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Le Chili

Le Chili

Le Chili

TERRE de contrastes, le Chili s’étend sur 4 265 kilomètres tout le long de la côte occidentale de l’Amérique du Sud, soit sur plus de la moitié de la côte Pacifique de ce continent. On y trouve donc un paysage extrêmement varié, qui va des déserts torrides du nord jusqu’aux fjords et aux glaciers du sud, avec des montagnes escarpées, riches en minerais, des plaines désertiques complètement dénudées, des vallées fertiles, des forêts, une foule de lacs aux eaux miroitantes, des myriades d’îles, et des zones glaciales, le tout bordé à l’ouest par un océan rugissant et ourlé à l’est par l’imposante cordillère des Andes. Depuis le niveau de la mer, l’altitude du pays s’élève jusqu’aux flancs du mont le plus élevé de l’hémisphère occidental, l’Aconcagua, qui surplombe, du haut de ses 7 000 mètres, la frontière entre l’Argentine et le Chili.

Plus qu’en aucun autre endroit de la terre, la région nord du Chili constitue pratiquement un désert absolu. C’est ainsi que dans le désert d’Atacama, il y a des endroits où pas une goutte d’eau n’est tombée depuis 20 ans. Par contre, dans le sud du pays, les précipitations annuelles dépassent 2 500 millimètres.

Bien que le pays soit essentiellement montagneux, il comporte une région centrale où vit 67 pour cent de la population. Parmi les régions verdoyantes qu’abrite notre planète, celle-ci présente un climat de type méditerranéen qui se prête à la culture des pommes, des poires, des pêches, des abricots, des prunes, des cerises, du raisin, des figues, des oranges et des citrons.

La partie méridionale du pays est une région de lacs. C’est là que l’on trouve le célèbre Lago de Todos los Santos, également appelé lac Esmeralda. C’est ce lac que Theodore Roosevelt appela un jour “le plus beau lac que j’aie jamais vu sur notre planète”. Il se niche entre des pics montagneux, et seules quelques cascades qui dévalent les flancs des montagnes viennent troubler ses eaux tranquilles aux tons d’émeraude.

Outre sa partie continentale, le Chili comporte quantité d’îles, dont les îles Juan Fernandez, à 590 kilomètres à l’ouest de Valparaiso. Au nombre de ces îles figure la célèbre île de Robinson Crusoé. À quelque 3 200 kilomètres à l’ouest de la côte chilienne se trouve l’île de Pâques, peuplée de descendants de Polynésiens. C’est là que se dressent les centaines de gigantesques statues de pierre, représentations dépourvues d’yeux qui ont longtemps laissé les archéologues perplexes.

La langue que l’on parle au Chili est l’espagnol. D’ailleurs, la population est essentiellement d’origine espagnole, bien qu’elle ait reçu depuis un siècle un fort apport allemand, anglais et américain. Près d’un tiers de la population provient d’un métissage entre Espagnols et Indiens. Le nom même du Chili lui a été donné par les Indiens, puisqu’ils appelaient la région Chilli, ce qui signifie “là où se termine la terre”. C’est exactement ce qu’ont dû ressentir les premiers habitants en observant l’étendue apparemment infinie de l’océan Pacifique.

LA “BONNE NOUVELLE” ATTEINT LE CHILI

La prédication de la bonne nouvelle du Royaume de Dieu commença au Chili avec l’arrivée de Richard Traub. Frère Traub avait appris la vérité à Buenos Aires, en Argentine, et s’était voué à Jéhovah en 1925. Alors qu’il servait comme pionnier en Argentine, près de la cordillère des Andes, il conçut le désir d’étendre la prédication au Chili. Frère Juan Muñiz, qui était alors surveillant de filiale en Argentine, convint que l’idée semblait bonne. Frère Traub fut donc nommé au Chili.

Il arriva à Santiago le 30 avril 1930 au soir. Évidemment, personne ne l’attendait à la gare, si bien qu’il passa la nuit dans un hôtel proche. Le lendemain, il loua une chambre. Frère Traub essaya de toucher un chèque qui lui avait été remis pour l’aider dans ses débuts, mais il ne put obtenir l’argent tout de suite, puisque la banque devait commencer par vérifier si le compte était approvisionné. Durant tout ce temps, l’argent et la nourriture qu’avait reçus ce frère s’épuisaient, au point que notre pionnier plein d’abnégation resta huit jours sans manger.

Bien qu’il n’eût pas de publications à présenter, il se mit à prêcher de maison en maison à partir du 4 mai 1930. Il était pleinement confiant en Jéhovah, et c’est doté d’un véritable esprit missionnaire qu’il se mit à la tâche. C’était le premier Témoin à prêcher aux quatre millions de personnes qui habitaient à l’époque ce pays.

Jusqu’en 1925, année où la nouvelle constitution sépara l’Église et l’État, le catholicisme était resté religion d’État. Frère Traub fut donc arrêté par la police alors qu’il prêchait de maison en maison, mais, chaque fois qu’il expliquait la nature de son activité, les difficultés s’évanouissaient. Il s’aperçut que ce pays octroyait vraiment la liberté de culte.

Voici comment frère Traub décrivit les sentiments qu’il éprouvait durant ces premiers temps: “Tous les dimanches, à l’heure de l’étude de La Tour de Garde, je me rendais au mont San Cristóbal et, là, à l’ombre des arbres, je me plongeais dans l’étude et dans la prière. Il est vrai que j’éprouvais un profond sentiment de solitude et que je mourais d’envie de parler de la vérité à un autre frère, mais, après avoir étudié, je me sentais réconforté et bien conscient que je n’étais pas seul. J’étais prêt pour une nouvelle semaine d’activité.”

DÉCOUVERTE DE PERSONNES INTÉRESSÉES

Alors qu’il donnait le témoignage de maison en maison, frère Traub rencontra un homme très croyant qui s’appelait Juan Flores. Ce dernier accepta des publications et posa beaucoup de questions. À l’époque, il recevait la visite des adventistes du septième jour. Toutefois, après avoir suivi une discussion entre frère Traub et eux, Juan Flores décida d’étudier le livre La Harpe de Dieu.

“Par la suite, raconte frère Traub, j’ai loué un appartement et je me suis mis à inviter les gens tous les dimanches à une conférence publique sur la Bible suivie d’une étude biblique. Juan Flores, la première personne qui répondit à cette invitation, me demanda: ‘Et les autres, quand viendront-​ils?’ Je lui répondis: ‘Ils viendront.’” Et, peu après, ils se mirent effectivement à venir.

Dans la région appelée Quinta Normal, frère Traub rencontra un homme qui, après avoir accepté des publications, l’invita à donner des allocutions sur la Bible dans son église évangéliste. Juan Flores accompagnait frère Traub et l’écoutait partager le message du Royaume avec les personnes réunies. On les invita à revenir. Le pasteur était ravi, parce que l’assistance augmentait et que les plateaux de collecte étaient pleins après chaque visite de frère Traub. Mais celui-ci n’était pas d’accord avec l’usage de plateaux de collecte, si bien qu’il donna une allocution dans cette église sur la base du texte de Jean 10:12, qui traite de “l’homme à gages”. Dès lors, la majorité des fidèles, dont une jeune fille du nom de Consuelo Galvez, se mirent à assister aux réunions que conduisait frère Traub. Avec le temps, le pasteur finit par se retrouver seul, son groupe ayant disparu.

Juan Flores invita frère Traub à habiter chez lui, rue Concon, et à utiliser son foyer comme lieu de réunion. (Depuis, il a été agrandi et sert toujours de Salle du Royaume.) Après à peine dix mois d’activité vint le moment pour les personnes intéressées de prendre le baptême. Frère Traub écrivit donc à frère Muñiz pour lui demander s’il voulait bien venir à l’occasion de cet événement.

C’est ainsi que le 13 février 1931, frère Muñiz donna le discours de ce qui allait être la première réunion de baptême tenue par les Témoins de Jéhovah au Chili. Les huit personnes qui prirent le baptême à cette occasion étaient Juan Flores, sa femme Teresa, sa mère Delfina Villablanca, Juan Castillo, Pedro Ortiz, Roberto Rojas, Margarita Sandoval ainsi qu’une autre sœur Flores. D’après frère Traub, les huit restèrent fidèles. Sœur Villablanca devint pionnier et le resta jusqu’à sa mort. Juan Flores contribua à l’établissement d’une petite congrégation à Illapel. Mais les choses n’allaient pas en rester là. Le 29 mars 1931, cinq autres personnes prirent le baptême, dont Consuelo Galvez, qui allait devenir sœur Traub et qui toute sa vie resta fidèlement aux côtés de son mari. En moins d’un an, il y avait eu 13 baptêmes.

Dans l’intervalle, d’autres nouveaux prenaient position pour le vrai culte. L’œuvre s’implantait à Santiago, mais la question se posait de diffuser les graines de vérité dans les régions éloignées.

ARRIVÉE D’UN NOUVEAU PIONNIER DYNAMIQUE

L’un des premiers pionniers à venir au Chili fut Kathe Palm. Le rôle de cette sœur en rapport avec la question évoquée ci-dessus fut considérable. Mais laissons-​la nous parler de son activité zélée dans le champ chilien:

“En novembre 1934, Hilma Sjoberg avait envoyé de l’argent au siège de la Société Watch Tower pour offrir à quelqu’un le passage par bateau des États-Unis à la Colombie. La Société me demanda si je voulais aider sœur Sjoberg en Amérique du Sud. Quelle merveilleuse disposition! Donc, vers décembre, je suis arrivée à Buenaventura, en Colombie. Sœur Sjoberg, elle, arrivait d’Équateur. Nous nous sommes rendues à Bogotá et, là, pendant près d’un an, nous avons placé plusieurs cartons de livres. C’est alors que sœur Sjoberg dut rentrer au Texas. Elle me conseilla de ne pas rester seule en Colombie et me suggéra d’écrire à un frère qui avait commencé l’œuvre au Chili.

“Finalement, je fus invitée à me rendre au Chili, car frère Traub avait de la place chez lui pour un pionnier. Comme territoire, nous avions le pays tout entier. Comment me rendre au Chili? La voie la plus aisée était le bateau, si bien que je suis revenue à Buenaventura. Le commissaire de port me parla d’un bateau chilien qui allait arriver sous peu. Une porte s’ouvrait donc devant moi.

“‘Oui, nous allons vous emmener, déclara le capitaine du cargo. Mais pas question de prendre le seul argent que vous ayez (15 dollars); cependant, j’accepterais volontiers quelques-uns des livres que vous avez en votre possession. Alors, montez à bord et prenez vos affaires, puis je vous montrerai votre cabine.’ Après un voyage merveilleux de 17 jours qui me permit de donner le témoignage à l’équipage et aux quelques passagers, nous sommes arrivés au Chili. Frère Traub m’attendait à Valparaiso. Cela se passait en février 1936.”

À Santiago, sœur Palm apprécia particulièrement la vue des montagnes encapuchonnées de neige dans le lointain, avec toute une avenue de cerisiers du Japon en fleur au premier plan. Quel spectacle! Mais laissons-​la poursuivre:

“Le premier territoire que me confia frère Traub fut le centre de Santiago. C’est là que se trouvaient le palais du gouvernement, les édifices d’État, tous les bureaux et les centres d’affaires. Dans un tel territoire, j’ai placé beaucoup de livres, voire des collections complètes de tous les livres publiés à l’époque par la Société Watch Tower. Quant au palais du gouvernement, personne ne me fit obstacle dans les bureaux, sauf dans celui du télégraphe, qu’il ne fallait pas déranger. Au dernier étage, je me suis trouvée dans la bibliothèque. La bibliothécaire reconnut les livres du premier coup et m’énonça les titres de tous ceux qu’elle avait déjà en sa possession. Je lui laissai donc ‘Justification’ (tome I) en anglais et en espagnol, puisqu’il s’agissait des plus récents, et elle fut ravie de les avoir. Il y avait aussi un homme qui m’avait dit qu’il aurait bien changé de place avec moi, pour ce qui est du gouvernement, car il était conscient que le travail que je faisais pour le gouvernement théocratique avait plus de valeur que le sien.

“En 1936, alors que je prêchais dans le quartier d’affaires, j’ai rencontré un bijoutier qui portait un nom allemand. Je lui ai donc donné le témoignage en allemand et lui ai présenté le livre ‘Justification’. Quand il a vu le nom de Jéhovah, il est devenu blanc et m’a crié de sortir de chez lui, autrement il prendrait son revolver pour me tuer. Toujours hurlant, il brandit son poing devant moi, puis l’abattit si violemment sur une vitrine qu’il en brisa le verre et s’entailla la main. Sur ce, ma sacoche prête, je pris aussitôt congé. D la rue, encore tremblante, je ne rendis à la porte suivante, dans une boutique d’art allemande. ‘Non, me dit-​on, nous n’avons pas de remarque particulière sur cet homme; nous savons seulement que c’est un nazi fanatique.’ Cela se passait juste avant la Seconde Guerre mondiale.”

SUCCÈS DU PHONOGRAPHE PORTATIF

Sœur Palm raconte qu’avant que la guerre n’éclate, frère Traub avait pu obtenir l’un des phonographes portables de la Société, ainsi que de courtes allocutions bibliques enregistrées sur des disques 78 tours. Qu’il était content! “Vous savez, ajoute sœur Palm, il a même réussi à reproduire le phonographe, si bien que pas mal de frères chiliens ont pu prêcher avec un modèle de fabrication locale.

“Quelques années plus tard, l’officier en second du bateau qui m’avait amenée au Chili se rendit au siège de la Société Watchtower à l’occasion d’une escale à New York. Là, au 117 Adams Street, il prit contact avec frères Fred Peach et Harry Pinnock, qui m’expédièrent le dernier modèle de phonographe, un appareil qui pouvait marcher à la verticale, avec davantage de disques et de nouveaux enregistrements. Ce modèle-​là était facile à utiliser aux portes. C’est incroyable ce qu’il pouvait éveiller l’intérêt des gens, car personne n’en avait jamais vu un pareil. Les enregistrements d’une heure furent également utilisés par les stations radiophoniques de Santiago. Au bout de quelques années, ils étaient passés sur presque toutes les radios des grandes villes des différentes provinces.”

DIFFUSION DES GRAINES DE VÉRITÉ VERS LE NORD

Frère Traub pensait qu’il serait bien que sœur Palm aille répandre les graines de vérité dans la partie nord du pays. Elle raconte: “Il me confia le travail dans la partie la plus septentrionale d’Arica et jusqu’à la vallée fertile d’Azapa. J’ai donc travaillé de maison en maison dans chaque ville et me suis toujours efforcée, en général avec succès, de placer la collection complète de nos magnifiques livres, qui avaient chacun une des couleurs de l’arc-en-ciel, dans les bibliothèques publiques, les bibliothèques scolaires et les salles de réunions syndicales.

“Toutes les mines, toutes les exploitations de nitrate, toutes les villes qui en dépendaient, grandes ou petites, ainsi que les grandes villes autour des mines de cuivre et de fer, reçurent le témoignage par le porte à porte. On devait m’envoyer des cartons et des cartons de livres à chaque nouvelle adresse. Presque toute mon activité de témoignage se faisait à pied. J’avais trouvé une sacoche de selle, utilisée sur les ânes, et je la remplissais d’un côté avec une trentaine de livres et de l’autre avec 150 à 200 brochures. Ensuite, je portais le tout sur mes épaules, et j’avais un autre sac plein de publications dont je me servais à chaque porte. Il me fallait également emporter une couverture, une brosse à dents, etc., du fait que je trouvais généralement où passer la nuit à chaque étape.

“À Copiapo, ville perchée sur les flancs de la cordillère des Andes, j’ai trouvé une mine de soufre où vivaient une trentaine ou une quarantaine d’ouvriers ainsi que la famille du régisseur et de son adjoint. Ils étaient surpris qu’une femme leur rende visite. Comment étais-​je arrivée là? Eh bien, j’avais rencontré par hasard un homme qui se rendait en voiture à la mine et qui accepta de m’emmener. ‘Oui, déclara-​t-​il, je veillerai à ce que l’une des deux femmes qui vivent là-haut vous héberge.’

