD NOUS ENVOIE DE L’AIDE

Homer et Ruth McKay, diplômés en 1947 de la huitième classe de Galaad, ont certainement trouvé leur nouveau foyer en Inde très différent de celui qu’ils avaient au Canada, leur pays d’origine. Lorsqu’ils sont arrivés à Bombay, après un long voyage, ils ont été accueillis par Dick Cotterill et Hendry Carmichael, également diplômés de la huitième classe, ainsi que par d’autres frères.

Quelques mois auparavant, lorsque frère Knorr avait visité la cuisine du Béthel de Bombay, il avait fait cette remarque laconique : “Cette cuisine démoraliserait une ménagère américaine.” Or, Ruth McKay venait d’être nommée cuisinière et femme de ménage du Béthel. Voici ce qu’elle nous en dit : “C’était une maison comme je n’en avais jamais vue. La cuisine était dépourvue d’évier ; il y avait simplement un robinet dans un coin et un rebord en béton pour empêcher l’eau de se répandre dans la pièce. L’eau étant souvent coupée dans la journée, il fallait en avoir en réserve. En guise de fourneau, nous utilisions un récipient en métal, appelé sigri, dans lequel on brûlait du charbon de bois ; on ne pouvait y mettre qu’une casserole à la fois. Il n’y avait pas de réfrigérateur, aussi fallait-​il acheter la nourriture au jour le jour. Tous les aliments devaient être emballés ; l’expérience m’a en effet appris que les denrées laissées à découvert faisaient la joie des corbeaux. Ces oiseaux m’ont ainsi volé quantité d’œufs et avant que je me rende compte de leur manège, ils s’étaient également régalés avec une bonne portion de pudding.”

Voici ce que nous dit encore sœur McKay à propos des conditions de vie des habitants : “Au début, la pauvreté et le mode de vie des Indiens nous rendaient perplexes. Nous ne savions pas si nous allions nous adapter à ces conditions. Nous étions découragés. Mais avec le temps, la nécessité de faire connaître la vérité à ces gens l’a emporté sur nos considérations personnelles. Nous ne cessions de nous dire que seul le nouveau système de choses qui sera inauguré après Har-Maguédon purifiera le présent monde.”

Homer McKay fut nommé serviteur des frères de la région de Bombay. Il assumait cette fonction à temps partiel. Sa circonscription était vaste et très peuplée, mais elle ne comptait que peu de proclamateurs du Royaume. Pour visiter un seul proclamateur isolé à Hyderabad, il a dû parcourir environ huit cents kilomètres, ce qui représente quinze heures de train. En une autre occasion, il a parcouru environ cinq cents kilomètres de Bombay à Ahmedabad, pour aider une famille isolée. Parlant de la réunion publique organisée dans cette ville, Homer McKay écrit :

“Ahmedabad est une grande ville de plus d’un million d’habitants et qui compte de nombreuses filatures de coton. Nous avons loué une salle afin d’y tenir une réunion publique. Pour toute publicité, nous avons annoncé nous-​mêmes le discours durant la semaine et nous avons confectionné une banderole que l’on a fixée sur l’immeuble abritant la salle. Outre la famille bien disposée à l’égard de la vérité, trois autres personnes, des musulmans, sont venues entendre le discours que j’ai prononcé dans une salle de 500 places assises devant un auditoire de 7 personnes.”

NOUS IMPRIMONS DE NOUVEAU SUR NOS PRESSES

Aussitôt après la Seconde Guerre mondiale, la Société a obtenu l’autorisation d’acheter en Amérique une presse plate Chandler & Price. On a fini par l’installer dans un petit atelier situé à environ trois kilomètres du bureau de la filiale à Bombay. Nous avons amené du Travancore des caractères en malayalam et nous avons acheté des caractères pour la langue anglaise. Claude Goodman, assisté de frère Matthew, procéda à l’installation de l’imprimerie. Auparavant, le périodique La Tour de Garde en malayalam était composé à la filiale de Love Lane et imprimé par une firme de l’extérieur. Désormais, nous allions faire nous-​mêmes le travail de composition et d’impression. Toutefois, il nous faudrait recourir aux imprimeries de l’extérieur pour ce qui est des publications dans les autres langues.

Précisons en passant que la presse qui servait à l’impression de La Tour de Garde en malayalam fonctionnait à l’aide d’une pédale. Ce travail était pénible durant les mois d’été très humides ; aussi la Société a-​t-​elle fait l’achat d’un moteur électrique de manière à faciliter la tâche de l’opérateur.

ON DÉCOUVRE UN NOUVEAU FOYER D’INTÉRÊT À BOMBAY

Un jour de 1949 que frère Harsha Karkada père et Satyanathan diffusaient nos périodiques dans les rues près de Flora Fountain, ils en remirent un exemplaire en langue canaraise à M. Rocky D’Souza. Il se trouvait que la demeure de cet homme avait été transformée en foyer pour hommes célibataires. Une partie du bâtiment avait été aménagée en dortoirs contenant une cinquantaine de lits, et l’autre servait de cercle où les locataires et même des hommes de l’extérieur pouvaient venir se distraire. Presque tous les membres de ce club se disaient chrétiens. Ils venaient de la région de Brahmavar, sur la côte du Konkan, en Inde occidentale. Frères Karkada et Satyanathan visitaient chaque semaine Rocky D’Souza ; à l’occasion de ces visites ils ont fait la connaissance des différents membres du club avec lesquels ils se sont entretenus de la Bible. L’intérêt de ces personnes grandissant, les frères ont alors conduit régulièrement une étude biblique à laquelle participaient entre vingt et trente personnes.

Mais les autres membres du cercle ne tardèrent pas à manifester de l’opposition. Dans la salle commune, il y avait un grand autel surmonté d’une croix et orné de cierges. Ceux qui s’étaient mis à l’étude de la Bible n’avaient pas tardé à comprendre que Dieu désapprouve le culte des idoles. Aussi attendaient-​ils le moment propice pour ôter la croix et tout le reste. L’occasion se présenta lorsque les membres du club décidèrent de repeindre la maison. On enleva donc l’autel pour le nettoyage du printemps, mais il ne fut pas réinstallé car il avait tout simplement disparu ainsi que la croix. Cet incident mit tout le monde en effervescence et provoqua une scission parmi les locataires. On décida alors de mettre la question au vote. Les personnes bien disposées qui approuvaient ce changement l’emportèrent car elles étaient un peu plus nombreuses que les autres. Par la suite, le président du club, P. P. Lewis, devint Témoin, de même que Rocky D’Souza et d’autres locataires. Tous les dimanches matins des discours publics étaient donnés au club, discours qui réunissaient une assistance de 40 à 50 personnes, y compris les parents de ceux qui ne logeaient pas au cercle. Grâce à ce foyer d’intérêt que nous avons développé, l’œuvre a pris un réel essor à Bombay.

RÉTROSPECTIVE SUR L’ACTIVITÉ DE LA CIRCONSCRIPTION

En 1949, Hendry Carmichael a commencé à servir en qualité de surveillant de circonscription, ce qui l’a amené à parcourir toute l’Inde. Déjà des noyaux s’étaient formés, y compris à Kolar Gold Fields, où frère Ponniah, qui est médecin, ainsi que Robert Rushton et sa famille, collaboraient avec la congrégation locale. Cette visite s’avéra intéressante à de nombreux titres. Hendry Carmichael écrit à ce sujet : “Kolar Gold Fields est situé, comme son nom l’indique, dans la région des mines d’or, qui sont, dit-​on, les plus profondes au monde. Ce fut pour moi une aventure que de descendre dans le puits Clifford, à 1 980 mètres. Il était étonnant de voir toutes les opérations minières accomplies à une telle profondeur ; on y trouvait également des ateliers, une équipe complète de sapeurs pompiers munis du matériel approprié, des réserves d’explosifs, un réseau de voies ferrées et des wagons. J’ai aussi eu l’occasion de descendre dans le puits Heathcote, à plus de 2 700 mètres de profondeur ; bien qu’il y eût un important système de climatisation, la température s’élevait néanmoins à 43 degrés. Là, j’ai pu forer la roche que les mineurs s’apprêtaient à couper pour exploiter une nouvelle veine d’or. (...)

“Cette année-​là a été marquée par la formation d’une circonscription dans le Travancore ; cette circonscription comprenait une douzaine de congrégations et une famille d’isolés. En outre, frère Joseph, notre interprète pour le malayalam, et moi, nous avons parcouru environ neuf cent cinquante kilomètres à l’aide de différents moyens de transport et cent vingt-neuf kilomètres à pied. Je me souviens comme si c’était hier de notre visite à Upputhara, dans la région montagneuse. À notre arrivée, tard dans la nuit, nous avons trouvé tous les frères réunis dans la Salle du Royaume au toit de chaume ; ils attendaient l’orateur annoncé. (...)

“Pour nous rendre à Kangazha, où il y avait une congrégation, nous avons pris un autocar qui nous a emmenés à travers la campagne. Les sièges étaient constitués de bancs en bois disposés dans le sens de la largeur ; les voyageurs montaient par les côtés du véhicule dans lequel ils s’entassaient au maximum avec leurs achats, y compris des chèvres, des poules et d’autres animaux. Comme aucune limite n’était fixée, les voyageurs s’agrippaient là où il y avait un marchepied, sur les côtés ou à l’arrière, et certains montaient même sur le toit. Cela ne manquait pas de pittoresque.

“Mais ce n’était là qu’une étape de notre voyage. Nous avons ensuite poursuivi notre route à travers une forêt de palmiers. La nuit étant venue, nous nous sommes éclairés au moyen d’une torche que nous avions confectionnée avec des feuilles de palmier. Le chemin nous semblait long ; après des heures de marche, nous sommes enfin arrivés à destination où nous avons été accueillis chaleureusement. (...)

“Le Travancore, au climat chaud et humide, est parsemé de hameaux entourés de rizières, de cocotiers et de palmiers de différentes sortes. Bien que les habitants n’aient pas beaucoup d’argent pour vivre, ils cultivent en grande partie tout ce dont ils ont besoin ; en guise d’assiette ils utilisent des feuilles de palmier, dont ils se servent également pour faire le toit de leurs habitations. Ils confectionnent des ustensiles divers avec des noix de coco. Les rizières sont entourées de canaux d’irrigation que l’on ne peut franchir qu’en marchant sur des palmiers qui ont été abattus. Cela rend plus difficile l’activité de prédication. Quand une réunion publique était organisée, on me conduisait jusqu’à une clairière, en plein cœur d’une forêt de palmiers. Là, j’attendais patiemment ; juste au moment où je désespérais de voir venir quelqu’un, les frères arrivaient. Comment avaient-​ils eu connaissance du lieu exact de la réunion, je l’ignore encore. Quoi qu’il en soit, près de 300 personnes se réunissaient et pas seulement pour écouter un discours d’une heure. Cette réunion étant pour elles un grand événement, elles venaient dans l’intention d’apprendre beaucoup de choses. Tous écoutaient attentivement, suivant dans leur Bible ; certains étaient accroupis, d’autres assis sur des arbres abattus, ou encore sur le sol. (...)

“Cette tournée dans le Travancore s’est achevée par une assemblée à Talapady, du 2 au 4 septembre 1949. Quelle joie ce fut d’accueillir frère Skinner, qui était venu de Bombay pour présenter le discours public, auquel assistèrent 800 personnes !”

LES MISSIONNAIRES PERSÉVÈRENT À CALCUTTA

Les missionnaires récemment arrivés à Calcutta s’efforçaient d’apprendre le bengali, la langue régionale. Afin de favoriser l’expansion de l’œuvre du Royaume dans ce territoire, en 1949 la Société a édité en bengali la brochure La joie pour tous les hommes. Naturellement, les missionnaires ont mis un certain temps pour s’adapter aux conditions locales. Sœur Marie Zavitz dit : “Un jour que je présentais nos imprimés aux passants, en me retournant je me suis trouvée nez à nez avec un homme qui tenait un long python (environ trois mètres) ; l’animal me regardait droit dans les yeux. Je n’aime pas les serpents. J’ai poussé un cri et je me suis enfuie à toutes jambes.” Ce n’était qu’un charmeur de serpents ambulant qui s’efforçait de gagner son pain.

Sœur Zavitz poursuit en disant : “Un autre jour que je participais à l’œuvre de prédication, j’ai rencontré une femme qui a accepté un périodique en me demandant de le poser sur le seuil de sa maison. Ce que je fis. Cette femme a alors ramassé le périodique puis a laissé tomber quelques pièces d’argent dans ma main, évitant que sa main ne touche la mienne. Ainsi, elle se croyait pure au point de refuser un écrit de ma main ; j’en étais vexée. Toutefois, cette attitude était due au système des castes.

“J’avais commencé une étude avec une Indienne ‘chrétienne’ ; un jour que je l’emmenais chez une autre étudiante de la Bible, nous avons rencontré en chemin un homme à qui j’avais laissé un de nos livres. Nous nous sommes donc arrêtées pour lui parler. La semaine suivante lorsque j’arrivais chez cette femme, elle me dit que désormais elle ne m’accompagnerait plus. Comme je lui en demandais la raison, elle me répondit : ‘Voyez-​vous, une Indienne n’a pas le droit d’adresser la parole à un homme dans la rue ; si l’on me voyait dans une telle situation, je serais déshonorée aux yeux de tous. Même s’il est mon parent, je ne peux parler avec un homme dans la rue.’ Quelque temps plus tard, elle avait résolu ce problème et s’offrait de m’accompagner. Elle a embrassé la vérité et a finalement entrepris le service de pionnier spécial ; maintenant elle participe seule à l’activité de prédication dans les rues.”

Gérald Zavitz écrit : “Au début, nous pensions avoir trouvé un champ fertile, mais nous n’avons pas tardé à découvrir que l’intérêt manifesté par les habitants était superficiel. Ils nous écoutaient volontiers, mais restaient sceptiques, étant fermement attachés à leurs philosophies. Au début, je pensais obtenir des résultats en les faisant raisonner sur leur croyance en Karma. Selon la théorie de Karma, tout arrive conformément à la volonté de Dieu, et il y a du bon en toutes choses. Je décidais donc de raisonner avec les Indiens sur la base d’un fait bien précis : l’assassinat de Mohandas Gandhi. Sans conteste, c’était un crime abominable qui ne renfermait rien de bon. Eh bien, non ; pour eux, ce meurtre avait quelque chose de bon. Il va sans dire qu’un tel raisonnement nous échappe. J’ai donc renoncé à argumenter avec eux sur la base de cette théorie. À Calcutta, quelques hindous ont accepté la vérité. Toutefois, nous avons jugé plus utile d’étudier avec les Indiens ‘chrétiens’.”

L’ŒUVRE PROGRESSE ENCORE AU BENGALE

Vers la fin de 1949, Hendry Carmichael, diplômé de Galaad, a visité la circonscription du Bengale. Il écrit : “À l’occasion de ma visite dans la nouvelle congrégation de Kanchrapara, je me suis arrangé pour aller à Chapra, un village situé à environ 130 kilomètres au nord de Calcutta. Les membres du clergé et les missionnaires de la chrétienté ont tout fait pour nous empêcher de donner le discours public dans ce village ; malgré cela, une soixantaine de personnes se sont rassemblées dans une clairière, par un beau clair de lune, pour écouter l’orateur qui s’éclairait avec une lampe à pétrole. À la fin, une femme bengalie âgée a fait cette remarque : ‘Je ne savais pas que la Bible enseigne ces choses ; dire que toute ma vie j’ai écouté le clergé !’”

Frère Carmichael dit encore : “Tandis que j’allais de porte en porte à Chapra, deux personnes se sont jointes à moi ; puis, ce fut une quinzaine de personnes qui m’ont accompagné dans mon activité. Dans cette région, les maisons étaient construites sur des sortes de plate-formes de boue séchée au soleil. Ces plate-formes s’élevaient à une soixantaine de centimètres du sol ; le toit, fabriqué à l’aide de feuilles de palmier, descendait jusqu’à terre et recouvrait la plate-forme pour empêcher la pluie de pénétrer à l’intérieur. Quand on nous invitait à entrer, il fallait d’abord se baisser pour passer sous le toit, puis monter sur la plate-forme où l’on s’asseyait par terre. Il va sans dire que mes quinze compagnons me suivaient à l’intérieur. Tous écoutaient et raisonnaient sur la base des Écritures. Il m’est arrivé de discuter des vérités bibliques jusqu’à une heure avancée de la nuit et pourtant, il me fallait être debout à l’aube pour aller répandre la bonne nouvelle ailleurs.”

COUP D’ŒIL SUR LES PROGRÈS RÉALISÉS

En 1949, il y avait en Inde un seul surveillant de circonscription pour 270 proclamateurs et 23 pionniers spéciaux répartis dans 29 congrégations (13 malayalams, une bengalie et 15 anglaises).

À l’époque où fut proclamée la nouvelle République de l’Inde, le 26 janvier 1950, les frères du bureau de la filiale de Bombay étaient en train de déménager la presse ; cette machine qui se trouvait dans la banlieue de Sewri a été installée dans un entrepôt, non loin du bureau de Love Lane. C’était une presse relativement neuve ; toutefois, des supports en bois s’étant brisés au cours du déchargement, la presse culbuta et une pièce maîtresse se brisa. Il fut néanmoins possible de la réparer et la presse fonctionna comme par le passé.

CYCLONE ET AVALANCHES DE PIERRES

Tandis que Hendry Carmichael, surveillant de circonscription, s’apprêtait à quitter Darjeeling, un terrible cyclone s’est abattu sur la région. Il fut accompagné de pluies torrentielles : en deux jours l’eau monta à 127 centimètres. Il s’ensuivit des glissements de terrain importants qui dévastèrent toute la région, balayant des bustis ou villages et entraînant dans la mort tous les habitants. En fait, la maison voisine de celle où demeurait frère Carmichael a été emportée ; à la suite de cela des roches et des débris se sont amoncelés devant la maison du frère, laquelle n’a pas tardé à être envahie par l’eau et le limon. Apprenant que Darjeeling avait été coupé du reste du monde et qu’il faudrait probablement des mois aux sauveteurs pour se frayer un passage jusque-​là, Hendry Carmichael et Melroy Wells-Jansz, un pionnier, décidèrent de quitter l’endroit par leurs propres moyens. D’ailleurs, il avait été prévu qu’à l’étape suivante ils président une cérémonie de baptêmes.

Frère Carmichael rapporte : “Nous avons d’abord monté [300 mètres] jusqu’à une ancienne route militaire qui contourne la montagne. Cette route était dans un état lamentable, il nous a fallu escalader des monceaux de débris de toutes sortes, et finalement, nous sommes arrivés à Ghoom. Là, tenaillés par la faim, nous avons avancé péniblement sur la route principale qui s’effondrait souvent derrière nous, emportée par des avalanches de pierres. L’une d’elles nous sépara, mon compagnon et moi, mais nous avons heureusement pu nous rejoindre. Finalement, nous avons été forcés de nous arrêter. Devant nous, il y avait un trou béant d’environ dix mètres de large et d’une profondeur de cinq cents mètres ; au fond de ce gouffre grondait un torrent. De l’ancien pont de chemin de fer, il ne restait que deux rails maintenus par des traverses, et ces rails se balançaient au-dessus des eaux impétueuses.

“Cette nuit-​là, nous nous sommes réfugiés dans une cabane de cheminot perchée sur les bords du gouffre ; un peu plus haut, un amoncellement de pierres menaçait de s’écrouler à tout moment. Après une nuit blanche des plus pénibles, nous sommes sortis pour examiner de nouveau les rails. (...) La pluie tombait et le vent faisait se balancer les rails ; mais finalement, nous nous sommes retrouvés tous deux de l’autre côté du gouffre. Malheureusement, ce n’était pas la fin de nos ennuis ; à peine arrivés à Sonada, nous nous sommes trouvés devant un autre gouffre. Cette fois-​ci, il n’y avait pas de rails pour le franchir. (...) Nous avons alors gravi la falaise jusqu’à une hauteur de 900 mètres, il nous a fallu multiplier les précautions en avançant le long d’une vire, le dos à la paroi. Bientôt, même cette corniche faisait défaut ; il nous a donc fallu rebrousser chemin et chercher une autre voie. Finalement, nous sommes arrivés en haut de la falaise et nous avons pénétré dans une forêt infestée d’ours. Nous avons poursuivi notre route jusqu’à Kurseong où nous sommes arrivés après deux jours et une nuit de marche. Nous étions affamés, couverts de boue et nos pieds saignaient, mais nous étions sains et saufs. Dès qu’il nous aperçut, le prêtre catholique répandit la nouvelle de notre arrivée. Néanmoins, le but de notre visite a été atteint.”

