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Trinité et Tobago

Trinité et Tobago

Trinité et Tobago

LE 31 JUILLET 1498, quand Christophe Colomb découvrit la Trinité, il vit trois collines dans la partie sud-est de l’île. On raconte que cela lui rappela la doctrine de la Trinité, et c’est pourquoi l’île porte ce nom depuis lors. Évidemment, des Indiens, les Arawaks et les Caraïbes, s’étaient déjà établis des siècles auparavant sur cette île qu’ils appelaient “la terre du colibri”.

La même année, Christophe Colomb révéla également l’existence de Tobago, l’île voisine, que certains surnomment l’“île de Robinson Crusoé”, car ils pensent que c’est là que Daniel Defoe a situé l’action de son roman. Le nom de Tobago semble venir de celui que les Indiens avaient donné à l’île, soit Tavaco ou Tobaco (Tabac), parce qu’ils cultivaient et utilisaient de grandes quantités de tabac.

Ces îles sont à l’extrémité la plus méridionale d’un archipel qui s’étire depuis Porto Rico jusqu’à l’Amérique du Sud. En fait, la Trinité se trouve juste au large de la côte du Venezuela, au niveau du delta de l’Orénoque. Tobago est à environ 35 kilomètres au nord-est de la Trinité. Ces deux petites îles tropicales sont très verdoyantes durant la plus grande partie de l’année. Leur relief est très contrasté: des montagnes aux contours déchiquetés coupées de jolies vallées, des plaines fertiles et des plages de sable. Tobago est célèbre pour ses récifs et ses fascinantes formations coralliennes.

UNE POPULATION TRÈS COSMOPOLITE

À l’origine, on cultivait principalement du tabac, mais peu à peu les cacaoyères ont prédominé. Celles-ci ont été ensuite pour la plupart remplacées par d’immenses plantations de canne à sucre qui appartenaient à de riches propriétaires anglais, français et espagnols. Pour cultiver leurs domaines, ces planteurs ont importé des milliers d’esclaves d’Afrique. Quand ils ont finalement été obligés de libérer les esclaves à cause de la tension croissante, ils ont alors fait venir des milliers d’Indiens en leur offrant de travailler sous contrat. Aujourd’hui, la population de la Trinité s’élève à plus d’un million d’habitants. Elle est composée, en deux parts à peu près égales, de personnes d’ascendance africaine et d’autres originaires des Indes. S’y ajoutent de plus petites communautés d’Européens et de Chinois, ainsi que quelques personnes venant du Moyen-Orient. À cause du brassage consécutif aux mariages entre ces différents groupes, on peut vraiment parler d’une population cosmopolite. Les îles ont fini par devenir des colonies placées sous contrôle de la Grande-Bretagne et le sont restées jusqu’en 1962, date de leur indépendance.

De nombreuses religions y sont représentées, dont l’hindouisme, la religion musulmane et les principales Églises de la chrétienté. Les insulaires sont amicaux et chaleureux. Néanmoins, la violence qui caractérise les derniers jours sévit là aussi.

LES PREMIÈRES GRAINES DE VÉRITÉ

C’est en 1912 qu’Evander Coward, un Américain, a commencé à prêcher la bonne nouvelle du Royaume à ces gens d’origines si diverses. Charles Russell, alors président de la Watch Tower Bible and Tract Society, avait envoyé frère Coward dans ces îles avec l’objectif d’y entreprendre l’œuvre d’évangélisation, et c’est bien ce que ce dernier a fait. Pendant plusieurs années, il s’est démené pour accomplir sa mission et former des groupes d’Étudiants de la Bible (comme on appelait alors les Témoins de Jéhovah), qui tenaient régulièrement des réunions et enseignaient la vérité de la Parole de Dieu à tous ceux qui voulaient bien l’écouter.

Aujourd’hui, il en reste bien peu qui ont entendu personnellement frère Coward. Cependant, voici ce que Ragbir Boland Gowrie, décédé au début de 1986, a raconté: “Frère Coward parlait de la fin des temps des Gentils. Les gens savaient qu’il allait faire un discours parce qu’ils étaient avertis de bouche à oreille et au moyen de grands dépliants qui étaient distribués. C’était un homme bien bâti, d’une carrure assez large. Il avait une voix mâle et parlait avec une intensité et une modulation peu communes. Il avait l’habitude de lever la main droite et de claquer des doigts pour accentuer une idée.” Un autre frère, également décédé maintenant, s’est rappelé ce qui suit: “Il ressemblait un peu à l’homme représenté sur les boîtes de Quaker Oats. Il portait les cheveux assez longs sur la nuque.”