“Alors, tous les gens de la mine me dirent: ‘Nous ne nous servons pas d’argent ici; tout notre salaire nous est payé au bureau de la ville quand nous avons notre permission.’ Le régisseur autorisa alors chacun à commander les publications qu’il voulait en indiquant simplement sur la liste son nom et la quantité demandée. Toutes les publications que j’avais avec moi furent placées. Quant au reste de la commande, je l’ai porté au bureau de la société qui se trouvait en ville. Tous les ouvriers avaient l’air impatients de lire les publications, et la ‘bonne nouvelle’ leur fit extrêmement plaisir.”

En 1939, sœur Beta Abbott, qui servait jusque-​là à Cuba, fit savoir qu’elle était disposée à venir au Chili. On lui confia la prédication aux Américains qui travaillaient tout en haut, dans les mines de cuivre de “El Teniente”, au sud de Santiago. Elle ne put travailler là que très peu de temps, à cause de l’altitude. Mais au pied des montagnes, la ville de Rancagua lui convenait très bien.

Là, à Rancagua, sœur Lucila Reyes offrit de la loger dans son hôtel. Notre sœur y demeura plusieurs années. Sœur Reyes et son mari avaient trouvé la vérité quelques années plus tôt, quand frère Traub leur avait exposé la “bonne nouvelle”. Auparavant, cette famille était souvent visitée par un pasteur évangéliste qui insistait pour qu’ils se débarrassent, s’ils voulaient plaire à Dieu, de la cave qu’ils gardaient dans leur hôtel, alors que le commerce du vin était très lucratif. Et voilà que le pauvre M. Reyes avait vidé toutes ses chuicos (bonbonnes de dix litres) de vin à l’égout... C’est alors qu’arriva frère Traub, qui leur expliqua les vérités bibliques. “Quoi, s’exclama M. Reyes, le vin n’est pas interdit?” Quel plaisir pour lui d’apprendre la nouvelle, d’autant que frère Traub en apportait la preuve avec leur propre Bible familiale! Le foyer et l’hôtel des Reyes furent toujours ouverts aux Témoins.

En 1949, nous avons eu un congrès national à Rancagua, et sœur Reyes, qui était devenue veuve, vida son hôtel pour qu’il puisse accueillir le maximum de délégués. En plein centre de Rancagua, on fit un défilé d’hommes-sandwiches, les frères portant de grandes pancartes qui annonçaient le discours principal. Toutefois, des problèmes se présentèrent lorsque le directeur de l’école refusa aux frères l’autorisation d’utiliser la salle de l’école, alors que le ministère de l’Éducation en avait permis l’usage pour notre congrès. Quand M. Daniel Gonzalez, juge près la cour d’appel, l’apprit, il se rendit auprès du directeur et lui demanda pourquoi, quelques semaines plus tôt, il avait permis qu’une cérémonie catholique se tienne dans la salle de son école. Mis au pied du mur, ce dernier pouvait difficilement maintenir son refus. Nous eûmes donc une magnifique assemblée à Rancagua.

Plusieurs années après, sœur Abbott vint habiter Santiago. Comme elle était excellente couturière, il ne lui fut pas difficile, pour pourvoir à ses besoins, de trouver du travail chez les femmes des ambassadeurs et d’autres personnes qui occupaient une position éminente. Ainsi se présenta l’occasion de donner le témoignage à ces gens. Elle fit souvent la remarque que cela devait être la main de Jéhovah, car lorsque des Témoins se présentaient devant ces élégants domiciles, les domestiques ne les laissaient jamais entrer pour parler aux propriétaires. Après de nombreuses années de service fidèle, sœur Abbott mourut en 1975, à l’âge de 93 ans.

LA PRÉDICATION DANS LE SUD

Comme c’est en été qu’il est le plus facile de visiter la province la plus méridionale du Chili, Magallanes, frère Traub et sœur Palm prirent le bateau jusqu’à Punta Arenas. On leur envoya dix cartons de livres là-bas.

Quel changement agréable avec la sécheresse du nord ce fut pour sœur Palm! À présent, elle se trouvait dans un cadre de verdure, avec un décor de voiliers, de chaloupes, de vapeurs; et une kyrielle d’îles. Enfin, après plusieurs jours de voyage au milieu d’un pays de fjords et de glaciers, elle atteignit la ville de Punta Arenas, sur le détroit de Magellan. Mais laissons-​la poursuivre:

“De toutes les villes du Chili, c’est celle que je préfère. On n’y trouve ni mouches, ni puces, ni punaises, ni mendiants, on y dort mieux et l’on s’y réveille mieux qu’en aucun autre endroit que j’aie jamais visité.”

Pour prêcher à Punta Arenas, il fallait avoir des publications en d’autres langues que l’espagnol. Il s’y trouve en effet beaucoup de gens d’origine yougoslave ainsi que nombre d’estancias tenues par des Anglais. Dans ces estancias, on peut élever jusqu’à 80 000 ovins sur quelque 100 000 hectares. Encore aujourd’hui, on peut assister à la scène pittoresque des bergers à cheval, accompagnés de leurs chiens dressés, sur fond de montagnes majestueuses couvertes de glaciers qui s’étirent jusqu’aux rives de lacs magnifiques.

Les habitants de cette région isolée de Punta Arenas et de Puerto Natales sont renommés pour leur chaleur et leur hospitalité. Quand on arrive dans une estancia, on est aussitôt invité dans une grande cuisine où nous attendent du café ou du maté avec du pain. À l’heure du repas, il y a toujours de l’agneau rôti (cordero asado) à profusion. On rencontrait beaucoup d’intérêt, et les gens réagissaient bien à la prédication.

Depuis Punta Arenas, on peut se rendre jusqu’à la Terre de Feu, nom que Ferdinand Magellan donna en 1520 à cette île, alors qu’il franchissait le détroit qui porte aujourd’hui son nom. Notre sœur Palm se rendit dans la petite ville de Porvenir qui se trouve sur cette île, et eut donc le privilège de répandre les graines de vérité dans cette partie reculée de notre planète. Aimablement, une famille d’Estoniens lui offrit l’hospitalité pendant plusieurs semaines, si bien qu’elle put rendre visite à toutes les estancias de la région.

DE RETOUR AU NORD

Mais l’hiver approchait. Il était temps de regagner le nord par le vapeur. Sur le chemin du retour, sœur Palm arriva à l’île de Chiloé. Voici ce qu’elle en dit: “Les gens que j’ai trouvés en me rendant dans les petits ports de l’île étaient gentils. Ils m’écoutaient toujours et me posaient beaucoup de questions, se demandant comment on avait pu leur mentir pendant tant d’années sur le purgatoire et l’enfer. Presque toujours ils me prenaient des publications.

“Près d’un petit port, le prêtre s’était mis à espionner mon activité. Un jour où je ne faisais pas suffisamment attention, l’un de ses hommes de main déroba ma sacoche pleine de livres, ainsi que ma couverture bolivienne tissée à la main et aux tons chamarrés. Les policiers à qui je fis ma déclaration se contentèrent de hausser les épaules. Mais, le même jour, poursuivant mon activité avec le contenu de mon sac à main, je croisai un homme sur la route. Il avait déjà entendu parler du vol et voulait me faire savoir que sa femme et lui ainsi que bien d’autres en étaient désolés. ‘Je vous en prie, venez chez moi, dit-​il. Ma femme a une couverture toute neuve pour vous [tissée à la main, bien évidemment]. Soyez gentille de passer la nuit chez nous.’ Je m’y suis donc rendue. La couverture était encore meilleure: c’était un grand poncho. Je l’ai achetée tout de suite, d’autant que le prix était tout à fait raisonnable. Je suis restée cette nuit-​là chez eux, répondant à beaucoup de leurs questions bibliques.” (Aujourd’hui, 35 ans plus tard, sœur Palm se sert toujours de son poncho de Chiloé.)

Toujours en route vers le nord, conformément aux instructions de frère Traub, sœur Palm visita Osorno. Le gouverneur de cette province fut ravi de l’accueillir. Il lui montra le livre Gouvernement, ouvrage qu’il avait lu avec plaisir. Puis il promit qu’à Osorno personne ne viendrait entraver son activité, et tel fut bien le cas.

Sœur Palm partit ensuite pour la province de Valdivia. Voici ce qu’elle raconte à propos de son arrivée au port de Corral: “J’avais trouvé une salle de réunions syndicales où je pourrais passer la conférence d’une heure ‘Face aux réalités’. La salle était pleine de gens que j’avais invités. Ils avaient même apporté plusieurs échantillons d’une magnifique fleur nationale appelée copihue (lapageria rosea), ainsi que des feuilles de fougère, dont ils se servirent pour décorer la salle. Pour dissiper l’odeur de tabac froid qui régnait dans la pièce, je fis brûler quelques feuilles d’eucalyptus, ce qui permit de changer l’air. Une jeune fille qui était montée au balcon pour regarder d’en haut la décoration fit cette exclamation: ‘Hum, c’est exactement le parfum de chez Atkinson!’ (Ce parfum anglais était très connu au Chili.) Que j’ai ri! Après le discours, l’assistance emporta en cadeau une brochure et des périodiques et me demanda quand elle pourrait en entendre davantage sur toutes ces bonnes choses.”

UN AUTRE PIONNIER ZÉLÉ

Ce récit sur la propagation des graines de vérité dans tout le Chili ne serait pas complet s’il faisait omission d’un autre pionnier zélé, Theodore Laguna, qui était venu des États-Unis. En 1935, frère Laguna avait assisté à l’assemblée de Washington et suivi les discours de frère Rutherford dans lesquels il encourageait le peuple du Seigneur à envisager la possibilité de porter la bonne nouvelle du Royaume en Amérique du Sud. Brûlant d’enthousiasme, frère Laguna avait pris ses dispositions pour partir. Arrivé au Chili en 1936, il avait entrepris la prédication à Concepción. Après plusieurs années passées dans le service de pionnier, frère Laguna se maria et sa famille et lui demeurèrent dans la ville de Chillán, où il contribua à la croissance spirituelle de la congrégation qui s’y trouvait.

Ces pionniers pleins d’abnégation jouèrent, bien avant l’arrivée des diplômés de Galaad, l’École biblique de la Société Watchtower, un rôle important dans ces premiers temps de l’œuvre de prédication. Beaucoup de graines de vérité furent disséminées d’Arica à Punta Arenas, et même jusqu’à la Terre de Feu. Même si elles dormaient dans le sol en attendant que d’autres prédicateurs de la “bonne nouvelle” puissent les arroser avec davantage d’eau de la vérité, elles avaient tout de même été plantées et attendaient le moment de fleurir et de croître à la louange de Jéhovah.

LA PREMIÈRE SALLE DU ROYAUME ET LA PREMIÈRE ASSEMBLÉE

En 1944, on entreprit la construction de la première Salle du Royaume bâtie au Chili. Une sœur avait fait don d’un terrain à Santiago, et les frères se mirent au travail avec de la brique et du mortier. L’ouvrage s’acheva au mois d’août de la même année, juste à temps pour la première assemblée jamais tenue au Chili.

Le discours public avait pour thème “La paix de demain sera-​t-​elle de longue durée?”. Il y eut une assistance de 250 personnes. L’allocution fut retransmise par quatre stations radiophoniques, et deux d’entre elles continuèrent la retransmission des programmes de la Société pendant le restant de l’année.

DES MISSIONNAIRES ET UNE FILIALE

C’est en 1945 qu’arrivèrent au Chili les premiers missionnaires formés à Galaad. Il s’agissait de frère Joseph Ferrari et d’Albert Mann. À l’époque, le Chili ne comptait que 65 proclamateurs.

La Société avait fait le nécessaire pour tenir une assemblée au Chili à laquelle viendraient pour la première fois le président et le vice-président de la Société Watch Tower, autrement dit N. Knorr et F. Franz. Le 25 mars 1945, le discours public fut donné devant un auditoire de 340 personnes sur le thème “Un seul monde sous un seul gouvernement”. Cinq personnes prirent le baptême lors de cette assemblée.

À l’occasion de sa visite, frère Knorr prit des dispositions pour que l’on établisse une filiale dont frère Joseph Ferrari serait le surveillant. Jusqu’alors, en effet, l’œuvre était dirigée depuis l’Argentine.

En outre, on invita sœur Palm à entreprendre le service de pionnier spécial. “Je vais essayer, frère Knorr”, telle fut sa réponse. Notre sœur Palm devint donc le premier pionnier spécial du Chili. Après tant d’années consacrées à se déplacer d’un lieu à un autre avec le message du Royaume, il lui faudrait désormais s’établir à Santiago et apprendre à conduire des études bibliques à domicile. On venait de traduire en espagnol le livre “La vérité vous affranchira” et l’ouvrage comportait un livret de questions qui facilitaient cette forme d’activité.

LES ÉTUDES BIBLIQUES

Peu après, une sœur invita notre sœur Palm à l’accompagner pour essayer de commencer une étude biblique à domicile. “Qu’est-​ce que j’ai pu trembler!”, raconte sœur Palm. Rendez-​vous compte! Elle avait parlé avec un gouverneur de province et d’autres personnages haut placés, mais voilà qu’elle tremblait à présent à l’idée de conduire une étude biblique à domicile avec une personne intéressée...

Notre sœur poursuit: “Nous sommes donc parties, avons fait la visite, placé le livre à cette famille et pris des dispositions pour étudier la Bible. Plus tard, les enfants étaient bien préparés pour l’étude, de même que la mère. Il n’y avait que le père qui refusait de prendre part à l’étude. Et c’est ainsi que la première personne avec qui j’ai étudié la Bible est venue la vérité, puis les enfants ont grandi et se sont voués à leur tour à Jéhovah.

“En perdant ma crainte de conduire des études bibliques à domicile, je me suis aperçue que l’on trouvait plus d’études qu’il n’était possible d’en conduire. Nous avions reçu pour instruction de consacrer la moitié seulement de notre temps aux études bibliques. De toutes les formes de témoignage, c’est cette activité que je préfère.” Eh oui, c’est en passant de la crainte à la joie que l’on progresse du même pas que l’organisation de Jéhovah.

ARRIVÉE D’AUTRES MISSIONNAIRES

À la fin de l’année 1945 arrivèrent dix nouveaux missionnaires. Il s’agissait de Louise et Frances Stubbs, de Stella Burton, de Stephania Payne, d’Elsa Sutton, de John et Louise Baxter, de Clara Giza, de Lydia Walther et de Lola Buntain. Pour ces missionnaires, tout était nouveau, aussi bien la langue que les us et coutumes des gens. Mais ils se rendirent compte qu’en travaillant dur on pouvait converser avec les gens, ces derniers se montrant patients et aimablement disposés à aider les nouveaux venus à apprendre leur langue.

Ce petit groupe eut le privilège d’ouvrir la première maison de missionnaires, au 3004 de la rue Lyon, à Santiago. La filiale était établie dans cet édifice. Comme la première congrégation se trouvait exactement de l’autre côté de la ville, on décida de ne faire qu’une seule pièce avec la salle à manger et le salon pour former une nouvelle congrégation. C’est ainsi qu’apparut en 1946 la deuxième congrégation de cette métropole de Santiago, où vivaient un million et demi de personnes.

LE PREMIER SURVEILLANT DE CIRCONSCRIPTION

Au mois de juillet 1946, frère Albert Mann, l’un des deux premiers missionnaires venus au Chili, fut nommé surveillant de circonscription. Ce fut le premier au Chili. Il n’y avait alors que neuf congrégations, qui réunissaient au total 93 proclamateurs. Elles se trouvaient à Chillán, Concepción, Rancagua, Melipilla, Illapel et Santiago. Par son exemple de foi et de dévouement, frère Mann encouragea dans la vérité quantité de jeunes et de moins jeunes.