UNE VISITE DANS LE SUD

Il a été décidé que le surveillant de la filiale, frère Skinner, se rendrait dans le sud du pays pour visiter les frères dans le Kanara et le Travancore. Frère Skinner serait accompagné de Hendry Carmichael, le surveillant de circonscription, qui venait juste de se remettre d’une grave opération. Les deux frères quittèrent Bombay à bord d’un bateau à vapeur et s’arrêtèrent à Mangalore, où ils passèrent le week-end. Là, ils firent la connaissance d’un groupe de quatorze personnes bien disposées qui se réunissaient assez régulièrement pour étudier La Tour de Garde en canarais. Aucune d’elles ne connaissait parfaitement l’anglais et il n’y avait pas d’interprète ; la réunion publique en langue anglaise a pourtant été annoncée et, à notre grand étonnement, quatre-vingt-dix personnes assistèrent au discours prononcé par frère Skinner.

À Cochin, une assemblée avait été prévue dans le but de faire débuter l’œuvre dans la région. Au temps de la domination britannique, Cochin formait un État indépendant administré par un gouvernement propre et un maharajah, et cela, bien que la population parlât la même langue que les habitants du Travancore, à savoir le malayalam. Jusque-​là, la plus grande partie de notre activité s’était effectuée dans l’État du Travancore. Dès la première session de cette assemblée de Cochin, l’assistance s’est élevée à 210 personnes ; trente à quarante personnes bien disposées étaient venues du Travancore. À l’occasion de cette assemblée, 110 Témoins ont participé à l’œuvre de prédication ; vous imaginez l’étonnement des habitants de Cochin en voyant une trentaine de sœurs promener dans les rues des pancartes annonçant le discours public. Cela ne s’était encore jamais fait. La ville de Cochin était un évêché et un bastion du catholicisme ; pourtant, 1 022 personnes assistèrent à la réunion publique. Ce fut la plus grande assemblée jamais tenue jusque-​là. Quelle joie de voir vingt-cinq personnes prendre le baptême et cinq hommes d’expression anglaise demander la formation d’une congrégation !

ON ENREGISTRE DE L’ACCROISSEMENT

Les missionnaires envoyés dans tout le pays ont exercé une influence pondératrice et ont donné confiance aux frères locaux qui travaillèrent dans l’unité.

À Calcutta, un certain nombre d’études bibliques avaient été commencées avec des hindous. Est-​ce à dire que l’on avait ouvert une brèche dans la forteresse hindouiste ? En fait, trente-huit études bibliques étaient conduites avec des hindous bengalis, et le rapport disait : “Ce n’est là qu’un commencement.” Toutefois, ces commentaires encourageants étaient accompagnés de remarques de ce genre : “Ils acceptent d’étudier par politesse”, “pour améliorer leur connaissance de l’anglais”, “pour faire une étude comparative, mais ils sont déterminés à garder leur religion.” Un autre rapport exprimait en ces termes l’attitude de la plupart des hindous : “Ils sont généralement hostiles à toute religion révélée et ne peuvent accepter l’idée de la rançon.”

En 1950, nous avions effectué une enquête auprès des frères afin de connaître le nombre d’études conduites avec des personnes non “chrétiennes”. Les résultats de l’enquête ont montré que 114 études bibliques étaient conduites avec des hindous, des bouddhistes et d’autres personnes non “chrétiennes”. Environ une centaine d’études commencées avaient été arrêtées. Parmi ces étudiants de la Bible, 34 assistaient aux réunions, 11 avaient participé au service du champ et 12 s’étaient fait baptiser. En 1951, nous avons enregistré 83 études bibliques, soit une diminution de 31 ; toutefois, 13 personnes qui n’avaient pas appartenu à une Église de la chrétienté participaient à l’œuvre de témoignage et 3 autres s’étaient fait baptiser. Ainsi, l’accroissement se faisait principalement parmi les chrétiens de nom. Cette année-​là, nous avons également amené 59 nouveaux disciples au baptême, ce qui portait le nombre maximum de Témoins à 499.

TROUBLES À POONA

La propagation du véritable christianisme en Inde déplaisait à certains mouvements politico-religieux et notamment aux RSS ou Rashtriya Seva Sangh (serviteurs du pays), auxquels on imputait l’assassinat de Mohandas Gandhi, en 1948. En octobre 1951, les membres de ce groupe ont tenté de troubler l’assemblée de circonscription qui se tenait à Poona. Le 14 octobre, frère Skinner devait prononcer le discours public au Gokhale Hall situé dans un quartier hindou. Mais un groupe de voyous antichrétiens interrompirent la réunion et obligèrent les frères à quitter la salle sous les huées. Ils criaient : “Quittez l’Inde !” Ils se montrèrent très menaçants, et même la police n’est pas parvenue à rétablir l’ordre.

Tous les frères se sont donc réunis dans la Salle du Royaume de Poona où ils ont terminé leur assemblée. Frères Skinner et Carmichael ont ensuite déposé une plainte au commissariat de police. Des dispositions ont été prises pour tenir une nouvelle réunion publique dans la même salle, le 31 octobre, mais cette fois avec la protection de la police. Les frères ont organisé une campagne publicitaire au cours de laquelle ils ont diffusé 10 000 feuilles d’invitation en langues marathie et anglaise. Lorsque la réunion a commencé, il y avait dans la salle deux officiers de police et douze gardiens de la paix. Frère Skinner avait à peine terminé ses paroles d’introduction que des troubles ont éclaté de nouveau. La police intervint mais elle fut rapidement submergée et une foule de manifestants bruyants ne tarda pas à se rassembler, si bien que la situation devint périlleuse pour les frères et les personnes bien disposées.

Heureusement, nous avions convenu avec un voisin dont le jardin donnait sur les lieux de l’assemblée qu’en cas de difficulté il laisserait la porte du jardin ouverte, ce qui permettrait aux frères de s’enfuir par là. Ainsi, pendant que les agents luttaient contre la foule à l’entrée de la salle, les frères s’enfuirent sans bruit. Tous étaient sains et saufs. Les journaux ont ensuite donné une large publicité à cette affaire, publicité qui était en grande partie défavorable au peuple de Jéhovah. La Constitution accordant à tout Témoin la liberté de parole et de culte, le surveillant de la filiale envoya une lettre de protestations au ministre de l’Intérieur du gouvernement de Bombay, et adressa une copie de cette lettre au Premier ministre Nehru et à l’Inspecteur général de la police de l’État de Bombay.

UNE VISITE QUI ENGENDRE L’OPTIMISME

La visite en Inde de frère Knorr et de frère Henschel en janvier 1952 a été un événement. Ils se sont séparés à Karachi, au Pakistan ; frère Henschel s’est alors dirigé vers Delhi et Calcutta, tandis que frère Knorr s’est rendu à Bombay et dans le sud de l’Inde.

À Madras, frère Knorr se réunit avec un groupe de missionnaires. Le même jour, à seize heures, cinquante-sept frères se sont rassemblés pour entendre un discours, et à 18 heures, quatre-vingt-quinze personnes étaient présentes à la conférence publique.

Le lendemain, frères Knorr et Skinner se sont rendus à l’assemblée d’Ernakulam, qui fait face à Cochin, de l’autre côté de la lagune. Deux cent soixante frères du Travancore étaient venus accueillir les deux visiteurs. Frère Knorr écrit : “Nous ne pouvions leur parler que par l’organe d’un interprète, mais ils nous témoignaient un amour pareil à celui que manifestent les Témoins du monde entier.” Les assistants étaient au comble de la joie lorsque fut annoncée la parution du livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” en malayalam. Dans la soirée 700 personnes étaient présentes à la réunion publique.

Frère Knorr ajoute : “Le lendemain, nous avons pris l’avion pour Bombay où nous avons rejoint frère Henschel qui nous a fait le récit de son voyage à Delhi et à Calcutta. À Delhi, frère Henschel a rencontré un certain nombre de personnes bien disposées particulièrement dans l’activité de maison en maison, activité à laquelle il avait pris part en compagnie d’un pionnier local. Les frères ont beaucoup apprécié le discours qu’il a prononcé le premier soir, et le second jour, soixante-treize personnes étaient présentes à la réunion publique ; c’était la première fois que l’on réunissait un auditoire aussi important.”

À Calcutta, soixante-quinze personnes se sont entassées dans la Salle du Royaume pour entendre frère Henschel. Cinq missionnaires, frère et sœur Zavitz, Marjorie Haddrill, Florence Williams et Joyce Larke aidaient la petite congrégation qui croissait. Frère Knorr écrit : “Les frères avaient loué une galerie d’art réputée pour ses peintures et ses expositions de tapisseries ; 205 personnes étaient présentes au discours public intitulé ‘La religion résoudra-​t-​elle la crise mondiale ?’ Il est encourageant de voir l’intérêt manifesté ici, intérêt qui pourra être cultivé dans l’avenir.”

Frère Knorr signalait un autre fait intéressant : “Un pionnier de Darjeeling, situé à la frontière du Népal, nous a rapporté que des centaines de missionnaires de la chrétienté se sont installés dans la ville ; ils ont fui la Chine à cause des persécutions. Darjeeling n’est pas une grande ville et l’on se demande ce que vont y faire tous ces missionnaires. Le frère dit que leur activité est plutôt insignifiante. Certains d’entre eux rassemblent des enfants pour leur apprendre des hymnes, et en échange, ils leur donnent une ration de riz. C’est donc la nourriture qui attire ces enfants ; plus elle est rare, plus ils sont nombreux. Mais on ne leur enseigne pas la Bible. D’autres missionnaires organisent des collations où l’on sert gratuitement du thé ; lorsque la salle est pleine et que les enfants chantent, les missionnaires prennent des photos et les envoient en Amérique ou ailleurs pour montrer ce qu’ils ‘accomplissent’ dans le pays. Grâce à cette supercherie, ils peuvent solliciter davantage d’argent.

“Parce que la vérité dénonce cette tromperie dictée par l’hypocrisie, ces missionnaires détestent les Témoins de Jéhovah et leurs serviteurs à plein temps. Souvent, ils recourent à l’intimidation pour obliger les gens à rejeter notre message ; ils les menacent de les priver d’emploi, d’assistance médicale ou encore d’expulser leurs enfants des écoles. Mais tôt ou tard, les gens découvrent qui sont leurs vrais amis. Quand il y a un changement de gouvernement et que des ‘païens’ viennent au pouvoir, les ‘missionnaires chrétiens’ vont souvent s’installer là où la vie est plus facile. Il est donc manifeste qu’ils ne se conforment pas aux prescriptions apostoliques ; (...) ils sont à blâmer car leur fausse religion a nui à l’humanité.”

Le 14 janvier 1952 débuta à Bombay une grande assemblée. À l’occasion d’une session préparée à leur intention, les missionnaires ont été encouragés à apprendre la langue parlée par la majorité des habitants de leur territoire.

Frère Knorr écrit : “Les assistants ont accueilli avec enthousiasme la parution du livre ‘Que Dieu soit reconnu pour vrai !’ en canarais. Nous attendions la réunion publique avec une certaine appréhension. En effet, j’avais reçu une lettre de menaces marquée du marteau et de la faucille communiste. Dans cette lettre, il était fait allusion aux troubles qui avaient interrompu la réunion publique de Poona tenue quelques mois plus tôt. Nous avons donc averti la police, mais tout s’est bien passé et l’assistance au discours public s’est élevée à 784 personnes. À l’issue de cette réunion, beaucoup ont posé des questions. Précisons également qu’il y a eu quarante-trois baptêmes à cette assemblée.”

Soit dit en passant, vingt-neuf de ces baptisés étaient des frères d’expression canaraise-konkanie, qui avaient été membres du club visité par frère Karkada père et frère Satyanathan en 1949. Lors de cette assemblée, frère Knorr s’est entretenu avec Arthur Kaunds pour lui faire part de son désir d’envoyer six de ces frères dans la région où l’on parle le canarais-konkani, afin d’y servir comme pionniers spéciaux. Dès que frère Kaunds parla de ce projet aux intéressés, les pionniers John Maben et Raphael Louis quittèrent Bombay pour se rendre là où le besoin était grand. Par la suite, d’autres allèrent les rejoindre, y compris Ruzario Lewis. Avec dynamisme celui-ci a d’abord travaillé à Coondapur puis à Brahmavar où il a établi des congrégations.

Entre 1947 et 1952, autrement dit entre les deux visites de frère Knorr, il y a eu de l’accroissement dans le nombre des proclamateurs. En 1947, l’Inde britannique en comptait 198, mais en novembre 1951, nous avons enregistré un maximum de 514 proclamateurs. En outre, vingt-trois missionnaires et dix-huit pionniers locaux servaient dans le pays. Il va sans dire que les visiteurs venus du siège central envisageaient avec optimisme d’intensifier la prédication du Royaume dans ce vaste territoire.

LES MISSIONNAIRES SONT UNE SOURCE D’ENCOURAGEMENT

On continua d’enregistrer de l’accroissement au cours de l’année 1952, et cela en dépit de l’opposition religieuse. Maintenant que sœur Jeffries avait quitté Bombay pour rejoindre Marjorie Haddrill dans la maison des missionnaires à Calcutta, Margrit Hoffman avait pour compagne Nasreen Mall, une sœur pionnier d’origine indienne.

C’est à Bandra, ville très pauvre dont les habitants vivent dans des huttes, que les sœurs Hoffman et Mall exerçaient leur activité de prédication. Un jour que Margrit Hoffman était entrée dans une hutte pour discuter de la Bible avec un certain M. William Parmar, un prêtre fit irruption et s’opposa violemment à elle. Ayant perdu tout sang-froid, il lui arracha les brochures des mains en essayant de lui donner des coups de pied. Puis il les déchira et accabla sœur Hoffman de menaces lui interdisant d’ébranler “son troupeau”. Bientôt les voisins se rassemblèrent devant la maison, et l’on donna pour consigne aux enfants de malmener la sœur chaque fois qu’elle reviendrait dans le quartier. Mais Margrit Hoffman persévéra et M. William Parmar devint un proclamateur du Royaume. Il eut le courage de prendre position pour la justice. Par la suite, sept personnes parmi les habitants de ce quartier de huttes sont devenues des proclamateurs du Royaume, se réjouissant d’avoir été libérées de leur “prison” catholique romaine.

À Delhi, capitale de l’Inde, on ouvrit une nouvelle maison de missionnaires. Au début de 1952, les frères canadiens Bernard Funk et Peter Dotchuk, diplômés de l’École de Galaad, atterrissaient en Inde et étaient rapidement dirigés vers la capitale. Ils furent rejoints par George Singh et Arthur Sturgeon, qui se trouvaient à Madras, et tous travaillèrent à l’extension de la petite congrégation de Delhi.

Les nouveaux missionnaires ne tardèrent pas à découvrir quel genre d’obstacles ils allaient rencontrer parmi la population non chrétienne. Par exemple, pour Bernard Funk “les hindous semblaient insaisissables et fermés à tout sujet de discussion”. Il nota également chez eux une tendance à fuir les responsabilités ; c’est ainsi, dit-​il, “qu’une personne nous renvoyait à ‘son frère aîné’, le frère aîné au père et le père au propriétaire”. De plus, les Églises de la chrétienté ayant enseigné aux gens que la religion leur procurerait des bienfaits d’ordre matériel, “beaucoup semblaient manifester de l’intérêt pour la Bible alors qu’en réalité leur mobile était tout autre”. Il nota également qu’un rapport étroit existe entre le culte et les us et coutumes ; il rapporte : “Comme changer de religion signifie aussi rompre avec la plupart des coutumes, beaucoup de gens ne se sentent pas le courage d’opérer un tel changement.” Néanmoins les missionnaires persévérèrent dans la prédication du Royaume et furent une source d’encouragement pour les Témoins locaux.

DE BONS RÉSULTATS SONT OBTENUS AU BRAHMAVAR

L’influence des missionnaires a également favorisé l’œuvre du Royaume au Brahmavar. Dans cette région qui est située sur la côte du Konkan, il y a de nombreux estuaires parsemés de petites îles ; bon nombre d’insulaires ont manifesté de l’intérêt pour la vérité. Frère Carmichael évoque en ces termes son activité de surveillant de circonscription dans la région : “On circulait dans l’estuaire à l’aide d’un tronc d’arbre creusé que l’on manœuvrait avec de longues perches. Nous nous adressions à des centaines de personnes réunies en plein air, et partout l’intérêt était manifeste.”

Arthur Kaunds, qui visita la même circonscription, écrit : “L’intérêt pour la vérité se développait et le nombre des études croissait dans les villes et les villages du Brahmavar. Toutes ces personnes, qui avaient appartenu aux Églises catholique et syrienne, progressaient dans la connaissance de la vérité. Nous nous réunissions avec elles dans leur maison de boue séchée, et, assis autour d’une lampe à pétrole, nous leur apprenions à chanter les cantiques du Royaume. Une bonne partie des habitants ‘chrétiens’ de ces villages sont devenus Témoins de Jéhovah. Ils avaient entendu parler de la vérité par des parents croyants qui avaient appartenu au club de Bombay.”

À l’occasion de la visite du surveillant de circonscription dans la région de Brahmavar, une réunion publique a été organisée dans le théâtre d’un village. Un orage ayant éclaté, cent trente personnes ont écouté le discours sous une pluie battante, sans se laisser décourager. Elles ont ensuite fait de la publicité pour le programme qui devait être répété le lendemain. Cette fois, le nombre des assistants s’est élevé à 300 personnes qui, pour la plupart, ont laissé leur nom et leur adresse afin d’être visitées par les pionniers. Dans une ville voisine où une réunion publique avait également été prévue, il nous a été impossible de trouver une salle par suite de l’opposition rencontrée ; la réunion s’est donc tenue en plein air. La publicité faite autour de cette réunion ayant mis la ville en émoi, 150 personnes sont venues écouter l’orateur, et plusieurs d’entre elles ont demandé à être visitées. Ce fut là un excellent début pour les pionniers canarais qui venaient d’être affectés à ce territoire.

IL EST DIFFICILE DE FAIRE ENTRER DES MISSIONNAIRES DANS LE PAYS

Dès lors, il devint difficile de faire entrer des missionnaires dans le pays, et particulièrement des citoyens américains. En général, les hindous voyaient d’un mauvais œil la présence de missionnaires “chrétiens” en Inde. Par-ci, par-là, de petites sectes hindoues demandaient au gouvernement de restreindre leur activité. Cette tendance s’est principalement développée à partir de 1953. Il y eut quelques troubles en certains endroits, mais cela n’a pas affecté l’œuvre des Témoins de Jéhovah dans son ensemble.

Le gouvernement a donc été amené à examiner de plus près l’activité des missionnaires de la chrétienté ; il a même pris des mesures à l’encontre de quelques-uns d’entre eux à la suite de ce qui semblait être une ingérence dans les affaires politiques. Toutefois, grâce en soit rendue à Jéhovah, les Témoins n’ont pas rencontré de difficultés sérieuses. La presse a publié de nombreux articles présentant des arguments favorables ou défavorables à l’activité missionnaire “chrétienne”. Les adversaires les plus acharnés de l’activité évangéliste ont tenté d’exciter la population contre les missionnaires au moyen de discours enflammés. Un journal rapporte : “Le président du parti extrémiste hindou Mahasaba a déclaré dans une réunion publique que l’activité des 5 000 missionnaires en Inde représentait une menace pour l’intégrité et l’esprit de solidarité des habitants du pays.”

