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La France

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La France

Avec ses 550 000 kilomètres carrés, la France est le plus grand pays d’Europe, à l’exception de l’Union soviétique. Les Français ont coutume d’appeler leur territoire l’“hexagone” (figure géométrique à six côtés). Vous en comprendrez la raison en vous reportant à la carte de France reproduite dans le présent ouvrage. Le pays est embelli par les plages de la Manche et de l’Atlantique, le littoral méditerranéen et les pics neigeux, empreints de majesté, des Alpes et des Pyrénées.

La France est une république administrativement divisée en 96 départements dont la Corse. Sa population, d’environ 53 millions d’habitants, est constituée par un mélange de divers types d’hommes qui présentent certains caractères de leurs ancêtres lointains: Méditerranéens, Celtes, Germains et Latins. On parle actuellement le français dans tout le territoire, bien que l’allemand, ou un dialecte local, ait encore cours chez les personnes âgées en Alsace-Lorraine. Nombre de mineurs émigrés de Pologne après la Première Guerre mondiale parlent le polonais. On rencontre aussi un grand nombre d’Italiens et d’Algériens ainsi que beaucoup d’Espagnols et de Portugais qui ont immigré en France plus récemment. Leurs langues sont donc très répandues dans tout le pays.

La France est catholique dans son ensemble, le nombre des protestants ayant sérieusement diminué avec les persécutions des XVIe et XVIIsiècles. Dans son commentaire sur la situation religieuse en France, l’Encyclopédie britannique déclare ce qui suit:

“Phénomène commun à tous les pays occidentaux, mais particulièrement net en France, la majorité des gens abandonnent la religion. Ce mouvement va de pair avec la poussée de l’industrialisation et de l’urbanisation. Alors que la classe rurale en général demeure attachée à la foi traditionnelle, la population urbaine, et notamment celle des banlieues, amorce un processus de déchristianisation.”

RUSSELL POSE LE FONDEMENT

L’activité des Témoins de Jéhovah en France remonte à la fin du XIXsiècle. En 1891, Charles Russell, président de la Société Watch Tower, se rendit à Paris et consigna ses impressions sur les perspectives de l’œuvre en France dans La Tour de Garde de Sion (en anglais) de novembre 1891. Il dit: “Les Français avancent à grands pas vers l’incroyance déclarée, bien que la superstition romaine aveugle encore nombre d’entre eux.”

Cette mauvaise impression n’empêcha pourtant pas frère Russell de faire traduire en français les Études des Écritures ainsi que plusieurs tracts, posant ainsi le fondement de la prédication de la bonne nouvelle qui s’effectuerait dans ce pays.

UN OBSCUR BÛCHERON SUISSE

Dans les années 1890, un obscur bûcheron suisse, qui s’appelait Adolphe Weber, se rendit aux États-Unis. Devenu jardinier de frère Russell, à Pittsburgh, il acquit auprès de lui une grande connaissance des Écritures. Par la suite, Weber se proposa de retourner en Europe pour évangéliser les pays d’expression française. Frère Russell accepta son offre et convint de financer l’œuvre de prédication en Europe francophone.

Adolphe Weber était un homme simple à l’allure paysanne. Mais c’était aussi un chrétien fervent et mûr qui connaissait bien l’anglais, le français et l’allemand. De retour en Suisse, il fit paraître, dans les revues et journaux religieux de langue française, des annonces concernant le premier volume des Études des Écritures et les brochures écrites par frère Russell.

PREMIERS SIGNES D’INTÉRÊT

Le 12 août 1900, un Français du nom d’Élie Thérond, qui demeurait dans le petit village de Beauvène, dans l’Ardèche, répondit à l’annonce et commanda des écrits bibliques. Élie reconnut le son de la vérité et répandit bientôt le message à son tour. Plus tard, en 1905, sa maison abrita le premier dépôt de publications de la Watch Tower en France.

En 1901, Jean Baptiste Thilmant, épicier de son état, qui vivait dans un village minier près de Charleroi, en Belgique, lut aussi l’une des annonces de frère Weber et commanda des publications. En 1902, il organisa chez lui un petit groupe d’étudiants de la Bible. Ce groupe fut plus tard à l’origine de l’implantation de la vérité dans le nord de la France, comme nous le verrons bientôt.

En 1903, frère Russell visita à nouveau l’Europe et prit des dispositions, avec frère Weber, pour faire paraître La Tour de Garde de Sion en français. Le premier numéro parut en octobre 1903; il s’agissait d’une édition trimestrielle de 8 pages. En janvier 1904, ce périodique devint mensuel.

LA “CULTURE” DU SOL FRANÇAIS

À la suite des annonces publiées par frère Weber, de plus en plus de gens commandaient les écrits bibliques de la Société et les étudiaient. Pendant l’été, Weber travaillait en Suisse, comme jardinier et bûcheron, et distribuait des tracts en prêchant parmi les Suisses d’expression française. Puis il entreprenait de longs voyages en France et en Belgique, pour rendre visite à ceux qui avaient commandé des publications ou qui avaient souscrit un abonnement à La Tour de Garde. Au cours de ses voyages, il jardinait ou se livrait à des tâches diverses pour subvenir à ses besoins. Grâce au service dévoué de frère Weber, la vérité se répandit dans différentes régions de France.

En 1904, frère Weber rendit visite à la famille Thilmant, près de Charleroi, en Belgique. Il lui montra la façon de distribuer les tracts à la sortie des temples protestants et l’encouragea à étendre ses activités dans le nord de la France. Ainsi, en août 1904, Thilmant et sa petite fille Joséphine prirent le train pour Denain, ville minière du nord de la France, où ils diffusèrent des tracts ainsi que La Tour de Garde à la sortie de l’église baptiste. Plusieurs baptistes lurent ces publications avec intérêt et s’abonnèrent à La Tour de Garde. Ils ne tardèrent pas à poser des questions embarrassantes à leur pasteur, lequel leur intima finalement l’ordre de ne plus fréquenter son église. Ils décidèrent alors de se réunir pour étudier la Bible chez Jules Lequime, à Haveluy, près de Denain. Entre parenthèses, il est intéressant de noter que les enfants et petits-enfants de ces familles de Denain, — les Lequime, Vaucamp et Polard, — sont aujourd’hui encore des Témoins actifs; deux de leurs petits-fils sont actuellement surveillants de circonscription en France.

En 1906, frère Weber rendit visite à ce groupe de Denain et l’aida à s’organiser. La congrégation de Denain commença alors à distribuer des tracts à la sortie du temple protestant dans la ville voisine de Sin-le-Noble. C’est ainsi que plusieurs familles s’intéressèrent à la vérité, y compris la famille Palmaert. Frère Weber organisa leur groupe qui se réunissait au domicile de Victor Jupin. Ce frère mourut le 15 novembre 1969, après avoir servi fidèlement Jéhovah pendant 60 ans.

Le pasteur baptiste de Denain nourrissait encore l’espérance de voir revenir à sa bergerie ces étudiants de la Bible qui l’avaient quittée. Il pensait en lui-​même: ‘Attends que l’un d’eux meure ou souhaite se marier! Tu verras qu’on viendra me demander de célébrer la cérémonie!’ Ses espoirs furent anéantis, d’abord en 1906 lorsqu’un frère mourut, puis en 1907 quand deux des filles Lequime se marièrent. Les frères de la congrégation locale des Étudiants de la Bible assurèrent le service.

Pendant ce temps, l’œuvre progressait plus au sud. En 1907, un instituteur de Rennes diffusait le tome I de L’aurore du Millénium ainsi que La Tour de Garde dans les milieux catholiques de Bretagne. Il y avait trois dépôts de publications en France où l’on pouvait également souscrire un abonnement en français à La Tour de Garde. À la fin de 1907, La Tour de Garde lançait un “Appel aux volontaires”.

Au cours des années 1908 et 1909, les congrégations de Denain et de Sin-le-Noble prêchèrent dans le territoire alentour et formèrent des groupes d’étude dans d’autres villes du nord de la France, notamment à Lens et à Auchel, dans le département du Pas-de-Calais.

PREMIÈRES VISITES DES PÈLERINS

De décembre 1908 à février 1909, Weber visita en tant que pèlerin les groupes et les frères isolés de 20 départements, se rendant notamment et successivement dans les villes de Besançon, Grenoble, Valence, Bordeaux, Nantes, Rennes, Angers, Paris et Nancy. À la même époque, la vérité pénétrait pour la première fois en Alsace-Lorraine. Frère Schutz, à Sainte-Marie-aux-Mines, et d’autres Étudiants de la Bible, dans la petite ville de Petersbach, diffusaient la traduction allemande de l’ouvrage Nourriture pour les chrétiens réfléchis.

En décembre 1909 et en janvier 1910, trois frères pèlerins, A. Meyer, S. Seguier et Adolphe Weber, visitèrent 34 villes de France et tinrent des réunions dans la plupart d’entre elles, dont une à Roubaix, grand centre de l’industrie textile dans le Nord, où une congrégation fut formée. C’est à Paris qu’ils restèrent le plus longtemps, du 18 au 20 décembre 1909, ce qui démontre que l’intérêt pour la vérité commençait à s’éveiller dans la capitale. Cette année-​là, Le Phare de La Tour de Sion changea de nom pour devenir La Tour de Garde, titre sous lequel ce périodique paraît encore aujourd’hui.

En 1910 fut publié le premier numéro en langue française de “La Tribune du Peuple”. L’édition d’avril 1910 de La Tour de Garde reproduisit un nouvel “Avis aux volontaires” ainsi rédigé: “Nous avons maintenant une grande provision de ‘Tribune du Peuple’ dont le N1 vient de paraître, tiré à 100 000 exemplaires. C’est un numéro spécial qu’on peut donner à tout le monde.”

L’année 1910 se termina avec une nouvelle tournée de frère Weber en France. Parti le 22 décembre 1910, il termina son périple le 28 janvier 1911. Son service de pèlerin lui permit de visiter 30 groupes d’Étudiants de la Bible. Peu avant son départ, une assemblée générale des Étudiants de la Bible avait eu lieu dans le nord de la France, à Lens, les 4 et 5 décembre 1910.

RUSSELL EFFECTUE DEUX AUTRES VISITES EN FRANCE

L’événement majeur de 1911 fut la visite du président de la Société, Charles Russell. Le 14 avril, il s’adressa à un auditoire de plus de 100 personnes réunies en assemblée à Denain. Le lendemain, 70 autres l’attendaient à Lens. Les Étudiants de la Bible de Belgique assistaient à ces assemblées. À cette occasion, Charles Russell eut l’appui des frères Weber et Freytag. Ce dernier, Suisse lui aussi, commençait à jouer un rôle important dans l’administration de l’œuvre dans les pays francophones.

Frère Russell entreprit un tour du monde de décembre 1911 à mars 1912. Dans ses notes de voyage (Souvenir Notes), il rapporta: “De Rome, nous nous sommes rendus à Paris où nous avons rencontré le petit groupe d’Étudiants internationaux de la Bible à l’œuvre dans cette grande ville.” Au cours de son voyage, Russell prit des dispositions pour créer à Genève, en Suisse, un “bureau français”. Ouvert en juin 1912, ce bureau supervisait l’œuvre en France, en Belgique et en Suisse romande. Frère Russell nomma Émile Lanz, dentiste suisse demeurant à Mulhouse, responsable de cette filiale. Lanz eut recours aux services d’Alexandre Freytag qui l’aida à traduire La Tour de Garde en français.

Ainsi, Adolphe Weber, qui avait jusqu’alors fidèlement supervisé l’œuvre en Europe, céda la place à Lanz et à Freytag, plus instruits que lui. Frère Weber garda néanmoins un bon état d’esprit et poursuivit son activité de pèlerin auprès des congrégations et des frères isolés d’expression française. En décembre 1912, il entreprit une grande tournée en France, au cours de laquelle il se rendit dans 42 villes et villages.

UNE LETTRE DU PRÉSIDENT

Le numéro de mars 1913 de La Tour de Garde publiait une lettre de frère Russell destinée aux frères d’expression française. Elle disait entre autres choses:

“J’ai été heureux d’apprendre dernièrement que l’intérêt des frères de France, de Suisse, de Belgique et d’Italie est croissant, profond et grand. Cette condition de choses me réjouit. (...) Il faut que je vous dise quelques mots au sujet des avantages de l’œuvre des distributeurs volontaires, de ceux qui répandent les traités gratuits, sagement, partout où il y a vraiment des lecteurs pour les lire. Cette œuvre doit sans doute se faire surtout dans les endroits protestants, ce qui sera indiqué par le bureau de Genève. (...) J’espère que l’année présente sera une année de grands efforts en France et par conséquent de grandes bénédictions pour tous les volontaires, collaborateurs dans l’œuvre de la moisson. Il paraît que l’œuvre de colportage n’a pas autant de succès en France qu’ailleurs. Nous le regrettons, mais nous devons nous y soumettre.”

Plusieurs assemblées furent organisées en France avant la Première Guerre mondiale. L’une d’elles eut lieu en mars, à Lens, et une autre, toujours dans le Nord, à Denain, au cours de l’été. L’on dénombra 260 assistants à ces congrès de deux jours.

RUSSELL ET RUTHERFORD À PARIS

Le 31 août 1913, frère Russell s’arrêta de nouveau à Paris et tint une réunion à la Salle de l’Exposition d’Agriculture, rue d’Athènes, près de la gare Saint-Lazare. Y assistaient 70 frères, dont certains venaient de Belgique, de Suisse et d’Allemagne.

Quelques semaines plus tard, le 19 septembre 1913, frère Rutherford prononça lui aussi un discours public à Paris. Le lendemain, il en donna un au Grand Théâtre de Denain, devant plus de 1 000 assistants!

RAPPORTS PRÉCÉDANT LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

Dans le compte rendu qu’il adressa à frère Russell sur l’œuvre accomplie en 1913, en France et en Suisse française, frère Émile Lanz écrivait: “Nous avons décidé de concentrer nos efforts spécialement sur les parties du pays dans lesquelles les protestants, héritiers des huguenots, et les adhérents d’autres sectes protestantes sont établis. Nous y organisons des conférences publiques, nous recueillons les adresses de ceux qui manifestent de l’intérêt (...). La Tour de Garde a 800 abonnés (...). Le service des frères pèlerins est localisé aux centres de la Suisse romande, de la France septentrionale et de la Belgique où existent des églises [congrégations].”

Au cours de cette période, du début du siècle à 1913, on s’était intéressé essentiellement aux protestants français, lesquels constituaient seulement un et demi pour cent de la population, et encore pas à tous les protestants, mais surtout à ceux du nord de la France.

L’année 1914 marqua l’extension de l’œuvre en Alsace. Le 20 février, les frères de Mulhouse organisèrent une réunion publique à Strasbourg, la première. Émile Lanz prononça le discours “Où sont les morts?” devant une importante assistance, et 350 personnes communiquèrent leur adresse aux frères. L’intérêt suscité fut suivi par un frère colporteur d’Allemagne, et c’est ainsi qu’un petit groupe d’Étudiants de la Bible fut formé à Strasbourg. En juillet, sept nouveaux frères furent baptisés.

DES TEMPS DIFFICILES EN FRANCE

La Tour de Garde du mois d’août 1914 annonçait une assemblée générale à Denain, les 15 et 16 de ce mois. Or, le 3 août 1914, l’Allemagne déclara la guerre à la France, et il fallut annuler l’assemblée. Début août, l’Allemagne envahit la Belgique et le Nord de la France. Des frères évacuèrent la zone occupée pour se fixer à Paris où ils se joignirent à la petite congrégation qui y existait déjà. D’autres frères demeurèrent sur place et continuèrent à prêcher. Bien que la région fût occupée par les Allemands, les frères de Denain et des environs tinrent leurs réunions tous les dimanches. Les frères belges de Charleroi leur envoyaient des copies manuscrites de La Tour de Garde.

Plus au sud, Théophile Lequime, qui avait quitté Denain pour s’établir dans la région parisienne, traduisait les articles de La Tour de Garde et les polycopiait pour les frères. Ainsi, de chaque côté du front, les frères recevaient la nourriture spirituelle. Toutefois, certains chrétiens oints, dont Émile Lanz, se montraient de plus en plus déçus. Ils voyaient 1914 toucher à sa fin et ils n’étaient toujours pas “emportés dans les nuées à la rencontre du Seigneur dans les airs”, suivant la compréhension qu’ils avaient alors de I Thessaloniciens 4:17. De toute évidence, l’œuvre entrait dans une période difficile pour les territoires francophones.

Dans le rapport sur l’année de service 1915 qu’il adressa à frère Russell, Lanz s’étendit longuement sur les activités du bureau de Genève, mais ne fit aucune allusion aux efforts faits précédemment, efforts grâce auxquels l’œuvre avait connu l’extension qui avait justifié l’ouverture du bureau. Ayant des doutes quant à la façon dont Lanz s’acquittait de sa tâche, frère Russell envoya Conrad Binkele (Américain d’origine allemande) de Brooklyn en Suisse, en 1916, pour qu’il se livrât à une enquête. Lanz en éprouva du dépit, manifesta un esprit rebelle et se retourna finalement contre la Société. Ainsi, frère Binkele prit la direction du bureau central de la Suisse, à Zurich, et Alexandre Freytag celle du bureau français de Genève. La crise était passée.

UNE CRISE PLUS GRAVE APPROCHE

Frère Freytag, qui traduisait en français les écrits de la Société, prit alors des libertés avec le texte original et se mit à insérer ses pensées personnelles dans La Tour de Garde. Frère Weber remarqua ces altérations et en informa Brooklyn. Frère Russell, qui venait de confier à Freytag la responsabilité du bureau de Genève, écrivit à Weber: “Si c’est un mauvais serviteur, il se manifestera.”

Le 31 octobre 1916, frère Russell mourut. Sa mort sema le doute dans l’esprit des frères et les éprouva, dans l’attente où ils se trouvaient de connaître son successeur. Finalement, frère Rutherford fut élu président de la Société en janvier 1917.

Plus tard, dans une lettre envoyée à Freytag, frère Rutherford encouragea les frères français ‘à suivre le programme établi pour les questions béréennes’. Cette expression concernait les questions fournies aux groupes d’étude de La Tour de Garde. Il semble qu’en 1917 les congrégations d’expression française avaient négligé ces études béréennes, ce qui expliquait la lettre de frère Rutherford.

Si frère Rutherford mit l’accent sur les questions béréennes, c’était aussi pour aider les frères à adhérer étroitement à la vérité telle qu’elle était publiée par la Société. Vraisemblablement, frère Rutherford n’ignorait pas que Freytag incorporait ses idées personnelles dans La Tour de Garde lorsqu’il la traduisait. La lettre de frère Rutherford, destinée à être lue à l’assemblée organisée par Freytag à Genève, du 6 au 8 octobre 1917, est très significative à cet égard. Nous citons:

“Je saisis l’occasion présente pour vous saluer dans l’amour de Christ et vous assurer de ma sympathie et de tout l’intérêt que je porte à votre bonheur spirituel et temporel. (...) Les épreuves ardentes qui sont permises afin de montrer ceux qui sont agréés et ceux qui ne le sont pas, ont pour but d’établir ce classement. (...) Tous ceux dans le cœur desquels se trouve l’orgueil ou de l’ambition sont en très grand danger, car les esprits déchus profiteront de cette faiblesse pour prendre avantage sur ces personnes-​là et pour les vaincre si elles ne réagissent pas fortement contre ces tendances. Toute racine d’amertume dans le cœur ouvrira le chemin, et le malin entrera par cette brèche. (...) Soyons des messagers, des serviteurs de la vérité, et non de l’erreur. Fuyons les discussions vaines et détournons-​nous de toute calomnie et médisance. (...) Dieu aime la fidélité et la loyauté, ce qui signifie que nous devons être loyaux à Dieu, loyaux au Maître, loyaux à sa cause et à la méthode qu’il a organisée pour la diffusion du message de son beau Royaume.”

Bien qu’il sût se montrer chaleureux et généreux envers ses collaborateurs, frère Rutherford était également brusque et direct. Il se méfiait de ceux qui cherchaient à s’attirer ses faveurs. Par ailleurs, Freytag était le genre d’homme qui attachait de l’importance au développement de la personnalité, il aimait attirer l’attention sur lui-​même et susciter l’admiration, surtout parmi les sœurs. Il était donc de ceux que Rutherford ne manquerait pas de froisser.

Dans son rapport sur l’œuvre en France, qui parut dans le numéro de décembre 1918 de La Tour de Garde, Freytag critiqua ouvertement le ‘siège mondial’ qui lui avait notifié que, dorénavant, le bureau de Genève devait se suffire à lui-​même sur le plan financier. Il faut se souvenir qu’à l’époque frère Rutherford et sept de ses compagnons du Béthel étaient emprisonnés à Atlanta. Freytag semblait raisonner de la sorte: ‘Russell est mort. Ses collaborateurs ont été incarcérés. Selon Révélation 3:15-21, ils constituent donc les Laodicéens modernes que Dieu a vomis de sa bouche. Je suis le messager du Seigneur. Dieu m’a choisi pour établir la nouvelle terre et pour conduire son peuple.’

LA CONGRÉGATION DE PARIS INFORME PITTSBURGH

Le 19 janvier 1919, eu égard à cette situation, la congrégation de Paris écrivit une lettre au bureau de Genève et adressa une copie de cette même lettre au siège de la Société qui avait été provisoirement transféré à Pittsburgh, en Pennsylvanie. Elle faisait état de la ‘traduction défectueuse’ en langue française des livres, brochures et périodiques, traduction qui “révèle tant d’écarts de sens que les frères hésitent à vendre ou à distribuer plusieurs des publications”. La congrégation exprimait ses regrets quant aux “procédés d’un des gérants responsables du bureau de Genève”. La lettre était signée par frère H. Roussel, secrétaire, au nom du comité des anciens de la congrégation de Paris.

Ce même mois de janvier 1919, la congrégation de Paris forma ce qu’elle appela le “Comité centralisateur”, en remplacement du bureau de Genève, parce que, selon elle, les directives provenant de Genève n’étaient plus celles du Seigneur.

FREYTAG CHERCHE L’INDÉPENDANCE

Avec La Tour de Garde d’avril 1919, Freytag fit apparaître son nom en deuxième page du périodique, non plus comme “gérant responsable” du bureau de Genève, mais comme “rédacteur” de La Tour de Garde. Comme l’édition française du périodique ressemblait de moins en moins à l’original anglais, certains frères suisses prirent l’initiative de publier une traduction plus fidèle du texte initial. Il fut donc un temps où deux éditions françaises de La Tour de Garde circulaient parmi les frères.

En août 1919, Freytag transféra une partie du stock des publications de la Société ainsi que d’autres articles à son domicile personnel. Il n’ignorait pas qu’au mois de janvier la congrégation de Paris avait mis Pittsburgh au courant de la situation ni que, le 25 mars 1919, frère Rutherford avait été libéré de prison. Se doutant que la Société allait agir à son encontre, il commença donc à détourner ce qu’il comptait bien s’approprier.

Finalement, dans le numéro de septembre 1919 de La Tour de Garde, Freytag écrivit un article selon lequel c’était auprès de lui, à Genève, que se trouvait la vérité.

UN MAUVAIS ESCLAVE EST REJETÉ

Le numéro suivant de La Tour de Garde anglaise comportait une lettre de frère Rutherford à l’intention de tous ses lecteurs d’expression française. On y lisait entre autres:

“Chers frères en Christ,

“(...) Agissant comme représentant du Seigneur, frère Russell installa, il y a plusieurs années, à Genève (Suisse), un bureau succursale de la ‘Watch Tower Bible and Tract Society’ et nomma le frère A. Freytag comme représentant local. La position du frère Freytag était celle d’un simple serviteur de la Société et du Seigneur. (...) Jamais il ne fut autorisé à publier un journal ou traité quelconque, ou à répandre des publications en dehors de ce qui fut écrit par frère Russell ou sous sa direction. (..) Son cas semble très grave, puisqu’il prétend maintenant que le Seigneur l’a désigné comme le messager spécial qui doit achever l’œuvre pour l’Église.

“À cause de sa conduite infidèle, l’administration de la ‘Watch Tower Bible and Tract Society’ a prononcé sa déposition et lui a enlevé toutes les affaires relatives à la filiale de langue française et les a placées entre les mains de frère C. Binkele. Ce dernier est autorisé à choisir, avec mon assentiment, un frère français pour diriger l’œuvre française sous sa surveillance.”

FREYTAG TRADUIT EN JUSTICE

Bien que Freytag fût légalement démis de ses fonctions de représentant de la Watch Tower Bible and Tract Society, l’affaire n’en resta pas là. Le personnel du bureau prit son parti et refusa de quitter les locaux de la Société situés 7 rue de La Tour-Maîtresse, à Genève. Freytag détenait aussi le fichier des abonnés à La Tour de Garde, le stock de publications et le matériel très coûteux utilisé pour projeter le Photo-Drame de la Création, En outre, il continuait à publier un périodique intitulé La Tour de Garde.

Des frères s’efforcèrent de persuader Freytag de rendre les biens de la Société, mais sans résultat. En désespoir de cause, l’affaire fut portée devant le tribunal, et Freytag fut contraint de restituer les biens qu’il avait dérobés à la Société. Le bureau de Genève fut officiellement fermé et transféré à Berne.

Toute cette affaire mit naturellement à l’épreuve les frères de France, de Belgique et de Suisse romande. En Suisse, quelques frères suivirent Freytag, qui fonda une secte pour laquelle il était “le messager du Seigneur”. Avec les subsides de ses disciples, il acheta par la suite une vaste maison, près de Genève, d’où il dirigea la secte. Cette dernière existe toujours en France sous le nom des “Amis de l’homme”.