Lors de ses débuts comme surveillant de circonscription, les possibilités de logement étaient rares dans les petites congrégations. Cela signifiait qu’il fallait dormir à l’hôtel, ou plus exactement, dans certains cas, essayer de dormir, du fait que du bruit montait toute la nuit du bar ou de la salle de spectacle. On passait à l’époque deux semaines dans chaque congrégation, ce qui laissait le temps de former les frères en matière d’organisation et, surtout, de les former dans le service du champ comme proclamateurs de la “bonne nouvelle”.

L’ACTIVITÉ DES MISSIONNAIRES À VALPARAISO

Novembre 1946 vit l’arrivée de neuf nouveaux missionnaires. On établit pour eux une maison dans la ville portuaire de Valparaiso, et l’activité de témoignage commença dans cette ville qui est la seconde du Chili et se trouve bâtie sur 41 collines agglutinées en demi-lune autour d’une large baie. Malgré la présence de 16 funiculaires, il était épuisant de grimper ces collines pour parler aux gens.

L’une des premières personnes à réagir au message à Valparaiso s’appelait Aïda Guzman. Elle assista aux réunions qui se tenaient, en 1948, dans le salon de la maison des missionnaires. Elle se souvient qu’à cause du manque de chaises, on répartit dans la pièce des cartons de publications sur lesquels on disposa des planches pour former des bancs.

Pendant tout ce temps, les missionnaires étaient très actifs. Sœur Elsa Sutton, qui épousa par la suite Hollis Smith, avait rencontré un jeune homme qui désirait étudier la Bible. Ce dernier, Alberto Muñoz, devait faire face à l’opposition de sa mère, si bien que l’étude avait lieu dans un jardin public. Il répétait tout ce qu’il avait appris à ses deux jeunes sœurs ainsi qu’à un voisin, Sergio Gonzalez. À leur tour, les fillettes répétaient le tout à leur mère. C’est la persévérance affectueuse des deux sœurs qui amena finalement la mère à réclamer une étude biblique familiale. Par la suite, le garçon et les deux jeunes filles entreprirent le service de pionnier, puis, plus tard, les deux jeunes filles, Graciela et Elena Muñoz, furent invitées à assister à l’École de Galaad. Quant au voisin, Sergio Gonzalez, il accepta la vérité et devint l’un des premiers pionniers spéciaux du Chili.

Au fil des ans, l’œuvre inaugurée à Valparaiso par les missionnaires a bien prospéré, puisqu’il s’y trouve aujourd’hui neuf congrégations.

POURSUITE DE L’EXPANSION DANS LA CAPITALE

En 1946, quatre missionnaires furent nommé s à Santiago. Il s’agissait de Larry et de Margaret Laing, de Dorothea Smith et de Dora Ward. Comme ce fut le cas avec tous les nouveaux missionnaires, des incidents amusants eurent lieu pendant qu’ils apprenaient leur nouvelle langue. C’est ainsi qu’une missionnaire partit un jour au marché pour acheter une livre de pulpa, c’est-à-dire de viande. Mais le boucher et les personnes présentes dans la boutique rirent de bon cœur en entendant commander une livre de pulpo, autrement dit de pieuvre...

En 1948, une fillette de 11 ans, Gladys Ramirez, saisit fermement la vérité. Elle devint pionnier de vacances et apprécia beaucoup la formation donnée par les missionnaires. Son rêve était de devenir un jour missionnaire à son tour, aussi se mit-​elle à apprendre l’anglais. Une dizaine d’années plus tard, elle put réaliser ses projets, lorsqu’on l’invita à Galaad, dont elle sortit diplômée en 1958. Elle sert toujours fidèlement Jéhovah comme pionnier ordinaire à Valparaiso.

Et notre chère sœur Palm? Elle avait été nommée pionnier spécial dans la partie nord de Santiago. À la suite du dur travail effectué par les frères, une troisième congrégation fut formée à Santiago en 1948. Un frère avait fait don de son garage, que l’on repeignit et rénova pour le transformer en Salle du Royaume. La congrégation d’Independencia venait de naître, et elle allait être scindée bien des fois par la suite. En effet, il y a aujourd’hui 12 congrégations dans cette partie de Santiago, et dans toute la ville on en compte 79 au total. Une fois cette congrégation formée, sœur Palm reprit son activité avec la congrégation de Quinta Normal. Mais, comme elle le raconte, elle avait toujours le désir de déployer son activité dans des endroits vierges, comme en témoignent les remarques qui suivent:

“Tous les lundis, je prends ma journée [Pour se reposer? Pas le moins du monde] pour sortir de la ville, car la prédication à la campagne me manquait. Je prenais un car jusqu’à son terminus et je prêchais dans les petites exploitations horticoles ou arboricoles qui entouraient Santiago, rentrant tard le soir, pour reprendre le territoire urbain et mes études le mardi. Ces lundis-​là, j’arrivais à placer énormément de périodiques ainsi que des livres et des brochures, autant que je pouvais en emporter. En général, je rentrais avec ma sacoche de prédication et mon sac à provisions de fruits et de légumes.

“Quelquefois, je rapportais des poulets que sœur Traub était toujours ravie d’ajouter à ceux qu’elle élevait dans le poulailler. Un jour, je suis revenue avec un porcelet, ce qui a réjoui sœur Traub au plus haut point. Quelle en était la raison? C’est que l’on avait annoncé qu’une assemblée internationale allait se tenir à New York en 1953, et que frère Traub voulait s’y rendre. On pourrait donc engraisser le porcelet, puis le vendre pour couvrir les frais du voyage. Sœur Traub avait également acheté un lot de poussins qu’elle comptait élever pour les vendre.

“Au bout de quelques semaines, tôt le matin, sœur Traub vint me voir dans ma chambre, la mine défaite. Que se passait-​il? Elle venait de trouver plusieurs poulets morts: une épidémie. Les deux ou trois jours suivants, elle vint me dire combien d’autres étaient morts durant la nuit. L’assemblée de New York était trop proche pour tout recommencer avec de nouveaux poussins. Que faire alors pour aider notre frère à y assister, lui qui était le plus ancien Témoin du Chili? Sœur Traub me dit: ‘Pourquoi n’écrirais-​tu pas une lettre à frère Knorr pour tout lui raconter?’ C’est ce que je fis. Le résultat, c’est que frère Traub fut appelé au téléphone à la filiale et qu’on lui demanda combien il lui manquait. Jéhovah permit que le voyage eût lieu, et ce fut un véritable plaisir pour notre frère de tout nous raconter une fois de retour au Chili.”

UN JUGE APPREND LA VÉRITÉ

Durant toute cette période, l’œuvre progressait et de plus en plus de personnes étaient touchées par le message du Royaume. En 1946, John Baxter, un missionnaire qui n’était que depuis quelques mois dans le pays, prit contact avec maître Daniel Gonzalez, président de la cour d’appel de Santiago. Il commença l’étude, et cet homme se mit à assister aux réunions. Il apporta un concours efficace pour nous permettre de tenir des assemblées en divers endroits, dont la faculté de droit du Chili et divers autres établissements scolaires.

En 1953, maître Gonzalez fit une hémorragie cérébrale et resta dans le coma pendant plusieurs semaines. Il avait donné à sa femme des instructions très strictes pour qu’aucun prêtre ne reçoive l’autorisation de le voir, spécifiant que seuls les Témoins de Jéhovah seraient les bienvenus. Même le célèbre cardinal chilien José Maria Caro Rodriguez se vit refuser la possibilité de le voir. Lorsqu’il mourut, sa femme demanda qu’un Témoin prononce un discours d’enterrement. Plus de 600 personnes étaient présentes, y compris le ministre de la Justice, plusieurs membres du gouvernement, des députés ainsi que le président de la Cour suprême. Après que certains de ces dignitaires eurent pris la parole, l’un des quatre missionnaires prononça un discours intitulé “L’espérance que nourrissait notre ami, maître Gonzalez”. Puis il expliqua la merveilleuse espérance de la résurrection que nourrissait maître Gonzalez. On donna un témoignage considérable à tous ces hauts personnages de l’État, et nombre d’entre eux vinrent dire à l’orateur combien ils avaient apprécié son discours.

DES CHANGEMENTS DANS LA FILIALE

En 1949, la santé de frère Ferrari ne lui permit plus de rester surveillant de filiale, si bien qu’il fut invité à aider les frères qui prêchaient à Concepción. La responsabilité de la filiale fut confiée à frère Albert Mann, qui conserva cette charge pendant dix ans. On lui avait conseillé d’entreprendre la recherche d’un nouveau local pour la filiale et pour les missionnaires plus près du centre de la ville. On finit par en trouver un au 2390 rue Moneda, à quelques pâtés de maisons du centre de Santiago.

ARRIVÉE DE NOUVEAUX OUVRIERS

Vers 1949, les missionnaires qui prêchaient au Chili étaient au nombre de 25. Le résultat de leur travail se voit dans le fait que le pays comptait alors 211 proclamateurs. C’était un accroissement excellent par rapport au chiffre de 65 proclamateurs en 1945, lors de l’arrivée des missionnaires. Mais la proportion des Témoins restait de un pour 20 000 habitants, ce qui traduisait clairement l’ampleur démesurée des besoins. La grande question que se posaient les frères n’était pas de savoir quand viendrait Har-Maguédon, mais s’il leur serait possible de proclamer la bonne nouvelle à tout le monde avant que vienne la fin.

Mais l’aide arrivait. À la fin de l’année, 20 nouveaux missionnaires diplômés de la treizième classe de Galaad se présentèrent. Quel soulagement ce fut pour l’organisation! Six frères, à savoir John et Harry Williams, Charles Corey, Raymond Tubbs, Daniel Davidson et Boyd Collins, furent nommés à Temuco. À leur arrivée dans cette ville, il n’y avait pas un seul Témoin, mais en août 1950, une congrégation de 30 proclamateurs du Royaume était établie. Un second groupe de frères fut nommé dans les collines escarpées de Valparaiso. Il s’agissait de Harold Jackson, Dewaine Graber, Robert Knight et George Wilkes.

L’OPPOSITION ET LA PERTE D’INFLUENCE DU CLERGÉ

À l’époque, les gens croyaient couramment que la Bible était un livre protestant et, partant, interdit aux catholiques. L’un des missionnaires plaça sa première Bible dans le pays à une maîtresse de maison qui s’était montrée aimable. Plus tard, le prêtre vint et déchira l’ouvrage en public.

À certaines portes, le simple fait de mentionner le mot “Bible” déclenchait la réponse: “Nous sommes catholiques.” La porte se refermait alors rapidement. Nous avons donc choisi de parler des “Saintes Écritures”, terme qui se rapprochait plus de l’histoire sainte que l’on enseignait au catéchisme, jusqu’à ce que les personnes soient suffisamment intéressées pour qu’on leur explique que le terme désignait également la Bible.

Au Chili, l’Église catholique avait très largement diffusé un nouveau livre de messe intitulé Oremus. L’ouvrage comportait un petit paragraphe stipulant que la Bible était un livre catholique et que tous les fidèles devraient la lire. Très peu d’entre eux avaient remarqué ce paragraphe. Aussi, quand quelqu’un trouvait à redire à la Bible, nous demandions du tac au tac: “Mais avez-​vous lu l’Oremus?” “Bien sûr”, nous répondait-​on. “Alors, regardons-​le à la page 21.” Cette méthode ouvrit les yeux de quantité de gens et évita que les portes se referment.

L’Église catholique n’avait jamais soulevé d’opposition violente à notre œuvre au Chili, contrairement à ce qui se passait dans d’autres pays. On avait bien publié des brochures, et même un livre contre nous; on s’était servi de haut-parleurs, mais jamais on n’avait soulevé la foule contre nous. Il y eut même un retour de bâton aux discours prononcés contre nous, car le Chilien est quelqu’un de patient et de bienveillant qui apprécie la liberté de culte. En raison de la conduite des prêtres beaucoup de gens n’ont que peu de respect pour ce qu’ils disent. Cela se voit également dans cette remarque que font très souvent les gens: “Je suis catholique, mais je ne crois pas aux curés.” Ou bien: “Je suis catholique, mais à ma manière.” De telles personnes discutent facilement de la Bible, et seul le manque de temps empêche que l’on conduise davantage d’études bibliques.

LES PROGRÈS DANS LA RÉGION DE CONCEPCIÓN

Du groupe des neuf missionnaires arrivés en 1946, cinq furent nommés à Concepción, dans le sud. Il s’agissait de Robert et Vora Hannan, de Dorothy Brehmer, de Willie Brown et de Joan Brown. Cette dernière tomba gravement malade et dut rentrer aux États-Unis où elle mourut en 1950. Toutefois, quantité de personnes avec qui elle avait étudié la Bible se rappellent sa fidélité.

Grâce pour une bonne part au rôle de pionniers que jouèrent les missionnaires dans l’œuvre, celle-ci commença à progresser dans la région de Concepción. En 1949, Vora Hannan rendit visite à Armando Badilla, qui prit avec plaisir le livre “La vérité vous affranchira”. Il raconta à ses collègues de travail ce qu’il apprenait en étudiant la Bible. Bientôt, sœur Hannan eut deux autres études. Parmi ces quelques personnes, il y eut plus tard sept proclamateurs, dont trois devinrent pionniers spéciaux. Frère Badilla progressa au point d’être nommé serviteur de congrégation, et, à l’heure actuelle, il sert comme ancien dans l’une des trois congrégations de Concepción.

Le champ missionnaire offre autant de problèmes que de joies. Comme sœur Hannan avait attrapé un anthrax et que sa fièvre devenait importante, elle ne put rendre visite à une Allemande qui avait fui l’Allemagne nazie quelques années auparavant. Cette dernière, apprenant par frère Hannan l’état de sa femme, se rappela les premiers jours qu’elle avait passés en pays étranger et rendit immédiatement visite à sœur Hannan à qui elle offrit de lui envoyer son médecin traitant. Avec l’aide de cette femme, sœur Hannan passa deux mois dans une chambre privée de l’hôpital régional, soignée par l’un des principaux médecins sans qu’il lui en coûte rien. Sa maladie lui fit perdre l’ouïe, et elle dut reprendre l’œuvre de témoignage à partir de zéro. Elle s’aperçut que la patience et la gentillesse des Chiliens l’aidaient beaucoup à surmonter son handicap.

Après avoir prêché quelque temps à Concepción, un pionnier spécial, Sergio Gonzalez, fut nommé dans la ville minière de Coronel. Il y trouva des mineurs sincères qui comprirent rapidement la différence entre les enseignements des Églises évangéliques et ceux des Témoins de Jéhovah, du fait que les enseignements de ces derniers étaient exacts. Il les invita à faire en train les 27 kilomètres qui les séparaient du lieu de réunion de Concepción quand leur travail par équipe le leur permettait. Ces gens qui gagnaient péniblement de quoi faire vivre leur famille travaillaient dans des conditions difficiles. Il leur fallait parcourir des kilomètres sous le fond de la mer pour atteindre la mine d’où ils extrayaient du charbon. Malgré leur dénuement, ils firent énormément de sacrifices pour l’œuvre du Royaume. En 1954, lorsque fut formée la congrégation de Coronel, les six frères payèrent le loyer de la Salle du Royaume. Pourtant, leur salaire était minime, mais ils étaient heureux de le faire.

NOUVEAUX PROGRÈS CONSÉCUTIFS À UNE VICTOIRE JUDICIAIRE

En 1952, il y avait 831 proclamateurs répartis dans les 15 congrégations du pays. Devant l’accroissement de l’activité, les adventistes du septième jour se mirent à soulever de l’opposition. Les adventistes distribuaient leur revue El Atalaya, alors que nous distribuions le périodique La Atalaya, et ils soutenaient que le nom de notre périodique était identique au leur. Comme le nom de leur revue était déposé au Chili, ils se croyaient en droit d’interdire la circulation du nôtre. Voici un extrait d’une lettre en date du 7 février 1952, adressée par N. Knorr, alors président, à un représentant des adventistes:

“Comme je vous l’ai dit lorsque vous m’avez téléphoné au 124 Columbia Heights, à Brooklyn, ‘La Atalaya’ est publiée en espagnol, imprimée à Brooklyn et diffusée mondialement dans tous les pays de langue espagnole. Dans tout le monde hispanophone, elle est connue comme publication de la Société Watchtower. Or, le titre de votre journal est tout à fait différent, puisque ‘El Atalaya’ signifie ‘Le Veilleur’. Notre périodique ‘La Atalaya’ signifie ‘La Tour de Garde’. Il y a bien évidemment une différence considérable entre un être humain et un édifice de pierre. Je ne vois pas comment on peut les confondre. Ce n’est pas notre faute si les deux mots espagnols se ressemblent. De toute façon, ils ne veulent absolument pas dire pareil.

