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Le Zimbabwe

Le Zimbabwe

Le Zimbabwe

SI VOUS vous reportez à la carte qui figure au début de cet Annuaire, vous apercevrez dans la partie sud du continent africain un petit pays enfermé dans les terres: c’est le Zimbabwe (anciennement la Rhodésie du Sud et la Rhodésie). Il s’étend entre deux fleuves, le Limpopo et le Zambèze. Au nord se trouve la Zambie, à l’est le Mozambique, au sud l’Afrique du Sud et à l’ouest le Botswana.

Le Zimbabwe doit son nom à plusieurs ensembles de ruines de pierre. La plupart d’entre eux avaient été bâtis à l’origine sans mortier, par des constructeurs très ingénieux à l’évidence. Le nom Zimbabwe signifierait “lieu de pierre” ou “maisons vénérées”. Certains lui ont aussi donné le sens de “cour ou vaste lieu d’un chef”. Quelle qu’en soit la signification exacte, il a de toute façon un rapport étroit avec des constructions imposantes en pierre, vestiges d’une société autrefois brillante. C’est aujourd’hui le nom officiel pour désigner la nation tout entière.

La situation politique du pays a été le plus souvent très calme. Il y a toutefois eu une exception, et elle est de taille: En effet, au cours des années 1970 le Zimbabwe a connu une guerre meurtrière qui a duré presque une décennie. L’enjeu du conflit: le pouvoir majoritaire. Depuis le début des années 1920 jusqu’en 1965, le pays était une colonie britannique autonome dirigée par une minorité blanche. Cependant, à cause du refus de la Grande-Bretagne de continuer d’accorder l’indépendance à cette colonie si la majorité ne prenait pas le pouvoir, le gouvernement a déclaré unilatéralement son indépendance en 1965. Des graines de mécontentement ont donc commencé à germer, et elles se sont développées au point que l’opposition au pouvoir minoritaire a dégénéré en une guerre totale qui ne s’est pas achevée avant 1980. Cette année-​là, on a organisé pour la première fois des élections afin de porter la majorité au pouvoir. C’est à la suite de ces élections que le pays a pris le nom de Zimbabwe.

LES RESSOURCES NATURELLES

Le Zimbabwe bénéficie d’un climat tempéré et offre tout ce que l’on pourrait désirer, si ce n’est davantage: des pluies rafraîchissantes l’été et des journées chaudes et ensoleillées l’hiver. Les températures sont presque idéales dans la plupart des régions. À Harare (anciennement Salisbury), la capitale, les températures maximales sont en moyenne de 28 °C en été et de 18 °C en hiver.

Ce climat a été très favorable au développement d’une agriculture variée. Qu’est-​ce qui flattera le plus votre palais? Les fruits tropicaux doux et fondants, tels que les bananes, les papayes et les mangues? Ou bien des fruits plus juteux, comme les pommes, les poires, les pêches et les nectarines? Vous trouverez tout cela au Zimbabwe.

Pour le plaisir des yeux, le pays offre des panoramas magnifiques. À l’ouest vous découvrirez les célèbres chutes Victoria, une des sept merveilles du monde contemporain. À l’est vous pourrez admirer ces impressionnantes régions montagneuses, les “Eastern Highlands”. En outre vous rencontrerez aussi, dispersées dans le pays, des réserves d’animaux sauvages.

Toutefois, nous voulons vous entretenir de quelque chose de plus désirable encore que tout cela. Il s’agit de ce que Jéhovah appelle “les choses désirables de toutes les nations”. (Aggée 2:7.) Oui, nous possédons également au Zimbabwe ces “choses désirables”, c’est-à-dire des personnes qui embrassent le vrai culte. Mais comment sont-​elles apparues dans ce pays?

DE L’INTÉRÊT DÈS LE DÉBUT

Il est très difficile de savoir à quel moment précis le message relatif au Royaume de Dieu a atteint pour la première fois ce pays. Cependant, des rapports établissent que vers 1910 de nombreux écrits de la Société en anglais circulaient dans le nord du Malawi (à l’époque le Nyasaland) et en Afrique du Sud. Au plus tard au début des années 1920, le message renfermé dans ces écrits a pénétré au Zimbabwe (alors la Rhodésie du Sud) par l’intermédiaire d’ouvriers itinérants. À partir de ce modeste début, des groupes d’étude ont commencé à être formés en divers endroits, de Mutare, situé à la frontière du Mozambique, jusqu’à Hwange, une ville minière importante près des chutes Victoria, à l’ouest.

Hamilton Maseko est l’un de ceux qui ont connu la vérité au tout début de l’œuvre. Il sert toujours fidèlement comme ancien à Pretoria, en Afrique du Sud. “En 1924, dit-​il, je me suis rendu du Nyasaland à Bulawayo, où j’ai commencé à fréquenter les Étudiants de la Bible. Ce que ces gens-​là étudiaient avait un sens et me permettait de comprendre les promesses consignées dans la Bible.” Il est resté dans cette ville pendant deux ans avant de se rendre en Afrique du Sud.

Nason Mukaronda fait également partie de ces premiers proclamateurs de la vérité divine au Zimbabwe. Il semble d’ailleurs qu’il ait été la première personne à se faire baptiser dans ce pays. Cela se passait en 1924. Il a entrepris le ministère à plein temps en 1947, puis il est devenu surveillant de circonscription l’année suivante. À 82 ans, c’est encore un pionnier spécial plein de vigueur.

L’ŒUVRE PROGRESSE SÉPARÉMENT

À cause de circonstances particulières à ce pays, l’intérêt pour le message du Royaume s’est développé chez les Noirs et chez les Blancs selon deux chemins parallèles. Voyons d’abord les progrès accomplis au début de l’œuvre dans le territoire africain.

C’est en 1924 que la vérité aurait commencé à s’y implanter. Le premier à connaître la vérité a été Nathan Muchinguri. Il se trouvait à cette époque dans les districts de l’est. Voici ce qu’il déclare: “Les deux hommes qui nous ont apporté la vérité venaient du Nyasaland. Ils nous ont non seulement enseigné les vérités doctrinales, mais ils nous ont aussi montré que si nous voulions appartenir au peuple de Dieu nos cœurs et nos actions devaient être purs.” Nathan Muchinguri a pris le baptême en cette année 1924, et plus tard il a été le premier frère à être utilisé par la Société pour traduire des écrits bibliques en chona, la langue parlée par la majorité de la population.

Wilson Stima et Robin Manyochi sont deux autres frères qui ont joué un rôle important durant ces années-​là. Frère Stima s’est d’abord intéressé à la vérité au Malawi, en 1925. Puis il s’est installé au Zimbabwe, à Mutare, où il a été d’une grande aide pour le groupe nouvellement formé. Il est ensuite parti pour Bulawayo, et en 1948 il est devenu un des premiers pionniers du pays. Depuis 1955, frère Stima sert comme pionnier spécial. Malgré ses 76 ans, il persévère dans ce service.

Quant à frère Robin Manyochi, il a débuté sa carrière théocratique en 1929 à Bulawayo, la deuxième ville du Zimbabwe. Mais c’est à Salisbury (aujourd’hui Harare) qu’il a été baptisé en 1932. Quand il est arrivé dans cette ville, il n’a pas tardé à se joindre à Willie Kuchocha et aux quelques autres frères qui composaient alors la seule congrégation de la région.

Toutefois, frères Manyochi et Kuchocha ont pris rapidement conscience que tous ceux qui fréquentaient la congrégation n’étaient pas des Témoins de Jéhovah sincères. Mais laissons frère Manyochi nous relater ce qui est arrivé:

“En 1932 nous avons reçu une lettre de la filiale du Cap nous informant que nous devions commencer à prêcher de maison en maison, ce que nous n’avions pas fait jusqu’à présent. De toute la congrégation, seuls frère et sœur Kaunda, Willie Kuchocha et moi avons pris à cœur de suivre ces instructions, ce qui nous a valu d’être exclus. Malgré tout, d’autres ont compris un peu plus tard que l’activité de maison en maison était conforme aux Écritures, et ils nous ont donc accompagnés. Mais que sont devenus ceux qui s’opposaient à cette façon de prêcher? En 1933 les autorités, que l’activité croissante des proclamateurs inquiétait, ont expulsé l’ancien surveillant et son adjoint, pensant qu’ils étaient encore les ‘meneurs’ de la congrégation.”

Frère Manyochi a vécu des moments particulièrement mémorables durant les premières années où il a connu la vérité. Une fois on l’a amené devant le commissaire du district local parce qu’il prêchait. Quand on lui a demandé d’où il tenait les choses qu’il enseignait, il a répondu: “Dans la Bible, le livre que vous nous avez apporté en Afrique. Je ne fais qu’expliquer aux gens ce que j’apprends dans la Bible.”

Robin Manyochi est aujourd’hui âgé de 85 ans. Lui et sa femme Rosie ont passé plusieurs années dans le service de la circonscription et ils sont maintenant pionniers spéciaux. Un surveillant de circonscription a récemment déclaré à propos de frère Manyochi: “Ce frère âgé accomplit un travail extraordinaire. Il conduit de nombreuses études de la Bible. La plupart des proclamateurs comptent beaucoup sur lui.”

LES DÉBUTS DANS LE TERRITOIRE ANGLAIS

Tournons-​nous maintenant vers le territoire anglais. Curieusement, les graines de vérité ont commencé à être répandues à peu près à la même époque que dans le territoire indigène, mais de façon différente. En 1921 trois frères de la filiale d’Afrique du Sud, Henry Ancketill, P. de Jager et P. Williams, ont fait un voyage éclair au Zimbabwe et ont prononcé des discours à Bulawayo et à Salisbury. D’autres frères ont suivi leur exemple en 1924 et en 1925. Leur objectif principal était d’obtenir la reconnaissance de l’œuvre dans le pays. Malheureusement, leurs démarches n’ont pas abouti.

L’activité de ces Témoins anglophones était limitée. En effet, on leur avait interdit tout contact avec les Africains, qui composaient la grande majorité de la population. Néanmoins, des graines de vérité ont pu être semées.

Entre autres endroits où la vérité a pris racine, il y avait un ranch très isolé de 610 000 hectares, où Jack McLuckie travaillait. C’était en 1928. La femme de Jack, Dorell, se trouvait en Afrique du Sud à ce moment-​là, et le frère de Jack, Bert, lui a fait part du message du Royaume. À la suite de cela, Jack a reçu les sept volumes des Études des Écritures.

Jack était si enthousiasmé par ce qu’il apprenait qu’immédiatement il a eu l’immense désir de faire connaître la bonne nouvelle à ses amis. Mais ce n’était pas facile. En effet, le bureau de poste le plus proche se trouvait à quelque 90 kilomètres. Quant aux voisins, ils étaient peu nombreux et habitaient assez loin du ranch. En ce qui concerne les moyens de transport, ils se limitaient au mulet et au char à bœufs. Toutefois, ce n’est pas ce qui a arrêté Jack. Il a écrit à la Société pour demander des brochures afin de les distribuer. Lorsqu’il se réunissait avec des voisins à la ferme, il saisissait toutes les occasions de rendre témoignage au Royaume. Du reste, Jack, son frère Bert (surnommés affectueusement “oncle Jack” et “oncle Bertie”) et leur famille sont devenus si zélés que dans tout le sud du pays la vérité allait être connue comme “la religion des McLuckie”.

DANS LES ANNÉES 1930

La filiale d’Afrique du Sud, résolue à implanter solidement la vérité parmi toutes les races, a envoyé au Zimbabwe en 1932 quatre pionniers, dont Robert Nisbet qui sert aujourd’hui en Australie. Mais leur voyage ne s’est pas déroulé sans problèmes. Ils étaient dans le pays depuis dix jours seulement que déjà ils étaient convoqués à la police judiciaire. Quelques jours plus tard, on leur a intimé l’ordre de quitter le pays dans les quarante-huit heures en leur disant qu’il n’était pas question pour eux de faire appel. Malgré tout, ils ont pu interjeter appel. Frère Nisbet raconte: “On nous a autorisés à rester six mois de plus à condition de ne pas déployer notre activité parmi les Africains”, ce qui semblait être la grande crainte des autorités en ce temps-​là.

Cette visite effectuée en 1932 a produit peu de résultats. On en a cependant organisé une autre en 1938, et celle-ci a porté plus de fruits. À cette époque, les proclamateurs étaient assez nombreux pour que l’on puisse former la première congrégation d’expression anglaise.

LA BARRIÈRE RACIALE

Pendant ce temps, le Zimbabwe ouvrait ses portes à un frère qui devait faire beaucoup pour poser les fondements de l’œuvre dans le pays, et plus particulièrement dans le territoire de Bulawayo. Il s’agit de Willie McGregor. Bien qu’il soit maintenant âgé de 80 ans, il sert toujours comme ancien dans une congrégation de Bulawayo. Ce frère a été baptisé en Écosse en 1924, puis il est venu au Zimbabwe en 1929 où il a travaillé comme employé de banque. En 1933 il s’est installé à Bulawayo, et il a été d’une aide très précieuse pour les frères durant les années difficiles.

N’oubliez pas que pendant cette période le gouvernement ne se montrait guère prêt à coopérer avec les Témoins, notamment avec les frères africains. Robert Nisbet reconnaît que “l’opposition qui venait à la fois du gouvernement et de nombreux Rhodésiens blancs a été, humainement parlant, très éprouvante”. Les adversaires exerçaient de constantes pressions pour empêcher le message de se répandre dans le territoire indigène.

Ceci présent à l’esprit, il est intéressant de savoir comment s’est déroulée la première étude de La Tour de Garde qui réunissait des frères africains et anglais. Pour la circonstance, on avait demandé l’aide de deux traducteurs. Mais écoutons le récit de Willie McGregor:

“L’étude avait commencé depuis environ une demi-heure, quand nous avons vu s’approcher douze à quinze policiers à cheval. Cela a provoqué une certaine tension. J’ai demandé aux frères de poursuivre l’étude comme si de rien n’était. Les policiers se sont avancés encore un peu plus afin de nous encercler (l’étude se déroulait sous un arbre, en plein air). Ils s’étaient postés suffisamment près pour entendre ce qui était dit et leurs chevaux étaient tournés vers nous. Ils sont restés là jusqu’à la prière finale. Au signal donné, ils ont fait demi-tour et sont partis.” Il n’y a eu aucune arrestation, aucune fouille. La barrière qui empêchait nos frères noirs et nos frères blancs de se réunir avait-​elle disparue? Pas exactement. Mais un pas avait été franchi vers sa suppression.

DES BATAILLES JURIDIQUES

N’ayant pu empêcher la vérité de prendre racine au Zimbabwe, les autorités ont utilisé d’autres moyens pour s’opposer à elle. De fait, l’année 1936 a marqué le début d’une décennie qui a vu la persécution officielle la plus intense jamais dirigée contre les Témoins du Zimbabwe.

Cette année-​là, le gouvernement a promulgué la loi sur la sédition et a décrété que quatorze publications de la Société étaient séditieuses. En 1937, l’affaire a été portée devant les tribunaux, et le verdict prononcé devait faire jurisprudence. Voici comment Willie McGregor décrit ce qui s’est passé:

“Les juges de Bulawayo ont estimé que les publications de la Société incitaient à la rébellion. On a par conséquent fait appel, et la Haute cour de Bulawayo a rendu son verdict: Les publications n’étaient pas séditieuses.” Montrant à quel point il était résolu à interrompre la diffusion de nos écrits bibliques, “le gouvernement a lui aussi formé un pourvoi devant la division d’appel à Bloemfontein, en Afrique du Sud. En mars 1938, celle-ci a confirmé le jugement de la Haute cour de Bulawayo: Les publications n’étaient pas séditieuses. Elle a donc rejeté l’appel et a condamné le gouvernement aux dépens”.

Cette affaire a permis de donner un excellent témoignage. Le Chronicle de Bulawayo a publié tous les attendus du jugement. Au tribunal, George Phillips, membre de la filiale du Cap, était assis à côté de l’avocat de la Société. Il l’aidait à trouver des versets de la Bible appropriés et lui apportait son concours lorsqu’il fallait expliquer les extraits des publications jugées séditieuses. Soit dit en passant, l’avocat de la Société, M. Hugh Beadle, est devenu plus tard le président de la Cour suprême de Rhodésie (Zimbabwe).

L’OPPOSITION S’ACCENTUE

En 1939, les adversaires ont intensifié leurs efforts pour freiner les activités de ce groupe de Témoins zélés qui s’agrandissait, bien qu’il fût encore assez peu important. En ce temps-​là, il y avait 477 proclamateurs dans le pays, dont 16 étaient de race blanche. C’était surtout contre ces derniers que l’opposition était dirigée.

Cette même année, une famille se déplaçait au Zimbabwe, ce qui allait avoir une grande influence sur l’œuvre du Royaume dans ce pays. Il s’agissait de Bert McLuckie, le frère de Jack, de sa femme Carmen et de leurs enfants. Aujourd’hui encore Bert McLuckie, pourtant âgé de 85 ans à présent, est connu pour la ferveur de ses discours et son zèle infatigable pour Jéhovah. Ce zèle devait l’amener, lui et sa famille, à se trouver au cœur de nombreux événements passionnants, comme nous allons le voir.

Durant l’année 1940, les activités du peuple de Jéhovah donnaient lieu à maintes discussions et à beaucoup d’inquiétude, surtout parmi les chefs religieux. Les journaux publiaient des lettres visant à discréditer l’œuvre de Jéhovah. En réponse à toutes ces attaques, la filiale du Cap avait imprimé un tract intitulé L’intolérance religieuse en Rhodésie du Sud. Il était destiné à “tous les habitants de la Rhodésie respectueux de l’ordre”. Ce tract a été distribué dans tous les foyers, les bureaux et les quartiers d’affaires de Bulawayo et de la banlieue.

En novembre 1940, le gouvernement a alors profité de l’hystérie de la guerre pour interdire l’importation et la diffusion de tous les écrits de la Société. La poignée de frères, stimulés par le zèle de certains d’entre eux, comme Jack et Bert McLuckie et Willie McGregor, ont aussitôt voulu savoir ce que valait une telle restriction. Ils sont partis dans le territoire avec des publications. La réaction des autorités ne s’est pas fait attendre! La police a procédé à des arrestations et une série de procès ont suivi. Au début, la plupart des frères bénéficiaient d’un non-lieu et n’étaient pas jugés. Mais les choses devaient très vite changer.

Peut-être aimeriez-​vous entendre une anecdote amusante. Un jour Bert et Jack McLuckie se sont retrouvés au tribunal. Jack n’était pas le genre de personne qui aurait aimé être relâché pour une simple question de procédure; il aurait plutôt préféré aller en prison. Laissons Bert nous faire part de ce qui est arrivé:

“On m’a autorisé à interroger les témoins à charge. Puisque Jack et moi nous nous ressemblons comme deux gouttes d’eau, je leur ai demandé s’ils pouvaient dire avec certitude lequel de nous deux les avait abordés. Comme ils n’étaient pas affirmatifs, l’affaire a été classée, au grand désappointement de Jack.”

À cette même époque, un grand nombre de frères se sont retrouvés en prison, certains parce qu’ils avaient diffusé des écrits interdits, d’autres à cause de leur neutralité chrétienne. Willie McGregor était de ceux-là. Il était employé de banque mais avait été renvoyé de son travail. Voici ce qu’il explique à propos de son emprisonnement: “J’étais le seul dans cette prison pour Européens à effectuer des tâches pénibles. Bien que les autres détenus aient été condamnés pour meurtre, vol et violence de toutes sortes, ils passaient leur temps à jouer aux échecs ou aux dominos et à lire des livres. Quant à moi, je devais peindre les tuyaux et les boiseries à l’extérieur du bâtiment.”

UN TOURNANT S’AMORCE

Au début des années 1940, les autorités n’ont pas modifié leur attitude à l’égard de l’œuvre du Royaume. En 1942 (l’année où Bert McLuckie passa encore quatre mois et demi en prison), les frères ont imprimé une brochure qui contenait des extraits de l’Annuaire et qui était intitulée Les Témoins de Jéhovah: Qui sont-​ils? En quoi consiste leur activité? Mais les arrestations ne faisaient que se multiplier, et cela bien que la brochure ne portât plus le nom d’aucun proclamateur. Parmi ceux qui ont été arrêtés figuraient Willie McGregor et Gerry Arsenis, un frère grec baptisé depuis peu qui vivait à Salisbury (aujourd’hui Harare).

Toutefois, la situation devait s’apaiser progressivement. Témoin cette longue lettre qu’une femme a adressée au Bulawayo Chronicle et dont voici le contenu: “Un jour M. McLuckie est venu chez nous. Il était très calme et tenait une Bible à la main. Quand je suis allée ouvrir la porte, il m’a dit d’une façon courtoise: ‘Je vous apporte un message, aimeriez-​vous l’entendre?’ J’ai répliqué sèchement: ‘Vous n’avez pas encore retenu la leçon?’ Il m’a alors répondu: ‘De quoi voulez-​vous parler? De notre séjour en prison?’ ‘Oui’, lui ai-​je rétorqué. Sur quoi j’ai appelé mon mari pour qu’il s’occupe de lui. Mais l’attitude de cet homme qui avait la Bible à la main et qui se montrait poli était irréprochable. On ne pouvait donc pas employer la violence pour le mettre à la porte ni même appeler la police. Nous n’avons pas su quoi lui dire et il est reparti aussi tranquillement qu’il était venu.”

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le nombre des proclamateurs n’a cessé d’augmenter pour atteindre finalement un maximum de 1 090 prédicateurs en 1943. L’année suivante, en dépit des restrictions que connaissait l’œuvre, deux assemblées ont été organisées pour les frères qui parlaient la langue du pays, et une autre, plus petite, pour la congrégation d’expression anglaise. On a enregistré pour ces trois assemblées une assistance totale de 1 101 personnes. Durant cette période au cours de laquelle nos frères blancs ont dû affronter maintes difficultés, les Témoins africains étaient donc très actifs.

LES RESTRICTIONS SONT LEVÉES

Les frères se sont vraiment réjouis d’apprendre en 1946 que le gouvernement ôtait enfin les restrictions sur l’importation et la diffusion des écrits de la Société. Cependant, il allait y avoir un grand travail à effectuer pour apprendre aux proclamateurs à donner le témoignage de maison en maison. Il était aussi indispensable d’avoir des frères qui prennent la tête dans la prédication. Le 1er juillet 1947, un grand pas a été franchi pour combler ce besoin. À cette date, Bert McLuckie a été chargé d’ouvrir un dépôt pour la Société à Bulawayo, sous la direction de la filiale d’Afrique du Sud.

DÉBUT DE L’ACTIVITÉ DES PIONNIERS

Jusqu’en 1947 on n’avait pas beaucoup parlé du service de pionnier. Mais à partir de cette année-​là, on a mis l’accent sur cette forme de service. Auparavant, le Zimbabwe ne comptait que deux ou trois pionniers, et certaines années il y en avait même aucun. En 1947 nous avions 3 pionniers, dont Naso Mukaronda et Robin Manyochi.

