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Norvège

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Norvège

La Norvège reçut vraisemblablement son nom des Danois voilà mille ans. En effet, l’une des formes les plus anciennes de ce nom s’écrit Nordhrvegr, vocable qui signifie “le chemin du Nord” ou “le pays vers le Nord”. Effectivement, la Norvège est située directement au nord du Danemark. Aujourd’hui, les Norvégiens appellent leur pays Norge.

“Le pays vers le Nord” n’est pas aussi froid et inhospitalier que beaucoup le croient. Le Gulf Stream réchauffe le littoral, ce qui donne à la région côtière un climat assez doux. En revanche à l’intérieur des terres, en été il fait plus chaud, et en hiver très froid.

Au nord s’étale la toundra. Le versant ouest des montagnes majestueuses, dont plusieurs sommets dépassent les mille mètres, tombe abruptement vers la mer. En été, les nuits sont claires dans ce pays du “soleil de minuit”. En hiver, cependant, les mois d’obscurité, souvent accompagnés de tempêtes de neige, obligent les habitants à rester chez eux pendant des journées entières.

La Norvège se caractérise surtout par sa côte déchiquetée et par son archipel d’îles rocheuses, dont il n’y en a pas moins de 150 000, plus ou moins grandes. Découpée de baies et de fjords, la côte norvégienne mesure quelque 20 000 kilomètres, soit la moitié de la circonférence de la terre à l’équateur.

POPULATION ET INDUSTRIES

La Norvège est relativement peu habitée. Bien que légèrement plus grande que l’Italie, elle ne compte qu’environ 4 000 000 d’habitants, à côté des quelque 55 000 000 d’Italiens. La plupart des Norvégiens habitent soit dans les plaines basses au sud-est du pays, soit le long des côtes. La majorité des habitants du littoral vivent de la pêche. Le reste de la population active s’occupe de l’agriculture, de l’exploitation des forêts, de l’industrie, de la marine marchande et de quelques mines.

Dans le nord du pays habitent quelque 25 000 Lapons, groupe ethnique caractérisé par sa faible stature et ses cheveux noirs. Les Lapons ont une langue et une culture bien à eux. Aujourd’hui, la plupart d’entre eux ont accepté un mode de vie moderne, si bien que leur culture propre est en voie de disparition.

LANGUE ET RELIGION

Le norvégien est apparenté au danois et au suédois. Les racines des langues scandinaves remontent mille ans en arrière, à l’époque des Vikings. Même dix siècles plus tard, les différences linguistiques n’empêchent pas les Suédois, les Danois et les Norvégiens de se comprendre.

La principale religion pratiquée en Norvège est le luthéranisme. L’Église luthérienne est la religion d’État, et 96 pour cent des habitants y sont affiliés. Cependant, seule une faible minorité d’entre eux assiste régulièrement aux offices. Comme dans les autres pays occidentaux, les gens s’intéressent de moins en moins à la religion. Le matérialisme et l’effondrement des mœurs y sont pour quelque chose, bien que ces phénomènes aient progressé plus lentement ici qu’ailleurs.

Voilà quatre-vingt-quatre ans environ, une forme de culte différente pénétra dans “le pays vers le Nord”. Un Norvégien qui avait émigré en Amérique revint dans son pays pour transmettre à sa famille la bonne nouvelle qu’il avait apprise là-bas. C’est là, à notre connaissance, que commence l’histoire des Témoins de Jéhovah en Norvège

LE FONDEMENT EST POSÉ

La Norvège fut l’un des premiers pays d’Europe à recevoir les graines de vérité dans les temps modernes. Dès 1885, Charles Russell, premier président de la Société Watch Tower, recommanda que la “moisson” commence en Norvège. Un frère américain, d’origine norvégienne, lui adressa une lettre qui déclarait entre autres :

“Je suis Norvégien de naissance. Dernièrement j’ai beaucoup prié le Seigneur pour qu’il suscite dans mon pays, la Norvège, quelqu’un qui soit capable d’expliquer la Bonne nouvelle. (...) Tu répondras peut-être : ‘Les publications [de la Société Watch Tower] en suédois ne répondent-​elles pas aux besoins des Norvégiens ?’ Je réponds : ‘Non, les deux langues sont différentes, si bien que l’édition suédoise de [La Tour de Garde] n’est pratiquement d’aucune utilité pour les Norvégiens, de sorte que peu d’entre eux la liront.’ (...) Je prie Dieu pour qu’il ouvre la voie à la publication de ce périodique en norvégien.”

Commentant cette lettre, Russell déclara qu’elle lui rappelait l’appel du Macédonien (Actes 16:9). Il ajouta : “Dès que l’occasion et les moyens se présenteront, nous répondrons à l’appel.”

En 1891, frère Russell visita l’Europe pour voir si le christianisme pouvait s’étendre dans cette partie du monde. S’étant aperçu qu’il en était bien ainsi, il déclara : “En Norvège et en Suède également un grand réveil se produit et les gens se détournent de plus en plus de l’Église (luthérienne) établie. Les Suédois et les Norvégiens sont des gens sérieux, respectueux et réfléchis, et bon nombre d’entre eux se rendent compte qu’il ne suffit pas d’être élevé dans une religion pour être un vrai chrétien.”

En 1895, les premier et deuxième tomes de la série L’Aurore du Millénium furent publiés par la Société en dano-norvégien. À cette époque-​là, le danois et le norvégien écrits offraient une grande analogie. Les quelques différences d’orthographe n’empêchaient pas les gens des deux nationalités de lire les mêmes livres. Aussi imprima-​t-​on plusieurs tracts bibliques destinés à être diffusés gratuitement. Ces imprimés pouvaient également être lus par les Danois et les Norvégiens qui avaient émigré aux États-Unis, et qui étaient déjà au nombre de plusieurs centaines de milliers.

PREMIERS PROCLAMATEURS DE LA BONNE NOUVELLE EN NORVÈGE

En 1892, frère Knud Pederson Hammer, Américain d’origine norvégienne, se rendit à Skien, sa ville natale au sud de la Norvège, dans l’espoir de partager la bonne nouvelle avec les membres de sa famille. Avant de connaître la vérité, frère Hammer avait été pasteur de l’Église Baptiste dans le Dakota du Nord. Grâce à sa visite, sa mère et sa sœur se sont intéressées à la bonne nouvelle.

À la même époque, Rasmus Blindheim habitait en Norvège occidentale. En 1895, son frère à Minneapolis, États-Unis, lui envoya deux livres de la Société Watch Tower. Il les lut, et comprit aussitôt qu’il avait trouvé la vérité. Il se procura les imprimés de la Société au fur et à mesure qu’ils étaient publiés, et il échangea régulièrement des lettres avec son frère en Amérique. Blindheim semble bien avoir été le premier à devenir Témoin de Jéhovah. Il s’efforça de répandre la vérité pendant toute sa vie, et il mourut en 1935, à l’âge de quatre-vingts ans.

En 1899, Knud Hammer se rendit de nouveau en Norvège. Frère Russell lui avait demandé de faire ce voyage afin d’établir une congrégation dans son pays d’origine. Hammer apporta des livres de la Société en dano-norvégien, et il s’entretint avec plusieurs personnes qui s’intéressaient au message. Mais il ne réussit pas à organiser une congrégation. Il dut écourter sa visite et rentrer en Amérique.

Bientôt, cependant, les graines semées commencèrent à pousser et à produire du fruit. Un jour, vers l’année 1900, Ingebret Andersen, qui habitait près de la ville de Skien, reçut un livre d’un homme qui, paraît-​il, l’avait obtenu d’un marin. Il s’agissait du Divin Plan des Âges, premier tome de la série L’Aurore du Millénium, rédigée par Charles Russell. Vraisemblablement ce volume avait été laissé à Skien l’année précédente par frère Hammer.

Ingebret Andersen et sa femme Berthe lurent ce livre avec enthousiasme. Ingebret avait souvent assisté à des réunions religieuses, où il avait pris la parole. À présent, il se mit à parler des choses nouvelles qu’il venait d’apprendre, et notamment du Millénium ou règne millénaire du Christ. Bientôt, cependant, le bruit courut qu’il y avait un faux enseignant dans l’assemblée. Lors d’une de ces réunions, tous les assistants se mirent debout et commencèrent à chanter lorsque Andersen prit la parole. Il essaya de nouveau un peu plus tard, mais les autres le prirent par le bras et le firent sortir.

Néanmoins, plusieurs personnes avaient écouté la bonne nouvelle annoncée par Andersen. Il les visita chez elles et fit avec elles des lectures dans le livre de Russell et dans la Bible. Ainsi, d’autres se joignirent à lui. Au bout d’un certain temps, un petit groupe de personnes étudiaient la Bible ensemble à Gråten, près de Skien. Elles assistaient à certaines réunions religieuses et saisirent chaque occasion de donner le témoignage. D’autres se joignirent à elles. Au début, elles ne disposaient pas d’imprimés. Frère Andersen composa un cantique au sujet du Royaume, avec des références bibliques après chaque strophe. Les frères chantaient ce cantique lorsqu’ils prêchaient. De cette façon une petite congrégation chrétienne très active vit le jour, la première en Norvège. Elle comptait dix ou douze membres.

En 1904, ces chrétiens de Skien furent grandement encouragés lorsque frère Hammer revint pour voir les fruits de son travail. Il ne connaissait pas ces frères, mais un membre de sa famille lui en avait parlé. Maintenant il pouvait faire leur connaissance et leur expliquer l’organisation et la prédication en Amérique. Il leur remit plusieurs exemplaires des volumes de la série L’Aurore. Quelle joie pour ces chrétiens de Skien d’apprendre qu’ils avaient des frères spirituels dans d’autres pays ! Frère Hammer dut bientôt retrouver sa famille aux États-Unis, mais il revint en Norvège en 1912, ce qui lui fournit une nouvelle occasion de parler aux frères et d’affermir leur foi.

Vers 1905, un prédicateur tout à fait extraordinaire arriva à Skien pour prêcher dans un temple protestant. Les frères avaient entendu dire que ses sermons contenaient des idées tirées des volumes de L’Aurore. Aussi vinrent-​ils pour entendre ce qu’il avait à dire. Ils s’assirent au premier rang et l’écoutèrent avec intérêt. Les frères étaient également présents la dernière fois que cet homme fit un sermon. En l’écoutant, un frère qui avait auparavant fait partie de l’Armée du Salut, ne put s’empêcher de s’écrier : “Alléluia !” À la fin de cette réunion, tous les assistants savaient où le prédicateur avait trouvé les idées qu’il développait, et les responsables du temple lui firent comprendre qu’il ne serait plus le bienvenu. Toutefois, une année plus tard, ce prédicateur revint à Skien, mais cette fois il prit la parole aux réunions organisées par les vrais chrétiens. Plus loin nous verrons qui était ce prédicateur.

Dès le début, les frères tinrent des réunions, surtout ce qu’ils appelaient des “entretiens”, où des sujets bibliques étaient discutés. Bientôt, ils annoncèrent leurs réunions dans le journal local, se servant pour cela du nom de “L’Aurore du Millénium”. Ils en vinrent à être connus sous ce nom, non seulement à Skien, mais dans le reste du pays.

D’AUTRES VILLES

Dans les premières années du siècle, la vérité biblique pénétra dans d’autres villes norvégiennes, grâce à des colporteurs itinérants, les prédécesseurs de nos pionniers. Ils allaient de maison en maison pour diffuser des livres et des brochures. Au printemps de 1903, deux colporteurs, Viktor Feldt et Fritiof Lindkvist, arrivèrent en Norvège, venant de Suède. Au début, frère Feldt visita les villes situées au sud de la Norvège. Quant à frère Lindkvist, il se fixa dans la capitale, Christiania (aujourd’hui Oslo), et par la suite il fut nommé directeur local de l’œuvre en Norvège. Dès 1904, la Société Watch Tower ouvrit un bureau chez frère Lindkvist, situé au 49-A Pilestrædet. Les gens pouvaient écrire à ce bureau et commander des imprimés ou s’abonner à La Tour de Garde, qui était imprimée au Danemark. Cette édition du périodique commença à être publiée en janvier 1905. Il s’agissait d’un mensuel de huit pages.

Ce fut dans l’ouest du pays que les gens s’intéressèrent le plus au message. D’excellents résultats furent obtenus à Stavanger et à Bergen. D’après un rapport de Lindkvist, un groupe de personnes à Bergen organisèrent des réunions où elles lisaient à haute voix dans les livres de L’Aurore. Si elles ne comprenaient pas une certaine pensée, elles en discutaient jusqu’à ce que tout le monde la comprenne. Ces discussions, qui se tenaient dans un foyer, réunissaient jusqu’à vingt-trois personnes.

Theodor Simonsen, prédicateur célèbre et membre de la Mission libre, était l’un de ceux qui acceptèrent la vérité à Bergen à cette époque-​là. Ce fut lui qui choqua les gens de Skien vers 1905, lorsqu’il leur annonça des enseignements nouveaux.

Simonsen s’était intéressé à la vérité après avoir reçu un des volumes de la série L’Aurore de frère Gundersen, colporteur venu des États-Unis. Se rendant compte que la doctrine de l’enfer est erronée, Simonsen se mit à la réfuter dans les sermons qu’il prononça au temple de la Mission libre, et ses auditeurs étaient tellement réjouis de cette nouvelle merveilleuse qu’ils l’applaudirent debout. Mais bientôt ils apprirent que Simonsen entretenait des rapports avec “L’Aurore du Millénium”. Un jour, à la fin de son sermon, on lui remet un billet où l’on a griffonné cette phrase : “Vous venez de terminer votre dernier sermon chez nous !” Le voilà exclu de la Mission libre ! Désormais, il s’adressera au groupe croissant qui s’intéresse à la vérité à Bergen.

Frère Simonsen était un très bon orateur, et il mit ses talents au service des frères pendant plusieurs dizaines d’années. De 1919 à 1935, il représenta la Société comme prédicateur itinérant en Norvège, en Suède et au Danemark. Il savait également chanter et jouer de la cithare. Avant et après ses discours, il chantait des cantiques tirés du recueil Hymnes de l’Aurore du Millénium, en s’accompagnant à la cithare. Frère Simonsen mourut en 1955, à l’âge de quatre-vingt-onze ans, après avoir servi Jéhovah Dieu pendant cinquante ans. Peu d’hommes ont autant encouragé les frères de Norvège que lui.

Mais revenons à Bergen, vers 1905. L’activité des colporteurs produisit de bons résultats. En outre, certains de ceux qui avaient écouté les sermons de Simonsen prononcés au temple de la Mission libre acceptèrent le message. Parmi eux il y avait Helga Hess, jeune fille qui enseignait à l’école du dimanche. À l’âge de dix-neuf ans, elle devint la première Norvégienne à entreprendre le service de colporteur. Ce fut vraisemblablement en 1905. La lumière de la vérité avait commencé à dissiper les ténèbres religieuses à l’ouest de la Norvège, mais qu’en était-​il de la population clairsemée au nord du pays ?

LA LUMIÈRE BRILLE AU NORD

La première personne à connaître la vérité au nord de la Norvège fut Lotte Holm. Elle habitait près de Narvik, ville située à environ 200 kilomètres au nord du cercle polaire arctique. En automne 1903, cette femme se rendit à Trondheim, où elle rencontra le colporteur Gundersen. Il lui remit un dépliant ayant pour titre Jésus subit-​il les supplices éternels ? Elle s’abonna également au périodique I Morgonväkten, nom sous lequel était alors connu La Tour de Garde éditée en suédois.