LA PAIX RÉTABLIE, IL S’ENSUIT DE GRANDS PROGRÈS

L’œuvre de prédication dans les pays francophones prit un nouveau départ. Après que le cas Freytag eut été réglé, les frères français tinrent une petite assemblée à Paris le 28 septembre 1919, assemblée où l’on observa un excellent esprit d’unité et de paix. Les frères étaient résolus à coopérer avec les responsables nommés par le président de la Société. Le “Comité centralisateur” fut dissous, puisqu’il ne représentait, en l’espèce, qu’une ‘mesure défensive’ à l’encontre des agissements du bureau de Genève jusqu’à ce que la Watch Tower Bible and Tract Society ait réorganisé l’œuvre.

Il n’y eut plus qu’une seule Tour de Garde en français, frère Adolphe Weber faisant partie du comité de traduction. Frère Rutherford écrivait aux frères d’expression française une lettre qui parut dans La Tour de Garde de novembre 1919. Après avoir exprimé ses regrets sur l’affaire Freytag et expliqué que frère Ernest Zaugg serait dorénavant responsable, à Berne, de l’œuvre en langue française, il déclara:

“Nous espérons maintenant que le Seigneur prendra plaisir à faire régner l’unité et l’harmonie parmi les amis de langue française (...). Si les circonstances avaient été plus favorables, j’aurais eu la joie d’aller vous rendre visite, mais en ce moment de grande détresse qui frappe individus et nations, nous trouvons qu’il nous est impossible de le faire. Si, cependant, par la providence du Seigneur, la voie m’est ouverte l’an prochain, j’espère y aller.”

Frère Rutherford réorganisa l’œuvre en France comme suit: Depuis Zurich, Conrad Binkele exerçait les fonctions de représentant général. À Berne, Ernest Zaugg était le gérant de ce qu’on appelait “l’œuvre française”, sous la supervision de frère Binkele. Sur place, frère Zaugg avait deux “assistants et conseillers”: Joseph Lefèvre, à Paris, et Émile Delannoy, au Havre. Lefèvre était responsable de l’édition des publications en français, et Delannoy des congrégations françaises. En outre, frère Henri Roussel s’était vu confier un dépôt de publications à son domicile personnel, 11 rue du Rhin, à Paris.

Le 27 août 1919 fut formée l’Association internationale des Étudiants de la Bible dont le siège social était situé à Paris, 11 rue du Rhin. L’œuvre en France était toujours supervisés par la filiale de Suisse, mais cette association locale lui donnait un fondement légal.

Au début de 1920, frère Zaugg effectua un long voyage au cours duquel il visita les frères de France (dont ceux d’Alsace-Lorraine) et de Belgique. De retour à Berne, il leur écrivit la lettre suivante:

“Nous avons été profondément touchés de voir le zèle des frères et sœurs qui n’attendent que le mot d’ordre de la Société et les instruments nécessaires pour commencer partout le travail d’extension dans l’œuvre de la moisson. Nous avons reçu partout la conviction que les terribles épreuves des années écoulées n’ont pas été sans fruit chez nos bien-aimés en France, en Belgique et en Alsace, et nous pensons que le Maître suprême a ainsi préparé les siens pour terminer aujourd’hui par ses instruments, l’œuvre qui reste à faire en pays de langue française.”

La qualité de l’enseignement donné par les frères fut améliorée quand on utilisa une révision écrite de quatre pages comportant vingt-deux questions pour VDM — Verbi Dei Minister (ministres de la Parole de Dieu). Les frères français envoyaient ces questionnaires remplis au bureau de Berne où ils étaient corrigés. Ceux qui répondaient de manière satisfaisante à au moins 85 pour cent des questions étaient reconnus aptes à servir comme ministres de la Parole de Dieu.

En France, l’année 1920 vit aussi la nomination de pèlerins français. Le premier, Alfred Durieu, originaire de Roubaix, avait déjà été colporteur. En août, Joseph Lefèvre, de Paris, entreprit aussi ce service et visita les frères isolés au sud-est du Massif central, région négligée du temps où Lanz et Freytag dirigeaient l’œuvre en France. En décembre 1920, frère Émile Delannoy fut nommé pèlerin en France, et frère Werner Giger pèlerin lui aussi en Alsace-Lorraine et en Sarre.

Au terme de la Première Guerre mondiale, l’Allemagne restitua l’Alsace-Lorraine à la France, laquelle reçut aussi le bassin houiller de la Sarre à titre de dédommagement, bien que l’administration du territoire sarrois proprement dit fût confiée pour 15 ans à la Société des Nations. L’activité chrétienne dans ces deux régions fut néanmoins dirigée par le bureau de la Société de Berne.

VISITE DE RUTHERFORD — UNE ORGANISATION NOUVELLE

Comme il l’avait souhaité, frère Rutherford vint à Paris en septembre 1920. Le 19 de ce mois, il se réunit avec 120 frères, dont près de 40 étaient venus de Belgique et d’Alsace. Frère Alfred Durieu lui servit d’interprète. Le soir, frère Rutherford prononça un discours public à la Salle des Sociétés Savantes, devant un millier de personnes dont 300 donnèrent leur adresse pour être visitées.

À la fin de 1920, on annonça la création du bureau central européen. Ce bureau, situé à Zurich (et appelé auparavant “filiale allemande de Suisse”), dirigeait l’œuvre en Suisse, en France, en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Autriche et en Italie. Frère Binkele en fut nommé responsable, et frère Zaugg fut maintenu à la direction du bureau de Berne, pour surveiller l’“œuvre française”.

LE PHOTO-DRAME DONNE D’EXCELLENTS RÉSULTATS

En 1920, le Photo-Drame de la Création fut utilisé en France d’une manière intensive. À Denain, par exemple, 900 personnes assistèrent à sa projection. On enregistra de meilleurs résultats encore en Alsace-Lorraine et en Sarre. La Tour de Garde d’avril 1921 rapporte ce qui suit:

“Le Photo-Drame a eu un succès complet dans différentes contrées en Alsace-Lorraine et dans le bassin de la Sarre. Le plus grand succès a été obtenu à Saarbrücken, Völklingen et Strasbourg. (...) Malgré que la salle offrait environ 3 000 places, un grand nombre d’intéressés a dû être renvoyé tous les soirs. (...) À Vöklingen, nous dûmes même commencer les séances, annoncées pour 8 heures, à 6 heures 30 et les commerçants fermaient spécialement les magasins plus vite, afin de pouvoir assister au Photo-Drame. À Strasbourg, lors de la quatrième séance, un auditoire de 2 000 personnes écoutait avec un intérêt extraordinaire et un profond recueillement jusqu’à 11 h 30 les merveilleuses explications du rétablissement du royaume de Dieu. Prions notre bon Père céleste pour que cette semence porte beaucoup de fruits.”

Nul doute que Jéhovah a béni les efforts qui ont été faits dans ce territoire pour que soient connus son nom et son Royaume. Dans le numéro de La Tour de Garde d’août 1921, le pèlerin suisse Werner Giger publia le rapport suivant:

“Ici à Strasbourg la fréquentation des réunions est toujours très bonne. Même le dimanche, pour les Études béréennes sur le volume VII, une centaine de personnes viennent, tandis qu’autrefois nous n’étions que 50. À Brumath il se forme un cercle de 30 intéressés qui ne manquent jamais et qui croissent visiblement en connaissance. (...) Ici à Strasbourg 10 frères et sœurs se sont offerts pour le colportage. Je reviens à l’instant de Saarbrücken, où le cercle des intéressés est maintenant régulièrement de 150 personnes. (...) Il y a dans cette contrée un certain nombre d’amis qui aimeraient se faire baptiser.”

Le grand intérêt manifesté en Alsace et en Sarre fut suivi par quelques frères locaux ainsi que par des frères de Suisse. Le bureau de Berne confia à Fred Germann la responsabilité de l’œuvre en Alsace-Lorraine et en Sarre, contrées où il accomplit fidèlement son service jusqu’en 1926, année où la Société l’envoya ailleurs. Henri Geiger, surveillant de la congrégation de Strasbourg, le secondait avec zèle. Ainsi, en 1921, l’œuvre était bien organisée en Alsace-Lorraine et en Sarre.

L’ŒUVRE VA DE L’AVANT MALGRÉ LES ÉPREUVES

L’œuvre allait aussi de l’avant dans le reste de la France. Au début de 1921, des baptêmes eurent lieu à Denain et à Bruay-en-Artois, dans le nord du pays, ainsi qu’à Paris. Cette même année, 422 personnes assistèrent au Mémorial en 16 lieux différents. Il y eut 81 assistants à Denain et 68 à Paris.

Le numéro d’octobre 1921 de La Tour de Garde lança un appel pour le service de colporteur. Comme la prédication s’effectuait surtout au moyen du livre Des millions de personnes actuellement vivantes ne mourront jamais, la Société imprima une lettre spéciale à l’usage des frères qui offraient ce livre à leurs parents et à leurs amis.

L’œuvre de pèlerin s’intensifia aussi en France en 1921. Frères Delannoy et Durieu visitaient les congrégations et les groupes isolés au nord et au sud de la Loire, tandis que frère Adolphe Weber visitait les congrégations de l’est, de Paris, de Normandie, du Nord et enfin celles d’Alsace.

Il convient de rappeler que frères Delannoy, Lefèvre et Roussel avaient été nommés adjoints de frère Zaugg en France après qu’Alexandre Freytag eut quitté la vérité en 1919. Peut-être vous souvenez-​vous que c’est Roussel qui, en qualité de secrétaire de la congrégation de Paris, avait signé la lettre envoyée à Genève et à Pittsburgh en janvier 1919, afin de protester contre l’infidélité de Freytag et d’exprimer sa fidélité à la Société. Eh bien, avec le temps, frères Lefèvre et Roussel devinrent mécontents et finirent par se ranger parmi les ‘mauvais esclaves’.

Cette seconde période d’épreuve observée en France était en fait la répercussion de la rébellion née en Amérique en 1917. Cette année-​là, P. Johnson et quatre membres du conseil d’administration de la Société avaient tenté d’arracher la direction de la Société à son nouveau président, frère Rutherford. Leur plan ayant échoué, ils se mirent à faire connaître leur opposition en dehors du Béthel par une vaste campagne de conférences et de lettres qui s’étendit aux États-Unis, au Canada et en Europe.

En 1920, Johnson visita les plus anciennes congrégations du nord de la France, telles que Sin-le-Noble. Il se proposait d’y semer la division et d’arracher les frères à l’organisation de Jéhovah, tentative qui finit par réussir. En septembre 1922, un groupe de frères français, dont Roussel et Lefèvre, de Paris, imprimèrent une déclaration de 16 pages intitulée “Redressement nécessaire”, dans laquelle ils critiquaient frère Rutherford. Ils la diffusèrent massivement parmi les frères français, augmentant ainsi la confusion et la division.

En 1922, on organisa à Denain une assemblée générale à laquelle la Société envoya frère Adolphe Weber pour qu’il prenne l’affaire en main. Sœur Rachel Beugin et frère Samuel Nongaillard décrivent l’événement en ces termes:

“D’après les mécontents, frère Russell était le serviteur fidèle et avisé, et, depuis sa mort en 1916, l’œuvre devait rester comme il l’avait laissée; plus aucune lumière ne pouvait paraître. (...) L’idée de la prédication de porte en porte leur était intolérable. Pour eux, nous n’avions qu’à attendre que Dieu intervienne à Har-Maguédon. Bible en main, frère Weber leur démontra que l’organisation avait raison. (...) Un vote eut lieu qui fut très serré: 39 étaient contre le point de vue de la Société, et 42 étaient pour. Les 39 ‘contestataires’ partirent en emportant leurs 39 sièges et fondèrent l’‘Association des Étudiants de la Bible de Denain’.”

Bien que certains aient quitté la vérité en 1922, se rangeant parmi les ‘mauvais esclaves’, la majorité des frères restèrent fidèles. En juin de cette année-​là, frère Rutherford vint à Paris et les affermit. L’activité de porte en porte avait commencé en 1922 avec l’ouvrage Des millions de personnes actuellement vivantes ne mourront jamais. Pour la première fois, des études de La Tour de Garde furent organisées dans les congrégations. Enfin, l’œuvre de pèlerin prit un grand essor en 1922.

Ainsi, en dépit des dures épreuves qu’ils avaient subies, les frères de France demeurés fidèles allaient pouvoir participer à la proclamation du Royaume.

TÉMOIGNAGE EN ALSACE-LORRAINE

La diffusion du périodique L’Âge d’Or (en allemand) s’intensifiant, la Société Watch Tower ouvrit à Strasbourg un bureau et un dépôt de publications pour l’Alsace-Lorraine. Frère Henri Geiger en devint le responsable. Les périodiques, qui arrivaient en vrac de Berne à Strasbourg, étaient mis sous pli et envoyés aux abonnés. Les sœurs visitaient les nombreux restaurants de la ville et présentaient les périodiques de table en table aux clients. Il n’était pas rare qu’elles placent 90 périodiques en une soirée. Sœur Lydia Geiger obtenait d’excellents résultats dans cette activité, allant jusqu’à placer 2 000 périodiques dans le mois.

En 1923, le bureau de Berne envoya frère Franz Zürcher en Alsace-Lorraine et en Sarre pour qu’il y présentât le Photo-Drame. Ce frère suisse persévéra dans cette activité, en France comme en Sarre, jusqu’en 1925, année où il fut appelé au Béthel de Berne. En 1923, il y avait à Mulhouse (Alsace) une congrégation de 50 membres. Cette même année, 110 personnes assistèrent au Mémorial à Mulhouse, et autant à Strasbourg.

UNE ORGANISATION AFFERMIE

Sur le plan de l’organisation, l’œuvre en France prit un bon départ en 1923. Dans chaque congrégation, la Société nomma un “directeur de service”, assisté de deux aides: l’un pour gérer les comptes, l’autre pour prendre soin des publications. Ces trois frères constituaient un “comité de service”. Cette disposition marqua le point de départ de la direction théocratique dans le pays. En 1923, la Société organisa des jours de service par l’entremise des directeurs de service. Puis, le 26 août 1923, les frères français prirent part au “témoignage universel” organisé par le bureau de Brooklyn.

Un autre jalon dans le développement de l’œuvre en France fut la parution de La Harpe de Dieu en français. Ce livre donna un coup de fouet à l’œuvre d’enseignement effectuée dans le pays. En outre, les 2 et 3 septembre 1923, une assemblée générale eut lieu à Denain. Les frères Zaugg et Weber y assistèrent et prononcèrent les principaux discours avec le pèlerin français Émile Delannoy. Une grande banderole portant les mots “Annoncez le Roi et le Royaume” fut déployée devant l’assistance, exactement comme frère Rutherford l’avait fait à Cedar Point en 1922. Enthousiasmés, les frères adoptèrent une résolution à l’unanimité. Résumant l’œuvre accomplie en France en 1923, frère Rutherford écrivit:

“Nous remarquons dans l’œuvre entière une réelle augmentation de zèle parmi les frères et sœurs. Nous reconnaissons et apprécions le grand privilège que nous avons d’annoncer la bonne nouvelle du royaume. En général, les frères et sœurs vont colporter par groupes de cinq ou six et il leur est arrivé de vendre Jusqu’à 250 volumes en une seule matinée de dimanche.”

En 1924 parurent les premiers numéros de L’Âge d’Or en français. Ce périodique devint bimensuel en 1925, mais cessa de paraître en 1926, sur les instructions de frère Rutherford. Il parut de nouveau en octobre 1932, mais sous la forme d’une édition mensuelle. En mai 1924, frère Rutherford fit une brève visite en France et s’adressa aux frères à Paris et dans le Nord. Il fit cette remarque: “Les Français s’éveillent quelque peu à la vérité, mais il reste encore beaucoup à faire dans ce pays.” Plus tard, en juillet, une assemblée eut lieu à Haveluy, près de Denain. Frère Zaugg et plusieurs membres de la famille du Béthel de Berne participèrent au programme.

L’ESPÉRANCE DES FRÈRES

En 1924, 557 personnes assistèrent au Mémorial, dont environ 300 en Alsace-Lorraine. Sœur Suzanne Beugin décrit ainsi l’espérance d’un grand nombre de frères: ‘Comme les membres du reste s’attendaient à aller au ciel avant la fin de 1924, frère Delannoy, lors d’une visite qu’il nous fit à Denain, nous consola, nous qui faisions partie de la grande multitude. Il nous dit que nous ne serions pas abandonnés. Néanmoins, lorsque s’acheva l’année 1924, je fus soulagée de voir que mes parents étaient toujours là.’ Cette situation devait toutefois susciter l’année suivante des épreuves et une nouvelle épuration.

1925 — UNE ANNÉE DÉCISIVE

L’année 1925 commença assez bien: le périodique La Tour de Garde passait de 12 à 16 pages. De plus, le tract intitulé “Actes d’accusation contre le clergé” fut diffusé en France. Au total, les frères distribuèrent plus de deux millions de ces tracts, dont un grand nombre à la sortie des églises.

Frère Rutherford revint en France en mai 1925. Il était prévu qu’il donne le discours “Le clergé démasqué” au palais du Trocadéro qui surplombe la Seine, en face de la tour Eiffel. Des frères du Nord étaient venus à Paris une semaine à l’avance, afin d’aider les Témoins locaux à annoncer le discours. Mais les feuilles d’invitation ne tardèrent pas à tomber entre les mains du clergé qui usa de pression sur la police pour qu’elle mît un terme à l’activité dans les rues. Quelques frères furent même arrêtés.

Environ 2 000 personnes répondirent à l’invitation et vinrent au discours. Frère Rutherford commençait à peine à parler qu’une cinquantaine de prêtres et de membres de l’Action catholique, armés de bâtons, se ruèrent dans la salle en chantant la Marseillaise. Frère Rutherford dut quitter l’estrade à trois reprises. Les perturbateurs criaient: ‘S’il est juge, qu’il aille juger les Américains!’ La Tour de Garde (anglaise) du 1er août 1925 rapporta ce qui suit:

“Alors que la majeure partie des assistants étaient hostiles au clergé, (...) ils s’interpellaient entre eux et ne prêtaient aucune attention à l’orateur qui se trouvait dans l’incapacité de leur parler. (...) Il s’avéra nécessaire d’annuler la réunion.”

Toujours en 1925, de grandes difficultés surgirent au sein de l’organisation. Le livre Des millions de personnes actuellement vivantes ne mourront jamais était diffusé dans le champ depuis 1921 et l’on attendait beaucoup de 1925 en raison même du contenu de l’ouvrage. Mais quand arriva 1925 et que les événements attendus ne se réalisèrent pas, les gens du dehors qui avaient lu le livre se moquèrent des frères. Frère Jules Anache, de Sin-le-Noble, écrit: “Nous fûmes mis sur la sellette par nos adversaires qui firent paraître des articles comme celui-ci: ‘Des millions de personnes ne mourront jamais s’ils prennent des pilules Pink’ (c’était un produit pharmaceutique en vogue à l’époque).”

Bien pis, la foi de quelques frères fut ébranlée. Certains s’attendaient à aller au ciel cette année-​là. Il en résulta donc une épuration dans les congrégations, notamment en Alsace. Sœur Anna Zimmermann raconte: “De grandes épreuves ont eu lieu à la suite d’espoirs non justifiés. Beaucoup ont abandonné.”

Au cours de l’assemblée de Bâle, du 1er au 3 mai 1926, frère Rutherford présenta une allocution sous la forme de questions et de réponses qui était très significative à cet égard. Le compte rendu de cette assemblée disait:

“Question: Les anciens dignitaires sont-​ils revenus?

“Réponse: Certainement pas. Nul ne les a vus, et il serait insensé de faire courir un tel bruit. Le livre ‘Millions’ disait que nous pouvions raisonnablement nous attendre à leur retour peu après 1925, mais il ne s’agissait là que d’une opinion.”

C’était certes une erreur mais, comme le dit frère Rutherford, il n’y avait aucune raison de cesser de servir le Seigneur. C’est pourtant ce que firent certains, si bien qu’une épuration s’ensuivit. Des chiffres publiés dans La Tour de Garde révèlent qu’en 1925, 93 personnes assistèrent au Mémorial dans la congrégation de Mulhouse, alors qu’en 1927 elles n’étaient plus que 23.

D’AUTRES ÉPREUVES POUR LES FRÈRES FRANÇAIS

En juillet 1925, frère Binkele, responsable du bureau central européen, fut remplacé par frère Zaugg pour des raisons de santé. L’année d’après, Binkele se détournait de la Société et fondait sa propre secte “Les Étudiants libres de la Bible”. En 1926, frère Zaugg fut remplacé par frère Martin Harbeck que frère Rutherford envoya du Béthel de Brooklyn. Frère Zaugg cessa son service à plein temps, puis abandonna la vérité. Donc, en deux ans, l’œuvre en France fut décapitée à deux reprises dans des conditions dramatiques. Les frères français en eurent connaissance, ce qui n’arrangea en rien la situation Ainsi s’acheva cette longue période d’épreuves et d’épuration qui caractérisa l’œuvre en France pendant et après la guerre.

ACCROISSEMENT PARMI LES POLONAIS

À l’issue de la Première Guerre mondiale, pour diverses raisons d’ordre politique et économique, le gouvernement français permit à de nombreux Polonais de venir travailler dans les mines de charbon. Des communautés polonaises, qui ne parlaient que leur langue, ne tardèrent pas à se former. Après les mineurs, arrivèrent bientôt des boulangers, des bouchers, des épiciers ainsi que des prêtres polonais. En 1923, on dénombrait 100 000 Polonais dans le nord de la France, et chaque jour qui passait en amenait beaucoup d’autres.

Les congrégations établies dans le nord du pays prêchèrent à ces mineurs et à leurs familles, et nombreux furent ceux qui s’intéressèrent à la vérité. En 1923 fut fondée la première congrégation polonaise et, l’année suivante, frère Rutherford envoya de Brooklyn des pèlerins américains qui parlaient le polonais, afin qu’ils présentent le Photo-Drame de la Création aux Polonais de France. Les visites de ces pèlerins stimulèrent beaucoup les frères et resserrèrent les liens qui les attachaient à l’organisation théocratique.

L’accroissement de l’œuvre du Royaume parmi les Polonais fut remarquable. En 1926, sur les 1 138 assistants au Mémorial en France, 518 appartenaient aux communautés polonaises. Sur les 34 congrégations qui existaient alors en France, 12 étaient d’expression allemande (en Alsace-Lorraine), 12 de langue polonaise et 10 d’expression française. Les congrégations polonaises étaient visitées par des pèlerins américains, venus de Brooklyn, tels que frères Krett, Kuzma et Rycombel. En 1926, lors de l’assemblée de Sin-le-Noble, 300 personnes assistaient à la session française et 1 000 à la session polonaise! Frère Albert Kosmalski, qui fut pèlerin dans les congrégations polonaises de 1928 à 1936, relate ce qui suit:

“Lorsque frère Rutherford est venu à Bruay-en-Artois [en 1924], il dit aux Polonais que Jéhovah les a fait sortir de leur pays pour qu’ils apprennent la vérité en France et que leurs enfants aident les Français à connaître également la vérité. Il ajouta qu’il reste un très grand travail de prédication à faire et que Jéhovah aura des proclamateurs pour faire ce travail.”

Ces propos de frère Rutherford se révélèrent exacts, comme le confirme en ces termes l’Annuaire des Témoins de Jéhovah de 1929 (angl.):

“Les frères polonais sont très zélés, ils ne se contentent pas de travailler dans le voisinage seulement, mais un bon nombre de congrégations ont visité les territoires plus éloignés. Afin de trouver leurs compatriotes, beaucoup de frères font plus de 100 km à bicyclette. Ils trouvent les Polonais dans les cités minières, mais aussi à la campagne, et leur annoncent le message du Royaume. Certains de ces frères polonais ont aussi commencé à visiter les Français et ont eu beaucoup de succès avec la brochure “Liberté”. Les frères polonais commencent à entrevoir la grande unité de l’œuvre du Seigneur et la nécessité de l’effectuer selon les méthodes de l’organisation du Seigneur. Au cours de cette année, 332 frères polonais ont pris le baptême.”

LES FIDÈLES S’ACTIVENT

Malgré les épreuves, les frères français de la région du nord intensifièrent l’œuvre de prédication. En 1927 commença l’activité de maison en maison le dimanche, avec les livres et les brochures. Frère Weber continua à visiter les congrégations et les noyaux d’isolés. Des nouveaux se joignirent à l’œuvre. À Lyon, la famille Rocques connut la vérité par un parent qui vivait en Allemagne. Les trois filles, qui acceptèrent finalement la vérité, se marièrent et prirent le nom de Fenouil, Boiteux et Blanck. Ces familles constituèrent plus tard le noyau de la future congrégation de Lyon. En 1927, le seul bureau responsable de l’œuvre en France se trouvait à Strasbourg. Il dépendait du bureau de Berne.

C’est à cette époque que des Italiens établis en France furent touchés par le message du Royaume. L’Annuaire (angl.) de 1929 précise: “Le Photo-Drame a également été montré aux Italiens. (...) Mussolini chasse les bons Italiens de son territoire et voici que le Seigneur leur fait connaître la vérité en France!” En 1928, on enregistra un maximum de 447 proclamateurs en France, dont sept pionniers, dans 45 congrégations.

UN BUREAU EST OUVERT À PARIS

En 1929, le bureau de Strasbourg fut transféré dans les locaux que la Société loua au 105 rue des Poissonniers à Paris, dans le dix-huitième arrondissement. Frère Gustave Zopfer, un Alsacien, fut nommé responsable de ce nouveau bureau qui dépendait toujours de la filiale suisse dont frère Harbeck était le gérant.