Dès lors, le service de pionnier a commencé à se développer rapidement. En 1949 nous avions une moyenne de 114 pionniers; en 1950 leur nombre a augmenté de 156 pour cent et s’élevait à 292. C’est également en 1949 que Zachariah Noah est devenu le premier pionnier spécial du pays. L’œuvre prenait son essor.

ORGANISÉS POUR ALLER DE L’AVANT

Jusqu’alors c’était la filiale d’Afrique du Sud qui s’occupait de l’œuvre au Zimbabwe. Mais en 1948 il s’est produit un changement qui devait avoir des effets d’une portée considérable. Au mois de janvier est arrivé pour la première fois un diplômé de l’École de Galaad, Eric Cooke, que l’Annuaire appelait notre “don de Galaad”. Peu de temps après, frères N. Knorr et M. Henschel ont fait escale ici. Leur visite a marqué une nouvelle étape importante dans l’amélioration apportée à la surveillance et à l’organisation des congrégations. Une filiale a donc été ouverte le 1er septembre 1948, et Eric Cooke a été désigné pour en être le surveillant.

Il était évident que l’activité avait besoin d’être mieux dirigée, car le nombre des proclamateurs avait déjà dépassé le cap des 3 500, répartis dans 117 congrégations. Pour ce faire, en 1948 ces congrégations ont été regroupées en 5 circonscriptions. Imaginez la tâche de ces surveillants de circonscription: ils étaient 5 pour un pays d’à peu près 400 000 kilomètres carrés! Ils se déplaçaient parfois en autocar ou en train, mais le plus souvent ils devaient prendre la bicyclette! Ce n’était toutefois qu’un commencement.

DU RENFORT DE GALAAD

Vous vous rappelez que dès le début l’activité était freinée parce que les frères européens ne pouvaient pas travailler dans les régions où vivaient les Africains. En effet, les frères blancs n’étaient pas autorisés à pénétrer dans ce qu’on appelait les “réserves indigènes”, même pour surveiller l’œuvre. C’est dans ce contexte-​là que sont arrivés en février 1949 quatre diplômés de la dixième classe de Galaad: George et Ruby Bradley, Myrtle Taylor et Phyllis Kite. Eric Cooke et Myrtle Taylor devaient se marier plus tard, et ils servent maintenant comme missionnaires en Afrique du Sud.

On avait donné à ces quatre missionnaires une autorisation de séjour dans le pays, mais seulement à titre provisoire. Pourquoi? Parce que, selon le chef du service de l’immigration, les Témoins de Jéhovah étaient encore sur la “liste noire” des autorités. Cependant, après plusieurs mois d’activité parmi les Blancs à Bulawayo, Eric Cooke a été convoqué au service de l’immigration où on l’a informé que la période d’autorisation temporaire était achevée et qu’elle devenait permanente pour les quatre missionnaires. Cette victoire allait permettre à d’autres diplômés de Galaad de se rendre ultérieurement dans ce pays.

L’ACCROISSEMENT SE POURSUIT

Ce succès n’a pas levé pour autant les restrictions concernant l’activité des Blancs dans les endroits réservés aux Africains. Il a cependant joué un rôle non négligeable pour affermir la prédication du Royaume dans les régions anglophones. Par exemple, à Bulawayo, où la filiale et la maison des missionnaires avaient été installées, la congrégation a connu en 1949 un accroissement de 54 pour cent du nombre des proclamateurs.

Doren Kilgour, qui venait de cette congrégation, a été l’un de nos premiers pionniers à se rendre à l’École de Galaad, où elle a reçu son diplôme en 1956. Après quelques années passées au Zimbabwe, elle a été envoyée en Afrique du Sud et y a servi en tant que missionnaire jusqu’en février 1983. Puis elle a dû revenir au Zimbabwe pour prendre soin de sa mère âgée. Elle continue à donner un bel exemple en tant que pionnier spécial.

Pendant cette période, l’accroissement a été rapide. De 1948 à 1951, le maximum de proclamateurs est passé de 4 232 à 9 088, les congrégations se sont accrues de 117 à 191 et les circonscriptions de cinq à sept. L’année de service 1951 a été très réjouissante. Il y a eu 37 pour cent d’accroissement sur la moyenne des proclamateurs.

DE L’AIDE INATTENDUE

Arrêtons-​nous un moment sur les sentiments que bien des gens avaient développés à l’égard des Témoins de Jéhovah, sentiments qui les amenaient à suspecter les intentions des frères. Pour illustrer cela, voyons ce qui est arrivé à George Bradley à Salisbury, durant le mois de juin 1950, après le transfert dans la capitale du bureau de la filiale et de la maison des missionnaires.

Alors que frère Bradley déployait son activité dans les rues, un homme bien vêtu, apparemment surpris de voir La Tour de Garde et Réveillez-vous! présentés au vu et au su de tous, s’est approché de lui et lui a demandé: “Est-​ce que c’est communiste?” Rassuré par la réponse négative du frère, il a alors déclaré: “Je m’appelle Dendy-Young, je suis membre du Parlement, et je dois avouer que je ne connais absolument pas votre activité.” Après avoir accepté deux périodiques, il a demandé à être visité à son bureau le lendemain.

Au cours de cet entretien, il a reconnu que les périodiques étaient tout à fait inoffensifs et a demandé qu’on lui fasse parvenir une lettre expliquant clairement le but de notre œuvre. Pourquoi cela? Eh bien parce que le Parlement allait débattre la loi sur les activités subversives, et M. Dendy-Young avait l’impression que les Témoins de Jéhovah allaient aussi être en cause. Il voulait lire devant le Parlement une lettre qui exposerait les faits. Il a tenu parole et la lettre a été lue dans son entier.

Quand le projet a eu force de loi, il n’a jamais été appliqué à l’œuvre des Témoins de Jéhovah.

PROBLÈMES D’IMPORTATION

Au début des années 1950, un important conflit a été engagé à propos de l’importation d’écrits bibliques dans le pays. Depuis qu’un dépôt avait été ouvert en 1947, celle-ci nous était accordée chaque année contre une modique somme versée en dollars. Mais quand nous avons renouvelé la demande au début de 1950, on nous l’a refusée. Même lorsque la filiale a proposé un accord sur la base d’un don volontaire, la réponse a été négative. Que devions-​nous faire?

Nous n’avions pas le choix. Il fallait continuer à demander, dans l’espoir que les autorités reviendraient sur leur décision. Enfin, en août 1951, on nous a donné l’autorisation d’importer des publications en tant que don. Ainsi aucune devise étrangère ne sortirait du pays et cela ne toucherait pas non plus les recettes extérieures du gouvernement.

La première fois, on nous a permis d’importer des écrits pour une somme de 11 200 dollars (environ 110 000 francs français). Nous avons cru à une erreur. Aussi avions-​nous décidé d’en profiter au cas où nous n’obtiendrions pas une nouvelle autorisation. Nous avons donc utilisé la somme maximale et en retour nous avons reçu 32 000 exemplaires du livre La religion a-​t-​elle servi l’humanité? Nous sommes heureux que ce livre se soit révélé un précieux ouvrage pour étudier la Bible, car nous avons continué à l’offrir jusqu’en 1975, soit 24 ans plus tard.

UNE MEILLEURE ORGANISATION POUR RÉPONDRE AUX BESOINS

Après l’ouverture de la filiale en 1948, nous avons connu un accroissement très rapide. Les chiffres peuvent ne pas nous éclairer beaucoup, mais parfois ils sont révélateurs. Par exemple, en 1949 il y a eu 7 415 assistants et 647 baptêmes aux cinq assemblées de circonscription. Dans les trois années suivantes, 5 186 personnes ont été baptisées, soit 1 587 de plus que le nombre moyen de proclamateurs dans le pays l’année où la filiale a été ouverte.

C’est alors qu’un autre événement s’est produit. Au mois de décembre 1952, frères Knorr et Henschel nous ont rendu une autre visite. Cette fois-​ci, lors d’un congrès en plein air qui se déroulait pendant la saison chaude et pluvieuse, ils se sont adressés à 15 000 personnes, soit une assistance deux fois plus nombreuse qu’en 1949.

On a donc compris qu’une meilleure organisation était indispensable. C’est ainsi qu’on a acheté un bâtiment dans le centre de la capitale. La maison des missionnaires et le bureau de la filiale allaient s’y installer pour les 20 années à venir.

L’ACTIVITÉ DU DISTRICT APPORTE DES BIENFAITS

Jusqu’en 1953, l’activité du surveillant de district était dirigée à partir de la filiale. Mais il devenait évident qu’un surveillant de district à plein temps était nécessaire, puisque les circonscriptions étaient à présent au nombre de 13. Depuis lors, on a nommé des surveillants de district à temps complet, qui ont été surtout dans les années suivantes des diplômés de Galaad.

Même si les surveillants de district ne pouvaient pas encore se rendre dans certains endroits, leur activité a néanmoins apporté beaucoup de bienfaits. Entre autres, elle a aidé un grand nombre de fermiers et de mineurs à se défaire de leurs préjugés concernant notre œuvre.

Voyons-​en un exemple. Un jour, on avait organisé une assemblée de circonscription à Mberengwa, petit village situé au sud du pays dans une vaste région qui comprend beaucoup de fermes et de mines gérées par les Européens. Pendant que les préparatifs allaient bon train, Ruby Bradley était allé visiter un retraité qui habitait près de la mine. Cet homme avait beaucoup d’idées préconçues sur notre activité. Il était profondément inquiet des répercussions qu’elle pouvait avoir sur les Africains.

Après qu’il eut fini de dire tout ce qu’il avait sur le cœur, sœur Bradley lui demanda: “Voulez-​vous me donner une petite chance de vous montrer en quoi consiste notre œuvre?” Il acquiesça. Ainsi, pendant les quelques minutes qui suivirent, elle lui expliqua le but de la prédication du Royaume. Elle lui dit aussi que des directeurs de grandes compagnies minières (elle en connaissait un) avaient remarqué que les Témoins africains étaient honnêtes et dignes de confiance. Cet homme fut si impressionné par ce qu’il entendit qu’il prit quatre livres et s’abonna à La Tour de Garde et à Réveillez-vous!

Cette visite s’avéra finalement très profitable. Nous savions que beaucoup s’opposaient à notre assemblée et allaient tenter de l’interrompre. Mais cet homme sincère prit sur lui de clarifier les choses. Il se rendit à l’hôtel du village, où de nombreuses personnes s’étaient rassemblées, et il leur fit part de ce qu’il avait appris. Depuis, les assemblées n’ont plus jamais été perturbées dans cette région.

À cette époque, l’intérêt pour le message du Royaume était remarquable dans ces endroits isolés. Il arrivait souvent que le surveillant de district et sa femme placent toutes leurs publications et qu’ils n’aient alors d’autre ressource que de proposer l’abonnement aux habitants du territoire.

Le travail effectué dans le district a permis également de faire connaître les films de la Société. En 1954, au cours d’une assemblée de circonscription, on projeta le film intitulé La Société du Monde Nouveau en action. Il était très réjouissant de voir 3 378 personnes assister à la séance, alors qu’il n’y avait que 700 proclamateurs environ dans la circonscription. D’autres films ont été projetés depuis cette époque et ont continué d’attirer des foules de personnes. Beaucoup étaient étonnés lorsqu’ils voyaient que l’organisation de Jéhovah s’étendait sur toute la terre.

LES CONGRÉGATIONS COMMENCENT À ÊTRE PURIFIÉES

L’accroissement très rapide du début des années 1950 n’allait pas sans poser de problèmes. Il devint évident qu’un grand nombre de ceux qui avaient été baptisés n’avaient pas vraiment abandonné leurs pratiques et leurs habitudes mauvaises. Certains s’étaient fait baptiser simplement parce qu’ils assistaient aux assemblées de circonscription, et ils ne s’étaient pas entièrement voués à Jéhovah. Pour d’autres, le baptême ne fut qu’un feu de paille ou l’attrait de quelque chose de nouveau.

De plus, de nombreux mariages chrétiens n’avaient pas été enregistrés légalement. Avant que les Blancs n’arrivent au Zimbabwe, les mariages étaient célébrés selon la tradition africaine. Par exemple, on recourait à des intermédiaires, ou bien la fiancée était mise à prix. Ces pratiques ont continué après que le gouvernement a demandé que les mariages soient reconnus par les autorités civiles. Pour régler cette question, le gouvernement a décidé de valider tous les mariages qui avaient été célébrés selon les coutumes tribales avant le 1er janvier 1951. Depuis cette date, tous les mariages doivent être enregistrés légalement pour être reconnus par les autorités. Mais les coutumes ancestrales sont profondément ancrées dans la vie quotidienne et beaucoup de gens y sont restés attachés.

La Société, quant à elle, ne pouvait évidemment pas accepter les mariages célébrés selon les coutumes tribales après le 1er janvier 1951, qui n’étaient plus reconnus par le gouvernement (Rom. 13:1, 2; Luc 2:1-5). Après avoir examiné la question sous tous les angles, elle a informé les congrégations des exigences bibliques. Tous ceux qui n’étaient pas dans une situation matrimoniale légale devaient la régulariser dans les six mois. Passé ce délai, si rien n’avait été fait dans ce sens et s’il n’y avait aucune circonstance atténuante, ils étaient exclus.

Il est réjouissant de savoir que de nombreux Témoins, par amour pour Jéhovah, ont fait sans tarder les démarches nécessaires. Mais ce n’était pas une mince affaire. Certains ont dû se rendre dans des pays voisins ou faire venir des parents de ces pays avant de pouvoir entamer la procédure.

Quelques centaines de frères et sœurs n’ont cependant pas voulu apporter les changements nécessaires pour vivre en harmonie avec les justes principes de Jéhovah et ont dû être exclus au début de 1955. Mais il est encourageant d’apprendre que récemment, après avoir régularisé leur situation, certains ont été réintégrés et servent de nouveau Jéhovah joyeusement.

LE NOMBRE DES PIONNIERS DIMINUE

C’est en 1949 que le service de pionnier a commencé à se développer. Cette année-​là, 114 prédicateurs servaient dans les rangs des pionniers, et en 1952 leur nombre passait à 949, sans compter les 6 pionniers spéciaux. Quel merveilleux accroissement! Toutefois, au fil du temps on s’est aperçu qu’un très grand nombre de pionniers ne remplissaient pas leurs rapports avec exactitude. Beaucoup ne rapportaient pas les heures effectivement passées dans la prédication, mais ils se contentaient d’inscrire le minimum requis, qui était de 100 heures. Quelle en était la raison? Quantité de pionniers ne savaient ni lire ni écrire.

En 1955, le siège mondial des Témoins de Jéhovah informa alors la filiale que pour être sur la liste des pionniers, le frère ou la sœur devaient savoir lire et écrire. Au fur et à mesure que les surveillants de circonscription visitaient les congrégations où servaient ces pionniers, le nombre de ceux-ci baissait. Mais nous sommes heureux de vous dire que, grâce aux cours de lecture et d’écriture organisés dans les congrégations, certains de ces Témoins ont repris le service de pionnier une quinzaine d’années après.

LA LUTTE POUR LA RECONNAISSANCE LÉGALE

Il convient maintenant de reparler du problème de la surveillance des congrégations dans les territoires nationaux (réservés aux Noirs). Jusqu’à présent les surveillants de district, qui étaient Européens, se voyaient refuser l’entrée dans ces régions, soit dans presque la moitié du pays. Ils pouvaient collaborer avec les surveillants de circonscription et assister aux assemblées de circonscription mais uniquement en dehors de ces zones. Bien sûr, cela entravait considérablement les efforts de la Société pour fortifier ces congrégations.

Mais d’où venait le problème? Notre religion n’était pas reconnue officiellement. Alors, que fallait-​il faire pour qu’elle le devienne?

Lester Davey, qui était venu de Galaad en 1959 et qui servait à présent comme surveillant de filiale, était d’avis qu’un grand pas serait fait vers la reconnaissance de l’œuvre si les Témoins obtenaient le droit de célébrer des mariages. Déjà en 1949 une telle demande avait été adressée aux autorités, mais elle n’avait pas été acceptée.

Le fait que tous les Témoins de Jéhovah soient des ministres était l’un des principaux obstacles à cette question. Le gouvernement faisait valoir que la loi sur le mariage permettait à tout ministre d’une religion officiellement reconnue de célébrer un mariage, et que par conséquent tous les Témoins seraient à même d’unir deux personnes. La filiale s’est alors engagée à ce que seuls des représentants spéciaux de la Société ayant en leur possession un certificat d’ordination célèbrent les mariages.

Finalement les démarches allaient aboutir. Au mois de mai 1956, sept frères choisis d’entre les diplômés de Galaad et les membres du Béthel ont été nommés pour assumer cette responsabilité. Une étape décisive vers la reconnaissance complète de l’œuvre avait été franchie.

D’AUTRES VICTOIRES

En juin 1956 Bud et Joan Miller, un couple américain, sont arrivés au Zimbabwe. Après avoir suivi les cours de l’École de Galaad, frère Miller a été nommé surveillant de la filiale. Lui aussi a poursuivi les démarches pour que des surveillants itinérants européens puissent se rendre dans les réserves. C’est à ce moment-​là que la décision autorisant certains Témoins à célébrer les mariages s’est révélée très utile. Voici quelques extraits de lettres du ministère des Affaires indigènes, avec lequel la Société correspondait régulièrement:

27 septembre 1956: “Objet: L’entrée des surveillants européens dans les réserves. La question est à l’étude.”

8 décembre 1956: “Seuls les surveillants européens qui ont été autorisés par le ministère de la Justice et de l’Intérieur à célébrer les mariages pourront se rendre dans les réserves.”

14 janvier 1957: “Dorénavant, il est permis à ces personnes d’entrer dans les réserves.”

Les surveillants de district et de circonscription avaient enfin l’autorisation de visiter les congrégations dans ces vastes régions. Il va sans dire que Jéhovah dirigeait les événements pour que sa volonté se fasse dans tout le pays.

LE NOMBRE DES PROCLAMATEURS DIMINUE

D’autres raisons expliquent la lenteur de l’accroissement pendant une certaine période. En effet, pour s’assurer que tous remplissaient bien les conditions requises, il a été décidé que les candidats au baptême étudieraient certaines questions, semblables à celles que l’on trouve maintenant dans le livre Organisés pour bien remplir notre ministère. Le surveillant de la congrégation devait ensuite donner son accord. En plus de tout cela, les candidats au baptême auraient un entretien avec le surveillant de district aux assemblées de circonscription et avec des représentants spéciaux de la Société aux assemblées de district.

Comme il fallait s’y attendre, le nombre des baptêmes a baissé. Par exemple en 1957, à une assemblée où l’on comptait 16 000 assistants, il n’y a eu que 100 baptêmes. Ce nombre était nettement inférieur à ceux enregistrés lors des assemblées précédentes. Toutefois, grâce à cette disposition les congrégations étaient spirituellement fortes. En effet, elles se composaient de chrétiens qui avaient reçu la connaissance exacte et revêtu la nouvelle personnalité. — Col. 3:10.

Si le nombre des proclamateurs n’augmentait pas rapidement, c’est aussi parce que beaucoup d’entre eux, à l’instar des pionniers, ne reportaient pas correctement leur activité.

Les conséquences de tout cela sont évidentes dans le rapport du pays: De 1957 à 1962, il y a eu 3 600 baptêmes, alors que le nombre des proclamateurs est resté sensiblement le même. Puis de 1962 à 1967, ce nombre n’a cessé de baisser. Il a fallu attendre l’année 1968 pour que celui-ci augmente de nouveau.

LA RECONNAISSANCE COMPLÈTE EST ENCORE À VENIR

Aussi curieux que cela puisse paraître, ce n’est pas parce que les ministères de la Justice, de l’Intérieur et des Affaires indigènes avaient reconnu officiellement les Témoins de Jéhovah que les autres ministères ont fait de même. En effet, le ministère de l’Éducation refusait de nous considérer comme une religion, ce qui nous valait bien des difficultés. En quel sens?

Les organisations religieuses avaient le contrôle de la plupart des écoles en dehors des grandes villes. Toutefois, des arrêtés officiels précisaient que ces établissements étaient ouverts à tous sans discrimination, et que les enfants ne recevraient pas une instruction religieuse autre que celle que leurs parents souhaitaient leur donner.

Certaines organisations religieuses ont bien respecté ces dispositions légales. Mais d’autres n’ont pas voulu accepter les enfants des Témoins de Jéhovah, à moins qu’ils ne fréquentent l’école du dimanche et suivent des cours d’instruction religieuse qui n’étaient pas au programme.

Don Morrison, qui avec sa femme Marj était venu de l’École de Galaad en 1955, servait à cette époque dans le district. Il nous dit: “Certaines organisations déclaraient ouvertement que si les Témoins de Jéhovah n’obéissaient pas, ils seraient renvoyés et ne seraient pas acceptés l’année suivante.” Chaque fois que l’affaire parvenait au ministère de l’Éducation, les écoles avaient l’habitude de dire qu’elles manquaient de place. Si elles ne pouvaient recevoir qu’un certain nombre d’élèves, elles s’assuraient toutefois que parmi eux il n’y avait pas d’enfants de Témoins de Jéhovah. D’autres établissements alléguaient que les Témoins faisaient preuve de “désobéissance”. En fait, ceux-ci refusaient simplement d’assister à l’école du dimanche, ce qui n’était pas exigé par le ministère.

À cause de tous ces problèmes, il était nécessaire que les Témoins soient reconnus par tous comme une religion officielle.

Déjà en 1950 le ministère de l’Éducation avait informé les établissements scolaires que les Témoins de Jéhovah adultes ne pouvaient pas se rendre dans les écoles pour y donner un enseignement religieux, même aux enfants des Témoins. En 1956 et en 1957 nous nous sommes vu opposer le même refus. Voici la réponse des autorités: “Nous avons le regret de vous informer que la Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania n’est pas une organisation religieuse habilitée par le ministère à dispenser une instruction religieuse dans les écoles.”

Ce n’est que plusieurs années après que le ministère de l’Éducation a modifié sa position. Mais nous en reparlerons plus tard.

DES FRÈRES MÛRS APPORTENT LEUR AIDE

Pour vous faire une idée de la valeur des missionnaires qui ont été envoyés au Zimbabwe, arrêtons-​nous un instant sur deux couples, Ted et Joyce Buckingham ainsi que John et Val Miles.

Après avoir reçu leur diplôme de l’École de Galaad, Ted et Joyce Buckingham sont arrivés au Zimbabwe au mois de juin 1959. Ils ont servi dans la circonscription, en exerçant leur activité surtout dans les territoires anglophones, jusqu’au milieu des années 1970, après quoi ils ont été envoyés en Sierra Leone. Pendant plus de dix ans ils se sont déplacés presque chaque semaine pour visiter les congrégations. Leur territoire couvrait tout le pays, qui n’était en fait qu’une seule circonscription. Ils ont quitté la Sierra Leone lorsque frère Buckingham est tombé gravement malade, et ils sont venus servir à la filiale de Londres. Les frères du Zimbabwe éprouvent toujours une chaude affection pour eux.