“Notre Société n’a nullement l’intention de changer le nom de sa revue en espagnol. C’est une publication américaine et on peut l’envoyer n’importe où dans le monde, la diffuser partout en Amérique du Sud. Si je me rappelle bien ce que vous avez dit, vous utilisez des noms différents pour votre journal au Mexique et dans d’autres pays. Puisque la question pose un problème, pourquoi n’harmonisez-​vous pas vos méthodes en donnant le même titre à votre journal partout dans le monde? Évidemment, ce n’est pas à moi de vous suggérer de modifier votre journal. Vous pouvez utiliser le titre que vous voulez, et vous avez choisi ‘El Atalaya’,‘Le Veilleur’, c’est-à-dire une créature humaine. Quant à ‘La Atalaya’, c’est à dire ‘La Tour de Garde’, il s’agit d’un édifice de pierre. Je suis sûr que les hispanophones ne confondent pas les deux. En outre, les journaux ont une présentation tout à fait différente. Je crois les hispanophones suffisamment intelligents pour saisir la différence entre les deux titres.”

Malgré ce raisonnement, les adventistes portèrent l’affaire devant les tribunaux chiliens. Le 10 mars 1953, la cour rendit un verdict qui montrait que les juges ne s’étaient pas simplement arrêtés à la différence de nom. Ce verdict reconnaissait en effet que le sous-titre “Annonce le Royaume de Jéhovah” constituait une particularité distinctive de notre périodique. La cour conclut donc à l’absence de preuves convaincantes qu’une fraude avait été commise au point de causer du tort aux droits des adventistes. Mais ceux-ci portèrent le litige en appel. Après avoir examiné l’affaire, le tribunal fit remarquer que notre périodique La Tour de Garde était bien plus ancien que celui des adventistes. Le premier verdict fut donc confirmé, permettant aux Témoins de remporter une victoire indiscutable avec leur auxiliaire biblique le plus important.

L’EXPANSION DANS LA JOIE

À la fin de l’année 1953, frère Knorr se rendit au Chili pour assister à une assemblée de district. Il prit également des dispositions pour qu’on achète le bâtiment situé au 1710 rue Moneda, que l’on louait depuis 1951 et qui servait de filiale ainsi que de maison de missionnaires. Il prit ensuite des mesures pour envoyer des missionnaires dans des endroits plus éloignés du pays, afin d’y lancer l’œuvre de prédication. On mit particulièrement l’accent sur le service de pionnier spécial, afin de permettre à davantage de frères locaux d’avoir part au privilège de prêcher dans des villes et des localités éloignées.

Sœur Kathe Palm fut invitée à partir en province et on la nomma à San Antonio. Elle put placer beaucoup de périodiques dans ce ravissant territoire côtier qui, l’été, accueille les vacanciers dans ses hôtels et sur ses plages sablonneuses. Avec l’aide de deux pionniers, Olga Chiffelle et Gladys Ramirez, on forma une congrégation à San Antonio en 1956. Comme San Antonio était un port et que la filiale avait en réserve beaucoup de cartons de publications en diverses langues, on demanda à sœur Palm de bien vouloir se mettre à la recherche de bateaux dont l’équipage serait à même de lire certaines de ces langues. Elle reçut des autorités portuaires une carte d’accès et prit part aux différents aspects de cette activité jusqu’à la fin de l’année 1959. Quelle joie pour tous les proclamateurs du pays lorsqu’on annonça, en 1954, que le chiffre de 1 000 proclamateurs venait enfin d’être atteint! En fait, un maximum de 1 018 proclamateurs prirent part au service du champ.

LA POINTE DE L’AMÉRIQUE DU SUD FINIT PAR ÊTRE VISITÉE

C’est en 1956 que six missionnaires furent envoyés pour la première fois à Punta Arenas, ville située sur le détroit de Magellan qui accueillait alors 40 000 habitants. L’un des membres de ce premier groupe, sœur Stella Semczyszyn, nous retrace en ces termes cette histoire: “Nous sommes arrivés en juin 1956. Il venait d’y avoir une inondation et le temps était froid et humide. Nous avons trouvé beaucoup d’intérêt pour la vérité, si bien que nous placions entre 60 et 70 livres par mois. La plupart des gens n’avaient jamais vu une Bible, du fait que sa lecture était interdite par les prêtres.

“Nous avons d’abord habité dans une maison de cinq pièces, dont l’une était réservée aux réunions. En mars 1957, les sept premiers proclamateurs remirent leurs rapports. À peine un an plus tard, un petit groupe de quinze personnes travaillait avec nous. En octobre de la même année, il nous fallut trouver une maison plus grande pour les missionnaires ainsi qu’une salle de réunions plus spacieuse. Finalement, on se retrouva encore à l’étroit, et nous dûmes libérer trois des pièces pour la salle. Toutefois, en 1967, la congrégation loua une autre Salle du Royaume, et les progrès furent magnifiques.” Oui, il y a actuellement deux congrégations prospères de plus de 200 proclamateurs, qui sont propriétaires d’une grande Salle du Royaume.

À la pointe sud du continent se trouve une autre ville du nom de Puerto Natales. C’est la capitale d’une région qui porte le nom de “Ultima Esperanza”, le Dernier Espoir. On y trouve de grandes haciendas, et la ville est peuplée d’ouvriers employés dans la mine de charbon qui se trouve à la frontière du Chili et de l’Argentine. Durant l’été austral, entre septembre et mars, des vents violents soufflent à près de cent kilomètres à l’heure; ils font ployer les arbres et les empêchent de croître normalement. Dans cette région qui évoque une solitude terrifiante, la végétation se recroqueville sur le sol.

Néanmoins, les proclamateurs du Royaume, ployant sous le vent, poursuivent leur prédication. Depuis des années on envoie à intervalles réguliers des missionnaires ou des pionniers spéciaux dans la région pour fortifier la congrégation. C’est sœur Palm qui, au départ, avait répandu les graines de vérité ici, au début des années 1940. À présent, grâce à Jéhovah et au dur travail de quantité de frères différents, il s’y trouve une congrégation qui a produit ses propres pionniers.

À CALAMA, AVEC LES MISSIONNAIRES

En 1957, les sœurs Daphne Crum, Olga Rodriguez ainsi que Louise et Frances Stubbs furent nommées au nord du pays. Bien qu’il n’y eût pas de Témoin à Calama, à leur arrivée 100 personnes étaient présentes à la première réunion qui se tint dans la maison des missionnaires.

Alors que sœur Louise Stubbs prêchait dans Calama, le professeur Gallardo, abonné à La Tour de Garde, l’invita à donner des cours de religion dans une nouvelle école qui venait de s’ouvrir. Il lui dit: “Vous pouvez utiliser tous vos livres et arranger le cours de la manière qui vous convient. Ce que nous voulons, c’est qu’on enseigne la Bible à nos étudiants.” Elle commença son cours avec le livre “Équipés pour toute bonne œuvre”. Par la suite, elle se servit du livre Du paradis perdu au paradis reconquis. Avec le temps, le curé local demanda à donner des cours. Mais le professeur Gallardo lui répondit qu’il voulait qu’on enseigne la Bible, et non la religion catholique, et que seuls les Témoins de Jéhovah étaient capables d’enseigner la Bible. Sœur Stubbs donna des cours pendant deux ans, puis Daphne Crum poursuivit pendant une année, ce qui donna un témoignage remarquable dans cette partie du pays. Cette forme d’activité fut l’une de celles qui permirent d’implanter fermement l’œuvre de prédication à Calama.

Sœur Olga Rodriguez était membre de ce groupe de quatre missionnaires. Il est intéressant de voir comment l’esprit missionnaire l’avait gagnée. Sa mère, sœur Ana Rodriguez, raconte: “Le principal concours que j’ai pu apporter à ma fille a été de faire naître en elle l’esprit missionnaire. Après son baptême, elle servit pendant un an comme proclamateur, puis l’année qui suivit son baptême, elle entra dans les rangs des pionniers ordinaires. Je l’encourageais à bien s’organiser et à persévérer dans son service, à ne pas rester à la maison quand il pleuvait ou quand il faisait chaud ou encore quand elle était un peu souffrante. J’essayais de lui faire comprendre que le service de Dieu est ce qu’il y a de plus important dans la vie.

“Plus tard, elle fut invitée à devenir pionnier spécial, ce qui signifiait que nous allions être séparées. Quantité de gens s’efforcèrent de décourager Olga, en lui disant qu’elle avait la responsabilité de rester à la maison pour s’occuper de sa mère âgée. Même certains Témoins tenaient ce langage. Mais voilà ce que j’ai dit à ma fille: ‘Serais-​tu ma fille unique? N’ai-​je pas cinq autres enfants qui ont les mêmes devoirs? Pense aux mères des missionnaires qui sont venus des États-Unis, du Canada et d’Europe!’ Après cette conversation, elle reprit courage. Non seulement elle devint pionnier spécial, mais aussi diplômée de Galaad. Pour moi, elle a été une source de joie et de bonheur.”

Les habitants de Calama et des environs étaient très attachés au culte de la Vierge Ayquina. L’Église catholique a bâti dans le désert, à une centaine de kilomètres de Calama, une chapelle en son honneur, et les gens vont lui rendre hommage. La fête principale se célèbre avec des danses spéciales. Chaque groupe de danseurs a un conducteur qui le forme non seulement à bien danser, mais aussi à danser des heures durant pour éliminer à l’usure les autres danseurs. La musique est une mélodie très simple qui se joue avec des instruments à vent au rythme d’un tambour. Chaque groupe est vêtu à sa manière, à la chinoise, à l’espagnole, à l’indienne, à la bolivienne, etc., avec des masques de carnaval extravagants.

Quand arrive le jour spécial où les fidèles honorent la Vierge, ils s’acquittent de leurs vœux en épinglant de l’argent à ses vêtements. Pendant tout ce temps, les danseurs ne cessent de s’agiter, chaque groupe essayant d’éliminer les autres à l’usure. Une fois que le vêtement de la Vierge est couvert d’argent, on lui en met un autre. L’argent est enfoui dans des sacs, et l’évêque l’emporte dans sa voiture. Nombre d’anciens fidèles de cette Vierge sont aujourd’hui Témoins de Jéhovah et rendent leur culte et leur dévotion au vrai Dieu vivant, et non plus à une image faite par l’homme.

DÉTERMINATION D’UNE SŒUR DANS UNE VILLE MINIÈRE

En 1957, sœur Evelyn MacFarlane eut le privilège d’inaugurer l’œuvre dans la ville minière de Pedro de Valdivia. À son arrivée, elle n’avait pu trouver une maison, ni même une pièce à louer. Au lieu de se décourager et de repartir, elle prit contact avec une femme qu’elle avait connue dans une autre ville et qui habitait là. Bien que cette dernière ne s’intéressât pas à la vérité, elle permit à sœur MacFarlane de dormir par terre chez elle. Notre sœur préparait ses repas chez une autre femme qui, elle non plus, n’était pas intéressée par la vérité.

Durant son premier mois d’activité, sœur MacFarlane commença dix études bibliques dans une même rue. Par la suite, elle les réunit pour commencer une étude de La Tour de Garde dans l’un des foyers. Plus tard, avec l’aide de certains de ces étudiants, elle réussit à obtenir la salle de réunions syndicales des ouvriers pour y tenir les réunions. Bientôt, on y tint toutes les réunions, et les nouveaux se mirent à croître dans leur connaissance de Jéhovah et de ses desseins.

Sœur MacFarlane nous écrit: “Imaginez ma joie, alors que j’avais commencé mon activité au mois de mai, de pouvoir me faire accompagner dans le service du champ par 25 nouveaux, le 25 décembre suivant.” Peu après, la société minière fournit les matériaux de construction et le terrain qui permirent de bâtir une Salle du Royaume.

DES FRÈRES ASSUMENT DES RESPONSABILITÉS

Durant cette période, plusieurs hommes étaient venus à la vérité. Ils allaient jouer un rôle remarquable dans les progrès des intérêts du Royaume au Chili. Citons particulièrement Carlos Nuñez, Osvaldo Bello, Willy Ramirez, Lucio Rios et Manuel Wong. Ces frères et bien d’autres, comme Ernesto Ots et Sergio Gonzales, ont fini par être connus pratiquement d’un bout à l’autre du pays.

En 1959, frère Fred Wilson, diplômé de Galaad, devint surveillant de filiale au Chili, en remplacement de frère Albert Mann, qui continua de servir ses frères comme surveillant itinérant. Frère Wilson avait renoncé à une carrière prometteuse dans la physique nucléaire pour vouer sa vie à Jéhovah et entreprendre le service de pionnier. Lorsqu’il devint surveillant de filiale, il y avait 56 congrégations au Chili, avec un maximum de 1 879 proclamateurs.

UN TREMBLEMENT DE TERRE SECOUE LE CHILI

Les Chiliens se rappelleront longtemps l’année 1960 comme celle de quatre grands tremblements de terre. Jamais les survivants n’oublieront les terribles forces libérées par la secousse du sol pendant plusieurs minutes, forces telles qu’il était impossible de rester debout. En outre, les Témoins de Jéhovah se souviendront de la magnifique démonstration d’amour et d’unité parmi les frères, face au fléau.

Quelques jours après le tremblement de terre, des Témoins de toutes les parties du monde envoyèrent à la filiale des câblogrammes, des télégrammes et des lettres pour exprimer leur solidarité et offrir de l’aide. La Société reçut plusieurs milliers de dollars en provenance de New York, de diverses congrégations du Chili et de particuliers d’autres pays. En outre, plus d’une tonne de vêtements furent expédiés depuis Brooklyn pour être distribués aux nécessiteux. On prit des dispositions pour distribuer équitablement les secours parmi les familles des 500 frères sinistrés.

Le surveillant de filiale, frère Wilson, se rendit dans les principales villes touchées par le tremblement de terre et écrivit le rapport suivant: “Notre première étape fut Concepción. Les bâtiments qui avaient souffert le plus étaient ceux bâtis en briques et en adobe. Beaucoup de maisons à charpente en bois comportaient des cloisons pare-feu en briques. Dans bien des cas, celles-ci s’effondrèrent sur les maisons, emportant avec elles les murs de bois, ce qui tuait les habitants. Le seul décès enregistré chez les personnes qui fréquentaient les Témoins de Jéhovah fut celui d’une femme âgée qui étudiait la Bible. Il s’agissait d’une paralysée qui eut une défaillance cardiaque lors des puissantes secousses du second tremblement de terre. Elles durèrent en effet plusieurs minutes.

“Le lendemain, je fis le voyage d’une heure par avion jusqu’à Valdivia. Cette ville méridionale avait été détruite à 50 pour cent par le tremblement de terre et l’épouvantable raz-de-marée. Des pâtés de maisons entiers avaient été rasés, comme si une main géante les avait transformés en immenses tas de décombres.”

Voici le rapport d’Esther Perkins, missionnaire à Valdivia au moment du sinistre: “Nous nous préparions à partir pour l’étude de La Tour de Garde lorsque nous avons ressenti une puissante secousse. Un quart d’heure après commença une série interminable de secousses sismiques qui ébranlèrent la ville. Les maisons s’effondraient comme des châteaux de cartes. À part quatre maisons de notre rue qui en comportait 25, toutes les habitations furent détruites ou devinrent inhabitables.