En 1929, il y avait environ 40 proclamateurs à Paris et dans sa banlieue. En automne, 1 200 personnes assistèrent à l’assemblée de Lens. À cette occasion, 600 d’entre elles prirent part au service du champ et placèrent plus de 5 000 livres et brochures. La plupart d’entre elles étaient, bien entendu, d’origine polonaise.

DES COLPORTEURS ÉTRANGERS

En 1929, deux colporteurs [on les appelle aujourd’hui pionniers] anglais traversèrent la Manche et prêchèrent dans la région de Dunkerque. Beaucoup d’autres suivirent. Frère Harbeck, responsable du bureau de Berne, écrivit:

“Nous avons prié le Seigneur d’envoyer des colporteurs en France, et notre prière a été entendue. La plupart des colporteurs sont venus d’Angleterre et d’autres pays. Ils ne parlent pas français, emploient les cartes [de témoignage] et obtiennent des résultats spectaculaires. Huit fois plus de publications ont été placées en 1930 qu’en 1928.”

En 1930, il y avait 27 colporteurs contre 7 en 1928. La tâche de ces prédicateurs à plein temps consistait essentiellement à parcourir de vastes portions du territoire et à diffuser des publications. C’est ainsi que des régions entendirent le message du Royaume pour la première fois. La preuve évidente de la progression de l’œuvre fut l’ouverture, en 1930, de la filiale française de la Société Watch Tower. À cette époque, le personnel du bureau de Paris était passé à cinq membres, y compris le responsable local, frère Zopfer, qui dépendait de frère Harbeck, de Berne.

L’ASSEMBLÉE INTERNATIONALE DE PARIS

La première grande assemblée à Paris eut lieu du 23 au 26 mai 1931, à la salle Pleyel; elle marqua un tournant dans l’histoire des Témoins de Jéhovah en France. La Tour de Garde (anglaise) du 1er août 1931 rapporta:

“Sur les lieux de l’assemblée, on dénombra 1 450 Allemands, 778 Anglais, 551 Polonais, 200 Français et un petit nombre de congressistes venus d’autres pays. On constata que vingt-trois nationalités étaient représentées, mais la plupart des assistants comprenaient l’anglais, le polonais, le français ou l’allemand. Des discours furent prononcés dans ces différentes langues, et l’on comptait parfois jusqu’à trois interprètes sur l’estrade en même temps. (...) Le président de la Société donna plusieurs discours, lesquels furent traduits en français, en allemand et en polonais. (...)

“Un grand enthousiasme fut manifesté tout au long de l’assemblée et, lorsque celle-ci arriva à son terme, on entendit tout le monde dire: ‘C’est sûrement la plus belle des assemblées!’ C’était certainement la meilleure qui se fût jamais tenue à Paris et probablement ailleurs. Il semble que le moment soit venu pour l’extension de l’œuvre en France. (...)

“L’on a trouvé, pour le bureau, un nouveau local plus spacieux et mieux éclairé. En outre, le Seigneur a pourvu à une maison dans laquelle les membres du bureau peuvent vivre décemment et confortablement en famille. Ce local peut aussi accueillir les quelques colporteurs qui resteront en permanence à Paris.”

Le service du champ occupa une place importante à ce congrès. Tout fut prévu à l’avance, et chaque proclamateur reçut des directives et des conseils. Ce fut une belle réussite dont Le Messager du 25 juillet 1931 parla en ces termes:

“Chaque groupe disposait de deux interprètes chargés d’aider le capitaine à placer les membres de son équipe. Certains se rendirent dans leur territoire dans des autocars qui avaient été loués pour la circonstance et qui stationnaient devant la salle. D’autres, qui avaient reçu un territoire plus proche, s’y rendirent en tramway, en taxi ou à pied. Pratiquement cent pour cent des congressistes ont participé au service. Au cours de cette matinée de prédication, les proclamateurs ont placé 1 329 livres et 14 557 brochures, si bien qu’un total de 16 776 écrits furent diffusés à Paris à l’occasion de l’assemblée.”

ON DEMANDE DES COLPORTEURS

À l’assemblée de Paris, on lança un appel pour un plus grand nombre de colporteurs. Cet appel appuyé par la manifestation évidente de l’esprit de Dieu, incita nombre de frères à entreprendre ce service à plein temps. John Cooke, qui n’était qu’un adolescent à cette époque, écrivit ce qui suit:

“Quelle belle assemblée! Je ne l’oublierai jamais. Quelle émotion pour un jeune homme habitué à sa petite congrégation de voyager de Londres à Paris avec des centaines de frères! Et il était encore plus émouvant de rencontrer des frères d’Allemagne et d’autres pays. Comme ils nous paraissaient exubérants et enthousiastes, à nous autres Anglais, qui sommes si peu démonstratifs! (...) Tout semblait si bien organisé, si dynamique, et tout le monde était si heureux!

“C’est alors que j’ai pris la grande décision qui a changé ma vie. J’avais déjà sérieusement songé au service de pionnier et je souhaitais le devenir, mais j’étais freiné par l’opposition de mon père. Toutefois, dès la première session, une sœur avec qui je m’entretenais m’a dit: ‘Un jeune frère comme toi devrait être colporteur; pourquoi ne l’es-​tu pas?’ Plusieurs congressistes me firent la même remarque. Frère Rutherford déclara avec insistance: ‘Jeunes gens, rien sous le soleil ne devrait vous empêcher d’entreprendre le service de colporteur.’ ”

Un autre frère anglais Éric Wilkinson, remarque que ‘tous, de quelque pays que ce soit, ont été invités à venir en France pour prendre part à cette œuvre’. Éric et un autre frère de sa congrégation (Lancaster, Angleterre) ont répondu à l’appel et ont commencé peu après à prêcher à temps complet en France. Ainsi, le nombre des pionniers en France est passé de 27 en 1930 à 104 en 1931.

LE COLPORTAGE EN FRANCE

Parlant de l’œuvre en France, frère Éric Wilkinson raconte ce qui suit:

“Nous avons été chargés de prêcher dans les vieux quartiers de Paris. Les concierges étaient fermement décidées à nous interdire l’accès de leurs immeubles. Nous l’étions tout autant à y pénétrer! La police nous appréhendait fréquemment, et nous comparaissions devant le commissaire qui se montrait généralement compréhensif et nous laissait partir. Finalement, nous nous sommes confectionné une sorte de tablier à cinq poches que nous portions dans le dos, tenu aux épaules, mais sous nos vestes. Ainsi harnachés, équipés de publications pour tout un immeuble, nous passions devant la concierge (dans sa loge vitrée) en ayant pris soin de laisser le reste de nos publications dans les sacoches de nos bicyclettes. Naturellement, nous prêchions avec la carte de témoignage, mais mon compagnon (qui parlait français) était très surpris de voir que, contrairement à toute attente, je plaçais plus de publications que lui. En fait, il parlait trop et quand il avait fini, l’effet de curiosité était passé.

“Prêcher dans Paris était très éprouvant, surtout pour qui avait été élevé à la campagne. Pis encore, dans le quartier qui nous avait été attribué, il n’y avait qu’un water pour quatre ou six appartements. Situés dans un coin des escaliers, ces W.C. n’avaient pas de siphon, mais un simple tuyau d’évacuation. Vous imaginez l’odeur au cœur de l’été! La campagne nous manquait. Comme il y avait besoin de pionniers en province, nous nous sommes portés volontaires.”

Samuel Nongaillard, un frère français qui vivait dans la région parisienne, relate une anecdote amusante à propos de deux sœurs qui ne connaissaient pas encore bien le français:

“À Paris, le plus difficile était de monter dans les étages, car les concierges étaient de véritables cerbères. Deux sœurs anglaises se trouvaient dans un immeuble parisien quand elles furent rejointes dans les étages par la concierge qui leur demanda ce qu’elles faisaient là. Comme la concierge était plutôt agressive, il leur fallait vite trouver une réponse. Avisant une plaque émaillée fixée sous le bouton de commande de la porte et imaginant qu’il s’agissait là du nom d’un locataire, elles répondirent avec un grand sourire: ‘Nous allons chez Madame Tournez le bouton!”’

ZÈLE ET ENDURANCE EXEMPLAIRES

Ces premiers pionniers étaient des exemples de zèle et d’endurance. Ils avaient renoncé au confort matériel, mais ils reçurent de grandes bénédictions spirituelles. Mona Brzoska, sœur anglaise, écrivit ce qui suit à propos du service de pionnier qu’elle accomplit en France en 1931 et dans les années suivantes:

“Notre logement était des plus rudimentaires, et l’un de nos problèmes majeurs était le chauffage en hiver. Nous devions nous accommoder d’une chambre glaciale où il fallait casser la glace dans le broc avant de se laver le matin. Nous cuisions nos repas frugaux sur un petit réchaud à pétrole. Le matériel de camping disponible de nos jours n’existait pas de notre temps. Notre équipement était des plus primitifs, notre mode de vie des plus spartiates.

“Nous ne voyions jamais d’autres Étudiants de la Bible; nous étions complètement isolées. C’était là le plus grand changement avec notre pays d’origine où nous étions toujours en contact avec les frères. Nous devions combattre cette solitude en étudiant régulièrement toutes les deux les écrits de la Société. Puisque ni l’activité des nouvelles visites ni celle des études bibliques à domicile n’existaient à cette époque-​là, nous disposions de nos soirées pour écrire à nos familles et particulièrement à d’autres pionniers, afin de relater des faits de prédication et de nous encourager mutuellement. Certaines années, nous avons même célébré le Mémorial toutes seules, rien que nous deux.

“Nous faisions de longues journées de prédication, parcourant quotidiennement 50 à 60 kilomètres à bicyclette. Nous devions partir de bonne heure le matin, et notamment en hiver, pour profiter de la lumière du jour.”

Les premiers pionniers étaient anglais, mais il y avait aussi des Allemands, des Suisses, des Polonais et des Français. Ces pionniers se contentaient souvent de maigres provisions. Un frère français qui rendit visite à des pionniers étrangers à Lyon rapporte que ceux-ci lui donnèrent la recette suivante:

“Une bouteille isolante, remplie d’une mesure de blé, puis d’eau bouillante le soir donnait le lendemain matin quelque chose de nourrissant, sinon de très appétissant; saupoudré de sucre, c’était mangeable.” Mais pas pour un appétit français!

DES MISSIONNAIRES SONT EXPULSÉS, MAIS LEUR ŒUVRE PORTE DU FRUIT

En 1934, le ministère de l’Intérieur promulgua un décret qui prévoyait l’expulsion de tous les missionnaires étrangers associés à la Watch Tower. L’ordre fut exécuté par Pierre Laval, homme politique français qui, ayant trahi son pays au cours de la Deuxième Guerre mondiale, fut jugé et fusillé. Ainsi, en 1934 et en 1935, la police obligea les colporteurs étrangers à quitter la France.

Cependant, leur œuvre produisit d’excellents résultats. En 1935, frère Zopfer, responsable du bureau de Paris, écrivit ce qui suit: “L’œuvre accomplie par ces pionniers de 1930 à 1934 a porté du fruit. De tous les coins de France, des gens ont écrit des lettres exprimant leur joie d’avoir été visités par les Témoins de Jéhovah et d’avoir appris la vérité.”

Ainsi, nombre de ceux qui ont pris position pour Jéhovah avaient tout d’abord accepté les publications que leur avaient proposées ces colporteurs dans les années d’avant-guerre. C’est ce que reconnut frère Daniel-Oviez qui écrivit ce qui suit au bureau de la filiale: “Ici, dans la région de Narbonne, certains ont reçu des publications de la part des pionniers anglais et se sont manifestés après la guerre.” Une autre sœur fit cette remarque: “On rencontre ça et là des frères et sœurs âgés qui ont pris leurs premières publications à cette époque. Je conduis actuellement une étude biblique avec une dame qui a acquis le livre Création dans les années trente.”

Tous les pionniers zélés qui ont prêché en France avant la guerre peuvent donc avoir la certitude que leurs frères français reconnaissent aujourd’hui la grande valeur de l’œuvre qu’ils ont accomplie. Tous étaient de vrais pionniers, magnifiques exemples pour les jeunes éléments des congrégations actuelles.

DIFFUSION RADIOPHONIQUE

Le 15 février 1930, la Société passa un contrat avec la station de radio parisienne VITUS qui, en 1931, avait déjà diffusé 140 discours bibliques en français, 35 en anglais et 9 en polonais. Le discours public que prononça frère Rutherford à l’assemblée de Paris en 1931 fut retransmis par cette station. La lettre suivante, rédigée par un Parisien, donne une idée des bons effets de ces émissions:

“J’ai écouté avec attention le discours retransmis hier par la station VITUS, et permettez-​moi d’adresser mes félicitations à l’orateur, dont je ne me souviens pas du nom. Radio VITUS pourra un jour être fière d’avoir été utilisée pour ce dessein merveilleux à une époque où la religion et la science, en dépit du progrès, s’avèrent ô combien inconséquentes. Bravo VITUS!”

L’Annuaire des Témoins de Jéhovah 1932 (anglais) rapportait: “Des milliers de personnes entendent le message à Paris et dans sa banlieue. Nombre d’entre elles sont venues à notre bureau de Paris, situé à présent en plein centre de la capitale, pour s’y procurer des publications.”

Parmi ceux qui ont connu la vérité en écoutant la radio, il convient de citer la famille Queyroi, qui vivait à Saint-Ouen, dans la banlieue nord de Paris. Plusieurs membres de cette famille entreprirent le service à plein temps. L’un des fils, Jean Queyroi, suivit par la suite les cours de l’École de Galaad. Aujourd’hui encore, il sert fidèlement en tant que pionnier dans la région parisienne.

Ces émissions radiophoniques présentaient un autre avantage, comme l’expliqua sœur Mona Brzoska, l’un de nos pionniers étrangers: “La seule allusion à la diffusion de ces programmes suffisait pour que les gens nous écoutent. Ils n’auraient pas voulu admettre qu’ils ignoraient l’actualité.”

Avec les années, d’autres stations françaises diffusèrent nos discours bibliques. En outre, des émissions diffusées d’Amérique étaient reçues en France. Par exemple, le dimanche 13 janvier 1935, les stations de radio de Schenectady et de Pittsburgh se livrèrent à une expérience radiophonique. Le discours de frère Rutherford “La guerre universelle est proche” fut retransmis sur ondes courtes et capté en France. Eu égard au succès de cette expérience, le discours “Gouvernement”, que frère Rutherford prononça à l’assemblée de Washington, fut diffusé le 2 juin 1935. Radio Philadelphie assura le relais, et on put entendre ce discours au cours de l’assemblée qui se tint à la salle Pleyel, à Paris.

CHANGEMENT D’ADRESSE

En avril 1931, le bureau parisien de la Société fut transféré des locaux plutôt sombres et exigus du 105 rue des Poissonniers dans un lieu plus pratique et mieux situé, au 129 rue du Faubourg Poissonnière, à Paris IXe. La même année, la Société acheta une villa à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris. Ce fut le premier vrai Béthel de France. Les frères qui y vivaient prenaient tous les jours le train pour se rendre au bureau de Paris. Frère Gustave Zopfer en était le responsable, et sa femme était chargée des détails domestiques de la maison d’Enghien.

Alice Berner, qui travaille actuellement au Béthel de Wiesbaden, vécut quelque temps au Béthel de France, au début des années 1930. Elle rapporte ce qui suit:

“Le cadre était agréable, et il y avait un grand jardin. Certes, cela sous-entendait du travail pour nous tous. En fin de semaine, les sœurs qui travaillaient dans les bureaux passaient des heures à nettoyer le jardin et à repasser le linge.

“Le matin, après le texte du jour et le petit déjeuner, nous courions pour attraper le train qui nous menait à la gare du Nord. Ce train était confortable, et les gens y lisaient leur journal du matin. Nous avions parfois la possibilité de leur donner le témoignage.

“Le local situe 129 rue du Faubourg Poissonnière servait à plusieurs fins. C’était d’abord notre bureau, mais il y avait aussi une grande table chargée de publications à l’intention de ceux qui venaient se procurer des livres ou des périodiques. L’autre partie du bâtiment servait d’entrepôt avec, à l’écart, une petite cuisine, car nous ne rentrions pas déjeuner au Béthel, mais prenions notre repas au bureau. Nous étions alors sept en moyenne, mais des frères et des sœurs nous aidaient quelquefois quand il y avait beaucoup d’envois à faire. Aussi nous retrouvions-​nous de temps à autre 10 ou 12 à table, heureux de partager ces instants.

1931 — LE NOM NOUVEAU

En 1931 fut adopté le nouveau nom de “Témoins de Jéhovah”, adoption qui, de l’avis de nombreux frères français, anciens dans la vérité, eut un effet stimulant. Le Bulletin [Service du Royaume] d’octobre 1931 disait, sous le titre “Un nouveau nom”: “Quelle satisfaction de pouvoir dire lorsque quelqu’un vous pose la question: ‘Qui êtes-​vous donc, ou comment vous nommez-​vous?’ — ‘Je suis Témoin de Jéhovah!’”

INSTRUMENTS EMPLOYÉS DANS L’ŒUVRE DE PRÉDICATION

En janvier 1932, un exemplaire de la brochure Le Royaume, Espérance du Monde fut envoyé au président de la République, aux ministres, aux sénateurs, aux députés, aux magistrats, aux officiers de l’armée et aux membres du clergé, depuis le prêtre de la paroisse locale jusqu’au cardinal. Cette brochure fut aussi diffusée de maison en maison.

Au mois d’octobre de la même année, L’Âge d’Or réapparut en français. Adapté pour la France, il reproduisait régulièrement les discours radiophoniques de frère Rutherford. Les frères Gustave Zopfer, Abel Degueldre et Émile Delannoy constituaient le comité de rédaction de ce périodique qui était imprimé par une imprimerie de Paris. L’année suivante, La Tour de Garde française, qui était jusque-​là mensuelle, commença à paraître deux fois par mois, sur 16 pages.

L’ŒUVRE S’ÉTEND DANS TOUT LE PAYS

En 1932, on comptait en France 85 pionniers et 796 proclamateurs. Ils disposaient de 100 motocyclettes, de 4 voitures et de deux grands cars, afin de pouvoir étendre la prédication du message du Royaume. Pour la première fois cette année-​là, tout le territoire français fut parcouru par les proclamateurs du Royaume qui placèrent 965 808 livres et brochures,

PREMIÈRES EXPULSIONS

Dès 1932, la France contraignit certains proclamateurs étrangers à quitter son sol et, parmi eux, des frères polonais ainsi que frère et sœur Alfred Rütimann, de Suisse. Frère Rütimann, qui était traducteur, continua à traduire les publications en français dans son pays. Après avoir servi fidèlement de nombreuses années, il mourut en 1959, alors qu’il était membre de la famille du Béthel de Berne. Le 21 janvier 1971, dans une lettre adressée à la filiale de France, sœur Rütimann déclara: “Alfred s’est dépensé avec amour pour les frères d’expression française. Il n’a pas ménagé ses efforts dans le domaine de la traduction. Un zèle ardent l’animait, et nous prions pour que nos efforts contribuent un tant soit peu au magnifique accroissement que nous observons aujourd’hui.”

DES MÉDAILLES D’OR POUR LES LIVRES DE LA SOCIÉTÉ

En septembre 1933, les frères français furent invités à présenter les publications de la Société lors de l’exposition de Paris. Quinze jours après, ils reçurent un diplôme accompagné d’une médaille d’or. Ainsi encouragés, les frères participèrent quelques mois plus tard à une autre exposition à l’issue de laquelle ‘La Société se vit attribuer un diplôme d’honneur avec la médaille d’or et la croix de la ville de Paris’. Dans une lettre, le Bureau central des expositions donna l’explication suivante:

“Les diplômes qui vous ont été décernés, lors de l’Exposition de septembre et de décembre 1933, l’ont été en récompense de la valeur morale de votre œuvre, et de l’honnêteté indiscutable qui ressort de votre librairie. (...) La littérature de La Tour de Garde est un symbole d’honnêteté, de loyauté et de courage.”

TÉLÉGRAMMES ENVOYÉS À HITLER

À cette époque, les Témoins de Jéhovah allemands qui habitaient près de la frontière franco-allemande commençaient à être cruellement persécutés. Aussi, le 7 octobre 1934, toutes les congrégations françaises s’unirent-​elles à leurs frères du monde entier pour envoyer à Hitler et à son gouvernement un télégramme de protestations à propos de la persécution des Témoins. Certains bureaux de poste refusèrent d’envoyer ce télégramme, mais la plupart revinrent sur leur décision après que les frères eurent insisté.

OPPOSITION DU CLERGÉ ET EXPULSIONS MASSIVES

Devant la prospérité de l’œuvre en France, le clergé pressentit un grand ‘danger’ pour ‘son’ troupeau. À Paris, des prêtres polonais tinrent une conférence et décidèrent de tout faire pour arrêter notre activité auprès de leurs compatriotes. Ils brûlèrent publiquement nos publications devant les églises. Ailleurs, ils apposèrent des affiches sur les portes des églises et des écoles, mettant les gens en garde contre l’achat de nos ouvrages.

En février 1934, une lettre émanant du ministère de l’Intérieur déclara nos écrits “subversifs” et ordonna aux forces de police d’expulser hors de France tous les missionnaires étrangers. Le décret visait aussi certains frères polonais qui avaient appris la vérité dans notre pays. En divers lieux, des communautés entières de ces chrétiens reçurent l’ordre de quitter la France dans les 48 heures. C’est ainsi que certaines congrégations, entièrement composées de frères polonais, disparurent du jour au lendemain, non seulement dans le Nord, mais encore dans des villes et des villages miniers du centre de la France. L’Annuaire des Témoins de Jéhovah 1935 (en anglais) commenta ces événements en ces termes:

“Nombre de ces [frères polonais] se sont vus privés de leur emploi et se sont trouvés sans moyen de subsistance et sans argent pour retourner dans leur pays natal. Ils connurent de grandes difficultés. Le gouvernement français expulsa aussi les citoyens allemands et anglais qui étaient engagés dans le service de pionnier. De ce fait, l’œuvre eut des difficultés à se poursuivre comme on l’escomptait.”

Environ 280 frères polonais retournèrent en Pologne en 1935, et certains de ceux qui restèrent en France se découragèrent et abandonnèrent la foi. Ainsi, le nombre total des proclamateurs passa de 1 054, en 1934, à 889, en 1935, et celui des pionniers de 62 à 41.

L’UTILISATION DU PHONOGRAPHE

En 1934 et 1935, on employa une nouvelle méthode de prédication pour faire pénétrer le message du Royaume dans les foyers: les discours bibliques enregistrés sur disques. Une centaine de phonographes portatifs furent utilisés en France en 1935. Les rapports établissent que 12 709 personnes écoutèrent les enregistrements de la Société au cours de l’année 1936. Certains frères, employés dans les mines de charbon, utilisaient leurs phonographes pour faire connaître le message du Royaume aux autres mineurs. Dans une certaine mine, on installa un phonographe qui permit pendant plusieurs jours de faire écouter tous les disques aux mineurs.

En 1937, l’utilisation de la radio cessa en France, après que le clergé eut intimidé les propriétaires des stations en leur enjoignant de refuser de diffuser nos messages, à moins de les soumettre à une censure préalable. L’emploi des disques alla donc en s’amplifiant, et les frères se mirent à utiliser le phonographe de maison en maison. On commença également à faire un large emploi des voitures munies de haut-parleurs. Frère Samuel Nongaillard nous dit à ce propos:

“Nous nous annoncions en arrivant dans les villages et les villes par un air de musique, une marche de préférence, puis nous passions des disques sur lesquels étaient enregistrées des conférences telles que ‘Où sont les morts?’; nous informions ensuite le public que les Témoins de Jéhovah allaient visiter les habitants chez eux.”

Frère Jules Anache, de la congrégation de Sin-le-Noble, nous rapporte ce fait amusant

“En Picardie, dans un village de la Somme, nous avons produit un effet acoustique peu ordinaire. Après avoir arrêté notre autocar en haut d’une colline qui dominait la commune, nous avons réglé le haut-parleur au maximum; nous étions dissimulés derrière une rangée d’arbres. Les habitants écoutèrent la musique et le discours en se demandant s’il ne s’agissait pas d’un message du ciel! Nous avons placé ensuite un grand nombre de publications dans le village.”

DES CHANGEMENTS POUR AIDER LES PIONNIERS

En 1936, on nota une baisse sensible du nombre des proclamateurs qui passa de 889 à 822, cela en raison du départ de nombreux frères étrangers. Toutefois, il y avait encore 40 pionniers en France, dont la plupart étaient des étrangers. Pendant un temps, ils reçurent peu ou aucun soutien du bureau de Paris pour résoudre leurs problèmes.

L’affaire trouva sa solution en septembre, à l’assemblée de Lucerne, en Suisse, lorsque les pionniers parlèrent à frère Rutherford. L’Annuaire des Témoins de Jéhovah 1937 fit ce rapport: “Nous regrettons infiniment de devoir dire ici que depuis quelque temps le représentant de la Société n’avait plus collaboré avec les pionniers comme il eût dû le faire. Il a maintenant été remédié à la situation, et nous espérons que dorénavant cela ira mieux sous ce rapport.”

Notons en passant que l’Annuaire cité plus haut fut le premier qui parut en français. Il fut également édité en français en 1938 et en 1939. Puis, à cause de la guerre, il cessa de paraître. Il fut de nouveau édité en français à partir de 1971.

En 1936, Fred Gabler, frère anglais dans le service à plein temps depuis des années, remplaça frère Zopfer à la tête du bureau de Paris, et Émile Delannoy devint son adjoint. Plus tard, Gustave Zopfer abandonna la vérité et alla même jusqu’à collaborer avec les nazis pendant la guerre.