En 1952, la Société Watchtower a eu beaucoup de mal à faire entrer l’un de ses missionnaires dans le pays. Finalement, Howard Benesch a obtenu un visa qui lui a permis de gagner Bangalore où il a épousé Mary Thompson, également missionnaire. Tous deux se sont donc installés à Bangalore, mais au bout de douze mois, le gouvernement a refusé de renouveler le visa de frère Benesch. À la suite de cela, la Société a envoyé le couple au Pakistan oriental, afin d’y implanter l’œuvre. Ils étaient les seuls Témoins de Jéhovah dans ce pays.

En 1953, la Société a décidé d’envoyer en Inde des diplômés de Galaad d’origine américaine, mais on leur refusa purement et simplement le visa d’entrée. Désormais on y envoya uniquement des missionnaires d’origine britannique puisque l’Inde faisait partie du Commonwealth.

UN PROGRAMME D’ASSEMBLÉE EN MALAYALAM

Une maison de missionnaires ayant été ouverte à Ernakulam, au Travancore, on décida de tenir une assemblée en langue malayalame. On choisit le village d’Upputhara, dans la région montagneuse, et l’assemblée fut organisée par frère Itty, surveillant de circonscription. Ce village était situé au-delà des plantations de thé, à vingt-quatre kilomètres du bureau de poste le plus proche. En 1953, il y avait là une petite congrégation d’une vingtaine de proclamateurs. Les frères locaux gagnaient leur vie en cultivant le poivre, le gingembre et d’autres épices. Frère Skinner, qui assista à cette assemblée, raconte :

“Les frères ont confectionné un pandal, autrement dit un toit de protection formé de feuilles de palmier tressées et soutenu par des tiges de bambou. Comme il n’y avait aucun mur sur les côtés, la brise apportait quelque fraîcheur. Ils ont loué une génératrice d’électricité portative pour alimenter trois lampes dirigées vers l’estrade, ainsi qu’une installation de sonorisation de trente watts. L’assemblée avait été annoncée dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres au moyen de banderoles, d’affiches et de feuilles d’invitation. L’assistance à la première session a été de 283 personnes, y compris de nombreux amis de la vérité, et il y a eu 522 assistants au discours public ; beaucoup d’autres personnes ont également pu profiter du programme grâce aux deux haut-parleurs qui avaient été fixés sur des arbres hors de l’enceinte de l’assemblée. Malheureusement, un orage ayant éclaté juste au moment du discours public, la pluie a été certainement un obstacle pour certains. Vingt-sept personnes ont été baptisées dans une rivière proche.

“Les efforts déployés par les deux missionnaires pour parler le malayalam m’ont beaucoup réjoui. Douglas Fraser a donné un discours en anglais dont l’entrée en matière et la conclusion étaient en malayalam. Son frère Donald a présenté, avec l’aide de deux Témoins locaux, une démonstration de quarante minutes entièrement en malayalam.

L’ASSEMBLÉE DE LA SOCIÉTÉ DU MONDE NOUVEAU

En 1953, l’Assemblée de la société du monde nouveau s’est tenue à New York. Les frères indiens étaient au comble de l’enthousiasme lorsqu’on a annoncé que des délégués indiens assisteraient à cette assemblée. Frère Joseph a eu la joie d’assister à la remise des diplômes aux missionnaires, au nombre desquels se trouvaient Gracie, sa fille cadette, et Nasreen Mall, sa compagne indienne. Elles étaient loin de se douter que d’autres missionnaires les accompagneraient en Inde. Comme vous vous en doutez, frère Joseph figurait parmi les délégués envoyés à l’assemblée internationale de New York, en 1953. Par la suite, à l’occasion d’une réunion spéciale organisée à Bombay, ces délégués ont retransmis aux frères indiens les bonnes choses qu’ils avaient apprises. Ce rassemblement a réuni 358 frères ; il y a eu quarante-huit baptêmes et 707 personnes étaient présentes à la conférence publique intitulée “Après Har-Maguédon Dieu établira un monde nouveau”.

PERSPECTIVES D’ACCROISSEMENT

La venue après cette assemblée de nombreux missionnaires, dont sœurs Gracie Joseph et Nasreen Mall, offrait d’excellentes perspectives d’accroissement. On a alors ouvert une seconde maison de missionnaires à Trichur, dans le Travancore. Des missionnaires ayant été affectés au territoire malayalam, sœur Joseph fut désignée pour leur enseigner cette langue.

Plus haut vers le nord, à Ahmednagar, frère Cotterill accueillait un nouveau missionnaire venu d’Australie, Percy Gosden. Ensemble, ils ont visité le territoire marathi. Plus au nord encore, dans les plaines de la rivière Sutlej, au Pendjab oriental, on ouvrait une maison de missionnaires à Jullunder. Cinq missionnaires y furent affectés, dont Nasreen Mall qui se trouvait ainsi dans le territoire ourdou, sa langue natale. L’Inde venait donc d’accueillir treize nouveaux missionnaires, ce qui élevait à trente et un le nombre de ces prédicateurs expérimentés.

UN INDIEN SIKHS ACCEPTE LA VÉRITÉ

Vers cette époque-​là, alors que Samuel Waller de Bombay annonçait un discours public dans la rue, un jeune homme de religion sikhs s’arrêtait pour prendre une feuille d’invitation. Imaginez la surprise des frères lorsque cet Indien sikhs enturbanné entra dans la Salle du Royaume pour écouter le discours. Il s’appelait Harjit Singh Dadyala. À l’issue de la conférence, il accepta l’offre d’étudier la Bible à l’aide du manuel “Que Dieu soit reconnu pour vrai !”

Les hommes qui pratiquent la religion sikhs ne se rasent pas et laissent pousser leurs cheveux dont ils sont fiers. Ils les enroulent sur le sommet de la tête et se coiffent d’un turban. Au grand étonnement des frères, cet homme se présenta un jour à la Salle du Royaume les cheveux coiffés à la mode occidentale et le visage rasé de près. Manifestement, il avait suffisamment d’humilité pour se laisser enseigner, et il ne craignait pas de suivre la voie de la vérité. Harjit Singh Dadyala a dû surmonter de grandes difficultés avant de pouvoir se vouer à Jéhovah et se faire baptiser. À deux reprises, son père l’a jeté sur le pavé. Il a été battu et on l’a menacé de mort s’il ne renonçait pas au christianisme ; mais il a tenu bon et a entrepris par la suite le service de pionnier. Frère Dadyala n’a cessé de progresser si bien qu’il a pu recevoir une formation à l’École de Galaad.

LES TÉMOINS INDIENS FONT DU BON TRAVAIL

Les frères indiens faisaient du bon travail dans le pays. À Delhi, le vieux frère Addison, qui était employé dans l’administration, donnait chaque jour le témoignage à ses collègues alors qu’ils attendaient l’autobus. Certains se moquaient de lui, mais d’autres posaient des questions. Un hindou ne tarda pas à commencer à étudier la Bible et à venir aux réunions. Peu de temps après il se faisait inscrire à l’École théocratique et prenait régulièrement part au service du champ. Il s’est fait baptiser à l’assemblée de circonscription de Jullunder. Frère Nigam, c’est là son nom, amena son neveu (I. P. Nigal), qui était hindou, à étudier la Bible et à fréquenter régulièrement les réunions.

Le vrai christianisme a également pris un nouvel essor parmi les non-chrétiens, dans le sud de l’Inde. Le jeune frère Eric Falcon, qui exploitait une ferme dans la partie sud du Bangalore, commença à inculquer la vérité à ses compagnons de travail pour la plupart illettrés. Leur langue maternelle était le télougou. Frère Falcon, qui connaissait cette langue, a donc pu leur parler du vrai Dieu Jéhovah et de son Fils, Jésus Christ. Le personnel de la ferme comptait une centaine de travailleurs et leurs familles. Finalement, une vingtaine d’ouvriers se sont voués à Jéhovah et ont pris le baptême. Bien qu’illettrés, ils visitaient en fin de semaine les villages voisins pour faire connaître à leurs semblables ce qu’ils avaient appris sur le Christ et sur le Royaume de Dieu.

DE NOUVELLES DIFFICULTÉS À POONA

De nouvelles difficultés surgirent à Poona en 1954, lors du Mémorial. Richard Cotterill, missionnaire à Ahmednagar, fut envoyé à Poona pour y organiser le Mémorial. Le petit groupe de Poona célébra cette fête le samedi, et frère Cotterill resta sur place pour donner le lendemain un discours public. Voici ce qu’il relate à ce sujet :

“Nous venions de terminer l’étude de La Tour de Garde, quand de nombreux hindous d’expression marathie arrivèrent juste avant le discours. Ils avaient pour chef un homme qui avait troublé de précédentes réunions. À peine l’orateur avait-​il pris la parole que ces hindous se mirent à crier : ‘Parlez en marathi ! Parlez en marathi !’ On leur rappela qu’il avait été annoncé que le discours serait donné en anglais, et qu’à maintes reprises de tels discours avaient déjà été présentés en marathi à Poona. Mais ils étaient déterminés à perturber la réunion. Comme nous étions rassemblés dans le parc d’un hôtel, nous avons essayé de nous réfugier dans le hall de celui-ci, mais les manifestants nous empêchèrent d’y poursuivre le discours. Puis ils nous ont emmenés, sœurs Mulgrove et Newland ainsi que moi-​même, au commissariat de police. L’un de leurs chefs était monté sur une estrade et scandait : ‘Nous vous aimons bien, M. Skinner.’ Tous reprenaient en chœur : ‘Mais quittez l’Inde.’ ‘Nous vous aimons bien, M. Cotterill.’ ‘Mais quittez l’Inde.’ On nous a dit par la suite que la population de la région de Poona avait reçu l’ordre de refuser les écrits des Témoins de Jéhovah.”

Peu après cet incident, les frères Cotterill et Percy Gosden ont été déplacés d’Ahmednagar à Poona. Cette décision semblait judicieuse, car la région de Poona est plus vaste et sa population plus cosmopolite. À Poona, un certain nombre de familles parlant le marathi manifestaient de l’intérêt pour la vérité ; les deux missionnaires ont donc pu affermir la petite congrégation qui s’y trouvait. Afin de les encourager et de les aider dans leur activité, la Société publia cette année-​là le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” en marathi.

L’OPPOSITION ÉCHOUE

Un plus grand nombre de frères locaux furent encouragés à entreprendre le service de pionnier spécial grâce au bon exemple donné par les missionnaires. Ruzario Lewis, l’un des frères d’expression konkani-canaraise qui avaient entrepris le service de pionnier spécial, fut envoyé au Brahmavare, sur la côte du Konkan, sa région natale. Le clergé catholique local ne tarda pas à remarquer son zèle ; aussi encouragea-​t-​il ses fidèles à s’opposer à son activité. Ceux-ci allèrent jusqu’à brûler le canoë dont frère Lewis se servait pour se déplacer dans l’estuaire du Brahmavare. Mais cela ne l’empêcha pas de persévérer dans le service, si bien que les personnes au cœur honnête réagirent favorablement. Le clergé catholique et certains meneurs tentèrent de faire interdire les activités de frère Lewis et de le chasser de la région ; mais il en appela au chef du village ou Patel, qui ordonna une confrontation entre les deux parties (les catholiques et frère Lewis). Après que frère Lewis eut expliqué à l’aide de la Bible que Dieu l’avait mandaté pour la mission qu’il accomplissait, le chef l’autorisa à rester dans le village et à y poursuivre ses activités ; cet homme était pourtant un hindouiste.

Cette décision n’arrêta pas pour autant les catholiques. Ils décidèrent de faire tuer frère Lewis. Ils tentèrent de mettre leur projet à exécution un certain soir qu’il rentrait chez lui, après une journée passée dans le service. Alors qu’il traversait la jungle envahie par l’obscurité, une brute se jeta sur lui, cherchant à le pousser dans l’étang afin de l’y noyer. Frère Lewis se battit courageusement contre son adversaire qui prit soudain la fuite en entendant un bruit de pas. À dater de ce jour, frère Lewis emprunta des itinéraires différents pour se rendre dans son territoire ou pour en revenir.

Dans un certain village, une personne bien disposée perdit son enfant âgé de dix jours. Or, les habitants de ce village repoussaient la vérité en avançant le plus souvent comme excuse : “Qui m’enterrera si je viens à mourir ?” À la mort du nourrisson, ils se livrèrent donc à toutes sortes de conjectures sur l’attitude qu’adopteraient les Témoins de Jéhovah.

Les membres du clergé catholique ayant refusé que l’enfant soit enterré dans leur cimetière, Ruzario Lewis s’adressa aux autorités locales qui lui accordèrent une parcelle de terrain, pour que les Témoins de Jéhovah aient leur propre cimetière. Lors de l’enterrement frère Lewis prononça une allocution remarquable, si bien que des centaines de personnes en ont eu des échos et que beaucoup manifestèrent de l’intérêt. Soit dit en passant que depuis 1954, autrement dit en vingt-deux ans d’activité, Ruzario Lewis a aidé 94 personnes à se vouer à Dieu et à prêcher son Royaume.

ON NOUS IMPOSE DES RESTRICTIONS

Le livre La religion a-​t-​elle servi l’humanité ? convenait parfaitement pour les Asiatiques car il analyse avec beaucoup d’objectivité les religions bouddhiste, musulmane et hindouiste. Toutefois, cette analyse ne fut pas accueillie favorablement par tous, loin s’en faut. Aussi, en 1955 le gouvernement indien interdit-​il la diffusion de ce manuel, autorisant néanmoins les frères à garder leur propre exemplaire. Ils ont donc pu étudier ce livre en commun et utiliser les arguments qui y sont présentés dans le service du champ.

Des restrictions furent imposées à tous les missionnaires sans distinction, limitant leurs activités aux seuls domaines social, éducatif et médical. Le gouvernement constitua un comité chargé de surveiller les activités des missions chrétiennes. En 1955 nous avons envoyé un exemplaire de la brochure Qui est “la lumière du monde”, la chrétienté ou le christianisme ? au président de ce comité. Il en accusa réception en ces termes : “De même que la chrétienté est différente du christianisme (comme le souligne votre brochure), pareillement, le christianisme n’a pas de point commun avec Jésus, le Fils de Dieu. Il me semble que l’esprit de l’homme a survécu aux religions en tant qu’institutions (avec temples, églises et mosquées) et recherche une lumière nouvelle, afin de rencontrer son semblable avec la vérité pour Écritures Saintes et le cœur animé de bonté.” L’homme qui a écrit cela était hindou et ses paroles reflétaient certainement la pensée de la plupart des hindous cultivés. Beaucoup n’entrent jamais dans les temples hindous. Ils prétendent être à la recherche de la vérité, mais se confient dans les philosophies humaines — Col. 2:8.

BOULEVERSEMENTS PARMI LES MISSIONNAIRES

Un nouveau centre de missionnaires fut formé à Ahmadabad au Gujarati. C’était la première fois qu’un territoire gujarati était visité, en dehors de la ville de Bombay. Ahmadabad est une ville où l’on rencontre trois styles d’architecture : hindou, musulman et jaïna. Ahmadabad est devenu un centre où l’on travaille le coton ; on y fait aussi de la dentelle, des bijoux et des objets en bois sculpté. Bon nombre de familles d’expression gujaratie qui appartiennent à la population “chrétienne” ont accepté la vérité.

Entre-temps, frère Cotterill avait été nommé surveillant de circonscription, et son activité l’amenait à voyager d’un bout à l’autre du pays. Il visitait les maisons de missionnaires dans les régions du Travancore, du Bangalore et de Madras, allant aussi loin que Calcutta, Darjeeling et Kalimpong. En 1955, frère Cotterill a rencontré à Darjeeling le guide sherpa Tenzing Norgay. Cet homme fut le premier, avec Sir Edmund Hillary, à atteindre le sommet de l’Everest. Frère Cotterill lui donna le témoignage et lui parla du don de la vie éternelle qui nous permettra de jouir, dans des conditions parfaites, des magnifiques montagnes créées par Jéhovah. Tenzing se montra aimable et attentif, et il promit de lire la brochure Raisons de croire en un monde nouveau.

Malheureusement, nous avons perdu des missionnaires. Par exemple, Nasreen Mall, qui avait été envoyée à Kanpur, tomba malade et dut subir une grave intervention chirurgicale dont elle ne s’est jamais remise. Sa mort fut durement ressentie dans le champ missionnaire.

LE PROBLÈME DE L’ADAPTATION

En juillet 1955, au Yankee Stadium de New York, eut lieu la remise des diplômes aux élèves de la vingt-cinquième classe de l’École de Galaad. Parmi eux se trouvait Mammoottil Aprem Cheria, qui avait été membre du Béthel de Bombay et pionnier au Travancore. Avec d’autres élèves, il fut désigné pour servir en Inde.

Le 17 novembre 1955, les missionnaires June Riddell et Brenda Stafford, arrivèrent à Bombay en pleines émeutes. Des coups de feu éclataient de toutes parts et des autobus étaient incendiés. Il va sans dire que cette situation n’aiderait certainement pas les missionnaires à s’adapter à leur nouveau territoire. Sœur Riddell (maintenant Mme June Pope) nous confie ses premières impressions : “Après une longue traversée, le navire accosta et nous avons mis pied à terre ; la chaleur nous enveloppa comme une couverture. Nous avons alors aperçu une femme très belle, qui portait le vêtement le plus gracieux que j’avais vu. C’était un sari. Cette femme ressemblait à une princesse hindoue. Elle nous fit signe de la main ; nous nous sommes avancées et elle se présenta comme étant sœur Agnes Kamlani. Tandis que nous nous dirigions vers sa voiture, elle nous apprit que son mari, également Témoin de Jéhovah, était autrefois hindou et acteur de cinéma. Il se réjouissait à l’idée de voir nos réactions devant la vie nouvelle qui s’ouvrait devant nous. (...)

“Dans la nuit, nous avons entendu japper les chacals ; affolées, nous avons précipitamment fermé les fenêtres, craignant de voir également surgir des tigres. Au cours de cette première semaine, la maison des Kamlani fut cambriolée. Ce cambriolage ajouté aux émeutes fit croître en nous un sentiment de découragement.

“Étant donné la misère, la maladie, la chaleur et surtout la mentalité hindoue pétrie de philosophie, je me suis petit à petit rendu compte que je ne persévérerais dans mon service en Inde qu’avec l’aide de l’esprit de Jéhovah. Il a été un refuge en tout temps, manifestant sans cesse sa sollicitude à l’égard de ses serviteurs. Cela valait vraiment la peine de donner le témoignage dans ce pays, et je considère mon mandat comme un privilège. Comme partout ailleurs, il y a ici des gens charmants que je suis heureuse d’aider, au mieux de mes possibilités, à servir Jéhovah.”

Sœurs Stafford et Riddell ont été envoyées à Kanpur, où se trouvaient déjà les sœurs Moss et Haddrill. Elles firent le trajet (1 350 kilomètres) en train ; elles étaient si inquiètes qu’elles s’étaient enfermées dans leur compartiment. Brenda Stafford (maintenant Norris) raconte ce qui suit à propos de leur voyage : “Le train arriva en gare de Jhansi et s’arrêta. June et moi avons alors décidé d’aller acheter des bananes à un commerçant qui se tenait sur le quai. Je descendis donc ; je n’avais pas encore payé le marchand que déjà le train s’ébranlait et prenait de la vitesse. Je courais pour le rattraper mais plus je courais, plus il s’éloignait. June agitait désespérément le bras par la portière, me prodiguant ses encouragements. Alors, aussi soudainement qu’il avait démarré, le train s’arrêta. Que s’était-​il donc passé ? Le mécanicien avait tout simplement effectué une manœuvre pour changer de voie. Quel soulagement ce fut pour moi ! Je n’allais pas être abandonnée dans ce pays étrange. J’étais néanmoins confuse de devoir revenir sur mes pas et passer devant les voyageurs qui avaient suivi ma performance, les yeux écarquillés.”