John et Val Miles, d’origine américaine, ont quitté la Zambie au mois de juin 1960, car il y avait besoin d’un surveillant de district au Zimbabwe. Ils ont vécu tant d’expériences et de mésaventures qu’ils pourraient bien écrire un livre. Voici un incident qui leur est arrivé tandis qu’ils visitaient une petite congrégation située près de la route principale. Frère Miles raconte:

“Nous avions décidé de camper à côté de la route, non loin de la Salle du Royaume. L’endroit était retiré et très agréable. Mais les frères nous ont suggéré d’aller nous installer un peu plus près de la salle. Bien que le lieu que nous avions choisi nous ait plu davantage, nous nous sommes déplacés par souci de commodité.

“Un soir au cours de la semaine, alors que nous prenions notre repas, nous avons tout à coup entendu quelque chose qui ressemblait à des coups de feu, mais nous n’y avons pas prêté attention, pensant que c’était peut-être un camion qui pétaradait. Le lendemain midi, la radio a annoncé qu’il y avait eu une fusillade entre la police et des ‘combattants de la liberté’ juste à côté de l’endroit où nous devions camper. Trois ‘combattants de la liberté’ avaient été tués et plusieurs policiers blessés. Inutile de vous dire ce que nous avons ressenti lorsque nous avons vu, plus tard, les impacts des balles dans la table de camping, les bancs et les arbres. Comme nous étions reconnaissants à Jéhovah que l’on nous ait fait changer de place!” À présent frère et sœur Miles servent fidèlement au Lesotho.

LE SERVICE DU DISTRICT

La vie des surveillants de district et de leurs femmes était parfois mouvementée. Voudriez-​vous connaître quelques faits vécus par ces Témoins zélés? Un jour, Don et Marj Morrison se trouvaient à Kariba, dans l’ouest du pays. Don était assis à l’extérieur de la tente et tapait à la machine, tandis que Marj était allée se coucher. “J’étais allongée, dit-​elle, quand il s’est produit comme un étrange sifflement. J’ai appelé mon mari mais il ne m’a pas entendue. De nouveau, il y a eu le même bruit. Cette fois-​ci je suis sortie pour avertir Don.”

Frère Morrison poursuit: “J’ai pris la lampe de poche et je suis entré dans la tente. J’ai alors aperçu entre le bord de la tente et quelques publications un serpent plus gros que le poing, à moitié caché. Je suis ressorti aussitôt, j’ai saisi un tuyau en fer et j’ai fait le tour de la tente. J’ai vu la queue du serpent qui dépassait, et je l’ai frappée avec mon arme de fortune. Tout à coup la tête de l’animal a surgi et celui-ci s’est dressé et a soufflé dans ma direction. C’était une vipère heurtante. Je l’avais déjà blessée, il ne me restait plus qu’à l’achever.” Inutile de vous préciser que sœur Morrison n’a pas particulièrement bien dormi cette nuit-​là.

De son côté, Ruby Bradley nous fait le récit suivant: “La première fois que nous avons planté la tente lorsque nous étions dans le service du district, nous avons fait connaissance avec les scorpions. Nous nous apprêtions à aller nous coucher quand nous avons aperçu quelque chose ramper dans la tente. C’était un scorpion. Nous l’avons tué sur-le-champ. Mais bientôt un deuxième est arrivé, puis un troisième. Après avoir dû en tuer quatre, nous nous sommes rendu compte que c’était notre lumière qui les attirait. Aussi avons-​nous décidé que la meilleure chose à faire serait de tout éteindre.”

Au mois de mars 1962, un autre couple de missionnaires, John et Irene McBrine, sont arrivés au Zimbabwe. Frère McBrine avait suivi un cours de dix mois à Galaad, et il avait été envoyé au Zimbabwe pour être surveillant de filiale. Néanmoins, il a d’abord commencé par servir comme surveillant de district pour se familiariser avec le territoire. Il nous explique ce qui lui est arrivé:

“George Bradley, qui était membre de la filiale, nous avait conduit, Irene et moi, à une assemblée de circonscription qui se tenait dans la brousse, à environ 90 kilomètres de la ville la plus proche. Il s’est trouvé que nous avons pris la queue d’un ouragan, et il pleuvait à seaux.

“Pour se rendre sur les lieux de l’assemblée, il fallait traverser ordinairement un petit ruisseau. Mais à présent c’était un torrent furieux. L’assemblée n’a bien sûr pas pu se dérouler ce jour-​là, et les frères africains ont dû s’abriter comme ils ont pu.

“Il n’y avait rien de mieux à faire que d’attendre. Dès notre arrivée nous avions monté la tente, mais, craignant qu’elle ne prenne l’eau, nous avons décidé de dormir dans le camion. George a essayé de s’allonger en travers du siège avant, tandis qu’Irene et moi nous nous sommes installés à l’arrière. Quelle nuit agitée! Le vent se déchaînait de plus en plus et l’orage redoublait de violence. À un certain moment nous avons jeté un coup d’œil dans la tente. L’eau y avait atteint une hauteur de dix centimètres! Quelle bonne idée avions-​nous eue de dormir, ou plutôt de tenter de dormir dans le camion!

“La journée du lendemain allait être meilleure. La pluie avait cessé. Les frères locaux n’ont pas tardé à trouver une salle de classe, et l’assemblée a donc pu s’y dérouler. L’amour chaleureux de nos frères qui ont traversé de plus grandes difficultés que nous a largement compensé nos petites misères.”

DES NUAGES À L’HORIZON

À mesure que nous nous approchions du milieu des années 1960, des nuages noirs se profilaient à l’horizon. Autrefois les surveillants itinérants devaient se protéger contre les bêtes sauvages. Pour ce faire, lorsqu’ils se déplaçaient de congrégation en congrégation, certains passaient même la nuit perchés sur un arbre, liés aux branches, pour être à l’abri des animaux maraudeurs. Cependant, le danger ne devait maintenant plus venir des bêtes, mais des humains (voir II Corinthiens 11:23-27). En effet, les hommes politiques n’allaient pas tarder à nous susciter des difficultés.

Le 12 janvier 1965, Arimon Muringa, qui était surveillant dans une congrégation de la capitale, a été arrêté. Pour quel motif? Certains auraient reconnu en lui “l’une des nombreuses personnes à s’être rendues coupables d’actes de violence dans le passé”. C’était bien sûr une fausse accusation. Toutefois, il a connu des moments très pénibles avant d’être disculpé un mois plus tard.

Sans même être jugé, frère Muringa avait été condamné à 90 jours d’emprisonnement. Il a voulu faire appel, mais il s’est vu opposer une fin de non-recevoir. John McBrine, en tant que représentant de la filiale, s’est alors adressé directement au ministre de la Justice. Cette démarche, appuyée par l’employeur de frère Muringa, devait permettre à ce dernier d’être libéré de prison au bout d’un mois.

Voici en quels termes frère Muringa nous décrit ses conditions de détention: “Les autorités pénitentiaires m’ont bien traité, mais par contre certains prisonniers se comportaient comme de véritables brutes avec moi. Par deux fois, je me suis évanoui sous leurs coups. Ils me battaient pour m’obliger à adhérer à leur parti politique. Ils se servaient d’un ceinturon pour frapper mon dos nu et se mettaient au moins à neuf pour me gifler au visage.”

Le bel exemple d’intégrité de frère Muringa a incité quelques-uns de ses anciens persécuteurs à prendre sa défense, vers la fin de son emprisonnement. Son attitude ferme s’est aussi avérée être par la suite un grand encouragement pour d’autres frères.

DES SURVEILLANTS DE DISTRICT LOCAUX

Pendant de nombreuses années, ce sont surtout les missionnaires qui se sont occupés de l’œuvre au Zimbabwe. Cependant, au début des années 1960, il a semblé plus judicieux d’utiliser davantage les capacités des frères locaux. Cette disposition allait d’ailleurs se révéler très opportune.

C’est ainsi qu’au mois de décembre 1962, Isaac Chiadzwa et sa femme Yvy ont été les premiers Témoins locaux à entreprendre le service du district. Puis en 1966 frère Sizulu Khumalo a également été nommé surveillant de district. Il a été d’un secours très précieux pour les frères durant les années particulièrement difficiles qui allaient suivre.

La présence de tels frères comme surveillants de district était vraiment très appréciable. Déjà, puisqu’ils connaissaient bien les coutumes et la langue du pays, ils pouvaient mieux cerner les problèmes des proclamateurs. De plus, il leur était possible de se déplacer plus facilement que les missionnaires. En effet, quand les difficultés ont surgi, tous les étrangers sont devenus suspects aux yeux des indigènes. Les événements ultérieurs devaient fournir la preuve que les dispositions prises pour nommer des frères locaux à des fonctions de responsabilité venaient de Jéhovah.

DES MESURES D’EXCEPTION

Quand le gouvernement rhodésien proclama son indépendance le 11 novembre 1965, des mesures d’exception, qui allaient aussi toucher nos activités, entrèrent en vigueur. D’abord le gouvernement exigea que la commission de censure reçoive un exemplaire de toutes les publications de la Société qui entraient dans le pays, y compris les périodiques. C’était plus une tracasserie administrative qu’autre chose, car pas une seule fois les autorités n’ont trouvé matière à critique dans nos publications pour pouvoir les empêcher de pénétrer dans le pays.

Par contre, les restrictions concernant les réunions publiques nous posèrent beaucoup plus de problèmes. Tout rassemblement de quelques personnes était interdit, à moins d’une autorisation officielle. Bien que théoriquement cela ne s’appliquât pas aux réunions religieuses, dans les endroits où des troubles éclataient de tels rassemblements n’étaient pas autorisés.

Presque chaque fois que la filiale demandait la permission de tenir une assemblée de circonscription, elle se voyait essuyer un refus. On a donc décidé de ne plus en organiser et de concentrer ses efforts sur la préparation des assemblées de district, qui se dérouleraient dans des régions bien protégées.

Vous imaginez alors notre étonnement quand un beau jour, en 1969, nous avons reçu de plusieurs congrégations de Bulawayo une lettre qui contenait un programme d’assemblée de circonscription! Les frères avaient organisé leur propre assemblée. Ils avaient préparé leur programme, désigné des orateurs et prévu une cafétéria. Il est vrai qu’ils n’auraient pas dû agir ainsi, indépendamment. Néanmoins les résultats se sont avérés très positifs. Plusieurs centaines de frères et de sœurs étaient présents à cette assemblée.

Cette initiative nous a donné des idées. Au lieu que ce soit la Société qui demande l’autorisation de tenir des assemblées de circonscription, pourquoi les frères locaux n’en feraient-​ils pas la requête aux autorités de l’endroit? C’est ainsi que des assemblées de circonscription ont été organisées de nouveau. Des frères bien connus dans la région étaient choisis pour s’adresser aux autorités. À chaque fois nous obtenions le droit de nous réunir. Depuis ce temps-​là, nous avons toujours pu organiser nos assemblées, même lorsque nous étions soumis à des restrictions. À l’évidence, Jéhovah dirigeait les choses.

UNE QUESTION ENFIN TRANCHÉE

Vous vous rappelez sans doute que les ministères des Affaires indigènes, de la Justice et de l’Intérieur avaient déjà reconnu notre organisation, mais que le ministère de l’Éducation ne l’avait pas fait.

En février 1966, la filiale abordait à nouveau le problème en envoyant une lettre détaillée au ministère. Le 8 mars nous recevions la réponse suivante: “Je suis au regret de vous faire savoir qu’après examen votre demande ne peut être acceptée.”

Nous avons aussitôt téléphoné et, après une longue discussion, nous avons réussi à prendre rendez-vous avec le ministre pour le 23 mars. Quatre mois après cette date notre demande restait toujours sans écho.

Puis le 21 juillet nous avons reçu une lettre du ministère de l’Éducation. Voici ce qu’on y lisait: “Après un examen approfondi de la question, nous vous informons que les Témoins de Jéhovah seront inscrits sur la liste officielle des organisations religieuses reconnues par le ministère de l’Éducation.” Après 16 ans de lutte, nous obtenions enfin une réponse favorable! Non seulement cet arrêté permettait aux Témoins de Jéhovah de se rendre dans les écoles pour dispenser une instruction religieuse, mais cela résolvait aussi le problème des enfants de Témoins qui étaient expulsés des écoles. Nous étions très reconnaissants à Jéhovah pour ce qu’il venait de réaliser en notre faveur.

DES MISSIONNAIRES ARRIVENT DU MALAWI

En 1968 l’histoire de notre filiale allait ouvrir un nouveau chapitre. Nous avons dû en effet nous occuper de l’œuvre du Royaume au Malawi, car elle était interdite depuis le mois d’octobre 1967. Au mois de novembre suivant, les missionnaires ont été expulsés du Malawi, et deux couples ont été nommés au Zimbabwe, Keith et Anne Eaton et Hal et Joyce Bentley.

UN PRIVILÈGE UNIQUE

Frère et sœur Bentley devaient servir au Mozambique, qui dépendait de la filiale du Malawi jusqu’à l’interdiction. Si vous regardez une carte d’Afrique, vous verrez que le Mozambique est un pays allongé, assez étroit, qui est situé sur la côte est de l’Afrique. Au sud se trouve l’Afrique du Sud, à l’est le Zimbabwe et au nord le Malawi. Le gouvernement du Mozambique n’a jamais reconnu officiellement les Témoins de Jéhovah et tous les efforts entrepris dans ce sens ont été vains. Voici ce que nous relate frère Bentley au sujet de leur arrivée dans le pays:

“Joyce et moi avons été nommés au Mozambique en février 1942. Notre voyage s’est effectué en avion de Blantyre, au Malawi, jusqu’à Lourenço Marques (aujourd’hui Maputo), la capitale du Mozambique. Nous y avons rencontré un petit groupe de personnes intéressées à la vérité qui se réunissaient dans la maison d’un sergent, laquelle se trouvait à l’intérieur de l’enceinte militaire.

“Par la suite nous nous sommes déplacés en fourgon Volkswagen, en emportant avec nous tout notre matériel de camping. Nous passions ainsi pour des touristes. Pour se rendre à Beira en longeant la côte, nous devions parcourir environ 1 600 kilomètres, souvent en empruntant des routes gravillonnées et très bosselées.”

À cause de la guerre, frère et sœur Bentley préféraient passer par Salisbury pour aller de Beira à Lourenço Marques. Ils faisaient ce voyage de plus de 2 000 kilomètres tous les six mois. Cependant, leurs efforts étaient récompensés, car le nombre des proclamateurs augmentait.

Quelques années après, ils ont limité leurs déplacements au nord du pays. À ce propos frère Bentley déclare: “C’était sans doute Jéhovah qui avait influencé notre décision, car nous avons appris plus tard que la police secrète attendait notre prochaine visite à Lourenço Marques pour nous arrêter.”

Frère et sœur Bentley ont connu parfois des aventures excitantes: ils ont été arrêtés, en d’autres occasions à deux doigts de l’être, et ils ont aussi été menacés d’expulsion. Mais ils ont accompli un excellent travail en aidant beaucoup de nouveaux proclamateurs et de personnes intéressées. Sœur Bentley nous raconte le fait suivant:

“À Beira vivait une jeune femme qui avait étudié la Bible au Portugal avant de s’installer au Mozambique. Là, elle a écrit à la Société pour savoir si son étude pouvait se poursuivre. Quand nous avons sonné à la porte, une femme est venue ouvrir. Nous lui avons demandé: ‘Êtes-​vous Clotilde de Gomes?’ ‘Je m’appelle bien Clotilde, a-​t-​elle répondu, mais je ne suis pas Clotilde de Gomes. Mon nom est Clotilde de Almeida.’ Ne voulant surtout pas manquer l’occasion de rendre témoignage, nous lui avons expliqué pourquoi nous avions demandé l’autre personne.” Cette femme s’est alors empressée d’aller appeler un voisin. Plus tard, Clotilde de Gomes a elle aussi été visitée. Quel en a été le résultat?

Sœur Bentley poursuit: “Clotilde de Gomes est maintenant un Témoin baptisé. Son mari est ancien, et ses cinq enfants, ses beaux-parents et son beau-frère sont tous Témoins. Clotilde de Almeida, ainsi que sa voisine, le mari et le fils de celle-ci, sont également baptisés.”

Quand on lui demande ce que lui et sa femme pensent de leur territoire, frère Bentley répond: “Parfois il nous est arrivé de souhaiter nous trouver dans des régions moins chaudes, moins humides, et où nous n’aurions pas à craindre d’être arrêtés à tout instant. Mais lorsque nous faisons un rapide retour en arrière, nous nous rendons compte que servir ici est un privilège unique et que Jéhovah n’a jamais manqué de nous protéger.”

Ce couple de missionnaires a par la suite été envoyé au Botswana, où il continue à donner un excellent exemple.

LES PERSÉCUTIONS AU MALAWI

En octobre 1967 l’œuvre a été interdite au Malawi, et il en est résulté une vague de persécutions qu’un journal a présentée comme “la plus brutale, la plus inhumaine des persécutions que les chrétiens du vingtième siècle ont dû subir. Pour retrouver dans l’Histoire des récits de souffrances, de cruauté et d’obscénités aussi révoltants, il faut remonter au quinzième et seizième siècles, au moment de l’extermination des Vaudois dans le sud-est de la France et en Italie”.

C’est à cause de leur stricte neutralité vis-à-vis des affaires politiques que les Témoins de Jéhovah ont été victimes de ces atrocités. Frère Justin Zacuruka a expliqué pourquoi ils étaient persécutés: “Parce que nous refusions d’acheter la carte d’un parti politique.” Comme leurs frères du monde entier, ces chrétiens se sont abstenus de violer leur neutralité chrétienne, même au prix de traitements barbares. Du reste, certains ont dû le payer de leur vie.

Frère Samson Khumbanyiwa, un frère âgé qui a tout perdu (sa maison, ses meubles, ses vêtements) résume bien la position de tous ceux qui sont restés fidèles: “Je suis convaincu, dit-​il, que je ne suis jamais seul et que Jéhovah m’a toujours protégé.” C’est ce que reconnaissait le psalmiste en déclarant: “Nombreux sont les malheurs du juste, mais de tous Jéhovah le délivre.” — Ps. 34:19.

NOS FRÈRES REÇOIVENT DE L’AIDE

Pour fuir les cruelles persécutions, des milliers de Témoins du Malawi ont quitté leur pays. Certains sont allés en Zambie, mais ils ont été aussitôt refoulés au Malawi. Des milliers d’autres se sont réfugiés au Mozambique, à Milange, de l’autre côté de la frontière du Malawi, où ils sont restés jusqu’en 1970 avant de revenir par petits groupes dans leur pays d’origine.

Au Mozambique, nos frères n’étaient plus entre les mains de leurs persécuteurs. Cependant, ils devaient maintenant faire face à d’autres problèmes. Comme ils avaient tout abandonné dans leur fuite, ils étaient sans nourriture, sans vêtements et sans abri. Qu’allaient-​ils faire?

Par bonheur, bien que les Témoins n’aient jamais été reconnus officiellement au Mozambique ces réfugiés étaient l’objet de grandes attentions. Les autorités ont mis des camions à la disposition de nos frères pour qu’ils puissent se rendre à Mocuba, à environ 160 kilomètres de la frontière du Malawi. Là, on leur a donné des terres, des abris, des houes, des haches et des semences. De plus, chaque jour on leur faisait parvenir des sacs de 90 kilogrammes de farine de maïs pour leurs besoins en nourriture. Ainsi nos frères ont reçu un soulagement à leurs épreuves et ils avaient le sentiment que Jéhovah prenait soin d’eux.

Toutefois, les secours envoyés par le gouvernement du Mozambique ne suffisaient pas. Il y avait un besoin urgent de nourriture, de vêtements, de couvertures et de médicaments. Comment procurer ces nécessités à nos frères? Le seul moyen permettant d’acheminer tout cela depuis le Zimbabwe était la route... qui traversait le Malawi! Après ce qui venait de s’y passer, avait-​on une chance d’arriver à bon port?

UN VOYAGE PASSIONNANT

C’est la question que se posaient John McBrine et Jim Mundell quand ils quittèrent Salisbury, le 22 février 1968, avec un camion Volkswagen chargé de vêtements et de couvertures qui provenaient de dons. Jim Mundell était un missionnaire qui, avec sa femme Kathy, venait d’être expulsé de Zambie et se trouvait au Zimbabwe pour quelque temps. Avant leur départ, les deux frères s’étaient démenés afin de se procurer tous les papiers nécessaires pour passer les diverses douanes, mais ils n’ont pu les recevoir en raison des mesures d’exception. Il ne leur restait plus qu’à se reposer entièrement sur Jéhovah. Lorsqu’ils arrivaient à un poste frontière, les frères avaient une certaine appréhension, mais ils ont pu passer à chaque fois sans difficultés. C’était comme si les anges les accompagnaient.

Le voyage n’a pas été de tout repos. Une distance de 650 kilomètres séparait Salisbury de la frontière entre le Mozambique et le Malawi, à l’est. La plupart des routes que nos frères ont dû emprunter étaient très rocailleuses, et les 160 derniers kilomètres qui les menaient à Mocuba ont été les plus difficiles.

DES DÉCEPTIONS

En arrivant, John McBrine et Jim Mundell ont tout d’abord cherché à rencontrer les frères qui avaient été rassemblés dans les deux camps. Le 24 février au matin ils ont pris contact avec le responsable du camp. À leur plus grand désappointement, celui-ci les a informés qu’il ne leur serait pas possible de visiter leurs compagnons, étant donné que la religion des Témoins de Jéhovah n’était pas officiellement reconnue.

Le responsable du camp, un homme très affable, a conseillé aux frères d’attendre qu’il soumette la question aux membres du gouvernement. Au bout de trois jours ils recevaient cette réponse: ‘Il n’y a aucun Témoin de Jéhovah au Mozambique, mais seulement des réfugiés que le gouvernement a aidés pour des raisons humanitaires. S’ils ont confiance dans le responsable du camp, ils peuvent lui laisser les vêtements, sinon ils n’ont qu’à les remporter.’ Vous imaginez l’immense déception des deux frères qui étaient venus de très loin pour voir leurs fidèles compagnons si durement éprouvés! Malheureusement, ils ne pouvaient rien y changer.

Quant à leur chargement, ils devaient décider ce qu’il fallait en faire. Ils ont choisi de le confier au responsable du camp.

Évidemment, il n’y avait pas assez de couvertures et de vêtements pour tous les Témoins qui étaient dans les camps. Mais John et Jim avaient aussi recueilli avant de partir des contributions qui étaient destinées à couvrir les besoins de ces Témoins. Un accord écrit a donc été conclu entre les deux frères, le responsable du camp nommé par le gouvernement et un commerçant indien. L’argent a été remis au responsable du camp, et une commande a été passée au commerçant, qui était chargé de fournir des jupes, des pantalons et des couvertures. Le responsable du camp devait remettre l’argent au commerçant et distribuer la marchandise reçue en échange aux frères et aux sœurs qui se trouvaient dans les camps.