Lotte Holm apprit dans ce journal que les vrais chrétiens commémorent la mort du Christ seulement une fois l’an, et elle prit note de la date à laquelle le Mémorial devait se tenir en 1904. Dans une lettre qu’elle adressa à la Société, elle écrivit : “J’ai informé ma mère que j’allais célébrer le Repas du Seigneur le jour anniversaire de la mort de Jésus, en même temps que d’autres chrétiens un peu partout dans le monde. Elle m’a donné des raisins secs, ‘le fruit de la vigne’, avec lesquels j’ai fait du vin, et j’ai également préparé un pain sans levain. J’ai célébré la fête toute seule. À cette époque-​là, il n’y avait personne avec des ‘oreilles attentives’, à des kilomètres à la ronde. Pourtant, je n’oublierai jamais ce premier Mémorial célébré en mars 1904.” Le premier contact que sœur Holm eut avec le bureau de Christiania fut une lettre par laquelle elle commanda des périodiques à diffuser.

Bientôt, il y avait d’autres “oreilles attentives” à Narvik, près de l’endroit où habitait Lotte Holm. Entre 1903 et 1905, le colporteur Viktor Feldt s’était rendu à Narvik. Il y avait rencontré un ménage qui s’intéressa à la vérité, et bientôt un autre couple en fit de même. Ce petit groupe écrivit à la Société pour demander si d’autres personnes dans la région de Narvik s’intéressaient à la bonne nouvelle. C’est ainsi qu’ils firent la connaissance de Lotte Holm, qui habitait à quelques heures de bateau de Narvik. Le premier groupe de chrétiens au nord de la Norvège se composait donc de cinq personnes. Pendant de nombreuses années, c’étaient les seuls vrais chrétiens dans cette partie du pays. Lotte Holm resta fidèle à Jéhovah Dieu jusqu’à sa mort en 1966, à l’âge de presque quatre-vingt-treize ans.

LES COLPORTEURS

En ce temps-​là, les colporteurs visitaient une ville ou un territoire et plaçaient des imprimés aux gens qui s’intéressaient à leur message, puis ils se rendaient dans un autre territoire, où ils trouvaient les cartons d’imprimés qu’ils avaient commandés au bureau.

L’un des colporteurs qui parcourut le plus de territoire se nommait Andreas Øiseth, qui eut connaissance de la vérité en 1908. Un jour où il coupait du bois à la ferme de son père située au sud-est de la Norvège, il reçut la visite d’un colporteur. Il se procura le premier volume de L’Aurore du Millénium et comprit immédiatement qu’il avait trouvé la vérité. Moins d’une année plus tard, il décida de confier la ferme à son frère et de partir comme colporteur.

Andreas Øiseth commença par s’acheter un vélo et partit vers le nord du pays, en visitant systématiquement toutes les villes et toutes les communes se trouvant sur son chemin. Il se fabriqua également un traîneau pour ses déplacements en hiver. Il transportait ainsi sa nourriture, ses vêtements et ses imprimés. Vers la tombée du jour, il commençait à chercher un endroit où il pouvait dormir, et, le plus souvent, il se voyait offrir un gîte, car les gens étaient alors plus hospitaliers que maintenant.

Frère Øiseth ne décida de rebrousser chemin que lorsqu’il fut arrivé à Tromsø, port situé à 1 100 kilomètres au nord de son point de départ. Pendant son voyage vers le sud, il visita les habitants de tous les fjords et de toutes les vallées et îles. Il arriva enfin à l’extrémité méridionale de la Norvège, ayant parcouru pratiquement tout le pays et voyagé sans arrêt pendant huit ans !

Plus tard, frère Øiseth travailla au bureau de la Société pendant de nombreuses années, en s’occupant, entre autres choses, de la traduction. Jusqu’à sa mort en 1973, à l’âge de quatre-vingt-huit ans, il ne cessa d’annoncer la bonne nouvelle et de servir fidèlement le Royaume de Dieu.

DISPOSITIONS PRISES POUR FORTIFIER ‘LA FAMILLE DES FRÈRES’

La première assemblée chrétienne tenue en Norvège eut lieu à Christiania, les 22 et 23 octobre 1905. Il y eut, semble-​t-​il, quinze assistants et trois baptêmes. Les délégués étaient venus de Christiania, de Bergen, de Stavanger, de Skien et de Moss. Cette réunion leur donna l’occasion de rencontrer Carl Lüttichau et August Lundborg, frères responsables de l’œuvre au Danemark et en Suède.

Les frères étaient également beaucoup encouragés par la visite de représentants itinérants de la Société. Par exemple, en juin et en juillet 1907, le docteur John Edgar, de Glasgow, visita les congrégations de Christiania, de Skien et de Bergen. Le jour où un quotidien de Christiania annonça son discours public, un adversaire fit insérer dans le même journal une annonce publicitaire prévenant les lecteurs contre ce prédicateur.

La Société payait les frais de déplacement de ses représentants itinérants, mais les frères devaient les héberger. Cette activité était le précurseur de nos circonscriptions actuelles. Elle resserra les liens entre les congrégations et fit comprendre à leurs membres qu’ils avaient des frères dans la foi dans d’autres pays. Pendant quelques années, les ministres itinérants qui visitaient la Norvège étaient pour la plupart des Suédois. Mais à partir de 1914, un frère norvégien visita les congrégations pendant un certain temps. Dès 1919, les frères norvégiens profitèrent des services d’un “pèlerin” permanent : Theodor Simonsen, l’ancien prédicateur de la Mission libre.

L’ACTIVITÉ AUGMENTE PARMI LES FRÈRES

Les quelques personnes dont les yeux avaient déjà été ouverts à la lumière de la vérité ne tardèrent pas à parler de leurs nouvelles convictions. Bien entendu, les colporteurs travaillaient sans désemparer, mais peu de frères pouvaient embrasser cette carrière. En revanche, d’autres saisirent toutes les occasions qui s’offraient à eux pour répandre la lumière de la vérité. En voici un exemple :

Vers 1907, Anna Andersen commença à s’intéresser à la vérité. Pendant de longues années, elle avait été officier dans l’Armée du Salut. Un jour, dans la petite ville de Kristiansund, dans l’ouest de la Norvège, elle rencontra Hulda Andersen, également officier dans l’Armée du Salut, et elle réussit à l’intéresser à la vérité. (Hulda Andersen se maria plus tard avec Andreas Øiseth, et elle resta zélée pour la vérité jusqu’à sa mort en 1971, à l’âge de quatre-vingt-douze ans.) L’année suivante, Anna Andersen demanda à Hulda de l’accompagner dans un voyage. Elles décidèrent de se rendre dans le nord du pays par bateau et de s’arrêter dans chaque port afin d’y distribuer des volumes de la série L’Aurore. Elles voyagèrent ainsi jusqu’au port de Kirkenes, à la frontière finlandaise (aujourd’hui soviétique). Ces deux proclamatrices rentrèrent à Kristiansund après un périple d’environ 2 000 kilomètres au cours duquel elles avaient placé 400 livres, sans compter les autres imprimés. Par la suite, elles effectuèrent d’autres voyages semblables.

Anna Andersen finit par devenir colporteur, en fait l’un des colporteurs les plus connus de Norvège, car il n’y avait pratiquement aucune ville du pays qu’elle ne visita pas sur son vélo chargé de serviettes bourrées de livres. En 1935, dans sa soixante-huitième année, elle fit un dernier voyage, accompagnée d’une jeune sœur, pour visiter toutes les villes et les hameaux dans l’extrême nord du pays. Elle accomplit cette tournée presque trente ans après son premier voyage avec Hulda Andersen, et plus de vingt ans après être devenu colporteur. Elle persévéra dans ce service pendant plusieurs années et mourut fidèle en 1948, à l’âge de quatre-vingt-un ans. Ces sœurs obtinrent des résultats extraordinaires pendant leurs voyages dans la partie septentrionale de la Norvège.

À partir de 1906, La Tour de Garde encouragea les frères norvégiens à distribuer des exemplaires du périodique parmi leurs amis et leurs connaissances, et aussi à diffuser des tracts. Ces derniers étaient fournis et distribués gratuitement. La Société fit également traduire de l’anglais des petits livres et des brochures dévoilant les fausses doctrines relatives au spiritisme, à la mort et aux supplices de l’enfer.

Ces nouveaux imprimés contribuèrent à la croissance spirituelle de tous les chrétiens et leur firent comprendre que chacun avait le devoir d’annoncer la bonne nouvelle du Royaume.

VISITE DE FRÈRE RUSSELL EN 1909

L’événement le plus important pendant ces premières années fut sans doute la visite de frère Russell à Bergen et à Christiania, du 17 au 20 mai 1909. Il n’avait pas visité la Norvège lors de ses deux premiers voyages en Europe en 1891 et en 1903. Le sujet du discours principal qu’il prononça à Christiania convenait bien dans un pays où les gens vivaient dans la hantise du feu de l’enfer. En effet, il répondit à la question suivante : “Comment devons-​nous comprendre les paroles de la Bible relatives au malfaiteur au Paradis, du riche en enfer et de Lazare dans le sein d’Abraham ?”

LA SECONDE VISITE DE RUSSELL

En mars 1911, frère Russell visita de nouveau la Norvège. Au cours des deux années qui s’étaient écoulées depuis sa première visite, ses écrits étaient devenus plus connus dans ce pays. Sa nouvelle visite éveilla donc plus d’intérêt que la précédente.

Le Morgenposten, quotidien de Christiania, annonça que Russell allait prononcer des conférences sur la Bible. On organisa également une assemblée à Christiania. Certains frères norvégiens durent parcourir cinq cents et même mille kilomètres pour y assister. Presque la totalité des trente frères et sœurs de la congrégation de Skien étaient présents.

Malgré l’opposition du clergé, les frères avaient loué une salle municipale pour le discours public. Grâce aux efforts énergiques des frères pour annoncer cette réunion, la salle était comble, et bon nombre de gens durent repartir faute de place. Un journaliste estima l’assistance à 1 200 personnes. Le même jour, un journal de la capitale publia une lettre d’un lecteur qui attaquait frère Russell. Mais dans son discours, qui dura deux heures, Russell fit remarquer que malgré tous les efforts des ecclésiastiques pour décourager les gens à l’écouter, il avait un plus grand nombre d’auditeurs chaque semaine que tout autre prédicateur au monde. Son auditoire à Christiania était également plus grand que dans n’importe quelle église. Cette visite de Russell donna un témoignage magnifique et encouragea grandement les frères.

1914, ANNÉE MÉMORABLE

Depuis 1876, l’année 1914 était annoncée, à l’aide de la Bible, comme un tournant de l’histoire humaine. Les frères qui avaient souligné l’importance de cette année au cours de leur prédication attendaient donc avec impatience les événements de 1914.

En 1913, l’activité de ces chrétiens avait baissé, mais en 1914, les frères fournirent à nouveau de grands efforts pour annoncer la bonne nouvelle. Au printemps de cette année, ils menèrent une campagne contre la doctrine de l’enfer, à l’aide d’un numéro spécial de La Tribune du Peuple. Le bureau de la Société en fournit 150 000 exemplaires. Des réunions publiques furent organisées dans des salles spacieuses de presque toutes les villes du littoral. Frère Russell avait envoyé en Norvège Henry Bjørnestad, un frère américain d’origine norvégienne, pour encourager ses compagnons dans la foi. Il fut le premier pèlerin norvégien.

Lorsque la Première Guerre mondiale éclata en août 1914, les gens ont été très impressionnés. Ayant entendu notre prédication, beaucoup d’entre eux demandèrent d’autres imprimés. Cela fournit de nombreuses possibilités de donner le témoignage, si bien que le rapport annuel pour 1914 déclarait : “Depuis le début de la guerre, nous avons eu quantité de bonnes occasions d’annoncer la bonne nouvelle. (...) Le Seigneur a béni nos efforts conjugués pour faire avancer son œuvre.”

Certains, dont les espoirs furent déçus en 1914, abandonnèrent la vérité. Mais la plupart des frères restèrent fidèles. Aujourd’hui, nous savons qu’ils avaient raison de croire que les 2 520 années des temps des Gentils arriveraient à leur terme vers le 1er octobre 1914. Le Royaume messianique commença alors à régner dans les cieux. L’un des plus grands événements de l’histoire des hommes s’était produit, et les frères avaient eu le privilège de l’annoncer !

PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION

1915 a été également une année mémorable, particulièrement en raison de la présentation du “Photo-Drame de la Création”. Il s’agissait du récit de la Bible concernant les desseins de Dieu à l’égard de la terre et de l’homme, présenté au moyen de films et d’images fixes, synchronisés avec des disques.

Le Photo-Drame fut présenté pour la première fois à Christiania du 25 au 28 décembre 1914. Il remporta un franc succès. Au cours de cet hiver-​là, il a été présenté devant des auditoires nombreux dans plusieurs villes de Norvège. Il fut annoncé dans les journaux, parfois sur quatre colonnes. Dans une ville, un groupe de conducteurs religieux essaya d’empêcher la projection. Mais lorsqu’une partie du Photo-Drame fut présentée à des ecclésiastiques et au chef de police, celui-ci s’en enthousiasma et accorda l’autorisation de le présenter devant le public. Dans une autre ville, le Photo-Drame eut tant de succès que la police suggéra que les frères perçoivent un droit d’entrée afin de limiter l’affluence. Bien entendu, on ne recourut pas à cette méthode.

DIFFICULTÉS

Au cours des années, il y avait eu quelques disputes au sujet de la manière dont Lindkvist dirigeait l’œuvre en Norvège. Cela affecta sans aucun doute les efforts des frères et sœurs. Bientôt, il devint évident que Lindkvist partait à la dérive. Le dernier numéro de La Tribune du Peuple publié en norvégien en 1915 annonça que cette publication ne paraîtrait plus en 1916 et qu’elle serait remplacée par un périodique intitulé “Ararat”, publié par Lindkvist. Ce journal devait remplacer en Norvège aussi bien La Tribune du Peuple que La Tour de Garde. En compagnie d’un frère finlandais qui avait été le représentant de frère Russell en Finlande, Lindkvist fonda sa propre secte. Mais il ne réussit pas à entraîner avec lui les frères norvégiens. Ceux-ci comprirent que cet homme n’accomplissait pas la volonté de Dieu. C’est ce qu’affirma frère Russell dans une lettre ouverte qu’il adressa à ces deux hommes dans l’édition danoise de La Tour de Garde de mars 1916. Russell décida qu’à partir de janvier 1916, frère Lüttichau, directeur de l’œuvre au Danemark, serait aussi le représentant de la Société en Norvège. Le frère finlandais revint à l’organisation de Dieu et, plus tard, il visita plusieurs fois la Norvège en tant que pèlerin. Mais on ne revit jamais plus Lindkvist.

LA RÉORGANISATION DE L’ŒUVRE

Comme nous venons de le voir, à partir de janvier 1916, l’œuvre en Norvège fut placée sous la direction du bureau de la Société au Danemark. Cependant, frère Russell était d’avis que l’œuvre dans toute la Scandinavie devait être dirigée par un seul bureau, car, en raison de la guerre mondiale, le siège de la Société en Amérique avait du mal à entretenir des relations suivies avec les bureaux à l’étranger. Aussi l’édition danoise de La Tour de Garde de mars 1916 publia-​t-​elle un avis annonçant que frère August Lundborg, qui dirigeait l’œuvre en Suède depuis le début du siècle, serait désormais le représentant de la Société pour toute la Scandinavie. Néanmoins, pour des raisons pratiques, un dépôt d’imprimés fut établi à Christiania, au 60 Parkveien, dans une pièce qu’une sœur mit à la disposition de la Société.