DES MISSIONNAIRES SONT ENVOYÉS À MANGALORE

La Société chargea deux nouveaux missionnaires, frères Christiansen et Norris, de faire débuter l’œuvre du Royaume à Mangalore et dans sa région où l’on parle canarais. Eux aussi, ont eu quelques problèmes d’adaptation. Hendry Carmichael, qui venait d’épouser Joyce Webber, une sœur anglo-népalaise, avait été chargé de conduire les deux missionnaires à Mangalore et de leur trouver un logement. Frère Carmichael rapporte : “Je n’oublierai jamais leurs regards angoissés lorsqu’ils ont constaté qu’un grand nombre de Mangaloriens étaient atteints d’éléphantiasis. On prétend que dans cette ville un habitant sur quatre souffre de cette redoutable maladie. Ils éprouvèrent du soulagement lorsque je leur dis qu’ils se préserveraient de ce mal en dormant sous une moustiquaire.”

Il fallut deux semaines pour trouver un logement meublé ; pendant ce temps, les trois frères ont logé à l’hôtel. Frère Norris reconnut par la suite : “Pendant ces deux semaines nous étions comme hébétés. Nous nous efforcions de nous adapter à ce monde étrange. Le premier cas d’éléphantiasis que je vis me bouleversa ; je n’en ai d’ailleurs pas vu de pire par la suite. Il s’agissait d’un brahmane hindou. Chaque jour, et cela pendant les deux semaines où nous sommes restés à l’hôtel, il est venu frapper à notre porte, mendiant de l’argent. Nous n’avons d’ailleurs pas tardé à apprendre qu’il ne faut pas entretenir les mendiants.

“Lors de notre premier repas à Mangalore, nous avons été servis par un garçon qui était vêtu d’un pagne sale et qui portait des cordons autour des épaules, signe indiquant qu’il était brahmane. Il posa sur la table de bois trois grandes feuilles de bananier sur lesquelles il versa de l’eau ; nous étions censés laver ces feuilles. Puis, il apporta une grosse ration de riz blanc qu’il répartit dans nos ‘assiettes’ (feuilles de bananier). Il nous servit ensuite plusieurs louches de différents légumes épicés au curry, légumes que nous n’arrivions pas à identifier tant ils étaient relevés. Comme il n’y avait pas de couverts nous mangions avec nos doigts. Frère Christiansen et moi nous nous sommes alors regardés ; les yeux brouillés de larmes, la goutte au nez et la bouche en feu, nous nous demandions ce que nous avions dans notre ‘assiette’.”

Une fois les problèmes d’adaptation surmontés, les missionnaires persévérèrent. Frère Norris écrit : “Nous intéressant à notre territoire, nous avons coopéré avec la congrégation qui comprenait une trentaine de proclamateurs d’expression canaraise et deux pionniers spéciaux, Harsha Karkada fils et Raphael Louis. Harsha Karkada fils nous a enseigné le canarais. Bientôt, je commençais une étude biblique avec Mme Soans, qui ne comprenait pas un mot d’anglais. Tous les vendredis, nous examinions ensemble le livre ‘Que Dieu soit reconnu pour vrai !’ en canarais. Cela m’a beaucoup aidé à progresser dans cette langue ; lorsque le moment vint pour moi de me rendre dans un autre territoire, Mme Soans fréquentait les réunions. Nous nous sommes beaucoup attachés aux frères canarais.”

ACCROISSEMENT DANS LE TERRITOIRE TAMIL

L’œuvre du Royaume connut un réel essor dans le territoire tamil lorsqu’en 1956, la Société a imprimé une édition mensuelle de La Tour de Garde dans cette langue. Notre périodique paraissait maintenant en quatre idiomes indiens : malayalam (depuis 1927), ourdou (depuis 1953), canarais (depuis 1954) et tamil.

Notre grand souci était de trouver des traducteurs capables et sûrs. Pour le tamil, nous avons utilisé les services de Lily Arthur, une sœur de Madras. Étant veuve avec deux jeunes enfants à charge, elle travaillait comme institutrice. La Société la nomma pionnier spécial ; elle put alors consacrer tout son temps à la traduction et à l’activité de pionnier dans la ville de Madras. Lily Arthur a persévéré dans le culte de Jéhovah, servant son peuple par un bon travail. Sa fille Rathna a été élevée dans “l’éducation mentale de Jéhovah” ; elle est devenue pionnier spécial et a épousé un autre pionnier, Richard Gabriel. Tous trois ont alors coopéré à la traduction des écrits de la Société en tamil tout en étant pionniers à Madras. — Éph. 6:4.

Sœur Lily Arthur nous décrit en ces termes la progression de l’œuvre parmi les frères d’expression tamile, depuis 1956: “Quand nous avons commencé notre activité de prédication, nous ne disposions d’aucun écrit dans notre langue natale. Il nous était très difficile de présenter le message du Royaume en tamil. D’ailleurs, quand les habitants d’une maison ne parlaient que le tamil, nous renoncions à leur donner le témoignage car nous étions encore tout imprégnés du vocabulaire de la chrétienté. C’était particulièrement mon cas, car j’étais fille de pasteur. Il nous a fallu rejeter totalement cet ancien vocabulaire pour apprendre le nouveau langage théocratique avant de pouvoir expliquer la pure parole de vérité aux gens d’expression tamile. La Tour de Garde en tamil nous a tous beaucoup aidés dans ce domaine. Au fil des années, je vis progresser les frères qui, grâce à La Tour de Garde, acquerraient un vocabulaire nouveau qui les rendait capables de donner efficacement le témoignage. Le nombre des proclamateurs d’expression tamile s’est alors accru, preuve de la bénédiction de Jéhovah.”

UNE ÉPOQUE DE CHANGEMENTS

La nouvelle République de l’Inde sentit la nécessité d’opérer des changements à l’intérieur de ses frontières. En 1956, on élabora un plan pour la réorganisation des États. Un grand nombre d’anciennes divisions territoriales ont été modifiées, en ce sens que de petits territoires ont été groupés, d’autres, plus grands, ont été réduits, et certains noms ont été changés. La langue fut le facteur déterminant dans la réorganisation des États. Par exemple, dans les deux anciens États du Travancore et du Cochin, on parlait le malayalam ; ces États furent donc groupés et on leur adjoignit la partie de l’État du Madras où l’on parle également cette langue. Ce territoire ainsi constitué fut désigné sous le nom de Kerala. D’autres parties de l’État de Madras où l’on parlait le canarais ont été rattachées à l’État de Mysore, où l’on parle également cette langue. Ces remaniements ont mécontenté certaines couches de la population, particulièrement les habitants des régions frontalières. À la suite de cela, des troubles violents éclatèrent et il y eut aussi des fusillades. De tels remaniements sont en partie à l’origine des émeutes de Bombay. Cette ville avait été rattachée à l’État de Mâhârashtra au plus grand mécontentement des habitants d’expression gujaratie. Ils descendirent donc dans la rue et donnèrent libre cours à leur colère. Heureusement les esprits se sont peu à peu calmés et les habitants se sont progressivement habitués aux nouveaux États.

Dans le nouvel État de Kerala, la population catholique constituait un champ fertile pour nos proclamateurs. À Trivandrum, frère Varghese trouva M. Joseph, un jeune homme de vingt et un ans qui prit fermement position pour la vérité en dépit de l’opposition manifestée par sa famille. Ses parents désiraient qu’il soit prêtre, aussi l’avaient-​ils envoyé dans une institution catholique au Goa portugais. De santé précaire, M. Joseph dut revenir à Trivandrum où il trouva un emploi dans le même bureau que frère Varghese. Avec tact, celui-ci parla de la Bible au jeune homme et répondit aimablement à ses nombreuses objections. M. Joseph croyait que seule l’Église catholique enseigne la vérité. Une fois ses questions résolues à l’aide des Saintes Écritures, il accepta une étude biblique. Bientôt, il acquit la conviction que la religion catholique était dans l’erreur et que ce qu’on lui enseignait était réellement la vérité. Comme M. Joseph avait été membre de la “Légion de Sainte Marie” de Trivandrum, cette organisation essaya de briser son intégrité vis-à-vis de Jéhovah, mais elle échoua et le jeune homme ne tarda pas à se faire baptiser.

UNE VISITE ENCOURAGEANTE

En 1956, les frères indiens ont eu la joie d’accueillir frère Franz, représentant du Béthel de Brooklyn, qui effectuait une tournée de service autour du monde. Après avoir été mis en quarantaine pendant huit heures au Pakistan, frère Franz a finalement pu suivre l’itinéraire fixé pour les neuf jours suivants. Imaginez la surprise de frère Stephen Smith de Nouvelle Delhi, lorsqu’il vit arriver frère Franz dans la matinée du lundi 24 décembre. Les missionnaires et les frères locaux de Delhi avaient prévu d’aller l’accueillir à l’aéroport de Palam dans la soirée du lundi, à 18 h 40. Or, il était déjà là et la majorité des frères l’ignoraient. On s’y prit donc autrement. Frère Franz se rendit à l’aéroport de Palam pour y accueillir les frères indiens. Ce fut une agréable surprise pour eux de le voir arriver dans la voiture d’une personne bien disposée. Selon la coutume du pays, une toute jeune sœur lui mit autour du cou une guirlande de roses et de chrysanthèmes en signe de bienvenue dans la grande péninsule.

Le lendemain c’était “Noël”. Tout comme les chrétiens, les hindous attachent une très grande importance au 25 décembre ; ils s’envoient des cartes les uns aux autres et manifestent “l’esprit de Noël”. Les frères de Delhi profitèrent donc de ce jour de congé pour participer à l’activité avec les périodiques. Ce matin-​là, vingt-huit frères et sœurs sont sortis dans le service ; frère Franz a accompagné Stephen Smith, chacun donnant le témoignage à tour de rôle.

Les frères se sont ensuite réunis dans la Salle d’assemblées du Service des Travaux Publics. À 16 heures, frère Franz prononça un discours sur le thème “La paix d’un monde nouveau viendra dans notre temps — comment ?” devant un auditoire de quatre-vingt-cinq personnes. Il y avait des hindous, des sikhs, des jainas, des musulmans et des “chrétiens”. Après le discours, l’orateur s’est mis à la disposition des assistants pour répondre à leurs questions.

L’assemblée ne dura qu’un seul jour. Aussi, le lendemain frère Franz visita la ville de Delhi. Dans le temple moderne Birla Mandir sont représentées certaines divinités hindoues comme Brahma, Vichnou, Çiva et la déesse Durga. À droite de l’entrée principale, on pouvait lire cette inscription en sanscrit, en hindi et en anglais : “Celui qui est connu comme Vichnou est en vérité Rudra, et celui qui est Rudra est Brahma, une seule entité en trois dieux, à savoir Rudra, Vichnou et Brahma.” Quelle étonnante similitude avec la doctrine trinitaire enseignée par la chrétienté !

Frère Franz se rendit ensuite à Calcutta où avait été organisée une assemblée de deux jours. On avait posé deux cents affiches dans la ville et distribué 5 000 feuilles d’invitation. Le programme de l’assemblée prévoyait une matinée pour le service du champ et une session en bengali. Frère Franz s’adressa par l’organe d’un interprète à soixante-neuf frères d’expression bengalie. Il souligna la nécessité de ne pas prêter l’oreille à ceux qui parlent en mal de l’organisation de Jéhovah et de ses méthodes théocratiques de prédication. On lança également un appel pour le service de pionnier.

Le deuxième jour de l’assemblée, dix candidats se présentèrent pour le baptême : trois Bengalis, trois Hindoustans, un Bihari et trois Anglo-indiens. À la plus grande joie des congressistes, 261 personnes se rassemblèrent à la Maison de l’art pour écouter attentivement le discours “La paix d’un monde nouveau viendra dans notre temps — Comment ?” C’était la plus grande assistance jamais enregistrée à Calcutta. À la session finale, 135 personnes écoutèrent les remarques de frère Franz, qui montra la nécessité de demeurer au sein de l’organisation en étant pur, obéissant et fidèle. Le lendemain, quarante-neuf frères accompagnèrent frère Franz à l’aéroport de Dum Dum ; il s’envola pour Rangoon, en Birmanie.

UNE AUTRE VISITE ÉDIFIANTE

Tandis que frère Franz visitait Delhi et Calcutta, frère Knorr était à Bombay. La plus belle salle de la ville, le Sir Cowasji Jehangir Hall, avait été retenue par l’Association des usagers du chemin de fer pour un colloque. Toutefois, le secrétaire de l’association en question accepta de changer la date du colloque pour que nous puissions utiliser la salle à l’occasion de la visite de frère Knorr à Bombay. Comme il a fallu informer les membres de l’association que le troisième jour de leur congrès avait été annulé, on nous a demandé de couvrir les frais de poste.

Plusieurs semaines avant l’assemblée, les frères ont entrepris une large campagne publicitaire ; leurs efforts ont été récompensés car l’assistance s’est élevée à 1 080 personnes. Tous les records étaient battus. Le thème du discours était “La paix d’un monde nouveau viendra dans notre temps — comment ?”

À propos de cette visite en 1956, frère Knorr écrit : “Frère Skinner et moi-​même avons parcouru la ville pour trouver un terrain sur lequel on pouvait construire un bâtiment qui abriterait une Salle du Royaume, un bureau et une petite imprimerie convenant à nos besoins. (...) Il semble que nos démarches vont aboutir et que bientôt nous allons pouvoir entreprendre cette construction et quitter l’immeuble que nous occupons actuellement à Love Lane (...). Cette nouvelle, qui fut annoncée à la session finale, enthousiasma les frères ; ce travail de construction les réjouissait, car il était la preuve de la progression de l’œuvre en Inde, vaste pays qui compte des millions d’habitants. (...)

“À l’occasion de cette assemblée, les frères indiens ont eu la joie d’organiser pour la première fois leur propre cafétéria ; cela a été une réussite. Très tôt le matin, les frères du Béthel se sont rendus sur les lieux de l’assemblée afin de préparer la nourriture pour les congressistes.”

DISPOSITIONS EN VUE D’UNE PLUS GRANDE SPIRITUALITÉ

En 1957, la première édition de La Tour de Garde en bengali sortit des presses. Dès lors, les frères du Bengale, autrement dit de la région de Calcutta et de Kanchapara, allaient recevoir régulièrement de la nourriture spirituelle tant pour leur propre édification que pour leur activité consistant à faire des disciples.

En 1957, la Société produisait 2 100 exemplaires de chaque édition de La Tour de Garde en tamil ; un certain nombre de ces périodiques étaient expédiés par la poste à Ceylan, en Birmanie, à Singapour, à Fidji, à l’île Maurice, en Afrique du Sud et au Suriname. Jusque-​là, l’édition de La Tour de Garde en langue tamile avait été polycopiée ; on prit donc des dispositions pour l’imprimer au moyen de caractères d’imprimerie.

LES PIONNIERS INDIENS PERSÉVÈRENT DANS LEUR TÂCHE

Parlons maintenant de l’activité déployée par les pionniers indiens. Chose rare, un pionnier isolé commença à étudier la Bible avec un hindou. Cet homme avait un frère qui était sanyasi (ascète hindou) et qui avait pratiquement visité tous les lieux de pèlerinage indiens. Il vint habiter quelque temps chez son frère et s’étonna de le voir étudier les Écritures. Puis, lui aussi se mit à lire la Bible, et cela l’amena à poser de nombreuses questions au pionnier. “Maintenant, écrit le pionnier, à notre grand étonnement sa longue chevelure emmêlée et crasseuse (il ne l’avait pas lavée depuis des années) et sa barbe broussailleuse ont disparu. Il (...) assiste à l’étude de ‘La Tour de Garde’ en compagnie de son frère.”

ASSEMBLÉES DE LA VOLONTÉ DIVINE

Vingt et un délégués de l’Inde ont assisté à l’Assemblée internationale de la volonté divine que les Témoins de Jéhovah ont tenue à New York en 1958. En cette occasion, quatre élèves de Galaad, tous originaires de l’Inde, ont été diplômés : Noel Hills, Gerald Seddon, Alice Itty et Sarah Matthew.

L’Assemblée de la volonté divine prévue en Inde se tint à Bombay, du 27 au 30 octobre 1958. Les Témoins locaux ont été très occupés à la recherche de logements pour les congressistes qui viendraient de toutes les parties de l’Inde. Jéhovah a béni leurs efforts ; par exemple, on leur a permis d’utiliser un palais résidentiel inoccupé, qui avait appartenu à un maharajah. Ainsi, soixante-cinq frères ont pu installer leur matériel de couchage sur le sol en marbre de cette somptueuse demeure. Une association musulmane de bienfaisance a offert deux étages d’un foyer récemment construit où l’on a pu loger une cinquantaine de frères.

Le programme de l’assemblée a été présenté en sept langues. Le discours public “Le royaume de Dieu est entré dans son règne — La fin du monde est-​elle proche ?” a réuni une assistance de 1 009 personnes. Nous avons également eu la joie d’accueillir à cette assemblée quarante-cinq nouveaux frères et sœurs qui symbolisèrent l’offrande de leur personne à Jéhovah par le baptême.

PLUS D’UN MILLIER DE PROCLAMATEURS !

À cette époque-​là, il y avait une quarantaine de diplômés de Galaad répartis dans toute l’Inde. Avec la coopération des frères locaux, ils avaient déployé une grande activité si bien que 1958 fut pour tous une année bénie. Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, on dépassa le nombre de 1 000 proclamateurs. En fait, en 1958 la moyenne mensuelle de proclamateurs a été de 1 091. Il avait fallu cinquante-trois ans pour atteindre le premier millier de proclamateurs du Royaume.

Maintenant que le pays comptait mille proclamateurs et près d’un millier de personnes bien disposées, selon le chiffre de l’assistance au Mémorial en 1958, il devenait nécessaire de renforcer l’activité de circonscription et de district, ce qui affermirait l’organisation dans son ensemble.

C’est également à cette époque-​là que sœur Pope a commencé une étude de la Bible avec Mme K. Peters, femme de docteur et institutrice pour la secte des Adventistes du septième jour. Dès qu’elle acquit la conviction d’avoir trouvé la vérité, Mme Peters prit fermement position pour Jéhovah et ne se laissa pas détourner de la voie droite, même par l’un des principaux “pasteurs” adventistes qui lui rendit visite. À l’issue de l’entretien, ce dernier déclara à sœur Pope : “Vous nous avez pris l’un de nos meilleurs éléments en Inde.” En vérité, sœur Peters est un Témoin très zélé. Grâce à ses études universitaires, elle a pu être chargée de la traduction des publications de la Société en langue hindie.

Tandis que l’œuvre progressait en Inde, toutes sortes de personnes réagissaient favorablement au message divin et, dans la plupart des cas, il leur fallut du temps pour se défaire des coutumes propres au présent système de choses. Certaines ne sont pas parvenues à opérer les changements nécessaires et d’autres sont retournées à leur ancienne voie. Depuis que le caractère biblique de l’exclusion a été expliqué en 1952, le nombre d’exclusions en Inde avait été peu élevé. Mais rien qu’en 1959, quatorze personnes se sont fait exclure, ce qui a souligné l’importance, pour les frères du bureau de la filiale de veiller à la pureté de l’organisation de Jéhovah. Jusqu’à cette année-​là, on avait enregistré un total de quatre-vingt-une exclusions. Ces mesures ont néanmoins affermi l’organisation.

NÉCESSITÉ DE QUELQUES CHANGEMENTS

Sur les plans de la circonscription et du district il n’y avait pas de programme uniforme. Par exemple, on ne tenait des assemblées de circonscription que lorsqu’on le jugeait à propos. Les congrégations n’étaient pas régulièrement visitées par les surveillants itinérants. Les visites duraient deux ou trois jours et consistaient essentiellement en réunions spéciales au cours desquelles le surveillant de circonscription multipliait les longs discours. Mais on ne voyait pas la visite du surveillant itinérant comme une occasion de passer plus de temps dans le service du champ.