“Le mari d’une femme avec qui nous étudiions avait emmené ses petites filles en barque juste avant la grande secousse et le raz-de-marée qui a suivi. Son embarcation se retrouva au sommet de l’énorme vague qui remontait la rivière. Aussitôt il poussa ses deux fillettes contre le fond et s’efforça de diriger sa barque vers le rivage. Heureusement, la vague le rejeta sur la rive. Il agrippa sur-le-champ les deux fillettes et courut vers les hauteurs. Il avait eu plus de chance que bien d’autres personnes qui ne sont plus là pour donner leur version. Aucun des 26 proclamateurs de la congrégation n’avait été tué, ce dont chacun remercia Jéhovah.”

Les deux missionnaires Esther Perkins et Lorraine Selesky avaient la possibilité de quitter la zone dévastée et de gagner Santiago si elles le voulaient. Mais elles préférèrent rester et s’efforcèrent d’aider les frères ainsi que les personnes intéressées alors qu’ils connaissaient leur plus grande détresse. Pendant deux jours elles vécurent dans la rue, puis s’installèrent dans le garage du propriétaire de la maison des missionnaires. Tous les jours, durant cette période, il y avait jusqu’à 200 à 300 secousses, ce qui mettait les nerfs à fleur de peau.

Mais durant toute cette période terrible, les sœurs s’efforcèrent de trouver les personnes avec qui elles avaient étudié la Bible. Dans certains endroits, rien n’indiquait qu’il y avait eu une maison. Dans d’autres, il ne restait qu’un tas de décombres; ou bien la maison était toujours là, mais ses habitants étaient partis. Plusieurs personnes se mirent à la recherche des missionnaires pour leur parler. Elles leur posèrent beaucoup de questions, ce qui donna un excellent témoignage. Le propriétaire de la maison des missionnaires dit à nos sœurs: “Durant ces jours terribles, ma femme et moi avons vraiment apprécié votre présence. J’ai l’impression que vous êtes les seules à avoir gardé votre calme et à ne pas avoir cédé à la panique. Cela nous a énormément aidés.”

Le dimanche 22 mai 1960, à Puerto Montt, l’après-midi était calme et paisible. Les gens parlaient toujours du terrible tremblement de terre et de tous les morts qu’il avait faits à Concepción. Rien de pareil ne s’était jamais produit à Puerto Montt, mais combien ils se trompaient en croyant que cela ne pourrait arriver! C’est ce que confirma la première secousse, à trois heures moins deux. Puis, 15 minutes plus tard, cela recommença, mais cette fois personne ne pouvait rester debout. Les maisons s’effondraient sous les yeux des gens.

Les quatre jeunes sœurs missionnaires firent une expérience terrible: Elles virent les murs de leur domicile s’effondrer dans la rue. Dans la confusion qui s’ensuivit, des briques tombèrent sur le pied de sœur Elena Muñoz, l’une des missionnaires. Sur le moment, elle ne s’en rendit pas compte, mais elle avait plusieurs fractures. Une demi-heure plus tard environ, les frères de la congrégation arrivèrent et apportèrent aussitôt aux sœurs le secours dont elles avaient besoin, puis ils les emmenèrent chez eux. Dans l’intervalle, les gens avaient fui dans les hauteurs, tandis que les secousses se poursuivaient durant une nuit qui n’en finissait pas.

L’ŒUVRE EST ENREGISTRÉE LÉGALEMENT

Durant les années 60, on avait pris des dispositions pour former une société légale au Chili. Au vu des conditions qui régnaient dans le pays, cela semblait sage, afin de faciliter l’acquisition de biens immobiliers pour construire des Salles du Royaume. Le 29 septembre 1960, le ministre de la Justice approuva la formation d’une société légale, “La Comunidad Religiosa Testigos de Jehová” (Communauté religieuse des Témoins de Jéhovah). Cette société chilienne permettait à la Société d’être exemptée d’impôts et de bénéficier d’autres avantages accordés à toutes les organisations religieuses enregistrées dans le pays.

En 1960, l’assistance au Mémorial atteignit le chiffre remarquable de 5 995 personnes. Quel accroissement extraordinaire depuis l’arrivée des premiers missionnaires, 15 ans auparavant, alors que seulement 103 personnes assistèrent au Mémorial!

L’ÎLE DE CHILOÉ

En 1963, on envoya pour la première fois des pionniers spéciaux dans l’île de Chiloé, au large de la côte méridionale du Chili. Vous vous rappelez que sœur Palm l’avait visitée au début des années 40. Le temps était venu à présent d’y donner un témoignage complet. Sœur Evelyn MacFarlane, mieux connue à l’époque au Chili sous le nom de Bunny Valenzuela, eut le privilège de visiter l’archipel en compagnie de son mari, tous deux en tant que pionniers spéciaux. Ils cherchèrent avec zèle un lieu d’habitation, mais ils ne trouvèrent rien. Ils en arrivèrent à la conclusion que s’ils voulaient que l’œuvre se fasse, il faudrait qu’ils se bâtissent une maison. Comme ils avaient peu d’argent, ils achetèrent le strict nécessaire pour bâtir leur demeure. Pendant quelque temps, ils vécurent sans électricité, sans eau courante et même sans fenêtre. Néanmoins, ils avaient un abri pour rester au chaud et, par-dessus tout, un point de départ pour entreprendre leur activité de pionnier.

Dans ce territoire, ils durent faire face aux préjugés, à la superstition et au spiritisme. De plus, les gens étaient sous l’emprise de l’Église catholique. Mais l’accroissement eut lieu, et, la première année, six personnes prirent part avec eux au service du champ. On organisa un groupe de frères isolés. Depuis lors, plusieurs congrégations ont été formées dans cette région magnifique à Ancud, Castro et Linao.

LES CONGRÈS FAVORISENT LES PROGRÈS

Vers 1965, le peuple de Jéhovah connut un accroissement remarquable au Chili. Au Mémorial, on enregistra une assistance de 9 522 personnes dont 21 participèrent aux emblèmes. Comme le nombre des proclamateurs avait progressé jusqu’au maximum de 3 758, il était bien évident qu’un travail énorme restait à faire, puisque les proclamateurs du Royaume répartis en 89 congrégations conduisaient 3 917 études bibliques à domicile.

La première assemblée internationale tenue au Chili était prévue en janvier 1967 à Santiago. Cette assemblée internationale sur le thème “Fils de Dieu, fils de la liberté” vit l’arrivée de 300 délégués venus des États-Unis, du Canada, d’Amérique centrale et d’Europe. Les frères chiliens les accueillirent avec enthousiasme à l’aéroport, avec un groupe de chanteurs et de danseurs en costume local pour leur souhaiter la bienvenue.

Le congrès allait se tenir au nouveau vélodrome, dont la construction, quelques semaines avant l’assemblée, n’était pas encore terminée. Les frères durent donc faire un gigantesque travail de nettoyage, pour que tout soit prêt le samedi 7 janvier 1967, journée inaugurale de ce congrès de cinq jours. Les 441 personnes qui prirent le baptême représentaient un nombre de baptisés plus important que ce que l’on avait enregistré jusqu’alors au cours d’une année.

Lors de l’assemblée, on publia la Traduction du monde nouveau en espagnol. Les frères débordaient de joie. Un surveillant écrivit: “Merci à Jéhovah et à son organisation pour cet auxiliaire merveilleux. Quelle joie de pouvoir utiliser cette nouvelle Bible et son excellente concordance, l’appendice des textes, etc. Frères, merci!” Jamais une publication n’avait reçu un tel accueil.

Depuis lors, jusqu’à 1980, la filiale a expédié 350 000 exemplaires de cette Bible, ce qui témoigne de l’enthousiasme avec lequel les frères chiliens s’en servent et du succès qu’ils rencontrent auprès des gens qui veulent la lire et l’étudier.

Cet extraordinaire congrès sembla marquer une ère nouvelle dans l’expansion de la bonne nouvelle du Royaume au Chili. C’est ainsi qu’en 1968, les 5 805 proclamateurs du pays consacrèrent 1 034 871 heures au service du champ. En outre, il y eut 15 405 assistants au Mémorial, soit près du triple des proclamateurs. Il y avait à présent sept circonscriptions et 103 congrégations. L’année d’activité était excellente.

En 1968, on publia le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle à l’assemblée de district “La bonne nouvelle pour toutes les nations”. Les 11 369 assistants aux cinq assemblées de district tenues dans le pays se mirent à l’œuvre. Depuis sa publication, et jusqu’à l’année de service 1980 incluse, les frères du Chili ont placé plus de 670 000 exemplaires de cet ouvrage. Il est pratiquement impossible de le garder en stock à la filiale.

NOUVEAU BÂTIMENT POUR LA FILIALE

L’année 1968 allait s’avérer remarquable dans un autre domaine. Le gouvernement fit savoir à la Société que les terrains sur lesquels se trouvait la filiale allaient être expropriés pour permettre la construction de la nouvelle autoroute panaméricaine. Le mois de décembre de la même année, frère Knorr se rendit à Santiago pour choisir un nouveau site où l’on construirait un bâtiment neuf pour la filiale. On en trouva un dans un quartier résidentiel situé en contrebas de la cordillère des Andes. Après cela, on tint une réunion spéciale et, de bouche à oreille, la nouvelle circula dans tout le pays, si bien que 4 083 personnes convergèrent sur Santiago pour entendre le discours de frère Knorr. Durant son allocution, il annonça les projets de construction d’une nouvelle filiale, nouvelle que les frères reçurent avec joie et enthousiasme.

Au début de 1969 circula la nouvelle que frère Fred Wilson, le surveillant de filiale, allait être transféré au Brésil pour y servir également comme serviteur de filiale. Pour nombre de frères locaux, ce fut un jour triste que celui où des centaines d’entre eux se rendirent à l’aéroport pour dire au revoir à frère et sœur Wilson auxquels ils s’étaient attachés durant les 20 années qu’ils avaient passées comme missionnaires au Chili. On nomma un nouveau surveillant de filiale, un frère argentin, diplômé de Galaad, Pedro Lovato.

La construction d’un nouveau bâtiment pour la filiale commença en août 1969. La Société apprécia de pouvoir embaucher des frères qui exécutèrent la majeure partie des travaux, si bien qu’il n’y eut presque pas à faire appel à des entreprises du monde. En tout, 35 frères travaillèrent sur cet édifice. En outre, les congrégations de Santiago furent invitées à contribuer au progrès de la construction par leur temps et leurs talents, et leur réaction fut magnifique. Par exemple, la congrégation de La Cisterna loua un car qui amena les frères de la congrégation sur le chantier, où les sœurs montèrent une cuisine roulante pour que les frères aient un bon repas et puissent travailler toute la journée. Les volontaires consacrèrent au total 3 124 heures aux travaux de construction.

Le bâtiment, en recul de 11 mètres sur la rue, est un édifice blanc à un étage, avec une large entrée dallée encadrée par de vastes pelouses. La façade est partiellement recouverte de mosaïque verte, ce qui adoucit l’éclat du ciment blanc. L’entrée principale comporte un encadrement de marbre sombre, qui contraste avec les portes vitrées à menuiserie d’aluminium, le tout offrant un ensemble agréable.

L’inauguration du bâtiment eut lieu le 21 novembre 1970, en présence de 255 assistants. Dans son discours d’inauguration, Pedro Lovato souligna que ce n’est pas le bâtiment en soi qui compte, mais plutôt, aux yeux de Jéhovah, l’usage que l’on allait en faire. L’édifice comporte une Salle du Royaume vaste et ravissante, des locaux qui permettent d’abriter les bureaux et le service de l’expédition ainsi que des chambres pour loger 16 personnes.

LA PRÉDICATION SUR LES BATEAUX À VALPARAISO

Au début de l’année 1960, sœur Palm fut transférée du port de San Antonio à celui de Valparaiso. Elle donnait le témoignage sur les bateaux le matin, et, l’après-midi, elle travaillait avec un groupe de proclamateurs de maison en maison et conduisait des études bibliques. Voici un souvenir qu’elle évoque pour nous:

“J’avais reçu de la Société plusieurs cartons de publications en langues étrangères, dont des Bibles en anglais. Je me demandais bien comment j’allais les placer. Puis arriva un navire africain en provenance du Ghana, avec un équipage entièrement ghanéen. Sur ce bateau, tout le monde voulait avoir une Bible en anglais. En effet, tous parlaient l’anglais, outre l’éhoué et le gan, si bien qu’il me fallut revenir par trois fois et que j’ai même demandé à une jeune sœur de m’aider à porter à bord 30 autres Bibles en anglais. En outre, j’ai abonné le commandant à La Tour de Garde et à Réveillez-vous! Quelle bénédiction pour eux comme pour moi!”

Après avoir passé 35 ans à prêcher comme pionnier dans tout le Chili, notre sœur rencontra l’ancien commandant en second du bateau qui l’avait amenée pour la première fois au Chili, en 1936. Il était devenu armateur indépendant et lui fit savoir qu’il était content de la retrouver, car il avait pensé à elle récemment. Ah bon! Et pourquoi? “Il se trouva que son bateau naviguait dans la région de Puerto Montt et qu’il lui fallait un capitaine de toute confiance, expliquait sœur Palm. On en trouva un et, lorsque l’armateur s’enquit de posséder ses références, on lui dit: ‘Oh! cet homme est Témoin de Jéhovah.’ ‘C’est la meilleure référence que l’on puisse avoir’, dit-​il. ‘Si vous n’avez pas eu d’autre succès, Kay, poursuivit-​il, durant toutes vos années de travail pour la Société Watchtower au Chili, il y a au moins ce brave homme que j’ai embauché parce qu’il est Témoin de Jéhovah et que je peux lui faire confiance.’” Imaginez la joie de notre sœur en entendant pareille nouvelle. Oui, son cœur débordait de reconnaissance et de gratitude envers Jéhovah.

Mais l’histoire passionnante de cette missionnaire dynamique ne s’arrête pas là. Aujourd’hui, elle a 78 ans, mais elle poursuit avec zèle son activité théocratique. Bien qu’elle souffre d’une jambe depuis une chute qu’elle a faite dans les hauteurs de Valparaiso, la moyenne de son activité en 1980 est la suivante: 132 heures, 168 périodiques, 56 nouvelles visites, 5,6 études à domicile, 24 livres, et cela tous les mois. Son incroyable énergie ainsi que sa foi invincible et son dévouement ont été une source d’encouragement pour tous ceux qui la connaissent et l’apprécient. Quel privilège, pour les premiers missionnaires, là où les circonstances le leur permettaient, de rester au Chili avec les tout premiers proclamateurs et d’observer les merveilleux progrès que Jéhovah a bénis en abondance!

ARRIVÉE AU POUVOIR D’UN GOUVERNEMENT MARXISTE

L’année 1970 avait pris un excellent départ avec les 19 850 personnes qui assistèrent au Mémorial. En avril, nous avons enregistré un nouveau maximum dans le nombre des proclamateurs: 7 422, soit le double de ceux qui prêchaient cinq ans auparavant. En septembre 1970, le parti démocrate chrétien perdit les élections au profit de l’Unidad Popular, qui regroupait plusieurs partis politiques. Au cri nationaliste de “le Chili aux Chiliens”, le nouveau gouvernement marxiste nationalisa toutes les grandes mines de cuivre exploitées par des investisseurs étrangers. Les propriétaires terriens se virent expropriés de leurs haciendas et celles-ci furent remises aux pauvres. Certains de ces pauvres se montrèrent si impatients qu’ils expulsèrent par la force des armes les propriétaires et s’emparèrent de leurs biens. Dans les villes, nombre de terrains libres furent récupérés illégalement par des gens qui se contentaient de dresser un drapeau chilien dessus, puis de bâtir une petite maison.

Comme il fallait s’y attendre, les classes riches étaient violemment opposées au gouvernement marxiste. Beaucoup de gens quittèrent le pays; d’autres s’y préparèrent. On fit de vigoureux efforts pour combattre le changement, ce qui aboutit à des violences et à des effusions de sang.