UN HEUREUX DÉNOUEMENT

Sur le chemin du retour, alors qu’ils se trouvaient encore au Mozambique, les deux frères ont aperçu sur le bord de la route des Africains qui portaient de grosses couvertures sur leurs bicyclettes. Comme vous l’aviez deviné, c’étaient des Témoins. Nos deux voyageurs ont été soulagés de savoir que le responsable du camp avait tenu parole et qu’il avait fourni très rapidement les couvertures et les vêtements aux frères. Mais le fait d’avoir pu parler avec quelques-uns des frères qui vivaient dans les camps leur a procuré une joie beaucoup plus profonde encore. Du reste, il en est résulté un échange d’encouragements qui a profité à chacun.

À partir de ce moment-​là, la filiale du Zimbabwe s’est occupée de l’œuvre au Malawi et au Mozambique. Le Malawi est resté sous notre surveillance pendant plusieurs années, et notre filiale dirige toujours l’œuvre au Mozambique.

LA SORCELLERIE — UNE AUTRE SOURCE D’ÉPREUVES

À cette même époque, beaucoup de frères du Zimbabwe ont dû faire face à un autre problème. Depuis des siècles, la sorcellerie était pratiquée dans ce pays. Mais vers 1969 elle a pris un tour qui devait la porter au premier plan. Pour mieux comprendre la situation dans laquelle les frères allaient se trouver, il sera utile de faire un rapide retour en arrière.

Bien que la plupart des habitants se disent chrétiens (seul un faible pourcentage de la population est musulman), la superstition et la sorcellerie sont encore largement répandues au Zimbabwe. On peut y trouver ces fameux sorciers affublés d’os, portant peaux d’animaux et coiffure de plumes, et débitant des incantations.

On distingue deux sortes de sorciers: le muroyi et le n’anga. Le muroyi pratique la magie noire. Il ensorcelle les gens et peut être responsable de leur mort prématurée. Il agit dans l’illégalité et s’il est découvert il peut être arrêté et traduit en justice.

Le n’anga est un guérisseur, mais il lui arrive aussi de jeter des sorts qui peuvent entraîner la mort. On dit qu’il a assez de force pour neutraliser un sort jeté par le muroyi. Il est officiellement reconnu par le gouvernement.

Vers 1969 le n’anga a pris une grande importance, car on pensait qu’il avait le pouvoir de découvrir toute personne qui pratique la sorcellerie. Il connaissait une certaine notoriété non seulement dans les territoires nationaux (les réserves), mais aussi dans les fermes et les mines où habitaient des centaines d’ouvriers et leurs familles. Voici comment les choses se passaient: Quand on signalait un cas de sorcellerie, on appelait le n’anga et tout le village devait se présenter devant lui.

Après avoir prononcé quelques paroles magiques, le n’anga, accompagné par des incantateurs, invoquait les esprits pour qu’ils lui indiquent celui qui pratiquait la sorcellerie. Si le coupable était “identifié”, le chef du village le présentait au tribunal où il était jugé d’après la loi sur la sorcellerie. Heureusement, il devait être aussi reconnu coupable selon la procédure normale.

UNE ÉPREUVE POUR NOS FRÈRES

En quoi tout cela concernait-​il les frères? Bien qu’il soit considéré comme un guérisseur et un homme bon, le n’anga n’en faisait pas moins du spiritisme. C’est pourquoi nos frères allaient rencontrer des problèmes. En effet, lorsque les habitants du village étaient convoqués devant le n’anga, les frères refusaient bien sûr de se présenter devant lui. Toutefois, dans tous les cas le chef du village, le directeur de la mine ou de la ferme les y amenaient de force.

La grande majorité des frères sont restés intègres, mais malheureusement, sous les pressions, quelques-uns ont fait des compromis. Plus tard, certains de ces derniers se sont sincèrement repentis, et ils servent de nouveau Jéhovah avec joie.

On peut se faire une idée du comportement de l’ensemble de nos frères en considérant l’exemple de Paul Ndlovu, un pionnier spécial. Il avait alors 67 ans et une attaque d’apoplexie l’avait rendu infirme. Après l’avoir conduit de force devant le chef du village, on lui ordonna de s’agenouiller devant le n’anga, comme les autres l’avaient fait. Sa réponse fut claire et nette: “Je ne m’inclinerai devant aucun homme quel qu’il soit, ce serait de l’idolâtrie. Vous savez bien que je suis Témoin de Jéhovah et que je ne peux pas obéir à votre ordre.”

Rendu furieux par l’attitude déterminée du frère, le chef du village appela quatre policiers pour qu’ils lui passent les menottes et l’obligent à pénétrer dans la pièce où se trouvait le n’anga. Frère Ndlovu poursuit: “Je me suis retrouvé entouré d’incantateurs qui m’ont accueilli avec leurs chants rituels comme le veut la tradition. Je leur ai dit que je ne m’associerai pas au démonisme et que je ne m’agenouillerai jamais devant eux parce que j’étais Témoin de Jéhovah.”

La prise de position très ferme de notre frère fut largement récompensée: Le n’anga accepta un livre Vérité et il remit même la contribution volontaire!

LE VRAI CULTE SORT VAINQUEUR

Cette façon de faire ne tarda pas à se généraliser dans le pays, ce qui ajouta aux épreuves des fidèles Témoins de Jéhovah. Un fait vécu par une congrégation située près d’une mine dans le nord du pays va nous montrer jusqu’où certains étaient prêts à aller pour briser l’intégrité du peuple de Dieu. Un jour, des cas de sorcellerie ont été signalés à la mine, et les employés les plus anciens ont demandé qu’un n’anga soit engagé. Voici le contenu du rapport de police:

“Le directeur de la mine a accédé à la requête des ouvriers après avoir vérifié les pièces d’identité du Nganga (maintenant appelé n’anga) et constaté qu’elles étaient en bonne et due forme. Il a toutefois posé une condition, que les employés ont acceptée: Tous (c’est nous qui soulignons) ceux qui demeuraient dans l’enceinte de la mine devaient être présents à la cérémonie.

“Le jour où le Nganga devait exécuter son rituel magique, tout le monde s’est présenté devant lui, sauf les Témoins de Jéhovah. Les employés se sont heurtés à un refus des membres de la secte. Ces derniers ont été amenés devant le directeur de la mine qui n’a pas eu plus de succès. Ils lui ont même déclaré qu’ils préféraient quitter leur emploi plutôt que de se présenter devant le Nganga.”

C’est exactement ce qui s’est passé. Tous nos frères ont été renvoyés. Mais que sont-​ils devenus?

Ils ont tous retrouvé un emploi dans une autre mine. C’est ainsi que la congrégation entière s’est déplacée, y compris le pionnier et les frères qui avaient des responsabilités. De plus, il s’est avéré que cette mine se trouvait dans un territoire non attribué, qui de ce fait allait devenir l’objet des soins d’une congrégation bien organisée. Celle-ci n’a même pas eu à changer de nom, puisqu’elle a quitté une mine de chrome pour une autre. Elle est toujours dénommée congrégation de Chrome.

Quant au directeur de la mine, il commençait à regretter de s’être séparé de ses meilleurs ouvriers. D’ailleurs, il devait par la suite réembaucher certains des Témoins qu’il avait licenciés. Il a un jour fait cette remarque au surveillant de district: “Ce sont mes meilleurs ouvriers que j’ai renvoyés.” Un excellent témoignage a pu être donné grâce à la fidélité de nos frères.

DANS LES ANNÉES 1970

En 1960, la moyenne du nombre des proclamateurs a été la plus élevée jamais enregistrée. Elle était de 12 487, et il y a eu un maximum de 13 493 proclamateurs. Mais de 1960 à 1967 elle a baissé pour atteindre le chiffre le plus bas depuis 1952, savoir 9 384 proclamateurs. Cela s’explique en grande partie par l’épuration qui a eu lieu au sein de l’organisation, laquelle s’est détachée des personnes qui n’étaient pas des vrais Témoins de Jéhovah.

Puis à partir de 1967 le nombre des proclamateurs a de nouveau commencé à augmenter. En 1971 ils étaient en moyenne 11 430 à prêcher le Royaume, avec un maximum de 12 456. Cette augmentation s’est poursuivie jusqu’en 1976, mais une fois de plus le nombre des proclamateurs s’est mis à baisser. Pour quelle raison? C’est à partir de ce moment-​là que le pays a traversé les années les plus sombres de son histoire. Mais pour se rendre compte dans quelle mesure cela a touché nos frères, revenons au début des années 1970.

Durant cette décennie, le peuple de Jéhovah a dû faire face à de nombreuses difficultés. Parmi celles-ci citons le problème de l’emploi, la question de la neutralité, la guerre et ses conséquences, à savoir la destruction de maisons, la perte de bétail et de champs, la persécution et même la mort. Nos adversaires ont même exercé des pressions sur le gouvernement pour qu’il interdise l’œuvre du Royaume. Cela n’est pas sans nous rappeler les paroles de l’apôtre Paul qui a déclaré, après avoir été lapidé et laissé pour mort en dehors de Lystres: “Il nous faut entrer dans le royaume de Dieu à travers beaucoup de tribulations.” — Actes 14:22.

DE L’AIDE VENANT DE JÉHOVAH

Jéhovah n’allait pas manquer de préparer son peuple pour affronter toutes ces difficultés. Il l’a fait de deux manières. Tout d’abord, en 1972, les congrégations allaient avoir à leur tête des anciens et des serviteurs ministériels nommés par le Collège central. Cette disposition venait à point nommé.

Il était très réjouissant de voir la réaction des frères lorsque le Collège central a donné cette instruction fondée sur la Bible. Tandis qu’elles examinaient les exigences des Écritures à ce propos, certaines congrégations se sont rendu compte qu’elles ne pouvaient nommer aucun ancien ou serviteur ministériel. Une congrégation a écrit: “Quand nous avons examiné les conditions requises des anciens et des serviteurs ministériels avec le surveillant de circonscription, nous nous sommes aperçus que personne ne les remplissait. Mais nous étions résolus à satisfaire à ces exigences l’année suivante.”

James Mubata, un membre du Comité de la filiale qui sert au Béthel depuis 1966, a fait récemment ce commentaire à propos de l’effet quasi immédiat qu’a eu la nomination des anciens dans les congrégations: “Non seulement les congrégations ont bénéficié d’un plus grand nombre de frères qualifiés pour enseigner, mais ceux qui servaient déjà comme enseignants ont continué de progresser dans ce domaine. De plus, on a veillé davantage à la pureté des congrégations. En effet, avant 1972 dans de nombreuses congrégations les serviteurs ne s’occupaient pas rapidement des cas d’impureté. Mais presque aussitôt après la mise en place des collèges d’anciens, toute l’attention nécessaire a été accordée à ces problèmes. Tant et si bien qu’ici, au Béthel, pendant quelque temps nous avons été occupés comme jamais auparavant par ces affaires judiciaires.”

Grâce à toutes ces dispositions, les congrégations devenaient beaucoup plus fortes spirituellement. Les frères qui avaient été démis de leurs fonctions parce qu’ils ne présidaient pas leur famille d’une bonne manière ont pris conscience qu’ils devaient mettre en pratique les conseils des Écritures dans le cercle familial. D’autres frères, à qui l’on n’avait pas donné auparavant la possibilité d’utiliser leurs capacités et leurs progrès spirituels étaient maintenant mis à contribution dans les congrégations. L’organisation était ainsi beaucoup plus forte et mieux équipée pour aider les frères à affronter les événements futurs.

DE NOUVEAUX LOCAUX POUR LA FILIALE

Voyons maintenant la deuxième façon, très opportune, dont Jéhovah a aidé son peuple. Nous voulons parler de la construction d’un nouveau Béthel de deux étages. Lors de la visite qu’il effectua en 1971, frère Knorr se pencha longuement sur la nécessité pour notre filiale d’avoir un bâtiment plus spacieux. À cette époque, plusieurs membres de la famille du Béthel logeaient dans des appartements voisins, et les locaux où se trouvaient les bureaux et le service de l’expédition étaient trop exigus. Depuis 1953 nous occupions une maison de plain-pied qui comptait seulement cinq chambres. Et encore, au moment de la visite de frère Knorr trois de ces chambres avaient été transformées en bureaux. On a donc décidé de chercher de nouveaux locaux pour notre filiale.

À plusieurs reprises nous avons essayé d’obtenir l’autorisation de construire un bâtiment dans un autre endroit, mais en vain. Nous avons alors résolu de démolir la maison que nous occupions et de construire un nouveau bâtiment à la même place. Ce projet fut mis en œuvre au mois de décembre 1972. Dix mois plus tard, nous prenions possession des lieux. Quel événement mémorable!

Bien que cette construction ne soit en rien comparable au prodige des Salles du Royaume bâties en deux jours, elle a cependant permis de donner un bon témoignage aux autorités locales et aux habitants du quartier. Des centaines de personnes, des hommes et des femmes de tout âge, ont participé d’une façon ou d’une autre à cette réalisation, ce qui n’est pas passé inaperçu.

Parmi ceux qui ont fait des commentaires favorables sur la construction, on pourrait citer cet inspecteur des travaux publics. Quoiqu’un peu distant au début, il est devenu petit à petit plus chaleureux en voyant l’amabilité de chacun. Voici la remarque qu’il a faite: “Vous avancez vite. Vous avez d’excellents ouvriers. Et je suis sûr que si vous aviez payé la main-d’œuvre d’une entreprise, vous n’auriez pas eu de si bons résultats.” Un entrepreneur qui travaillait de l’autre côté de la route a dit: “Il est réconfortant de savoir qu’il y a encore des gens qui ont des convictions assez profondes pour accomplir un tel travail.” Notre bâtiment a été presque entièrement construit par des volontaires ou sous la direction de ceux-ci.

Il serait bien sûr impossible de mentionner par leur nom tous ceux qui ont manifesté tant de bonne volonté et un tel esprit de sacrifice, mais nous pourrions néanmoins parler de quelques travailleurs représentatifs de l’ensemble. Peter Drewett, par exemple, a quitté son emploi profane pour se rendre avec sa femme et sa fille dans la ville où devait être construit le nouveau Béthel. Ils ont logé dans une caravane pendant toute la durée de la construction. Noel Ellerman, sa femme et ses deux enfants ont installé leur petite caravane sur le chantier poussiéreux. Durant huit mois environ ils ont habité là. Quant à Eric Cargill, entrepreneur de son état, il a non seulement fourni l’outillage indispensable et une partie de la main-d’œuvre qu’il emploie ordinairement, mais il a aussi consacré la moitié de ses journées à la construction jusqu’à l’achèvement complet des travaux.

LA QUESTION DU TABAC

Comme nous l’avons déjà dit, au début des années 1970 nos frères ont dû faire face à un certain nombre de difficultés. Parmi celles-ci il y avait le problème du tabac. En effet, certains Témoins travaillaient dans des plantations ou des manufactures de tabac. Le problème était d’autant plus délicat au Zimbabwe que le tabac est l’une des principales sources de revenus du pays. C’est le produit le plus exporté, celui qui fait entrer de nombreuses devises étrangères dont le Zimbabwe a tant besoin.

Déjà en 1972 les frères qui occupaient ce genre d’emploi se sont demandé si celui-ci était en accord avec les principes des Écritures. D’ailleurs, quelques-uns d’entre eux qui avaient été recommandés comme anciens ou serviteurs ministériels avaient refusé leurs privilèges à cause de leurs scrupules de conscience. Un surveillant itinérant a fait cette remarque: “De nombreux Témoins qui avaient une belle conduite et qui remplissaient les conditions requises ont demandé, à cause de leur conscience, à ne pas être recommandés comme anciens ou serviteurs ministériels étant donné qu’ils travaillaient dans une ferme où l’on produisait et mettait en balle du tabac.”

Parmi ceux qui cultivaient du tabac, certains n’ont pas tardé à laisser leur travail tandis que d’autres envisageaient de faire de même. Voici ce qu’un frère a déclaré: “Quand nous avons compris le point de vue de Dieu sur le mariage, beaucoup d’entre nous ont renvoyé leur seconde femme. Dès lors, ne nous sera-​t-​il pas plus facile de cesser de cultiver du tabac?”

LES FRÈRES RESTENT FIDÈLES

Il était bien que les frères tiennent ce raisonnement dès cette époque, car ainsi il leur serait plus facile de se conformer aux instructions que la Société allait donner deux ans plus tard. Au début de 1974, le Ministère du Royaume a publié un supplément intitulé “Votre emploi et ‘l’amour du prochain’”. Celui-ci exposait clairement le point de vue des Écritures sur la question. Fumer est une souillure de la chair et un motif d’exclusion, selon ce qui est rapporté en II Corinthiens 7:1. Par conséquent, serait-​il convenable pour un chrétien de cultiver, de manufacturer ou de vendre du tabac? D’après les Écritures, il est évident que non. On ne peut pas continuer à faire cela et prétendre aimer son prochain. C’était là le raisonnement exposé dans le supplément.

Les frères ont réagi de façon remarquable. Essayez de vous mettre dans leur situation. Vous avez de hautes responsabilités dans une plantation de tabac, vous possédez une maison qui dépend de cette plantation et éventuellement une parcelle de terre où vous pouvez faire paître votre bétail. Et soudain voilà que vous devez prendre une décision lourde de conséquences: Votre employeur vous dit que si vous ne voulez pas travailler à la production du tabac, vous n’avez qu’à trouver du travail ailleurs. Vous avez peut-être des enfants en bas âge. Alors, qu’allez-​vous faire?

Eh bien, nos frères ont préféré renoncer à tout cela plutôt que d’être séparés de l’organisation de Jéhovah. Beaucoup ont subi des préjudices financiers considérables. Toutefois, ils ont gardé la faveur de Jéhovah. Nous pouvons compter sur les doigts de la main ceux qui ont dû être exclus. Nous avons de tout cœur soutenu nos compagnons qui sont restés indéfectiblement attachés à la justice de Dieu.

DES RÉACTIONS PARTAGÉES

Bien évidemment, la prise de position adoptée par nos frères a provoqué bien des réactions, le plus souvent hostiles. Les journaux ont publié de nombreux articles et reçu un abondant courrier à ce sujet. Des membres du Parlement, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de celui-ci, ont émis des critiques, parfois virulentes, à l’égard des Témoins. Une remarque parue dans un mensuel va nous donner une idée de l’ampleur des réactions. Voici ce qu’on y lisait: “Les Témoins de Jéhovah ont été très sévèrement critiqués, à l’intérieur comme à l’extérieur du Parlement. (...) Selon la nouvelle législation en vigueur, on peut dorénavant les priver de leurs droits civiques et les expulser.” Le journaliste a comparé les réactions suscitées à “une tempête dans un verre d’eau”.

Les fermiers ont aussi eu des réactions partagées. Certains se sont montrés méchants. D’autres ont écrit ou téléphoné à la Société pour lui dire ce qu’ils pensaient des Témoins de Jéhovah. Cependant, ils auraient aimé continuer de confier à ceux-ci des postes de responsabilité dans leurs exploitations.

Ainsi, plusieurs fermiers ont fait de gros efforts pour trouver un accord avec les frères. Ils étaient disposés à leur proposer un travail qui n’aurait rien à voir avec le tabac plutôt que de perdre des ouvriers dignes de confiance. Les Témoins ont bien sûr apprécié leur geste.

On pourrait aussi parler de ce frère qui vendait du tabac et qui un jour a pris conscience qu’il ne pouvait pas continuer ainsi. Il a donc présenté sa démission, mais son patron ne l’a pas acceptée. Malgré cela, notre frère n’est pas retourné au travail. Quand son patron est venu le voir chez lui pour lui demander des explications, le frère lui a exposé son problème. L’employeur l’a félicité pour sa franchise et a insisté pour le garder.

Profitant de l’occasion, notre frère a posé ses conditions: il voulait un travail qui n’ait pas de rapport avec le tabac et qui lui permette d’assister à toutes les réunions. L’employeur a donné son accord, bien que cela ait représenté une diminution de salaire pour le Témoin.

Celui-ci tire cette conclusion de son expérience: “Elle m’a appris que nous serons bénis aussi longtemps que nous tiendrons fermes face aux problèmes que nous rencontrons dans notre travail profane. D’autre part, il nous faut être désireux de continuer à progresser spirituellement avec l’organisation de Jéhovah.” Ce frère est maintenant ancien dans sa congrégation.

LA BONNE NOUVELLE SE RÉPAND MALGRÉ DES CONDITIONS DÉFAVORABLES

Le fait que tous ces frères ont changé de travail a favorisé la diffusion de la bonne nouvelle du Royaume. De nouvelles congrégations ont même été formées dans des territoires isolés. Par exemple, un frère qui possédait une mine dans un de ces territoires et qui avait besoin d’ouvriers a bien voulu embaucher ceux qui avaient perdu leur emploi. Bientôt, 20 frères travaillaient dans sa mine. Une congrégation composée de ces frères et de leur famille a vu le jour, et elle existe encore aujourd’hui. D’autres Témoins ont également été prompts à apporter leur aide.

Certains de ceux qui se sont retrouvés sans emploi sont retournés chez eux, où souvent il n’y avait pas de congrégation. Ainsi la Parole de Jéhovah était prêchée là où elle ne l’avait jamais été auparavant.

Mais comment tous ces problèmes se sont-​ils terminés? Assez curieusement, c’est l’Association des planteurs de tabac qui a mis un point final à cette question en faisant paraître dans son bulletin mensuel un communiqué de son président. Celui-ci disait que tout cela était un problème religieux qui concernait les Témoins et qu’il ne fallait pas en faire un sujet de controverse. Le Rhodesia Tobacco Forum, dans son numéro de juin 1974, à la page 27, faisait cette remarque intéressante à propos des Témoins de Jéhovah: “Dans le même article [d’un journal], il était rapporté que le ministre de l’Agriculture (...) aurait décrit cette attitude comme ‘ce qui semble être une entreprise délibérée pour ruiner l’économie’. Toutefois, si l’on en juge par le nombre de personnes concernées, cette hypothèse est difficilement recevable.” Ce commentaire venant de l’Association rhodésienne des planteurs de tabac a apparemment réussi à calmer les esprits, de sorte que les frères n’ont plus été harcelés par la suite. Un excellent témoignage a été rendu à la fidélité du peuple de Jéhovah.

LA QUESTION DE LA NEUTRALITÉ

Alors que la question du tabac touchait nos frères africains, toujours en 1972 un autre problème allait surgir qui ne concernerait que nos frères blancs, du moins dans un premier temps. Il s’agirait du problème de la neutralité chrétienne vis-à-vis des affaires de ce monde. Ce problème n’a pas pris de grandes proportions tout d’abord, jusqu’au moment où a débuté ce qui a été appelé “la lutte pour la libération”, ou pour reprendre l’expression utilisée par certains “la guerre terroriste”. Bien entendu, les difficultés ont commencé lorsque le service militaire est devenu obligatoire pour les Blancs.