Frère Coward faisait des discours dans toutes les plus grandes villes de la Trinité. Chaque fois, une foule nombreuse remplissait la salle pour entendre ses explications concernant les vérités bibliques sur l’enfer, l’immortalité de l’âme, l’avenir de la terre et d’autres sujets. Le journal The Mirror a imprimé certains de ses discours, en entier ou en partie. Par contre, le Port of Spain Gazette l’a attaqué vigoureusement. Malgré tout, frère Coward n’a pas cessé son activité. Une séparation s’est effectuée entre les personnes qui venaient l’écouter par simple curiosité et celles qui recherchaient sincèrement la vérité. Rapidement, un groupe d’étude régulière de la Bible a été organisé chez Gilbert Talma, à Port of Spain. Mais la salle est vite devenue trop petite et, en 1912, les frères ont loué la maison forestière située rue Philip. Les Témoins de Jéhovah ont utilisé ce lieu de réunions pendant 62 ans.

BROWN “LA BIBLE” REJOINT EVANDER COWARD

La même année, William Brown, un Jamaïcain, est arrivé à la Trinité pour aider Evander à répandre la bonne nouvelle. Pendant dix ans il a parcouru la Trinité, Tobago et les îles voisines en compagnie de sa femme, et pendant quelque temps avec frère Coward. Cela se passait des années avant qu’une filiale supervise l’œuvre dans ces îles, mais frère Coward et les Brown visitaient les petits groupes qui commençaient à se former, afin de les fortifier. Puis, en 1923, frère Brown et sa femme ont été envoyés en Afrique occidentale, ce qui allait leur procurer de nombreuses joies; c’est là que frère Brown a été surnommé Brown “la Bible”.

Tunapuna est l’un des nombreux endroits où frère Coward a prononcé des discours. William Jordan, directeur de l’école anglicane de la ville, a décidé d’aller en écouter un pour se persuader que frère Coward répandait de faux enseignements. Il a sélectionné quelques versets bibliques pour réfuter les raisonnements de frère Coward. Mais à sa plus grande stupéfaction, l’orateur a commencé son discours en utilisant Révélation 21:8, précisément le passage sur lequel il se basait lui-​même pour appuyer la doctrine de l’enfer de feu. William était sincère et il a admis humblement que, contrairement à son Église, frère Coward enseignait vraiment les vérités bibliques. Il l’a reconnu personnellement devant celui-ci dès la fin du discours.

Comme William progressait dans la vérité, il s’est rendu compte qu’il ne convenait pas qu’il soit prédicateur laïque dans l’Église anglicane et directeur de l’école de cette organisation religieuse. Il a compris qu’il devait faire un choix. À ce moment-​là, il a dû prendre un congé parce que sa vue baissait beaucoup. Après avoir prié Dieu, il s’est promis que s’il retrouvait une vue normale il reprendrait son travail, mais qu’il donnerait sa démission dès le premier jour. C’est ce qu’il a fait en mars 1915. Cela lui a permis de s’occuper du groupe des Étudiants de la Bible qui venait d’être formé à Tunapuna.

DANS UNE LÉPROSERIE

Le jeune Arthur Guy a lu dans The Mirror des discours faits par frère Coward qui l’ont profondément intéressé. Il raconte: “J’ai alors décidé d’écrire à frère Russell. Celui-ci a transmis ma lettre à frère Coward, qui avait précisément prononcé les discours que j’avais lus. Frère Coward se trouvait alors à la Barbade. Il m’a écrit pour me dire qu’il avait reçu mon courrier et qu’il était convaincu que je m’étais ‘consacré’ à Dieu. Il m’a annoncé que j’allais bientôt recevoir la visite des frères Talma et Ferreira. J’étais très touché.” Ce que j’attendais s’est réalisé un jour ou deux plus tard.

Arthur a fait de bons progrès dans la vérité. Il a rapidement assisté aux réunions. Puis il a dû faire face à une dure épreuve. On a découvert qu’il avait la lèpre, et on l’a placé dans une léproserie, non pour une semaine ou deux seulement, mais pour de nombreuses années. Immédiatement, il a commencé à parler aux malades des vérités qu’il venait de découvrir. Ceux-ci ont organisé un débat entre Paul, un catholique, et lui. Paul s’est servi de son catéchisme, mais ne s’est pas référé une seule fois à la Bible. Arthur a parlé après lui. Il raconte:

“J’ai commencé par rappeler à l’auditoire que la discussion devait être basée non sur ce qu’on nous avait appris ou sur ce qu’enseignait le catéchisme, mais sur la Bible. ‘Voyons donc ce que dit la Bible’ ai-​je dit, et j’ai cité Genèse 2:7. J’ai ensuite donné une illustration. ‘Si M. Brown était allé en Angleterre pour y étudier la médecine, avait été reçu à ses examens et avait obtenu ses diplômes, il serait devenu docteur. Si M. Brown était mort, c’est aussi le docteur qui serait mort. Par conséquent, puisque l’homme devint une âme vivante, quand l’homme mourut, l’âme mourut.’” Les assistants l’ont applaudi, et le président de la réunion a reconnu qu’Arthur avait eu le dessus dans la discussion. En conséquence, les autres lépreux ont surnommé Arthur “la Bible”.