Alors que les gens adoptaient des positions radicalement différentes sur la scène politique, les Témoins de Jéhovah maintenaient leur neutralité. L’irritation atteignait un seuil critique, et la haine et la crainte commençaient à faire leur apparition dans ce pays jadis tranquille. Néanmoins, au milieu de ces troubles, l’œuvre consistant à diriger les gens vers le Royaume poursuivait son élan. Par exemple, l’année suivante vit un nouveau maximum de 22 918 assistants au Mémorial, ainsi qu’un accroissement de 13 pour cent du nombre de proclamateurs avec une moyenne de 7 810.

LES INDIENS ARAUCANS

Parmi ces nouveaux proclamateurs se trouvaient des Indiens Araucans qui avaient pris le baptême. À ce que l’on dit, les Araucans furent les guerriers les plus vaillants et les plus féroces que les conquistadores espagnols aient jamais rencontrés. Les historiographes espagnols disent que l’assujettissement de ces Indiens aux Espagnols a coûté plus de temps, de sang et d’argent que celui du reste de l’Amérique du Sud. Ce n’est qu’au bout de deux siècles de lutte perpétuelle que les Espagnols réussirent à assujettir les chefs et les guerriers araucans. L’arme de la victoire ne fut pas le fusil, mais plutôt les vices de l’homme blanc. En effet, ils corrompirent tellement les Indiens qu’ils leur ôtèrent toute volonté, y compris celle de combattre.

Plusieurs milliers d’Araucans vivent toujours en suivant leurs propres lois sociales dans les réserves où les confine l’État. En apparence, ils ressemblent beaucoup aux Esquimaux, mais on n’a jamais pu retracer exactement leur histoire. Ils n’ont pas d’écriture, si bien que leurs croyances religieuses ne sont guère précises. D’une façon générale, ils croient à l’immortalité de l’âme et à la réincarnation. Mais, fait intéressant, ils ont une légende à eux sur un déluge universel auquel auraient survécu quelques personnes.

Un certain nombre de ces Indiens mettent leur vie en accord avec les principes de la Bible et se vouent à Jéhovah. Ils vont aux réunions à la congrégation de Temuco. Nous espérons sincèrement que ces nouveaux frères et sœurs vont montrer la même ténacité et le même courage que leurs ancêtres, non pour combattre un ennemi en chair et en os, mais plutôt pour combattre le dieu de ce monde, Satan le Diable, et ses forces démoniaques, en proclamant la bonne nouvelle du Royaume.

LA PRÉDICATION DU ROYAUME DURANT LES TROUBLES POLITIQUES

L’élection du gouvernement marxiste et les troubles qui s’ensuivirent causèrent une sorte de tremblement de terre, qui ébranla quantité de gens et modifia l’attitude du barrio alto, le quartier riche de Santiago. Alors que les gens qui vivaient dans la détresse économique se tournaient vers Salvador Allende pour trouver une solution à leurs problèmes, à l’autre bout de l’échelle socioéconomique les gens commençaient à se poser des questions sur leur avenir. Pendant des années ils avaient travaillé et consenti des sacrifices, et maintenant tout était menacé. Existerait-​il quelque chose de mieux que les possessions matérielles pour garantir un avenir sûr? À cette question, les dynamiques prédicateurs de la “bonne nouvelle” apportaient des réponses satisfaisantes.

Pour illustrer les progrès enregistrés dans le barrio alto, en septembre 1971, six congrégations de la ville avaient des territoires dans ce quartier. Ce mois-​là, 324 proclamateurs remirent leur rapport. Aujourd’hui, il y a onze congrégations, et, dernièrement, 990 proclamateurs ont remis un rapport, ce qui correspond à un accroissement de 206 pour cent.

Non seulement les accusations verbales et la violence politique commençaient à faire partie de la vie quotidienne, mais l’on vit apparaître couramment des files de gens qui faisaient la queue pour se procurer de la nourriture. Quantité de ménagères devaient passer une moyenne de trois heures par jour, parfois même jusqu’à six heures, pour acheter du pain et d’autres aliments pour leur famille. Comment nos sœurs faisaient-​elles pour combler cette perte de temps?

Certaines prirent l’habitude d’emporter des publications, soit pour les lire, soit pour donner un témoignage occasionnel. Un jour que la queue atteignait la longueur d’un pâté de maisons, une femme commença à se plaindre de devoir perdre autant de temps. Près d’elle une sœur fit remarquer que l’homme n’était pas capable de résoudre ses problèmes, puis elle entreprit de partager avec elle le message d’espérance du Royaume. Comme son auditrice montrait de l’intérêt, la sœur prit des dispositions pour lui rendre visite chez elle et, avec le temps, elle commença une étude. À présent, cette femme est à son tour un proclamateur actif et sa fille est pionnier ordinaire.

Beaucoup de nos sœurs, bien connues pour leur activité de prédication et respectées pour leur conduite, se virent épargner l’attente quotidienne aux queues grâce à des commerçants amicaux qui les tenaient au courant des dates d’arrivage des produits. On pourrait raconter quantité d’expériences encourageantes de sœurs zélées qui ont profité des difficultés de la situation pour donner un témoignage sur le Royaume.

L’année 1973 connut une inflation galopante qui atteignit 330 pour cent, accompagnée d’une paralysie générale due aux grèves, aux pénuries alimentaires et à la violence. Dans les années qui avaient précédé l’élection du candidat socialiste à la présidence, les progrès des Témoins de Jéhovah au Chili avaient été très rapides avec des accroissements annuels de 20 pour cent, 16 pour cent et 17 pour cent. Mais, après l’élection, les progrès tombèrent à 13 pour cent, 9 pour cent, puis 6 pour cent. Toutefois, comme nous l’avons dit plus haut, durant toute cette époque on commença à enregistrer des progrès dans le barrio alto.

D’un autre côté, nombre de personnes humbles qui s’étaient lancées dans l’Unidad Popular préféraient s’intéresser aux efforts de l’homme plutôt qu’au Royaume de Dieu. Maints conducteurs religieux les avaient même encouragées dans cette voie. Par exemple, en avril 1971, il y eut 80 prêtres pour se déclarer en faveur de la “participation des catholiques à la construction du socialisme”. Les conducteurs religieux du pays soutinrent la politique du nouveau gouvernement, l’un d’entre eux déclarant même: “Le royaume que nous espérons commence à prendre forme ici, et l’un des piliers sur lesquels il repose est la justice.” On appliqua même des prophéties du livre biblique d’Ésaïe au nouveau régime politique. Mais ces gens allaient-​ils voir leurs rêves se réaliser?

BRUSQUE CHANGEMENT

La réponse vint le 11 septembre 1973, lorsque les forces armées renversèrent le gouvernement marxiste. Pour la plupart d’entre nous qui n’avions jamais été en zone de guerre, la révolution fut une fameuse expérience. Ce matin-​là, beaucoup de frères partirent au travail comme d’habitude. La famille du Béthel vaquait déjà à ses occupations, et les missionnaires se préparaient à sortir dans le champ, au moment où des hélicoptères passèrent presque au-dessus de la filiale. Levant les yeux, nous eûmes la surprise de voir que leur porte était ouverte, pour laisser passer des mitrailleuses prêtes à faire feu. “Qu’est-​ce qui se passe?”, demanda quelqu’un. On brancha la radio et l’on entendit annoncer que les forces armées étaient en train de mettre un terme aux années de haine et de combat entre Chiliens. Tout le monde était invité à rester chez soi et à ne pas sortir dans les rues. Il y eut de violents combats dans le centre de la ville et dans les quartiers pauvres de la banlieue de Santiago. Inutile de dire que les missionnaires qui se trouvaient dans la filiale furent embauchés provisoirement au Béthel, jusqu’à ce que les choses se calment. Mais qu’en était-​il de nos frères qui étaient partis tôt le matin dans leurs usines respectives?

Certains d’entre eux furent arrêtés et menés avec des groupements que l’on soupçonnait de gauchisme jusqu’au stade national de Santiago pour y être interrogés. Il apparut que se présenter comme Témoin constituait une protection, car nos frères furent parmi les premiers à être relâchés.

On a aujourd’hui des preuves qui indiquent que des extrémistes préparaient une gigantesque insurrection juste avant l’intervention armée, et que, parmi les gens à éliminer, se seraient trouvés les Témoins de Jéhovah. Si tel était le cas, nous rendons grâce à Jéhovah de sa merveilleuse protection.

Durant les jours de tension qui suivirent le putsch, notre neutralité bien connue s’avéra être une protection. Chaque fois que l’arrestation d’activistes communistes dans des usines ou dans l’industrie laissait des postes clés vacants, on les confiait à des employés Témoins de Jéhovah. Dans un cas, le matin du coup d’État, des soldats se présentèrent au domicile d’un Témoin et lui demandèrent combien de temps il lui faudrait pour mettre en route la raffinerie de pétrole locale. Il n’y avait aucune autre personne qualifiée à qui l’on puisse faire confiance...

Les perquisitions pour rechercher les armes à feu avaient lieu dès les premières lueurs de l’aube. Bien souvent, les maisons de Témoins étaient simplement sautées. Un soldat, sortant d’une bibliothèque le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle, fit ce commentaire: “Si tout le monde lisait et pratiquait ce qu’il y a dans ce livre, nous n’aurions pas à faire de telles fouilles.”

UNE ASSEMBLÉE INTERNATIONALE

Pendant les quelques mois qui suivirent, les gens restèrent un peu sur les nerfs; il y eut des explosions sporadiques de violence. C’est dans ce contexte que l’on prépara l’assemblée internationale “La victoire divine”. Bien qu’un contrat ait été signé pour nous permettre d’utiliser le stade Santa Laura de Santiago, aurions-​nous l’autorisation de nous réunir? Comme l’état de siège avait été proclamé au mois de septembre, presque tous les grands rassemblements étaient interdits. Tenir une réunion à ce moment-​là relèverait pratiquement du miracle. Mais la main de Jéhovah n’était pas trop courte. — És. 59:1.

À mesure qu’approchait la date du congrès, l’appréhension se faisait plus grande. Puis, une semaine avant l’assemblée, nous apprîmes que l’on nous refusait l’autorisation de la tenir. Immédiatement, deux frères se rendirent au ministère de la Défense pour expliquer les dispositions qui avaient été prises en vue de l’arrivée de nombreux délégués étrangers et firent part de la mauvaise impression que ces derniers auraient si le congrès international n’était pas autorisé. Un colonel transmit alors le problème à ses supérieurs, puis revint avec cette réponse: “Permission accordée.” Nos prières avaient été exaucées.

Aucun frère ne voulait manquer ce qui allait être la plus grande assemblée jamais tenue au Chili. Pou financer leur voyage depuis les régions sèches et dénudées du nord ou bien depuis le désert parsemé de glaciers du sud, nombre de Témoins vendirent des meubles, des postes de télévision, des tourne-disque, etc. Comme nous l’avons déjà spécifié, le Chili présente une bande côtière qui s’étend sur 4 265 kilomètres le long de l’océan Pacifique, si bien que tout parcours en car ou en train représente un long voyage. Partis d’Iquique, dans le désert d’Atacama, 1 300 Témoins, avec des enfants et des nourrissons, vinrent dans un train de huit voitures affrété spécialement. Le voyage était long et épuisant, mais, après quatre jours et demi de transport dont la plupart du temps à travers le désert brûlant, le pénible circuit toucha à sa fin, ou du moins presque. Le train arriva juste au moment où commençait le couvre-feu, si bien que les frères allaient devoir rester dans le train toute la nuit.

Lorsque les membres du comité d’accueil s’étaient rendus à la gare, un peu plus tôt dans la journée, on les avait prévenus que le train serait en retard. Comme cela représenterait une nouvelle nuit dans le train pour les frères, on prit des dispositions pour leur préparer du café et des sandwichs, leur acheter des cageots de fruits et leur procurer des couvertures. Cette soirée-​là, 48 frères s’étaient portés volontaires pour rester à la gare de Mapocho, pour prendre soin des arrivants. Évidemment, tout ceci se passait avec l’autorisation des autorités militaires qui surveillaient la gare. En fait, elles furent tellement impressionnées par l’organisation qu’elles vinrent prêter main-forte aux frères. Normalement, quand un train arrive en retard, la foule, indisciplinée, refuse d’obéir au couvre-feu, si bien que les soldats avaient l’habitude de tirer en l’air et, sous les insultes, de refouler les gens dans les wagons pour la nuit. Dans ce cas précis, comme le train ne comportait que des Témoins, ils n’avaient pas besoin de crier ou de répéter les ordres. Un soldat fit cette remarque: “Les Témoins de Jéhovah ont donné la preuve qu’ils sont corrects et ordonnés.”

Le lendemain matin, après que l’on eut passé de nouveau du café aux délégués, les frères des congrégations de Santiago vinrent à la gare pour les conduire à leur logement. Combien les délégués étaient reconnaissants de la bonté qu’on leur avait témoignée et pour la gentillesse des frères qui avaient passé la nuit dans le froid et l’obscurité de la gare! Quel bel exemple d’amour et d’abnégation!

Enfin, le jour attendu depuis si longtemps était là, et les délégués étrangers, dont frère Knorr, arrivèrent. L’enthousiasme était à son comble. Quel encouragement pour les frères et pour les 1 502 nouveaux qui symbolisèrent leur vœu à Jéhovah par le baptême d’eau! L’assistance fut la plus élevée que l’on ait jamais vue sur un lieu de congrès: 21 321 personnes. Nous remercions Jéhovah de nous avoir ouvert cette porte en permettant que le programme de l’assemblée ait pu être présenté entièrement.

REPRISE DES PROGRÈS RAPIDES

Les événements survenus au Chili en 1973 illustraient le bien-fondé de Psaume 146:3 qui nous invite à ne pas mettre notre confiance dans “l’homme terrestre, à qui n’appartient point le salut”. Ceux qui avaient placé leur confiance dans le président défunt étaient déçus, désespérés. Grâce à Jéhovah et à l’activité énergique de son peuple, beaucoup de personnes au cœur droit acceptèrent le message du Royaume comme l’unique espérance de l’humanité et elles prirent position pour le vrai culte.

En octobre 1973, juste un mois après le changement de gouvernement, le Chili franchit la barre des 10 000 proclamateurs pour la première fois, avec exactement 10 119 proclamateurs. Puis vinrent l’assemblée internationale et, avec elle, un nouvel accroissement, puisque nous avons fini l’année de service avec un accroissement de 22 pour cent et une moyenne de 10 962 proclamateurs. On organisa 32 nouvelles congrégations et deux nouvelles circonscriptions, et on atteignit un maximum de 12 491 proclamateurs et un total de 2 660 nouveaux baptisés. L’année suivante, l’accroissement fut encore plus important: 30 pour cent, et il y eut une moyenne de 14 220 proclamateurs dans le champ. Le nombre de baptêmes, 3 842, était étonnant.

Nos progrès rapides et les commentaires élogieux formulés lors de nos assemblées n’échappèrent pas à l’attention de nos adversaires religieux, qui redoublèrent d’efforts. Ils commencèrent à opérer en coulisse, en profitant de leurs relations particulières avec César. On nous accusa d’être noyautés par les communistes, et plus d’une fois, il nous fallut démontrer que tel n’était pas le cas et expliquer le “crible” par lequel chacun passe avant d’être baptisé. Cette explication sembla satisfaire les autorités, et l’affaire fut provisoirement classée, mais pas oubliée.

Lorsque frère Knorr nous avait rendu visite, à l’occasion de l’assemblée internationale, il nous avait autorisés à effectuer quelques petites activités d’imprimerie. Avant janvier 1975, nous recevions Notre ministère du Royaume et les révisions écrites d’Argentine, mais, l’hiver, la neige était si importante dans la cordillère des Andes que, bien souvent, nous les recevions trop tard. Désormais, nous nous chargerions nous-​mêmes de pourvoir aux besoins des frères en imprimant des formulaires, des invitations, des programmes, Notre ministère du Royaume et des révisions écrites.