Frère Russell, premier président de la Société, mourut le 31 octobre 1916. Avant sa mort, il avait fait une suggestion destinée à activer la proclamation du Royaume. Il s’agissait de l’“œuvre pastorale”, qui consistait à visiter les personnes qui s’intéressaient au message et à leur prêter des livres. Cette activité commença en Norvège et, en 1917, une “caisse pour les colporteurs” fut inaugurée. Cette caisse avait pour but d’aider les colporteurs dans leurs frais de déplacement. Joseph Rutherford, qui fut élu président de la Société Watch Tower le 6 janvier 1917, mit l’accent sur l’“œuvre pastorale” et l’activité des colporteurs.

UN TEMPS CRITIQUE POUR LE PEUPLE DE DIEU

L’élection du nouveau président de la Société en 1917 marqua le début d’une période difficile pour l’organisation. Certains rebelles au siège de la Société essayèrent de combattre Rutherford et s’efforcèrent de rallier des frères en Amérique et dans d’autres pays. Quelques-uns les suivirent, mais la majorité des frères restèrent fidèles.

Ces divisions n’épargnèrent pas la Norvège. Certaines congrégations se scindèrent en deux groupes. Les conséquences étaient particulièrement sérieuses à Bergen et à Trondheim. À Bergen, tous les membres de la congrégation tombèrent, à l’exception de sept sœurs et d’un frère. En revanche, dans la capitale et à Skien, il n’y eut pas de problème majeur. À cette époque-​là, il y avait environ 150 Étudiants de la Bible en Norvège, et la plupart d’entre eux continuèrent à collaborer avec la Société.

NOUVELLES DISPOSITIONS POUR ACTIVER L’ŒUVRE

À partir de 1919, l’organisation connaissait de nouveau la paix, et l’œuvre fut réorganisée en profondeur. La guerre mondiale était terminée, et la Société désirait revenir à l’organisation qui existait en Scandinavie avant 1916, c’est-à-dire avoir un représentant dans chaque pays.

Cette nouvelle disposition fut inaugurée en 1921. Frère Lundborg devait continuer à diriger l’œuvre en Suède et en Finlande. Frère Lüttichau se vit à nouveau confier la responsabilité de l’œuvre au Danemark. Au bout d’un certain temps, Enok Øman, frère suédois qui habitait Christiania, fut nommé comme représentant de la Société en Norvège. Frère Øman avait été colporteur en Suède depuis 1911, puis, en février 1917, frère Rutherford lui avait demandé de se rendre en Norvège pour s’occuper du bureau situé au 60 Parkveien, sous la direction de Lundborg. Frère Øman dirigea la prédication en Norvège pendant vingt-quatre ans, de 1921 à 1945.

RÉUNIONS ET ASSEMBLÉES

Au début, les frères de chaque congrégation élisaient à main levée les “anciens” et les “diacres”. Les “anciens” dirigeaient les réunions, avec l’aide des “diacres”.

Les premières réunions tenues en Norvège consistaient en lectures et en “entretiens”. Des extraits des livres de Russell étaient lus à haute voix, et si quelqu’un voulait faire un commentaire ou poser une question, il levait la main. Plus tard, on organisait des “séances de questions”. Les frères écrivaient à l’avance des questions sur une feuille de papier, et les réponses étaient données pendant la réunion.

La prière figurait en bonne place à toutes les réunions. Aux “réunions de prières et de témoignages”, tous les assistants se mettaient à genoux et, à tour de rôle, ils faisaient une prière et donnaient un témoignage. Les frères comme les sœurs pouvaient exprimer leur amour pour Jéhovah et pour la vérité. Souvent, ils relataient comment ils avaient connu la vérité, ou bien ils faisaient un bref commentaire sur un passage intéressant dans la Bible. À toutes ces réunions, on chantait des cantiques.

Des conférences publiques n’étaient organisées que par les congrégations où il y avait des frères capables, et peu de frères se sentaient à même de faire un discours. Beaucoup de congrégations eurent leur premier discours public après l’inauguration du service des pèlerins. En effet, les discours n’ont été présentés systématiquement qu’en 1919, date à laquelle frère Theodor Simonsen fut nommé pèlerin.

En 1916 fut publiée une brochure intitulée “Études béréennes du divin Plan des Âges”. (Actes 17:10, 11.) Elle contenait des questions sur chaque paragraphe du premier volume de la série L’Aurore du Millénium (appelée par la suite Études des Écritures). Cette brochure devait servir pour les études. Il y eut des études avant 1916, par exemple à l’aide du livre Les figures du Tabernacle. Mais cette brochure rendait les études plus faciles. Au cours des années suivantes, toute la série des Études des Écritures fut étudiée au moyen de questions et de réponses, aux “études béréennes”.

En 1922, une réunion très importante fut organisée pour la première fois, grâce aux questions imprimées pour les articles principaux de La Tour de Garde. À peu de chose près, cette étude se faisait comme aujourd’hui. Avec le temps, les réunions de témoignages se transformèrent en ce que nous appelons la réunion de service.

Chaque année, les frères se réunissaient pour un ou plusieurs “congrès”, dont la plupart se tenaient à Christiania. Au début, les congrès en Norvège se tenaient toujours à l’occasion d’une visite de représentants itinérants de la Société. Avant 1920, peu de frères norvégiens étaient capables de parler aux assemblées. C’est pourquoi la majorité des discours étaient présentés par des frères étrangers, principalement des Suédois et des Danois. En règle générale, le programme se terminait avec un “symposium”, au cours duquel plusieurs frères présentaient de courtes allocutions sur divers aspects du même sujet. Ces allocutions étaient souvent présentées par des frères peu expérimentés, qui pouvaient ainsi s’exercer. À partir de 1920, la plupart des discours aux assemblées étaient prononcés par des frères norvégiens.

“DES MILLIONS D’HOMMES ACTUELLEMENT VIVANTS NE MOURRONT JAMAIS”

En 1920, la Société inaugura une campagne mondiale de discours publics sur le thème “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”. Cette campagne se poursuivit pendant plusieurs années et attira l’attention de beaucoup de gens.

Le 4 décembre 1920, frère Macmillan, du siège de la Société à Brooklyn, se rendit à Christiania pour prononcer un discours. Celui-ci fut annoncé dans les journaux, et les frères louèrent une salle d’université au centre de la ville. Cette salle pouvait contenir sept cents personnes, mais au moment où Macmillan devait commencer son discours, il y en avait autant qui n’avaient pu y prendre place. Frère Øman, qui se tenait à l’entrée de la salle, monta sur une caisse et cria à la foule : “Si vous revenez dans une heure et demie, Macmillan répétera son discours à votre intention.” Ainsi, une fois son discours achevé, frère Macmillan reprit la parole dans une salle de nouveau comble. Ensuite, les frères distribuèrent dans les rues le livre Des millions d’hommes en dano-norvégien. Ce sujet éveilla beaucoup d’intérêt chez les gens, et de nombreux livres furent placés.

Frère Macmillan visita d’autres villes norvégiennes et parla devant des auditoires nombreux. Les frères annoncèrent son discours en diffusant des invitations. Pendant des années, le discours “Des millions d’hommes” et d’autres encore étaient prononcés dans de nombreuses villes par des frères norvégiens à l’occasion des “journées de campagne”. Ces discours donnaient un bon témoignage, et les proclamateurs du Royaume étaient encouragés à les annoncer et à y assister.

Il n’empêche que l’œuvre du témoignage en Norvège et dans le reste de la Scandinavie ne progressa pas aussi rapidement qu’ailleurs. Certains frères n’avaient pas encore compris pourquoi il fallait annoncer la bonne nouvelle de maison en maison. Jusque-​là, cette activité avait été effectuée principalement par les colporteurs.

Néanmoins, les congrégations virent pas mal de jeunes gens venir grossir leurs rangs. À une assemblée tenue à Christiania en 1924, environ vingt-cinq nouveaux frères et sœurs se firent baptiser, nombre considérable à l’époque. Pendant des années, les frères parlaient de cette occasion réjouissante comme du “grand baptême”.

UNE ORGANISATION QUI TRAVAILLE

1925 fut une année mémorable. Du 23 au 26 mai, une assemblée se tint à Örebro, en Suède, ville où se trouvait le siège de la Société dans ce pays. Les frères de toute la Scandinavie y étaient invités, car frère Rutherford devait y être présent. Il y eut plus de 500 assistants, dont une trentaine de Norvégiens venus d’Oslo par le chemin de fer, dans une voiture louée à leur intention. Entre parenthèses, ce fut en 1925 que la capitale de la Norvège changea de nom. Elle s’appelait désormais Oslo.

Cette assemblée fut historique, car elle ouvrit une nouvelle époque pour le peuple de Dieu en Scandinavie. Le lundi 25 mai, frère Rutherford annonça qu’un bureau pour toute l’Europe du Nord allait être établi à Copenhague. Ce bureau devait diriger la prédication au Danemark, en Norvège, en Suède, en Finlande, en Lettonie, en Lituanie et en Estonie. Frère William Dey, de Londres, devait diriger ce bureau. Les frères étaient très heureux de cette nouvelle disposition. Chaque pays scandinave était cependant toujours placé sous un directeur local, et pour la Norvège c’était frère Enok Øman, comme avant. Cette réorganisation fut bénie par Jéhovah, car il en résulta une période d’activité chrétienne sans précédent.

“L’ÂGE D’OR”

Depuis 1916, date à laquelle la prédication en Norvège fut placée sous la direction du bureau en Suède, un très petit nombre d’imprimés de la Société avaient été publiés en norvégien ou en dano-norvégien. Les imprimés bibliques utilisés en Norvège étaient rédigés principalement en danois. Les frères se procuraient également des publications en suédois pour leur usage personnel. Pendant des années, ils lurent l’édition danoise de La Tour de Garde. Depuis 1916, seulement trois livres de la Société étaient sortis en danois, à savoir les sixième et septième volumes des Études des Écritures (en 1917 et en 1919) et La Harpe de Dieu (1922).

Ce fut donc un grand pas en avant quand, en mars 1925, la Société commença à publier L’Âge d’Or en norvégien. Il s’agissait alors d’un journal de seize pages. À partir de 1936, l’édition norvégienne comportait vingt pages et avait pour titre Ny Verden (“Le monde nouveau”).

L’Âge d’Or fut largement diffusé en Norvège et au Danemark, où l’édition norvégienne continua à être utilisée jusqu’en 1930. Les frères obtinrent de nombreux abonnements à ce périodique. Par exemple, en 1936, alors que La Tour de Garde n’était lue que par 485 abonnés norvégiens, il y avait 6 190 abonnés à L’Âge d’Or (Ny Verden). En 1938, il y avait 10 000 abonnés à Consolation (Ny Verden), autant qu’actuellement il y a d’abonnés à l’édition norvégienne de Réveillez-vous !

EXPANSION AU BUREAU NORVÉGIEN

1925 fut également une année mémorable pour la filiale de Norvège. En effet, la Société acheta un immeuble de deux étages situé à quelques pâtés de maisons de son ancien bureau au 60 Parkveien. Cette maison était située au 28-B Inkognitogaten. Un frère qui avait fait un héritage acheta cette propriété puis la vendit à la Société pour dix à quinze mille couronnes norvégiennes de moins que le prix qu’il l’avait payée. Voilà comment la Société devint propriétaire d’une maison, au lieu de se contenter d’une petite pièce dans la rue Parkveien, où son bureau était situé depuis 1916.

La filiale avait réellement besoin de plus de place. Jusque-​là frère Øman avait accompli lui-​même la plupart du travail au bureau, mais l’expansion de la prédication après 1925 augmenta considérablement le travail de la filiale. Par exemple, le périodique L’Âge d’Or devait être traduit et expédié aux abonnés. Il fallait donc agrandir la famille du Béthel.

Le sous-sol de la nouvelle maison servait à entreposer les cartons d’imprimés. Au cours des années suivantes, de grandes quantités de livres furent envoyées de l’imprimerie de la Société située à Magdebourg, en Allemagne. Cependant, la Société ne disposait pas encore de tout le bâtiment. Certains des locataires eurent du mal à trouver un autre logement, si bien qu’une partie de la maison était toujours occupée par ces gens. C’est pourquoi, au début, quelques membres seulement de la famille du Béthel habitaient dans la rue Inkognitogaten, et l’adresse officielle du bureau était toujours 60 Parkveien. Mais en 1930, le bureau fut transféré à la nouvelle adresse et les autres membres de la famille du Béthel purent s’installer dans la maison qui appartenait à la Société. À cette époque-​là, huit frères et sœurs travaillaient à la filiale. Les bureaux de la Société en Norvège sont toujours situés à cette même adresse.

DES EFFORTS CONJUGUÉS

William Dey, directeur du bureau nord-européen de la Société Watch Tower, stimula le zèle des frères pour la prédication. En septembre et en octobre 1925, il parcourut la Norvège pour organiser l’œuvre dans les congrégations, conformément aux instructions données par le siège de la Société. Cette année-​là, les frères norvégiens reçurent pour la première fois le Bulletin (aujourd’hui Le service du Royaume). Ce feuillet donnait des conseils pratiques sur la prédication de la bonne nouvelle et encourageait les frères à participer au service du champ.

À partir de 1927, les “journées de campagne” organisées en rapport avec les réunions publiques furent transformées en “semaines de campagne” au cours desquelles les frères devaient consacrer neuf jours au service du champ. Ce fut également en cette année-​là que commença le témoignage de porte en porte le dimanche matin. Désormais, les pèlerins avaient une nouvelle tâche importante à accomplir. Outre les discours, ils devaient aider les congrégations à organiser le service du champ et donner l’exemple dans cette activité. Il n’y avait alors qu’un seul pèlerin norvégien permanent, mais il était bien secondé par plusieurs frères capables venus de Suède et du Danemark.

Le rapport annuel pour 1926 révélait que 120 personnes avaient participé régulièrement à la prédication, et que 14 classes ou congrégations étaient “organisées pour le service”. Les frères avaient distribué 8 830 livres et 43 650 brochures, ainsi que 269 500 résolutions et tracts. Ces résultats étaient bien supérieurs à ceux des années précédentes. De toute évidence, les frères commençaient à apprécier leurs privilèges de service.

CAMPAGNES AVEC DES BROCHURES

Beaucoup de frères entreprirent avec enthousiasme les campagnes de service consistant à diffuser des brochures comme celle intitulée Liberté pour les peuples. À Oslo les frères louaient un autocar le dimanche pour se rendre aux alentours de la capitale, où ils prêchaient toute la journée. Pendant la semaine, ils allaient de porte en porte dans la ville. Certains donnaient le témoignage dans les restaurants et les cafés. Les brochures étaient distribuées pour la contribution volontaire de 10 øres l’exemplaire, et les pauvres les recevaient gratuitement.

Un frère raconte ses souvenirs en ces termes : “J’ai visité la salle à manger de La Chaudière de Christiania [un restaurant]. La pièce était remplie de gens attablés. J’ai crié : ‘Liberté pour les peuples ! 10 øres !’ Tous les gens ont accepté une brochure. Le dimanche je parcourais le Studenterlunden [rue principale d’Oslo], où je parlais aux gens assis sur des bancs. Tous prenaient une brochure. Dans les immeubles, je sonnais simultanément à toutes les portes d’un étage. Les gens ouvraient la porte tous en même temps et, sans exception, ils allaient chercher une pièce de 10 øres. Ma serviette était bourrée de brochures et je parvenais à en distribuer de 30 à 40 en une heure.”

C’est là un exemple parmi d’autres montrant comment les frères s’attelèrent à la tâche. Un “ouvrier” de congrégation capable distribuait jusqu’à 1 000 brochures en une semaine. Ces campagnes organisées en 1928 et en 1929 s’avérèrent très stimulantes pour les frères norvégiens. La distribution des brochures aida nombre de frères à commencer à donner le témoignage de maison en maison.