DEUXIÈME ASSEMBLÉE INTERNATIONALE À PARIS

En 1937, une deuxième assemblée internationale des Témoins de Jéhovah fut organisée à Paris du 21 au 23 août, à la Maison de la Mutualité. Cet édifice offrait les salles les plus vastes et les plus pratiques pour des réunions de ce genre. L’orateur s’exprimait en anglais dans le grand auditorium, et dans chacune des autres salles, reliées par fil à celui-ci, un interprète traduisait le discours dans la langue de l’auditoire. Tous les assistants écoutèrent donc les mêmes sujets, au même moment et dans leur propre langue. Au total, 3 500 personnes assistèrent à cette assemblée; il y en eut 1 000 de plus au moment du discours principal.

Une centaine de personnes assistaient alors aux réunions organisées à Paris. Quel ne fut pas leur bonheur de recevoir des congressistes de tous les coins du monde! Deux trains spéciaux venaient d’Angleterre, et un de Suisse. La première assemblée internationale tenue à Paris en 1931 avait été une réussite, mais nul doute que celle de 1937, remarquablement organisée, donnait un petit aperçu des congrès que tiennent de nos jours les Témoins de Jéhovah.

L’assemblée terminée, frère Gabler fut envoyé à Bruxelles, pour superviser l’œuvre en Belgique, et frère Charles Knecht, un Alsacien, qui avait occupé ce poste en Belgique, fut chargé de gérer le bureau de Paris. Sous sa direction, les intérêts du Royaume progressèrent. À cette époque, 10 personnes travaillaient au Béthel d’Enghien et au bureau de Paris. L’œuvre avec les voitures munies de haut-parleurs s’étendait, et on utilisait maintenant 236 phonographes. Le nombre des personnes ayant écouté les disques de la Société passa de 28 412, en 1937, à 103 801, en 1938.

QUI DOIT Y PARTICIPER?

Tel était le sous-titre de La Tour de Garde du 1er avril 1938. Dans ce périodique, les “autres brebis’, souvent désignées par le terme “Jonadabs”, étaient nettement invitées à assister au Mémorial, invitation qui ne leur avait pas été faite auparavant. La question de savoir qui devait prendre les emblèmes semait la confusion dans l’esprit de nombre de frères. Mais un discours de frère Harbeck, responsable du bureau central européen, en Suisse, aida beaucoup de frères à mieux comprendre la question. Frère Louis Piéchota nous parle du discours que frère Harbeck donna à Sin-le-Noble, disant:

“Avant son exposé, il demanda à l’assistance qui pensait avoir reçu l’appel céleste. De très nombreuses mains se levèrent. Puis frère Harbeck développa son sujet et décrivit les nombreuses bénédictions qui attendent les humains dans le paradis restauré. À la fin de son discours, il posa cette question à l’assistance: ‘Qui d’entre vous aimerait vivre dans ce paradis restauré?’ De nombreuses mains se levèrent. L’orateur ajouta alors: ‘Si vous espérez vivre sur la terre dans un paradis, c’est la preuve que vous n’avez pas reçu l’appel céleste!’”

Fait significatif, le nombre des participants aux emblèmes diminua, alors que celui des assistants augmenta. Au Mémorial de 1939, on dénombra 1 510 assistants dont 631 seulement prirent les emblèmes.

L’ŒUVRE S’INTENSIFIE À L’APPROCHE DE LA GUERRE

Les nuages annonciateurs de la guerre s’amoncelant sur l’Europe, frère Knecht prévoyait que ce qui arrivait à nos frères allemands pourrait fort bien être le sort prochain des Témoins de Jéhovah du reste de l’Europe, y compris en France. Il visita donc les assemblées et les congrégations françaises, incitant les frères à se préparer pour faire face aux difficultés.

En 1938, frère Franz Zürcher, du Béthel de Berne, publia un ouvrage intitulé Croisade contre le christianisme, dans lequel il décrivait en détail les persécutions que subissaient les Témoins de Jéhovah en Allemagne nazie. L’année d’après, ce livre fut publié en français, et frère Zürcher, de passage à Mulhouse, aborda ce sujet devant un auditoire de 600 personnes réunies dans l’immeuble de la Bourse.

Jusqu’en 1939, l’activité des Témoins de Jéhovah consistait surtout à distribuer des écrits bibliques. Mais cette année-​là, il y eut un changement puisque 8 739 nouvelles visites furent effectuées. Cette modification de l’œuvre de prédication était providentielle. Elle qualifiait les frères pour une activité qu’ils allaient déployer intensément au cours des années de guerre durant lesquelles les publications circuleraient en nombre très restreint.

Le 14 juillet 1939, frère Knecht inaugura la première Salle du Royaume à Paris. Le bâtiment abritait auparavant une forge, mais après plusieurs semaines de travail acharné, les frères avaient transformé celle-ci en une magnifique salle de réunion de 375 places assises. Malheureusement, les frères de Paris ne purent s’y réunir que quelques mois, car la France déclara la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939, et l’œuvre dut bientôt s’effectuer dans la clandestinité.

Avant que la Deuxième Guerre mondiale n’ait éclaté, il y avait 84 congrégations en France: 13 d’expression allemande, en Alsace-Lorraine, 32 polonaises, pour la plupart dans le Nord et le Pas-de-Calais, et 39 d’expression française. Au total, on dénombrait 1 004 proclamateurs, soit un accroissement de 19 pour cent sur l’année d’avant.

Il est intéressant de noter qu’au cours des 12 années qui précédèrent la guerre, les proclamateurs distribuèrent au public 503 801 livres, 1 451 523 périodiques et 5 798 603 brochures, soit au total 7 753 927 écrits! Que l’œuvre eût alors cessé, et les Français n’auraient pu nier qu’il y avait eu un prophète “au milieu d’eux”. (Ézéch. 2:5.) Mais l’œuvre était loin d’être finie, en dépit des temps difficiles qui allaient survenir.

INTERDICTION DE L’ORGANISATION

À la mi-octobre 1939, soit six semaines environ après le commencement de la guerre, l’organisation des Témoins de Jéhovah fut interdite en France. Mais frère Knecht, qui envisageait cette éventualité, avait averti les frères. Aussi, la plupart des congrégations eurent-​elles le temps matériel de disperser leur stock de publications en divers lieux jugés sûrs, tout comme cela s’était pratiqué avant la saisie du bureau de la Société à Paris. Le Béthel d’Enghien-les-Bains fut fouillé, mais frère Knecht avait déjà enlevé les stencils portant les adresses de tous les abonnés à La Tour de Garde et à Consolation, ainsi que tous les fichiers importants.

Frère Knecht était alors gravement malade (il souffrait d’une pneumonie). La dernière lettre qu’il adressa aux frères en tant que responsable de l’œuvre en France était datée du 24 octobre 1939. La voici:

“Chers frères,

Nous vous informons que par ordre du Ministre de l’Intérieur, l’Association de La Tour de Garde et l’Association des Témoins de Jéhovah en France ne sont plus autorisées à exercer leur activité et qu’en conséquence le bureau de La Tour de Garde situé 129, Faubourg Poissonnière à Paris, est fermé. Sa situation doit être liquidée.

“Nous nous efforcerons de défendre notre cause et notre œuvre et cela, afin de justifier le bien-fondé de l’activité des Témoins de Jéhovah, surtout à cause de la tendance à nous considérer comme des communistes.

“Dorénavant, ces deux associations distinctes n’existent plus. Dès maintenant, chaque Témoin de Jéhovah doit porter sa propre responsabilité devant Dieu et devant les hommes. Vous serez certainement encouragés et réconfortés par le fait que ces persécutions arrivent telles que l’a annoncées le Seigneur en Matthieu 24:9 et devant précéder tous les événements annoncés par tous les prophètes de la Bible.

“Frères, bon courage.

“Nous vous saluons cordialement avec Ésaïe 43:12, II Chroniques 20:15 et Matthieu 10:28.”

[Signé] Charles Knecht

Quelques jours plus tard, le 2 novembre 1939, frère Knecht mourait à l’âge de 41 ans. Pendant des années, il avait fidèlement servi Jéhovah à plein temps. Tous les Témoins de France l’aimaient, d’autant plus que les frères qui s’étaient jusqu’alors vu confier la direction de l’œuvre dans le pays [Lanz, Freytag, Binkele, Zaugg et Zopfer] n’étaient pas restés fidèles. Si l’on doit tirer une leçon de l’histoire de l’œuvre en France, c’est bien la certitude que le dessein de Jéhovah ne dépend pas d’un homme quel qu’il soit.

Frère Charles Zutter quitta la Suisse pour la France, afin de sauvegarder les intérêts de la Société. De son côté, Fred Gabler fut envoyé à Paris. Il se trouvait alors en Angleterre, après avoir quitté la Belgique, peu avant la guerre.

LA “DRÔLE DE GUERRE”

Durant les premiers mois de la guerre, de septembre 1939 à mai 1940, il y eut peu d’engagements militaires entre Français et Allemands. Cette “drôle de guerre” fut le commencement d’une période qui allait valoir de réelles épreuves à nos frères. Nombre d’entre eux, notamment dans le nord du pays et en Alsace, furent jetés en prison.

Louis Piéchota, qui fut surveillant de circonscription et de district après la guerre, fut arrêté ainsi que cinq autres frères. Ils restèrent 24 jours en prison. Frère Knecht les visita dans leur cellule, à Dieppe, peu avant de tomber malade. Frère Piéchota rapporte l’entrevue en ces termes: “Il nous exhorta à faire preuve de la même endurance que l’apôtre Paul. Il avait des larmes dans les yeux lorsqu’il nous quitta, et nous aussi.”

Au long de ces premières années de guerre, la protection de Jéhovah s’exerça en de nombreuses occasions. Frère Georges Dellemme, surveillant de la congrégation de Wattrelos, ville située sur la frontière franco-belge, nous cite un exemple intéressant:

“Je fus arrêté un jour par un douanier qui me fouilla très minutieusement. Comme j’avais une “Tour de Garde” en poche, il me dit: ‘Et ça, qu’est-​ce que c’est?’

“Je répondis: ‘C’est un périodique “La Tour de Garde”.’ Les bras levés, je tenais le périodique dans la main tandis que le douanier poursuivait sa fouille. Lorsqu’il se baissa pour examiner mes chaussures, je remis “La Tour de Garde” dans ma poche.

“Lorsqu’il se releva, il dit: ‘C’est bon. Vous pouvez aller.’ Quelle surprise pour moi de voir qu’il avait, volontairement ou non, oublié le périodique interdit!”

Les frères Zutter et Gabler avaient été chargés de faire tout leur possible pour sauvegarder les biens de la Société à Paris. Il y avait l’atelier de fabrication de disques et son coûteux matériel, le bureau dans la rue du Faubourg Poissonnière, et le Béthel d’Enghien-les-Bains. Le bureau de Paris ayant été loué, il n’y avait aucune difficulté à redouter de ce côté-​là. Quant au Béthel d’Enghien, on l’avait prudemment mis au nom de Hugo Riemer, citoyen américain. Il n’arriva donc rien à ce local que les frères continuèrent à utiliser pendant toute la durée de la guerre.

En définitive, les seuls biens saisis par les autorités furent une petite automobile et quelques meubles. Ayant mené à bien leur mission, les frères Zutter et Gabler rejoignirent leur domicile respectif en Suisse et en Angleterre, au moment précis où les Allemands envahissaient la France en mai 1940. Peu de temps auparavant, frère Harbeck, responsable du bureau de la Société à Berne, avait demandé à frère Henri Geiger de se rendre à Paris pour liquider les affaires de la Société et pour organiser l’œuvre clandestine. On se souvient que frère Geiger avait joué un rôle important dans l’œuvre à Strasbourg et dans toute l’Alsace. Frère Émile Delannoy lui fut adjoint.

IL QUITTE LA FRANCE JUSTE À TEMPS

Au printemps 1940, le cours de la guerre change soudain et tragiquement. Après avoir balayé la Pologne, les divisions Panzer d’Hitler foncent vers l’ouest et le Blitz atteint l’Europe occidentale. La rapidité de l’avance allemande est effarante. Stoïque, John Cooke était le seul pionnier anglais à être resté en France. Il lui répugnait d’abandonner le groupe de personnes qu’il avait aidé à venir à la vérité dans la région de Bordeaux Mais le consul britannique avertit ses ressortissants de quitter le pays sans délai. John s’explique:

“J’ai compris que si je restais je finirais probablement dans un camp de concentration où je ne pourrais rien faire. Lorsque je suis repassé devant le consulat, celui-ci était désert, mais une note, sur la porte, disait que les retardataires devaient se rendre à Bayonne où ils trouveraient un bateau. Aux dernières nouvelles, l’avant-garde nazie n’était qu’à 50 kilomètres de là. Nous étions en juin 1940, et l’on évacuait Dunkerque. Je me suis donc décidé à partir.

“J’ai passé ma dernière journée à régler mes affaires, chargeant Joseph, un frère suisse, de conduire les études bibliques et les réunions, puis je suis allé acheter un billet pour Bayonne. La gare ressemblait à un camp; les gens étaient assis et dormaient n’importe où, dans l’attente d’un train. J’ai donc décidé de partir à bicyclette et je me suis mis en route, sans rien emporter.

“Plus tard, j’ai appris que les Panzer allemands avaient envahi la ville le lendemain même. J’ai fait les 175 kilomètres qui me séparaient de Bayonne sans incident. La grande masse des réfugiés était passée avant moi, dans la plus évidente confusion, car la route était jalonnée de voitures abandonnées dans les fossés. Arrivé à Bayonne, il me fut impossible de trouver un logement ou de la nourriture. J’ai donc passé la nuit sans dîner dans un immeuble en construction. Le lendemain, une foule énorme attendait d’embarquer sur un navire en partance pour l’Angleterre. Mais je n’ai pu embarquer, car on donna l’ordre: ‘Les femmes et les enfants seulement.’ Le navire était lourdement chargé lorsqu’il prit la mer. Par la suite, le bruit courut qu’un sous-marin allemand l’avait coulé avant son arrivée en Angleterre.

“Tous ceux qui n’avaient pu embarquer prirent le train pour Saint-Jean-de-Luz, petit port de pêche situé non loin de la frontière espagnole, et, au milieu de la nuit, dans le plus strict black-out, de crainte d’un raid aérien, nous avons embarqué à bord de navires ancrés au large. Les réfugiés venaient de tout le sud de la France. Ils avaient abandonné leur maison, leur travail, tous leurs biens pour fuir les nazis. Après deux jours passés à l’ancre, le convoi de réfugiés zigzagua jusqu’à Plymouth, en Angleterre. Je me suis rendu directement au Béthel de Londres où j’ai reçu un accueil chaleureux. Les frères me donnèrent des vêtements, car j’avais perdu tous mes effets.”

LA FRANCE COUPÉE EN DEUX

À mesure que les divisions Panzer gagnaient du terrain, de longues files de réfugiés fuyaient l’ennemi en empruntant les routes menant au sud. Certains frères restèrent sur place, alors que d’autres gagnèrent le Midi. Frère Geiger quitta Paris et rejoignit sa femme et son fils en Dordogne. En juin 1940, le maréchal Pétain (catholique) signa un armistice avec l’Allemagne nazie.

La France fut divisée en deux zones: la moitié nord et une bande de terre le long de la côte occidentale étaient occupées et administrées par les armées allemandes, alors que le reste du pays, non occupé, était placé sous la domination du régime pro-allemand de Vichy. Le maréchal Pétain était le chef de l’État, et Pierre Laval le chef du gouvernement.

Un rapport envoyé à Brooklyn par le bureau central européen de Berne commentait ainsi la situation:

“Depuis que la France est occupée par les Allemands, nous avons perdu tout contact avec les frères de Paris et du territoire occupé en général. Pas la moindre lettre ou carte postale ni un quelconque signe de vie.

“Quant au territoire libre, il nous arrive d’échanger une correspondance plus ou moins régulière avec le frère [Henri Geiger] qui représentait autrefois la Société en Alsace. Il nous dit aussi être sans nouvelles des frères qui travaillaient jusqu’alors à Paris et qui demeuraient au Béthel d’Enghien.

“Les frères suisses se trouvent dans l’impossibilité totale d’obtenir un visa pour se rendre soit en France libre, soit dans la zone occupée.”

L’ORGANISATION DE L’ŒUVRE APRÈS L’ARMISTICE

Le 22 juin 1940, un armistice ou trêve fut signé entre l’Allemagne et la France. Aussitôt, nombre de civils qui avaient fui devant les armées hitlériennes retournèrent chez eux. Frère Geiger revint lui aussi à Paris. Il vivait en appartement avec sa femme et son fils; il travaillait comme ingénieur et consacrait ses soirées et ses fins de semaine à l’organisation de l’œuvre de témoignage et à des visites aux frères. Parlant de l’œuvre effectuée clandestinement dans la partie septentrionale de la France en septembre 1940, frère Geiger écrivait:

“Toutes les lettres étaient ouvertes par la Gestapo. Il était donc nécessaire de visiter personnellement chaque groupe et frère isolé. Les frères se réunissaient par petits groupes pour l’étude de “La Tour de Garde” et les réunions de service. Ils continuaient à prêcher la bonne nouvelle de maison en maison avec la Bible simplement. Lorsqu’ils rencontraient des personnes qui s’intéressaient à la vérité, ils revenaient avec des publications et proposaient une étude biblique.”

À Paris, on avait pu sauver le stock de publications en le répartissant en divers endroits. Frère Delannoy organisa la distribution des écrits de la Société parmi les frères et visita les différents groupes pour les encourager. Sœurs Renée Gendreau et Hilda Knecht résidaient au Béthel, mais sœur Knecht mourut environ un an après la disparition de son mari. Au Béthel même, à la barbe des Allemands, sœur Gendreau dactylographiait les articles de La Tour de Garde qui avaient été traduits en français ainsi que les stencils, afin de ronéotyper ces articles.

Mais comment les frères s’y prenaient-​ils pour recevoir les exemplaires de La Tour de Garde anglaise qui allaient être traduits en français, en allemand et en polonais? Et une fois traduits et polycopiés, comment les articles transitaient-​ils d’une zone à l’autre? En effet, non seulement la France était divisée en zones (occupée et non occupée), mais les zones elles-​mêmes étaient subdivisées, et les déplacements d’un endroit à un autre étaient contrôlés.

LA NOURRITURE SPIRITUELLE EST DISPENSÉE COURAGEUSEMENT

Sœur Marthe Ébener, qui avait été membre de la famille du Béthel d’Enghien-les-Bains, était allée vivre chez son frère à Clermont-Ferrand. Elle était abonnée à La Tour de Garde en anglais. Après l’invasion allemande, Clermont-Ferrand se trouvait en zone non occupée, sous le gouvernement de Vichy. Providentiellement, sœur Ébener continua de recevoir de Brooklyn La Tour de Garde anglaise jusqu’au mois de novembre 1942, quand les Allemands occupèrent toute la France. Mais comment ce périodique anglais parvenait-​il en cachette aux frères Geiger et Delannoy, à Paris?

Pour cela, Jéhovah se servit d’un frère humble et modeste, Henri Germouty. Ce frère raconte ce qui suit:

“La ville de Moulins se trouvait sur la ligne de démarcation entre la zone libre et la zone occupée. Partout sur cette ligne, des sentinelles allemandes avaient pour rôle de tirer sur tous ceux qui essayaient de passer sans y être autorisés. La maison d’une sœur polonaise, connaissant l’allemand, se trouvait sur cette ligne qui traversait la ville. Lorsque je voulais passer la ligne de démarcation, je me rendais chez elle. Elle sortait au-devant de moi et, pendant que je passais, elle se chargeait d’amuser la sentinelle.

“De l’autre côté, je prenais un train pour Paris. Toutefois, avant d’arriver dans la capitale, tous les passagers étaient fouillés, les hommes par les hommes et les femmes par les femmes. Comme je savais à quel moment la fouille s’effectuait, je sautais du train à un endroit où il avait l’habitude de ralentir. Je voyageais de nuit et, après avoir sauté du train, je me cachais jusqu’à l’aube et terminais le trajet à pied.”

Une fois parvenue à Paris, La Tour de Garde était traduite, après quoi sœur Gendreau tapait les stencils pour reproduire le manuscrit. On faisait ensuite parvenir des copies aux frères de province. Frère Samuel Nongaillard nous relate comment le périodique arrivait dans le nord de la France:

“Chaque fois que cela était possible, un frère de la région parisienne se rendait à Péronne qui marquait le début de la zone occupée. Pendant ce temps, un frère du Nord venait à sa rencontre et c’est de part et d’autre de la voie ferrée, en gare de Péronne, que se passaient les échanges.”

Naturellement, la pénurie de papier et l’acheminement périlleux des documents ne permettaient pas de ronéotyper un exemplaire de La Tour de Garde par proclamateur. Les frères qui faisaient office de facteurs au péril de leur vie ne pouvaient dissimuler qu’un ou deux exemplaires du périodique. Cela signifiait qu’une fois parvenue à destination, La Tour de Garde devait être recopiée jusqu’à ce que chaque groupe possède au moins un exemplaire du périodique porteur de nourriture spirituelle. Sœur Dina Fenouil, qui résidait dans la région de Lyon, nous donne les précisions suivantes:

“Je devais taper 10 exemplaires de “La Tour de Garde”. Comme je pouvais taper cinq exemplaires à la fois, il fallait que je tape deux fois toute “La Tour de Garde”. Puisque chaque numéro comptait 14 pages avec interlignes simples, je devais taper 28 pages. J’avais à peine terminé de taper un numéro que le suivant arrivait, et c’était ainsi pendant toute la guerre. Il y avait un exemplaire de “La Tour de Garde” par groupe.”

Les propos de frère Stanis Sikora, responsable d’un groupe de frères polonais de Saint-Denis, illustrent le danger auquel s’exposaient ceux qui transportaient ces manuscrits:

“Un matin que j’étais porteur d’une copie manuscrite de “La Tour de Garde” que j’allais remettre à un autre groupe, je tombai sur un barrage de soldats allemands qui arrêtaient et fouillaient chaque passant. Comme j’étais à bicyclette, je décidai de continuer en pédalant lentement. J’abordai ainsi les premiers soldats qui ne firent rien pour m’arrêter. Je passai le barrage à la même allure puis, après avoir atteint l’angle d’une rue, je pus reprendre ma course en accélérant. Jéhovah protège son œuvre.”

D’AUTRES MOYENS DE DIFFUSION

Lorsque les Allemands occupèrent le reste de la France en novembre 1942, La Tour de Garde anglaise ne put parvenir ni en France ni en Suisse. La filiale suisse réussit toutefois à se procurer ce périodique en suédois. Très vite, sœur Alice Berner apprit suffisamment cette langue pour traduire La Tour de Garde en allemand. Ces manuscrits allemands furent introduits en France et traduits en français.

Frère Frédéric Hartstang, responsable de l’œuvre en Belgique pendant la guerre, organisa un système qui permettait de faire circuler la nourriture spirituelle entre la Belgique et la France.

Les frontières étaient fermées, mais les frères qui travaillaient dans les chemins de fer et qui, du fait de leurs fonctions, étaient appelés à voyager entre ces deux pays, distribuaient ces précieux documents. Ainsi, la nourriture spirituelle fut disponible pendant toute la guerre.

EN ALSACE-LORRAINE

Après que Pétain eut signé l’armistice avec l’Allemagne, en juin 1940, l’Alsace-Lorraine fut annexée à l’Allemagne. Cette région n’était pas considérée comme “territoire occupé”, mais comme partie intégrante de l’État allemand. De ce fait, une véritable frontière fut établie entre le reste de la France et l’Alsace-Lorraine. Les frères de cette région n’avaient donc aucun contact avec le bureau qui fonctionnait clandestinement à Paris. Comment la nourriture spirituelle leur parvint-​elle pendant la guerre?

Lorsque les nazis occupèrent l’Alsace, les frères se procurèrent leurs exemplaires de La Tour de Garde dans les Vosges, qui séparaient la France de l’Alsace-Lorraine. Comment les périodiques leur parvenaient-​ils dans les montagnes? Frère Zingle, de Mulhouse, excellent montagnard, était allé s’établir à Saint-Maurice, en France occupée. Après avoir réceptionné La Tour de Garde en français, il allait la déposer à un col le premier dimanche du mois. Il empruntait un sentier très escarpé et rocailleux pour éviter de rencontrer les gardes frontière. Sur le versant alsacien, les frères, habillés en touristes, gravissaient la montagne pour aller chercher La Tour de Garde. Les frères locaux la traduisaient alors en allemand, et cela dans le plus grand secret. Frère Marcel Graff la polycopiait pour les frères d’Alsace. Certains exemplaires arrivèrent même jusque dans les camps de concentration allemands.

Si La Tour de Garde passait de France en Alsace par ce col des Vosges, plus tard, au cours de la guerre, les frères français se procurèrent les publications qui leur manquaient par le même itinéraire, cette fois en provenance d’Allemagne. Tout n’allait pas toujours comme on s’y attendait. Frère Marcel Graff raconte:

“Un jour, accompagnés chacun de notre femme, nous sommes partis dans la montagne à l’aube. Le temps était merveilleux. Arrivés au sommet, non loin de la frontière, nous entendîmes soudain: ‘Heil Hitler!’ C’était un garde frontière allemand qui demanda: ‘Où finit le voyage?’

Je répondis: ‘Nous faisons juste une excursion dans la montagne.’

“Il nous considéra avec défiance et dit: ‘Savez-​vous que vous êtes tout près de la frontière?’

“‘Vraiment?’, lui avons-​nous répondu, jouant les ignorants.

“Il enchaîna: ‘Auriez-​vous l’intention de passer du côté français? Je vous préviens: ici, on tire à balles réelles.’