UN CONGRÈS AU STADE NATIONAL

En 1949, lorsque frère Knorr s’était rendu au Chili à l’occasion d’un congrès, sœur Digna Gonzalez lui avait demandé, en manière de plaisanterie, pourquoi nous n’utilisions pas le stade national. À présent, à son grand ravissement, l’heure était venue de s’en servir. En janvier 1976, nous avons eu le privilège d’y tenir l’assemblée de district “La souveraineté divine”, et l’assistance venue de Santiago et de sa ceinture atteignit 15 619 personnes. Du fait qu’en cette fin d’année les footballeurs professionnels jouaient les finales de leur coupe, on nous conseilla de terminer plus tôt les sessions, pour que les matchs puissent avoir lieu dans la soirée. Nous nous pliâmes sans faire de difficultés. Voici une remarque relevée dans un quotidien de Santiago: “En trois heures, les Témoins de Jéhovah ont dû tout installer sur le stade, puis tout démonter. Néanmoins, il n’y a pas eu de problèmes, parce que tout le monde collaborait sans faire de difficultés, ce qui leur a permis de réaliser le miracle de transmuter un terrain de jeu en site religieux et vice versa.”

CHANGEMENTS MONÉTAIRES CONSÉCUTIFS À L’INFLATION

Durant toute cette période, l’inflation ne cessait d’augmenter. À titre d’exemple, en août 1970, un dollar américain valait 14 escudos chiliens. Cinq ans plus tard seulement, un dollar américain valait 6 000 escudos. En septembre 1975, le gouvernement chilien fixa donc un taux de change officiel de six pesos pour un dollar américain, le nouveau peso valant 1 000 anciens escudos.

UNE REMARQUABLE EXPANSION

Malgré les difficultés causées par l’inflation et l’aggravation du chômage, l’enthousiasme pour la prédication de la “bonne nouvelle” n’avait pas baissé. Durant l’année de service 1976, on atteignit un maximum record de 16 862 proclamateurs, avec 2 782 nouveaux baptisés. Mais, si le nombre des proclamateurs augmentait rapidement, la formation des anciens n’allait pas du même pas. En septembre 1972, il y avait 131 congrégations au Chili. Quatre années plus tard seulement, elles étaient passées à 269, soit plus du double. Du fait que l’on avait formé de nouvelles congrégations, beaucoup de celles qui auparavant avaient trois anciens ou plus se retrouvaient avec un ou deux anciens seulement, mais avec le même nombre de proclamateurs.

Toutefois, l’accroissement se poursuivait en douceur, avec de nouveaux maximums de proclamateurs, la formation de nouvelles congrégations et de nouvelles circonscriptions, et des assemblées de circonscription et de district dont l’assistance totale dépassait 30 000 personnes, et même l’assistance la plus élevée jamais enregistrée au Mémorial: 46 940. De toute évidence, Satan n’était pas content devant une telle expansion théocratique, aussi le “lion rugissant” se mit-​il à faire de son mieux pour effrayer les “brebis” nouvellement rassemblées.

APPARITION D’UNE OPPOSITION À L’ŒUVRE

On avait pris à l’avance des dispositions pour tenir des assemblées de district durant l’été austral, de décembre à février. Tout se déroulait bien, jusqu’au moment où l’on apprit que les autorités militaires n’autoriseraient pas une petite assemblée qu’allaient tenir les trois congrégations isolées situées à proximité du détroit de Magellan, à l’extrémité de l’Amérique du Sud. Mais du fait que les frères jouissaient d’une bonne réputation et que l’un des colonels connaissait personnellement plusieurs Témoins, le général autorisa l’assemblée. Ceci dit, rien ne fut notifié par écrit, et l’on nous demanda de ne pas faire de publicité.

Après cela, les assemblées de district se tinrent sans difficulté dans les différentes provinces. Bientôt, le surveillant de zone allait se trouver parmi nous, et on organisa une réunion au vélodrome pour qu’il prononce une allocution en présence de toutes les congrégations de Santiago et de sa région. En dernière minute, nous eûmes la surprise d’apprendre que l’autorisation nous était refusée. Nous fîmes appel, mais en vain.

Ensuite, les autorités militaires annulèrent l’assemblée de district qui devait se tenir au stade Santa Laura, sous prétexte qu’aucun grand rassemblement n’était autorisé, à cause de l’état d’urgence. On ne nous permit pas de faire appel, ni de nous expliquer. Que pouvait-​on faire, non seulement pour les frères des 100 congrégations de la région de Santiago, mais aussi pour ceux d’Argentine qui avaient prévu de se rendre au Chili pour profiter du programme de l’assemblée?

On fit rapidement le nécessaire pour réduire à deux jours le programme de quatre jours, en présentant 70 pour cent des matières prévues dans huit des plus grandes Salles du Royaume de Santiago. On confia des discours à davantage de frères, ce qui permit d’avoir quatre groupes d’orateurs qui se rendaient d’une salle à l’autre. Seuls les proclamateurs furent invités à assister à l’assemblée, vu le nombre limité des places. Au bout de cinq week-ends, 10 209 d’entre eux avaient pu assister à l’assemblée. Les Salles du Royaume étaient combles. Beaucoup de congressistes exprimèrent leur gratitude pour le dur travail accompli afin de présenter le programme, les drames et tout le reste.

Par la suite, les autorités interdirent les assemblées de circonscription dans la région de Santiago, si bien que nous dûmes prendre des dispositions pour qu’aient lieu des congrès d’un jour qui présenteraient tout de même 90 pour cent du programme. Nous avons demandé aux frères de sortir de la capitale et, devant le manque de place, nous avons dû tenir une assemblée le samedi et une autre le dimanche.

Cette méthode a donné de bons résultats entre 1977 et juin 1980. Puis l’on nous refusa l’accès à deux endroits où nous pouvions auparavant tenir nos assemblées. Deux circonscriptions de Santiago durent alors envisager de présenter le programme de l’assemblée dans les plus grandes Salles du Royaume de la circonscription. Bien que cela demande davantage de travail et crée quelques problèmes, l’important est que les frères reçoivent la nourriture spirituelle préparée par “l’esclave fidèle et avisé”.

C’est alors que le ministre de la Justice demanda aux directeurs de la Société enregistrée légalement au Chili de se présenter. La discussion porta principalement sur la neutralité. Une grande partie de l’entrevue se déroula dans une atmosphère hostile et tendue, mais quand se présenta l’occasion d’utiliser la Bible pour répondre aux questions, l’ambiance hostile se changea en respect.

À la suite de cette entrevue et de la déclaration officielle dans laquelle nous expliquions par écrit notre position de neutralité, les poursuites cessèrent. Grâce à Jéhovah, nos ennemis avaient échoué.

CONSEILS APPROPRIÉS DU COLLÈGE CENTRAL

Nous pouvons prêcher la “bonne nouvelle” et nous réunir sans problèmes dans nos Salles du Royaume, et nous sommes reconnaissants d’une telle bénédiction. Certes, la question des grands rassemblements reste problématique, mais, grâce à Jéhovah et aux bons conseils reçus du Collège central sur la façon d’agir avec discrétion, notre paradis spirituel subsiste. — Ps. 47:7.

Par exemple, à l’époque où frère Henschel nous rendit une visite en tant que surveillant de zone en 1979, les Salles du Royaume avaient été provisoirement fermées à Vallenar, à Punta Arenas et à Puerto Natales. On nous conseilla de nous montrer “prudents comme des serpents et innocents comme des colombes” et de ne pas soulever de litiges avant d’avoir épuisé toutes les ressources (Mat. 10:16). Il ne s’écoula guère de temps avant que les autorités locales ne changent ou oublient la question, et, à présent, toutes les congrégations fonctionnent comme auparavant.

En effet, à l’occasion de la mutation d’un général à Punta Arenas, les frères demandèrent une entrevue. Une fois qu’ils eurent expliqué qu’on leur avait refusé la permission de tenir leurs réunions à la Salle du Royaume et que les discussions avec le précédent général n’avaient pu aboutir à cause de sa mutation, ce remplaçant réagit favorablement. Après qu’on lui eut expliqué que, conformément au chapitre 13 de la lettre aux Romains, les autorités ne rencontreraient aucun problème avec les Témoins de Jéhovah, il répondit: “Oui, je les connais bien et je sais qu’ils sont d’excellents citoyens. Je ne vois aucune raison pour vous empêcher de tenir vos réunions dès maintenant si vous le voulez.”

Surpris, les frères répondirent avec un si reconnaissant et demandèrent que l’on accorde la même permission à la congrégation de Puerto Natales. Leur requête fut accordée, juste à temps pour le Mémorial. Quelle joie de voir 448 personnes présentes à Punta Arenas en 1979 pour cette importante cérémonie! Depuis lors, les frères ont même eu le privilège de tenir des assemblées de circonscription et de district dans leur nouvelle Salle du Royaume.

Au début des problèmes, en 1977, il était difficile de trouver des sites qui se prêtent aux assemblées. C’est alors que dans la province de Valparaiso, Jéhovah nous ouvrit une porte. Un frère prit contact avec le maire d’une ville où se trouvait un petit stade qui était juste à notre taille pour les assemblées. Le maire accepta que nous y présentions notre programme, et, comme les frères laissèrent l’endroit en excellent état, nous avons pu y tenir plusieurs assemblées.

BAISSE DU NOMBRE DES PROCLAMATEURS

Quand commencèrent les difficultés, beaucoup de bruits couraient parmi les frères. C’est peut-être en raison de ces difficultés et de la crainte de l’homme, ainsi qu’à cause des pressions économiques et de l’inflation perpétuelle que beaucoup commencèrent à faiblir. En 1977, pour la première fois depuis 1942, on nota une baisse du nombre des proclamateurs, celui-ci passant de 15 947 à 15 339. Que faire pour relever ce défi et encourager les frères à grandir dans la foi et à continuer de l’exprimer?

L’ORGANISATION SE RENFORCE DANS LA FILIALE

Le 10 décembre 1975, le Collège central conseilla à toutes les filiales de s’organiser sur le modèle des six comités du Collège central. Les comités de filiale qui en résultèrent commencèrent à fonctionner le 1er février 1976. Le comité de filiale du Chili nommé par le Collège central présentait un caractère international: un Argentin (Pedro Lovato), un Canadien (Thomas Jones), un Chilien (Fernando Morrás), et deux Américains (Albert Mann et Richard Traverso).

Malheureusement, à la fin de l’année 1975, frère et sœur Jones durent rentrer au Canada pour que sœur Jones se fasse faire un bilan de santé; ils apprirent seulement qu’elle arrivait au stade terminal de sa maladie. Notre chère sœur Flora mourut en février 1976, après avoir consacré 41 années au service de Jéhovah. Frère Jones resta au Canada et il est aujourd’hui membre de la filiale de ce pays. Lui et sa femme étaient au Chili depuis 1964 et avaient accompli un excellent travail; ils étaient très chers au cœur de leurs frères chiliens. Un autre frère du Chili, José Valiente, fut nommé pour remplacer frère Jones. Parmi les cinq membres actuels du comité se mêlent la jeunesse et l’expérience. Tous ensemble, ils totalisent 131 années consacrées au service de Jéhovah.

LES VÉRITÉS BIBLIQUES AMÈNENT DE GRANDS CHANGEMENTS

Durant cette période de grands progrès au Chili, particulièrement à partir de 1973, des gens de toutes sortes vinrent à la vérité: des étudiants, des religieuses, des spirites, des gens déçus de la politique et même une vedette du football, pour n’en citer que quelques-uns. Tous durent opérer des changements dans leur vie, afin de plaire à Jéhovah et de s’élever au niveau qu’il exige.

Par exemple, un joueur de football qui était capitaine de son équipe renonça à la gloire que le monde lui offrait pour la joie de servir Jéhovah. Au début, les directeurs de son équipe professionnelle étaient ravis de le voir étudier la Bible, parce qu’il changeait de conduite et ne se montrait plus indiscipliné, au point qu’il fallait auparavant l’expulser du jeu. Mais, quand arriva finalement le moment où il rangea ses chaussures à crampons au vestiaire, ils n’étaient plus aussi contents. Une fois qu’ils furent bien convaincus de sa résolution, ils lui offrirent de faire de son dernier match, “son match à lui”, et de lui accorder l’honneur dû à un excellent joueur. Poliment, il refusa. Il se fit baptiser et sert aujourd’hui comme serviteur ministériel dans l’une des congrégations de Rancagua.

Quel privilège de travailler avec des frères qui viennent de tous ces milieux! Et combien il est encourageant de voir comment Jéhovah se sert d’eux et de bien d’autres pour atteindre des gens de leurs sortes!

LA BROCHURE SUR LE “SANG” AIDE LES MÉDECINS

L’un des grands événements de l’année de service 1978 fut la distribution du dépliant et de la brochure sur le sang. Une missionnaire écrivit que plusieurs médecins avaient reconnu qu’ils administraient toujours du sang aux Témoins de Jéhovah, même si avant l’opération ils leur avaient dit qu’ils ne leur en donneraient pas. La brochure correspondait exactement à leurs besoins, grâce à son argumentation sur les devoirs du médecin et la nécessité que la confiance règne entre un médecin et son patient. Le corps médical apprécia d’être mieux renseigné là-dessus.

Une autre missionnaire raconte qu’un chirurgien lui avait dit: “Je suis absolument d’accord avec vous. Je vous félicite pour la position que vous avez adoptée. Dans le passé, nous nous servions beaucoup des transfusions, mais chaque jour nous y recourons de moins en moins.” On ne saurait compter le nombre de médecins qui nous ont dit: “C’est exactement ce qu’il nous fallait.” Ou: “Ça, ça m’intéresse.”

LES ASSEMBLÉES “LA FOI VICTORIEUSE”

Les assemblées internationales “La foi victorieuse” rendirent l’année 1978 encore plus remarquable. Grâce à la générosité de nos frères du monde entier, les missionnaires et d’autres ministres à plein temps purent assister à ces assemblées édifiantes. Il y eut 99 délégués du Chili qui se rendirent aux États-Unis ou en Europe, et un autre groupe important gagna Lima (Pérou). Les délégués débordaient d’enthousiasme à propos du programme et de l’amour des frères. Oui, c’est un vrai privilège que d’appartenir à cette famille internationale de véritables adorateurs.

Puisque les autorités n’allaient pas nous permettre de tenir une assemblée internationale au Chili, nous avons inauguré en janvier 1979 une série de petites assemblées de district portant sur le même thème. Comme les frais d’hôtel dépassent les moyens de la plupart de nos frères, qui ont peut-être déjà consenti des sacrifices énormes pour se rendre sur les lieux des assemblées, la majorité des délégués logent chez leurs frères spirituels.

Lors d’un congrès, le comité du logement avait quelque peine à trouver suffisamment d’hôtes, si bien qu’il dut prendre des mesures pour que l’on donne de petites allocutions dans les congrégations, afin d’encourager les frères à faire preuve d’hospitalité. Après avoir donné un discours enthousiaste, un orateur demanda que ceux qui étaient disposés à accueillir des délégués lèvent la main. Personne ne bougea. Après quelques instants, un garçonnet de sept ans leva la main et offrit de donner son lit à un couple. La glace était rompue. Les offres fusèrent. Finalement, quand le comité du logement eut terminé son travail, on s’aperçut que de toutes les congrégations qui s’étaient proposées, c’était cette congrégation-​là qui avait offert le plus de chambres.

NOUVELLE ANNÉE D’ÉPREUVE

Comme en 1978, l’année de service 1979 vit un nouveau déclin, du fait que ceux qui n’avaient pas pris des mesures pour entretenir régulièrement leur foi dans la Parole de Dieu s’étaient affaiblis. On avait l’impression que le peuple de Jéhovah passait au crible, car même si beaucoup de nouveaux prenaient le baptême, on n’observait pas d’accroissement numérique. Durant les trois années de baisse, il y avait eu 3 357 nouveaux baptisés. Il est bien évident qu’il fallait absolument aider les nouveaux à se stabiliser dans leur foi.

DES PERSPECTIVES PLUS BRILLANTES

À mesure que nous approchions de l’année de service 1980, les perspectives commençaient à s’éclairer. En octobre 1979, nous avons reçu l’autorisation de tenir la réunion annuelle de la société légale sous le nom de laquelle nous sommes enregistrés. C’était la première fois depuis 1976. Quelle joie de nous retrouver avec des frères mûrs qui venaient de loin pour pouvoir assister à cette réunion!