NOUS TRAVAILLONS EN QUALITÉ DE TÉMOINS DE JÉHOVAH

Malgré la dépression économique, le chômage, les grèves et l’insécurité qui régnaient dans le monde, les frères continuèrent à travailler avec enthousiasme pendant les années de service 1930-​1935. À cette époque-​là, il n’y avait pas beaucoup de proclamateurs du Royaume en Norvège — tout au plus 200. Mais Jéhovah a béni leur travail.

Il convenait donc que Jéhovah donne à ses serviteurs un nom qui atteste clairement qu’ils étaient ses témoins. Au cours du congrès tenu à Columbus, États-Unis, en juillet 1931, une résolution fut adoptée qui leur proposait le nouveau nom de “Témoins de Jéhovah”. (És. 43:10-12.) À l’occasion d’une assemblée tenue à Oslo du 29 août au 1er septembre 1931, ce nouveau nom fut également adopté par les frères de Norvège.

Pour informer le monde entier du nouveau nom que le peuple de Dieu avait adopté, cette résolution fut imprimée dans la brochure intitulée Le Royaume, Espérance du Monde. Publiée en norvégien en 1932, cette brochure fut distribuée lors d’une grande campagne organisée en mars de cette année-​là. Elle fut remise sous enveloppe fermée à tous les hommes influents : hommes politiques, ecclésiastiques, médecins et enseignants. Un exemplaire fut également remis à Haakon VII, alors roi de Norvège.

CONGRÉGATIONS ACTIVES

Beaucoup de grandes congrégations organisaient en fin de semaine des excursions en vue du service du champ. Des “ouvriers” zélés se rendaient en car, en camion ou en voiture dans les villes des alentours et dans les régions rurales. Souvent les véhicules étaient identifiés par un écriteau portant en gros caractères rouges l’inscription “Témoins de Jéhovah”. Les frères prononçaient également des discours publics.

La congrégation d’Oslo louait des autocars et se rendait jusqu’à 120 kilomètres de la capitale. Les cars transportant les proclamateurs du Royaume partaient de bonne heure le matin. Vers neuf ou dix heures, ils les déposaient à différents endroits, et chaque Témoin recevait un grand territoire. Les frères allaient de maison en maison toute la journée, pendant sept ou huit heures, puis les autocars repassaient pour les ramener à Oslo. Il y avait bien des pieds douloureux dans cette congrégation à la fin de ces week-ends, mais cela ne refroidissait pas le zèle chrétien des frères.

De telles excursions furent organisées l’été comme l’hiver pendant des années. Ces sorties étaient souvent le point culminant de campagnes spéciales. À titre d’exemple, voici les résultats d’une campagne qui dura neuf jours, du 8 au 14 octobre 1935 : (pour Oslo) 76 proclamateurs, 1 291 heures, 4 637 acquéreurs de publications, 52 livres, 13 313 brochures, 13 abonnements et 66 périodiques, soit une moyenne d’environ 17 heures et de 177 imprimés par proclamateur en neuf jours.

Après ces campagnes, les membres des grandes congrégations se réunissaient dans leur salle de réunion pour un “festin de rapports”. Tous les proclamateurs remettaient leur rapport, et les résultats étaient communiqués avec joie aux assistants. Certains relataient des faits de prédication relatifs à la campagne. Puis on servait du café et des gâteaux. Ces réunions établissaient un bon contact entre les frères et faisaient connaître à tous les progrès de la vérité.

À cette époque-​là, peu de gens possédaient une voiture. Aussi, bien des frères se servaient-​ils de vélos pour aller dans le champ. Par exemple, les week-ends, les proclamateurs zélés de la congrégation de Bergen se rendaient à vélo dans les alentours de leur ville, munis de leurs serviettes et de cartons d’imprimés. À l’époque des vacances, certains d’entre eux partaient plusieurs semaines pour visiter les maisons dispersées à la campagne et le long des fjords qui découpent la côte occidentale du pays. Ainsi, une activité intense se déployait à Bergen et aux alentours de cette ville, la deuxième de la Norvège. La congrégation connut un accroissement rapide, si bien qu’en 1940 elle comptait environ 80 proclamateurs.

Vu la longueur des côtes de la Norvège, les Témoins de Jéhovah trouvaient également qu’il était pratique de se déplacer en bateau. Pendant les années trente, plusieurs frères se procurèrent des bateaux à moteur pour la prédication. À Narvik (où un groupe de chrétiens fut formé vers 1905), il y avait huit ou dix proclamateurs. En été, les frères prêchaient le dimanche en se servant de leurs bateaux. Une fois l’an, une petite assemblée se tenait au profit des frères de Narvik et du nord de la Suède. Dans un bateau de pêche qu’ils avaient loué, les Témoins prêchaient en des endroits situés à 200 kilomètres de Narvik. Dans cette région septentrionale du pays, il y avait peu de routes, et beaucoup de localités n’étaient pas desservies par des bateaux. Aussi les frères devaient-​ils se déplacer dans leurs propres embarcations. C’est ainsi que la congrégation qui était alors la plus septentrionale du pays parvint à annoncer la bonne nouvelle du Royaume au nord du cercle polaire arctique.

LE TRAVAIL ZÉLÉ DES PIONNIERS

Les congrégations norvégiennes faisaient ce qu’elles pouvaient pour répandre la vérité, mais elles ne parvenaient pas à atteindre toutes les communes du pays. Quantité de villes étaient sans congrégation. En outre, à peu près 60 pour cent de la population — soit environ deux millions d’âmes, — habitaient les régions rurales à l’est du pays. L’ouest et le nord de la Norvège étaient parsemés de fermes, de hameaux et de petites communes pratiquement isolés du reste du pays. Pas plus de 10 pour cent des fjords étaient accessibles par des routes, et d’innombrables îles ne disposaient pas d’un service de bateaux. D’où l’utilité des colporteurs ou pionniers.

Au milieu des années vingt, il y avait environ dix colporteurs en Norvège, y compris les colporteurs auxiliaires, qui ne consacraient pas tout leur temps au service. En 1938, le nombre des proclamateurs du Royaume s’élevait à 430, et celui des pionniers et des auxiliaires, à cinquante. On voit donc que le travail des pionniers commençait à compter.

À cette époque-​là, le principal souci des pionniers était de placer des imprimés. lIs ne s’occupaient pas tellement des nouvelles visites ni des études bibliques à domicile, car ils ne restaient pas longtemps à un endroit. Une fois qu’ils avaient parcouru une localité, en plaçant des imprimés, ils se rendaient ailleurs.

Nombre de pionniers travaillaient très dur. À titre d’exemple, citons le cas de frère Bernhard Risberg, qui entreprit le service à plein temps dans les années trente. Après avoir prêché toute la journée, il demandait aux gens de le loger, et très souvent ils se montraient hospitaliers. Tantôt il dormait dans un lit, tantôt dans une grange. Pendant deux années, son territoire s’étendait le long du Sognefjord, l’un des plus longs fjords du monde. Muni de deux serviettes bourrées de livres, frère Risberg parcourait à pied la région de ce fjord ramifié et bordé de montagnes escarpées.

Au bout de deux ans, frère Risberg put s’acheter un vieux vélo, une tente et un sac de couchage. Cela facilitait ses déplacements. Avec trois ou quatre cartons de livres perchés sur sa bicyclette, il parcourait la région pour annoncer le message du Royaume.

La journée de frère Risberg commençait à cinq ou six heures du matin et se poursuivait jusque tard dans la nuit, avec quelques courtes pauses pour se restaurer. En un mois, il faisait 400 heures de prédication, une moyenne de plus de 13 heures par jour ! En hiver, il devait réduire le temps passé dans le champ ; néanmoins, il consacrait souvent 200 ou 250 heures par mois à l’annonce de la bonne nouvelle. Voilà comment frère Risberg et d’autres pionniers zélés vouèrent les meilleures années de leur vie au service de Jéhovah Dieu.

Après 1930, six ou sept pionniers étrangers ont travaillé en Norvège. Parmi eux il y avait un couple d’Anglais retraités, qui parcourait le pays dans une voiture tirant une caravane. On a dit que ce fut la première caravane à sillonner les routes de la Norvège. Frère et sœur Hollis furent parmi les premiers pionniers à qui la police interdit de distribuer des imprimés sans patente, faisant application d’une nouvelle loi réglementant le commerce. À cette époque (1932), les deux pionniers prêchaient avec la brochure Le Royaume, Espérance du Monde. Quand la police commença à les gêner, les pionniers commandèrent à la Société plusieurs milliers d’exemplaires de cette brochure et les distribuèrent gratuitement. Alors la police leur interdit même de diffuser les brochures gratuitement, mais les pionniers avaient déjà presque terminé de les placer.

Bon nombre de pionniers eurent des difficultés de ce genre. Le représentant de la Société à Oslo fut visité par un inspecteur, qui lui demanda de mettre fin à l’activité des pionniers. Mais l’affaire finit par être réglée sans poursuites judiciaires, et les pionniers purent continuer leur travail. De temps à autre ils étaient interrogés par la police, lorsque des fanatiques religieux, désireux d’arrêter la prédication du Royaume, portaient plainte contre eux.

EN BATEAU LE LONG DE LA CÔTE

Certains pionniers voyageaient le long de la côte par bateau pour répandre la bonne nouvelle. En 1928, la Société se procura un petit bateau-pilote, qu’elle transforma pour deux colporteurs d’Oslo, qui prêchaient le long de la côte méridionale du pays. À bord du “Élihu”, les deux frères commencèrent en décembre et visitèrent toute la rive occidentale du fjord d’Oslo, malgré les nombreux glaçons. Au cours du premier mois, ils parcoururent plusieurs villes et localités, et placèrent environ 800 livres et brochures. Malheureusement, pendant une nuit de tempête en février, le bateau “Élihu” se fracassa sur les rochers de la côte. Par bonheur, les frères purent gagner le rivage sains et saufs.

En 1931, la Société acheta un nouveau bateau à moteur, qu’elle baptisa “Esther”. Il mesurait environ 12 mètres de long. Bien qu’équipé de trois couchettes, il s’avéra plus pratique de le confier à deux pionniers. Ce bateau parcourut les côtes occidentale et septentrionale de la Norvège jusqu’en 1938, date à laquelle il fut remplacé par un bateau de 10 mètres, dénommé “Ruth”. Cette nouvelle embarcation, montée elle aussi par deux frères, fut utilisée principalement pour visiter les ports situés au nord.

Les frères qui prêchaient à l’aide de ces bateaux accomplirent un travail excellent le long du littoral de la Norvège. En une année ils plaçaient entre 10 000 et 15 000 livres et brochures. Grâce à eux, les habitants de nombreuses petites îles, les occupants des phares et bon nombre de Lapons eurent l’occasion d’entendre le message. En outre, sac au dos et munis de serviettes et de phonographes, ils annoncèrent la bonne nouvelle aux habitants isolés des montagnes. Ils durent parcourir de longues distances, car les maisons étaient très dispersées, si bien que certains jours, ils ne visitaient que quelques personnes. Ils eurent parfois des accidents. Plusieurs fois, leur bateau échoua, mais les frères réussirent à se sauver et à remettre le bateau en état.

Une fois, les deux frères qui voyageaient à bord de l’“Esther” apprirent qu’au nord du pays il y avait un village où les habitants ‘vivent conformément aux livres de Russell et de Rutherford’. Ils s’y rendirent et trouvèrent que plus de la moitié de la population s’intéressait à la vérité. Les églises étaient vides, et environ 95 pour cent de la population avaient lu certaines des publications de la Société.

ON S’OCCUPE DAVANTAGE DES GENS QUI S’INTÉRESSENT AU MESSAGE

En janvier 1939, l’œuvre fit un pas en avant quand furent organisées en Norvège des zones. Le pays fut divisé en quatre parties desservies chacune par un serviteur de zone. Ces frères devaient visiter les gens qui s’intéressaient à la vérité et s’efforcer d’établir de nouveaux groupes et des congrégations. Bien entendu, ils visitaient également les congrégations déjà établies, afin d’encourager les frères.

La Zone 4 était la plus importante. Elle s’étendait sur une distance d’environ 1 800 kilomètres, depuis la petite ville de Florø, sur la côte occidentale, jusqu’au port septentrional de Kirkenes, à la frontière finlandaise. Dans toute cette zone côtière, il n’y avait alors que trois petites congrégations et quinze proclamateurs.

En janvier 1939, donc en plein hiver, frère Andreas Kvinge, serviteur de zone pour la Zone 4, se mit en route vers le nord avec sa femme, tous deux voyageant à bicyclette ! Ils devaient visiter deux localités isolées dans les forêts près de la frontière suédoise. Les routes du haut plateau étant enneigées, les gens voyageaient à cheval, leur monture étant équipée de raquettes. Quant à frère et sœur Kvinge, ils parcoururent cette région à pied, poussant leurs vélos délestés des cartons d’imprimés, qu’ils avaient envoyés par la poste à leur destination. Parfois, frère Kvinge passait toute une journée à visiter deux ou trois maisons, en se déplaçant à l’aide de skis qu’il avait réussi à emprunter. Un soir, comme personne n’acceptait d’héberger les Kvinge, ils décidèrent de passer en Suède pour trouver un gîte. Sœur Kvinge était tellement fatiguée qu’à la fin du trajet son mari dut la porter, ainsi que leurs serviettes remplies de livres. Heureusement, une famille suédoise leur offrit l’hospitalité. Une autre fois, ce couple dut marcher toute la nuit alors qu’il faisait moins de zéro, parce que personne n’acceptait de les héberger.

En revanche, les Kvinge connurent de nombreuses joies. Par exemple, un jour ils découvrirent un petit groupe de proclamateurs du Royaume qui prêchait depuis plusieurs années sans avoir jamais remis un rapport à la Société. Ce couple fonda plusieurs congrégations et groupes de proclamateurs. En outre, il encouragea les frères isolés. Sans aucun doute, Jéhovah bénissait le travail des serviteurs de zone.

Le temps était arrivé où il fallait s’occuper davantage des personnes qui s’intéressaient à la vérité. Cette branche du service allait revêtir une importance particulière pendant les années suivantes, car les proclamateurs du Royaume en Norvège étaient sur le point de connaître une situation nouvelle. En effet, le 9 avril 1940, les Allemands envahirent la Norvège. Ce pays allait désormais connaître les souffrances de la Seconde Guerre mondiale.

LE PREMIER CHOC

L’attaque allemande du 9 avril 1940 bénéficia de l’effet de surprise. De puissants navires de guerre entrèrent dans les principaux ports du pays et, avant la fin de la journée, ils y avaient débarqué un nombre considérable d’unités militaires. La Norvège étant peu armée, les Allemands ne rencontrèrent qu’une résistance symbolique. Bientôt, cependant, des forces britanniques et françaises arrivèrent pour soutenir le combat des Norvégiens, mais au bout de trois semaines, les Alliés durent abandonner le sud du pays. Au nord, où la résistance était la plus forte, le combat se poursuivit jusqu’au 10 juin, date de la capitulation de la dernière division norvégienne. Plusieurs villes à l’ouest et au nord du pays avaient été sévèrement bombardées, si bien que quelques-unes d’entre elles étaient en ruine. La campagne militaire allemande en Norvège dura soixante-deux jours.