“Nous continuâmes notre chemin en direction du lieu de rendez-vous. Aussitôt que nous fûmes sortis du champ de vision du garde, nous trouvâmes frère Zingle et sa femme qui nous attendaient. Nous nous saluâmes joyeusement, échangeâmes quelques paroles ainsi que les publications que nous transportions. Puis, après une prière, nous nous sommes quittés.”

Âgée de 13 ans, sœur Simone Arnold passait les précieux manuscrits, dissimulés dans sa ceinture. Un jour qu’elle accompagnait frère Adolphe Kœhl, tous deux l’échappèrent belle. Simone rapporta l’événement en ces termes:

“Un douanier nous intercepta et nous donna l’ordre de le suivre jusqu’à la ferme la plus proche. J’étais si angoissée que j’en eus littéralement des coliques. Grâce à cela, on me donna à la ferme une boisson chaude et le droit d’aller me coucher dans le foin (...) avec ma “Tour de Garde” cachée sur moi. Frère Kœhl et ma mère furent fouillés, mais ils n’avaient rien. C’est ainsi qu’on nous accompagna tout simplement jusqu’à la gare la plus proche.”

Certes, ces frères et sœurs qui servaient de courriers faisaient preuve d’un grand courage et d’un grand amour pour Jéhovah. Il en allait de même de ceux qui polycopiaient les publications pour les distribuer aux frères. Dans quelles conditions ce travail se faisait-​il?

PRÉPARATION DES PUBLICATIONS

Frère Adolphe Kœhl tenait un salon de coiffure dans la rue principale de Mulhouse, près de la gare centrale. Cette boutique était au rez-de-chaussée d’un immeuble locatif de quatre étages dont frère Graff et lui-​même avaient loué chacun un appartement. La reproduction des documents s’effectuait à l’étage, alors que frère Kœhl coupait les cheveux des soldats et des policiers au rez-de-chaussée. Il y eut quelques alertes, comme celle que nous décrit frère Graff:

“Je me souviens d’une certaine période où les nazis confisquaient les postes de radio de toutes les personnes qui ne ‘collaboraient’ pas avec eux. J’avais vendu à notre laitier une glacière usagée qu’il devait prendre le lendemain. Le lendemain matin, je corrigeais un certain nombre de stencils, et ma femme s’affairait à la cuisine lorsque quelqu’un frappa à la porte. Comme nous attendions le laitier, ma femme ouvrit la porte. ‘Police’, dit l’un des hommes. ‘Vous possédez un appareil radio. Nous sommes venus le confisquer.’

“Après s’être ressaisie, ma femme cria: ‘Lève-​toi.’ Puis elle dit aux trois policiers que j’étais malade et que j’allais m’habiller le plus vite possible. Cela me donna le temps de rassembler tous les stencils et de les mettre sous le lit. J’avais à peine fini que les trois hommes pénétrèrent dans la chambre après avoir poussé ma femme et en disant: ‘Heil Hitler!’ Ils prirent la radio et partirent. Nous avons alors sauté de joie et remercié Jéhovah de nous avoir une fois de plus protégés.”

Un jour, un membre de la Gestapo, qui se faisait régulièrement couper les cheveux chez frère Kœhl, lui demanda à brûle-pourpoint: ‘Monsieur Kœhl, que devient votre étude de la Bible?’ Avant même que le frère eût pu répondre, l’homme lui enjoignit de se méfier, car on le surveillait. Il lui conseilla de se débarrasser promptement des publications interdites, si toutefois il en détenait encore.

Prenant cet avertissement au sérieux, frère Kœhl souleva les lames de parquet de sa boutique et cacha sous son plancher les exemplaires de La Tour de Garde. Les nazis qui venaient se faire couper les cheveux étaient loin de se douter qu’à quelques centimètres sous leurs pieds se trouvaient des publications prohibées! Mais vint le moment où tout l’espace disponible fut rempli. Que faire? Frère Kœhl eut une idée géniale: la vitrine ne constituait-​elle pas une cachette idéale? Il dissimula donc les stencils derrière les parois latérales de la vitrine et les Tour de Garde à l’intérieur du carton des réclames exposées. Ainsi, pendant la majeure partie de la guerre, les nazis qui pénétraient dans sa boutique n’imaginèrent pas un seul instant que les réclames de papier mâché contenaient des exemplaires de La Tour de Garde, périodique interdit.

DES MESSAGERS PAIENT LEUR COURAGE DE LEUR VIE

Si frères Graff et Kœhl réussirent à échapper à la Gestapo, d’autres eurent moins de chance. En 1943, les frères de Mulhouse recevaient régulièrement La Tour de Garde d’Allemagne par l’intermédiaire de deux frères de Fribourg-en-Brisgau. Puis les livraisons cessèrent brusquement. Frère Marcel Graff se rendit alors à Fribourg où il apprit que les deux messagers avaient été pris par la Gestapo et décapités. À partir de ce moment-​là, les frères de Mulhouse, qui recevaient également La Tour de Garde de France, en reproduisirent des exemplaires supplémentaires en allemand et les firent passer en Allemagne. Ainsi, lorsqu’une source de nourriture spirituelle était tarie, une autre la remplaçait, et ainsi de suite, pendant toute la durée de la guerre.

RÉUNIONS CLANDESTINES EN ALSACE-LORRAINE

Les frères tenaient régulièrement de petites réunions, et des surveillants fournissaient aux proclamateurs des exemplaires de La Tour de Garde et les encourageaient. Ceux qui n’avaient pas le courage d’assister à ces réunions ne recevaient pas de publications, car on estimait ne pas pouvoir compter sur eux. Frère Jacques Danner raconte:

“Nous tenions chaque semaine les réunions à des jours, à des moments et en des endroits différents. Selon la saison, nous nous réunissions dans la forêt, dans un pré ou dans un foyer, souvent autour d’une table mise pour le café, et les sœurs avaient un tricot tout prêt pour servir d’alibi. Jamais la Gestapo n’a pu surprendre une de ces réunions. Celles-ci étaient soutenues, et les frères endossaient leurs responsabilités. Lorsque les réunions se tenaient chez nous, nous laissions notre plus jeune enfant jouer dans la cour. Si la police se présentait, elle criait simplement: ‘Maman!’ C’était un signal pour s’éclipser par une seconde sortie, dans le jardin.”

DANS LES CAMPS DE CONCENTRATION

En septembre 1941, plusieurs frères de Mulhouse et des environs furent appréhendés par la Gestapo. Parmi eux se trouvaient Franz Huber, qui était serviteur de congrégation à Mulhouse depuis 1938, Adolphe Arnold, Fernand Saler, Eugène Lentz et Paul Dossmann. À la fin de 1941, ces cinq frères furent envoyés au camp de concentration de Dachau, près de Munich, en Allemagne.

On les mit dans des locaux disciplinaires avec des frères allemands, tchèques, yougoslaves et belges. En avril 1942, frère Franz Huber était très affaibli à la suite des traitements inhumains qu’il avait endurés. Frère Arnold écrivit à son sujet:

“Frère Franz Huber était âgé de 64 ans et il s’affaiblissait de jour en jour. Mais il ne manquait jamais d’exprimer l’espoir qui le soutenait et de donner ainsi de merveilleux témoignages. Un jour, une semaine à peine avant sa mort, il me prit par les bras et, me regardant bien en face, il me dit: ‘Mais nous avons quand même vaincu!’ Et ses yeux brillaient!”

Frère Arnold fut conduit au poste de commandement du camp. On lui dit qu’il pourrait exercer ses aptitudes en sérigraphie dans le camp, et que l’on prendrait soin de sa femme et de sa fille s’il renonçait à sa foi. On l’avertit que s’il refusait, sa femme serait arrêtée et sa fille envoyée en maison de correction. Naturellement, frère Arnold refusa. Il fut alors confié aux médecins du camp qui se servirent de lui comme d’un cobaye pour faire des expériences sur les germes du typhus et de la malaria. Selon lui, s’il survécut, ce fut grâce aux colis de nourriture que lui envoyait sa femme. Ceux-ci contenaient un festin particulier, comme il l’expliqua en ces termes:

“Un jour, en mangeant une bouchée, je sentis quelque chose de résistant. Il y avait en effet un petit rouleau de papier très fin, enveloppé dans de la cellophane. Ce papier était couvert d’une écriture également très fine qui ne reproduisait rien d’autre que des extraits condensés des “Tour de Garde”. Naturellement, pour avoir fait cela, ma femme risquait sa vie. Après son arrestation et sa déportation, ma belle-sœur, sœur Walter, continua cette dangereuse correspondance avec l’aide de frère Kœhl, de Mulhouse. C’est ainsi que ces colis alimentaires contenaient des vitamines spirituelles.”

DES ENFANTS MIS À L’ÉPREUVE

Qu’arriva-​t-​il aux enfants pendant cette terrible période de persécution? Pouvait-​on s’attendre à ce qu’ils restent fidèles sous les dures épreuves que leur infligeaient les nazis?

À chaque rentrée scolaire, il fallait chanter l’hymne national allemand et prononcer une prière pour le Führer. Les enfants devaient crier ‘Heil Hitler!’ en levant le bras droit. Mais les enfants des Témoins, comme la petite Ruth Danner, âgée de huit ans, refusèrent de se soumettre. Questionnée par le directeur et par les autres instituteurs, elle ne trahit pas ses parents. Frère Jacques Danner nous en donne la raison: “Avant chaque départ pour l’école, nous lui faisions faire une prière et lui recommandions qu’avant chaque interrogatoire elle fasse une rapide prière pour avoir l’esprit et l’aide de Jéhovah.” Plus tard, Ruth fut déportée avec ses parents et internée dans six camps allemands différents. Après la guerre, elle devint pionnier, puis participa à la 21classe de l’École de Galaad.

La fille de frère Arnold, Simone, fut, elle aussi, renvoyée de l’école parce qu’elle refusait de dire ‘Heil Hitler!’. On la changea d’établissement, mais elle ne tarda pas à subir d’autres ennuis, car on demandait chaque semaine aux enfants d’apporter en classe de la ferraille pour fabriquer des munitions. Elle fut finalement jugée par un tribunal pour enfants et envoyée à Constance, dans une maison de correction, où elle subit l’endoctrinement nazi pendant 22 mois. Mais elle resta fidèle. Plus tard, elle aussi devint pionnier, assista à l’École de Galaad, servit comme missionnaire en Afrique, puis épousa Max Liebster, alors membre de la famille du Béthel de Brooklyn.

NEUTRES JUSQU’À LA MORT

En août 1942, les jeunes gens d’Alsace-Lorraine furent appelés pour servir dans les armées d’Hitler. Certains Témoins, comme frères Freyermuth, Hoffer et Sutter payèrent leur neutralité de leur vie. La lettre reproduite ci-après fut écrite par Marcel Sutter, âgé de 23 ans, quelques heures avant qu’il ne fût décapité à la prison de Torgau, en Allemagne.

“Mes très chers parents et sœurs,

“Lorsque vous recevrez cette lettre, je ne serai plus. Quelques heures seulement me séparent de la mort. Je vous en prie, soyez forts et courageux. Ne pleurez pas, car j’ai vaincu. J’ai achevé la course et conservé ma foi. Que Jéhovah me soutienne jusqu’à la fin! Court est le temps qui nous sépare de notre Seigneur Jésus Christ. Bientôt nous nous reverrons dans un monde meilleur où la paix et la justice régneront. Oh! je me réjouis de ce jour où il n’y aura plus de gémissements. Oh! Comme ce sera merveilleux! Je désire ardemment la paix. Dans mes dernières heures, je pense beaucoup à vous et j’ai un peu d’amertume dans mon cœur, puisque je ne peux pas vous donner un baiser d’adieu. Mais patience, le temps est proche où Jéhovah justifiera son nom et prouvera à toute la création que lui seul est le seul vrai Dieu. Je veux maintenant vouer mes dernières heures à Dieu. Je termine cette lettre en vous embrassant, en attendant de vous revoir bientôt. Loué soit notre Dieu Jéhovah! Je vous embrasse de tout cœur.

Votre fils et frère,

Marcel”

DES SŒURS AUSSI SONT JETÉES DANS LES CAMPS

En 1943, les Allemands entreprirent d’arrêter les sœurs d’Alsace-Lorraine, et nombre d’entre elles furent envoyées au camp de concentration de Schirmeck-Vorbrück, en Alsace. Sœur Arnold réussit à dissimuler sa Bible, comme elle nous le rapporte en ces termes:

“Comme je m’attendais à être arrêtée, je m’étais fait un corset avec une poche à air gonflable pour descente d’estomac. Dans cette poche, je mis une toute petite Bible. Lorsque j’entrai en prison, il fallut que je quitte tous mes vêtements, mais l’inspecteur, une femme, trouvant le corset trop compliqué, me dit: ‘Oh! là, là! on n’a pas le temps de vous faire enlever cela!’ Et c’est ainsi que, grâce à Jéhovah, je pus introduire dans le camp de concentration de Schirmeck la seule nourriture spirituelle que nous allions avoir dans les mois à venir. Cette petite Bible fut alors partagée en autant de parties qu’il y avait de sœurs.”

Des sœurs furent transférées dans des camps de concentration allemands, certaines dans le terrible camp de Ravensbrück. Ainsi, un grand nombre de frères et de sœurs, jeunes ou vieux, restèrent fidèles malgré de dures épreuves, certains le payant de leur vie. À coup sûr, l’histoire moderne des Témoins de Jéhovah d’Alsace-Lorraine honore le nom de Jéhovah

D’AUTRES FRÈRES ENDURENT DE SÉVÈRES ÉPREUVES

Dans le reste de la France, les frères démontrèrent aussi leur fidélité. Au début de la guerre, les autorités françaises arrêtèrent plusieurs frères polonais qui furent internés au camp du Vernet, dans le sud du pays. On les battit parce qu’ils refusaient de saluer le drapeau, et l’un d’eux, frère François Baran, mourut. Nombre de ces frères courageux finirent dans des camps de concentration nazis. L’un d’eux, frère Louis Piéchota, qui fit plusieurs camps ou prisons, rapporte ce qui suit:

“Au printemps 1944, nous avons été transférés du camp de Vught à Sachsenhausen. Là, nous eûmes l’immense joie de rencontrer des frères allemands dont certains étaient enfermés depuis 1933. Leur aide s’avéra très précieuse tant sur le plan spirituel que matériel. Dès qu’un convoi arrivait dans le camp, les frères allemands s’inquiétaient de savoir s’il comprenait des Témoins. S’il y en avait, ils venaient immédiatement à leur aide. Ils leur donnaient peut-être alors un sous-vêtement chaud ou un pull-over, ou bien encore le restant des repas des gardiens, puisque certains travaillaient aux cuisines. Un jour, un frère me donna une Bible. Pensez un peu ! Une Bible française dans un camp de concentration allemand! Je n’ai jamais su par quel moyen il se l’était procurée. Cela me rendit très heureux. Les frères recevaient régulièrement “La Tour de Garde”. Et comme ils étaient nourris spirituellement, ils étaient spirituellement forts.

“J’ai eu la possibilité de travailler dans la boulangerie du camp. Les frères allemands m’encourageaient à ne pas emporter de pain en cachette, sauf celui qui était permis. Ils disaient qu’il valait mieux mourir de faim plutôt que de jeter l’opprobre sur l’organisation de Jéhovah. Ces paroles m’impressionnèrent fortement.”

Frère Jean Queyroi, pionnier en 1938, qui avait travaillé ensuite au service de l’expédition au Béthel de Paris, a, lui aussi, connu plusieurs prisons et camps allemands. Il put néanmoins rester spirituellement fort dans ces lieux de détention, comme il l’explique lui-​même:

“Dans tous les camps où je suis passé, je faisais de mon mieux pour donner un témoignage. Par exemple, dans un camp en Prusse orientale, il y avait un tableau qui était utilisé pour donner des instructions aux prisonniers. Dans un coin de ce tableau, j’épinglais chaque jour une feuille de papier sur laquelle je traitais d’un sujet biblique et j’invitais tous ceux que cela intéressait à venir me voir. Chaque soir, je tenais ainsi une petite réunion avec six, huit et même dix prisonniers.

“Je ne restais pas sans nourriture spirituelle. Ma sœur tapait à la machine des articles tirés de “La Tour de Garde”. Elle le faisait sur des papiers très fins qu’elle roulait et introduisait dans des paquets de macaronis. Les gardiens qui contrôlaient les paquets ne s’en sont jamais aperçus. J’ai même reçu de cette manière le livre “Enfants”.”

Ainsi, bien que moins maltraités que les frères d’Allemagne et d’Alsace-Lorraine, les frères de France ont eu leur part de persécutions.

DE L’AIDE PENDANT L’OCCUPATION

En dépit de l’interdiction de l’œuvre et de l’occupation allemande, les frères continuèrent de prêcher avec la Bible seulement, visitant quelques maisons dans une rue, puis d’autres un peu plus loin. Quand quelqu’un s’intéressait sincèrement à la Bible, ils revenaient le voir avec des publications, mais ils devaient se montrer prudents. L’ange de Jéhovah les aidait, comme l’atteste ce récit de frère Albert Kosmalski:

“Un certain Monsieur Heinrich m’avait commandé les livres “Délivrance” et “Création” en allemand. Lorsque je revins le voir comme promis, il me dit de revenir dans une heure, car il avait de la visite. Je descendis donc d’un étage pour visiter une autre personne. Cet homme me demanda si je m’étais rendu à l’étage supérieur et si je connaissais Monsieur Heinrich. Je lui répondis qu’il était Alsacien et qu’il s’intéressait à la vérité.

“‘Pas du tout! Il fait partie de la Gestapo et veut vous arrêter aujourd’hui,’ me dit l’homme. ‘Il a dit à la concierge de ne pas vous laisser partir.’

“Le monsieur a alors descendu calmement les escaliers avec moi et m’a fait sortir de la maison par derrière. Je remerciai Jéhovah de m’avoir sauvé de cette situation. À la fin de la guerre, Heinrich a été tué dans la rue par la Résistance française.”

En réalité, les autorités françaises furent très indulgentes envers les Témoins de Jéhovah pendant l’occupation nazie. Il leur arriva même de les aider en certaines occasions, comme le rapporte Auguste Blas, de Denain:

“On rapporta au commandant allemand que ma maison abritait un dépôt de publications. Une perquisition fut donc ordonnée, perquisition qui devait être faite par les autorités allemandes sous la direction d’un chef de la police française assisté d’un interprète. Le chef de la police savait que j’avais chez moi des publications. Aussi, au lieu de conduire les Allemands chez moi, il les emmena au domicile de Marius Nongaillard, notre surveillant de congrégation, chez qui ils ne trouvèrent rien. Ce policier bienveillant m’évita ainsi l’internement dans un camp de concentration.”

Voici un cas similaire: Lorsque les Allemands arrivèrent à Sin-le-Noble, ils réquisitionnèrent la Salle du Royaume pour leur propre usage. Or la citerne qui servait aux immersions, située sous l’estrade, était remplie de publications, y compris le livre Croisade contre le christianisme en allemand. Les frères rendirent donc visite au maire de Sin-le-Noble, lui exposèrent la situation et lui dirent que si les Allemands trouvaient ces manuels, leurs rapports avec les autorités locales s’en trouveraient sérieusement affectés. Le maire déclara donc aux Allemands qu’il avait besoin de ce local pour en faire une salle de classe. Ce fut fait et, merveille des merveilles, l’instituteur choisi fut un Témoin.

Fréquemment, les autorités locales aidaient ainsi les frères. En voici un autre exemple: Dans le nord de la France, un inspecteur de police interpella un frère qui transportait un carton de brochures Fascisme ou Liberté sur sa bicyclette. L’inspecteur lui demanda ce que contenait ce carton.

“Ouvrez-​le, et voyez”, répondit le frère.

Quand l’inspecteur eut vu le contenu du carton, il demanda au frère: “Qu’allez-​vous faire de tout ça?”

Le frère lui donna un bon témoignage, après quoi l’inspecteur lui dit de continuer son chemin en prenant garde toutefois de ne pas être arrêté par quelqu’un d’autre.

IMPRIMERIE CLANDESTINE

Les frères français accomplirent un exploit remarquable au cours de la guerre en imprimant en secret le livre Enfants. Frère Samuel Nongaillard, qui était dans les affaires, put se procurer du papier, bien que celui-ci fût rationné. Le livre fut imprimé à Chennevières-sur-Marne, à quelques kilomètres à l’est de Paris. Il rapporte:

“Un jour, que j’étais parti chercher des livres “Enfants”, la police m’arrêta sur le chemin du retour. C’était en mai 1943. Ils me demandèrent ce que j’avais dans le camion. Je leur dis que je transportais des livres. Ils les examinèrent en demandant de quoi ils traitaient. Or, c’était l’époque des communions. Je répondis donc: ‘C’est un livre sur Jésus pour les enfants.’ Apparemment cette explication les a satisfaits, car ils me laissèrent partir.”

RAPPORTS D’ACTIVITÉ

Au long des années de guerre, les frères français s’efforcèrent d’envoyer des rapports d’activité. Cependant, en dépit des instructions, une sœur âgée envoya son rapport au dos d’une carte postale en utilisant les abréviations habituelles, ce qui intrigua un membre des services secrets allemands. Frère Robert Jung explique:

“Un jour, alors que frère Auguste Charlet, mon frère charnel et moi soupions ensemble, on sonna à la porte. C’était un agent de la police française. Selon toute probabilité, il nous prit pour des résistants. Il nous demanda de faire un rapport sur cette affaire de manière à satisfaire le Service de sécurité allemand sans nous attirer d’autres ennuis. Il poussa l’amabilité jusqu’à nous proposer de revenir le lendemain matin pour nous laisser le temps nécessaire pour trouver une explication.

“Comme convenu, il revint le lendemain de bonne heure et lut l’explication que nous avions préparée. Nous lui avons expliqué qu’il s’agissait d’un jeu biblique par correspondance, et que les lettres et les chiffres correspondaient à des versets et à des pages de la Bible où on trouvait la réponse à des questions posées. Cette explication parut le satisfaire entièrement. Avant de nous quitter, il nous remercia de l’avoir aidé à s’acquitter de sa mission. Nous n’avons plus jamais entendu parler de cette affaire.”

Tous les rapports de service étaient envoyés à trois adresses à Paris ou en banlieue: à frère Geiger, à frère Delannoy ou à sœur Renée Gendreau qui vivait au Béthel. Mais beaucoup de gens, des frères ou des personnes qui avaient pris nos publications, écrivaient au bureau de Paris qui avait été fermé par la police en octobre 1939. Aussi sœur Gendreau passait-​elle chez la concierge qui lui remettait le courrier destiné à la Société. Lorsque la Gestapo l’interrogeait sur les Témoins, cette concierge disait ne connaître que le responsable (frère Knecht) et que celui-ci était mort. Ainsi, cette brave femme risqua sa vie pendant toute la durée de la guerre pour protéger la Société et les frères.

ASSEMBLÉES PENDANT LA GUERRE

Au début de 1942, et pendant toute l’occupation allemande, les frères tinrent de petites assemblées régionales. Elles étaient desservies par frère Geiger et frère Delannoy. En outre, les frères Auguste Charlet et Robert Jung visitaient les congrégations isolées et les proclamateurs du sud de la France. On procéda à des baptêmes au cours de ces assemblées ou de ces visites spéciales.

En 1943, une centaine de personnes assistèrent à une assemblée clandestine à Vénissieux, dans la banlieue de Lyon. Inutile de dire que de telles occasions encourageaient et affermissaient les frères, qui couraient de grands risques pour prendre part à ces activités.

UN SOLDAT AMÉRICAIN FAIT DES DISCIPLES

La libération de la France commença en 1944. Ce fut une bonne nouvelle pour les frères, bien que la poursuite des combats suscitât d’autres difficultés. L’œuvre de prédication se poursuivit néanmoins, parfois bizarrement. Au moins un des libérateurs du pays y participa.

Un soir de septembre 1944, Suzanne Perrin, de Vittel, était assise derrière sa fenêtre lorsqu’un soldat américain s’arrêta et lui demanda en mauvais français: “Vous aimez Dieu?” Suzanne répondit: “Oui, mais pas la religion.” Le soldat lui demanda alors s’il lui serait possible de revenir voir son mari, ce qu’il fit.

“C’est ainsi que Richard Boeckel (qui avait connu la vérité six mois avant d’être mobilisé) nous fit connaître la vérité. Il prêchait en uniforme, mais refusait de saluer le drapeau, ce qui lui valait de continuelles punitions. Il prêcha avec zèle dans toute la ville de Vittel, distribuant des livres comme Création, Délivrance, Lumière, Ennemis et Jéhovah. Richard nous mit en contact avec le serviteur de congrégation de Nancy, frère Émile Ehrmann, qui nous a ensuite visités en compagnie de sa femme.”

DES NOUVELLES PARVIENNENT À BROOKLYN

Apparemment, en 1944, après plusieurs années de silence, Brooklyn eut connaissance de l’activité théocratique déployée en France. Dans l’Annuaire des Témoins de Jéhovah 1945 (en anglais), frère Knorr put donc écrire:

“Nous avons appris que ‘toute la famille de Paris est active dans le service du Père’. (...) Les frères attendent le moment où les communications avec le siège mondial seront complètement rétablies et où le message de la vérité pourra circuler librement dans tout le pays.”

REGROUPEMENT APRÈS LA GUERRE

L’année 1945 vit l’effondrement du régime nazi et la fin de la guerre. En France, les conditions de vie étaient extrêmement difficiles: les denrées indispensables étaient rares au prix officiel et extrêmement chères au marché noir. L’ennemi dépouillait le pays de ses richesses, détruisait routes et voies ferrées et bouleversait les moyens de communication. Ce fut dans ces conditions que, physiquement affaiblis, mais spirituellement forts, les frères et sœurs commencèrent à revenir des camps de concentration.