Puis, avec l’été austral, vinrent, en janvier et en février, nos congrès de district “Une espérance vivante”. L’assistance totale fut excellente: 25 544. Plus les mois passaient, plus, visiblement, nous reprenions la bonne voie. Nous avons eu finalement 5 pour cent d’accroissement durant cette année de service, avec 15 081 proclamateurs. En outre, on a atteint une assistance record pour le Mémorial avec 50 508 personnes, chiffre qui ne devait être dépassé qu’en 1981 avec une assistance de 54 796.

AUX CONFINS DE NOTRE TERRITOIRE

Le Chili comprend un territoire étendu qui inclut l’île de Pâques et l’île de Robinson Crusoé, dans l’océan Pacifique. La bonne nouvelle du Royaume atteint-​elle également ces régions éloignées?

Pendant un temps, il y avait une proclamatrice isolée dans l’île de Pâques. Elle recevait de l’aide spirituelle par l’entremise d’une correspondance avec une sœur missionnaire de la filiale. Bien qu’elle soit entre-temps revenue sur le continent, plusieurs abonnés lisent La Tour de Garde dans cette île. À notre grande surprise, en avril 1980, nous avons reçu un coup de téléphone d’une personne intéressée qui voulait savoir à quel moment célébrer le Mémorial. Un peu plus tard, la même année, un couple de Valparaiso s’est rendu dans l’île de Pâques et a pu conduire des études bibliques avec des personnes intéressées. En avril 1981 s’est tenue la première réunion du Mémorial dans l’île, avec une assistance de 13 personnes. Quelle joie de voir la “bonne nouvelle” pénétrer dans cette région isolée!

Et la célèbre île de Robinson Crusoé? Un ancien de Valparaiso fut envoyé dans cette île, pour son travail profane, vers la fin de 1979, et il emporta une bonne réserve de publications. Durant sa visite dans l’île, il demanda au guide quelles étaient les tendances religieuses des gens. Le guide lui répondit que le prêtre catholique venait tous les trente-six du mois et que le pasteur protestant était parti définitivement. “Mais ça ne me touche pas, poursuivit-​il, je suis Témoin de Jéhovah.” Imaginez la surprise de notre frère. Il pensait être le premier à apporter la “bonne nouvelle” dans cette île.

Voici l’histoire: Une femme étudiait à Santiago lorsqu’elle dut se rendre dans cette île à cause de son travail profane. Lorsqu’elle était à Santiago, elle avait progressé au point de prendre part au service du champ. Elle continua de partager la “bonne nouvelle” dans l’île et commença des études bibliques avec quantité de gens. Notre frère fut ravi de rencontrer ces gens et de les aider à organiser un groupe d’étude de livre; il prit aussi des mesures pour que cinq personnes se réunissent pour lire l’unique exemplaire de La Tour de Garde qui arrivait dans l’île.

Plusieurs personnes exprimèrent le désir de se faire baptiser, si bien que frère Sergio Pulgar, de retour sur le continent, écrivit à la Société pour recevoir des instructions, puisqu’il retournerait dans l’île environ cinq mois plus tard. À son retour, il examina les 80 questions avec les candidats, et trois d’entre eux prirent le baptême. Il dirigea également le Mémorial, auquel assistèrent 11 personnes. Depuis le mois de mars 1980, nous recevons des rapports de prédication de ce groupe isolé, et il y a actuellement quatre proclamateurs.

Puisque nous parlons des confins de notre territoire, n’oublions pas l’Antarctique. Oui, la “bonne nouvelle” a atteint ce bout du monde. Un spécialiste en électronique avait été envoyé dans une base scientifique située dans cette région glacée. En lui préparant sa valise, sa femme glissa une Bible et un livre Vérité. La base comprenait douze hommes complètement isolés du reste du monde et qui n’avaient pour toute distraction que la lecture. Au bout de quelques jours, le mari sortit ces publications et se mit à les lire. En le voyant, un autre membre de la base s’exclama: “Dis donc, moi aussi je connais ce livre!” Les deux hommes se lièrent d’amitié et saisirent toutes les occasions pour pouvoir étudier la Bible ensemble. Par leur entremise, des publications bibliques en russe parvinrent à une base scientifique proche. L’un de ces deux hommes est aujourd’hui serviteur ministériel dans une congrégation de Santiago. Quelle que soit la distance ou l’isolement, la “bonne nouvelle” pénètre avec force dans ces régions pour y porter son message d’espérance.

SUCCÈS ÉNORME DES NOUVEAUX AUXILIAIRES BIBLIQUES

Les frères du Chili ont fait quelques expériences remarquables avec le livre Recueil d’histoires bibliques. En voici une: Une sœur, pionnier spécial du sud, de passage à Santiago, s’était rendue à la filiale pour prendre quelques exemplaires qu’elle comptait ramener dans son territoire. Comme elle était arrivée à la filiale juste au moment de la fermeture, elle avait pris les huit livres sans qu’on les lui enveloppe. Les livres sous le bras, elle grimpa dans un autobus. Un enfant aperçut les livres et cria à sa mère: “Cette dame a les livres que tu avais promis de m’acheter. Dis-​lui de t’en donner un!” La mère en fit donc la demande, et notre sœur lui donna le témoignage et lui plaça un livre. Les voisins avaient saisi la conversation et demandèrent à voir le livre. Avant même d’être sortie de l’autobus, la sœur avait placé ses huit livres, si bien qu’avant de retourner dans son territoire, elle dut revenir à la filiale pour demander d’autres exemplaires, mais cette fois-​ci elle les fit bien emballer.

Une autre sœur plaça un livre Recueil à une femme qui, à son tour, le prêta à l’institutrice de son fils. Celle-ci téléphona alors à la congrégation locale pour demander si quelqu’un pourrait lui apporter deux exemplaires du livre, ce qui fut fait. L’institutrice montra l’ouvrage au prêtre, qui déclara que c’était exactement ce qu’il fallait pour enseigner la Bible aux enfants. Elle prit au sérieux l’encouragement qu’il lui donnait et téléphona pour demander sept autres livres. Pendant que la sœur qui venait apporter les livres à l’école attendait l’institutrice, elle parla avec une autre femme qui se plaignait de la violence dans les écoles. Notre sœur lui présenta la solution offerte par la Bible à ce problème. Sur quoi la femme demanda à la secrétaire de prendre rendez-vous avec notre sœur pour qu’elle revienne lui parler. Il s’agissait en effet de la directrice.

Notre sœur se présenta donc à son rendez-vous avec la directrice, d’autant qu’elle devait livrer encore 14 livres. Avant de rencontrer la directrice, elle parla avec cinq institutrices, qui lui demandèrent 24 autres livres, plus cinq livres Jeunesse. L’une d’entre elles lui posa cette question: “Qu’est-​ce que vous avez pour moi?” La femme souscrivit un abonnement à Réveillez-vous! Enfin, notre sœur rencontra la directrice à qui elle laissa deux livres Recueil d’histoires bibliques et un livre Jeunesse. Ensuite, elle revint avec les 24 exemplaires qu’on lui avait commandés, et, une fois de plus, on lui commanda 14 autres ouvrages pour la semaine d’après. Maintenant, la première institutrice étudie avec notre sœur pendant la pause du déjeuner. Jusqu’à présent, 88 Recueils d’histoires bibliques et 27 livres Jeunesse ont été placés auprès des institutrices chargées d’enseigner la religion, et l’expérience se poursuit, du fait que l’on parle beaucoup de ces ouvrages.

Les pionniers et les proclamateurs dynamiques, comme ceux que nous venons de mentionner, ont pris part à une distribution intensive de nos publications bibliques, comme cela ressort du chiffre total des livres placés durant l’année de service 1980: 264 317. Pleins d’abnégation, les pionniers se sont servis de ces publications pour commencer l’œuvre de prédication dans de nouveaux territoires et poser les fondements de futures congrégations à Carahue, Fresia et Panguipulli. Quelle joie de pouvoir se servir ‘de toutes bonnes choses dont Jéhovah nous équipe pour faire sa volonté’, tandis que nous travaillons dans l’unité à l’expansion de notre paradis spirituel! — Héb. 13:21.

LA PERSÉVÉRANCE DE FIDÈLES SERVITEURS

À mesure que nous progressons dans l’année de service 1982, il est merveilleux de voir les missionnaires poursuivre fidèlement la tâche qui leur a été assignée. À présent, frère Albert Mann a passé 36 années de service à l’étranger et, avec sa femme Gladys, il sert à la filiale. Louise Stubbs est également l’un des premiers missionnaires venus dans ce pays à la fin de l’année 1945. Elle a servi aussi bien dans les déserts chauds, arides et secs du nord que sous les pluies abondantes du sud. Elle a eu le privilège d’aider 74 personnes à se vouer à Dieu et à se faire baptiser. Frère et sœur Hannan, durant leurs 35 années d’activité missionnaire, ont vu la première congrégation de Concepción progresser au point que maintenant on en compte 15 qui réunissent quelque 1 000 proclamateurs. Eux-​mêmes ont aidé 181 personnes à prendre position pour le vrai culte. Les sœurs Dorothea Smith et Dora Ward sont restées compagnes de service durant leurs 35 années passées dans le service missionnaire. À elles deux, elles ont aidé un total de 100 personnes à se vouer à Dieu et à se faire baptiser. Depuis leur arrivée au Chili, en 1946, elles ont vu l’organisation grandir à partir d’un petit noyau de 93 proclamateurs.

John et Harry Williams, qui malgré leur nom ne sont pas frères charnels, sont arrivés au Chili en 1949, diplômés de la 13classe de Galaad. Tous les deux ont joué un rôle important dans l’expansion du vrai culte au Chili, en tant que surveillants de circonscription et anciens dans des congrégations de différentes parties du pays. Il est facile de voir combien de tels frères fidèles sont appréciés, par l’amour, le réconfort et l’aide que frère John Williams a reçus durant les derniers mois de la maladie qui allait l’emporter. Les frères locaux ont réagi magnifiquement devant sa situation et donné une preuve remarquable de notre fraternité internationale (Jean 13:34, 35). Jusqu’à la dernière minute, frère Williams ne cessa de nourrir son espérance vivante et constitua une source d’encouragement pour tous ses visiteurs. Il mourut après 31 années de service fidèle dans le champ missionnaire, champ dans lequel sa femme continue de travailler.

Miriam Sumen et Evelyn MacFarlane de la même classe de Galaad, étaient également arrivées en 1949. Sœur Sumen a contribué à lancer l’œuvre dans différentes régions méridionales du Chili et a fait un excellent travail en combattant vaillamment pour le vrai culte, outre qu’elle a eu la joie d’aider 45 personnes à prendre le chemin de la vie. Quant à sœur MacFarlane (Bunny Valenzuela), elle épousa un frère chilien, mais mourut d’un cancer en 1978. Combien elle sera heureuse, une fois ressuscitée sur la terre avec les témoins fidèles, d’accueillir les 113 personnes qu’elle a aidées à connaître la vérité!

À l’heure actuelle, il y a 13 missionnaires au Chili, qui ont consacré 20 années ou plus au champ missionnaire. Ils ont vu les bénédictions de Jéhovah sur l’organisation et ont pu contribuer à l’expansion extraordinaire qui s’est produite. Dans tout le Chili, il y a à présent un total de 37 diplômés de Galaad actifs dans une forme ou une autre du service à plein temps, travaillant épaule contre épaule avec leurs frères chiliens à l’expansion de notre paradis spirituel.

On pourrait encore parler longtemps de quantité d’autres missionnaires qui ont travaillé au Chili, mais la place ne nous le permet pas. Depuis 1945, lorsque arrivèrent les premiers missionnaires de Galaad, et jusqu’à 1980, un total de 194 missionnaires ont travaillé ici. Onze d’entre eux venaient du Chili et sont allés à Galaad, l’École biblique de la Société Watch Tower pour être nommés dans leur terre natale.

La plupart des vétérans qui étaient venus à la vérité dans les années 30 sont aujourd’hui décédés: le premier Chilien à avoir réagi favorablement et l’un des huit premiers à être baptisés en 1931, frère Juan Flores; le premier pionnier chilien: sœur Delfina Villablanca (1931); Consuelo Traub (1931), la sœur qui offrit le terrain pour la première Salle du Royaume du Chili; frère Manuel Duran (1935), qui respirait la joie, et frère Richard Traub, mort en avril 1979, après 54 années de service en Argentine et au Chili. Tous ont reçu leur récompense céleste et, toujours actifs dans le service de Jéhovah, ils s’intéressent sans aucun doute à l’œuvre qui s’effectue au Chili.

Parmi les autres vétérans, mentionnons Max Zimmer (1934), Sebastian Inninger (1936), Eduardo Venegas (1940), et le neveu de frère Juan Flores, Serafin Flores (1942). Ils continuent de servir Jéhovah dans la mesure où le leur permet leur santé et offrent ainsi un magnifique exemple de proclamateurs intrépides de la bonne nouvelle du Royaume. En effet, les quatre frères que nous venons de mentionner servent tous comme anciens dans leur congrégation.

Qu’elle est loin l’époque où frère Traub arriva, en 1930, et, premier Témoin au Chili, entreprit la prédication et l’enseignement! Rappelez-​vous Juan Flores, la première personne à avoir assisté à un discours biblique, et sa question: “Et les autres, quand viendront-​ils?” Vous souvenez-​vous de la réponse de frère Traub? “Ils viendront.”

Et c’est par centaines, et par milliers, que ce peuple attachant, joyeux, a trouvé le repos et la paix dans l’organisation de Jéhovah. Il y a à l’heure actuelle 280 congrégations et groupes isolés qui réunissent plus de 16 000 proclamateurs occupés à répandre les graines de vérité depuis le nord aride, où la proportion des proclamateurs par rapport aux habitants est excellente, jusqu’au sud et sa végétation luxuriante, où il reste beaucoup à faire. Tant que Jéhovah laisse la porte ouverte pour l’activité, les frères chiliens, par la faveur imméritée de Jéhovah, sont résolus à accomplir l’œuvre qui reste à faire, à Sa louange et pour Sa gloire.

[Graphique, page 103]

(Voir la publication)

ACCROISSEMENT DU NOMBRE DES PROCLAMATEURS

16 000

15 081

14 220

12 000

8 000

6 923

4 000

3 370

2 025

1 034

361

65

0 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980

[Carte, page 39]

(Voir la publication)

CHILI

Arica

Calama

Pedro de Valdivia

Copiapo

Vallenar

Illapel

Valparaiso

San Antonio

Melipilla

SANTIAGO

Rancagua

Concepción

Chillán

Coronel

Carahue

Temuco

Valdivia

Corral

Osorno

Fresia

Puerto Montt

Ancud

Castro

Puerto Natales

Punta Arenas

Porvenir

I. de Robinson Crusoé

Is. JUAN FERNANDEZ

I. DE PÂQUES

PÉROU

BOLIVIE

ARGENTINE

OCÉAN ATLANTIQUE

OCÉAN PACIFIQUE

[Illustration, page 41]

Juan Flores, le premier Chilien qui accepta la vérité, demanda: “Et les autres, quand viendront-​ils?”

[Illustration, page 49]

Kathe Palm, qui arriva au Chili en 1936, répandit les graines de la vérité d’une extrémité à l’autre du pays avec un zèle extraordinaire.

[Illustration, page 57]

Richard Traub, qui inaugura l’œuvre de prédication au chili, avec sa femme, Consuelo.

[Illustration, page 71]

Les ruines de la maison des missionnaires à Puerto Montt après le tremblement de terre de 1960.

[Illustration, page 79]

Le bâtiment de la filiale du Chili, à Santiago.

[Illustration, page 81]

Evelyn MacFarlane (Bunny Valenzuela) qui avant sa mort en 1978, avait aidé 113 personnes à accepter la vérité.

[Illustration, page 105]

Robert et Vora Hannan qui, durant leur longue carrière de missionnaires, ont aidé 181 personnes à connaître la vérité.