Ce fut le nord du pays qui subit les dégâts les plus importants. Les quelques frères de cette région endurèrent fidèlement cette épreuve. À Narvik, ils quittèrent la ville dès le début des bombardements. Certains se réfugièrent sur le bateau de la Société (“Ruth”), qui, pendant les combats, resta caché dans un fjord non loin de la ville. Quand il devint dangereux de rester sur le bateau, les frères s’abritèrent sous de grands blocs de rocher à flanc de montagne. La ville de Narvik fut complètement démolie et deux frères y perdirent la vie. L’un fut tué par une grenade. Une famille de frères perdit sa maison et tous ses biens. Les dégâts furent également très importants à Bodø, à Fauske, à Namsos et à Steinkjer, mais tous les frères eurent la vie sauve. Cependant, bon nombre d’entre eux perdirent tous leurs biens. Tous les ponts sautèrent, bien des fermes furent incendiées, et les routes, très endommagées, étaient parsemées de carcasses de voitures. Dès la fin des combats, frère Kvinge, serviteur de zone, parcourut toute la région pour encourager les frères.

Entre temps frère Øman, le directeur de l’œuvre en Norvège avait été arrêté par la Gestapo (police politique de l’Allemagne nazie). Pendant une semaine il fut détenu au siège de la police à Oslo, mais après l’avoir interrogé, on le laissa partir. Quelques semaines plus tard, il fut interrogé de nouveau, parce qu’on le soupçonnait de collaborer avec le service britannique de renseignements. L’interrogatoire dura six heures et demie sans interruption, après quoi on le remit en liberté. Les deux fois, on le traita avec politesse et on ne lui signifia pas que l’œuvre des Témoins de Jéhovah était interdite ou était sur le point de l’être.

Les frères craignaient que les Allemands ne mettent immédiatement fin à leur prédication et que les Témoins norvégiens ne soient traités comme leurs frères allemands. Mais cette crainte se révéla injustifiée. C’est pourquoi, dès que le premier choc fut passé, la proclamation de la bonne nouvelle connut un nouvel essor.

UN NOUVEL ESSOR

Sous la direction de la Société, une grande activité commença à se déployer. Personne ne savait combien de temps encore notre œuvre pourrait se poursuivre. Il convenait donc de distribuer parmi les frères et les habitants en général le plus grand nombre possible d’imprimés de la Société. Une activité particulièrement intense s’engagea avec le livre Salut, qui venait de paraître en norvégien (en 1940). En très peu de temps tous les exemplaires de la première édition furent distribués, et une nouvelle édition brochée, fut imprimée à Oslo. À cause de la guerre, il était impossible d’importer les imprimés, mais quelques exemplaires isolés de nouvelles brochures publiées par la Société aux États-Unis pénétrèrent en Norvège pendant l’occupation, et elles furent traduites et imprimées sur place. Bon nombre de telles brochures furent imprimées en norvégien après avril 1940.

À présent que le pays se trouvait assombri par la guerre, les gens écoutaient plus attentivement la bonne nouvelle, car beaucoup d’entre eux ressentaient le besoin d’un message de réconfort et d’espérance. Les frères firent le maximum pour les satisfaire. À Oslo, la congrégation continua à louer des autocars pour visiter les villes et les territoires ruraux des alentours, où de grandes quantités d’imprimés furent distribuées. Les pionniers ne perdirent pas leur temps non plus. Une sœur pionnier plaça de 800 à 900 livres en deux mois dans une vallée à l’est du pays.

Un peu partout en Norvège les gens s’intéressaient au message. Beaucoup de nouveaux devinrent proclamateurs du Royaume. Cet accroissement fut acquis grâce aux études bibliques à domicile, appelées alors études modèles. Les réunions continuaient à se tenir, et plusieurs congrès furent organisés. À la grande joie des frères, ils continuèrent de recevoir du Danemark La Tour de Garde en danois, et le périodique Consolation fut publié, comme avant, en norvégien.

Les rapports révèlent l’intensité de l’activité déployée à cette époque : D’octobre 1940 à juin 1941, 272 419 livres et brochures furent distribués. Durant l’année de service 1939-​1940, il y avait en moyenne 377 proclamateurs actifs dans le champ. Or, en mai 1941, leur nombre était passé à 477! Les frères étaient surpris de constater que les autorités allemandes ne faisaient rien pour arrêter l’œuvre.

UNE ACTION BIEN PRÉPARÉE

En fait, les nazis projetaient depuis longtemps d’agir contre l’Association internationale des Étudiants de la Bible. Déjà en été 1940, ils songeaient à interdire les imprimés de la Société. S’ils ne le firent pas, c’est qu’ils estimaient qu’une telle mesure ne ferait que ralentir notre activité et nous mettrait en garde, ce qui nous donnerait l’occasion de nous procurer des imprimés de l’étranger. La Sipo ou police de sûreté allemande se mit plutôt à rassembler des renseignements sur les activités de l’Association internationale des Étudiants de la Bible en Norvège. Des représentants de la police allemande visitèrent les bureaux de la Société pour demander des publications. Plusieurs fois, frère Øman fut convoqué pour des interrogatoires.

Le premier résultat fut l’interdiction du livre Ennemis (publié en norvégien en 1939), à cause de certaines déclarations qu’il contenait concernant le fascisme et le nazisme. Ce fut en automne 1940. Toutefois, le stock de livres de la Société ne fut pas confisqué. Ainsi, plusieurs centaines d’exemplaires du livre Ennemis furent mis en lieu sûr chez des frères à l’insu des Allemands.

L’œuvre de témoignage se poursuivit sans interruption notable jusqu’à la fin de 1940. Mais les nazis continuèrent de préparer leur action. En octobre, leurs chefs demandèrent à Berlin l’autorisation de dissoudre l’Association internationale des Étudiants de la Bible. Ils proposèrent la fermeture du bureau nord-européen de la Société à Copenhague. Mais Berlin décida d’attendre.

Au cours de l’hiver et du printemps de 1941, des pionniers furent arrêtés et interrogés par la police, qui les accusait de vendre des imprimés “antiallemands”. Cependant, même alors l’activité du Royaume ne fut pas interdite et les pionniers purent repartir.

Dans plusieurs congrégations, des espions allemands et norvégiens assistèrent à nos réunions. Une femme fut envoyée au bureau de la Société à Oslo pour l’espionner, et elle déclara qu’elle y avait vu “quatre hommes manifestement juifs”. Un rapport de la police allemande daté du 13 mars 1941 déclarait entre autres : “La propagande des Étudiants sincères de la Bible [Témoins de Jéhovah] a augmenté considérablement au cours des dernières semaines. Dans divers quartiers d’Oslo et dans bien d’autres villes, des ‘colporteurs’ vendent des imprimés de la ‘Société Watchtower’. Ces publications sont véritablement incendiaires. Sous le manteau de la religion, elles attaquent l’autorité de l’État.”

Indéniablement, notre activité accrue irritait de plus en plus les autorités. Pendant l’hiver et le printemps de 1941, les hauts fonctionnaires nazis demandèrent plusieurs fois à Berlin l’autorisation de dissoudre l’Association internationale des Étudiants de la Bible en Norvège. Enfin, le 24 avril 1941, Berlin leur donna le feu vert. Entre-temps, cependant, l’affaire avait été soumise à Josef Terboven, commissaire du Reich allemand en Norvège. Il était d’avis que l’activité de l’Association internationale des Étudiants de la Bible était tellement insignifiante en Norvège qu’il était inutile d’intervenir. Il demanda un complément d’information sur notre organisation, si bien que l’interdiction projetée fut de nouveau reportée.

Au début de l’été il devenait évident qu’il se préparait un mauvais coup. D’abord, la police des nazis norvégiens confisqua les brochures Fascisme ou Liberté et Gouvernement et Paix. Puis, le mardi 8 juillet, arriva ce que les frères craignaient le plus. La Gestapo frappa un coup dur dans tout le pays, afin de détruire notre organisation. Grâce à de multiples enquêtes, les Allemands avaient obtenu le nom et l’adresse de tous les surveillants-présidents de Norvège, si bien que tous ces frères reçurent ce jour-​là la visite de la police. Tous les imprimés de la Société trouvés chez eux furent confisqués, et l’on informa les frères que s’ils n’arrêtaient pas de prêcher, ils seraient mis dans un camp de concentration. Les responsables de plusieurs congrégations furent arrêtés et détenus pendant quelques jours, mais aucun d’eux ne fut maltraité.

Cinq policiers allemands se présentèrent au Béthel et confisquèrent tous les biens meubles de la Société, y compris le stock d’imprimés, l’argent liquide et les machines de bureau. La valeur des biens saisis s’éleva à 40 000 couronnes (environ 6 000 dollars). Les membres de la famille du Béthel furent emmenés au siège de la Sipo (police de sûreté), où ils furent interrogés. Personne ne fut détenu, mais frère Øman reçut l’ordre de se présenter tous les jours à la police d’État norvégienne pendant douze semaines.

Les nazis n’enlevèrent pas immédiatement les imprimés stockés au Béthel, mais ils scellèrent la porte de l’entrepôt. Plus tard, les Allemands arrivèrent avec trois camions pour transporter les imprimés dans une usine de papeterie, où ils devaient être transformés en pâte à papier. Peu après, les frères apprirent que les ouvriers de l’usine avaient pris les livres pour eux-​mêmes. Quant au bateau “Ruth”, mouillé sur la côte ouest, il disparut, enlevé par les Allemands.

Le 21 juillet, la maison de la Société fut confisquée, et toutes les écritures et les titres de propriété furent saisis. L’œuvre fut officiellement interdite, si bien que les congrégations ne pouvaient plus poursuivre ouvertement leurs activités. Désormais, aucune publication ne pouvait être envoyée du bureau d’Oslo. Mais paradoxalement, La Tour de Garde continua à être reçue du Danemark jusqu’en 1941-​1942. Quant au périodique Consolation, le dernier numéro reçu fut celui de juillet 1941. Les membres de la famille du Béthel continuèrent à habiter dans la maison de la Société pendant quelque temps, mais finalement la plupart d’entre eux s’en allèrent et prirent un travail profane afin de subvenir à leurs besoins. En revanche, frère et sœur Øman restèrent au Béthel.

L’ŒUVRE SE POURSUIT CLANDESTINEMENT

Les autorités nazies se trompaient en se figurant que leur opposition et leurs menaces allaient amener les frères à cesser leurs activités chrétiennes. Le peuple de Dieu en Norvège n’allait pas se croiser les bras. Au contraire, il se mit aussitôt à réorganiser l’œuvre.

L’administration de notre activité fut décentralisée. L’un des frères qui avait travaillé au Béthel put voyager dans le sud de la Norvège. Frère Andreas Kvinge réussit à poursuivre pendant un certain temps son activité de serviteur de zone au nord du pays. Il fut arrêté le 12 juillet 1941, et interrogé pendant de longues heures. Les Allemands lui demandèrent avec insistance l’adresse de tous les frères de la Norvège septentrionale, mais il refusa de leur fournir ces renseignements. Ils le menacèrent et lui dirent qu’il serait suivi dans tous ses déplacements, et que s’il poursuivait son activité, il finirait dans un camp de concentration. Mais frère Kvinge ne fut nullement intimidé, si bien qu’en décembre 1941, il se remit en route, se déplaçant en bateau, à pied et à skis. Pour cacher le but de ses visites, il faisait de menus travaux chez les frères. De cette façon, il put aider ses compagnons à persévérer dans le service chrétien. Au printemps de 1942, frère Kvinge s’installa à Bergen. Mais dès l’été, il reprit le chemin du nord à bicyclette, pour visiter et encourager les frères.

D’autres frères firent également usage de vélos pour visiter leurs compagnons et prendre de leurs nouvelles. En été 1943, l’un des frères qui avaient prêché dans le nord du pays en se déplaçant à bord d’un des bateaux de la Société, entreprit un voyage de 1 200 kilomètres à bicyclette, pour visiter et encourager ses frères chrétiens.

La correspondance permit également aux frères de se tenir au courant de ce qui se passait ailleurs dans le pays. Comme la police de sûreté allemande censurait les lettres, les frères écrivaient en code. Par exemple, au lieu de parler de la “congrégation”, ils se servaient des mots “famille” ou “firme”. Nous ignorions à quel point la correspondance des frères était censurée, mais nous savions que tout le courrier venant de l’étranger et adressé aux anciens membres du Béthel risquait d’être ouvert par les Allemands.

RÉUNIONS ET PRÉDICATION

Naturellement, nos réunions étaient interdites, mais les frères, qui respectaient les commandements de Dieu plus que ceux des hommes, ne tardèrent pas à se réunir dans des foyers par groupe de cinq ou six personnes (Actes 5:29 ; Héb. 10:24, 25). Si tout se passait bien pendant quelque temps, on agrandissait les groupes. Tous les assistants se faisaient un devoir d’arriver seuls ou avec une ou deux autres personnes, pour ne pas attirer l’attention sur eux. Ils ne pouvaient jamais être sûrs qu’un indicateur ne soit pas en train de surveiller la maison où ils se réunissaient. Souvent les frères mettaient des tasses de café sur la table, pour faire semblant d’être réunis entre amis.

Les frères se réunissaient principalement pour étudier La Tour de Garde. Des exemplaires des éditions danoise et suédoise étaient introduits dans le pays, traduits et dactylographiés. Ces manuscrits dactylographiés circulaient parmi les congrégations dans tout le pays. En règle générale, seul le conducteur de l’étude possédait un manuscrit. Aussi lisait-​il d’abord le paragraphe, avant de poser la question. Pendant ces années difficiles, ces réunions étaient ce qui aidait le plus les frères à garder leur courage et à continuer à donner sans crainte le témoignage.

À mesure que le peuple de Jéhovah découvrit comment se réunir sans trop de danger, des réunions de plus en plus importantes se tenaient surtout à des occasions spéciales, comme au Mémorial. Plus d’une centaine de chrétiens se réunissaient alors, conformément à l’ordre que le Christ donna de commémorer sa mort (Luc 22:19, 20). Par exemple, le 31 mars 1942, 280 frères se réunirent en deux endroits différents à Oslo. Quatre-vingt-dix assistants participèrent aux emblèmes.

Les frères tenaient également des “congrès” un peu partout en Norvège, soit dans des fermes isolées ou dans une forêt. Lors d’un “congrès” tenu dans un bois, les frères firent semblant d’être venus pour cueillir des baies. Ils portaient des paniers et tout ce qui est nécessaire à la cueillette des baies.

Il va de soi que le but de ces rassemblements était d’édifier spirituellement les frères. Il y avait des discours et des discussions basés sur des articles publiés dans La Tour de Garde. Il fallait aussi veiller à la nourriture physique. Bien des Témoins, particulièrement ceux qui habitaient dans une ville, avaient du mal à se procurer des vivres en quantité suffisante. Mais les frères qui en possédaient firent preuve d’amour en partageant avec ceux qui en manquaient.

En été 1943, le plus grand de ces “congrès” fut tenu dans un bois appartenant à une ferme près d’Oslo. Environ 180 frères et sœurs s’y réunirent, venant des villes situées dans la région du fjord d’Oslo. Pendant ce rassemblement, trois soldats allemands apparurent subitement et virent la réunion. Un frère d’expression allemande alla leur parler. Ils étaient partis pour se baigner et s’étaient trompés de chemin. Le frère et l’un de ses compagnons se proposèrent pour leur montrer la route. Les frères réunis poussèrent un soupir de soulagement quand ils virent partir les soldats. Pendant qu’il accompagnait ces derniers vers la plage, le frère d’expression allemande entendit deux des militaires parler du rassemblement qu’ils avaient vu. L’un d’eux émit l’opinion qu’il devait s’agir d’une réunion de chorale, comme celle qu’ils avaient vue dans un autre endroit.