Au fur et à mesure que les combats s’intensifiaient, surtout aux frontières, on a essayé d’enrôler la population tout entière dans cet effort de défense. Toutefois, la conscription s’est d’abord limitée aux Blancs. De nombreux jeunes Témoins ont donc été emprisonnés, certains d’entre eux à plusieurs reprises, parce qu’ils restaient neutres.

Au cours de l’année, les appelés devaient faire un certain nombre de périodes. Après chacune d’elles ils retournaient travailler pour leur employeur. Un frère pouvait passer devant le tribunal à chaque fois qu’il refusait, par motif de conscience, de faire une période, et par conséquent il pouvait purger plusieurs peines de prison les unes à la suite des autres. Du reste, il est arrivé que quelques-uns reçoivent leur convocation pour une période alors qu’ils étaient encore incarcérés.

Pour les jeunes pères de famille, cette situation était particulièrement pénible. Non seulement ils devaient laisser leur famille derrière eux, mais en allant en prison ils perdaient souvent leur travail. Lorsqu’ils étaient libérés, ils devaient en chercher un autre. À ce moment-​là on leur demandait les papiers militaires, et quand l’employeur éventuel était mis au courant de la situation, il répondait fréquemment: “Je suis désolé. J’aurais aimé vous embaucher, mais je ne peux pas parce que vous n’avez pas fait votre service militaire.” Pour certains, ce problème a pris des proportions énormes.

UN EXEMPLE D’INTÉGRITÉ

Bob Hawkes a été l’un des premiers à endurer ces épreuves. Il avait déjà accompli son service militaire quand il a commencé à étudier la Bible avec les Témoins de Jéhovah. Il n’étudiait que depuis six mois lorsqu’il a été appelé pour faire une période en janvier 1973. Mais laissons-​le nous raconter son expérience:

“En raison de ce que j’avais appris dans la Bible, j’ai décidé de ne pas me rendre à la convocation. Molly, ma femme, était enceinte de deux mois.”

Comment les choses se sont-​elles passées ensuite?

“On m’a convoqué au tribunal; j’ai été condamné à 30 jours de prison ferme et à trois mois avec sursis.”

Cela lui a-​t-​il paru difficile à supporter?

“C’était très dur en effet, dit-​il. Je n’étais même pas baptisé, et me voilà derrière les barreaux. Je me suis retrouvé tout seul, dans un monde très étrange. J’étais complètement perdu. C’est alors que Molly s’est fâchée et m’a écrit pour m’annoncer qu’elle allait me quitter. Et pour couronner le tout, mon père est venu me voir pour m’apporter plusieurs écrits qui diffamaient les Témoins. Je lui ai fait savoir que, quoi qu’il arrive, j’étais résolu à rester sur ma position. Prier Jéhovah était mon seul réconfort.”

D’AUTRES DIFFICULTÉS

Quand il a été libéré de prison, Bob Hawkes devait s’apercevoir que d’autres problèmes l’attendaient. Lorsqu’il est rentré chez lui, Molly lui a présenté un uniforme et l’a invité à aller dans la “brousse”, sur le lieu des combats. Bob explique: “Je lui ai dit de ne plus jamais me forcer à aller là-bas et de ne même pas m’en parler.”

Bob est alors retourné à son travail, seulement pour s’entendre dire qu’il était renvoyé sur-le-champ. “Je n’en reviens pas que ma femme soit restée avec moi lorsqu’elle a su la nouvelle, car elle s’était toujours opposée à la vérité.”

Peu après, Bob a pris le baptême. Il a dû ensuite regagner la prison, cette fois pour six mois, auxquels se sont ajoutés les trois mois de sursis qui se sont transformés en prison ferme. Au total il est allé trois fois en prison, la dernière fois pour huit mois.

QU’EN EST-​IL DE MOLLY?

Sans doute voulons-​nous savoir quelle a été la réaction de Molly.

“Quand on étudiait, dit-​elle, la vérité n’avait pas beaucoup de signification pour moi. Pour Bob c’était différent. Dès qu’il apprenait quelque chose, il opérait les changements nécessaires. Il a cessé de fumer, n’a plus assisté aux réceptions et a abandonné d’autres pratiques encore. Puis je suis devenue enceinte, et je me tracassais à cause de la question du sang. La vérité commençait à influer sur toute notre vie.

“Ensuite Bob est allé en prison. Je trouvais cela terrible. Comment pouvait-​il agir ainsi envers nous? C’est alors que j’ai décidé de lui adresser un ultimatum. Je lui ai donc écrit et je l’ai menacé de le quitter. Mais au fond de moi, je savais que je ne pourrais jamais faire cela.”

Qu’est-​ce qui a amené Molly à accepter la vérité?

“En grande partie, c’est la bonté que me témoignaient les sœurs. Elles m’apportaient diverses denrées alimentaires, de la viande, du pain, et elles m’aidaient matériellement d’autres façons. Mais en plus, il y avait la sollicitude pleine d’amour des frères et des sœurs, qui ne manquaient pas de me fortifier spirituellement. Progressivement, cela m’a influencée et m’a fait réfléchir. J’ai donc commencé à me préparer en vue du baptême. J’ai été baptisée peu après que Bob est sorti de prison pour la dernière fois.”

Quelque temps plus tard, frère Hawkes a de nouveau été appelé pour faire une période. Cependant, cette fois on ne l’a pas emprisonné parce qu’il projetait d’accepter du travail dans un autre pays.

Ce fait illustre bien ce que plusieurs de nos frères ont enduré. D’ailleurs, quand l’âge limite de la conscription a été porté à 50 ans et finalement à 60 ans, beaucoup de frères se sont trouvés concernés. Mais nous parlerons davantage de cela par la suite.

L’OPPOSITION SE MANIFESTE

Étant donné la publicité accordée à la question du tabac et à celle de la neutralité chrétienne, on comprend aisément que les Témoins défrayaient la chronique. Encouragés sans doute par certaines personnes qui étaient irritées par la neutralité des frères, plusieurs membres du Parlement ont fait pression sur le gouvernement pour qu’il mette un frein à l’œuvre de prédication.

De plus, comme les Témoins étaient l’objet de critiques et d’attaques de la part des media, ils sont aussi devenus un sujet de discussion courant lors des débats parlementaires. Cela a été particulièrement vrai le 4 décembre 1973, quand le Parlement discutait les amendements à la loi sur la défense et à la loi sur la citoyenneté. Voici quelques extraits de ces débats:

“Les croyances de cette secte [les Témoins de Jéhovah] sont l’antithèse des enseignements des Églises établies et estimées.” — Le ministre de la Défense.

“En bref, nous suggérons (...) qu’un Témoin de Jéhovah condamné à six mois d’emprisonnement ou plus, sans substitution d’amende, pour un refus d’obéissance à cause de sa conscience religieuse, pourra être privé de sa citoyenneté et, dans le cas d’un étranger, pourra être expulsé.” — Le ministre de la Défense.

“Ces convictions [celles des objecteurs de conscience en général] ont le plus souvent trait à la suppression des vies humaines. Un moyen de conciliation consiste à affecter l’individu à une unité non-combattante. (...) Cependant, ce moyen n’est pas accepté (...) par le culte ou la secte des Témoins de Jéhovah qui, à mon avis, est une organisation pernicieuse dont l’attitude à l’égard du service militaire n’a aucun fondement et ne peut se justifier.” — Un membre du Parlement.

“Nous cherchons à nous assurer que les Témoins de Jéhovah n’influencent pas les futurs conscrits et ceux qui effectuent leur service militaire.” — Le ministre de la Défense.

Il semble que la prise de position courageuse des frères a eu plus d’une conséquence.

LA TENSION MONTE

Vers la fin de 1974, on sentait la tension monter. C’est ce que faisait remarquer la filiale du Zimbabwe au siège mondial de la Société dans une lettre datée du 8 octobre 1974. Celle-ci faisait état d’une rumeur selon laquelle notre organisation serait l’objet d’une “enquête approfondie”. Elle disait ensuite: “Au moment où nous rédigeons ces lignes, nous ne savons rien de plus et nous n’avons pas non plus été contactés par les autorités. Le bruit court que certaines mesures seront prises en décembre, mais nous ne pouvons rien confirmer.

“Dans tout le pays, beaucoup de gens sont très hostiles à nos activités, surtout au ministère de maison en maison.”

Un peu partout sont apparus des écriteaux portant l’inscription: “Dehors les Témoins de Jéhovah.” Une personne entreprenante a même commencé à en vendre de porte en porte. Pendant un moment elle a fait de bonnes affaires.

PROPOSITION D’UNE ACTION CONTRE LES TÉMOINS DE JÉHOVAH

Au début de février 1975, la filiale est entrée en possession du compte rendu d’une réunion très significative. C’était celle du bureau du Front rhodésien, le parti au pouvoir. La quasi-totalité du programme de cette réunion tenue le 31 janvier 1975 était consacrée aux Témoins de Jéhovah. On présenta un certain nombre d’arguments montrant pourquoi il fallait entreprendre une action contre eux.

Vous imaginez sans peine les sentiments qui étaient les nôtres en ce temps-​là. Qu’allait-​il se passer? Les Témoins de Jéhovah seraient-​ils interdits? Allait-​on expulser les missionnaires? Nous ne savions pas à quoi nous attendre.

Bien que ceux qui donnaient ces suggestions au gouvernement soient des membres du parti au pouvoir, et certains d’entre eux des membres du Parlement, le gouvernement lui-​même adoptait manifestement un point de vue plus raisonnable. En effet, ni à cette époque ni plus tard il n’a entrepris une action officielle contre l’œuvre de prédication ou contre l’organisation. Nous en étions très reconnaissants à Jéhovah.

LA NEUTRALITÉ DANS LES RÉGIONS “CHAUDES”

Ce n’est pas seulement en rapport avec la question du service militaire que les frères devaient montrer résolument qu’ils étaient séparés du monde. Ils allaient devoir faire connaître clairement leur position en d’autres circonstances (Jean 15:19). Par exemple, frère Will Vosloo possédait une ferme qui, pendant la guerre, se trouvait dans ce que l’on peut appeler à juste titre une zone “chaude”. Cette ferme était distante d’environ 62 kilomètres de la congrégation où il servait en tant qu’ancien. Un peu plus loin était située une place forte des “combattants de la liberté”, et c’est là que de nombreux affrontements opposaient ceux-ci aux forces de sécurité du gouvernement.

Un jour, peu après son baptême, frère Vosloo et sa femme Gisela étaient assis chez eux en train de lire la Bible au Psaume 112:7, où il est dit: “Il n’aura pas peur de mauvaises nouvelles. Son cœur est ferme, confiant en Jéhovah.” Moins d’une heure plus tard, un policier vint avertir les Vosloo et leurs voisins qu’il y avait des “terroristes” dans la région. Il insista pour que les fermiers s’arment afin de pouvoir se défendre. Frère Vosloo refusa.

Il explique: “À partir de ce moment-​là, on exerça sur moi des pressions de plus en plus fortes pour que je participe à la protection de la communauté. Mes voisins ne comprenaient rien à mon attitude. Ils me prenaient pour un lâche. Tandis que j’étais en prédication, un homme me dit: ‘Vous serez le premier à vous sauver quand ça ira vraiment mal.’ Il avait tort. Aujourd’hui je suis encore dans ma ferme, mais eux, ils sont tous partis.”

LA NEUTRALITÉ EST UNE PROTECTION

Alors qu’ils étaient harcelés par les fermiers des alentours, frère Vosloo et sa famille furent réconfortés de façon inattendue. Un jour, un surveillant de circonscription leur rendit visite et leur déclara: “Je viens de l’autre côté de l’Umfuli. Vous ne devez pas vous inquiéter. Ici les gens savent que vous êtes neutres. Vous serez en sécurité.” Ces mots se sont révélés exacts.

Quelques jours plus tard, les conducteurs de tracteurs de frère Vosloo qui travaillaient dans les champs furent soudain accostés par une bande de guérilleros. Ceux-ci dirent: “Nous connaissons cet homme, nous ne voulons pas brûler ses tracteurs.” Et effectivement, alors que les tracteurs des autres fermiers furent brûlés et leurs pompes détruites, le matériel de notre frère resta intact. Peu de temps après, pendant que lui et sa famille étaient en vacances, plusieurs fermes des environs furent démolies, mais on ne toucha pas à sa maison. Tout cela parce que l’on connaissait sa neutralité en ce qui concerne les affaires politiques.

Cette situation dura quelques années, en réalité jusqu’à la fin de la guerre. La communauté envoya même des délégations chez les Vosloo pour faire pression sur eux et leur faire honte, afin qu’ils consentent à s’armer pour leur protection et celle des autres. Chacun dans la région se déplaçait armé jusqu’aux dents, excepté frère Vosloo qui citait les paroles prononcées par Gisela, inflexible: “Pas de revolver et pas de fusil.”

Les choses allaient de mal en pis: On brûlait les magasins et on minait les routes. À cause du couvre-feu, il était extrêmement difficile pour les enfants de se rendre à l’école. Finalement, frère Vosloo décida de louer une maison en ville pour sa famille, tandis que lui-​même continuerait à travailler à la ferme. Mais au milieu de tous ces événements, il sentait que sa meilleure protection était sa neutralité et sa totale confiance en Jéhovah, ainsi qu’il est écrit: “Quand tu te coucheras, tu ne ressentiras aucun effroi; et assurément tu te coucheras, et ton sommeil devra être agréable. Tu n’auras pas à craindre une chose redoutable et soudaine (...). Car Jéhovah lui-​même sera vraiment ton assurance, et, à coup sûr, il gardera ton pied de la capture.” — Prov. 3:24-26.

UN PARADOXE

Chose vraiment étrange, une même attitude valait à nos jeunes frères blancs de se retrouver en prison et donnait à nos frères africains une liberté dont souvent les autres organisations, religieuses ou non, ne jouissaient pas.

Comme l’activité des guérilleros s’intensifiait dans certaines régions, les mesures de sécurité ont été renforcées. Tous les rassemblements ont été interdits et les écoles et les magasins ont été contraints de fermer. Les frères devaient être particulièrement prudents en ce qui concerne la prédication et les réunions chrétiennes.

On avait prévu de tenir une assemblée dans une de ces régions en février 1973. Aurions-​nous la permission de le faire? Avec une foi totale dans la direction de Jéhovah, les frères de l’endroit se sont rendus chez le chef du village pour lui donner une lettre à remettre au commissaire de district. Comme il ne comptait pas remettre cette lettre immédiatement, le chef a autorisé les frères à commencer les préparatifs.

Plus tard, lorsque le surveillant de district, Isaac Chiadzwa, est arrivé, il est allé au bureau du commissaire de district pour signaler sa présence et solliciter la permission de pénétrer dans la région afin d’assister à une assemblée de circonscription. “Quand j’ai demandé l’autorisation de me rendre dans la région de Dotito, rapporte frère Chiadzwa, tout le monde dans le bureau s’est mis à rire. Ils pensaient que j’étais fou. Ils ont été très surpris en entendant un des fonctionnaires dire: ‘Nous connaissons bien votre groupement. Nous savons quelle est votre position à l’égard des conditions actuelles.’”

Naturellement nous avons pu avoir notre assemblée. La seule restriction que l’on nous imposait était de ne pas tenir de sessions le soir. Même le chef était surpris et impressionné.

Frère Chiadzwa explique que lors de ses déplacements en tant que surveillant de district, il rencontrait souvent des barrages sur les routes. “On me laissait toujours passer, dit-​il, parce que j’étais Témoin de Jéhovah. Un jour, à un barrage, chacun a reçu l’ordre de décharger son véhicule pour l’inspection. Dès que j’ai sauté de la camionnette, un policier a vu ma serviette. Après l’avoir ouverte, il m’a demandé qui j’étais et ce que je faisais. Je lui ai répondu que j’étais Témoin de Jéhovah, et aussitôt il m’a dit de ne pas décharger ma camionnette, laquelle était d’ailleurs remplie de publications et contenait tout notre matériel. Quand un autre policier a voulu savoir la raison de cette exception, j’ai entendu le premier déclarer: ‘C’est un Témoin de Jéhovah. Nous n’avons pas de problèmes avec ces gens-​là.’”

D’après ce que le surveillant de district rapporte, les frères de cette région avaient toujours sur eux des publications de la Société, même lorsqu’ils travaillaient dans les champs. Bien des fois, cela leur a évité d’être battus ou de subir d’autres mauvais traitements. Il est vraiment étrange qu’un même groupe de personnes puisse dans un certain cas être frappé d’anathème par les autorités, et dans un autre être tellement favorisé.

Mais nous parlerons davantage de cela plus tard. À présent, retournons au Malawi.

LA PERSÉCUTION AU MALAWI

La dernière fois que nous avons parlé des frères du Malawi, ils avaient dû fuir leur pays et s’étaient rendus à Milange, au Mozambique, à l’est du Malawi. Vers 1970 beaucoup d’entre eux ont commencé à regagner furtivement leur pays où ils ont essayé de se réinstaller. Mais cette situation n’a pas duré longtemps.

En 1972, une autre vague de persécution s’est abattue sur nos frères, ce que le San Francisco Examiner a appelé une “guerre religieuse”. Ce journal déclarait: “C’est vraiment une guerre à sens unique, opposant la force à la foi.” Les choses se sont passées à peu près comme en 1967, mais cette fois la persécution était beaucoup plus intense.

La Ligue de la jeunesse et le Mouvement des jeunes pionniers ont pris la tête dans cette “guerre”. “Ils s’organisèrent en bandes groupant de douze à une centaine de jeunes gens. Puis ils sont allés de village en village, armés de gourdins, de massues, de pangas et de haches, recherchant les témoins de Jéhovah, les attaquant et détruisant leurs biens.” — Réveillez-vous! du 8 février 1973.

Ils battaient leurs victimes avec des planches hérissées de clous et violaient nos sœurs. Un frère a été couvert d’herbes sèches auxquelles ses bourreaux ont mis le feu. Il a été brûlé vif.

Frère Michael Yadanga et sa famille ont été abandonnés au milieu d’une réserve d’animaux sauvages. Ils ont dû parcourir plusieurs kilomètres avant de trouver un autobus. Quand ils sont rentrés chez eux, on a de nouveau essayé, en usant de menaces, de leur faire acheter la carte du parti. Voici ce que frère Yadanga a répondu: “J’ai perdu mes dents parce que je ne voulais pas acheter une carte. J’ai perdu mon emploi parce que je ne voulais pas acheter une carte. J’ai été cruellement battu, mes biens ont été détruits et j’ai été forcé de fuir en Zambie, tout cela parce que je n’ai pas voulu acheter une carte. Je ne vais pas en acheter une maintenant.” Plus tard, frère Yadanga a été averti par un des membres de la Ligue de la jeunesse bien disposé à son égard qu’il allait de nouveau recevoir leur visite. Il s’est donc enfui avec sa famille au Mozambique.

Outre ces mauvais traitements, les Témoins se sont vu priver de leur gagne-pain. Leurs magasins ont été fermés, leurs comptes en banque gelés, leurs biens confisqués et leurs récoltes détruites ou volées. Il ne leur restait qu’une chose à faire: s’enfuir du pays.

Cette fois, la plupart sont allés en Zambie. Plus de 19 000 d’entre eux ont établi un camp de réfugiés à Sinda Misale.

DE L’AIDE DU MONDE ENTIER

Ces frères ont reçu de l’aide rapidement. Les secours sont arrivés du monde entier sous forme d’argent, de vêtements et de denrées alimentaires notamment. Sans tarder, les frères de Zambie ont envoyé, entre autres, de la nourriture, du matériel de couchage et des outils de jardinage. Quant aux frères d’Afrique du Sud, ils ont parcouru 2 400 kilomètres pour apporter à Sinda Misale des camions chargés de toile goudronnée, de couvertures, de feuilles de plastique, de pelles, de haches, et de divers autres objets. Malgré les difficultés qu’ils ont rencontrées, ils ont pu livrer toutes ces marchandises grâce à la direction pleine d’amour de Jéhovah. En tout, les frères de Sinda Misale ont reçu de nombreuses tonnes de nourriture, de vêtements et de médicaments.

DE NOUVEAU OBLIGÉS DE PARTIR

Malheureusement, ce répit n’a été que temporaire. Sous prétexte de conduire ces frères dans un autre endroit, le gouvernement zambien les a en fait renvoyés au Malawi. Là, les persécutions ont repris de plus belle. De nouveau les frères ont dû fuir leur pays. Cette fois, ils sont allés au Mlangeni, au Mozambique, dans la partie située à l’ouest du Malawi.

Bientôt 12 camps de réfugiés étaient établis au Mozambique, lesquels ont pu recevoir un maximum de 34 000 personnes. Plus tard, en 1975, le gouvernement du Mozambique a rapatrié nos frères de force, mais la plupart se sont de nouveau enfuis vers l’est du Mozambique, et bon nombre d’entre eux y sont encore.

À présent, nous sommes persuadés que vous lirez avec intérêt les récits relatés par Cyril et Ina Long. Ces derniers vivaient à Blantyre, au Malawi, quand la persécution a repris en 1972. Voici ce qu’ils racontent:

“Une famille traversait un pont qui enjambait une rivière en crue, lorsqu’elle fut accostée par des individus qui lui demandèrent les cartes du parti. Quand les parents expliquèrent pourquoi ils n’en avaient pas, on lança les enfants dans les eaux furieuses. L’un des enfants était un bébé de six mois. Heureusement, les plus âgés purent le sauver. Grâce à la protection de Jéhovah, tous échappèrent à la mort.

“Un autre frère fut battu au point de perdre connaissance. On l’arrosa d’essence et on y mit le feu. Il fut brûlé vif sous les yeux de sa femme, qui était enceinte, et de ses six enfants. Ceux-ci furent forcés à regarder cette scène cruelle.”

NOS FRÈRES PERSÉCUTÉS REÇOIVENT DE L’AIDE

Frère Long se rendait compte qu’il fallait faire quelque chose pour aider les frères victimes de vols et de mauvais traitements. Secrètement il convint avec eux d’un lieu de rendez-vous où il pourrait les prendre pour les conduire à la frontière. La première fois, une trentaine de Témoins furent répartis dans deux camionnettes Volkswagen. Plusieurs d’entre eux étaient venus avec leurs bicyclettes, mais quand ils comprirent qu’ils ne pourraient les emporter ils les abandonnèrent dans la brousse sur le bord du chemin. Ils savaient qu’ils ne les retrouveraient jamais.

“Tout le long de la route, dit Ina, il y avait des barrages. Les frères et les sœurs devaient s’aplatir sur le plancher de la camionnette et se cacher sous des couvertures. Cyril étant blanc et le seul qui était visible, on lui faisait signe de passer. À trois heures du matin, tous sont arrivés sains et saufs au camp de réfugiés au Mozambique.