À propos des conditions qui régnaient à cette époque, mentionnons un fait signalé par frère Hadyn Sanderson. Il y avait dans sa circonscription, à Kerala plus précisément, une congrégation qui réunissait plus de cent personnes dont la plupart étaient baptisées et assistaient régulièrement aux réunions. Sur ce nombre, seize seulement étaient proclamateurs. Quand on leur demandait : “Êtes-​vous Russellistes ?” la plupart répondaient par l’affirmative. Les frères se rendaient aux réunions à leurs heures, en se fiant à la position du soleil dans le ciel. Il n’était donc pas question de commencer une réunion à une heure fixée. Dans certaines congrégations une cloche sonnait pendant cinq minutes avant l’heure où la réunion aurait dû commencer, puis on attendait que tout le monde fût là pour commencer. Les frères s’asseyaient d’un côté de la salle, leurs femmes et les sœurs de l’autre côté, selon la coutume religieuse de l’endroit. Les familles étaient donc séparées.

Toujours selon frère Sanderson, les assemblées de circonscription avaient beaucoup de succès, mais on ne prêtait guère attention à ce qui s’y disait. Après les sessions, les frères avaient l’habitude de se grouper sur l’estrade pour chanter des thèmes bibliques rythmés sur de la musique de films qui avaient conquis le public. Aux discours publics, les présidents faisaient d’interminables présentations. Un frère parla pendant vingt minutes avant de céder la parole à l’orateur.

Tandis qu’il voyageait dans le district, frère Sanderson enseigna non seulement les principes bibliques, mais il mit également l’accent sur les principes d’organisation. On donna une formation aux surveillants de circonscription, puis à d’autres surveillants. La bonne volonté était là, mais non l’expérience. On prescrivit la visite régulière des congrégations, ainsi que la visite systématique des circonscriptions. Pour la première fois, chaque circonscription put avoir une assemblée tous les six mois.

En décembre 1959, on forma huit circonscriptions en Inde. À propos des longs trajets qu’il fallait parcourir à cette époque, voici ce qu’a dit frère Sanderson : “Nos malles se trouvaient au home des missionnaires de Madras, mais nous n’avions pas de chambre. Quand nous passions par cette ville, nous allions y chercher notre linge pour les six mois à venir. Le dimanche, nous desservions une assemblée à Bangalore, et le mardi nous devions être à Darjeeling, à 2 679 kilomètres de là (il fallait changer cinq fois de train).” Pour faire le tour de l’unique district de l’époque, on partait de Trivandrum pour se rendre successivement à Bombay, Ahmadabad, Delhi, Darjeeling et Calcutta. Puis on descendait jusqu’à Madras pour revenir à Trivandrum via Bangalore. Cela représentait un voyage de 6 437 kilomètres.

UNE NOUVELLE FILIALE

Pendant ce temps, il se passait des choses à Bombay. Le nombre des Témoins de Jéhovah de l’Inde allait croissant. Il fallait donc une nouvelle filiale mieux équipée pour aider les frères de l’Inde. C’est ainsi qu’en novembre 1959 fut signé un contrat en vue de la construction d’un édifice dans la zone résidentielle de Santa Cruz Ouest, à une vingtaine de kilomètres du centre de Bombay. Le terrain mesurait 38 mètres sur 27. On commença les travaux le 2 novembre 1959. On eut beaucoup de mal à se procurer du ciment. Toutes les fournitures étaient rationnées à l’époque. La Société réussit cependant à se procurer tout le ciment nécessaire, mais fort lentement, car elle dut se plier à toutes les formalités administratives.

Au cours des douze mois qui suivirent, la construction prit forme. C’était un édifice en briques, d’un seul étage. La façade était revêtue d’une maçonnerie qui ajoutait à la beauté du bâtiment. Les murs de l’entrée principale étaient recouverts de panneaux de marbre, et de chaque côté de l’escalier trônaient des bacs de fleurs. L’entrée formait aussi vestibule de réception. On pouvait y admirer un panneau de verre gravé représentant la terre transformée en paradis. Au rez-de-chaussée se trouvaient le réfectoire, la cuisine, l’économat et les bureaux. L’édifice comprenait aussi six chambres et une belle Salle du Royaume qui pouvait contenir 150 personnes. Sur le toit en terrasse il y avait suffisamment d’espace pour des réunions en plein air. La maison se dressait au milieu d’un magnifique jardin.

On emménagea en novembre 1960, soit un an après le début des travaux. L’inauguration eut lieu en décembre, à l’occasion de la visite du surveillant de zone, frère G. D. King. Frère Skinner, l’un des orateurs, rappela les tout premiers débuts de l’œuvre et les progrès accomplis jusqu’alors, établissant un lien entre tout cela et la prophétie de Zacharie 8:23. Quant à frère King, il exprima dans son discours d’inauguration la gratitude que tout le monde éprouvait vis-à-vis de Jéhovah, Celui qui avait donné ce nouvel édifice, qui serait exclusivement consacré à l’accomplissement de sa volonté.

LES GROUPEMENTS LINGUISTIQUES SONT TOUCHÉS PAR LE MESSAGE

Un pionnier raconte comment les frères ont dû surmonter les problèmes linguistiques. On n’a pas idée de tout ce que cela pouvait représenter. Ce pionnier rencontra beaucoup d’intérêt parmi des catholiques parlant le tamil, et cela dans une ville où le tamil était la langue courante. Le pionnier, lui, parlait le canarais. C’était sa langue maternelle. Mais il savait aussi l’anglais. Pour pouvoir conduire des études avec ces Tamiliens, le pionnier se faisait accompagner deux fois par mois par un homme qui savait le tamil et l’anglais. Avec le concours de cet homme, il conduisait des études bibliques à l’aide d’un livre anglais. Voici ce qu’a écrit une de nos sœurs : “Quel dommage que vous n’étiez pas présent à notre étude mardi dernier ! Parmi les douze personnes présentes il y en avait qui parlaient le canarais, d’autres qui parlaient le marathi et les troisièmes l’anglais. Un frère faisait l’interprète auprès des Canarais, un autre auprès des Malayalis, et moi je parlais en hindoustani aux Maharashtriens. Tout le monde était content !”

Au fur et à mesure que les frères apprenaient à faire des disciples, ils avaient besoin de plus en plus de publications, notamment dans les langues indigènes. En 1960, la Société édita Réveillez-vous ! en malayalam. En 1961, à Madras, Réveillez-vous ! parut en tamil. À l’époque, la Société éditait La Tour de Garde en six langues indigènes : en malayalam, en canarais, en tamil, en ourdou, en marathi et en bengali. Sur une période de trois ans (1959-​1961) livres et brochures furent diffusés en neuf langues. Ces langues étaient le bengali, le gujarati, l’hindi, le canarais, le marathi, le telugu, le tamil, le malayalam et l’ourdou. La Société fit donc un grand effort pour que toutes les populations de l’Inde fussent touchées par le message.

Pendant cinquante-cinq ans, frère Joseph avait été le principal traducteur de la Société (en malayalam). Avec l’âge, ses forces déclinèrent. Sa santé devenant de plus en plus fragile, frère Joseph dut renoncer à sa fonction. On le déchargea de cette responsabilité en 1961. Il était alors âgé de soixante-dix-sept ans.

L’ÉCOLE DU MINISTÈRE DU ROYAUME

D’après le recensement de 1961, l’Inde comptait 439 000 000 d’habitants. Sur ce chiffre, 24 % seulement savaient lire et écrire. Il y avait alors un Témoin pour 303 129 habitants. D’autre part, 97 % de la population indienne habitaient des territoires non attribués. Cela voulait dire que les Témoins de Jéhovah de l’Inde prêchaient parmi 4 392 347 habitants, soit 3 % seulement de la population ! Oui, ‘les ouvriers étaient peu nombreux’. — Luc 10:2.

Il était donc absolument nécessaire de former et d’équiper les frères pour que leurs efforts portent du fruit et que leur prédication soit efficace. C’est pourquoi la Société inaugura en Inde, en décembre 1961, l’École du ministère du Royaume. La première classe d’étudiants d’expression anglaise se composait de surveillants de circonscription, de pionniers spéciaux, de missionnaires et de surveillants de congrégation. Comme ils logeaient et travaillaient au Béthel de Bombay, les étudiants purent se faire une idée de l’activité de la filiale. Cela leur fut très profitable.

Quand les étudiants de la deuxième classe de l’École du ministère du Royaume furent arrivés à la fin des cours, certains se virent attribuer des territoires fort éloignés de leurs villes natales. On ouvrait de nouveaux territoires. Les frères M. A. Cheria, M. C. Joseph et P. J. Matthew furent envoyés comme pionniers spéciaux à Shillong (Assam), soit à plus de 4 000 kilomètres de Bombay.

À Shillong, ces trois frères recueillirent en deux mois plus de deux cents abonnements. Mais les autorités religieuses ne tardèrent pas à s’émouvoir. Un prêtre catholique du séminaire de l’endroit, ainsi que certains de ses étudiants, demandèrent à voir les frères Cheria, Joseph et Matthew. Ceux-ci consentirent à les recevoir. L’ecclésiastique aborda la doctrine de la trinité. Les frères l’emportèrent sans peine sur lui au cours de la discussion, et à ce point même que deux jours plus tard l’un des étudiants, accostant frère Matthew, menaça de lui flanquer une rossée. “Vous avez troublé notre ‘révérend père’, lui lança-​t-​il ; c’est notre professeur.” Les mises en garde contre les Témoins de Jéhovah ne tardèrent pas à retentir du haut de la chaire, mais sans grand effet. Car de nombreuses études bibliques furent commencées.

À partir du début de 1963 et sur une période de douze mois environ, il y eut soixante-huit étudiants qui bénéficièrent de l’École du ministère du Royaume en Inde. Ils étaient répartis en trois groupes linguistiques (canarais, anglais et malayalam). Comme frère Masilamani parlait cinq langues indiennes, il put instruire ces trois classes. La classe des étudiants parlant le malayalam se réunit dans l’État de Kerala, les deux autres au Béthel de Bombay.

UNE VISITE DE ZONE FAVORISE LES PROGRÈS

Les visites annuelles des surveillants de zone créèrent dans le champ et à la filiale des liens encore plus étroits avec le siège de la Société Watch Tower. Frère Henschel était attendu en Inde en tant que serviteur de zone. Il venait des pays du Proche-Orient via l’Afghanistan. Le 3 février 1962, frère Henschel atterrit à l’aéroport de Santa Cruz, à Bombay, pour y visiter la filiale.

Venant de toute l’Inde, les frères arrivèrent à Bombay pour assister à l’assemblée de district qui devait avoir lieu pendant le séjour de frère Henschel. Ceux des villages du Kerala, au sud, virent pour la première fois une ville moderne. Il y en eut qui vinrent de l’extrême nord. Une famille venait du Népal, dans l’Himalaya. Le voyage avait duré quatre jours. Cette famille était partie par une tempête de neige et voici qu’elle arrivait dans une ville où régnait une chaleur tropicale.

Au cours d’une des sessions de cette assemblée, frère Henschel parla devant 770 congressistes de l’importance de bien connaître la Bible, en raison des efforts que fait le Diable pour détacher des Écritures le peuple de Dieu. Il souligna aussi la nécessité de travailler à notre salut avec crainte et tremblement (Phil. 2:12). Frère Henschel projeta également des diapositives qui montraient le travail accompli par nos frères du monde entier. Il était émouvant d’entendre parler de la façon dont Jéhovah fait proclamer son nom par toute la terre. Aussi tous les frères assemblés étaient-​ils plus décidés que jamais à rester fidèlement attachés à l’organisation terrestre de Jéhovah.

Les délégués à cette assemblée parlaient neuf langues différentes, y compris l’anglais. La salle était donc divisée en groupes linguistiques qui purent entendre par haut-parleurs les discours traduits de l’anglais. Plusieurs interprètes étaient à l’œuvre. Oui, cette assemblée contribua beaucoup aux progrès de l’organisation divine en Inde.

Pendant cette visite de frère Henschel, certaines dispositions furent prises. On estima prudent de former des frères indiens, de les rendre aptes à exercer des responsabilités à la filiale. Car les missionnaires pouvaient se trouver un jour dans l’obligation de quitter le pays. On rencontrait, en effet, de plus en plus de difficultés à faire entrer des missionnaires en Inde et à les garder dans le pays.

LE PROBLÈME DES PUBLICATIONS

Le peuple de Jéhovah en Inde, qui devenait de plus en plus nombreux, rencontrait des difficultés du fait de la politique du nouveau gouvernement. Celui-ci, voulant favoriser la diffusion des produits nationaux, avait contingenté les importations. Arguant d’une réglementation récente qui interdisait l’importation des publications en langues indigènes, les autorités tentèrent d’interdire même l’importation des publications dont le texte était en anglais. Si l’arrêté visant les publications anglaises fut quelque peu assoupli par la suite, leur importation fut néanmoins fortement réduite. À partir de 1962, la filiale ne fut autorisée à présenter sa demande d’importation qu’une fois par an et seulement pour des publications en langue anglaise.

C’est pourquoi frère Knorr permit à la filiale de l’Inde de faire imprimer dans le pays les publications en langues indigènes. Mais les frères se heurtèrent alors à une autre difficulté, celle de se procurer suffisamment de papier. Les importations de papier étaient également contingentées, et quiconque s’en procurait sans autorisation de l’administration contrevenait à la loi. La quantité de papier accordée était fonction du tirage des publications de la Société. On a donc tenté d’augmenter le tirage des périodiques ; les problèmes furent nombreux. La filiale, qui devait chaque fois remplir toutes les formalités requises, réussit cependant à approvisionner régulièrement les frères en publications dans les langues indigènes.

DÉBUTS DE L’ŒUVRE À GOA

L’enclave de Goa, qui appartenait aux Portugais, était une “épine dans la chair” des autorités de l’Inde. En 1961, l’armée indienne pénétra dans Goa et en chassa les dirigeants portugais. Elle se retira en 1962, laissant à un gouvernement civil le soin d’administrer Goa.

On tâcha, évidemment, de faire entrer des pionniers dans Goa, mais pendant quelques mois personne ne put pénétrer dans l’ex-enclave sans autorisation. Même lorsque cet obstacle fut levé, il n’était pas facile pour ceux qui n’étaient pas de Goa d’entrer dans ce territoire. La Société réussit, cependant, à envoyer à Margao, dans le district Salcete de Goa, deux pionniers spéciaux, Benedict et Gretta Dias. Comme Goa était une citadelle du catholicisme, les progrès furent lents les premières années. Mais frère Ruzario Lewis réussit à éveiller et à affermir l’intérêt, et petit à petit il se forma une congrégation.

LES SURVEILLANTS ITINÉRANTS SONT ÉQUIPÉS

Comme les circonscriptions de l’Inde sont très grandes, il fallait parfois toute une journée au surveillant itinérant pour aller d’une congrégation à l’autre ou visiter les groupes isolés. En certains endroits, ces frères et leurs femmes devaient loger chez des Témoins très pauvres qui n’avaient rien à leur offrir. En d’autres endroits, ils trouvaient bien une chambre à l’hôtel, mais une chambre sans lit. Et s’il y avait un lit, celui-ci n’était pas fait ou bien il était infesté de punaises. La Société fournit donc aux surveillants itinérants et à leurs femmes un matériel de couchage (draps, oreillers, serviettes et même seau et cuvette en plastique, sans oublier le savon). Les frères itinérants avaient donc beaucoup de bagages à emporter pendant leurs longs voyages. Mais cela valait la peine, car ils étaient alors assurés de passer une bonne nuit de repos et d’être dans une meilleure condition pour servir leurs compagnons dans la foi.

DANS LES ÎLES ANDAMAN ET NICOBAR

Le peuple de Jéhovah en Inde a saisi toutes les occasions de faire parvenir le message du Royaume jusqu’aux extrémités du territoire. En 1963, sœur Mariamma Enose a commencé à semer des graines de vérité dans les îles Andaman, à Port Blair et ses environs.

Les îles Andaman et Nicobar font partie d’une rangée de montagnes sous-marines qui émergent dans les eaux du golfe du Bengale et s’étendent sur environ huit cents kilomètres entre la Birmanie et Sumatra. Le détroit des Dix Degrés sépare les deux groupes d’îles. Les îles Andaman sont au nombre de 239 (îles et îlots) ; celles de Nicobar au nombre de dix-neuf. La capitale est Port Blair, au sud des îles Andaman.

La plupart des 115 133 habitants des îles Andaman et Nicobar sont d’origine indienne et travaillent dans l’industrie du bois (padouks et tecks) et dans la culture (caoutchouc, poivre, café, noix de coco et noix d’acajou).

En 1964, il y avait suffisamment de proclamateurs dans ces îles pour justifier l’envoi d’un surveillant de circonscription chargé de les encourager et de les former. Lors de sa première visite à Port Blair, Robert Masilamani fut présenté comme le mari de Mariamma Enose à trois hindous qui travaillaient dans des carrières. Tous les trois marquèrent un vif intérêt pour la vérité biblique. L’un d’eux était un adorateur de Shiva, divinité hindoue. Pour accomplir un vœu, il se laissait pousser les cheveux et la barbe, qui seraient rasés au temple. Sa dévotion religieuse ne l’empêchait pas cependant de s’adonner à des jeux d’argent.

Alors qu’il prêchait de maison en maison, frère Masilamani rencontra deux hommes qui parlaient le telugu. Ils étaient méthodistes. L’un était le président de l’église de l’endroit et l’autre, le trésorier.

Lors de la seconde visite de frère Masilamani aux îles Andaman, le président de cette église, M. Asirvadam, manifesta un vif intérêt. Lui et les siens quittèrent leur confession religieuse. Par la suite, ils se vouèrent à Dieu et prirent le baptême. Lors des visites suivantes, le trésorier, M. Salomon Raju, ainsi que d’autres familles de la même confession, quittèrent eux aussi cette religion et se firent baptiser. La congrégation de Port Blair finit par compter beaucoup d’hindous dans ses rangs.

L’ASSEMBLÉE DE LA “BONNE NOUVELLE ÉTERNELLE” À NEW DELHI

Il ne fait pas de doute que l’assemblée de la “bonne nouvelle éternelle”, qui fit le tour du globe en 1963, contribuât pour sa part aux progrès de l’organisation divine en Inde. Il y eut 583 délégués d’assemblée faisant le tour du monde pour ce rassemblement international.

Une des étapes de cette assemblée fut New Delhi. À ce propos, frère Edwin Skinner écrit ceci : “À l’aéroport, un groupe de frères reçut l’autorisation de pénétrer dans l’enceinte de la douane. Les frères purent ainsi guider les visiteurs et les aider à remplir les formalités requises. De plus, les sœurs indiennes, enveloppées dans leurs jolis saris diaprés ou vêtues du salwa kamis du nord de l’Inde, accueillirent chaque délégué avec une guirlande de fleurs et par le salut traditionnel indien, Namaste, (‘je te salue’) (...). Pendant les quatre jours des arrivées, chaque vol fut accueilli de la même façon, jour et nuit.

“Les délégués arrivaient de vingt-sept pays différents. Quelques-uns venaient de Kaboul en Afghanistan. Ils avaient fait le voyage par la route. Après avoir passé par les hautes montagnes du col de Khyber et traversé le Pakistan, ils étaient enfin arrivés en Inde (...). Cent dix délégués étaient venus de Ceylan, après avoir franchi en bateau le ‘Pont d’Adam’ qui sépare l’île du continent. Puis ils avaient fait 2 300 kilomètres en chemin de fer avant d’arriver à Delhi. En Inde, un aussi long trajet accompli en troisième classe, donc sans couchette, sans climatisation et dans de mauvaises conditions hygiéniques, est une véritable épreuve. Mais les frères étaient heureux.

“Les frères du sud de l’Inde vinrent également en grand nombre et durent faire eux aussi un long trajet en chemin de fer (plus de 1 500 kilomètres). Pour la première fois de leur vie, ils entendirent des gens parler une autre langue que la leur ; pour la première fois, ils virent des gens porter d’autres vêtements, habiter d’autres types de maisons et vivre dans une région fort différente des provinces de Kerala et de Madras d’où ils venaient. Pour rencontrer leurs frères venus d’autres pays, beaucoup avaient dépensé la totalité de leurs maigres économies.”