Ainsi, encore une fois, tout s’est bien passé. Nous n’avons jamais reçu de rapport indiquant que les frères se sont attiré des ennuis pour s’être réunis dans de tels “congrès” en harmonie avec la volonté de Jéhovah.

Naturellement, les frères durent prendre le maximum de précautions pour annoncer le Royaume, surtout au début. Ils savaient que les autorités nazies les surveillaient de près. C’est pourquoi, pendant un certain temps ils n’allèrent pas de maison en maison mais visitèrent plutôt les personnes qui s’étaient déjà intéressées au message, tout en parlant aussi à leurs parents et camarades de travail. Ainsi, quelques nouveaux se joignirent au peuple de Dieu. Cependant, au bout de deux ans, certains frères recommencèrent à aller de maison en maison uniquement avec la Bible.

Après quelques mois, les imprimés commencèrent à faire défaut. Certains frères prévoyants avaient enterré ou caché des livres et des brochures, et maintenant ils pouvaient s’en servir. Les proclamateurs finirent par simplement prêter des imprimés aux gens qui s’intéressaient au message du Royaume.

Dans cette situation, l’activité des études bibliques revêtit une importance nouvelle. Dans tout le pays, de nombreuses études furent commencées à l’aide des brochures Étude modèle N1 et N2 (la seconde ayant été publiée en norvégien en 1941). On invita d’autres gens bien disposés à ces études, puis à l’étude de La Tour de Garde. Souvent, vingt-cinq ou trente personnes étaient présentes à ces réunions, surtout dans les grandes villes. Quand le stock de brochures Étude modèle fut épuisé, les frères préparèrent et firent imprimer une brochure semblable, mais plus grande, qui fut largement utilisée pour les études bibliques.

Bien entendu, les nouveaux qui se joignaient aux congrégations devaient se faire baptiser. Fréquemment les baptêmes eurent lieu dans un foyer. Un frère déclare qu’au moins cinquante personnes furent baptisées chez lui pendant la guerre. On prévoyait également des baptêmes lors des “congrès” clandestins. Les candidats étaient alors baptisés dans un étang ou un petit lac de montagne.

Paradoxalement, le fait que les frères avaient de nombreuses occasions de donner le témoignage devint une cause de désaccord entre eux. Comment cela ? Eh bien, certains étaient d’avis que la prédication devait s’effectuer plus ouvertement, tandis que d’autres estimaient que cela reviendrait à provoquer les autorités nazies. Ainsi, les uns se mirent à aller de porte en porte avec la Bible, alors que les autres travaillaient plus discrètement et s’efforçaient de toucher les gens par d’autres moyens. Néanmoins, il est évident que les frères représentant les deux tendances agissaient avec le désir sincère de servir Jéhovah, car celui-ci a béni leur travail.

La police de sûreté allemande se rendait-​elle compte que les Témoins norvégiens avaient repris leurs activités ? Il est peu probable qu’une organisation aussi bien administrée que la Sipo n’en fût pas au courant. La Sipo savait sans aucun doute que les frères n’avaient pas cessé de prêcher, mais vraisemblablement elle ignorait l’étendue de leurs activités. En tout cas, la Sipo reçut des lettres, entre autres de certains membres du parti nazi norvégien, protestant contre l’activité des Témoins de Jéhovah et demandant à la police d’agir contre eux. Une lettre parlait de nous comme d’une “secte de propagande communiste influencée par les Juifs”. Une lettre anonyme envoyée d’Oslo le 22 juin 1942 déclarait :

“Monsieur le commissaire du Reich,

“Je sais que vous êtes catholique pratiquant. C’est pourquoi je compte sur vous pour utiliser votre grande autorité enviable afin de détruire, au moins ici en Norvège, ce mouvement qui fait honte à notre pays, c’est-à-dire : L’organisation de ce Juif [ !], le juge Rutherford. (...)

“Pour moi c’est absolument incompréhensible qu’on ait permis à cette organisation louche de poursuivre son activité démoniaque.

“Pourquoi ne pas démasquer cette organisation dans les journaux et permettre ainsi au public de voir combien son activité est ridicule et dangereuse ?”

Cependant, les autorités allemandes ne poursuivirent pas leur action contre les Témoins de Jéhovah. Peut-être pensaient-​elles que notre organisation, somme toute assez modeste, ne constituait pas un grand danger. Sans doute estimaient-​elles qu’il suffisait d’arrêter la distribution de nos “publications incendiaires”. Quoi qu’il en soit, les nazis avaient largement de quoi s’occuper ailleurs, notamment pour combattre la Résistance norvégienne. En effet, ce fut particulièrement contre les patriotes de la Résistance norvégienne que les nazis utilisèrent leurs meilleures méthodes de contre-espionnage et d’action punitive barbare. En règle générale, les Témoins de Jéhovah de Norvège ne furent plus inquiétés après l’action entreprise contre eux en 1941. Ceci dit, sans la protection de Dieu, au moins une de leurs activités aurait pu coûter cher aux frères. Il s’agit de la reproduction des articles de La Tour de Garde et de leur distribution dans tout le pays. Les frères qui s’occupaient de cette tâche travaillaient au risque de leur vie.

DISTRIBUTION DE LA NOURRITURE SPIRITUELLE

La Tour de Garde fut introduite en Norvège depuis la Suède et le Danemark. Des frères et des personnes bien disposées qui devaient traverser la frontière entre la Suède et la Norvège apportaient des périodiques, si bien qu’une “ligne de communication” régulière fut établie à un endroit. Le bureau de la Société en Suède, et parfois celui du Danemark, envoyèrent des colis de vivres à frère Øman. Le papier employé pour rembourrer les paquets et envelopper des œufs, par exemple, n’était rien d’autre que des pages de La Tour de Garde. Une fois repassées, ces pages servaient à la traduction du périodique en norvégien. Parfois des frères danois ou suédois venus en Norvège pour des affaires apportaient des publications.

Seuls les articles principaux de La Tour de Garde étaient traduits et distribués dans le pays. Plusieurs frères passaient leurs soirées et même leurs nuits, à dactylographier ces articles. Pour gagner du temps, ils faisaient de cinq à neuf exemplaires au papier carbone.

Nos frères ne se sentaient jamais en sécurité pendant qu’ils faisaient ce travail. Les nazis avaient le plus grand mal à juguler la presse clandestine de la Résistance norvégienne. Ils perquisitionnaient chez les gens dans l’espoir de trouver les bureaux où ces journaux étaient édités. Quiconque possédait chez lui des imprimés interdits s’exposait à des châtiments sévères. Vers la fin de la guerre, le refus de remettre un journal clandestin aux autorités était puni par la peine de mort. Le simple fait de posséder une machine à écrire rendait quelqu’un suspect.

En automne 1943, un officier supérieur allemand fut assassiné à Oslo, non loin de la maison d’un frère qui dactylographiait les articles de La Tour de Garde. Cette nuit-​là, tout le quartier fut ratissé par la Gestapo. Vers 3 heures du matin, le frère fut réveillé en sursaut par un bruit de bottes dans la rue et par la voix d’un officier qui disait : “Surveillez toutes les portes de sortie !”

Or, ce soir-​là le frère avait dactylographié quinze manuscrits de La Tour de Garde, de sept pages chacun, si bien qu’il y avait chez lui 105 pages tapées à la machine. Il savait bien ce qui lui arriverait si la police les trouvait. La Gestapo n’avait pas l’habitude de ménager ses prisonniers.

Vingt-cinq à trente militaires firent irruption dans l’immeuble de deux étages et se précipitèrent en haut de l’escalier. Comme le frère habitait au rez-de-chaussée, il saisit sa chance. Déchirant les manuscrits en petits morceaux, il les jeta dans les W.-C. Il tira la chasse d’eau et jeta le reste des manuscrits dans la cuvette, tout en attendant fiévreusement que le réservoir se remplisse. Arriverait-​il à tout faire disparaître à temps ? Deux minutes plus tard, quatre hommes entrèrent de force dans son appartement, mais des manuscrits il ne restait plus aucune trace. Les soldats armés renversèrent tout : sucrier, réchaud, tiroirs, etc. Ils cherchèrent partout, même derrière les tableaux accrochés aux murs, mais ils ne trouvèrent rien d’illicite. Le frère rendit grâce à Jéhovah de ce que la Gestapo avait commencé à fouiller au deuxième étage.

Pour faire parvenir la nourriture spirituelle à toutes les congrégations et aux proclamateurs isolés, une bonne organisation et de nombreux volontaires étaient nécessaires. Plusieurs frères d’Oslo visitaient régulièrement les congrégations à l’est du pays et conduisaient tous les dimanches l’étude de La Tour de Garde. Chacun possédait un manuscrit et en discutait le contenu avec la congrégation qu’il visitait. Les congrégations et les frères qui ne pouvaient pas bénéficier de La Tour de Garde de cette manière en recevaient un exemplaire par la poste ou par l’intermédiaire d’un frère qui voyageait à bicyclette ou par chemin de fer. Celui qui recevait un manuscrit le lisait et le passait à quelqu’un d’autre. C’est ainsi qu’un service régulier de distribution fut maintenu.

Les frères qui se déplaçaient avec un manuscrit de La Tour de Garde dans la poche ou dans une serviette prenaient un risque. Il y avait régulièrement des contrôles dans les rues, les trains, les autocars et même sur les bateaux. Mais Jéhovah protégea les frères qui étaient disposés à le servir de cette façon.

Une fois, un frère prit le train d’Oslo pour se rendre dans une ville proche. À peine le convoi avait-​il démarré que deux policiers armés — des nazis norvégiens — pénétrèrent dans le compartiment où se trouvait le frère. Ils fermèrent la porte et se mirent à fouiller les voyageurs. Tous durent vider leurs poches et leurs sacs, et l’un des hommes fouillait les voyageurs tandis que l’autre les tenait en respect avec son fusil.

Le frère ne savait pas quoi faire des manuscrits de La Tour de Garde qu’il portait sur lui. Il décida de les mettre dans les poches extérieures de sa veste. La personne assise à côté de lui dut se lever pour se faire fouiller. Puis le policier se tourna vers le frère, qui priait silencieusement son Père céleste. “Votre carte d’identité !” lui fit l’homme. Le frère lui montra ses papiers, et ce fut tout ! Les passagers avaient tous dû vider leurs poches, sauf ce frère !

Pour faciliter la distribution des articles de La Tour de Garde, la Norvège fut divisée en deux parties. D’Oslo, les manuscrits étaient envoyés dans tout l’est de la Norvège, et de Bergen, ils étaient envoyés sur tout le littoral occidental, de Stavanger à Kirkenes. Le plus souvent, la congrégation de Bergen recevait La Tour de Garde en suédois ou en danois. En général, il fallait aller chercher les périodiques à Oslo, car si on les envoyait par courrier, ils étaient confisqués par la police de sûreté allemande. Différents frères faisaient le voyage de quelque 480 kilomètres, soit par le train, soit à bicyclette, pour aller chercher cette nourriture spirituelle et visiter la “famille”, comme ils le disaient s’ils étaient interrogés. La plupart du temps, ils s’y rendaient à vélo. Quelquefois, nos périodiques étaient portés par des frères qui travaillaient sur des bateaux faisant la navette entre Oslo et Bergen

À Bergen, comme à Oslo, les articles de La Tour de Garde étaient polycopiés, puis portés vers le nord par des frères qui travaillaient sur des navires desservant les ports de cette côte. Les manuscrits passaient d’un port à l’autre, jusqu’à l’extrême nord, près de la frontière soviétique.

Ainsi, Jéhovah Dieu veilla à ce que la nourriture spirituelle parvînt à tous les frères norvégiens. La Tour de Garde fortifiait les frères et les encourageait à continuer leur prédication chrétienne pendant ces années difficiles. De 1941 à 1944, environ 9 000 manuscrits furent dactylographiés et distribués dans toute la Norvège.

UN ACCROISSEMENT MALGRÉ LA GUERRE

Malgré les difficultés créées par la guerre, l’œuvre du Royaume en Norvège continua de croître. L’accroissement enregistré pendant la guerre était à peu près pareil à celui des cinq années précédentes, soit une augmentation annuelle moyenne d’environ 8 pour cent. Ainsi, de 1940 à 1945, le nombre des proclamateurs en Norvège passa de 462 à 689.

Les frères norvégiens ne furent pas harcelés par les autorités allemandes comme leurs frères dans d’autres pays occupés. Certes, l’action entreprise en 1941 mit fin à la diffusion étendue d’imprimés, mais les nazis ne firent pas grand-chose pour empêcher notre œuvre de se poursuivre clandestinement. À notre connaissance, aucun frère norvégien ne fut maltraité. Quelques frères furent arrêtés et détenus après l’action de juillet 1941, mais ils furent tous libérés au bout d’une semaine.

Très peu de frères perdirent la vie à cause de la guerre. Autant que nous sachions, seulement trois frères furent tués, mais pas mal de frères perdirent leurs maisons et leurs biens dans les bombardements. Ce fut le cas particulièrement au nord et à l’ouest du pays.

Quand la paix fut rétablie au printemps de 1945, bien des choses s’étaient passées au sein de l’organisation. Frère Rutherford était mort, et frère Knorr lui avait succédé comme président de la Société Watch Tower. Les frères et sœurs de Norvège étaient heureux de pouvoir recommencer à prêcher ouvertement, et ils désiraient coopérer pleinement avec le reste de l’organisation de Jéhovah établie sur toute la terre.

RÉORGANISATION DE L’ŒUVRE

Naturellement, la réorganisation de la prédication après quatre années d’interdiction demanda un certain temps. On commença par organiser plusieurs conférences publiques, qui réunirent un assez grand nombre d’assistants. Pendant la guerre, bien des gens étaient devenus conscients de leurs besoins spirituels (Mat. 5:3). Bien entendu, un certain nombre de ceux qui s’étaient intéressés pendant la guerre abandonnèrent par la suite, mais d’autres, déçus par le nazisme, prêtèrent une oreille attentive à la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. Aux trois discours publics prononcés à Oslo en été 1945, l’assistance fut chaque fois de 400 à 600 personnes.

En juillet et en août 1945, frère William Dey (directeur du bureau nord-européen de la Société) visita la Norvège afin d’aider les frères à organiser la prédication. Le désaccord qui avait commencé pendant la guerre à propos de la meilleure méthode pour donner le témoignage existait toujours. Aussi, à des réunions tenues à Oslo, à Skien et à Bergen, frère Dey engagea-​t-​il les proclamateurs à “enterrer la hache de guerre”, et il invita a se lever tous les assistants qui étaient disposés à le faire. Tous les frères présents se mirent debout.

Les frères manquaient d’imprimés bibliques pour la distribution publique. Ils se remirent donc à prêter des livres et des brochures comme pendant la guerre. Les premiers envois d’imprimés arrivèrent en septembre 1945. Il s’agissait de quatre brochures en suédois et d’une en norvégien. Bien sûr, nous étions enchantés de recevoir La Tour de Garde en norvégien à partir du 1er octobre 1945. Avant la guerre, nous avions dû nous contenter de l’édition danoise. À présent, nous pouvions faire de grands efforts pour obtenir des abonnements à La Tour de Garde, si bien qu’à partir de janvier 1946, une campagne d’abonnements de quatre mois fut organisée.