“Quelques jours plus tard, un surveillant de circonscription est venu nous dire qu’il y avait un urgent besoin de médicaments et de couvertures pour les 12 000 sans–abri qui se trouvaient dans le camp en Zambie. C’était l’hiver et beaucoup souffraient de rhume, de diarrhée, de maux de gorge. En outre, plusieurs avaient subi des mauvais traitements et leur corps était marqué par des coupures, des meurtrissures ou des brûlures graves. Que pouvait-​on faire pour les aider?

“Après avoir prié Jéhovah avec ferveur, nous avons décidé de nous rendre chez un pharmacien pour lui demander de nous vendre des médicaments. C’était une démarche dangereuse, car il pouvait facilement nous dénoncer aux autorités. Néanmoins, nous sommes allés le trouver et nous lui avons expliqué la situation.

“Il s’est avéré que ce pharmacien était furieux contre le gouvernement, qui l’avait obligé à licencier un de ses employés les plus dignes de confiance parce que ce dernier était Témoin de Jéhovah. Aussi, loin de nous dénoncer, il était très heureux de nous rendre service.” Imaginez la surprise et la joie de Cyril et Ina Long qui étaient venus prendre leur commande le lendemain, quand ils se virent remettre gratuitement deux grands cartons de produits pharmaceutiques pour les frères qui se trouvaient dans le camp de réfugiés! Ils insistèrent pour payer, mais le pharmacien leur dit: “C’est le moins que je puisse faire pour des gens aussi loyaux qui sont traités de façon aussi scandaleuse.”

Peu après, Cyril Long et un autre frère firent un nouveau voyage jusqu’au camp, cette fois la nuit et avec un chargement de couvertures. Frère Long raconte: “Les larmes nous venaient aux yeux devant le spectacle qui s’offrait à nous: une famille de six personnes blotties sous une seule couverture, essayant de se réchauffer les uns les autres; une sœur qui avait été si cruellement battue et brûlée avec des bûches incandescentes qu’elle ne pouvait se coucher. Il fallait la soutenir avec des bottes d’herbe.”

Pour terminer ce récit, nous voulons vous faire part d’une anecdote qui a beaucoup ému sœur Long. Puisque le gouvernement avait gelé tous les comptes en banque des Témoins, ceux-ci n’avaient pas pu retirer d’argent pour payer les transports publics et fuir. Notre sœur raconte: “Deux frères sont venus nous trouver pour nous dire: ‘Nous avons pu retirer nos économies à temps. Nous avons acheté des tickets d’autobus pour nos familles et il nous reste cet argent. Pouvez-​vous le donner à d’autres qui en ont besoin?’ Bien que ces frères aient perdu leur emploi, leur amour chrétien les poussait à partager ce qui leur restait, sachant que Jéhovah pourvoirait.”

Il ne fait pas de doute que lorsque Cyril et Ina Long repensent à cet incident, leur foi dans la sollicitude affectueuse de Jéhovah s’en trouve fortifiée.

UN VOYAGE AU MOZAMBIQUE

C’est en 1975, alors que les camps de réfugiés existaient encore au Mozambique, à l’ouest du Malawi, qu’un problème a surgi, semblable à celui qu’avait connu la congrégation chrétienne au premier siècle (Actes 6:1-6). Il s’agissait de la distribution des secours. On pensait que la visite d’un membre de la filiale en personne contribuerait beaucoup à régler cette question. C’est ainsi qu’en février 1975, Keith Eaton, du Comité de la filiale, s’est mis en route pour les camps. Ce n’était pas une mince affaire. Il s’est déplacé en avion et a dû faire plusieurs escales. Il s’est rendu de Salisbury à Beira, sur la côte est du Mozambique, où il a passé la nuit et visité quelques frères qui habitaient là. Puis il est allé à Tete, sur le Zambèze, et enfin à Vila Coutinho (à présent Ulongue) où il y avait six camps de réfugiés.

L’une des raisons pour lesquelles il était difficile de parvenir à cette destination, c’est que le Mozambique était en pleine période de transition. La minorité portugaise blanche devait céder le pouvoir à la majorité noire. Traverser la frontière n’était donc pas simple, surtout pour des étrangers.

Cependant, avec l’aide des Témoins qui l’avaient rejoint à l’aéroport de Vila Coutinho, Keith Eaton a pu visiter les camps. Là, il a discuté avec les frères de leurs problèmes, écouté leurs rapports déchirants et donné des suggestions utiles. Nul doute que ce contact personnel avec un représentant de la Société a beaucoup encouragé les frères.

L’APOSTASIE DANS LES CAMPS

Finalement les frères ont réussi à s’installer à peu près correctement dans les camps de Milange, au Mozambique, à l’est du Malawi. Cependant, avec le temps d’autres problèmes devaient surgir.

En 1976, certains ont soudain commencé à se prétendre oints et à tenir des réunions spéciales, séparément des réunions de la congrégation. Ils professaient des enseignements non bibliques. Ils soutenaient qu’ils étaient oints et que depuis 1975 Jéhovah ne traitait plus avec les congrégations par l’intermédiaire des anciens, mais par leur intermédiaire.

Un jour, la police a trouvé l’un des meneurs complètement nu près du mont Mlanje, à la frontière du Mozambique. Cet homme a déclaré à ses adeptes que, comme Moïse, il avait obéi à Jéhovah qui l’appelait au sommet de la montagne pour lui donner des instructions. Ces faux enseignants qui se prétendaient oints ont malheureusement attiré à leur suite beaucoup de disciples. L’apostasie n’a cessé que quand 500 personnes ont été exclues. Cependant, bon nombre d’entre elles ont finalement reconnu leur erreur, se sont repenties et ont été réintégrées.

Nous sommes très heureux que deux des frères responsables de l’œuvre au Mozambique aient pu aller à Galaad pour y suivre un cours de cinq semaines à l’intention des membres des Comités de filiale. Cela a contribué dans une large mesure à assurer une bonne surveillance théocratique de l’œuvre dans ce pays.

LA GUERRE APPORTE D’AUTRES PROBLÈMES

Revenons maintenant au Zimbabwe. À mesure que la guerre se faisait plus violente, les problèmes de nos frères s’aggravaient. Ils menaient une vie très mouvementée. Dans bien des endroits, il n’était plus question d’avoir une vie normale. Beaucoup ne savaient pas ce que le lendemain leur apporterait. Essayez de vous mettre à la place de la famille de ce frère qui a envoyé cette lettre à la Société:

“Je vous écris pour vous raconter ce qui est arrivé à ma femme et à mes cinq enfants. Ils ont échappé de justesse à la mort alors qu’ils travaillaient dans notre champ de maïs. Des soldats appartenant aux deux camps ont commencé à se tirer dessus. Ils s’étaient placés de chaque côté du champ. Ma femme et mes enfants étaient couchés à plat ventre sur le sol tandis que les balles sifflaient au-dessus de leurs têtes. Des obus de mortier ont explosé à 10 mètres d’eux. Ils se trouvaient littéralement entre deux feux, et pourtant ils s’en sont sortis indemnes. Je suis persuadé que c’est grâce à la protection de Jéhovah. Les arbres autour de notre maison ont été fortement endommagés par les bazookas, mais la maison elle-​même est restée intacte.”

Ce frère parle ensuite d’une autre sorte de problème:

“Des soldats sont venus chez nous dans la soirée. Ils m’ont posé plusieurs questions, et je leur ai dit que j’étais Témoin de Jéhovah. Ils voulaient emmener mes filles pour la nuit, mais de leur propre initiative elles ont refusé. Même des menaces de mort ne les ont pas fait changer d’avis. Elles se rappelaient ce que Jésus a dit en Matthieu 10:28 et en Révélation 2:10, textes dont nous avions discuté quelque temps auparavant lors de notre étude familiale. Finalement, les hommes ont décidé de les laisser tranquilles.

“Les jeunes filles du monde qui ont accepté d’accompagner les soldats ont été violées. Nous sommes reconnaissants à Jéhovah qui continue de prendre soin de nous dans ces temps périlleux.”

Malheureusement, toutes nos jeunes sœurs n’ont pas échappé aussi facilement. Michaël Chikara, un surveillant itinérant, raconte ce qu’a subi une jeune chrétienne. D’abord elle a été frappée au menton. Puis, “comme elle se remettait de cette blessure, un groupe d’hommes l’ont maîtrisée et l’ont violée: elle se retrouve à présent avec un enfant”.

Frère Chikara nous rapporte aussi ce qu’une jeune sœur de 17 ans lui a déclaré. Voici la triste histoire qu’elle lui a confiée: “J’ai été emmenée de force par des soldats et j’ai été battue à quatre occasions différentes, deux fois par des soldats d’un camp et deux fois par ceux de l’autre camp.

“La première fois que j’ai été battue, je me demandais même si je survivrais. J’étais en train de guérir de mes blessures lorsque des soldats de l’autre camp sont arrivés dans la région. Ils ont rassemblé toutes les jeunes filles et les ont obligées à assister à leurs réunions.

“À cette occasion, un homme a exigé que j’étende une couverture par terre et a insisté pour que je couche avec lui. Je me suis sauvée en pleurant, mais il m’a suivie. Un autre homme s’est joint à lui pour me forcer à commettre un acte immoral. J’ai reçu un coup de crosse qui m’a renversée, mais en tombant j’ai crié si fort que finalement ils m’ont laissée. Je me suis mêlée à la foule très dense et par la suite on m’a aidée à rentrer chez moi dans l’obscurité, à l’insu de ceux qui m’avaient agressée.

“Quelques mois plus tard, une autre troupe de soldats sont arrivés dans la région. Ils m’ont emmenée avec eux et ont aussi pris neuf autres jeunes filles, en prétendant que nous avions été les amies des soldats de la faction opposée. Naturellement, en ce qui me concerne ce n’était pas vrai. Nous avons été battues au point de ne plus pouvoir bouger pendant des semaines. En tout, j’ai été battue quatre fois.”

Cette jeune sœur remarquable est restée forte spirituellement, bien qu’elle soit la seule de sa famille à être dans la vérité.

LES ENLÈVEMENTS — UNE PRATIQUE COURANTE

Les enlèvements d’adolescents sont devenus chose courante. Des troupes de soldats arrivaient dans les petits villages et faisaient sortir tout le monde. Alors que les adultes étaient forcés à chanter, les soldats choisissaient des adolescents, garçons et filles. Leur but était de former les garçons pour en faire des soldats, et les filles pour qu’elles leur servent de cuisinières et de maîtresses. Certains parents n’ont jamais revu leurs enfants.

Même nos frères ont parfois éprouvé cette terrible douleur. Un pionnier a écrit ce qui suit à la Société: “Ma fille et cinq autres jeunes ont été enlevés. Tous les six étaient des Témoins de Jéhovah baptisés.” Quelques-uns de nos frères chrétiens ont eu le chagrin de voir revenir leurs enfants, non plus en tant que Témoins, mais en tant que soldats, entraînés à l’art de la guerre. Cependant, ces cas ont été très rares.

UNE JEUNE CHRÉTIENNE COURAGEUSE

Voici l’histoire émouvante de Catherine Mbona, une jeune sœur de 14 ans qui habitait dans les districts de l’est et qui avait été enlevée. Ses parents (son père, Michaël, est pionnier depuis de nombreuses années) se demandaient s’ils la reverraient jamais. Imaginez leur joie et leur soulagement quand elle est revenue au village quelques jours plus tard, saine et sauve.

“Qu’est-​ce qu’ils t’ont fait?” ont-​ils demandé à Catherine. “Rien”, a-​t-​elle répondu.

“Qu’est-​ce que tu faisais alors pendant tout ce temps?”

“Je leur parlais de Jéhovah. Je leur donnais le témoignage.”

Quelque temps après, le chef de la troupe de soldats est arrivé au village et a voulu voir les parents de la jeune fille. Ceux-ci se demandaient avec appréhension quelle était la raison de sa visite. En fait, cet homme était venu spécialement les féliciter d’avoir aussi bien élevé leur enfant.

LES VILLAGES PROTÉGÉS

Étant donné que de plus en plus de villages devenaient des zones “chaudes” et que certains d’entre eux servaient à présent de lieux de refuge et de places fortes pour les guérilleros, le gouvernement a commencé à en évacuer les habitants. On a conduit ceux-ci dans des zones clôturées, ou villages protégés, qu’on appelait “les donjons”. Il s’agissait bien sûr d’une mesure de protection. N’empêche que ces gens avaient dû quitter leur maison, leurs biens, leur bétail et leurs cultures. Ils n’avaient pu prendre avec eux que ce qu’ils pouvaient porter.

Déjà en 1973 un surveillant de circonscription, Reuben Mpedza, faisait le rapport suivant: “En ce qui concerne les congrégations de Mukumbura, de Musingwa et de Chiutsi, les habitants de ces régions ont été évacués par le gouvernement, qui les a dirigés vers d’autres endroits. À cause de cette mesure, certains de nos frères n’ont plus de foyer.”

Imaginez que vous et votre famille, vous vous retrouviez soudain dans une zone clôturée avec presque rien. Ni maison ni installation sanitaire, juste le sol nu pour dormir. Comment nos frères qui se sont trouvés dans cette situation ont-​ils réagi? Le surveillant de circonscription poursuivait: “Il est quand même réjouissant de voir que malgré ces obstacles les frères prêchent avec zèle le Royaume de Jéhovah comme le seul espoir de l’humanité en détresse.”

On notera avec intérêt combien l’attitude des gens en général envers ces “donjons” était différente de celle des Témoins de Jéhovah. Alors que la plupart se lamentaient sur leurs pertes matérielles, les Témoins, eux, s’occupaient activement pour s’adapter à cette nouvelle situation. Du fait que les gens se trouvaient très près les uns des autres, les frères pouvaient les atteindre plus facilement pour leur prêcher le Royaume.

Dans un pareil endroit, du reste, les sœurs âgées étaient très heureuses. Auparavant, elles ne pouvaient être pionniers auxiliaires à cause du couvre-feu et parce que dans le territoire de leur congrégation les gens étaient très dispersés. “À présent, disaient-​elles, tous les gens sont proches les uns des autres, et il nous sera facile de servir comme pionniers auxiliaires.”

Naturellement, ce déplacement de population a eu pour effet d’interrompre la surveillance de certaines congrégations. Souvent les surveillants de circonscription ne savaient même pas si la congrégation qu’ils allaient visiter serait là ou non. Néanmoins, quand les villages protégés ont disparu à la fin de la guerre, les frères sont retournés progressivement chez eux, essayant de retrouver leur mode de vie antérieur. Certaines congrégations qui n’avaient plus été visitées par un surveillant itinérant depuis deux ou trois ans ont été de nouveau en mesure de bénéficier de sa visite.

ORGANISÉS POUR FAIRE FACE À LA SITUATION

Il est évident que pendant la guerre il a fallu s’adapter à différentes circonstances.

Pour aider les anciens, on avait prévu, entre autres, de tenir tous les ans une réunion spéciale dans chaque circonscription. Les surveillants de circonscription et de district la dirigeaient suivant un programme établi par la filiale. Ce programme était conçu en fonction des besoins des frères en cette époque particulière. Les anciens ont beaucoup apprécié cette disposition qui, comme ils le disaient, était exactement ce qu’il leur fallait pour les aider à accomplir leur œuvre de berger dans des conditions aussi défavorables. Non seulement les anciens eux-​mêmes, mais plusieurs autres frères ont fait savoir à la Société qu’ils avaient tiré un grand profit de cette formation reçue par les anciens.

Il n’y a aucun doute que cette disposition, ainsi que la formation régulière des anciens par le moyen de l’École du ministère du Royaume et des réunions spéciales lors des assemblées de circonscription, ont beaucoup contribué à l’unité des frères pendant toute la guerre.

“LIONS-​LE À UN ARBRE ET LAISSONS-​LE MOURIR”

C’est juste après avoir assisté à une de ces réunions pour les anciens que Jeremiah Chesa, un frère d’un certain âge, a connu une épreuve dont il nous fait le récit. Frère Chesa habite une région rurale. Voici ce qu’il raconte:

“Une troupe de soldats sont venus à mon domicile la nuit et m’ont emmené dans la brousse. Là ils m’ont demandé: ‘Où étais-​tu samedi et dimanche?’ Je leur ai répondu que j’étais allé à une réunion religieuse. ‘Sais-​tu, vieil homme, que tu es arrivé à la fin de ta vie? Nous avons déjà tué des gens plus importants qu’un pauvre chien comme toi.’ Ils ont alors crié: ‘Tuons-​le!’

“Cependant, l’un d’eux a déclaré: ‘Lions-​lui plutôt les mains et les jambes, puis attachons-​le à un arbre et laissons-​le mourir là.’ Après avoir été chercher une corde, ils m’ont dit: ‘Maintenant choisis: tu meurs ou tu cesses d’adorer ton Dieu.’

“‘Franchement, ai-​je répondu, je ne veux pas vous tromper en disant que je vais cesser d’adorer mon Dieu. Je l’adore jour et nuit.’

“Furieux, l’un d’eux s’est écrié: ‘Lions-​le à un arbre et laissons-​le mourir.’ Je suis donc resté toute la nuit attaché à un arbre.”

Le jour suivant, aux environs de midi, un chasseur est passé par là et a aperçu frère Chesa lié à l’arbre. Bien qu’indigné et un peu effrayé par ce qu’il voyait, il a quand même eu le courage de délivrer notre frère, qui est retourné chez lui. Qu’est-​il arrivé ensuite? Frère Chesa poursuit:

“Quelques jours plus tard, les soldats sont revenus chez moi et ont voulu savoir comment j’avais été détaché de l’arbre. Ils m’ont emmené dans la brousse et m’ont demandé qui m’avait délivré. Je leur ai dit que la réponse se trouvait dans la Bible en Psaume 146:5-7. Quelqu’un a ordonné qu’on lise ces versets.

“Cinq hommes à qui l’on avait commandé de relire le passage ont été battus parce que les chefs pensaient qu’ils ne lisaient pas correctement. Il était intéressant d’écouter leur conversation. ‘Qui exactement l’a délivré?’ ‘Nous ferions mieux de le laisser tranquille.’ ‘Tu as de la chance, vieil homme.’”

Pourquoi ces assassins en puissance ont-​ils soudain changé d’avis? Le passage des Écritures qu’ils avaient lu disait entre autres: “Heureux celui (...) dont l’espoir est en Jéhovah son Dieu. (...) Jéhovah met en liberté ceux qui sont liés.” Frère Chesa a pu retourner chez lui librement.

“JÉHOVAH (...) EST TOUJOURS AVEC VOUS”

C’est ce qu’a dit une femme qui n’était pas Témoin à l’une de nos sœurs fidèles. Dans quelles circonstances a-​t-​elle prononcé ces paroles? Frère Tauzen Chawanda nous raconte l’épreuve que lui et sa femme ont vécue alors qu’ils travaillaient dans une plantation de thé dans les districts de l’est.

“Le 23 décembre 1976, une troupe de soldats ont pénétré dans l’enceinte du village et sont venus chez moi. Quelques-uns des soldats ont été envoyés dans toutes les maisons pour rassembler la population. Puis on nous a emmenés là où se trouvait la fabrique et l’on nous a demandé de nous asseoir en cercle. Ma femme et moi étions les seuls Témoins.

“Ensuite ils ont ordonné à toutes les femmes de reculer et de regarder comment leurs maris allaient être tués. Tout haut, nous avons alors prié Jéhovah de nous protéger. Tandis que ma femme s’éloignait, une autre lui a dit: ‘Pour vous, cela ira mieux, car Jéhovah est votre Sauveur et il est toujours avec vous.’

“Quand les femmes ont été hors du chemin, les soldats ont déclaré aux hommes: ‘Nous vous avions dit de ne pas travailler, mais vous avez continué à le faire.’ Sur ce, deux soldats armés de mitraillettes ont fait feu sur le groupe d’hommes, puis tous se sont sauvés rapidement.

“Aussitôt les femmes ont accouru auprès de leurs maris ne sachant s’ils étaient morts ou non. Lorsque ma femme a voulu me relever, je lui ai assuré que j’allais très bien, mais tout d’abord elle ne m’a pas cru. Tous les autres hommes avaient été tués, et les femmes sont retournées dans l’enceinte du village. Lorsque plus tard je m’y suis rendu aussi, je me suis aperçu qu’elles étaient toutes rassemblées près de notre maison.

“Tandis que je m’approchais, celle qui avait parlé de la protection de Jéhovah déclarait à ma femme: ‘Je vous l’avais dit, Jéhovah est avec votre mari. Vous voyez, il est vivant grâce à la protection de Dieu.’”

NOS FRÈRES SE RÉUNISSENT MALGRÉ LES DIFFICULTÉS

Nous sommes heureux de vous faire savoir que pendant toute cette période critique nous avons pu tenir nos assemblées de district et de circonscription. Si cela a été possible, c’est surtout parce qu’elles avaient lieu dans les régions les plus sûres du pays. Quelquefois, les frères faisant partie de circonscriptions situées dans des régions dangereuses ont dû se rendre dans une autre circonscription pour se réunir avec leurs compagnons chrétiens. Mais au moins ils ont pu bénéficier du programme et rester forts spirituellement.

Dans beaucoup d’endroits, cependant, il n’était pas facile de tenir les réunions de la congrégation, principalement à cause du couvre-feu qui limitait les déplacements. C’était le cas en particulier pour la célébration du Mémorial, qui doit avoir lieu le soir. Habituellement le couvre-feu allait du crépuscule jusqu’à l’aube. Néanmoins, il commençait parfois à 16 heures et se terminait à 9 heures le lendemain.

Une excellente disposition a été prise pour résoudre ce problème le soir du Mémorial, spécialement dans les petites congrégations rurales. Tous les frères se rendaient au domicile d’un Témoin, et là ils pouvaient commémorer la mort du Christ au moment convenable. Évidemment, après avoir célébré le Mémorial il leur était impossible de rentrer chez eux, étant donné que durant le couvre-feu il ne leur était pas permis de s’éloigner de plus de quelques mètres du lieu où ils se trouvaient. Alors ils passaient la soirée à chanter des cantiques du Royaume et à relater des faits de prédication. Le lendemain matin ils retournaient chez eux, heureux d’avoir pu se réunir, conformément au commandement de Jésus, pour commémorer cet événement si important. — I Cor. 11:23, 24.

DE L’AIDE POUR LES NOUVEAUX

En réalité, ces dispositions spéciales qui avaient été prises pour le Mémorial et les autres réunions de la congrégation ont été d’une grande aide pour les frères et aussi pour toutes les personnes nouvellement intéressées à la vérité. Par crainte des coups ou d’autres mauvais traitements, ces dernières hésitaient à assister aux réunions ouvertement. Mais cette idée de passer la nuit chez un Témoin semblait leur donner du courage.