Voici en quels termes frère Skinner décrit le lieu de l’assemblée : “L’assemblée se tint dans la magnifique et impressionnante Vigyan Bhavan (Maison de la Science). C’est un édifice de prestige pour l’Inde. Ce splendide bâtiment contient une salle de 1 069 sièges.

“Une fois dans la salle, dont le sol était recouvert d’une moquette et qui était climatisée, les délégués prenaient place dans des sièges confortables. Chaque siège avait une tablette servant à écrire et des écouteurs munis d’un potentiomètre et d’un bouton de sélection. L’auditeur pouvait, grâce à cet appareil choisir entre quatre traductions, outre le discours en anglais qui se faisait depuis l’estrade. La moitié de la salle était occupée par des délégués indiens écoutant les discours en canarais, en malayalam, en tamil et en ourdou/hindi. On n’oubliait pas les frères parlant le marathi, qui pouvaient soit suivre une traduction en direct faite depuis l’estrade ou bien se rendre dans une salle spéciale.”

Les 583 visiteurs faisant le tour du monde étaient descendus à l’Ashoka Hotel. Cet hôtel de 320 chambres appartenait à l’État. Pendant cinq jours, aux heures des repas, la salle à manger fut occupée en majeure partie par les Témoins de Jéhovah. Ils conversaient entre eux avec une telle chaleur qu’il arriva à certains membres du personnel de l’hôtel de parler des “frères qui étaient assis à cette table” ou de dire que “ce frère là-bas veut vous parler”.

Quelqu’un qui appartenait à une secte de la chrétienté demanda au gérant de l’hôtel si tout ce “peuple de Jéhovah” ne lui donnait pas trop de mal. Le gérant lui répondit : “Ce sont les gens les plus disciplinés que nous ayons jamais eus à cet hôtel. Nous serions heureux d’en accueillir un millier de plus si nous avions de la place.” Et d’ajouter : “Nous avons parfois plus de mal avec cinquante personnes qu’avec tout ce groupe de 583 délégués.”

Et le programme de l’assemblée ? Il était très riche, spirituellement parlant. Par exemple, parlant sur le sujet “Les femmes fidèles de la société du monde nouveau”, frère Skinner fit remarquer qu’en Inde il y avait beaucoup de femmes fidèles et capables. Malheureusement, déclara-​t-​il, un très grand nombre d’entre elles sont encore de véritables esclaves au foyer et n’ont guère de temps pour étudier. Il s’adressa donc aux maris pour qu’ils s’occupent de leurs femmes comme le Christ s’occupe de sa congrégation. — Éph. 5:21-33.

Le grand jour de l’assemblée de Delhi fut le mardi 8 août, le jour où fut lue la Résolution, laquelle fut adaptée dans l’enthousiasme par les 901 délégués présents. Parmi les discours émouvants de cette assemblée, citons le discours public de frère Knorr : “Quand Dieu sera Roi sur toute la terre”. On dénombra à cette occasion 1 296 personnes dans l’assistance, dont 350 étrangers, et cela malgré une soirée fort pluvieuse. Ce fut la plus grande assistance que les Témoins de Jéhovah eussent jamais connue en Inde.

Frère Franz parla sur le sujet “De quel Dieu êtes-​vous témoin ?” Ce discours, basé sur les chapitres 43 et 44 d’Ésaïe És 43-44, marqua un tournant pour une personne de l’assistance, un hindou, qui fréquentait les Témoins de Jéhovah depuis quelques années, mais qui ne s’était jamais voué à Dieu. Lorsque frère Franz expliqua comment l’adorateur païen abat un arbre et se sert d’une moitié pour se faire un dieu devant lequel il se prosterne et de l’autre moitié pour faire du feu et cuire du pain, cela fut pour lui comme un trait de lumière. Le soir même, il se voua à Jéhovah et prit le baptême le lendemain.

Parmi les quarante-quatre candidats au baptême à l’occasion de cette assemblée figurait Annabelle Lartius, d’Allahabad, qui avait remarqué que son frère était resté ferme malgré l’opposition de ses parents. Ceux-ci avaient interdit à Annabelle d’aller dans le champ. En Inde, il est fort rare de voir une femme insister sur son droit d’obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, mais Annabelle Lartius prêchait dans toute la mesure de ses possibilités (Actes 5:29). Ce n’est pas sans mal qu’elle put se rendre à l’assemblée et, s’étant vouée à Jéhovah, elle prit le baptême.

JOIES NOUVELLES DANS LE SERVICE DU CHAMP

Ceux qui faisaient le tour du monde connurent quelques joies dans le service du champ. La plupart d’entre eux eurent, en effet, la possibilité de donner le témoignage en anglais.

Un frère d’origine juive entama une discussion biblique avec un hindou, qui l’interrompit en disant : “Mais ce message s’adresse bien plus aux Occidentaux qu’à nous autres. Nous sommes un peuple épris de paix et d’égalité. C’est chez vous que se pratique la discrimination entre Blancs et Noirs. Pourquoi donc est-​ce que je lirais votre livre sacré ?” Le frère fit observer à cet homme qu’il n’était pas venu en tant que représentant de l’Amérique ni d’aucune autre nation, mais en tant que représentant d’un groupement de personnes attachées aux principes bibliques. Il lui montra que, selon la Bible, Dieu n’est pas partial, mais qu’en toute nation celui qui pratique la justice trouve accueil auprès de lui (Actes 10:34, 35). Ce n’est pas parce que les nations dites chrétiennes font bon marché des excellents principes bibliques qu’il faut dénier toute valeur à la Bible. Et le frère poursuivit en disant que c’est dans les pages de la Bible que les gens de toute nation peuvent trouver la sagesse. Son interlocuteur hindou fut sensible à ce raisonnement et accepta quelques publications, surtout lorsqu’il apprit que le frère, étant d’origine juive, connaissait très bien le problème de la discrimination.

DES VISITES TOURISTIQUES FORT INSTRUCTIVES

On organisa aussi des visites touristiques qui apprirent bien des choses à ceux qui y participèrent. La pluie battante qui se mit à tomber sur nos “touristes” leur donna une idée du temps de la mousson. Mais tout le monde garda le sourire. Malgré l’averse, les frères s’empilèrent dans les cars qui les emmenèrent vers les bazars indiens. Ils y virent des mendiants aux membres déformés, des pousse-pousse, des chars à bœufs, des bicyclettes, des piétons et des voitures, sans oublier les inévitables vaches sacrées. Tout ce monde se bousculait dans un dédale de ruelles très étroites. Il y avait aussi des pâtisseries et des “restaurants” où des hommes nus jusqu’à la ceinture faisaient cuire sur la braise des chappaties et d’autres mets fort appréciés par les palais indiens.

L’un des buffles, ruminants qui fournissent le lait à la population de l’Inde, déambulait majestueusement sur la chaussée. Au coin d’une rue, un homme assis devant une bouche d’incendie prenait calmement sa douche. Voici que vint à passer un enterrement musulman. Le cortège se composait uniquement d’hommes. Les musulmans ensevelissent leurs morts ; les hindous, eux, les brûlent sur un bûcher funéraire.

Il y avait une vache qui mangeait des légumes étalés sur le trottoir pour être vendus aux ménagères. Ce qui surprit fort les délégués étrangers, ce sont certaines pratiques relatives aux “vaches sacrées”. Ainsi, certains serviteurs employés au temple viennent recueillir leur urine et en font un usage rituel. Ils en mettent même quelques gouttes dans l’“eau sainte” qu’ils boivent. Cela se fait non seulement chez les hindous, mais aussi chez les parsis.

L’assemblée de la “bonne nouvelle éternelle” fut une étape dans la progression de notre œuvre en Inde. Les frères qui étaient venus d’Iran et d’Afghanistan se sentaient particulièrement bénis, car ils n’étaient pas assez nombreux pour tenir des assemblées dans leurs pays. D’autre part, les frères indiens eurent la grande joie de rencontrer des serviteurs d’autres pays et de travailler à leurs côtés. Quelle manifestation de l’unité qui règne au sein de la société du monde nouveau, société qui ignore les barrières nationalistes !

AIDÉS DE DIVERSES MANIÈRES

Ce qui aida et instruisit beaucoup les frères, ce furent les récits de chrétiens fidèles, récits qui paraissaient régulièrement dans La Tour de Garde. L’histoire de frère A. J. Joseph parut elle aussi dans La Tour de Garde, dans son édition anglaise du 15 janvier 1964. Frère Joseph, qui se rangeait parmi les disciples oints du Christ, mourut le 18 décembre 1964, à l’âge de quatre-vingts ans. Il avait beaucoup contribué à l’établissement de l’œuvre en Inde. Il avait vu croître l’organisation, qui d’un seul homme était passée à plus de deux mille. Cinquante-neuf ans avaient passé depuis que frère Joseph avait commencé à chercher Jéhovah, le vrai Dieu, en 1905. Oui, les progrès avaient été fort lents dans ce pays non chrétien. Mais en 1964 l’organisation théocratique prenait forme dans toute l’Inde.

En 1968, une assemblée de district eut lieu dans la salle Raja Venkatarama. C’est alors que quelques hindous fanatiques tentèrent de perturber ce rassemblement. Dans la nuit du samedi ils barbouillèrent avec de la bouse de vache le calicot qui annonçait le discours public, et le dimanche ils souillèrent l’entrée et les murs de la salle. Mais les frères firent tout nettoyer avant le début de la session ; l’assistance ne s’aperçut de rien. La presse avait parlé favorablement de nous, et les autorités s’intéressèrent à l’assemblée. Ils y envoyèrent un inspecteur de police nommé Dennis. Celui-ci devait assister à toutes les sessions et faire un rapport sur tout ce qui s’y disait.

L’inspecteur Dennis révéla à frère Hongal, le surveillant d’assemblée, qu’il devait indiquer dans son rapport si des conversions avaient eu lieu, si des critiques avaient été formulées à l’égard des religions ou si l’on avait parlé politique. Le dernier jour, Hongal demanda à l’inspecteur ce qu’il pensait de ce congrès. Dennis lui répondit qu’il avait été impressionné par tout ce qui s’était dit et fait à cette occasion, ainsi que par le bon fonctionnement de tous les services et par la collaboration des frères.

Alors, d’une manière désarmante frère Hongal demanda à Dennis quel genre de rapport il allait faire. L’inspecteur lui répondit : “Je ne sais pas trop quoi faire. Le rapport doit être envoyé au ministre du parti dirigeant pour que celui-ci sache quoi dire au cas où des membres de l’opposition soulèveraient à l’assemblée d’État la question des Témoins de Jéhovah. Mais si je mets dans mon rapport que tous les orateurs disaient sans cesse : ‘Prenez la Révélation, ou Marc, ou les Psaumes’, ni le ministre ni les membres de l’opposition ne comprendront rien au rapport. Je ferai donc un rapport simple, disant que je n’ai rien remarqué de répréhensible ni d’illicite.”

Ce qui est encore à noter à propos de la série d’assemblées de 1968, c’est le chiffre total de l’assistance. On dénombra 3 132 assistants pour les quatre assemblées et 122 baptisés. Cela était d’autant plus remarquable qu’en Inde les Témoins étaient alors au nombre de 2 337. Il y avait donc là de belles possibilités d’accroissement pour l’organisation en ce pays.

Les assemblées qui se tinrent de 1964 à 1968 apprirent aux frères indiens à devenir de bons organisateurs. Et en 1968, lors de l’assemblée de Bangalore, on put remarquer que toute l’administration se trouvait sous la direction de frères indiens. Frère Victor Hongal était le surveillant d’assemblée et frère Prabhakar Soans était le président. D’autre part, depuis quelques années, les assemblées au Kerala étaient entièrement organisées par nos frères indiens. Nul doute donc, une organisation chrétienne solide et unifiée se constituait en Inde.

ACCROISSEMENT DANS LES RANGS DES PIONNIERS

Les rangs des pionniers ne cessaient de grossir d’année en année, car Jéhovah poussait son peuple à répondre à l’appel pour un plus grand nombre de prédicateurs à plein temps. De 1965 à 1970, le nombre de pionniers augmenta de 179 (66 pionniers spéciaux et 113 pionniers ordinaires), ce qui faisait un total de 375 pionniers en 1970. Les pionniers étaient vraiment au centre de l’activité de prédication en Inde et ils donnèrent une extension considérable à l’activité des études bibliques. En 1970, la moyenne hebdomadaire était de 3 024 études.

LA NEUTRALITÉ CHRÉTIENNE EST ÉPROUVÉE

Durant les troubles et les émeutes qui marquèrent la guerre non déclarée entre l’Inde et le Pakistan, en 1965, le peuple de Jéhovah, bien que peu nombreux, se tint comme un phare au milieu d’une immense mer humaine en pleine agitation, montrant à tous la voie conduisant vers les rivages sûrs de l’organisation divine. Le couvre-feu en vigueur dans les villes causa une certaine gêne, il était difficile de se rendre aux réunions le soir. Les habitants de Bombay devaient rester chez eux à partir de 20 heures ; tous les moyens de transport étaient interdits à partir de cette heure. Mais cette guerre de quarante-huit jours ne porta aucun préjudice à l’œuvre du Royaume.

À Allahabad, frère Norris fut pris pour un espion, parce qu’on l’avait vu prendre des notes au cours de sa prédication de maison en maison. Il fut roué de coups par un patriote fanatique, qui ameuta les passants. Ceux-ci menacèrent d’assommer le frère si jamais il bougeait. On envoya chercher la police qui arrêta le missionnaire et laissa partir son agresseur. Le chef de la police classa l’affaire en ces mots : “Les gens deviennent superpatriotes. Nous leur avons demandé de ne pas se faire justice à eux-​mêmes.” Mais le peuple de Jéhovah ne se laissa nullement effrayer ; il persévéra dans son œuvre de salut.

Comme la haine entre les peuples ne cessait de croître, les gouvernements respectifs prirent des mesures nationalistes plus rigoureuses. De telles mesures créèrent un grave problème pour nos écoliers. Leur neutralité chrétienne fut mise à l’épreuve après l’introduction dans toutes les écoles de la cérémonie de l’hymne national. Dans quelques cas, on refusa d’accorder l’exemption. Plusieurs enfants furent expulsés des écoles et d’autres cessèrent tout simplement de les fréquenter. Certains frères se conformèrent aux conseils bibliques qui leur avaient été donnés, tandis que d’autres parents semblaient n’en pas tenir compte.

En 1965, le surveillant de district au Kerala put parler à un certain nombre d’instituteurs sur la neutralité chrétienne observée par les Témoins de Jéhovah. Par exemple, le surveillant itinérant Funk parla au directeur d’une école que fréquentaient des jeunes Témoins. L’homme se montra sensible à ses arguments et exempta les Témoins de Jéhovah de l’obligation de participer à la cérémonie de l’hymne national. Mais lorsque arriva le jour des examens, le directeur était absent, et son représentant, un enseignant catholique, refusa d’admettre les jeunes Témoins aux examens parce qu’ils avaient refusé de chanter l’hymne national ce matin-​là. On envoya une lettre d’explications au service de l’enseignement à Kanjirappalli (Kerala), ainsi qu’une pétition signée par les parents des enfants qui fréquentaient cet établissement d’enseignement secondaire. Mais cela ne donna rien. Parmi les jeunes Témoins ainsi privés de l’enseignement profane, certains entrèrent dans les rangs des pionniers et continuèrent à recevoir l’enseignement qui mène à la vie, aidant leurs semblables à faire de même.

À New Delhi, un avocat de la Cour suprême de l’Inde dirigeait un périodique paraissant sous le titre “Le juriste indien”. Cet avocat fut autorisé par la Société à reproduire intégralement le texte de l’article “Le drapeau, le serment et Dieu” qui avait été publié par Réveillez-vous ! (édition anglaise du 8 juin 1965). C’est ainsi que se posa devant la magistrature de l’Inde la question du salut au drapeau et que lui fut révélée la position biblique des Témoins de Jéhovah sur ce point. — Ex. 20:4 ; I Jean 5:21.

L’ACTIVITÉ AVEC LES PUBLICATIONS S’ÉTEND

L’activité avec les publications prit une extension nouvelle lorsqu’on s’apprêta à faire paraître La Tour de Garde en hindi, la langue nationale de l’Inde. Mais l’autorisation officielle se fit attendre longtemps en raison des multiples formalités requises. Le représentant de la Société dut d’abord faire une déclaration devant un magistrat de la ville où serait édité le périodique (il s’agissait ici de la ville de Ranchi). Après des semaines d’attente, nous reçûmes finalement l’autorisation d’imprimer, en novembre 1965. Le premier numéro de La Tour de Garde en hindi sortit des presses en janvier 1966 (tirage : 1 500 exemplaires).

Un jour (on était au début de 1966) que George Gregory attendait à un carrefour de Secunderabad des proclamateurs à qui il avait donné rendez-vous, il vit le gérant de la Société biblique de l’Inde sortir de son magasin. Rapidement il s’approcha de lui et lui proposa la Traduction du monde nouveau en anglais. L’homme accepta volontiers cette bible, ainsi que quelques brochures. Quelques jours plus tard, frère Gregory reçut une lettre du gérant de cette Société biblique, lettre dans laquelle il lui réclamait trois autres exemplaires de la Traduction du monde nouveau. Lorsqu’il vint apporter les bibles, Gregory découvrit que la Société biblique préparait une révision des Écritures en telugu. Le comité pour la version en telugu avait été impressionné à ce point par la Traduction du monde nouveau qu’il avait décidé d’en faire usage dans ses travaux de révision. L’évêque du lieu aurait dit que la Traduction du monde nouveau était la meilleure version anglaise qu’il eût jamais lue.

L’évêque et le gérant vinrent à la Salle du Royaume écouter le discours public. Ils invitèrent frère Gregory à venir le lendemain observer le comité de traduction en plein travail. Gregory accepta et réussit à placer quatre autres de nos bibles.

NULLEMENT ÉBRANLÉS PAR LES OBSTACLES

Quelle joie de voir les frères indiens venir grossir les rangs des pionniers spéciaux, car il devenait de plus en plus difficile de faire entrer des missionnaires en Inde. Les autorités ne les admettaient que s’ils venaient comme remplaçants de ceux qui quittaient l’Inde. Pendant la période de 1965 à 1970, l’Inde perdit un certain nombre de missionnaires pour diverses raisons.

Par la suite, le gouvernement ne voulut plus laisser entrer les missionnaires remplaçants. On ne voulait plus accueillir de missionnaires étrangers.

Malgré ces obstacles dans le champ missionnaire, l’œuvre faisait des progrès en Inde. Les frères indiens développaient leur spiritualité. Beaucoup vinrent grossir les rangs des pionniers spéciaux et certains furent jugés aptes à assumer des fonctions de surveillance. C’est ainsi que de 1965 à 1970, par exemple, un certain nombre de frères indiens furent nommés surveillants de circonscription, dont deux ex-hindous. Le fait que l’Inde produisait désormais ses propres surveillants de circonscription montrait qu’une organisation théocratique pleine de maturité était en train de prendre forme.

LE LIVRE “VÉRITÉ” FAIT DU BON TRAVAIL

C’est en 1968 que parut le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle lequel se révéla être un excellent guide biblique. L’ouvrage fut édité en hindi, canarais, malayalam, tamil, telugu et ourdou. Cela représentait un grand travail de traduction, de correction, de composition et d’impression. L’impression se fit dans des entreprises commerciales, mais la filiale suivit de près la progression de tout ce travail grâce à des pionniers spéciaux qui se trouvaient dans les villes où se faisait l’impression. Tous les traducteurs étaient des Témoins de Jéhovah qui connaissaient bien l’anglais, ainsi que les idiomes indiens.

Ainsi, la filiale dirigeait tout cela à distance. Voilà qui nous fait penser à une tour de contrôle dirigeant des avions au radar par temps de brouillard. Tout ce travail fut mené à bonne fin par la faveur imméritée de Jéhovah. Et le résultat final fut qu’un grand nombre d’études bibliques furent conduites grâce à ce livre édité en plusieurs langues indigènes.