Cependant, dans de nombreuses congrégations les frères étaient encore divisés en deux groupes. C’est pourquoi, en décembre 1945, frères Knorr et Henschel, du siège de la Société à Brooklyn, se rendirent en Norvège afin de résoudre ce problème et d’aider les frères à organiser l’œuvre en harmonie avec les méthodes utilisées ailleurs. Deux réunions furent organisées, l’une à Oslo et l’autre à Bergen, avec des assistances respectives de 800 et 500 personnes. Cette visite de frère Knorr fut très profitable, car il régla le différend entre les frères. À l’occasion de ces réunions, frère Knorr annonça que frère Enok Øman ne serait plus directeur de l’œuvre en Norvège. Cette fonction serait désormais assumée directement par frère Dey. Frère Øman continua à travailler au bureau d’Oslo jusqu’en 1953, après quoi il fut pionnier. Il servit Jéhovah fidèlement jusqu’à sa mort en 1975, à l’âge de 94 ans.

William Dey fut bientôt remplacé comme directeur de l’œuvre en Norvège par Marvin Ferrol Anderson, frère américain envoyé du Béthel de Brooklyn en 1946. Ce frère arriva en Norvège le 17 janvier 1946. Il se mit aussitôt à réorganiser les activités de la prédication. Bientôt il apprit à parler aux frères en norvégien.

BESOIN DE SERVITEURS À PLEIN TEMPS

Après la guerre, beaucoup de Norvégiens s’intéressaient au message du Royaume. Les gens venaient nombreux aux discours publics, et il était facile de placer des imprimés. La question qui se posait était la suivante : Y aurait-​il en Norvège des frères disposés à entreprendre le service de pionnier afin d’annoncer la vérité dans les régions isolées ? Au moyen de l’Informateur (aujourd’hui Le service du Royaume), les frères furent encouragés à devenir pionniers. Bon nombre de frères répondirent à l’appel, y compris plusieurs qui avaient dû abandonner le service à plein temps lors de l’interdiction de l’œuvre en 1941. Mais tous ces pionniers avaient besoin d’imprimés, de préférence en norvégien, et sous ce rapport la situation n’était pas brillante. Cependant, après la visite de frère Knorr en décembre 1945, les livres Salut et Ennemis, ainsi que les brochures Dévoilées, Protection et Sécurité, furent imprimés en norvégien. Désormais, les pionniers disposaient d’imprimés en quantité suffisante. À la fin de l’année de service 1946, quarante-sept frères et sœurs s’étaient engagés dans le service à plein temps.

Cette époque-​là était difficile, notamment pour les pionniers. Ceux qui visitaient le nord du pays étaient particulièrement éprouvés en ce qui concerne leur endurance et leur confiance en Jéhovah. De nombreuses régions avaient été bombardées et incendiées par les nazis lors de leur retraite. Les logements étaient donc difficile à trouver, et il y avait pénurie de vivres.

Sœur Svanhild Neraal était l’un des pionniers qui visitaient la Norvège septentrionale en 1946. En 1941, elle avait été pionnier au Finnmark, région située tout à fait au nord du pays, et elle avait assisté au bombardement de deux villes. Mais son service dans cette région lui avait procuré tant de joies et elle avait trouvé les habitants tellement hospitaliers que pendant toute la guerre elle n’avait qu’un seul désir : y retourner. Aussi, au début de l’été 1946, se rendit-​elle à Kirkenes, à la frontière soviétique. Les gens disaient qu’elle était insensée de se rendre dans cette région sans savoir où elle pouvait loger, mais elle pria Jéhovah et lui demanda son aide.

Pendant tout le premier hiver, sœur Neraal dormit par terre dans la cuisine d’une petite maison qui abritait cinq autres personnes. Une année durant, elle ne mangea jamais à sa faim. Elle rencontra également pas mal de difficultés dans le service du champ. Par exemple, comme les Allemands avaient coulé la plupart des bateaux et que personne ne savait quand le prochain bateau allait passer, sœur Neraal était souvent obligée de passer toute la nuit assise sur la jetée d’un port, sous la pluie ou la neige, afin de ne pas manquer le bateau qui se rendait au port suivant.

Néanmoins, au cours des deux années et demie que sœur Neraal prêcha dans le nord, elle trouva de nombreuses personnes qui s’intéressaient à la vérité, par exemple parmi les Lapons. Elle se déplaçait à bicyclette, en bateau ou, si possible, par autocar. Elle s’asseyait souvent avec des Lapons dans leurs tentes faites de peaux de renne, en partageant avec eux un ragoût de renne préparé dans une grande marmite où tous les convives se servaient directement. Elle donnait le témoignage à des groupes de Lapons par l’entremise d’un interprète. Pendant son séjour au nord du pays, sœur Neraal trouva des personnes qui plus tard acceptèrent la vérité. Elle obtint 2 000 abonnements à La Tour de Garde et plaça 2 500 livres.

Les pionniers firent du bon travail dans d’autres régions. En 1948, la Société acheta un bateau à moteur qu’elle appela “Jonadab”. Cette embarcation fut utilisée par des pionniers pendant trois ou quatre ans le long du littoral occidental du pays. Finalement, ce quatrième et dernier bateau de la Société fut vendu à son tour. La plupart des pionniers se déplaçaient par des moyens classiques et ils posèrent les fondements de nombreuses congrégations nouvelles à travers le pays. Le nombre des pionniers variait pendant les premières années après la guerre, mais de 1946 à 1950 il y en avait en moyenne quarante-deux.

LES TÉMOINS NORVÉGIENS SONT AIDÉS, ET SECOURENT LEURS FRÈRES

Après la guerre, beaucoup de frères norvégiens étaient mal habillés et au début il était impossible d’acheter des vêtements. Frère Knorr eut connaissance de cette situation quand il visita la Norvège à la fin de 1945. Il prit donc des dispositions pour que des vêtements et des chaussures usagés, donnés par des Témoins généreux d’autres pays, fussent envoyés en Norvège. Deux tonnes de vêtements y furent envoyés de la Suède, et six tonnes, d’Amérique. À Oslo, ces vêtements furent triés d’après leur taille et envoyés aux frères selon leurs besoins. Plus de 3 000 frères et gens bien disposés furent aidés de cette manière. Les nombreuses lettres reçues de toutes les parties du pays témoignèrent de la gratitude des frères norvégiens.

À propos de ces vêtements reçus de l’étranger, un frère danois travaillant en Norvège raconte cette anecdote amusante : Pendant qu’il travaillait dans le champ, il rencontra une dame qui l’accusa de répandre une religion américaine, en prétendant qu’il avait un accent américain et qu’il était habillé à l’américaine. Le frère lui expliqua calmement que son manteau venait du Canada, son chandail, des États-Unis, son pantalon, de Norvège, ses chaussures, de Suède et sa cravate, du Danemark. ‘Par contre, ajouta-​t-​il, ces livres contiennent des vérités qui viennent de la Bible.’ La dame l’invita à entrer, et après un bon entretien, elle prit un livre et des brochures.

Peu à peu, la situation économique s’améliora en Norvège, si bien que les Témoins étaient à même d’aider leurs frères d’ailleurs. En 1947, la Société les informa que les frères allemands avaient particulièrement besoin de vivres et de vêtements. Ainsi, en 1948 et en 1949, bon nombre de Témoins norvégiens envoyèrent des colis à leurs frères d’Allemagne et aussi de Finlande. Ils reçurent de nombreuses lettres de remerciement des heureux destinataires.

Cette aide réciproque était en accord avec ces paroles de Jésus : “À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour entre vous.” — Jean 13:35.

ORGANISATION ET SERVICE

Lorsque frère Anderson arriva à Oslo en janvier 1946, il dut procéder à pas mal de changements au Béthel, situé dans la maison de l’Inkognitogaten qui avait été restituée à la Société après la guerre. D’abord, il fallait acheter du matériel : machines à écrire, chaises, bureaux, lits, etc. En outre, le bâtiment n’avait pas été entretenu pendant la guerre, si bien que des travaux importants étaient nécessaires. D’autre part, plusieurs locataires — des femmes âgées pour la plupart — occupaient des pièces dont la Société avait besoin. En raison de la crise du logement à Oslo, il était difficile de les faire partir. Puis on envisagea de vendre cette maison et d’en acheter une autre, ou bien de construire un nouveau Béthel, mais finalement nous sommes restés au 28 B Inkognitogaten. Petit à petit le Béthel s’équipa, l’une des machines les plus utiles étant une petite presse à pédale qui devait nous servir pendant plusieurs années. Ce fut la première presse utilisée par la Société en Norvège.

En été 1946, de nouvelles instructions relatives à l’organisation de l’œuvre entrèrent en vigueur. Entre autres choses, des dispositions furent prises pour que les congrégations tiennent une nouvelle réunion hebdomadaire, l’École théocratique, basée sur la brochure Cours pour le ministère théocratique.

Les résultats de l’École théocratique ne tardèrent pas à se manifester. En novembre 1946, une campagne de réunions publiques fut organisée dans toute la Norvège. Les frères les plus capables devaient préparer un discours basé sur huit plans fournis par la Société. Pour la plupart de ces frères, c’était la première fois qu’ils devaient prendre la parole en public. À Oslo et dans d’autres villes, ces discours furent présentés devant des auditoires nombreux, même dans des jardins publics. Grâce à l’École théocratique, il y avait bientôt de nombreux orateurs capables en Norvège.

En décembre 1946, plusieurs surveillants de circonscription commencèrent à parcourir la Norvège. Au début, il y avait quatre circonscriptions composées de 78 congrégations, dont chacune fut visitée deux fois par an. On organisa régulièrement des assemblées de circonscription. Afin d’aider les frères au maximum, pendant leurs visites d’une semaine, les surveillants itinérants accompagnaient dans le service du champ entre cinquante et soixante-dix frères et sœurs. À mesure que les proclamateurs apprirent à présenter le message du Royaume aux portes, ils cessèrent d’employer des cartes de témoignage et des phonographes. Ils accordèrent également une attention beaucoup plus grande aux nouvelles visites et aux études bibliques.

Nous avons pu envoyer de nombreux frères norvégiens à Galaad, l’École biblique de la Watchtower, et cela a été un facteur important dans l’accroissement du témoignage dans ce pays. Les deux premiers frères partirent en automne 1947. La plupart des élèves de Galaad envoyés de Norvège revinrent dans ce pays pour y servir comme pionniers, surveillants itinérants ou membres du Béthel.

Grâce à ces nouveaux développements dans les domaines de l’organisation et du service, la période de 1945 à 1950 fut un temps de croissance spirituelle rapide pour le peuple de Dieu en Norvège. Un plus grand nombre d’hommes devinrent capables d’assumer des responsabilités au sein des congrégations. D’autre part, on s’occupa davantage de la bonne formation des proclamateurs.

LES TÉMOINS DE JÉHOVAH DEVANT LES TRIBUNAUX

Sauf pendant les années de guerre, les Témoins de Jéhovah en Norvège avaient rencontré peu de difficultés dans leurs rapports avec les autorités. Certes, pendant les années trente, quelques pionniers furent accusés de colportage, mais l’affaire fut réglée en dehors des tribunaux. Depuis, il n’y avait eu que quelques incidents espacés. Mais en 1948 et en 1949, des problèmes surgirent. Deux pionniers et deux autres frères se virent interdire par la police de diffuser publiquement les imprimés de la Société, sous prétexte que cette activité enfreignait la Section 86 de la Loi du commerce du 8 mars 1935. La Société soumit l’affaire au ministère de la Justice, qui en référa à son tour au ministère du Commerce. Dans une lettre officielle datée du 10 octobre 1949, le ministère du Commerce déclara que l’activité des Témoins de Jéhovah devait être considérée comme relevant de l’“intérêt général” et que, par conséquent, elle pouvait se déployer sans l’autorisation de la police. Le ministère public accepta cette définition du ministère du Commerce. Les pionniers, qui avaient été condamnés à payer une amende de quinze couronnes, furent disculpés par un arrêté ministériel daté du 10 mars 1950.

Une autre affaire fit beaucoup plus de bruit que celle-là. Plusieurs frères d’Oslo furent traduits devant un tribunal pour avoir distribué La Tour de Garde dans les rues. La distribution de La Tour de Garde aux passants commença en Norvège le 11 septembre 1948. Le 28 novembre 1949, les Témoins qui se livraient assez nombreux à cette activité dans la rue principale d’Oslo furent amenés au commissariat, où on les fit attendre debout pendant deux heures, avant de les laisser partir.

Les autres Témoins d’Oslo ne tardèrent pas à être au courant de cet incident, si bien qu’une semaine plus tard les frères étaient encore plus nombreux à distribuer La Tour de Garde au centre de la ville. La police intervint de nouveau et les amena au commissariat. Cette fois, sept frères et sœurs furent interrogés et accusés d’avoir violé une clause du Droit criminel et un arrêté de la ville d’Oslo interdisant à quiconque de distribuer des feuilles volantes ou de faire de la publicité ambulante sans l’autorisation de la police. Cette affaire fut jugée par un tribunal de simple police le 21 janvier 1950. Les sept inculpés furent déclarés innocents pour ce qui est de l’accusation d’avoir déployé une activité commerciale dans les rues, mais coupables d’avoir violé la clause précitée. Les frères firent appel directement à la Cour suprême.

Jamais autant de proclamateurs du Royaume n’avaient participé à l’activité dans les rues qu’après ce procès. En effet, beaucoup d’entre eux considéraient que la situation mettait à l’épreuve leur foi. Les arrestations continuèrent, et peu à peu les amendes atteignirent la somme de cinquante couronnes. Certains frères furent arrêtés jusqu’à dix fois, si bien que la police hésitait à intervenir, car toute cette affaire eut un certain retentissement dans la ville.

Le 17 juin 1950, la Cour suprême prononça sa décision. Le jugement du tribunal fut cassé, et les frères acquittés. Ainsi, les Témoins de Jéhovah pouvaient distribuer La Tour de Garde dans les rues sans l’autorisation de la police.

Grâce à ces procès, il fut démontré que notre activité n’est pas illégale et que nous avons le droit de donner le témoignage en distribuant nos imprimés de maison en maison et dans les rues. Depuis ce temps-​là, les autorités n’ont jamais essayé de mettre fin à l’une quelconque de nos activités ici en Norvège.

NOUVELLE ORGANISATION POUR LES CONGRÈS

Comme nous étions heureux de pouvoir tenir des congrès après tant d’années ! Les premières assemblées après la guerre furent organisées en septembre et en octobre 1946, dans les villes les plus importantes : Oslo, Bergen et Trondheim. Aux trois assemblées, il y eut une assistance de 3 011 personnes à la réunion publique, et 52 personnes furent baptisées.

La prochaine grande assemblée se tint à Oslo du 20 au 22 juin 1947. Frères Knorr et Henschel, qui visitaient la filiale, prononcèrent plusieurs discours. Ce fut le plus grand congrès tenu jusque-​là en Norvège. Il y eut quarante baptêmes, et 1 446 personnes écoutèrent frère Knorr prononcer le discours public intitulé “La joie de tous les hommes”.

À l’assemblée ayant pour thème “L’adoration pure”, qui se tint à Lillehammer du 21 au 23 septembre 1951, une assistance record de 2 391 personnes écouta le discours public de frère Knorr sur le sujet “La religion résoudra-​t-​elle la crise mondiale ?” Quatre-vingt-neuf personnes prirent le baptême à cette assemblée.

De 1947 à 1951, le nombre de proclamateurs du Royaume en Norvège passa de 972 à 2 066, soit un accroissement de 113 pour cent en quatre années.

D’AUTRES ASSEMBLÉES

Un groupe de frères norvégiens — 120 en tout — assistèrent à l’assemblée internationale “La volonté divine”, tenue à New York en 1958. Parmi eux il y avait dix-sept prédicateurs à plein temps dont le voyage fut payé grâce aux contributions des frères norvégiens. Les parties les plus importantes du programme de l’assemblée de New York furent présentées lors d’assemblées organisées à Oslo et à Bodø. À Oslo, 3 077 personnes assistèrent à la réunion publique, et il y eut 113 baptêmes — deux records pour la Norvège.