Pour ajouter aux difficultés, l’œuvre des Témoins de Jéhovah était encore interdite par le gouvernement français. Mais une fois les Allemands partis, il devint plus facile de voyager et d’échanger de la correspondance. Un meilleur contact allait donc pouvoir s’établir entre les congrégations et le bureau clandestin de Paris dirigé par frère Geiger. Frères Geiger et Delannoy firent de longues tournées en France pour visiter les congrégations.

En 1945, la famille du Béthel comptait cinq membres: frère Geiger, trois sœurs et un frère. Il fallait ajouter Émile Delannoy qui demeurait à Arcueil, dans la banlieue sud de Paris. Le stock de publications était dissimulé dans une autre banlieue, d’où s’effectuaient les expéditions.

La Tour de Garde, imprimée par une société du monde, paraissait sous le titre Études bibliques. On en tirait 2 300 exemplaires en français, 1 200 en polonais et 500 en allemand. Les frères qui, jusque-​là, copiaient les articles à la main, gagnèrent ainsi un temps précieux.

En 1945, frère François Wisniewski, un mineur polonais, eut un jour la surprise de voir, sur son lieu de travail, un jeune homme ôter son casque protecteur et prononcer une prière avant de prendre son repas. Il lui donna le témoignage, et le jeune homme accepta rapidement la vérité. Il s’appelait Léopold Jontès et il devint, plus tard, le surveillant de la filiale de France.

VISITE DES FRÈRES KNORR ET HENSCHEL

En janvier 1942, la presse française, aussi bien en zone libre qu’en zone occupée, avait publié une dépêche qui annonçait la mort de frère Rutherford. Cette nouvelle et celle de la nomination de frère Nathan Knorr atteignirent même le camp de Dachau en 1943. Mais qui était frère Knorr?

Les frères français le virent pour la première fois le 17 novembre 1945, lorsqu’il fit une brève halte à Paris en compagnie de son secrétaire, frère Milton Henschel. Cette visite, qui ne dura que quelques heures, permit néanmoins de discuter de la réorganisation de l’œuvre et de sa reconnaissance légale. Mais cette nuit-​là, les deux frères devaient prendre le train pour Berne. Ils promirent cependant de revenir.

Onze jours plus tard, le 28 novembre au matin, frère Knorr, frère Henschel et leur interprète, Alfred Rütimann, arrivèrent à la gare de l’Est où les attendaient Henri Geiger et son fils. Ils se rendirent à l’ambassade des États-Unis, à la Chambre de commerce américaine et, pour terminer, chez un avocat. Vous vous souvenez que l’œuvre en France avait été interdite en octobre 1939, à la requête du ministère de l’Intérieur. Pour qu’elle soit à nouveau reconnue, il était nécessaire de suivre la filière légale.

Ce soir-​là, à Paris, par l’entremise d’un interprète, frère Knorr s’adressa à 21 frères et sœurs pendant une heure trois quarts. Tous débordaient d’enthousiasme et exprimèrent leur joie de servir Jéhovah. Frère Knorr promit de leur faire expédier des vêtements. Il avait en effet remarqué leur grand dénuement, notamment leurs vêtements vieux et très usés. Parlant de cette opération, frère Geiger écrivit:

“L’envoi promis — huit tonnes de vêtements pour hommes, femmes et enfants — arriva dans 75 caisses et fut distribué parmi les frères. Nombre d’entre eux avaient les larmes aux yeux et, du fond du cœur, remerciaient leurs frères américains pour ce don chrétien. De nombreux frères furent donc mieux équipés pour prêcher la bonne nouvelle du Royaume au cours de l’hiver.”

UNE BAISSE PENDANT LES ANNÉES DE GUERRE?

Sans doute vous souvenez-​vous qu’en 1939, année où éclata la guerre, on avait atteint en France un maximum de 1 004 proclamateurs du Royaume. Il y avait dû certainement y avoir une baisse durant ces années difficiles. Eh bien, pas du tout! Le nombre des proclamateurs avait doublé, passant à 2 003 en octobre 1945! Songez aussi que ces nouveaux proclamateurs avaient commencé de prêcher au risque de perdre leur liberté et même leur vie!

Le nombre des assistants au Mémorial crût également; il passa de 1 510, en 1939, à 3 644, en 1945. Ainsi, alors qu’il avait fallu près de 40 ans d’activité pour atteindre un total de 1 004 proclamateurs en 1939, il a suffi de six années, les années difficiles de la Seconde Guerre mondiale, pour que ce chiffre soit doublé. C’est là, dans l’histoire moderne des Témoins de Jéhovah en France, une preuve évidente que Jéhovah a protégé son peuple et l’a béni.

QUE FIT-​ON POUR LEVER L’INTERDICTION?

Bien que l’interdiction fût encore en vigueur en 1946, les frères continuaient de prêcher. Au début, ils allaient de maison en maison avec la Bible seulement. Cette même année, pour les aider dans leur activité, la Société organisa le service de la circonscription. Il n’y avait alors que deux circonscriptions qui furent confiées à Paul Dossmann et Jean Queyroi, deux frères qui avaient été prisonniers dans les camps allemands. Les proclamateurs appréciaient beaucoup les visites des “serviteurs des frères”, nom que l’on donnait alors aux surveillants de circonscription. Mais que pouvait-​on tenter pour lever l’interdiction?

À la faveur de sa visite de novembre 1945, frère Knorr avait rencontré un avocat influent, Maître Pierre Gide. Les efforts de ce dernier s’étaient toutefois avérés sans effet. Les frères français décidèrent donc d’agir eux-​mêmes. En automne 1946, ils multiplièrent les démarches pour contacter les fonctionnaires des différentes administrations de l’État qui étaient responsables de cette situation ou qui s’opposaient à la reconnaissance de l’œuvre. Toutefois, en 1947, la situation était confuse au sein du gouvernement français.

C’est alors que les frères apprirent que Léon Blum, l’un des fondateurs du parti socialiste français et du journal Le Populaire, avait été en captivité avec des Témoins de Jéhovah dans les camps de concentration nazis et qu’il admirait leur attitude. Bien que retiré de la scène politique, Léon Blum était l’un des hommes d’État les plus respectés. Les frères tentèrent donc d’obtenir son appui.

Ils apprirent cependant que Léon Blum était malade et que les visites lui étaient interdites. De plus, son adresse était tenue secrète pour éviter que des gens lui écrivent. Mais les frères remarquèrent que son chauffeur passait tous les jours aux bureaux du Populaire pour prendre son courrier. Ils écrivirent donc une lettre dans laquelle ils exposaient le problème de la Société et ils la remirent personnellement au chauffeur. Quelques jours plus tard, les frères de Paris reçurent une lettre de Léon Blum dans laquelle ce dernier leur disait qu’il était disposé à leur venir en aide. Il leur précisait d’ailleurs qu’il avait déjà écrit au gouvernement pour lui recommander de lever l’interdiction qui frappait notre œuvre. C’est ainsi que le 1er septembre 1947, l’œuvre des Témoins de Jéhovah était de nouveau reconnue.

UN NOUVEAU BÉTHEL

Pour faciliter l’organisation de l’œuvre, frère Knorr donna pour instruction que le pavillon d’Enghien-les-Bains soit vendu et que le produit de la vente soit consacré à l’acquisition, à Paris, d’une maison assez grande pour abriter la famille du Béthel et le bureau. Dans un quartier résidentiel du 16arrondissement, au 3 Villa Guibert, 83 rue de la Tour, frère Geiger trouva une maison appropriée. Ainsi, le 1er octobre 1947, l’association française fut officiellement transférée à cette adresse. Au début, huit personnes travaillaient dans ce nouveau Béthel, dont frère et sœur Geiger.

DES ASSEMBLÉES ACCUEILLENT DES FRÈRES VENUS DE BROOKLYN

Pendant les huit ans que dura l’interdiction, les frères n’avaient pu tenir aucune réunion publique, et 80 pour cent d’entre eux n’avaient jamais assisté à de tels rassemblements puisque, pour la plupart, ils avaient connu la vérité pendant la guerre ou peu après celle-ci. Quel émerveillement de compter 6 500 assistants aux assemblées de Lyon, Strasbourg, Paris et Douai en 1947! Et quel plaisir de recevoir des orateurs de Brooklyn, tels que Frederick Franz, Grant Suiter, Hayden Covington, sans oublier frères Knorr et Henschel!

MORT DE DEUX FIDÈLES SERVITEURS

Quand on fit le nécessaire pour recevoir La Tour de Garde en France, frères Dossmann et Queyroi, qui visitaient jusque-​là les congrégations, furent appelés au Béthel pour y organiser un service d’expédition. Émile Delannoy fut alors chargé de visiter les congrégations, œuvre dont il s’était souvent acquitté auparavant. Mais ce fut son dernier voyage, car il tomba malade et mourut le 5 août 1948. Avec sa femme, Marie, frère Delannoy avait servi fidèlement Jéhovah pendant 40 ans.

L’année d’avant, Adolphe Weber avait achevé sa course terrestre. Vous vous souvenez que ce frère suisse avait été à l’origine de l’œuvre en France, quelque 50 années plus tôt. À plusieurs reprises, il avait aidé les frères français à surmonter les épreuves qui s’étaient abattues sur eux. Tous ceux qui l’ont connu parlent de lui en termes chaleureux et reconnaissent le rôle important qu’il a joué dans le développement de l’œuvre en France.

LES RÉUNIONS SE TIENNENT DE NOUVEAU AU GRAND JOUR

Depuis 1939, les frères se réunissaient en petits groupes, dans les foyers. Dès 1947, les congrégations louèrent des salles pour y tenir leurs réunions. Il y avait alors trois congrégations à Paris. Il y eut quelques surprises quand on se réunit de nouveau dans les Salles du Royaume. Ainsi, sœur Marcelle Malolepszy rapporte ce qu’elle a vécu à Besançon:

“L’œuvre était redevenue libre. Comme nous étions heureux! Lors de la première réunion, quelle ne fut pas la surprise de certains de constater que des personnes qu’ils connaissaient étaient des Témoins! Par exemple, un épicier découvrit que certains de ses clients étaient des frères. La fille d’un gendarme rencontra son ancienne monitrice de l’école du dimanche. Il est impossible de décrire la joie que nous avons ressentie de nous réunir ensemble pour la première fois. Nous étions environ 80 à cette première réunion.”

NOUVEAU DÉPART DU SERVICE DE PIONNIER

Bien que l’on pût dénombrer 2 380 proclamateurs et 104 congrégations, il n’y avait pas un seul pionnier en France en 1947. Comme nous l’avons dit plus haut, l’œuvre n’était redevenue légale qu’en septembre 1947. L’Informateur (Le service du Royaume) du mois de décembre 1947 lança donc un appel pour le service de pionnier et, l’année d’après, les résultats étaient excellents.

En janvier 1948, huit Témoins zélés, dont sœur Simone Arnold, entreprirent ce service. En août, il y avait 96 pionniers, dont 20 pionniers de vacances. À eux tous, ils formaient une joyeuse armée de combattants: frères et sœurs, jeunes et vieux, célibataires et mariés, qui donnaient courageusement le témoignage en dépit de nombreuses difficultés. Sur 90 départements, 60 n’étaient plus visités par des Témoins! Le service de pionnier était donc nécessaire pour faire démarrer l’œuvre dans de nombreuses régions.

En 1948, les pionniers prêchaient dans 49 villes, dont certaines d’entre elles ne comptaient aucun Témoin. Mais nombre d’entre eux furent envoyés dans des lieux où des groupes de proclamateurs isolés existaient déjà. Ainsi, grâce aux efforts assidus des pionniers et à la bénédiction de Jéhovah, le nombre des congrégations passa de 104, en 1947, à 150, en 1950.

L’ACTIVITÉ DE LA CIRCONSCRIPTION COMMENCE

En 1948, aucun surveillant de circonscription ne visitait les congrégations, mais le besoin était évident. Cinq jeunes pionniers zélés, tous âgés de vingt-cinq ans environ: Léopold Jontès, Antoine Skalecki, François Baczinski, Raymond Tomaszewski et Thaddée Mlynarski, furent appelés au Béthel, afin de se familiariser avec les devoirs de cette fonction. Ils commencèrent leur service dans les congrégations le 1er octobre 1948.

Ces frères visitaient des circonscriptions très étendues. Comme les Témoins de cette époque étaient pauvres et vivaient dans des logements exigus, ces jeunes gens célibataires devaient être prêts à mener une vie rude. Il était rare qu’on leur offrît une chambre pour eux seuls. Aucun d’eux ne pouvait se permettre le luxe d’une automobile ni même d’une motocyclette.

LE MÉMORIAL ET LES ASSEMBLÉES

Le Mémorial de 1948 fut le premier qui fut célébré publiquement en France depuis 1939. Les frères de la région parisienne se réunirent tous dans une grande salle louée dans la banlieue sud, au Kremlin-Bicêtre. Il y eut 500 assistants, bien que, sur les 10 congrégations de l’agglomération parisienne, on ne comptât pas 300 proclamateurs. Sur le plan national, il y eut 5 912 assistants dont 407 participèrent aux emblèmes.

Dix assemblées de district furent organisées en 1948, et 9 235 personnes assistèrent au discours public. Le livre Que Dieu soit reconnu pour vrai!”, qui fut publié en français, s’avéra très utile pour affranchir les catholiques des entraves de la fausse religion. Pendant de nombreuses années, la majorité de ceux qui prirent position pour la vérité le firent après avoir étudié cet auxiliaire biblique.

La Tour de Garde parut à nouveau en français en 1948. La première campagne de diffusion fut organisée, et 6 043 nouveaux abonnements furent souscrits cette année-​là.

LES PROGRÈS DE L’ORGANISATION APRÈS LA GUERRE

À partir du numéro de janvier 1948, Réveillez-vous! commença à publier les leçons de l’ouvrage anglais Aide théocratique pour les proclamateurs du Royaume. Ces articles suscitèrent un regain d’enthousiasme pour l’École théocratique qui fonctionnait depuis quelque temps sur la base de la brochure Cours pour le ministère théocratique.

L’interdiction pesant sur l’œuvre ayant été levée en septembre de l’année précédente, en 1948 des discours publics furent prononcés dans les congrégations, les premiers depuis 1939.

En 1949, arrivèrent en France quatre missionnaires diplômés de Galaad, dont deux furent envoyés en Normandie, au Havre. L’un d’eux raconte ce qui lui arriva à cause de sa mauvaise connaissance de la langue française. Il dit:

“Je voyais souvent l’inscription ‘Chien méchant’. Or je confondais le mot ‘méchant’ avec le mot anglais ‘merchant’ qui signifie ‘marchand’, si bien que pour moi cet avertissement voulait dire ‘marchand de chiens’ (en anglais ‘Dog Merchant’). Je m’étais souvent fait la réflexion que cette profession était très répandue au Havre. Peu soucieux du danger, j’ouvrais grande la grille et m’avançais, le chien aboyant sur mes talons. Le maître de maison était souvent surpris de me trouver devant sa porte, calme, le chien à mes côtés. Et je ne fus pas mordu une seule fois! Sans doute les gens se demandaient-​ils quel charme émanant de ma personne agissait sur leurs chiens. Ils étaient loin de se douter que cela était dû à ma mauvaise connaissance du français!”

Les deux autres missionnaires furent envoyés à la filiale de Paris, afin d’aider frère Geiger à organiser l’œuvre de prédication en France et à appliquer les instructions relatives à la marche des filiales. La famille du Béthel se composait alors de 12 membres. Tous souhaitaient coopérer en se conformant aux suggestions offertes, afin que l’œuvre s’effectue en France comme dans toutes les autres parties du monde, sous la direction de l’“esclave fidèle et avisé”.

Ainsi, pour la première fois, des assemblées de circonscription eurent lieu en France. Le programme de ces assemblées correspondait fidèlement à celui qui était fourni par le bureau de Brooklyn. Le Recueil de cantiques pour le service du Royaume fut utilisé pour la première fois lors des assemblées de circonscription de 1949.

La brochure Conseils aux Témoins de Jéhovah sur l’organisation théocratique s’avéra d’une grande utilité pour les proclamateurs. Cet ouvrage, conjointement à l’aide dispensée par les serviteurs de circonscription, contribua énormément à l’harmonisation des méthodes de prédication et d’organisation dans toutes les congrégations de France.

L’ŒUVRE FAIT UN BOND EN AVANT

Tous les efforts qui furent faits en 1949 pour organiser l’œuvre théocratiquement portèrent des fruits abondants en 1950. Le nombre des proclamateurs passa de 3 236, en 1949, à 4 526, en 1950, soit un accroissement de 40 pour cent. On enregistra même un maximum de 5 441 proclamateurs, soit plus du double de la moyenne enregistrée en France deux années auparavant.

Pour répondre aux besoins qu’entraînait cet énorme accroissement, le nombre des circonscriptions fut porté à 10. Cette année-​là, les surveillants de circonscription furent aidés dans leurs fonctions par deux missionnaires américains d’origine polonaise et ukrainienne diplômés de Galaad, frères Stephen Behunick et Paul Muhaluk. Ayant été expulsés de Pologne, ils passèrent quelques mois en France en compagnie des serviteurs de circonscription avant de retourner aux États-Unis. Ils servirent en particulier dans les circonscriptions du nord de la France, là où il y avait un grand nombre de frères polonais. C’est aussi en 1950 que commença en France le service de pionnier spécial.

Cette année est mémorable pour plusieurs autres raisons encore. Pour la première fois, trois frères français allèrent à Galaad; ils obtinrent leur diplôme en été 1950, à l’assemblée “L’accroissement de la Théocratie”, au Yankee Stadium de New York. Sept autres frères français firent partie de la 16classe de Galaad, qui commença en septembre 1950.

Outre ces frères invités à Galaad, 20 délégués de France se rendirent à cette mémorable assemblée “L’accroissement de la Théocratie”. Des échos parvinrent aux frères de France lors des assemblées de district qui eurent lieu un peu plus tard cette année-​là. Certains délégués donnèrent des comptes rendus stimulants sur ce qu’ils avaient vu et entendu à New York. Leur visite au siège mondial de la Société à Brooklyn les avait particulièrement impressionnés.

LA PREMIÈRE ASSEMBLÉE INTERNATIONALE

Le grand événement de 1951 fut le premier congrès international tenu à Paris depuis 1937, l’Assemblée pour l’“adoration pure”. Des délégués vinrent de 28 pays, y compris d’endroits aussi éloignés que l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Venezuela et l’Amérique du Nord. Le congrès avait lieu au Palais des Sports, tout près de la Seine et de la tour Eiffel. Jamais les Témoins de Jéhovah en France n’avaient tenu une assemblée d’une telle importance.

La Tour de Garde anglaise fit les remarques suivantes: “L’assemblée était en quelque sorte une grande expérience: c’était la première fois qu’on organisait une cafétéria avec des plats chauds, la première fois qu’on fabriquait, distribuait et utilisait des sacs pour les périodiques, la première fois qu’on louait des trains spéciaux. Mais cette tâche immense fut entreprise avec foi, les obstacles furent surmontés, et le Dieu Tout-Puissant accorda son aide et sa bénédiction. Le résultat? Un grand succès! (...) L’assemblée qui commença avec 6 188 assistants se termina avec 10 456 assistants au discours public.”

Pendant l’assemblée, frère Knorr expliqua qu’à cause de son état de santé et pour d’autres raisons, frère Henri Geiger, qui avait servi fidèlement pendant de nombreuses années, était remplacé par frère Léopold Jontès. Par leurs applaudissements, les frères exprimèrent leur reconnaissance à ces deux surveillants.

UNE PÉRIODE D’ACCROISSEMENT REMARQUABLE

L’année 1951 marqua la conclusion d’une période d’expansion remarquable. Depuis 1947, le nombre des proclamateurs avait augmenté par bonds successifs. L’année 1947 vit un accroissement de 10 pour cent sur l’année précédente, accroissement limité par le fait que certains frères polonais du nord de la France acceptèrent l’offre du gouvernement polonais de retourner dans leur pays. En 1948, on enregistra un accroissement de 20 pour cent, en 1949 de 23 pour cent, en 1950 de 40 pour cent et en 1951 de 34 pour cent.

Le nombre des proclamateurs tripla en quatre ans, passant de 2 380, en 1947, à 7 136, en 1951. Au cours de la seule année de service 1951, le nombre des proclamateurs dans les congrégations de l’agglomération parisienne passa de 650 à 1 085. Cette année-​là, 1 065 personnes furent baptisées, soit un baptisé pour sept proclamateurs!

La majorité des frères étaient donc de jeunes ‘agneaux’ au sens spirituel qui avaient besoin d’aide pour acquérir la maturité. La période suivante de l’histoire des Témoins de Jéhovah en France, celle de 1952 à 1956, fut donc marquée par une baisse de l’accroissement, mais aussi par l’affermissement des membres des congrégations et leurs progrès vers la maturité chrétienne.

LA TOUR DE GARDE EST INTERDITE, MAIS LA PRÉDICATION S’ÉTEND

Avec le numéro du 8 janvier 1952, le périodique Réveillez-vous! devint bimensuel. On commença aussi à diffuser le périodique dans les rues à l’aide de sacs conçus exprès, si bien que, cette année-​là, 285 837 exemplaires de La Tour de Garde et de Réveillez-vous! furent distribués en France, soit plus qu’à n’importe quel autre moment de l’histoire de l’œuvre dans ce pays. Mais, à la fin du mois de décembre 1952, la presse annonça une nouvelle qui fit l’effet d’une bombe: La Tour de Garde était interdite.

Ayant pris avis des services de sécurité de la police, le ministre de l’Intérieur interdit la diffusion de La Tour de Garde en France et dans les territoires français. La raison de cette interdiction? La Tour de Garde, prétendait-​on, incitait les jeunes gens à refuser d’accomplir leur service militaire. Mais certains journaux français exprimèrent l’idée que ce n’était là qu’un prétexte, la raison véritable étant que les articles de La Tour de Garde dévoilaient la duplicité de l’Église catholique.

En dépit de l’interdiction, 1952 fut une bonne année pour l’œuvre du Royaume. En effet, les frères commencèrent à unir leurs efforts pour prêcher dans les régions de France où il n’y avait pas de Témoins. L’Informateur (Le service du Royaume) du mois de mars encouragea les congrégations à prêcher dans les territoires non attribués pendant les mois d’été. La majeure partie des proclamateurs vivaient alors dans la région minière du nord de la France, où de grandes congrégations visitaient le territoire toutes les deux ou trois semaines. En revanche, personne ne prêchait dans les grandes villes des départements voisins. Il en était de même pour l’île de la Corse. Deux pionniers spéciaux furent donc envoyés dans cette île de la Méditerranée en 1952.

AFFERMISSEMENT DE L’ŒUVRE

En 1953 et en 1954, l’œuvre continua à progresser, si bien que l’on enregistra un accroissement de 9 pour cent pour chacune de ces années, et 1 657 personnes furent baptisées. En janvier 1953, les circonscriptions furent remaniées, et leur nombre passa à 11. En même temps, le nombre des congrégations visitées par chaque serviteur itinérant fut ramené de 24 à 18 ou 20, pour lui permettre de passer plus souvent. Le nombre des études de livre de la congrégation augmenta également, ce qui permit à un plus grand nombre de personnes d’y assister et aux conducteurs d’accorder une aide soutenue à ceux qui en avaient besoin.

L’assemblée “La société du monde nouveau” qui se tint au Yankee Stadium de New York, au mois de juillet, fut également un facteur d’affermissement. Soixante-douze délégués venus de France assistèrent à cette merveilleuse assemblée et eurent l’occasion de visiter le Béthel de Brooklyn ainsi que l’imprimerie. Ils ressemblaient à autant de reines de Schéba découvrant ‘qu’on ne leur en avait pas appris la moitié’.

C’est aussi en 1953 que frère Skalecki devint le premier surveillant de district à temps complet. Jusque-​là, les assemblées de circonscription étaient desservies, en fin de semaine, par des frères du Béthel. L’année d’après, frère Skalecki projeta en France le film “La Société du Monde Nouveau en action”. Ce film donnait un aperçu des activités du Béthel de Brooklyn et de l’imprimerie. Il contribua à resserrer les liens entre les frères de France et le siège mondial de l’organisation.

L’AFFERMISSEMENT SE POURSUIT

L’année de service 1955 fut, elle aussi, une année d’affermissement plutôt que d’accroissement rapide. On dénombra 456 proclamateurs de plus qu’en 1954, soit un accroissement de 6 pour cent. Mais, fait significatif, 1 246 personnes furent baptisées, ce qui démontrait que, jusque-​là, nombre de proclamateurs n’avaient pas encore pris position pour Jéhovah en se vouant à lui et en le symbolisant par l’immersion dans l’eau. Ce total de baptisés prouve bien que l’organisation de France allait en s’affermissant.

Une autre caractéristique de l’œuvre en 1955 fut le nombre accru de périodiques mis entre les mains du public français. En 1954, on avait distribué 288 902 périodiques. En 1955, ce chiffre passa à 513 236! L’année 1955 marqua un tournant dans la diffusion du périodique, car chaque année son tirage augmenta de plusieurs centaines de milliers d’exemplaires par rapport à l’année précédente, et ce pendant de nombreuses années. Nous parlons, bien entendu, du périodique Réveillez-vous!, puisque La Tour de Garde était toujours interdite.

UNE AUTRE ASSEMBLÉE INTERNATIONALE À PARIS

L’événement prédominant de 1955 fut l’assemblée “Le Royaume triomphant”, qui se tint à Paris du 3 au 7 août. La première assemblée internationale organisée après la guerre avait eu lieu en 1951 dans ce même Palais des Sports. Cette année-​là, 10 456 personnes avaient assisté au discours public, et 351 s’étaient fait baptiser. L’assemblée de 1955 serait-​elle différente?