Un frère appartenant à une congrégation qui compte 13 Témoins a écrit à la filiale pour exprimer la joie que tous avaient ressentie en voyant 106 personnes présentes à la célébration du Mémorial, soit quelque 90 de plus que le nombre de proclamateurs.

Un autre frère, Michaël Mafara, qui servait en tant que pionnier spécial à l’époque, avait trouvé un moyen original de résoudre le problème posé par le couvre-feu et en même temps d’aider les personnes qui s’intéressaient à la vérité. Dans cette région le couvre-feu était très astreignant. On ne pouvait circuler que de midi à 14 heures. Dans la congrégation, les frères étaient répartis en trois groupes, et le seul moyen de déplacement était la marche. Que faire?

Frère Mafara eut une idée. Il désigna trois foyers où l’on pourrait tenir les réunions. Ainsi, durant les deux heures au cours desquelles on pouvait se déplacer, tous les frères et les sœurs se rendaient dans l’un de ces trois foyers. Ils restaient là jusqu’au lendemain midi, puis ils rentraient chez eux. Pour la réunion suivante, tout le monde se rendait dans un autre des trois foyers, et ainsi de suite. De cette façon, on avait largement le temps de tenir les réunions et de jouir de la compagnie des frères et des sœurs, ce qui permettait de se fortifier spirituellement.

Quant aux résultats, voici ce qu’écrit frère Mafara: “En visitant ces groupes, j’ai remarqué que même les personnes qui s’intéressaient depuis peu à la vérité venaient et passaient la nuit dans ces foyers pour pouvoir assister aux réunions. Bien qu’il n’y ait que 13 proclamateurs dans cette congrégation, à l’époque où le couvre-feu était en vigueur il y avait jusqu’à 21 personnes qui assistaient aux réunions. Auparavant, il n’y avait jamais eu une telle assistance.”

“COMME UNE CACHETTE CONTRE LE VENT”

Le prophète Ésaïe avait parlé de ceux qui serviraient comme bergers et surveillants dans l’organisation visible de Jéhovah. Il les avait comparés à “une cachette contre le vent et une retraite contre la tempête de pluie”. (És. 32:2.) C’est bien ce que nos fidèles surveillants itinérants se sont révélés être pendant les années de guerre.

Courageusement ils ont enduré toutes sortes d’épreuves pour aider leurs frères. Certains marchaient durant des jours dans la brousse, gravissaient des montagnes, traversaient de dangereuses rivières, dormaient à la belle étoile, tout cela pour visiter des congrégations et des proclamateurs isolés afin de les encourager à rester fermes dans la foi.

Pour vous donner un aperçu de ce qu’ils devaient affronter, nous voudrions vous relater un fait vécu par un surveillant de circonscription, Isaiah Makore. Avec un autre frère, Obet Sose, il parcourait à bicyclette les quelque 130 kilomètres qui le séparaient d’une partie du pays éloignée et dangereuse pour y visiter trois petites congrégations. Sur le chemin du retour ils ont été accostés par des “combattants de la liberté”. Mais laissons le surveillant de circonscription nous relater les faits:

“Nous avions parcouru à peu près 15 kilomètres quand soudain nous avons vu dans la brousse des hommes armés de fusils qui nous appelaient. Nous nous sommes dirigés vers eux avec nos bicyclettes. Aussitôt ils nous ont dépouillés de notre argent, de nos montres, toutes neuves, et d’autres objets personnels. Parmi l’argent il y avait les dons que m’avaient remis les congrégations que nous avions visitées et que je devais envoyer à la Société en leur nom.

“Pendant ce temps, on nous a demandé qui nous étions et ce que nous faisions. Il semble que ces hommes nous suspectaient d’être des agents ou des employés du gouvernement. Ne sachant pas ce qui allait nous arriver, je me suis mis à prier silencieusement Jéhovah pour qu’il nous protège, et surtout pour qu’il nous aide à ne pas faire de compromis. Plus tard, frère Sose m’a dit qu’il avait fait de même.

“Finalement, nous sommes parvenus à convaincre ces hommes que nous étions Témoins de Jéhovah et ministres religieux. J’ai été vraiment surpris quand ils nous ont remis l’argent qu’ils nous avaient pris. Néanmoins ils ont gardé nos montres et un ou deux autres objets.

“Ils nous ont ensuite permis de nous en aller, mais comme nous nous apprêtions à partir nous avons entendu un véhicule de l’armée qui s’approchait. Une bataille s’est déclenchée. Nous nous sommes jetés à plat ventre sur le sol tandis qu’au-dessus de nous les balles sifflaient. Heureusement, nous sommes sortis de là sans une égratignure et nous avons parcouru à vélo les 115 kilomètres qui nous restaient à faire.”

ILS ENDURENT LA TORTURE

Certains de nos surveillants itinérants, de même que d’autres frères et sœurs, ont subi de cruelles tortures. Prenons l’exemple de John Hunguka. Généralement, on connaissait et respectait la neutralité des Témoins de Jéhovah. Dans le cas présent, cependant, la prise de position ferme de John en tant que Témoin de Jéhovah semble avoir été à l’origine du terrible traitement qu’il a subi. Voici ce qu’il a raconté:

“Je marchais en direction de la congrégation suivante et j’avais rendez-vous avec un frère qui allait m’accompagner. Juste au moment où nous nous sommes rencontrés, nous avons été entourés de soldats. Ils possédaient un appareil électrique dont ils se servaient pour torturer tous ceux qui étaient susceptibles de leur donner des informations sur le camp opposé.

“C’est frère Mukwambo qui a subi le premier ce genre de torture. À plusieurs reprises, on a fait passer à travers son corps des décharges électriques pour le forcer à donner des renseignements, qu’il n’avait d’ailleurs pas. Pendant ce temps, on m’a ordonné de m’asseoir le dos tourné vers les soldats de sorte que je ne voyais pas ce qu’il se passait. J’ai alors prié Jéhovah silencieusement pour qu’il nous aide à maintenir ferme notre foi. Frère Mukwambo a finalement perdu connaissance.

“Après cela, on m’a interrogé. Quand les soldats ont appris que j’étais Témoin de Jéhovah, l’un d’eux m’a envoyé des décharges électriques dans le corps jusqu’à ce que je m’évanouisse. Lorsque je suis revenu à moi, ils ont recommencé à me questionner. Je leur ai expliqué de nouveau que j’étais neutre. Il semble que chaque fois que je mentionnais l’expression Témoin de Jéhovah, leur colère redoublait.

“Ils m’ont alors obligé à me déshabiller, puis ils ont attaché leur appareil à mes parties intimes et m’ont envoyé des décharges électriques. Après m’avoir menacé de mort si je racontais ce qu’ils m’avaient fait, ils m’ont laissé partir. Avec l’aide de frère Mukwambo, j’ai pu arriver jusque chez lui. Le lendemain, les frères m’ont mis dans un autobus qui allait à Mutare, où j’ai pu recevoir un traitement médical.”

Que pense John Hunguka de cette épreuve? “Je suis convaincu que Jéhovah m’a accordé sa protection pendant cette persécution. Je me sentais plus proche de lui que jamais auparavant. J’étais déterminé à continuer à visiter les frères dans ces régions, malgré les problèmes.” Et c’est exactement ce qu’il a fait, puisque la semaine suivante il se trouvait de nouveau dans la même région afin de poursuivre son service en tant que surveillant de circonscription.

DE NOUVEAU LA QUESTION DE LA NEUTRALITÉ

Alors que nos frères africains, surtout dans les régions rurales, voyaient leur foi fortement mise à l’épreuve, plusieurs frères de race blanche devaient encore défendre leur foi devant les tribunaux. En réalité, beaucoup plus de frères se trouvaient dans ce cas du fait que l’âge limite de la conscription avait été porté à 50 ans.

Cette situation avait un aspect positif, car ces Témoins plus âgés, dont bon nombre servaient comme anciens, étaient mieux à même de parler avec hardiesse de leur fidélité envers le Royaume messianique. Il en est résulté un puissant témoignage. Par exemple, voici ce que Gordon Hein a dit au conseil de révision, sur un ton aimable mais ferme: “Vous pouvez me mettre contre ce mur et me fusiller, mais rien ne me fera changer d’avis: Je resterai fidèle à Jéhovah et à son Royaume.”

Un autre frère a eu l’occasion de donner un excellent témoignage devant le conseil de révision. Il s’agit de Koos deWet. Bien que celui-ci ait expliqué sa position très clairement et avec force, sa demande d’exemption a été rejetée. Frère deWet nous explique ce qui s’est passé ensuite:

“Après qu’ils ont décidé de ne pas m’accorder d’exemption, le chef des effectifs de réserve est venu m’informer en privé de cette décision. Dans le cours de la discussion, j’ai attiré son attention sur le fait que pas un seul Témoin de Jéhovah ne se trouvait parmi ceux qui luttaient contre le pays. Il m’a répondu qu’il le savait. ‘Et comment le savez-​vous?’ lui ai-​je dit. J’ai ajouté: ‘Parce que dans tous les pays qui nous entourent les Témoins de Jéhovah adoptent la même position que celle que j’ai adoptée devant vous aujourd’hui.’

“Il a reconnu que s’il avait dans le passé considéré les Témoins comme un fléau, il s’était rendu compte au cours des années qu’ils avaient la meilleure religion.”

NOTRE NEUTRALITÉ DEVIENT NOTOIRE

À présent, il était clair dans tout le pays que les Témoins de Jéhovah n’appartenaient ni à un camp ni à l’autre. Les frères qui vivaient dans les territoires nationaux étaient bien placés pour en témoigner.

Le fait suivant a eu lieu en 1978. On avait annoncé l’assemblée de district “La foi victorieuse”. Les frères de la région de Hurungwe voulaient y assister et pour cela ils devaient louer un autocar. Mais laissons David Mupfururirwa nous raconter ce qui s’est passé. À l’époque il était surveillant de district, et actuellement il sert comme pionnier spécial avec sa femme Betty. Il raconte:

“Les ‘combattants de la liberté’ contrôlaient cette région, ce qui voulait dire qu’ils contrôlaient aussi l’utilisation des autocars qui y venaient et en partaient. Personne ne pouvait louer un autocar ou même quitter la région sans leur permission. Et encore avait-​on des ennuis. En effet, à un moment donné on se trouvait bloqué à un barrage dressé par les forces de sécurité du gouvernement. Celles-ci savaient qu’un autocar ne pouvait partir qu’avec l’autorisation des guérilleros. Aussi le tenaient-​elles pour suspect. Il était donc soigneusement fouillé, ainsi que les bagages et les paquets, au cas où des bombes et d’autres armes y seraient dissimulées.

“Or, un jour le bruit parvint au chef des ‘combattants de la liberté’ que les Témoins essayaient de louer un autocar. Certains hommes furent alors envoyés chez le propriétaire des autocars pour savoir ce qu’il en était. Ce dernier leur déclara que c’étaient les Témoins de Jéhovah qui voulaient louer un véhicule, mais qu’il ne leur avait pas encore donné son accord. On transmit cette information au chef. D’après ce qui fut rapporté aux frères, la conversation se déroula à peu près comme suit:

“‘Chef, saviez-​vous que les gens qui veulent louer un autocar sont des Témoins de Jéhovah?’ ‘Oui.’ ‘Pourquoi ne l’avez-​vous pas dit plus tôt? Nous n’aurions pas perdu notre temps à prendre des renseignements à leur sujet. Vous savez qu’ils sont neutres. Ils ne sont pas une menace pour nous. Je me sens même beaucoup mieux quand je suis parmi eux que quand nous sommes entre nous. Nous allons leur permettre de louer l’autocar.’

“Plus tard, le chauffeur de l’autocar déclara aux frères: ‘Vous, vous avez le soutien de Jéhovah. D’autres Églises ont essayé de louer un autocar, mais ni les “combattants de la liberté” ni les forces de sécurité ne leur en ont donné l’autorisation.’”

UN AUTRE OBSTACLE À SURMONTER

Les frères se dirigèrent donc vers Chinhoyi où devait avoir lieu l’assemblée de district. Mais ils arrivèrent à un barrage. Cette fois ils avaient affaire aux forces de sécurité. Chacun reçut l’ordre de descendre et d’ouvrir ses bagages et ses paquets. Comme les frères commençaient à s’exécuter, un soldat demanda d’où ils venaient et où ils allaient. Un frère dit: “Nous sommes des Témoins de Jéhovah et nous allons à Chinhoyi pour assister à notre assemblée religieuse.”

“Vous êtes tous Témoins de Jéhovah?” demanda le soldat.

“Oui, Monsieur.”

“Alors, remettez vos bagages en place et allez à votre assemblée.”

Comme les frères remontaient dans l’autocar, ils entendirent la conversation suivante entre deux soldats:

“Eh bien, pourquoi le laisses-​tu partir?”

“Ce sont des Témoins de Jéhovah, les citoyens les plus paisibles qui soient. Inutile de perdre notre temps avec eux.”

Soit dit en passant, les “combattants de la liberté” avaient fait savoir aux frères qu’ils n’avaient pas à s’inquiéter pour leur assemblée. Rien ne viendrait entraver son déroulement. Et il en fut bien ainsi.

LES JOURS LES PLUS SOMBRES DE LA GUERRE

À présent nous arrivions dans la période la plus critique de la guerre. Il n’y avait plus d’endroits sûrs. À mesure que les forces du gouvernement subissaient des pressions de plus en plus fortes, le front pouvait se trouver n’importe où dans le pays, dans les villes comme dans la campagne. Dans la première partie de 1978, les villes étaient le théâtre d’attentats à la bombe et à la grenade à main. Dans la capitale, une bombe a détruit une façade d’un des bâtiments de la Woolworth, faisant plusieurs morts et causant la mutilation de beaucoup. À Mutare, une femme est entrée dans un grand magasin une grenade fixée à une jambe. La grenade a explosé, tuant la femme ainsi que d’autres personnes.

Pour faire face à la situation, on a pris des mesures de sécurité très strictes. Quiconque voulait entrer dans un grand magasin était fouillé au préalable. Les chemins ruraux étaient minés et l’on ne pouvait voyager sur la plupart des grandes routes qu’en convoi, sous la protection de l’armée et pendant la journée.

LES CONSÉQUENCES POUR LES CONGRÉGATIONS

Naturellement, les activités des congrégations ont été très perturbées, et dans beaucoup d’endroits elles ont même cessé. Parfois, les surveillants de circonscription ne pouvaient pas atteindre les congrégations qu’ils devaient visiter. Pour essayer de résoudre ce problème, on a désigné des frères locaux dignes de confiance qui s’efforceraient de rester en contact avec ces congrégations. Ces frères locaux avaient un avantage sur les surveillants itinérants qui souvent étaient étrangers à la région.

Malgré cette disposition, certaines congrégations étaient coupées de tout, à tel point que pendant deux ou trois ans on n’en a plus eu de nouvelles. Selon les récits parvenus à la filiale, des congrégations entières ont dû fuir et ont vécu dans des cavernes jusqu’à ce que les circonstances permettent aux frères et aux sœurs de retourner chez eux.

Bien sûr, tout cela n’a pas été sans avoir une incidence sur les rapports reçus par la Société. Le nombre de proclamateurs baissait régulièrement. Ils étaient en moyenne 12 127 en 1976 et seulement 10 087 en 1981. Cette baisse était due en majeure partie aux conditions de vie qui existaient à cette époque.

Dès que cela a été possible, les surveillants de circonscription se sont mis en contact avec ces congrégations “perdues”. À ce propos, voici le rapport très encourageant qu’a envoyé John Hunguka:

“À cause de la guerre, ces frères et ces sœurs n’ont pas eu la visite d’un surveillant de circonscription pendant deux ans. Mais il est réconfortant de savoir comment ils ont fait face aux problèmes. Les parents tenaient ferme et protégeaient leurs enfants contre l’intimidation, la violence et les violeurs armés. Ils restaient attachés aux principes élevés de la Bible. Du reste, ils se conduisent toujours en Témoins de Jéhovah, bien qu’ils soient séparés des autres depuis au moins deux ans.”

Frère Hunguka ajoute que certains sont devenus inactifs pendant cette période et que quelques-uns, ayant cédé à la crainte, ont fait des compromis en ce qui concerne la neutralité. Mais quelle joie d’apprendre que la grande majorité des frères ont enduré toutes ces épreuves en gardant intactes leurs relations avec Jéhovah!

ILS SE SONT CONFIÉS EN JÉHOVAH

Quand on passe en revue ces années critiques, une chose ressort très clairement. Ces fidèles serviteurs de Jéhovah ‘se sont confiés en lui de tout leur cœur’ et Jéhovah, à son tour, leur a accordé sa protection et l’aide nécessaire pour endurer (Prov. 3:5). Quelques exemples nous aideront à mieux comprendre cela.

Considérons la situation d’Eric Hitz, un surveillant de circonscription qui, accompagné de sa femme Jane, a desservi les congrégations d’expression anglaise pendant la majeure partie de cette période. N’oubliez pas que, particulièrement durant les dernières années de guerre, on ne pouvait voyager sur la plupart des routes principales qu’en convoi et que beaucoup de routes secondaires étaient truffées de mines. De plus, des bandes de malfaiteurs pouvaient surgir à tout moment.

Frère et sœur Hitz devaient emprunter nombre de ces routes. Bien qu’on les ait fortement conseillés de porter des armes pour se protéger, ils ont refusé de le faire. Ils se sont plutôt confiés en Jéhovah. Frère Hitz a déclaré: “Souvent on nous a dit que nous étions fous de voyager sur certaines de ces routes, que nous y laisserions notre vie. Mais Jéhovah nous a protégés. L’amour et la sollicitude des frères que nous visitions à cette époque étaient vraiment remarquables, et nous pensions que les risques que nous prenions en valaient la peine.”

Sœur Hitz expliquait qu’une fois, pour une raison quelconque, son mari et elle avaient quitté la congrégation un jour plus tard que prévu. Le lendemain, en reprenant la route, ils ont vu les véhicules carbonisés d’un convoi qui avait été attaqué. S’ils avaient voyagé le jour précédent, comme il avait été convenu, ils auraient fait partie de ce convoi. “Mais je pourrais vous raconter beaucoup d’autres faits semblables”, a ajouté notre sœur.

Plus tard, ces deux Témoins fidèles ont suivi les cours de l’École de Galaad et à présent ils sont missionnaires en Suisse.

Stephen Gumpo a lui aussi montré une totale confiance en Jéhovah. Lui et sa femme Gladys servent actuellement au Béthel. Alors qu’il était pionnier spécial, frère Gumpo a subi, comme frère Hunguka, la torture par l’électricité. “Dans des moments pareils, dit-​il, on ferait n’importe quoi: on mentirait, on consentirait à des compromis. On ferait n’importe quoi pour ne plus éprouver cette douleur atroce. C’est uniquement grâce à la force que m’a donnée Jéhovah que j’ai pu endurer et rester fidèle.” Frère Gumpo a ajouté que d’autres sont morts pour avoir subi le même traitement.

L’ESPOIR DE LA RÉSURRECTION AIDE À ENDURER

Bien qu’il y ait de nombreux cas où Jéhovah a protégé et délivré miraculeusement ses fidèles, cela ne signifie pas qu’un serviteur de Dieu évitera toujours la mort. Parfois il devra prouver sa fidélité à Jéhovah ‘jusqu’à la mort’; il sera ainsi assuré de recevoir “la couronne de vie” par le moyen de la résurrection. — Jacq. 1:12.

Ce qu’a raconté Tembe Mtshiywa, un frère fidèle qui a montré sa confiance en Jéhovah par une foi solide en la résurrection, est à la fois triste et encourageant. Il a perdu trois fils à cause de la guerre. Deux ont été tués lorsque leur voiture a été attaquée; le troisième, Abutte, un jeune surveillant de circonscription, a été assassiné alors qu’il se rendait d’une congrégation à une autre à bicyclette. Pour autant que nous le sachions, c’est le seul Témoin de Jéhovah qui ait été tué pendant la guerre parce qu’il était Témoin.

Frère Mtshiywa a relaté que ses amis, sa parenté et même le chef de la région ont fait pression sur lui pour qu’il apaise les esprits de ses ancêtres. Ces gens prétendaient que s’il était frappé aussi durement, c’était pour avoir rejeté le culte de ses ancêtres. Néanmoins, il a résisté fermement à ces pressions, gardant une foi forte en la résurrection. Il a déclaré que ses compagnons chrétiens et l’organisation de Jéhovah lui ont prodigué un grand réconfort. Ce frère est toujours pionnier et ancien dans sa congrégation.

“JÉHOVAH SAIT DÉLIVRER”

Comme ces paroles se sont révélées exactes (II Pierre 2:9)! Jeremiah Mupondi est bien placé pour en témoigner. C’est un jeune pionnier spécial qui n’a qu’une seule oreille. Comment cela est-​il arrivé? Écoutons-​le:

“Nous venions juste de quitter le surveillant de circonscription ainsi qu’un groupe de proclamateurs et nous retournions chez nous [dans une région rurale]. Une troupe de soldats nous y attendaient. Ils nous avaient vus avec le surveillant de circonscription et pensaient que nous étions des ‘vendus’. Ils nous ont dit qu’on les avait envoyés nous chercher.

“Au cours de la discussion, ils ont voulu nous forcer à crier des slogans tels que ‘Vive la guerre’ et ‘À bas Jésus’. Nous avons fermement refusé. Ensuite, avec du fil de fer, ils ont lié les mains des frères derrière leur dos. Ils ont aussi pris nos publications et les ont brûlées.

“Il y avait une jeune sœur avec nous. Ils ont essayé de lui faire reconnaître qu’elle avait été obligée à devenir Témoin de Jéhovah. Comme elle refusait, les soldats l’ont battue jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. Lorsqu’elle est revenue à elle, elle les a entendu dire qu’elle avait admis avoir été forcée à devenir Témoin. Du sol où elle gisait, elle a crié: ‘C’est un mensonge, je n’ai jamais dit cela.’ De nouveau elle a été battue jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse.

“Un autre frère et moi-​même avons été contraints de nous étendre sur le sol. Ce frère a été si cruellement battu qu’il est devenu presque aveugle. Quant à moi, ils m’ont saisi par l’oreille, ont brandi un couteau et m’ont dit qu’ils me la couperaient si je ne répétais pas les slogans. Je suis resté silencieux. Les soldats ont mis leur menace à exécution, ils m’ont coupé l’oreille. C’est alors que j’ai commencé à puiser beaucoup de force dans l’espoir de la résurrection.

“Ensuite nos persécuteurs se sont tournés vers sœur Muchini et l’ont menacée de couper en morceaux son bébé de cinq mois si elle refusait de crier ‘Vive la guerre’ et ‘À bas Jésus’. Face à cette menace et sachant ce qu’ils avaient déjà fait, cette sœur fidèle a refusé. Sans doute les soldats ont-​ils été impressionnés, car ils n’ont pas tué son bébé.

“Finalement, on nous a laissés partir. Cependant, dix jours plus tard, une autre bande nous a attaqués. Nous avons connu les mêmes menaces et les mêmes mauvais traitements. Tous les cinq, nous sommes restés fidèles.”