Par exemple, un groupe de quarante personnes commença à étudier le livre Vérité en malayalam. Quand cela vint aux oreilles du prêtre de cet endroit, il stigmatisa les Témoins de Jéhovah du haut de la chaire, les accusant d’être des ivrognes et des vauriens. À ces paroles, une femme se dressa dans l’assistance et lui lança : “C’est faux. Mon fils était un ivrogne quand il fréquentait votre église, mais maintenant qu’il étudie avec les Témoins de Jéhovah, on le voit avec une bible à la main et non plus une bouteille.”

Signalons encore le cas de ce catholique qui lut le livre Vérité en l’espace d’une semaine. Quand le proclamateur revint le voir, l’homme lui dit : “Ce livre devrait se trouver entre les mains de tous les chrétiens.” Une étude fut aussitôt commencée. On aborda le sujet du culte de Dieu avec l’esprit et la vérité (Jean 4:24). Le semaine suivante, le proclamateur constata que toutes les images religieuses avaient disparu des murs et qu’elles avaient été remplacées par une simple citation biblique : “Quant à moi et à ma maisonnée, nous servirons Jéhovah.” — Josué 24:15

UNE VISITE COURTE, MAIS UTILE

Pendant ce temps, frère Knorr faisait une grande tournée en Extrême-Orient. Il devait rentrer à Brooklyn via l’Inde et l’Europe. Lors de sa visite en mai 1968, frère Knorr se préoccupa surtout d’inspecter la filiale. C’était la première fois qu’il voyait la filiale de l’Inde, laquelle avait été construite en 1960. Il prit aussi la parole devant six cents personnes réunies dans un théâtre en plein air, à Bombay. Il parla sur le sujet “Vous ne devez pas oublier”.

Pendant la visite de frère Knorr, on discuta des problèmes d’imprimerie et des prix. La Tour de Garde paraissait alors en sept langues : bengali, hindi, canarais, malayalam, marathi, tamil et ourdou. Réveillez-vous ! était édité en deux langues, en malayalam et en tamil. Tout le travail d’imprimerie se faisait dans des entreprises commerciales, car il n’était économiquement pas possible que la Société imprime elle-​même.

Frère Knorr approuva l’achat de quelques machines qui facilitèrent le travail d’expédition des périodiques et nous permirent de tenir plus efficacement à jour les fichiers des adresses des pionniers et des congrégations.

Comme il n’y avait plus beaucoup de place à la filiale pour stocker les publications, frère Knorr approuva la construction d’un garage pour les véhicules de la Société. Le garage de la filiale pourrait alors servir comme dépôt de publications.

LES EFFETS DE NOTRE ŒUVRE

Ce qui montrait que la pure organisation de Jéhovah émergeait de plus en plus de l’inextricable enchevêtrement des fausses religions du pays, ce sont les effets qu’elle produisait sur certains membres des grands systèmes religieux du pays. De même que des ruissellements d’eau peuvent user à la longue un énorme rocher, ainsi les infatigables activités des Témoins de Jéhovah ont fini par user la résistance opposée au message du Royaume. La plupart des hindous ne cherchent pas à connaître les desseins de Dieu par une étude de la Bible. Les fausses doctrines et les pratiques de la chrétienté ont fermé bien des esprits sincères. Cependant certains hindous se sont montrés sensibles à la vérité. Parmi les proclamateurs de l’Inde, on comptait en 1969 six pour cent d’anciens hindous.

Alors qu’il déployait son activité dans la ville d’Hyderabad, voici ce qui arriva à frère Boothapaty, pionnier spécial : “Pendant que je parlais dans un foyer hindou, je remarquai que le père et quatre enfants m’écoutaient avec l’attention la plus vive. La perspective d’un nouveau système de choses semblait les ravir. Je plaçai une brochure en telugu et, à la visite suivante, une étude biblique fut commencée.

“Il ne fallut pas longtemps avant que le père, qui était mécanicien, invitât une autre famille à l’étude. Chaque semaine, donc, de dix à douze personnes étaient présentes. Lorsque nous avons reçu le livre Vérité en telugu, nous avons commencé à l’étudier. Comme ce livre était écrit dans un langage simple et direct, les progrès furent rapides. Tous ces gens étant des hindous, ils se heurtèrent bientôt à l’opposition familiale. Mais un bon fondement avait été posé, et le père ainsi que les siens tinrent ferme. Ils ne tardèrent pas à aller aux réunions, qui se tenaient à six kilomètres de là. Ils rompirent leurs attaches avec la religion babylonienne et devinrent des proclamateurs du Royaume.”

C’est un véritable exploit que d’amener une famille hindoue à ce point en l’espace de neuf mois. Naturellement, tout le mérite en revient à Jéhovah.

D’autre part, en 1969, on constata que 93 pour cent des proclamateurs de l’Inde étaient d’anciens membres des diverses sectes de la chrétienté. En fait, bon nombre de Témoins de Jéhovah de l’Inde étaient, en 1969, d’anciens catholiques. Citons l’exemple d’un jeune séminariste de Melukavumattom (Kerala). Il avait passé sept ans dans un séminaire catholique. Au cours de ces années, il avait vu maints cas de partialité et bien des injustices. Cela le convainquit que le catholicisme n’était pas la vérité. Il quitta donc le séminaire. Sa tante, qui était Témoin de Jéhovah, lui rendit visite et lui parla de la Bible. Elle l’invita à venir chez elle à Heaven Valley (plantation de thé dans le High Range).

Or il arriva, durant le séjour de l’ancien séminariste, que V. P. Abraham, le surveillant de circonscription de l’époque, vint visiter la congrégation. Il rencontra ce jeune catholique et l’invita à assister aux réunions. Quelle différence ! Le jeune homme remarqua tout de suite l’amour et la concorde qui régnaient parmi les Témoins. Fort impressionné, il s’en retourna à Melukavumattom et se mit à étudier la Bible à l’aide des publications de la Société. Un pionnier spécial, A. D. Samuel, conduisit l’étude et, bien que les réunions eussent lieu à trente-deux kilomètres de là, le jeune homme y assistait régulièrement. Il ne tarda pas à prendre part à la prédication de la bonne nouvelle et il informa ses amis, sa parenté et les autorités de son ancien séminaire de sa nouvelle façon d’adorer Dieu.

HONNÊTETÉ ET DÉTERMINATION

Petit à petit se formait en Inde une organisation d’adorateurs purs et droits, qui devint réputée pour son attachement aux principes du christianisme. Signalons ce qui se produisit à Gajalakonda, dans l’Andhra Pradesh, où il y avait une petite congrégation de Témoins de Jéhovah. L’une de nos sœurs de l’endroit était institutrice dans une école où il était courant de falsifier les registres des présences. Pourquoi agissait-​on ainsi ? C’était pour faire une bonne impression sur les autorités scolaires. Notre sœur refusa de falsifier son registre des présences. Elle fut convoquée devant la directrice qui lui demanda pourquoi ses chiffres étaient exacts, car cela faisait baisser la moyenne des présences. On la menaça de la transférer dans une autre école si elle refusait de se plier à la coutume. Mais notre sœur resta attachée aux principes bibliques et à son sentiment de l’honnêteté. Elle expliqua à ses supérieurs quelle était sa conception du christianisme. Ceux-ci furent impressionnés, car on la garda comme institutrice dans la même école.

Une autre preuve de l’avènement en Inde d’une organisation solide de chrétiens bien unis, ce fut l’effort que firent les frères de Madras pour bâtir leur propre Salle du Royaume. Frère F. P. Anthony, ingénieur civil du service des travaux publics de la ville de Madras, fut chargé de s’occuper de l’achat du terrain et de diriger la construction de l’édifice. On fit l’acquisition d’un terrain à Brick Kiln Road, dans la banlieue Vepery de Madras. Après avoir fait les plans, on bâtit une belle Salle du Royaume, capable d’accueillir cent cinquante personnes. La congrégation fit ensuite de rapides progrès et devint la plus grande de l’Inde. Finalement, elle fut divisée en deux, ce qui porta à quatre le nombre des congrégations de Madras.

LES ASSEMBLÉES “PAIX SUR LA TERRE”

Ces assemblées se tinrent à Bombay, Madras et Cochin. Cinq cents frères de quatorze États différents arrivèrent à Bombay. Certains venaient du Sikkim, royaume himalayen du nord. Il fallait héberger tout ce monde, ce qui était un problème, car Bombay était une ville surpeuplée. En face de la salle de l’assemblée se dressait une école catholique pour jeunes filles. Le responsable du bâtiment scolaire nous permit d’en faire un dortoir. C’est ainsi que quatre-vingts de nos frères furent logés dans cette école. On put encore loger trente congressistes dans le bungalow d’un maharajah, ou travaillait la mère d’un de nos frères. Puis frère Jack D’Silva obtint de la société qui l’employait la permission d’utiliser les pièces luxueuses réservées aux hôtes de cette société. Cela assura l’hébergement de trente autres frères. L’assemblée de Bombay eut lieu en cinq langues différentes. À la surprise de l’assistance, on vit arriver pendant le drame biblique sur Jonas dix religieuses catholiques venues d’un couvent des environs.

L’assemblée de Madras se tint dans le grand Museum Theatre. Les sessions en telugu eurent lieu dans une salle à part. Dans la salle principale, tous les discours furent traduits pour les frères parlant le tamil. Sur le terrain de la salle on avait construit pour la cafétéria un pandal (abri dont le toit est en chaume).

La troisième et dernière assemblée se tint à Cochin, port et station navale de l’Inde sur le littoral occidental de ce qui est à présent l’État de Kerala. L’assemblée eut lieu dans le Nehru Memorial Hall. Des centaines de frères furent heureux de pouvoir dormir dans cette salle ; c’était bon marché et fort agréable. Même le maire de Cochin apporta son concours. Il mit à la disposition des frères un certain nombre de bungalows réservés aux fonctionnaires. Toutes les chambres gratuites furent attribuées à des frères dont on était certain qu’ils laisseraient une bonne impression. Beaucoup de personnes qui hébergeaient des frères assistèrent à l’assemblée et, quand tout fut fini, ces personnes se séparèrent de leurs hôtes chrétiens avec des larmes dans les yeux.

Sur les 1 253 personnes qui assistèrent au discours public, 153 étaient pionniers. Il y eut quarante-trois baptêmes.

LES PROCLAMATEURS DU SIKKIM

La filiale de l’Inde doit aussi s’occuper du Sikkim, pays très accidenté. Voici en quels termes frère Pope décrit l’un de ses premiers voyages pour atteindre les frères de ce pays :

“Le principal moyen de transport est le train ; c’est celui que nous préférons d’ordinaire. Mais lorsque les montées sont très rudes, il faut souvent circuler en jeep ou en car. Il faudrait alors des véhicules en parfait état de marche, mais voilà, il n’y en a pas (...). Le résultat est que les nerfs et le sang-froid des passagers sont souvent mis à très rude épreuve. Voici, par exemple, ce qui se produisit un jour que nous nous rendions à Darjeeling en passant par les avant-monts de l’Himalaya. Les roues avant de la jeep se mirent soudain à trembler. Ce flottement du train avant recommençait environ tous les deux kilomètres. Après avoir franchi une côte très dure sur une étroite route de montagne qui contournait un précipice, nous nous sommes trouvés devant un poste de contrôle. L’arrêt était obligatoire. On examina le véhicule. La direction était en mauvais état. On constata qu’il fallait tourner le volant d’au moins 120° à droite ou à gauche avant de pouvoir faire bouger les roues de devant. Quand on signala la chose au conducteur, celui-ci, nullement troublé, affirma que tout serait thik hojaega, c’est-à-dire que ‘tout irait bien’. Et en effet, tout alla bien. Nous réussîmes à faire quatre-vingts kilomètres dans la montagne sans jamais quitter la route complètement. Après tout le conducteur avait peut-être raison. Mais la violente migraine qui s’empara ensuite de nous témoignait de la tension que nous avions subie.

“Ce fut une joie de nous rendre près de la frontière du Sikkim. On ne nous laissait pas passer, mais les frères prenaient le temps de venir nous voir à Darjeeling, la ville la plus proche. Souvent, très tôt le matin, on entendait quelques coups timides à la porte. C’étaient des frères qui nous apportaient des œufs, des oranges et des légumes en témoignage de leur reconnaissance. Venant du Sikkim, ils avaient parcouru une vingtaine de kilomètres, souvent à pied (cela dépendait de leurs ressources et des moyens de transport). Ils rentraient au village dans la semaine pour voir si les membres âgés de leurs familles allaient bien, puis ils revenaient.

“Ce qui rend la chose extraordinaire, c’est que toutes ces familles pratiquaient auparavant l’hindouisme. Ce sont le zèle et le courage de l’un de leurs membres qui entraîna tous les autres. Ce membre zélé, qui est maintenant un frère, avait accepté la vérité. Dans cette région montagneuse du Sikkim, il aide tous ceux qui cherchent le chemin qui mène à la paix dans le paradis.”

Le Sikkim s’étend en grande partie dans l’Himalaya, et le bouddhisme est la religion d’État. Les forêts recouvrent un quart de son territoire (superficie : 7 299 km2). Des conifères géants poussent dans le nord du pays. On y trouve aussi des orchidées et des forêts de rhododendrons, qui tapissent des versants entiers de montagnes. On y rencontre aussi des plantes alpines dans les hautes vallées et les cols. Ce petit État himalayen compte vingt-deux proclamateurs du Royaume de Jéhovah, lesquels annoncent la bonne nouvelle parmi les 194 000 habitants du pays, dont la plupart sont bouddhistes et hindous.

LA “BONNE NOUVELLE” ATTEINT LE NÉPAL

Le pays limitrophe du Népal, l’unique État hindou indépendant, fut lui aussi touché par l’activité théocratique. Ce pays se trouve sur les versants sud de l’Himalaya. Il est bordé au nord par le Tibet, à l’est par le Sikkim, au sud et à l’ouest par l’Inde. Le Népal compte douze millions d’habitants. C’est dans ce pays que se trouve le mont Everest, le plus haut du monde. C’est aussi dans ce pays qu’on trouve d’excellents combattants : les gourkhas.

Il y a quelque temps, frère A. B. Yonzan, un ressortissant du Népal, ainsi que les siens, ont quitté Kalimpong en Inde pour aller s’installer à Katmandou, la capitale du Népal. Bien que le prosélytisme soit interdit, ce qui entrave le service du champ, cette famille a accompli un excellent travail en annonçant la bonne nouvelle du Royaume de Dieu aux gens de ce pays. De par son travail profane, frère Yonzan a pu entrer en relation avec des fonctionnaires et même avec la famille royale. Nos publications chrétiennes sont entrées dans cette famille.

DES CHANGEMENTS SUR LE PLAN DE L’ORGANISATION

C’est en 1971 qu’en Inde comme partout ailleurs des modifications furent apportées sur le plan de l’organisation. À l’occasion des assemblées de district “Le nom divin”, qui furent tenues en sept villes très éloignées les unes des autres, on montra comment fonctionnaient les congrégations chrétiennes des premiers temps. Dans le discours “L’organisation théocratique au milieu des systèmes démocratiques et communistes”, on expliqua que les congrégations de notre temps doivent être administrées par des collèges d’anciens. Signalons que ce discours fut également fait lors d’une assemblée dans l’État de Kerala, là où se trouve la plus forte fraction communiste de l’Inde démocratique.

Ce fut le plus grand rassemblement du peuple de Jéhovah ayant jamais eu lieu dans la région même où l’œuvre divine fut d’abord établie dans ce pays. Comme il n’y avait pas de salle assez vaste à Kottayam, on loua l’immense terrain de manœuvres de la police. On construisit un gigantesque abri avec des feuilles de palmier. Malgré la chaleur, 2 259 personnes entendirent le discours qui expliquait comment les congrégations chrétiennes seraient administrées à l’avenir.

Au début de 1972, l’activité des circonscriptions fut complètement réorganisée en Inde. Les surveillants itinérants accordèrent moins d’attention aux fiches et aux chiffres. On mit l’accent sur la nécessité d’encourager les frères dans le service du champ et d’édifier la spiritualité des congrégations.

En septembre 1972, les congrégations de l’Inde commencèrent à être dirigées par des collèges d’anciens. Cela se révéla être un grand progrès et contribua à l’affermissement spirituel des congrégations. La plupart des congrégations indiennes acceptèrent cette disposition avec enthousiasme.

Cette disposition, cependant, fit apparaître un degré relativement bas de maturité spirituelle et un manque d’expérience lorsqu’il s’agissait de régler les problèmes locaux. Certaines des difficultés rencontrées au début révélèrent que quelques frères n’avaient pas de bons motifs ou ne possédaient pas les qualités spirituelles requises. Le nouveau système attira aussi l’attention sur les congrégations qui avaient besoin d’aide. Par exemple, sur un total de 247 congrégations (y compris les localités où ne vivent qu’un ou deux frères), on ne comptait au milieu de l’année 1976 que 121 anciens nommés. Aussi sur les 416 serviteurs ministériels que comptent ces congrégations beaucoup doivent servir comme remplaçants des surveillants.

Mais l’effet que tout cela a eu en Inde, ce fut de relever le niveau de la surveillance. Cela a aussi contribué aux 22 % d’accroissement que le peuple de Dieu a connus en ce pays depuis l’inauguration du système des anciens. Mais, ce qui est bien plus important, ce changement a montré que l’œuvre divine ne dépend pas d’un seul homme. On attire, au contraire, l’attention sur le Christ, le chef de la congrégation désormais dotée d’anciens bien unis et travaillant pour le bien de leurs frères.

DES RÉGIONS VIERGES SONT VISITÉES

Dans le nord-est de l’Inde, on visita des contrées vierges ; c’est ainsi que la vérité pénétra dans des régions presque inaccessibles. Cette partie de l’Inde située dans le tropique du Cancer comprend sept territoires séparés. Au nord, aux confins du Tibet et de la Chine, se trouve l’Arunachel Pradesh. Au sud, confinant à la frontière de la Birmanie, se succèdent le Nagaland et le Manipur. Au sud-est du Manipur se trouvent le Mizoram et le Tripura. Le Meghâlaya s’étend entre le Bangladesh et la Vallée du Brahmapoutre. Et n’oublions pas l’Assam, vaste contrée arrosée par le Brahmapoutre et dont une partie forme un “goulot” donnant accès au Bengale et au reste de l’Inde.

Ces régions constituent en grande partie les avant-monts de la chaîne de l’Himalaya et leur altitude varie entre 792 et 1 463 mètres. On peut y admirer des paysages splendides : cimes étincelantes de neige, rivières argentées, cascades écumantes, lacs azurés, vallées et prairies opulentes. Les vallées sont habitées par des tribus. Chaque vallée possède une tribu qui parle son dialecte. Dans certaines tribus règne le matriarcat. Et dans d’autres tribus il y avait jusqu’à ces derniers temps des chasseurs de têtes. Or voici que pour la première fois ces tribus entendaient le message du Royaume de Dieu.

Depuis quelques années, la prédication se faisait par des pionniers spéciaux qui se trouvaient à Shillong (Assam) ; c’est à partir de là que la vérité se propagea dans la région. Frère Basumatary connut la vérité à Shillong. Par la suite, il partit pour son village, Dighaldong, afin de faire connaître à sa parenté et aux autres villageois le “trésor” qu’il venait de trouver (Prov. 2:1-5). Cela représentait un voyage de plus de deux cents kilomètres qu’il fallait faire en train, en car, en char à bœufs et finalement à pied, à travers la forêt.

Arrivé sur les lieux, frère Basumatary ne tarda pas à se mettre à l’œuvre. Il construisit une Salle du Royaume toute simple et tint régulièrement des réunions chrétiennes. Plus tard, un pionnier spécial, qui lui rendait visite, fut tout surpris de trouver dix-huit personnes réunies dans la maison de frère Basumatary. Tous ces gens avaient beaucoup de questions bibliques à poser. Voici ce que raconte ce pionnier spécial : “Douze d’entre eux avaient déjà quitté l’Église luthérienne et assistaient aux réunions à la Salle du Royaume. J’ai eu le plaisir de rencontrer un homme de soixante-dix ans qui avait été un prédicateur luthérien pendant seize ans, mais qui avait rompu toutes ses attaches avec cette religion. On lui avait alors enlevé son gagne-pain, mais il s’écria : ‘Je suis sorti de “Babylone la Grande” et maintenant je suis dans l’organisation de Dieu.’” La congrégation de Dighaldong propage actuellement la bonne nouvelle dans les villages de cette contrée lointaine qu’est l’Assam.