Au cours des années, les frères norvégiens furent invités à assister aux grandes assemblées internationales tenues à l’étranger. Puis, pour la première fois, ils purent à leur tour inviter les Témoins des autres pays à une assemblée organisée en Norvège. Ce fut l’assemblée ayant pour thème “La Parole de vérité”, tenue à Oslo du 17 au 20 juin 1965. À cette occasion, le stade Ullevål fut loué, ainsi qu’un grand terrain en dehors d’Oslo comme emplacement pour les caravanes et les tentes. La veille de l’assemblée, il y eut dans ce stade un match de football entre les équipes nationales de Norvège et de Yougoslavie, devant 30 000 spectateurs. Mais de courageux Témoins travaillèrent dur pendant toute la nuit, si bien que le lendemain matin l’aspect du stade était complètement transformé. Le terrain et les gradins étaient propres, et sur la pelouse se dressaient deux estrades : l’une pour le programme en danois, et l’autre pour le programme en norvégien. Il y avait également un kiosque pour l’orchestre, un entrepôt sur pilotis et deux chalets de style norvégien. Les journalistes furent très impressionnés ; l’un d’entre eux parla de la transformation du stade comme d’un “miracle opéré pendant la nuit”.

Parmi les délégués étrangers, il y avait 7 000 Danois et une centaine venus des États-Unis, du Canada, des Pays-Bas, d’Allemagne et d’autres pays encore. Des excursions furent organisées pour les visiteurs étrangers. Frère Fred Franz, du Béthel de Brooklyn, participa à une de ces excursions, qui l’amena avec un groupe de Témoins à la forteresse d’Akershus, dominant le port d’Oslo. La guide expliqua au groupe de touristes certains détails au sujet de la chapelle du château, puis elle attira leur attention sur une inscription de quatre caractères hébreux au-dessus de l’autel, tout en avouant que personne n’avait pu lui expliquer ce qu’ils signifiaient. Frère Franz saisit l’occasion pour lui dire que ces quatre lettres hébraïques désignent le Nom divin.

L’un des moments mémorables de l’assemblée fut le baptême, le vendredi matin. En effet, 199 nouveaux disciples symbolisèrent l’offrande de leur personne à Dieu, le nombre le plus élevé jamais enregistré à une assemblée en Norvège. Le discours public de frère Knorr, intitulé “Un gouvernement mondial sur les épaules du Prince de la paix”, fut écouté par 12 332 assistants.

GUIDES BIBLIQUES EN NORVÉGIEN

Nous avons déjà dit qu’aussitôt après la guerre il y avait un manque d’imprimés en norvégien. En 1948, cependant, nous avons reçu en cette langue le livre “La vérité vous affranchira”. Depuis décembre 1949, nous utilisions dans le champ l’édition danoise du périodique Réveillez-vous ! mais à partir de janvier 1951, cet excellent journal était disponible également en norvégien. Depuis cette année-​là, nous n’avons plus été obligés d’employer dans la prédication des imprimés dans des langues étrangères, mais pour l’École théocratique nous avons dû utiliser deux manuels en danois.

L’un des guides bibliques que les frères apprécièrent le plus était le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” publié en norvégien en 1951. Aucun autre livre n’avait été autant employé jusque-​là pour conduire des études bibliques à domicile. Puis, en 1969, nous avons reçu un autre auxiliaire biblique précieux, le livre “La vérité qui conduit à la vie éternelle”. C’est le meilleur instrument que nous ayons jamais eu pour les études bibliques.

Il convient de mentionner également le livre L’homme est-​il le produit de l’évolution ou de la création ? (publié en norvégien en 1970). Durant notre première campagne de distribution, en septembre 1970, nous en avons placé 31 727 exemplaires, plus que pendant toute l’année de service 1968. Les proclamateurs étaient très enthousiastes, et beaucoup d’entre eux ont essayé de nouvelles méthodes. Par exemple, plusieurs se sont postés à des carrefours très passants, munis d’un carton de livres ou bien avec une pile de livres sous le bras. D’autres proclamateurs se sont rendus dans des écoles et ont offert ce livre aux étudiants pendant les pauses. Un étudiant est passé au bureau de la Société pour en demander vingt exemplaires pour lui et ses camarades.

“À D’AUTRES VILLES AUSSI”

Jésus Christ se rendit compte qu’il devait annoncer la bonne nouvelle “à d’autres villes aussi”. (Luc 4:43.) Pareillement, en 1952 et en 1953 des efforts spéciaux furent déployés pour que la bonne nouvelle soit annoncée dans les petites villes et les régions rurales de la Norvège, où, malgré tout, il y avait de nombreux habitants. La Société encouragea les frères à visiter ces territoires pendant les mois d’été, et bon nombre de Témoins suivirent ce conseil. Il en résulta que, pendant ces deux années, 60 pour cent des territoires non attribués furent visités. Bon nombre de personnes écoutèrent le message et une quantité considérable d’imprimés fut placée. Les frères revisitèrent ces personnes ou leur écrivirent des lettres, si bien que le bureau reçut les noms de 6 000 personnes à aider spirituellement. Par suite de ces campagnes, beaucoup de proclamateurs allèrent s’installer dans ces territoires et ainsi de nouvelles congrégations virent le jour.

Deux missionnaires de l’École de Galaad prêchèrent en Norvège septentrionale de 1951 à 1953, et ils y connurent de grandes joies. Les hivers passés dans le service leur demandaient de grands sacrifices. La Société leur avait fourni des sacs à dos, des sacs de couchage et des manteaux de fourrure, pour leur permettre de supporter des températures bien au-dessous de zéro. Souvent, ils se déplaçaient à skis. Une fois qu’ils faisaient un parcours à skis, ils ont été pris dans une tempête de neige, avec des rafales tellement fortes qu’ils avaient du mal à rester debout. Ils étaient aveuglés par la neige qui leur fouettait le visage. À chaque arrêt, ils devaient battre des bras pour se réchauffer. Mais ils ont été récompensés quand, finalement, ils sont arrivés à Kiberg. À cette époque, ce petit port ne comptait que 350 habitants, la plupart des communistes, ce qui lui valut le surnom de “petit Moscou”. Les frères ont invité la population à écouter un discours, et plus de quatre-vingt-dix assistants ont rempli la salle. Les frères ont pu commencer plusieurs études bibliques.

Le témoignage dans les territoires non attribués continua à être donné pendant les années suivantes, mais pas au même degré qu’avant. Cependant, vers le milieu des années soixante, de nouveaux efforts spéciaux furent déployés pour prêcher dans ces territoires. Il existait alors encore des endroits où le message du Royaume n’avait pratiquement jamais été annoncé. Des groupes de deux ou de quatre pionniers, parfois plus, se rendirent dans des régions peuplées, afin d’y établir des congrégations. En outre, bon nombre de proclamateurs de congrégation allèrent s’installer là où le besoin était plus grand. D’autre part, la Société encouragea tous les frères à prêcher dans les territoires non attribués pendant les mois d’été. Ainsi des régions entières furent visitées chaque année, et l’on commença de nombreuses études bibliques. Pour permettre aux proclamateurs de conduire ces études par correspondance, le bureau d’Oslo prépara une petite brochure contenant des questions sur le livre “Choses dans lesquelles il est impossible à Dieu de mentir”. Il est réjouissant de constater que l’intérêt pour la vérité suscité dans ces territoires est toujours vivant. Il y a continuellement des proclamateurs qui vont vivre là où le besoin est plus grand, et d’autres profitent des mois d’été pour prêcher dans les territoires non attribués. Ainsi, au cours des années, tous les territoires non attribués ont été visités pendant les mois d’été.

LE BÉTHEL ET LE BUREAU

Comme il n’y a que quelques milliers de proclamateurs en Norvège, le Béthel et le bureau n’ont pas besoin d’être très grands. Aujourd’hui, la famille du Béthel compte quinze membres. Jusqu’en 1956, La Tour de Garde et Réveillez-vous ! en norvégien étaient imprimés par une entreprise d’Oslo. Depuis, ces périodiques sont imprimés par la filiale de la Société en Suède. Nous avons cependant une petite imprimerie ici au Béthel, où nous imprimons Le service du Royaume, les formules, etc.

Nous sommes toujours dans l’immeuble situé au 28 B Inkognitogaten. C’est là, semble-​t-​il, la volonté de Jéhovah, car plusieurs fois au cours des années nous avons essayé sans succès de transférer la filiale ailleurs. En raison de l’accroissement de l’œuvre du Royaume, nous avions besoin de plus de place au Béthel. Lors de sa visite en 1965, frère Knorr a donc décidé que la Société devrait demander aux autorités l’autorisation de bâtir un nouveau Béthel et son bureau sur un beau terrain qu’un frère nous avait donné. Les plans du bâtiment ont été préparés, mais les autorités ne nous ont pas permis de bâtir dans cette partie de la banlieue d’Oslo. Depuis lors, nous avons essayé de nous procurer un autre terrain, mais sans succès.

En 1970, nous sommes arrivés à un tournant. Le deuxième étage de l’immeuble où se trouve la filiale appartenait à un homme qui l’avait mis en location. Constatant que cette propriété ne lui rapportait plus grand-chose, il décida de s’en défaire. On invita donc les frères d’Oslo à rechercher un appartement pour la dame qui habitait à cet étage. Comme ils n’avaient rien trouvé, la dame répondit à une annonce dans un journal. Plus tard, elle devait apprendre que sa lettre a été choisie parmi sept cents réponses ! Plusieurs frères l’aidèrent à refaire son nouveau logement et à déménager.

À présent, nous avons fini de remettre en état et de repeindre le deuxième étage de notre Béthel agrandi, et nous avons procédé à d’autres transformations. Maintenant nous avons largement assez de place. Notre immeuble est bien situé, à quelques minutes du port d’Oslo et de deux gares de chemin de fer. Il se trouve néanmoins dans un quartier agréable et relativement tranquille.

L’ORGANISATION ACTUELLE EST FORTE

Pendant toutes les années au cours desquelles l’organisation a avancé depuis la Seconde Guerre mondiale, certains frères ont assumé de lourdes charges ici en Norvège. Marvin Anderson a été le surveillant de filiale de 1946 à 1963. Depuis 1964, il est responsable de l’imprimerie ici au Béthel. Frère Roar Hagen a été surveillant de la filiale de 1963 à 1969, puis il a dû renoncer à cette charge pour des raisons familiales. Thor Samuelsen, son remplaçant, est l’actuel coordinateur de la filiale.

Aux assemblées de district de 1971, nous avons appris qu’à l’époque apostolique les congrégations chrétiennes étaient servies par un collège d’anciens aidé par des serviteurs ministériels. Cette nouvelle disposition a été acceptée avec joie et elle a apporté de grands bienfaits. En 1974 et en 1975, tous les anciens de Norvège ont eu l’occasion d’assister à l’École du ministère du Royaume, ce qui les a rendus encore plus capables de s’occuper du “troupeau”. — I Pierre 5:1-3.

Depuis 1970, nous avons réalisé un accroissement remarquable. Une nouvelle forme d’activité a sans doute contribué à ce résultat. En 1973, les frères de Norvège ont été invités à l’assemblée internationale organisée au Danemark. Là, à Copenhague, ils ont appris qu’il y aurait des campagnes de distribution des Nouvelles du Royaume. La première de ces campagnes s’est effectuée en Norvège pendant dix jours, à partir du 21 septembre 1973. Grâce à cette activité, un plus grand nombre de personnes ont participé au service du champ. De septembre 1972 à septembre 1973, nous avons eu 1 119 nouveaux proclamateurs, soit un accroissement de 19,4 pour cent.

Beaucoup de personnes se sont intéressées à la vérité grâce à ces campagnes de dépliants. Après avoir lu les Nouvelles du Royaume N16, un homme a téléphoné au numéro indiqué à la dernière page. Il a accepté une étude biblique. Après trois études, il a cessé de fumer, et après trois autres visites, il s’est retiré de l’Église. Il a également apporté des changements dans sa coiffure, sa barbe et sa tenue. Il a assisté régulièrement aux réunions avec sa femme. Ses progrès ont été tellement rapides qu’il a été baptisé environ six mois après avoir reçu le dépliant. Aujourd’hui, lui et sa femme sont de zélés proclamateurs du Royaume.

Nous avons déjà distribué plusieurs numéros des Nouvelles du Royaume, ce qui nous a permis de donner un grand témoignage. Beaucoup de nouveaux sont devenus actifs dans le service du champ. Du 1er au 10 mai 1976, nous avons distribué 800 000 dépliants, et ce mois-​là 7 405 personnes ont pris part au service du champ. Au Mémorial célébré le 14 avril 1976, il y a eu 13 037 assistants. Nous espérons donc que bien d’autres personnes encore participeront à la justification du nom de Jéhovah.

Pendant les trente années qui se sont écoulées de 1945 à 1975, le nombre de proclamateurs du Royaume en Norvège est passé de 689 à 7 543, soit, en gros, un accroissement de 1 000 pour cent ! Au cours de la même période, le nombre des congrégations est passé de 40 à 197, et celui des circonscriptions, de quatre à onze. Et l’accroissement continue !

EN AVANT DANS L’ŒUVRE DE JÉHOVAH !

La bonne nouvelle du Royaume est actuellement annoncée partout en Norvège. Elle a pénétré jusque dans l’île la plus lointaine et jusqu’au fin fond des fjords, des vallées et des forêts. Dans nos efforts pour annoncer la vérité, nous avons connu des changements, marqués tantôt par des progrès, tantôt par des difficultés. Les progrès nous ont fortifiés et les difficultés nous ont purifiés. Une chose est sûre : nous avons été abondamment bénis par Jéhovah pendant les quatre-vingt-quatre années qui se sont écoulées depuis que Knud Hammer arriva en Norvège en 1892, afin d’y prêcher la bonne nouvelle.

En dehors des années de la guerre (1941-​1945), notre œuvre n’a pas rencontré une forte opposition de la part des hommes politiques ou des Églises. En règle générale, les Norvégiens respectent l’opinion d’autrui et ne se laissent pas facilement inciter par des fanatiques religieux ou politiques. Par ailleurs, il devient évident pour tous que l’influence des Églises diminue, surtout parmi les jeunes qui sont contre les méfaits commis au nom de la religion.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, le niveau de vie des Norvégiens a monté rapidement. Le matérialisme s’est emparé des gens, si bien que les chrétiens doivent se méfier de ses pièges. La criminalité et la toxicomanie progressent d’une façon alarmante, et le niveau des mœurs est en baisse.

Mais les serviteurs de Dieu marchent dans “les sentiers de Jéhovah” et ils connaissent sa bonté de cœur (Ps. 25:10). Les Témoins de Jéhovah de Norvège sont heureux de constituer un groupe de vrais adorateurs actif, uni et qui connaît un accroissement rapide. Nous prions Jéhovah Dieu pour qu’il continue de nous trouver dignes d’accomplir sa grande œuvre ici en Norvège, “le pays vers le Nord”.

[Carte, page 196]

(Voir la publication)

NORVÈGE

Kirkenes

Narvik

Bodø

Cercle polaire arctique

Namsos

Trondheim

Kristiansund

Florø

Lillehammer

Sognefjord

Bergen

Oslo (Kristiania)

Moss

Skien

Stavanger

Kristiansand

URSS

FINLANDE

SUÈDE

DANEMARK

[Illustration, page 216]

Un pionnier muni d’une serviette et d’un phonographe. À l’arrière-plan, le “Rut” (Ruth), bateau employé pour prêcher le long de la côte.

[Illustrations, page 239]

Bureau et famille du Béthel à Oslo.