Le premier jour, 9 701 personnes se pressaient dans le Palais des Sports, remplissant le parterre devant l’estrade, occupant les rangées de sièges latérales et allant jusqu’à s’installer dans le haut des tribunes supérieures. Deux jours plus tard, 774 candidats au baptême répondaient par un “oui!” convaincu aux questions que leur posa l’orateur. Au discours public du dimanche, prononcé par frère Knorr et traduit en français, 16 500 personnes firent salle comble. Frère Jontès écrivit:

“Nous sommes reconnaissants à Jéhovah qu’une telle assemblée ait pu se dérouler! Nous avons été émus de voir les cameramen des actualités filmer le baptême et les assistants au discours public. Des centaines de milliers de personnes en France ont vu ces films une semaine après l’assemblée. Les Témoins de Jéhovah faisaient partie de l’actualité.”

PRÉPARATIFS POUR UN PLUS GRAND ACCROISSEMENT

En 1956, il y eut en moyenne 8 867 proclamateurs, soit 355 de plus que l’année précédente, c’est-à-dire 4 pour cent d’accroissement seulement. Cependant, 951 personnes furent baptisées, 12 801 assistèrent au Mémorial et 232 prirent les emblèmes. Le nombre des périodiques placés passa de 513 236, en 1955, à 869 841, en 1956! Cette excellente activité laissait augurer un plus grand accroissement.

Les frères s’éloignaient de leur territoire habituel pour joindre le plus de gens possible et leur donner le message du Royaume. Plus de 100 congrégations demandèrent un territoire non attribué et visitèrent des villes et des villages qui n’avaient jamais vu un Témoin depuis la Seconde Guerre mondiale et même avant. Le nombre des pionniers spéciaux, qui les aidaient à contacter ces gens, passa de 33, en 1955, à 64, en 1956. La Société les envoya dans des régions peu visitées jusque-​là, telle la Bretagne. En 1956, 15 diplômés de l’École de Galaad servaient en France. Les 194 congrégations étaient réparties en 12 circonscriptions et, pour la première fois, en deux districts.

La maison située Villa Guibert, qui avait été achetée en 1947 pour y abriter le Béthel et le bureau de la filiale, s’avérait déjà trop exiguë, et les perspectives d’accroissement faisaient ressortir l’urgence d’un changement. C’est pourquoi, le 18 juillet 1956, la Société acheta un terrain de 660 mètres carrés à Boulogne-Billancourt, banlieue industrielle située à l’ouest de Paris et connue dans le monde entier parce que se trouvent là les usines Renault. On projetait de construire un immeuble de quatre étages qui puisse abriter la famille du Béthel, le bureau et une petite imprimerie. On se préparait à une plus grande expansion de l’œuvre en France.

UNE PÉRIODE D’ACCROISSEMENT PLUS RAPIDE COMMENCE

Le cap de 10 000 proclamateurs fut franchi pour la première fois en 1957 avec un nouveau maximum de 10 954, ce qui représentait un accroissement de 12 pour cent sur l’année précédente. En outre, le nombre des heures consacrées au service et celui des périodiques distribués dépassèrent le million! Plus de 1 100 personnes furent baptisées, et on enregistra 14 488 assistants au Mémorial. Cette même année, les serviteurs de district et de circonscription, qui supervisaient respectivement deux districts et 14 circonscriptions, pour un total de 212 congrégations, suivirent un cours spécial.

Les démarches relatives à la construction du nouveau Béthel étaient au point mort. Finalement, le permis de construire fut délivré le 20 mai 1957, soit 10 mois après l’achat du terrain. Les excavations furent commencées le 12 juin, et les fondations posées le 2 octobre 1957. Il fallut attendre un an et demi avant que l’immeuble ne fût achevé.

DEUX ÉVÉNEMENTS IMPORTANTS EN 1958

Le premier de ces événements, politique celui-là, affecta directement la prédication du Royaume en France. À la suite de la crise engendrée par la guerre d’Algérie, l’état d’urgence fut déclaré en France, et toutes les réunions publiques furent interdites. On craignit qu’une junte militaire s’emparât du pouvoir mais, le 1er juin, on apprit que le général de Gaulle avait accepté de diriger le gouvernement puis de devenir chef de l’État. Son retour au pouvoir inaugura une période de stabilité dont le pays avait été privé depuis des dizaines d’années.

Aucune loi française n’accordant l’exemption du service militaire aux ministres du culte, quelques jeunes Témoins étaient emprisonnés depuis près de 10 ans. Le général de Gaulle fit libérer ceux qui étaient en prison depuis 5 ans et plus. Par la suite, son gouvernement ramena la peine de prison infligée aux frères à deux fois la durée légale du service militaire obligatoire. En clair, si les appelés du contingent effectuaient 18 mois de service, les frères étaient condamnés à trois ans de prison. Le nouveau régime était donc, et de loin, plus libéral que le précédent puisque, jusque-​là, un jeune homme emprisonné à l’âge de 20 ans n’avait aucune idée du jour où il serait libéré.

La stabilité politique favorisa le bel accroissement de 11 pour cent enregistré en 1957 avec un nouveau maximum de 12 141 proclamateurs du Royaume. Vingt-trois nouvelles congrégations furent formées, et de nombreux noyaux de proclamateurs isolés furent organisés, à mesure que des Témoins zélés, animés par un esprit pionnier, déménageaient pour se rendre en des endroits où le besoin était grand. La filiale orientait ces frères ainsi que la centaine de pionniers spéciaux du pays, en premier lieu vers les villes de 50 000 habitants et plus où il n’y avait pas de Témoin, puis, dès que la prédication s’effectuait dans ces territoires, vers les villes de population moindre.

C’est ainsi que l’œuvre commença à se développer à Poitiers, à Dijon, à Annecy, à Limoges et à Rennes. La ville de Caen constitue un exemple remarquable. En quelques années, une petite congrégation qui ne comptait qu’une poignée de proclamateurs devint une grande congrégation qui fut ensuite scindée en plusieurs unités, pour finalement donner naissance aux nombreuses congrégations d’alentour. Ainsi, l’œuvre commença à s’étendre dans toute la France, au lieu de rester concentrée dans certaines régions et notamment dans le Nord et le Pas-de-Calais.

L’autre événement marquant de l’année fut l’assemblée internationale “La volonté divine”, à New York, qui dura huit jours, en juillet et en août. À ce congrès assistèrent 641 délégués français (551 étaient venus par avion et 90 par bateau), presque neuf fois plus que pour l’assemblée de 1953. Près d’un proclamateur sur 20 assista à cette assemblée! N’était-​ce pas remarquable? Cette assemblée fortifia et unit les frères français. Frère Knorr annonça aux délégués la création d’écoles de formation dans de nombreuses filiales ainsi que la construction du nouveau Béthel de France.

Des échos de cette merveilleuse assemblée parvinrent à tous les frères de France lors des cinq assemblées de district qui se tinrent dans le pays au mois de septembre 1958. À cette occasion, 677 nouveaux frères et sœurs furent baptisés. La puissante résolution adoptée à New York le fut aussi à ces assemblées et, au cours du mois de décembre, 1 670 000 tracts intitulés “Comment la chrétienté a-​t-​elle failli à sa mission envers l’humanité?” furent distribués dans toute la France. Quel grand témoignage!

LE NOUVEAU BÉTHEL FRANÇAIS

Au début du printemps 1959, le nouveau Béthel fut achevé. Les vendredi 17, samedi 18 et dimanche 19 avril, le bureau fut transféré de la Villa Guibert au 81 rue du Point-du-Jour à Boulogne-Billancourt. Le lundi, le nouveau Béthel commençait à fonctionner.

L’édifice de quatre étages comportait un sous-sol suffisamment vaste pour abriter une imprimerie. Au rez-de-chaussée se trouvaient la Salle du Royaume et le bureau et, au premier étage, la salle à manger, la cuisine, ainsi que plusieurs pièces à usage de bureaux. Aux deuxième, troisième et quatrième étages, on disposait de 24 chambres. Puisque la famille du Béthel comprenait alors 17 membres, il y avait suffisamment de place pour l’expansion future, ainsi que pour l’École du ministère du Royaume dont frère Knorr avait parlé pour la première fois lors de l’assemblée internationale de 1958. À la fin du mois de mai 1959, frère Knorr visita les lieux et, le 1er juin, il prononça un discours à la Salle Pleyel, devant 2 026 frères et sœurs de la région parisienne.

UNE IMPORTANTE VICTOIRE LÉGALE

Deux jours plus tard, le 3 juin, frère Jontès reçut une importante nouvelle d’un avocat parisien. Le 2 juillet 1957, il avait été cité devant un juge d’instruction. On l’accusait d’inciter les jeunes gens à refuser d’accomplir leur service militaire, accusation susceptible de le mener en prison, lui et les frères composant le bureau de l’association française. Celle-ci risquait d’ailleurs d’être interdite.

L’enquête judiciaire se poursuivit en 1957 et 1958. Finalement l’affaire fut jugée le 16 février 1959. Frère Jontès donna un excellent témoignage et, le 2 mars 1959, l’association fut acquittée. Le procureur de la République ayant interjeté appel de ce jugement, l’affaire fut présentée à la 11chambre, le 20 mai 1959. C’est alors que le 3 juin l’avocat de la Société téléphona à frère Jontès pour l’informer que la cour d’appel avait rendu son arrêt: non coupable. Cette grande victoire théocratique laissait la voie ouverte pour une prédication accrue de la bonne nouvelle en France.

En 1959, la Société enregistra un accroissement de 17 pour cent dans le nombre des proclamateurs, avec un maximum de 13 935. Le nombre des congrégations passa de 235 à 254, dont celles de Bastia, en Corse, et de Rennes, en Bretagne. Chiffre remarquable, 2 106 personnes furent baptisées, dont 525 aux six assemblées de district.

L’EXPANSION EN 1960

“L’année de service 1960 a été l’une des plus remarquables que nos frères de France aient jamais connues”, écrivit le président de la Société, Nathan Knorr. La mise en place de l’imprimerie, qui comprenait une linotype, une presse, une plieuse et une assembleuse-piqueuse, constitua un jalon important de l’œuvre en France. Les premiers exemplaires de Notre Ministère du Royaume (Le service du Royaume) furent imprimés par la filiale française en mars 1960. Dès lors, la Société cessa d’avoir recours à des imprimeurs extérieurs, mais imprima elle-​même les écrits nécessaires aux frères, à l’exception des périodiques, des livres et des brochures qui sont imprimés à Brooklyn, en Suisse ou à Wiesbaden, en Allemagne.

L’expansion se poursuivit dans d’autres secteurs. Le nombre moyen des Témoins crût de 10 pour cent, et on enregistra un nouveau maximum de 15 439 proclamateurs. L’assistance au Mémorial dépassa pour la première fois le cap des 20 000, avec le chiffre record de 23 073. En outre, 26 nouvelles congrégations furent formées, ce qui portait leur nombre total à 280. À la fin de l’année, seulement trois villes de plus de 20 000 habitants ne comptaient aucun proclamateur.

L’ÉVÉNEMENT DE 1961: L’ASSEMBLÉE DES ADORATEURS UNIS

Le Parc des Princes, stade à l’ouest de Paris, fut loué pour l’assemblée “Les adorateurs unis” qui devait avoir lieu du 3 au 6 août. Cependant, trois mois avant le congrès, un putsch militaire en Algérie manqua de jeter la France dans une horrible guerre civile. Une vague de terrorisme, fomentée par la droite, ainsi que de nombreux attentats à la bombe créèrent un climat d’insécurité. Le gouvernement interdit tout rassemblement important. Le contrat passé avec le Parc des Princes fut annulé seulement quelques semaines avant le début de l’assemblée. Toutefois, on obtint finalement une autorisation spéciale pour tenir l’assemblée dans le stade de Colombes, à l’extérieur de Paris.

Des organisateurs avertis auraient éprouvé de sérieuses difficultés à organiser ce congrès, vu la précarité de la situation alliée à l’incertitude quant au lieu de l’assemblée. C’était aussi la première assemblée tenue en plein air et la première où les frères avaient mis en place un système de cafétéria (tentes, tables, chaudières, marmites à vapeur, fours, machines à laver les plateaux, etc.). Finalement, grâce au concours de tous et au soutien de l’esprit de Dieu, tout fut prêt à temps pour le début de l’assemblée.

Le congrès fut remarquable. Environ 800 frères vinrent d’Espagne où l’œuvre était interdite. Ils purent profiter du programme dans leur langue maternelle et en toute liberté. En outre, 80 assistants vinrent du Portugal, et les discours furent donnés simultanément en français, en polonais, en espagnol et en portugais.

Puisque aucune publicité n’avait été autorisée et que l’assemblée avait lieu hors de Paris, les frères se demandaient si le nombre des assistants surpasserait celui qui avait été enregistré lors de l’assemblée internationale de 1955. Tel fut le cas puisque 23 004 personnes écoutèrent le discours public de frère Knorr sur le thème “Quand toutes les nations s’uniront sous le Royaume de Dieu”. Autre résultat remarquable, plus de 5 pour cent des assistants furent baptisés à cette assemblée, soit 1 203 personnes!

En 1961, on enregistra 10 pour cent d’accroissement sur le nombre des proclamateurs, avec un maximum de 17 108 Témoins. La même année, on inaugura au Béthel l’École du ministère du Royaume. La première classe, qui eut lieu du 13 mars au 8 avril, était composée de surveillants de district et de circonscription. Puis, au fil des années, les serviteurs de congrégations et les pionniers spéciaux (frères et sœurs) de France, de Belgique et de Suisse, assistèrent à ce cours.

CENT POUR CENT D’ACCROISSEMENT EN SEPT ANS

En sept ans, le nombre moyen des proclamateurs doubla, passant de 8 512, en 1955, à 17 299, en 1962. On assistait à un merveilleux rassemblement des “autres brebis”! Il y avait des proclamateurs dans toutes les villes de plus de 20 000 habitants. De plus, 324 surveillants et pionniers spéciaux avaient déjà assisté à l’École du ministère du Royaume.

Frère Henri Geiger, qui fut baptisé et commença son service en 1920, vécut assez longtemps pour être témoin de ce merveilleux accroissement, alors que quelques dizaines de proclamateurs seulement prêchaient à cette époque-​là. Après que frère Jontès l’eut remplacé comme serviteur de filiale en 1951, frère Geiger continua à travailler au Béthel. Sa santé déclinant, sa femme et lui quittèrent le Béthel pour aller vivre avec leur fils. Le 29 août 1962, ce frère acheva sa course terrestre. L’histoire de sa vie fut publiée dans La Tour de Garde anglaise du 15 décembre 1962 (BI 12bis/63).

DES PIONNIERS SPÉCIAUX NOMMÉS À PARIS

Fait curieux, si l’œuvre progressait rapidement en France, l’accroissement ne suivait pas le même rythme dans la capitale. La Société décida donc d’ouvrir une maison de missionnaires au 11 rue de Seine, à Boulogne-Billancourt, non loin du Béthel. Elle acheta la maison, et des frères pionniers, venus au Béthel à cette intention, l’agrandirent et procédèrent à diverses installations. Le 17 décembre 1962, la maison était prête à accueillir des pionniers spéciaux qui allaient prêcher dans Paris et ses environs. Ce bâtiment devint aussi une annexe du Béthel. La Société y transféra le service des expéditions qui se trouvait jusqu’alors dans un autre quartier de Paris.

DE 1963 À 1966 LA BÉNÉDICTION DE JÉHOVAH CONTINUE

Les années suivantes, de 1963 à 1966, on observa de nombreuses preuves de la bénédiction de Jéhovah. Il y eut tout d’abord, en 1963, la série d’assemblées autour du monde sur le thème “La bonne nouvelle éternelle”. Aucun de ces congrès n’eut lieu en France, mais environ 11 000 frères et sœurs français, soit plus de la moitié des proclamateurs du pays, assistèrent à ces assemblées, à Milan, en Italie, ou à Munich, en Allemagne. Des trains spéciaux furent loués en grand nombre pour transporter les délégués. Et quel festin spirituel avec la parution, entre autres, des Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau en français!

En 1963, pour la première fois, le nombre des Témoins de Jéhovah en France dépassa les 20 000. En 1964, les proclamateurs réalisèrent un accroissement de 9 pour cent, et 2 000 personnes furent baptisées. Pour la première fois également, on distribua plus de 3 000 000 d’exemplaires de Réveillez-vous!, et près de 1 100 pionniers, y compris les pionniers de vacances (auxiliaires), participèrent à leur diffusion.

En 1965, 34 862 personnes assistèrent au Mémorial, et on enregistra un nouveau maximum de 22 933 proclamateurs. La distribution de Réveillez-vous! continua à augmenter: plus de 3 500 000 exemplaires furent diffusés cette année-​là. On dénombrait alors 380 congrégations et 92 groupes de proclamateurs isolés. Cependant, 94 villes de 5 000 à 12 000 habitants ne comptaient pas de Témoins. Par contre, l’œuvre de témoignage progressait nettement dans les grandes villes. Il y avait onze congrégations à Paris, sept à Lyon, quatre à Nice et à Mulhouse, et plusieurs autres villes importantes en comptaient trois.

L’année 1966 fut marquée par la formation de 62 nouvelles congrégations, ce qui porta à 442 leur nombre total. La France était alors divisée en 30 circonscriptions et 3 districts. Cette année-​là, 5 assemblées de district eurent lieu, et 22 153 personnes au total écoutèrent le discours public. À l’assemblée de Bordeaux, les Témoins français eurent la joie d’accueillir leurs frères du Portugal. Comme la plupart de ces frères ne pouvaient se permettre de payer l’hôtel, et que les frères locaux ne disposaient pas de place suffisante pour les héberger dans leurs foyers, un cinéma fut loué et transformé en un immense dortoir. Il était divisé en deux, pour les frères et pour les sœurs, et équipé de douches, de lavabos, etc. Les frères portugais exprimèrent leur profonde gratitude pour l’amour dont les frères français avaient fait montre à leur égard. Un serviteur de district, frère Marian Szumiga, déclara: “Quand l’heure fut venue de se quitter, beaucoup avaient les larmes aux yeux.”

“J’ACCÉLÉRERAI CELA EN SON TEMPS”

Quoique le rassemblement des “autres brebis” ait constamment progressé de 1963 à 1966, on peut dire que Jéhovah ‘accélérait cela en son temps’. (És. 60:22.) Non seulement il y eut un accroissement du nombre des proclamateurs de l’ordre de 10 pour cent en 1967, mais le nombre des assistants au Mémorial atteignit le total remarquable de 41 274, dont 143 participants. En outre, le chiffre de 19 327 études bibliques à domicile, conduites en moyenne chaque mois, contre 15 964 l’année précédente, laissait également augurer un accroissement encore plus grand. Cette année-​là, 4 000 000 de Réveillez-vous! furent distribués, et 55 446 nouveaux abonnements souscrits.

Cet été-​là, 27 009 personnes assistèrent aux 9 assemblées de district “Faites des disciples”. Les frères goûtèrent vivement les représentations bibliques. Pour preuve de l’accroissement, 2 269 nouveaux disciples furent baptisés, dont 960 lors des assemblées de district.

CRISE POLITIQUE ET SOCIALE EN FRANCE

Une très grave crise politique et sociale secoua la France au printemps 1968. Les troubles commencèrent avec des manifestations d’étudiants d’abord à Paris, à la Sorbonne, puis dans les autres universités de la région parisienne et enfin dans les universités et les lycées du pays tout entier. Pendant un temps, le Quartier latin devint un véritable champ de bataille. Les étudiants prirent à partie la police qui s’efforçait de maintenir l’ordre. Ils arrachèrent des pavés et les lancèrent sur les forces de sécurité. Ils abattirent les arbres de certains boulevards célèbres pour dresser des barricades. Ils incendièrent des voitures et brisèrent des vitrines. Il y eut plusieurs centaines de blessés de part et d’autre.

Puis les syndicats se joignirent aux étudiants en organisant des manifestations et en lançant un ordre de grève générale. C’est ainsi que pendant les mois de mai et de juin 1968, la France fut virtuellement paralysée. Le courrier ne fut plus distribué, les trains s’arrêtèrent, les industries cessèrent de produire et même le trafic aérien fut interrompu. On put croire un moment que le régime gaulliste allait être renversé, mais communistes et non-communistes étaient divisés, et il n’y avait pas de cohésion entre les travailleurs et les étudiants. Finalement, après que le gouvernement et le patronat eurent accordé des concessions spectaculaires, la violence et les grèves prirent fin. Des élections eurent lieu fin juin, et le parti gaulliste l’emporta avec une grande majorité.

Pendant environ un mois, la filiale ne put correspondre avec les congrégations. Les frères n’en poursuivirent pas moins leur activité. Mieux encore, certains profitèrent du temps libre dû à la fermeture de leur entreprise pour se consacrer davantage au service du champ. Pour la première fois en France, on enregistra une moyenne de 12 heures de prédication par proclamateur.

AFFERMISSEMENT SPIRITUEL DES FRÈRES

Du 7 au 12 mai, pendant les manifestations estudiantines les plus graves, frère Milton Henschel visita la filiale de France. Sa visite fut des plus édifiantes, car il consacra beaucoup de temps à la famille du Béthel, accordant un mot d’encouragement à chacun, réchauffant ainsi le cœur de tous. Il quitta Paris juste à temps, peu avant que le trafic aérien ne soit paralysé par la grève générale. Frère Knorr, qui avait prévu de visiter la filiale en juin, ne put venir en France à cause des événements.

C’est pourquoi frère Jontès et frère Jean-Marie Bockaert, alors son adjoint, rencontrèrent frère Knorr en Belgique et examinèrent avec lui comment donner davantage de nourriture spirituelle aux frères français. Comme nous l’avons dit plus haut, La Tour de Garde était interdite en France, mais des articles édifiants paraissaient dans une brochure mensuelle de 64 pages. Il fut décidé qu’une brochure de 48 pages paraîtrait deux fois par mois. Il en fut ainsi à partir du 1er janvier 1969, et les frères français reçurent tous les mois, non plus 64, mais 96 pages d’articles traduits. Frère Knorr autorisa l’achat d’une quatrième presse pour effectuer cette tâche supplémentaire.

PRÉPARATION DU LIVRE “VÉRITÉ”

Les événements politiques de mai et de juin 1968 eurent d’autres conséquences imprévues sur les intérêts du Royaume en France. Beaucoup se souviennent que c’est en 1968 que parut le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle. La Bible excepté, c’est actuellement le livre le plus diffusé dans le monde occidental avec plus de 95 millions d’exemplaires, en 112 langues. La Société prit des dispositions pour que certaines filiales reçoivent les premières épreuves du livre Vérité, afin de les traduire dès leur réception. Ainsi, cet auxiliaire paraîtrait simultanément dans quelques-unes des langues les plus répandues dans le monde.

Tout s’était bien passé à la filiale de France, car un traducteur avait réussi à traduire le livre en un mois. Une partie du manuscrit ainsi traduit fut envoyé à Brooklyn et y arriva sans problème. Une autre fraction fut envoyée, mais la grève des postes ayant éclaté soudainement, le manuscrit se trouva bloqué.

Le manuscrit fut alors recopié, puis apporté à Bruxelles. On organisa entre Paris et Bruxelles un service de navette avec la collaboration de frères qui possédaient une voiture. Ils emportaient le courrier de France en Belgique, d’où il était expédié, et ils ramenaient en France le courrier qui était arrivé en Belgique. L’ouvrage fut ainsi achevé et, pour la première fois, les frères français reçurent un livre en même temps que leurs frères d’expression anglaise. Certes, quelques exemplaires seulement furent présentés aux assemblées de cet été-​là, mais tous purent très rapidement disposer d’une quantité suffisante de livres pour les diffuser dans le champ.

L’ASSEMBLÉE “PAIX SUR LA TERRE”

L’événement marquant de 1969 fut l’assemblée internationale “Paix sur la terre” qui se déroula au stade de Colombes. Elle faisait partie d’une chaîne de congrès dont le premier se tint aux États-Unis au début du mois de juillet. Quelque 334 délégués français traversèrent l’Atlantique pour un rassemblement de sept jours. Puis ce fut le tour de la France, du 5 au 10 août.

Des dispositions furent prises pour que le programme soit donné en portugais et en polonais. Mais au total, 78 nationalités étaient représentées. Outre les 2 731 Portugais et les 600 Polonais, il y eut 5 000 Belges, 1 000 Suisses, plus de 1 300 Américains, 200 Canadiens, 170 Anglais et 120 Africains. On organisa des sessions spéciales en anglais auxquelles assistèrent plus de 800 personnes.

Les frères portugais n’avaient jamais eu plus belle assemblée. C’est à Toulouse, en 1968, qu’ils avaient enregistré le plus grand nombre d’assistants (825) à une assemblée, et ce depuis le début de l’histoire de l’œuvre au Portugal. On estima qu’un très grand pourcentage des frères du Portugal assistèrent à l’assemblée de Paris et leur satisfaction fut grande. Par exemple, il y eut 65 représentants d’une congrégation de Lisbonne comptant 90 proclamateurs! Une sœur économisa pendant deux ans pour s’offrir le voyage aller et retour à l’assemblée. Parmi les assistants, certains étaient venus de l’Angola, des Açores, des îles du Cap-Vert, de Madère et du Mozambique.

L’assemblée commença avec le beau temps, et il y eut tous les jours un soleil radieux. Ce fut une bénédiction, car les Portugais, les Polonais et la moitié des Français occupèrent des gradins non couverts. Mais quelle allait être l’assistance totale?