La vérité atteint aussi les monts Khasi dans l’État de Meghâlaya. Dans cette région, c’est le matriarcat qui règne parmi les tribus. Autrement dit, c’est la femme qui assume la fonction de chef de famille, et les enfants, eux, prennent le nom de la mère. Or une femme de cette contrée accepta la vérité et reconnut qu’il lui fallait opérer des changements dans sa vie. Bien qu’appartenant à l’Église presbytérienne, elle avait vécu pendant vingt ans avec un homme et lui avait donné sept enfants, en dehors des liens du mariage. Le pasteur ne leur avait jamais fait la moindre observation. Connaissant la vérité, cette femme parla de ces questions avec son compagnon. Il trouva curieux que sa compagne lui demande de régulariser leur union et de devenir, lui, le chef de la famille. D’abord, l’homme refusa d’assumer cette responsabilité, mais il finit par accepter. Ils régularisèrent leur union et les enfants prirent le nom du père. Cette femme ne tarda pas à se faire baptiser, et il est réconfortant de voir sa joie lorsqu’elle assiste aux réunions, elle ainsi que tous ses enfants, et lorsque tous prennent part à la prédication dans les monts Khasi.

IL FAUT S’OCCUPER DU BANGLADESH

En décembre 1971, l’Inde se trouva en guerre avec le Pakistan. Le 3 décembre, premier jour des hostilités, les troupes indiennes pénétrèrent dans le Pakistan oriental. Trois jours plus tard naissait un nouveau pays, le Bangladesh. Ce conflit de treize jours prit fin le 16 décembre 1971. Le Pakistan se vit amputé du Bangladesh, qui devint un allié de l’Inde. En 1973, la Société demanda à la filiale de Bombay de s’occuper de l’œuvre au Bangladesh. Il n’y avait pas de proclamateurs actifs du Royaume dans ce pays, mais seulement quelques abonnés à nos publications. On envoya des lettres à ces abonnés. Une seule personne nous répondit, qui aurait aimé étudier la Bible. Les pionniers indiens ne pouvaient pas obtenir des permis de séjour pour ce pays. On envoya néanmoins, pour une très courte période, des pionniers spéciaux de l’Inde, les frères P. Singh et P. Mondol.

LES ASSEMBLÉES “LA VICTOIRE DIVINE”

L’assemblée nationale “La victoire divine” qui se tint à Madras en septembre 1973 prit l’aspect d’une petite assemblée internationale. Des frères venus de neuf pays différents étaient présents, et les sessions se firent en neuf langues indiennes, outre l’anglais. Ce fut le plus grand congrès qui eût jamais eu lieu en Inde. Au discours public on dénombra 3 225 assistants. Il y eut 175 personnes qui prirent le baptême à cette assemblée ; ce fut le plus grand nombre de baptêmes enregistrés en une seule fois.

Sur les lieux de l’assemblée (connus sous le nom d’Abbotsbury) s’était déroulé au début du mois un “mariage de prestige”. À cette occasion on avait élevé une construction temporaire et les invités avaient laissé l’endroit dans un désordre indescriptible. Il fallait procéder au nettoyage des lieux. Les quelques frères dont nous disposions avant notre assemblée pensaient ne jamais arriver au bout d’une tâche aussi énorme. Mais voici ce que raconte Bernard Funk, le surveillant de notre assemblée : “Une semaine avant notre assemblée, voici que le Premier ministre de l’Inde, Madame Indira Gandhi, vint faire une visite à Madras, et elle devait prendre la parole sur les lieux mêmes de l’assemblée ! Inutile de dire que le terrain fut promptement remis en ordre par les employés de la ville, donc juste à temps pour l’assemblée ‘La victoire divine’.”

“LES NOUVELLES DU ROYAUME” FONT DU BON TRAVAIL

Peu après l’assemblée nationale de Madras, on distribua avec zèle les “Nouvelles du Royaume”. Cette activité aida beaucoup les nouveaux à faire leurs premiers pas dans la prédication. On ne peut jamais dire quel effet va produire un tract. Une chose est certaine, c’est que cette activité donne de bons résultats.

Par exemple, à Madurai, au sud de l’Inde, un homme se vit offrir un tract au cours d’une distribution de maison en maison. Quand il partit rendre visite à son père dans un village éloigné, il prit le tract avec lui. Il pensait que cela pouvait intéresser son père, qui était prédicateur. En effet, celui-ci le lut avec le plus vif intérêt. Cet homme, M. Solomon, écrivit à la filiale pour de plus amples renseignements. Des directives furent envoyées à la congrégation de Madurai (dans le Tamil Nadu).

Aussitôt frère Alexander, surveillant et pionnier spécial, se mit en quête de M. Solomon. Quand le car qu’il avait pris fut arrivé au terminus, il fit le reste du trajet à pied, soit plus de dix kilomètres. Une étude biblique fut commencée sur-le-champ. Quelques mois plus tard, lors de l’assemblée de district “La souveraineté divine” qui se tint à Madurai en 1975, frère Solomon fut baptisé. Oui, les tracts font du bon travail.

AGRANDISSEMENT DE LA FILIALE

En 1973 il était devenu nécessaire d’agrandir la filiale de l’Inde, étant donné le développement de l’activité et les arrêtés municipaux de Bombay en ce qui concerne les salles de réunion. Un architecte indien fit les plans, et les travaux commencèrent le 8 décembre 1973, sous la direction de Frank Shiller, un frère canadien servant là où le besoin est grand.

On fit un toit sur la terrasse, qui se trouva ainsi transformée en magnifique Salle d’assemblées pour Bombay. C’était la première salle de ce genre en Inde. Elle pouvait accueillir six cents frères. Cette Salle d’assemblées sert aussi de Salle du Royaume pour deux congrégations de Bombay.

Cette construction permit à la Société de convertir l’ancienne Salle du Royaume en bureaux et même d’y faire une chambre à coucher pour les membres du Béthel. Le rez-de-chaussée originel fut occupé par les services des périodiques et des abonnements. Il sert encore comme dépôt.

LE SIKKIM EST RÉUNI À L’INDE

En septembre 1974, le parlement indien conféra au Sikkim le statut d’“associé” à l’Union indienne. À l’époque il y avait vingt et un Témoins de Jéhovah au Sikkim. Étant donné les liens politiques qui unissaient désormais ce pays à l’Inde, on jugea utile d’englober les rapports d’activité du Sikkim dans ceux de l’Inde.

À Gangtock se déploie une énergique activité chrétienne. Dans cette ville il y a quatre pionniers spéciaux qui travaillent aux côtés de la congrégation. Les autres congrégations du Sikkim se trouvent à Chungbung et Samdong.

En 1976, Robert Ray, un frère originaire du Sikkim et un ancien dans une des congrégations de Londres, partit avec sa femme pour le Sikkim. Il avait sur lui des fonds suffisamment importants pour bâtir une Salle du Royaume à Chungbung. En l’espace de deux mois, ils avaient réussi à faire une construction capable d’accueillir soixante personnes. Leur travail achevé, frère et sœur Ray s’en retournèrent à Londres.

1975 — ANNÉE MÉMORABLE

L’année 1975 fut une grande année pour les frères de l’Inde. Au début de l’année, nous eûmes la visite mémorable de deux membres du Collège central, N. H. Knorr et F. W. Franz. Des Témoins des régions les plus lointaines de l’Inde firent le voyage de Bombay pour entendre ces deux frères. Pendant deux jours, qui furent hautement édifiants sur le plan spirituel, on vit 948 frères et sœurs occuper tous les coins et recoins de la nouvelle filiale, agrandie. Entre autres choses, frère Knorr invita les jeunes hommes à aspirer à des responsabilités dans la congrégation.

L’autre grand événement fut le Repas du Seigneur, le 27 mars. Pour la première fois en Inde, on atteignit le chiffre des dix mille assistants. C’était une preuve que les 4 531 Témoins du pays déployaient une activité intense, et ce résultat les encouragea à continuer de travailler dur dans le service de Jéhovah.

LA QUESTION DU SANG

Pendant tout ce temps, les frères dans le champ voyaient toujours plus nettement la nécessité de rester fermement attachés aux principes bibliques. Sœur Muniyamma, qui faisait le service de pionnier spécial près de Bangalore (elle fait partie de la Paradise Farm Congregation), fut atteinte d’une tumeur à l’abdomen. Elle perdit beaucoup de sang et devint très faible. Ayant refusé d’accepter la transfusion sanguine, elle dut quitter l’hôpital qui l’avait admise et qui appartenait à une Église. La sœur fut emmenée dans un autre hôpital où l’on refusa également de l’opérer sans transfusion sanguine. La malade déclinait de plus en plus. Entre-temps, frère Mall de Bangalore, qui était un parent du médecin-chef du premier hôpital, insista auprès de lui pour que celui-ci opère la sœur. Le médecin l’opéra sans transfusion sanguine et sœur Muniyamma survécut. Ce fut un grand témoignage pour les autorités religieuses qui dirigeaient cet hôpital. Tout le personnel commença à respecter les Témoins de Jéhovah. La sœur Muniyamma a repris son service et continue de répandre le message de vie.

LE TÉMOIGNAGE S’ÉTEND

La prédication du Royaume fait des progrès dans les territoires de l’extrême nord-est. Par exemple, à Imphal (Manipur), un pionnier spécial, K. V. Joy, rencontra un tout jeune homme de la tribu Tangkhul Naga. Cet adolescent commença aussitôt à étudier la Bible, mais bientôt il eut des doutes, que suscitaient en lui ses coreligionnaires, des baptistes. Mais ce Naga, qui a pour nom Grâce, découvrit par la suite dans un livre scolaire le nom de Dieu, Jéhovah, et il apprit aussi dans ce même livre que certaines coutumes “chrétiennes” sont d’origine païenne. Il recommença alors à étudier la Bible avec frère Joy.

Il eut alors à subir des pressions de plus en plus fortes. Voici ce qu’il raconte : “Les chefs du village me donnèrent à choisir entre trois choses : ou bien je quittais ma nouvelle religion, ou bien je payais une amende de 250 roupies, ou bien je serais mis à mort selon la coutume tribale. Je ne tins pas compte de ces menaces. Par la suite, mon frère aîné Angam, mon cousin Narising et moi, nous nous fîmes rayer des registres de l’Église. En 1975 je me fis baptiser en symbole de l’offrande de ma personne à Jéhovah. Peu après, Angam et Narising prirent eux aussi le baptême. Ils restèrent dans le village afin de faire connaître la vérité aux membres de ma tribu, lesquels étaient naguère des chasseurs de têtes. Encore maintenant, on peut voir accrochés à la façade de leurs habitations des crânes humains, témoignage des pratiques macabres d’une époque révolue.

La vérité divine sous forme imprimée se répandit également dans ces contrées du nord-est. Entre 1973 et 1975 ont été répandus dans ces régions, grâce aux efforts de dix-sept pionniers spéciaux, 4 769 livres et environ deux fois autant de périodiques. La plupart de ces pionniers venaient du lointain Kerala, État qui compte le plus grand nombre de proclamateurs de l’Inde. Ces pionniers du sud de l’Inde ont quitté leur région natale pour aller servir dans des territoires inconnus situés à deux mille kilomètres de là. C’était comme s’ils partaient pour l’étranger et déployaient leur activité au milieu de gens de mœurs tout à fait différentes. En l’espace de quelques années, la vérité s’est propagée et il y a eu cinquante baptisés dans ces territoires. Certains de ceux-là se sont mis à traduire les publications dans leur propre dialecte.

Lorsqu’elle eut un plus grand nombre d’ouvriers à sa disposition, la Société s’intéressa aux grandes villes qui étaient “sous-développées” pour ce qui est de la prédication du Royaume. Par exemple, un home de missionnaires fut créé à Patna, dans l’État de Bihâr. Il fut occupé par la famille Alford. Madame Barbara Alford et ses quatre enfants étaient des citoyens indiens qui avaient émigré au Canada. C’est là qu’ils connurent la vérité. Par la suite, Joséphine Alford alla à l’école de Galaad et fut désignée pour aller servir en Inde. Alors la mère, Barbara Alford, et ses enfants furent tous volontaires pour rentrer en Inde et déployer leur activité à Patna.

LA PRODUCTION DES PUBLICATIONS

En Inde, c’est la langue qui, dans la plupart des cas, a décidé des limites de chacun des États qui composent ce pays. Chaque État a donc sa propre langue, et tout livre dans une langue doit être imprimé dans l’État où elle se parle. Il nous fallait donc trouver chaque fois une localité possédant une bonne imprimerie et où se trouvaient aussi des pionniers susceptibles de surveiller le travail d’impression. Le plus souvent il fallait d’abord apprendre aux pionniers comment se confectionne un bon livre. Cette formation se faisait par correspondance. C’est la filiale qui envoyait les lettres, et elle a dû en envoyer des quantités. Les pionniers durent encore se perfectionner dans leur propre langue, pour se mettre à même de vérifier et de corriger le travail d’impression. Voilà comment la filiale de Bombay dirige à distance toute une imprimerie disséminée dans onze localités différentes.

Cependant, dans bien des cas, il a fallu recourir à des entreprises commerciales pour produire des livres qui aient la qualité réclamée par la Société. Dans plusieurs villes, les imprimeurs reconnaissaient volontiers que s’ils fabriquaient des ouvrages de meilleure qualité, c’était grâce aux connaissances acquises auprès des pionniers chargés de surveiller l’impression des publications de la Société.

Il y a longtemps que les serviteurs de Jéhovah s’efforcent de faire paraître les vérités bibliques dans les nombreuses langues de l’Inde. Dès 1912, C. T. Russell, le premier président de la Société Watch Tower, avait pris des dispositions en vue de faire traduire nos brochures en hindoustani, gujarati, malayalam, telugu, marathi et tamil, les six principales langues de l’Inde. Au début de 1976, notre filiale approvisionnait le champ en publications éditées en vingt langues. Au cours des cinq dernières années, on imprima 636 677 livres dans ce pays, soit 500% de plus que dans les cinq années précédentes. La Tour de Garde paraît en sept langues, et on espère même pouvoir l’éditer prochainement en deux langues supplémentaires. Réveillez-vous ! paraît en deux langues indiennes. Notre filiale expédie des périodiques à soixante-treize pays. Tout ce travail mobilise plus de cinquante frères occupés à la traduction, à l’impression et à l’expédition.

En raison des dernières mesures prises par le gouvernement indien, les importations de publications sont rigoureusement contingentées. Nous faisions régulièrement des demandes de publications d’une valeur totale de 40 000 roupies (5 000 dollars). Mais d’année en année les autorités réduisaient ce chiffre, le ramenant à 10 000 roupies. En 1975, cependant, nous avons fait une demande pour une licence d’importation de livres dont la valeur totale représentait 50 000 roupies. Imaginez notre joie le jour où nous reçûmes la licence nous autorisant à importer de Brooklyn une quantité de livres évaluée à 50 000 roupies ! Grâce à la bénédiction de Jéhovah, nous allions recevoir une abondante livraison de nourriture spirituelle.

LES ASSEMBLÉES DE DISTRICT RÉVÈLENT UN ACCROISSEMENT CONTINU

Chaque année se tiennent des assemblées de district et, dans toute l’Inde, un nombre croissant de villes ont reçu un témoignage plus intense. Ces assemblées ont révélé qu’un nombre croissant de gens s’intéressent aux desseins de Jéhovah. Par exemple, lors des quinze assemblées “La souveraineté divine” qui eurent lieu en 1975, 243 personnes se firent baptiser et il y eut 6 061 assistants au discours public. À l’époque, l’Inde comptait 4 300 proclamateurs du Royaume.

Des représentations dramatiques sont inscrites au programme de ces assemblées. Ces représentations donnent beaucoup de travail à la filiale. Imaginez le nombre d’heures que demande leur enregistrement sur bande magnétique, et cela en dix langues et à la filiale ou sous sa direction. Il faut d’abord traduire les textes. Puis les personnes retenues pour tenir le rôle des personnages bibliques doivent s’exercer en vue de l’enregistrement. Ensuite leurs voix sont enregistrées. À la filiale on prépare des représentations en quatre langues. Les autres représentations sont préparées par des frères dans le champ. Dans la plupart des cas, ceux-ci n’ont pas le matériel voulu et ont du mal à trouver des frères et des sœurs capables de tenir tous les rôles.

Leur “studio” d’enregistrement est quelquefois une humble maisonnette. Souvent les frères ne procèdent à l’enregistrement qu’à partir d’une heure du matin, car c’est vers cette heure seulement que tous les bruits extérieurs ont disparu. Deux frères ont même été désignés pour aller jeter des pierres dans les mares du voisinage. C’était le seul moyen de faire taire les grenouilles. La mise sur pied d’un programme d’assemblée de district exige six mois de labeur. Mais tout cela est compensé par la joie de tous ceux qui assistent à une assemblée dans leur propre langue.

NOUVELLE ADMINISTRATION DE LA FILIALE

Comme dans tous les autres pays, au début de 1976, la surveillance de l’œuvre de la prédication du Royaume dans le champ indien a été transférée à un comité de filiale composé d’un président, soumis à un roulement, et d’un coordinateur permanent. Cette disposition est considérée comme un pas en avant, notamment lorsqu’il s’agit de s’occuper d’un travail plus important et d’éventuels problèmes. Cette disposition a placé des responsabilités sur des frères du pays et nous donne un meilleur aperçu des problèmes du champ grâce à la présence d’un membre en étroit rapport avec les activités du champ.

FONDEMENT DE L’ACTIVITÉ FUTURE AVEC DIEU

Dans l’attente des événements prodigieux qui vont avoir lieu dans cette génération, les Témoins de Jéhovah de l’Inde, du Népal et du Bangladesh se préparent en vue des épreuves à venir, et cela en restant bien attachés à l’organisation visible de Jéhovah. En Inde, on vient d’enregistrer le chiffre de 4 687 proclamateurs ; c’est notre dernier maximum. Il y a eu 11 204 assistants au Mémorial de la mort du Christ, le 14 avril 1976. On ne compte chez nous que onze vrais chrétiens qui se déclarent disciples oints de Jésus.

Malgré l’immensité de son territoire et son énorme population, l’Inde reçoit le témoignage au sujet du Royaume établi de Jéhovah. Depuis 1912 notamment, les vérités bibliques sont annoncées aux millions d’habitants de l’Inde. On a fait d’énormes efforts pour faire connaître le message au peuple. On a répandu des milliers et des milliers de bibles et d’autres publications chrétiennes. Il y a eu les campagnes avec les voitures à haut-parleur et le phonographe ; il y a la prédication de maison en maison, les nouvelles visites et les études bibliques à domicile. Malgré un climat difficile, les ennuis de santé et les difficultés, les proclamateurs ont donné à des millions de gens l’occasion d’entendre le message de salut. Il est réjouissant de voir que quelques milliers de personnes ont accueilli le message biblique.

L’Inde a été témoin de la croissance d’une organisation théocratique. Au début, il n’y avait que de petits groupes de proclamateurs disséminés dans différentes régions linguistiques. Puis, avec le temps, tout cela est devenu un corps bien uni d’évangélisateurs chrétiens. Toute cette œuvre s’est accomplie malgré l’indifférence religieuse, les actes de fanatisme, les interdictions durant les deux guerres mondiales, les luttes politiques et d’autres problèmes. Dans tout cela, Jéhovah a été avec nous et, en tant que Témoins, nous sommes profondément reconnaissants de pouvoir ‘travailler avec Dieu’. — II Cor. 6:1.

[Illustration, page 53]

Camping-car à haut-parleur qui servit à prêcher la “bonne nouvelle” dans les années 30.

[Illustration, page 109]

Filiale de Bombay