En cette dernière circonstance, frère Mupondi a déclaré aux hommes qui les avaient traités si cruellement: “Nous ne cesserons pas de prêcher ni de nous réunir, même si cela doit nous coûter la vie. Nous sommes déterminés à mourir pour le nom de Jéhovah.” C’est alors que les frères ont entendu certains de leurs persécuteurs dire en partant: “Jéhovah est le vrai Dieu.”

Peu après, Jeremiah Mupondi ainsi que son frère aîné sont devenus pionniers. Depuis lors, Jeremiah et son compagnon, Arnold Chamburuka, ont vécu des moments passionnants dans le service de pionnier spécial.

LA RÉORGANISATION APRÈS LA GUERRE

Enfin la guerre s’est arrêtée. Tout d’abord placé sous l’autorité d’un gouverneur britannique, de janvier 1980 jusqu’en avril de la même année, le pays a ensuite connu son premier gouvernement majoritaire. Il a aussi reçu son nouveau nom: Zimbabwe.

Alors a commencé une période de réorganisation, dans le pays en général mais aussi chez le peuple de Jéhovah. Cependant, tandis que le programme de réorganisation du nouveau gouvernement connaissait et connaît encore beaucoup de problèmes, le peuple de Jéhovah, lui, enregistrait des progrès constants. La situation faisait penser à celle qu’avait vécue la congrégation chrétienne au premier siècle. Après toute une période de troubles et de persécutions, voici ce que rapporte le récit contenu en Actes 9:31: “Alors, vraiment, la congrégation, dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie, connut une période de paix, et elle s’édifiait; et, comme elle marchait dans la crainte de Jéhovah et dans la consolation de l’esprit saint, elle se multipliait.”

Il semblait en aller de même au Zimbabwe. Conformément au programme d’amnistie du gouvernement, nos frères qui se trouvaient en prison ont été relâchés et ont pu reprendre leurs occupations normales. Les frères qui avaient, pendant la guerre, envoyé leur famille dans les villes pour les mettre à l’abri ont pu être réunis à leurs êtres chers. Les congrégations qui avaient été un moment désorganisées ont retrouvé leur stabilité. Dans une atmosphère de paix, l’œuvre consistant à rendre témoignage au Royaume a alors connu un essor prodigieux; en l’espace de deux ans nous avons enregistré un excellent accroissement:

Moyenne Moyenne Assistance

proclamateurs pionniers au Mémorial

1981 10 078 484 28 103

1983 11 552 671 33 914

Ainsi que vous pouvez le constater, il n’a pas fallu attendre longtemps pour que nos frères reprennent une excellente activité théocratique. D’ailleurs, les moyennes par proclamateur ont connu un très bon accroissement, ce qui prouve que les frères et les sœurs, individuellement, font un meilleur travail qu’avant 1981.

DAVANTAGE D’INTÉRÊT POUR LE MESSAGE DU ROYAUME

Pendant une courte période après la guerre, les gens n’avaient pas le temps d’écouter le message du Royaume. Au cours du conflit, beaucoup de promesses avaient été faites, et maintenant les gens espéraient les voir se réaliser. Mais les choses ne se sont pas passées ainsi.

Bientôt les répercussions de la guerre sont devenues évidentes: on notait un accroissement du crime et de la violence, choses presque inconnues dans le pays avant la guerre. Pour la première fois, les pénuries devenaient un gros problème. Les enlèvements et autres actions des dissidents rendaient certaines régions dangereuses.

Tout cela n’a pas été sans exercer une influence sur beaucoup, qui ont commencé à se demander sérieusement si l’homme était capable de diriger ses propres affaires. Bon nombre de ces gens-​là se sont alors rappelé la position des Témoins de Jéhovah durant la guerre, leur fidélité au Royaume messianique de Dieu, qui est le seul remède aux maux de l’humanité. Voici ce qu’une personne a écrit à la Société: “Je m’opposais fortement à vous à cause de votre position pendant la guerre. Mais maintenant je me rends compte que vous êtes vraiment le peuple de Dieu.”

D’ailleurs, la filiale n’avait jamais reçu autant de lettres demandant l’aide des Témoins de Jéhovah que depuis la fin de la guerre. Par exemple, voici le contenu d’une lettre envoyée par une personne qui s’intéressait à la vérité: “J’ai été ravi d’apprendre une aussi bonne nouvelle, car avant qu’un ami me donne ce livre j’avais l’habitude de boire, de fumer et de m’occuper de politique. Je me sentais esclave de toutes ces choses. Maintenant je me sens libre. Je voudrais étudier la Bible avec vous, s’il vous plaît. Pouvez-​vous m’envoyer une Bible pour que je puisse l’étudier avec l’aide des Témoins de Jéhovah?”

Les frères dans les congrégations pourraient nous relater des faits semblables. Rabson Daniel, un surveillant de circonscription qui est dans le service à plein temps depuis 34 ans, rapporte que dans certaines régions les gens venaient chez les frères à la fin du mois pour leur demander des périodiques. Une sœur pionnier qui se préparait à aller distribuer des périodiques les a tous placés à ceux qui étaient venus à sa porte pour en obtenir.

Un directeur d’école a récemment écrit à la Société pour lui demander 45 exemplaires d’un livre ou d’une brochure qui pourrait servir pour l’enseignement religieux. D’une autre école la filiale a reçu cette lettre:

“Je vous écris au nom du corps enseignant et des élèves de l’école secondaire de Nyangani. Fondée en 1981, notre école est en plein développement, et au cours des derniers mois nous avons entrepris de former une bibliothèque. Naturellement, nous estimons que l’instruction religieuse est un aspect essentiel de l’enseignement. Récemment nous avons reçu en don quelques-unes de vos publications et nous avons constaté qu’elles répondaient très bien à nos besoins. À présent, nous aimerions avoir plus de renseignements. Réveillez-vous!, notamment, est facile à lire et contient des articles très divers.

“Si vous avez des brochures contenant les prix courants, elles nous seraient certainement utiles dans l’avenir.”

TOUJOURS DES PROBLÈMES

Bien sûr, même si la situation évoluait, cela ne signifiait pas que les serviteurs de Dieu n’avaient plus de problèmes. Ils devaient faire face aux mêmes difficultés que les autres. Certaines régions restaient dangereuses à cause de l’action antigouvernementale, et le crime et les alertes à la bombe n’avaient pas disparu.

En outre, nos frères devaient faire face à d’autres problèmes qui mettaient leur foi à l’épreuve. Les organisations politiques locales voulaient obliger les Témoins à s’occuper de politique. Notre refus constant nous valait d’être sans cesse harcelés, mais en contrepartie de nombreuses occasions s’offraient à nous pour donner le témoignage devant les autorités locales et devant différents groupes de gens.

Ben Mapuranga, un surveillant de circonscription, nous explique que frère Tauzen Brown a été amené devant une foule de plus de 400 personnes pour expliquer sa neutralité. En premier lieu, il a montré pourquoi il refusait de répéter un slogan politique. Il a donné ensuite un excellent témoignage concernant le Royaume de Dieu et la neutralité chrétienne.

Après quoi le président a demandé à tous les Témoins de Jéhovah présents de se lever, puis il leur a posé cette question: “Est-​il vrai que vous non plus vous ne voulez pas prendre la carte du parti?” “Oui!” ont-​ils tous déclaré avec enthousiasme. Ils ont ajouté: “Car nous aussi nous sommes des ministres de Dieu.” L’assistance a alors crié qu’il fallait les battre, mais le président a répondu: “Il ne faut pas les battre, ces gens sont innocents. Qu’ils rentrent chez eux. Ils ont expliqué leur position.”

LA POSITION DU GOUVERNEMENT ENVERS LES TÉMOINS

Partout dans le pays, les groupes politiques locaux, et surtout les mouvements de la jeunesse, essayaient de forcer nos frères à abandonner leur neutralité. Néanmoins, la position officielle du gouvernement sur cette question était très encourageante. La politique générale qu’il avait adoptée était de laisser les Témoins de Jéhovah poursuivre tranquillement l’œuvre du Royaume.

Dans la première partie de 1983, un rassemblement politique s’est tenu dans une certaine ville, et un ministre d’État y était présent. Après son discours, on a donné au public la permission de poser des questions. L’une d’elles portait sur les Témoins de Jéhovah et leur refus de prendre part à des activités politiques. Le ministre a demandé à la foule: “Les Témoins de Jéhovah ont-​ils combattu contre nous lors de notre lutte pour la liberté?”

“Non.”

“Combattent-​ils contre nous à présent?”

“Non.”

“Alors laissez-​les tranquilles. Ils ne sont pas nos ennemis.”

Dans d’autres parties du pays les mêmes questions ont été soulevées et les réponses ont été semblables à celle du ministre.

“QU’ILS POURSUIVENT LEUR ŒUVRE”

Un fait récent rapporté par un surveillant de district, Caleb Mandiwanza, nous fera mieux comprendre l’attitude actuelle du gouvernement à l’égard de l’œuvre du Royaume. Deux frères habitant la campagne avaient été amenés devant les fonctionnaires du parti politique local pour qu’ils expliquent pourquoi ils refusaient la carte du parti. On n’accepta pas leurs explications et on les conduisit au siège du parti, dans une grande ville. De nouveau, les deux frères ont pu exposer, à l’aide de la Bible, les raisons de leur position.

Une fois de plus, les fonctionnaires ne savaient que faire. Ils résolurent de les renvoyer au bureau principal de la police. Là, on décida de téléphoner au siège du gouvernement, à Harare. Quelle fut la réponse? “Le gouvernement connaît cette organisation. Laissez partir ces hommes. Ne les accusez plus. Qu’ils poursuivent leur œuvre de prédication. Ne les inquiétez pas et ne les convoquez pas à vos réunions [politiques].”

“PROGRÈS DE LA BONNE NOUVELLE”

Dans sa lettre à la congrégation de Philippes, l’apôtre Paul disait que ce qui lui était arrivé avait “tourné au progrès de la bonne nouvelle”. (Phil. 1:12.) C’est également vrai de nos jours. Le fait que nous venons de relater a rendu possible un excellent témoignage dans la région où habitent ces deux frères. Une personne a quitté officiellement sa religion et a demandé d’étudier la Bible avec les Témoins de Jéhovah. Le récit suivant est encore plus probant.

Kenias Chemere, un pionnier spécial, conduisait des études de la Bible avec des professeurs et des directeurs d’école notamment. Parmi ces personnes, six se sont rendu compte que ce qu’elles apprenaient était la vérité. Aussi ont-​elles démissionné du parti politique local. Cela a déclenché la fureur de certains. Le conseiller municipal a pris l’affaire en main et a ordonné à tous les Témoins de Jéhovah de quitter sa juridiction dans un délai de quelques semaines.

Suivant une suggestion de la filiale, le pionnier spécial et le surveillant de circonscription, Steyn Madakuchekwa, ont porté l’affaire devant l’administrateur du district. Puis la police a été saisie de la question. Finalement, le conseiller qui avait ordonné aux Témoins de quitter la région a été averti de les laisser tranquilles. La même consigne a été donnée au président du parti politique. Celui-ci a dit à frère Chemere: “Votre affaire est réglée. Nous avons reçu un sévère avertissement.”

Quel a été le résultat de tout cela? Le “progrès de la bonne nouvelle”. Plusieurs nouvelles études de la Bible ont été commencées. Ceux qui s’intéressaient déjà à la vérité se sont sentis poussés à prendre fermement position et certains se sont même préparés au baptême. Bien que le pionnier spécial ait été nommé dans un autre territoire, le surveillant de circonscription a insisté pour qu’il lui soit permis de rester étant donné que tout cela avait suscité beaucoup d’intérêt pour le message du Royaume.

Deux autres jeunes pionniers spéciaux qui ont connu récemment une situation identique ont raconté quels en ont été les résultats. Ils ont écrit: “Un homme qui était très hostile à toute la congrégation à cause de la question de la neutralité étudie à présent la Bible avec nous. Il fait d’excellents progrès. Il a cessé de fumer en une semaine, après avoir fait usage du tabac pendant 25 ans. Quand il a appris que sa religion faisait partie de Babylone la Grande, il a rompu tout lien avec elle.”

On pourrait relater bien d’autres récits semblables qui attestent ‘qu’une grande porte a été ouverte qui donne accès à l’activité’. (I Cor. 16:9.) Nous remercions Jéhovah de nous avoir offert un territoire aussi productif. Mais Paul disait aussi: “Il y a beaucoup d’adversaires.” Il faut s’y attendre. Cependant, étant donné que le gouvernement nous protège contre nos ennemis, la situation s’est beaucoup améliorée et nous jouissons d’une plus grande liberté.

ZÉLÉS POUR LES BELLES ŒUVRES

Nos frères ont rapidement tiré parti des circonstances actuelles pour faire avancer les intérêts du Royaume. Le Recueil d’histoires bibliques a joui d’une très grande popularité parmi les élèves et les professeurs. Sheva Mawasu, un frère qui est instituteur, a déclaré: “Selon le directeur, le Recueil d’histoires bibliques est tout à fait en accord avec le programme d’instruction religieuse. Je suis heureux de vous dire qu’à présent il utilise ce livre dans sa classe.”

Tirant parti de la situation, ce frère a pris des dispositions pour qu’on se serve de la publication Comment apprendre à lire et à écrire avec les élèves du cours élémentaire et du livre Votre jeunesse — Comment en tirer le meilleur parti avec ceux des classes supérieures.

Un autre Témoin plein d’initiatives a découvert comment surmonter un problème à l’école. Ce jeune frère refusait de chanter des chants patriotiques et de dire la prière avec les autres. Il ne voulait pas non plus prendre part à certaines distractions. Il nous raconte ce qui s’est passé:

“Quand le directeur a appris que je refusais de chanter et de prier avec les autres, il m’a fait appeler dans son bureau. Je lui ai expliqué les raisons de ma conduite. Je lui ai ensuite demandé s’il voulait que nous chantions nos cantiques. Il a accepté. Peu après, les enfants des Témoins de Jéhovah, d’autres élèves et même le professeur se sont mis à chanter le cantique ‘Adore Jéhovah durant ta jeunesse!’.”

Ce jeune frère, Jerasi Nyakurita, servait comme pionnier auxiliaire pendant qu’il était à l’école. À présent il est pionnier permanent.

UN INTÉRÊT ACCRU

Toute cette activité déployée par les proclamateurs, de même que les excellents articles de La Tour de Garde et de Réveillez-vous! ainsi que les autres publications ont éveillé un grand intérêt pour le message du Royaume. Des lettres de remerciement ne cessent d’affluer à la filiale. Voici par exemple ce qu’a écrit un jeune élève d’une école secondaire:

“Je ne vous remercierai jamais assez pour la bonté que vous m’avez témoignée. J’ai l’impression que c’est Dieu lui-​même qui m’a béni. Je vous suis reconnaissant de m’avoir envoyé votre messager fidèle et plein d’amour. Je désire encourager tous les Témoins de Jéhovah à poursuivre leur œuvre, y compris ceux qui travaillent à l’impression de livres aussi utiles que celui qui s’intitule Comment choisir le meilleur mode de vie. Je ne trouve rien à critiquer dans aucun de vos ouvrages.”

Là où il n’y a pas encore de Témoins, certaines personnes qui s’intéressent depuis peu à la vérité emploient elles aussi les publications pour enseigner autrui. L’une d’elles a envoyé de l’argent pour recevoir quatre abonnements à La Tour de Garde. Dans sa lettre elle déclare: “Nous habitons une contrée reculée et nous avons commencé à lire Nharire [La Tour de Garde en chona]. Nous vous demanderons bientôt de nous envoyer un responsable pour nous aider. Nous sommes à peu près sept familles, soit environ 12 personnes.”

Même les autorités locales font à présent bon accueil aux Témoins. Dernièrement, un pionnier spécial a été nommé dans un territoire isolé. Frère Chinamhora, qui possède une propriété dans la région, est allé voir les autorités locales pour leur parler de la venue de ce pionnier. Le président du parti politique du village a dit à frère Chinamhora: “Voilà une bonne nouvelle. Amenez-​le-​nous, nous dirons au parti que nous allons avoir un prédicateur qui ira de maison en maison et qu’il ne faut pas l’inquiéter.”

L’adjoint du chef de la localité a fait ce commentaire: “C’est une bonne chose. La région sera remplie d’amour et la criminalité baissera.” Si vous étiez pionnier spécial, n’aimeriez-​vous pas être nommé dans un tel territoire?

LA SÉCHERESSE

Au cours des trois dernières années, un problème d’un nouveau genre s’est posé. Comme plusieurs autres pays de l’hémisphère austral, le Zimbabwe est durement frappé par la sécheresse. Cette sécheresse est la pire que l’on ait jamais connue. Dans certains endroits, les bêtes meurent comme des mouches. Les animaux sauvages dépouillent les arbres de leur écorce puis la mangent, afin de trouver un peu d’humidité. Tous, y compris nos frères, souffrent beaucoup de cette situation.

Rapidement, des frères et des sœurs attentionnés ont pris des dispositions pour pourvoir aux besoins de leurs compagnons chrétiens durement touchés. C’est, entre autres, dans le cadre des circonscriptions que les secours sont maintenant organisés. Les surveillants de district discutent de la question avec les anciens aux assemblées de circonscription. Ils ont ensuite la responsabilité de rassembler les dons et de les faire parvenir là où les besoins sont plus importants. Cette disposition permet d’éviter que des agents de la poste peu scrupuleux ne volent l’argent ou la nourriture envoyés. Plusieurs lettres exprimant la gratitude des frères pour l’aide qu’ils ont reçue sont déjà parvenues à la filiale.

À présent que nous arrivons à la fin de ce rapport, nous avons lieu de nous réjouir. En effet, au cours des 24 années écoulées, nous n’avions jamais pu dépasser notre maximum de 13 493 proclamateurs. Cependant, en avril 1984 nous avons dépassé ce chiffre, puisque nous étions 13 621 à prêcher le Royaume. De plus, notre dernier maximum en pionniers permanents et auxiliaires était de 1 191, mais en avril dernier il y en avait 2 114, presque le double. Au Mémorial de 1984, nous étions plus de 38 000 assistants, soit trois fois le nombre des proclamateurs et quelque 4 000 de plus qu’en 1983, où nous avions atteint un maximum de 33 914 personnes présentes pour cet événement. Vraiment, Jéhovah donne l’accroissement.

JÉHOVAH EST NOTRE SOUTIEN

L’expression “Ah! le bon vieux temps!” n’a pas sa place dans le vocabulaire du peuple de Jéhovah qui, lui, regarde vers l’avant. Nous avons trop de choses devant nous pour regretter le passé. Néanmoins, nous pouvons tirer profit d’un rapide retour en arrière. Nous aboutirons à la même conclusion que le roi David, qui déclarait en Psaume 34:19: “Nombreux sont les malheurs du juste, mais de tous Jéhovah le délivre.” Comme ces paroles se sont révélées vraies au Zimbabwe!

Quand on évoque les jours d’autrefois, alors que l’œuvre du Royaume commençait seulement à s’implanter dans le pays, on pense aux vaillants frères et sœurs comme Nason Mukaronda, Robin Manyochi, Wilson Stima, Willie McGregor, les McLuckie et bien d’autres. Malgré les années, ils restent toujours fermes dans la foi. À n’en pas douter, ils doivent être remplis de joie lorsqu’ils voient comment Jéhovah a soutenu son peuple au milieu de toutes ses épreuves et l’a amené à goûter une telle prospérité spirituelle.

Nous sommes reconnaissants aux autorités gouvernementales qui ont adopté une excellente attitude envers notre œuvre. Nous prions pour ces autorités “afin que nous continuions à mener une vie paisible et calme, avec piété et sérieux parfaits”. (I Tim. 2:2.) Mais en même temps nous savons que c’est Jéhovah qui protège son peuple et le conduit avec amour vers la délivrance finale, dans son nouvel ordre de choses où régnera la justice. Quoi qu’il puisse se passer, il sera notre “forteresse au temps de la détresse” et en tout temps parce que nous nous réfugions en lui. — Ps. 37:39, 40.

[Cartes, page 173]

(Voir la publication)

ZIMBABWE

Chinhoyi

Chutes Victoria

Harare

Hwange

Mutare

Bulawayo

ZAMBIE

BOTSWANA

MOZAMBIQUE

Ulongue

Tete

Milange

Mocuba

Beira

MALAWI

Mt. Mlanje

Blantyre

OCÉAN INDIEN

[Illustration, page 114]

En 1924 Hamilton Maseko (à gauche) commença à prêcher à Bulawayo. Nason Mukaronda fut la première personne à être baptisée dans ce pays (en 1924).

[Illustration, page 117]

Wilson Stima (76 ans) et Robin Manyochi (85 ans) connurent la vérité dans les années 1920. Tous deux sont pionniers spéciaux.

[Illustration, page 119]

Quelques membres de la famille McLuckie, qui participèrent activement aux débuts de l’œuvre de prédication au Zimbabwe et au Malawi.

[Illustration, page 122]

Willie McGregor arriva au Zimbabwe en 1929 et joua un grand rôle dans l’affermissement de l’œuvre du Royaume dans la région de Bulawayo.

[Illustration, page 127]

Eric Cooke (ici avec sa femme, Myrtle) devint le premier surveillant de la filiale du Zimbabwe.

[Illustration, page 129]

Une assemblée tenue au Zimbabwe lors de la visite de frère Henschel en 1955.

[Illustration, page 130]

Baptêmes à l’assemblée de 1955.

[Illustration, page 143]

John Miles (que l’on voit ici avec sa femme, Val) fut surveillant de district puis membre de la filiale de 1960 à 1979, année où ils furent envoyés au Lesotho pour y servir comme missionnaires.

[Illustration, page 145]

Des diplômés de l’École de Galaad qui servent toujours au Zimbabwe. De gauche à droite, au deuxième plan: George Bradley, Irene McBrine, Lester Davey, Keith Eaton, Don Morrison; au premier plan: Ruby Bradley, John McBrine, Anne Eaton, Marj Morrison.

[Illustration, page 146]

Sizulu Khumalo, diplômé de l’École de Galaad, a apporté une aide précieuse aux frères africains lorsqu’il servait en tant que surveillant de circonscription et surveillant de district.

[Illustration, page 151]

Après avoir servi au Malawi, Hal et Joyce Bentley furent nommés au Zimbabwe.

[Illustration, page 164]

Le bâtiment de la filiale du Zimbabwe, achevé en 1973.

[Illustration, page 195]

Jeremiah Chesa fut lié à un arbre où on voulait le laisser mourir.

[Illustration, page 203]

John Hunguka (qui fut torturé avec un appareil électrique) et Michaël Chikara, tous deux surveillants itinérants.

[Illustration, page 212]

Lorsque Jeremiah Mupondi refusa de crier des slogans comme “À bas Jésus!”, on lui coupa l’oreille.