Le dimanche, 47 480 personnes écoutèrent le discours public intitulé “Une paix de mille ans est proche”, soit plus du double du nombre des assistants enregistré au stade de Colombes lors de l’assemblée de 1961! Plus remarquable encore, 3 619 personnes se firent baptiser, c’est-à-dire environ 10 pour cent de la moyenne quotidienne des assistants au congrès! Cette augmentation du nombre des Témoins de Jéhovah se révéla un sujet de préoccupation pour le clergé, comme l’atteste ce commentaire extrait du France-Soir du 6 août 1969:

“Plus que leurs spectaculaires moyens de diffusion, c’est le prosélytisme des Témoins de Jéhovah qui inquiète les clergés des autres religions; chaque Témoin de Jéhovah se doit en effet de “témoigner” sa foi en faisant du ‘porte-à-porte biblique’, et en travaillant suivant les consignes de l’organisation. (...) La doctrine des Témoins de Jéhovah s’appuie sur la Bible (...). Ils croient en un Dieu (Jéhovah), rejettent la Sainte-Trinité, nient l’immortalité de l’âme, l’existence de l’enfer et du purgatoire.”

La presse, la radio et la télévision prêtèrent une attention sans précédent à l’assemblée. En raison de la situation délicate dans laquelle se trouvait le pays, aucun appel n’avait été lancé aux journalistes, mais ils vinrent spontanément. Dès la première matinée, 10 d’entre eux étaient présents et, le lendemain, des articles agrémentés de photographies paraissaient en première page de plusieurs grands quotidiens français. Le jeudi 7 août, au journal de 20 heures, le programme le plus suivi en France, la télévision consacra à l’assemblée une séquence de trois minutes dans laquelle tout ce qui fut dit fut favorable aux Témoins.

Le même jour, dans sa rubrique réservée aux nouvelles religieuses, le journal Le Monde publia, sur l’assemblée, un article (90 cm de colonnes) quatre fois plus long que celui consacré à l’Église catholique (23 cm)! Les meilleurs journaux français firent tous paraître des comptes rendus favorables, non pas dans des éditions spéciales vendues aux environs du stade, mais dans leurs éditions nationales diffusées dans toute la France et dans les pays francophones. Au total, la presse française imprima plus de 22 mètres de colonnes et de photographies!

La famille du Béthel imprima de son côté deux rapports d’assemblée qui parurent pendant le congrès: le premier de 16 pages et l’autre de 32, tous deux agrémentés de photographies. Jusque-​là, aucun rapport n’avait été publié en français sur une assemblée tenue en France. Ces ouvrages furent aussi très utiles après le congrès pour montrer aux gens l’importance et l’ampleur de l’organisation de Jéhovah.

En 1969 parut également en français le nouveau recueil de cantiques “Chantant et vous accompagnant de musique dans votre cœur”. Les frères le reçurent un peu avant l’assemblée de Colombes, ce qui leur permit d’apprendre les cantiques qui allaient être chantés pendant le congrès.

LE LIVRE “VÉRITÉ” CONTRIBUE À L’ACCROISSEMENT DE L’ŒUVRE

En 1969, on enregistra en moyenne 29 754 proclamateurs, soit 12 pour cent d’accroissement. Le livre Vérité, paru l’année d’avant, avait joué un rôle primordial dans ce résultat. Les proclamateurs conduisirent en moyenne chaque semaine 25 949 études bibliques à domicile, et 60 457 personnes assistèrent au Mémorial, contre 49 086 l’année d’avant. On enregistra 4 583 nouveaux baptêmes, soit plus du double du nombre maximum de baptêmes jamais atteint auparavant au cours d’une seule année.

Cet accroissement accéléré se poursuivit. Il y eut une augmentation de 15 pour cent du nombre de proclamateurs en 1970 et de 14 pour cent en 1971. De 26 614 proclamateurs en 1968, on passa à une moyenne de 39 026 en 1971, 12 000 de plus en trois ans seulement! D’autre part, 80 293 personnes assistèrent au Mémorial en 1971, soit 30 000 de plus qu’en 1968. De nouvelles congrégations furent également formées en France, au rythme d’une par semaine, 53 en 1971, ce qui donna le chiffre total de 636. De toute évidence, le livre Vérité a joué un grand rôle dans le rassemblement des brebis du Seigneur.

LES PRÉPARATIFS DE L’ASSEMBLÉE DE TOULOUSE

L’assemblée de Toulouse devait être la plus importante des assemblées de district ayant pour thème “Le nom divin” prévues en France en 1971. Cette assemblée devait recevoir 25 000 personnes, 5 000 Français, 5 000 Portugais et 15 000 Espagnols. Pour la mise en place de cette assemblée trilingue, tous les hôtels et les campings disponibles avaient été retenus à Toulouse et dans les environs. Mais un événement inattendu allait tout remettre en question.

Une épidémie de choléra se déclara en Espagne. Des mesures préventives furent annoncées, mais les autorités hésitaient à interdire le congrès, car cette décision serait impopulaire auprès des commerçants locaux. Elles craignaient aussi une action en justice de la Société, en raison des contrats qu’elle avait passés et des énormes préparatifs qu’elle avait déjà faits. Alors que les travaux se poursuivaient, les frères apprirent finalement que l’assemblée était officiellement interdite. Frère Jean-Claude Rézer, surveillant de l’assemblée, écrivit:

“Jusqu’au bout les frères ont été magnifiques. Mais leur dévouement fut remarquable lorsque l’interdiction a été annoncée. (...) Il y a eu des larmes, mais tout le monde a compris l’importance de se remettre à l’œuvre pour démonter ce qui avait été construit pour rien. Tous les responsables des services furent à la hauteur de leur tâche. Les frères d’Espagne et du Portugal, tout en œuvrant pour tenir leur assemblée ailleurs, ont contribué à nous épauler pour démonter l’ensemble des installations.”

BÉNÉDICTIONS MALGRÉ L’INTERDICTION

En principe, tous les frères d’expression française purent assister à l’une ou à l’autre des assemblées qui eurent lieu en France. Près de 900 frères du Portugal, voyageant au moyen de douze autocars, d’un avion affrété et de nombreuses voitures privées, purent assister à un programme de “secours” organisé à Londres. Au total, 48 533 personnes assistèrent aux assemblées “Le nom divin”, et 2 084 d’entre elles furent baptisées.

L’année 1971 fut une année de grande expansion théocratique en France. Elle fut aussi marquée par la parution très appréciée de l’Annuaire des Témoins de Jéhovah en français. Ce livre avait cessé de paraître en français à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

UNE ANNEXE AU BÉTHEL EST NÉCESSAIRE

En 1972, le Béthel de France, situé à Boulogne-Billancourt, dans la proche banlieue ouest de Paris, était devenu trop exigu. Une annexe était nécessaire. Il y avait grand besoin d’espace pour le service des expéditions. En 1959, quand le Béthel fut achevé à Boulogne, ce service expédiait 85 000 livres par an. Or, en 1972, il en expédiait 1 094 231, sans compter les brochures, les formules et autres imprimés.

Puisque les publications arrivaient des États-Unis au Havre, sur la côte ouest de la France, on jugea pratique de construire cette annexe quelque part entre Le Havre et Paris. En novembre 1970, un terrain de 73 mètres sur 33 fut trouvé sur la commune de Louviers, petite ville de Normandie, à une centaine de kilomètres de Paris et à la même distance du Havre. Il fallut 18 mois pour surmonter les difficultés administratives, si bien que l’acte de vente ne fut signé que le 28 avril 1972. Le bâtiment fut commencé le mois suivant et achevé au mois de décembre de la même année.

Le nouveau bâtiment préfabriqué d’un étage, aux murs extérieurs faits de briques de parement et de panneaux de verre émaillé de couleur verte, avait belle allure. Le rez-de-chaussée comprenait un grand local pour l’imprimerie, le service de l’expédition, une salle à manger agréable et une cuisine avec des chambres froides. À l’étage il y avait une buanderie, une bibliothèque et 22 chambres. L’édifice a une surface utile de 2 044 mètres carrés.

L’imprimerie fut transférée à Louviers le 29 mai 1973. Ce jour-​là il pleuvait à Boulogne. Ce fut un spectacle inhabituel que de voir les presses et les autres machines de l’imprimerie soulevées et chargées dans la rue sur d’énormes camions. Les automobilistes et les camionneurs, qui avaient dû s’arrêter durant l’opération, étaient si intrigués qu’ils en oublièrent de klaxonner, ce qui est généralement très fréquent dans les embouteillages parisiens, bien que cela soit interdit! Finalement, les quatre presses, la linotype, le massicot et la plieuse arrivèrent à bon port à Louviers et, deux jours plus tard, elles étaient de nouveau en action.

L’inauguration de l’annexe fut fixée au samedi 9 juin 1973, et 157 personnes y assistèrent. Plusieurs frères retracèrent l’histoire de l’œuvre en France. Combien il était émouvant de se rendre compte de l’extension remarquable de l’œuvre, alors qu’en 1972 le nombre des baptêmes était pour la première fois supérieur à 5 000! Le frère responsable de l’imprimerie expliqua brièvement qu’en 1960 on avait imprimé 291 530 périodiques, alors qu’en 1972 on avait atteint le chiffre de 1 771 300! Ainsi, le total des imprimés sortis des presses était passé de 4 161 994, en 1960, à 32 043 610, en 1972.

L’ASSEMBLÉE INTERNATIONALE “LA VICTOIRE DIVINE”

Le stade olympique de Colombes allait de nouveau accueillir une assemblée internationale. Le comité de l’assemblée fut mis en place sept mois à l’avance, le 1er janvier 1973. Ce ne fut pas une mince affaire que de transformer ce stade en une gigantesque Salle du Royaume. Mais quel succès!

Le podium tournant et les parterres ornés de milliers de fleurs en pots cultivées pendant des mois par des frères horticulteurs paraient harmonieusement le centre du stade. L’ensemble était agrémenté par un lac artificiel et deux flamants roses vivants. Le Racing Club de France, propriétaire du stade, se servit de ce décor pour illustrer la couverture de son organe sportif mensuel.

Tout était prêt pour le mercredi 1er août, premier jour de l’assemblée. Une véritable marée humaine envahit le stade. La presse française souvent incisive et ironique à l’égard des Témoins de Jéhovah, rendit hommage à cette foule attentive. Le journal catholique La Croix fit ces remarques:

“Bien que l’on parle beaucoup d’eux parce qu’ils se livrent à un prosélytisme très actif, en faisant du porte à porte, les Témoins de Jéhovah n’ont, jusqu’à présent, rencontré qu’un succès mitigé en France. Toutefois, leur rassemblement de Colombes, par son organisation impeccable, ses représentations bibliques, son sérieux, n’en constitue pas moins un spectacle impressionnant.”

Le monde journalistique salua l’assemblée internationale comme étant l’événement de l’été. Le Monde fit cette constatation: “Le stade est plein à craquer. Une foule studieuse et attentive, à rendre jaloux n’importe quel parti politique.”

Même ceux qui livraient les journaux n’étaient pas insensibles au bon comportement des congressistes. Un chauffeur-livreur du Parisien Libéré déposa des piles de journaux sur le trottoir et une boîte pour y mettre l’argent, un homme étant chargé de les surveiller. Surpris de pouvoir se servir et payer eux-​mêmes, les congressistes lui demandèrent s’il n’avait pas peur d’être volé. Il répondit: “Oh! non. C’est comme en 1969.”

Le vendredi 3 août, 2 703 nouveaux disciples répondirent “oui” aux questions posées aux candidats au baptême. Ce fut un moment inoubliable que celui où ils sortirent du stade bien en ordre pour se rendre à pied à la piscine située à environ 500 mètres de là. Le Journal du dimanche analysa ce phénomène en ces termes:

“Ne devient pas Témoin de Jéhovah qui veut, sur un coup de foudre à la découverte de leur ‘vérité’. Il faut non seulement une très profonde foi chrétienne, de la patience, du temps, et du courage aussi, mais il est nécessaire également d’accepter les préceptes que dicte la loi biblique.”

Les assemblées tenues à Colombes ont été marquantes dans l’histoire de l’œuvre en France. En 1961, on dénombra 23 004 assistants et en 1969, 47 480 assistants. Et en 1973? Lorsque l’heure fut venue d’écouter le discours public “La victoire divine — ses conséquences pour l’humanité affligée”, 60 241 personnes avaient envahi l’immense stade!

LA “TRADUCTION DU MONDE NOUVEAU” EN FRANÇAIS

En 1963 avaient paru en français Les Écritures grecques chrétiennes Traduction du monde nouveau. Onze ans après, les frères accueillirent avec enthousiasme l’ensemble des Saintes Écritures Traduction du monde nouveau. La publication de cette Bible revêtait une importance particulière en France. Pour quelle raison? Examinons historiquement la situation.

Les papes appelaient la France “la fille aînée de l’Église”, et aujourd’hui encore, 85 pour cent des Français se disent catholiques. De plus, quand on songe qu’avant la Révolution de 1789 il y avait un prêtre pour 110 Français, et que beaucoup plus récemment, en 1970, il y avait encore un prêtre, un religieux ou une religieuse pour 297 habitants, on admettra sans peine que l’Église catholique romaine était très bien placée pour enseigner la Bible aux Français.

Cependant, durant des siècles, les prêtres ont appliqué cette règle énoncée au concile de Toulouse en 1229: “Les laïcs ne doivent pas posséder des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament.” Il est vrai que depuis les années 1950, un certain nombre de Bibles catholiques, telles que la Bible de Jérusalem, ont été publiées en français, mais elles coûtent relativement cher. Elles n’ont donc pas pénétré dans de nombreux foyers. Ainsi, grâce à la publication en français des Saintes Écritures — Traduction du monde nouveau, les familles françaises les plus pauvres ont pu se procurer un exemplaire de la Parole de Dieu complète. Depuis 1974, près de 800 000 exemplaires de cette excellente traduction de la Bible ont été expédiés dans les congrégations françaises, afin d’être diffusés parmi le public.

UNE ESPÉRANCE QUI POUSSE À L’ACTION

Bien que le niveau de vie de la plupart des Français se soit élevé, beaucoup de gens se sentent frustrés et inquiets. Leur vie leur semble bien incertaine, et leurs problèmes insolubles, car leur religion ne leur a pas communiqué la force spirituelle ni la véritable confiance. Le message du Royaume s’avère véritablement bénéfique et peut transformer ces personnes, comme en témoigne l’exemple suivant:

Une jeune femme, qui avait eu une dépression nerveuse à la suite de nombreux problèmes, décida de se suicider et d’entraîner ses trois enfants dans la mort. Mais avant d’exécuter son projet funeste, elle fit part de sa détresse à Dieu dans la prière. Après avoir nettoyé son appartement, elle s’assit pour écrire une lettre d’adieu à son mari et à sa mère. Ensuite, elle descendit la poubelle pour laisser l’appartement parfaitement propre.

En descendant, elle rencontra dans l’escalier deux femmes Témoins qui lui donnèrent le témoignage, et une nouvelle visite fut prévue. En remontant chez elle, elle pensa à ce rendez-vous pris avec les deux Témoins et décida de reporter son suicide à la semaine suivante. Une semaine plus tard, les deux sœurs arrivèrent à l’heure convenue et, après une courte introduction, elles commencèrent une étude sur le livre Vérité. Quelques semaines plus tard, cette femme était tellement malade qu’elle dut être transportée à l’hôpital où elle resta cinq semaines. Mais les Témoins la visitèrent régulièrement pour prendre de ses nouvelles.

À sa sortie de l’hôpital, elle reprit l’étude de la Bible et, bien qu’elle habitât loin de la Salle du Royaume, elle fit tout son possible pour assister à toutes les réunions avec ses enfants. Elle se sentait tellement stimulée par la Parole de Dieu qu’elle en parlait aux personnes qu’elle rencontrait. Les résultats furent vraiment satisfaisants, car non seulement cette jeune femme se fit baptiser, mais en plus sa mère et son mari commencèrent à prêcher.

Par bonheur, des gens de tous âges et de tous rangs sociaux apprennent les vérités bibliques et transforment leur vie lorsqu’ils acquièrent l’espoir de recevoir de Dieu le don de la vie éternelle. Ainsi, en 1974, 8 689 nouveaux disciples répondirent à la bonté de Dieu et se firent baptiser. Cela signifiait qu’au cours de cette année de service chaque heure du jour et de la nuit avait vu en moyenne une personne devenir un chrétien et se faire baptiser. Les plus de 53 000 Témoins de Jéhovah qui participaient régulièrement chaque mois à l’œuvre consistant à faire des disciples, conduisaient chaque semaine plus de 36 000 études bibliques dans les foyers français. Cette année-​là, 110 330 personnes assistèrent au Mémorial.

L’INTERDICTION DE “LA TOUR DE GARDE” EST LEVÉE

Sans aucun doute, 1975 est une année mémorable dans l’histoire des Témoins de Jéhovah en France. Après 22 ans d’interdiction, La Tour de Garde reparut. À partir de janvier, les frères reçurent ce périodique pour leur étude individuelle et, quelques semaines plus tard, ils eurent la joie de pouvoir le diffuser de maison en maison.

LES BESOINS SPIRITUELS DE TOUS SONT SATISFAITS

Vous vous souvenez que deux pionniers avaient commencé à prêcher en Corse en 1952. Eh bien, en 1967, soit 15 ans plus tard, l’île comptait deux congrégations. En 1969, une troisième fut formée, et une assemblée de circonscription fut organisée pour la première fois en 1970. Depuis lors, plusieurs pionniers spéciaux ont été envoyés dans l’île et, en 1978, on dénombrait 431 proclamateurs répartis dans 9 congrégations.

La petite principauté de Monaco, sur la côte méditerranéenne, relève de la filiale française. Vous savez sûrement que cette enclave abrite le célèbre casino de Monte-Carlo. Bien que la prédication de maison en maison soit interdite à Monaco, les proclamateurs de la congrégation française de Beausoleil s’arrangent pour parler régulièrement du Royaume aux 27 000 Monégasques. En 1978, on comptait sept Témoins actifs à Monaco.

Les intérêts spirituels des habitants d’expression étrangère sont également pris en considération. Ainsi, en 1975, il y avait en France 17 congrégations portugaises et 16 espagnoles, outre une congrégation grecque et deux allemandes. Il faut ajouter 24 groupes portugais et 12 groupes espagnols rattachés à des congrégations françaises. N’est-​il pas encourageant de constater que ces gens venus de différents points du globe ont pu apprendre la vérité dans leur propre langue?

L’ÉCOLE DU MINISTÈRE DU ROYAUME REPREND

Comme nous l’avons indiqué précédemment, l’École du ministère du Royaume fut inaugurée en France en mars 1961. Elle avait pour but d’aider les anciens à assumer leurs responsabilités définies par les Écritures. En décembre 1971, 93 classes avaient suivi ce cours qui, après la 28classe, dura deux semaines au lieu de quatre.

Après une interruption de plus de trois ans, les cours reprirent en février 1975 avec un nouveau manuel. Cette année-​là, 2 043 anciens bénéficièrent de cette école. Enfin, en 1978, pendant 6 semaines, 5 300 anciens assistèrent à un cours de deux jours. Ces anciens en ont-​ils retiré des bienfaits? L’un d’eux fournit une excellente réponse à cette question, en disant: “Nous remercions l’organisation de Jéhovah qui, attentive, a su nous donner un enseignement toujours plus précis nous permettant d’édifier nos frères dans les congrégations.”

UNE SECONDE ANNEXE

En 1973, lorsque l’annexe de Louviers fut inaugurée, on pensait qu’elle suffirait aux besoins de la France jusqu’à la “grande tribulation”. Même lorsque, en 1974, la Société acheta une parcelle de terrain à Incarville (commune à la sortie de Louviers), nul ne songeait à édifier une annexe, mais seulement une Salle du Royaume. Les rapides progrès de l’œuvre du Royaume nous amenèrent cependant à réviser notre point de vue. Finalement, le 2 avril 1976, nous avons obtenu le permis de construire un immeuble d’un étage, soit 2 483 mètres carrés de surface de plancher.

Une circulaire fut adressée à toutes les congrégations de France pour demander des volontaires travaillant dans le bâtiment. En effet, les frères n’étaient pas très satisfaits du bâtiment préfabriqué de Louviers et ils avaient décidé de construire eux-​mêmes le nouvel édifice. Un frère, qui avait de l’expérience dans le bâtiment, s’offrit à coordonner les travaux dans le cadre d’un comité de construction supervisé par le comité de la filiale et le Collège central.

Les travaux se poursuivirent normalement jusqu’au 8 décembre 1976, quand le Collège central nous demanda d’aménager dix chambres supplémentaires en construisant un deuxième étage. De nouveaux plans furent donc préparés par notre architecte et soumis à l’Équipement qui nous accorda 390 mètres carrés supplémentaires, ce qui fait que notre bâtiment comporte une surface utilisable de 2 873 mètres carrés.

La nouvelle annexe fut enfin achevée et le samedi 13 mai 1978, frère Raymond Franz, du Collège central, prononça dans un très bon français, le discours d’inauguration. L’annexe d’Incarville abrite à présent le service de l’expédition ainsi que des frères du Béthel qui travaillent à Louviers. La plupart des 34 chambres du 1er et du second étage sont occupées. La famille du Béthel compte actuellement 136 membres: 46 à Boulogne et 90 à Louviers-Incarville.

DE NOUVELLES PUBLICATIONS EN ABONDANCE

Ces dernières années, un énorme travail de traduction a été accompli, puisque pratiquement toutes les publications anglaises ont été traduites en français. On a même traduit, en commençant par le fascicule pour 1976, l’Index des publications de la Société Watch Tower, les Français étant d’ailleurs les premiers (après les anglophones) à posséder cet ouvrage dans leur langue. La France a également enregistré sur cassettes des livres de la Bible. Ainsi l’enregistrement de l’évangile de Jean a été tiré à 12 000 exemplaires et distribué dans 28 pays.

LES ASSEMBLÉES “LA FOI VICTORIEUSE”

Puisque le stade de Colombes avait été complètement rempli en 1973, le comité de la filiale organisa en France, en 1978, six assemblées “La foi victorieuse”. Ce fut une sage disposition, car l’assistance totale atteignit le chiffre de 83 419, soit 23 178 personnes de plus qu’en 1973!

Le vendredi matin, les délégués firent connaître leur foi victorieuse en donnant le témoignage aux habitants. À Paris, une jeune femme accueillit les Témoins en disant: “C’est une providence que vous soyez venus. J’avais absolument besoin de communiquer avec quelqu’un. J’ai déjà fait trois dépressions nerveuses et j’ai voulu me suicider.” Puis elle confia aux Témoins qu’elle éprouvait le besoin de s’approcher de Dieu. Ceux-ci firent en sorte qu’elle assiste au discours public avec un ami.

PERSPECTIVES POUR UN PLUS GRAND ACCROISSEMENT

Il y a encore des gens réceptifs au message du Royaume, comme l’indique l’assistance au Mémorial de 1979. En effet, 133 584 personnes y assistèrent, soit 9 810 de plus que deux ans plus tôt. Le fait que ce chiffre soit approximativement le double du nombre des proclamateurs du Royaume (66 000) démontre bien qu’il y a de belles perspectives d’accroissement dans l’œuvre du Royaume.

À la fin de 1978, on dénombrait déjà en France 1 188 congrégations, 60 circonscriptions et six districts. Il y a 28 congrégations à Paris, 116 dans ses environs immédiats, soit 144 au total. On compte 17 congrégations à Marseille, 11 à Lyon, 10 à Nice, 8 à Nantes, 8 à Toulouse, 7 à Grenoble, 7 à Mulhouse, 5 à Caen, et nombre de villes de France ont deux ou trois congrégations.

Quand nous songeons à la façon dont l’œuvre a pris naissance en France au début du siècle, avec une petite poignée de chrétiens, déterminés et courageux, nous avons la certitude que Jéhovah a béni son peuple. Nous nourrissons le ferme espoir que ce récit encouragera tous ceux qui le liront à persévérer dans le service de Jéhovah, en gardant présent à l’esprit que tous les événements relatés dans ces pages tendent à prouver la véracité de ces paroles de l’apôtre Paul: “Car nous ne pouvons rien contre la vérité, nous n’avons de puissance que pour la vérité.” — II Cor. 13:8.

[Carte, page 37]

(Voir la publication)

La France

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Marseille

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Nice

Valence

Beauvène

Clermont-Ferrand

Grenoble

Lyon

Annecy

Dijon

Besançon

Mulhouse

[Illustration, page 41]

1900

Adolphe Weber, bûcheron suisse, commença l’œuvre de prédication en France.

[Illustration, page 73]

1931

(À l’arrière-plan) Le bureau de Paris de 1931 à 1940.

(Au premier plan) Frère Rutherford avec le personnel des bureaux français et suisse.

[Illustration, page 76]

1932

On utilisa une centaine de motocyclettes pour prêcher le message du Royaume en France.

[Illustration, page 81]

1933

La vitrine de la Société lors d’une exposition à Paris. Dans les années trente, plusieurs livres obtinrent une médaille d’or.

[Illustration, page 84]

1937

Les proclamateurs de Sin-le-Noble devant leur voiture munie de haut-parleurs qu’ils utilisaient pour prêcher.

[Illustration, page 104]

1945

Emma, Adolphe et Simone Arnold de nouveau réunis après plusieurs années de séparation durant la Seconde Guerre mondiale.

[Illustration, page 121]

1948

On donne le témoignage à bicyclette au moyen de pancartes qui annoncent le discours public.

[Illustration, page 125]

1951

PARIS — Première assemblée internationale de l’après-guerre à laquelle assistèrent 10 456 personnes venues de 28 pays.

[Illustration, page 136]

1959

Le nouveau Béthel à Boulogne-Billancourt.

[Illustration, page 152]

1972

L’annexe du Béthel construite à Louviers.

[Illustration, page 160]

1978

Seconde annexe du Béthel à Incarville, en Normandie.