D’AUTRES ACCEPTENT VOLONTIERS LES RESPONSABILITÉS

Le séjour de frère Coward dans les îles tirait à sa fin. La Première Guerre mondiale faisait rage, et les autorités le considéraient comme susceptible de compromettre la sûreté de l’État. En 1917, on lui a demandé de quitter les îles, et il est donc retourné aux États-Unis. Cependant, Jéhovah avait béni son activité, et les graines de vérité qu’il avait semées avaient pris racine. Cette année-​là, lors de la célébration du Mémorial, il y avait 68 assistants à Port of Spain, 90 à Bridgetown, dans l’île de la Barbade, et 21 à Saint George, dans l’île de Grenade; pourtant, la prédication n’y était effectuée que depuis cinq ans. L’œuvre du Royaume allait continuer à progresser, lentement mais sûrement.

Gilbert Talma a accepté avec joie d’être le représentant de la Société à la Trinité. William Ferreira s’est également montré un véritable adorateur de Jéhovah. Tous deux ont beaucoup voyagé pour propager la vérité et pour visiter les petits groupes d’Étudiants de la Bible. Frère Talma est resté quelque temps à la Barbade, son pays natal, à Grenade, en Guyane britannique (à présent la Guyana) et en Guyane hollandaise (maintenant le Suriname). Frère Ferreira était d’origine portugaise et pouvait ainsi prêcher parmi les Européens.

DE NOMBREUSES PERSONNES VOIENT LE PHOTO-DRAME

Après la Première Guerre mondiale, il aurait été difficile qu’un autre Américain vienne aider les frères dans les îles. Aussi la Société a-​t-​elle envoyé en 1922 un Canadien, George Young, pour fortifier les frères. Voici ce que celui-ci écrivit dans un rapport adressé à frère Rutherford:

“Je suis arrivé à la Trinité dans la matinée du 14 courant (...). Il y a beaucoup à faire et je serai occupé ici pendant un bon moment. La prédication de la bonne nouvelle progresse très rapidement à la Trinité. Les frères y font du bon travail. À certains égards, la Trinité est le meilleur territoire des Antilles pour l’activité de la prédication.”

Durant sa tournée à la Trinité, frère Young a présenté le Photo-Drame de la création pour éveiller l’intérêt du public. William Brown en avait déjà passé une partie, mais cette fois, il s’agissait du scénario complet qui comprenait les projections animées. Un grand nombre de personnes ont vu cette représentation et ont entendu les commentaires qui accompagnaient les images. Frère Young a rapporté ce qui suit:

“À Port of Spain, les frères ont loué un théâtre pour deux soirs de semaine. Ils n’ont fait aucune publicité dans les journaux, mais ils ont distribué 5 000 feuilles d’invitation. En général, on en faisait imprimer 10 000. Le théâtre était pourtant plein à craquer et on a dû renvoyer beaucoup de personnes chez elles. Le lendemain, une foule se pressait à l’entrée de la salle; quand on a fermé les portes, les gens ont forcé celle de l’entrée latérale pour se mettre sur les côtés du théâtre. Les mises en garde des prêtres de Baal sont vaines. La vérité se répand peu à peu à la Trinité.”

Frère Young est resté aux Antilles pendant environ six mois.

LES RÉUNIONS D’ALORS

Les réunions que l’on tenait à ce moment-​là ne ressemblaient pas à celles auxquelles nous assistons aujourd’hui. C’est ce qu’a expliqué William Douglas, un frère resté fidèle jusqu’à sa mort survenue en 1981:

“La première réunion à laquelle j’ai assisté avait lieu un mardi soir. Nous avons étudié un chapitre du livre Les Figures du Tabernacle. Après quoi, un frère a accroché un tableau au mur et, une baguette à la main, a donné des explications. Je n’ai absolument rien compris.

“Le mercredi soir, on tenait une réunion de prières. Un frère priait, puis on chantait un cantique; un autre priait, et on chantait de nouveau. Tous ceux qui étaient présents se levaient l’un après l’autre pour prononcer une prière ou relater des témoignages personnels. Certains disaient tout ce que Dieu avait fait pour eux; d’autres montraient de quelle façon Dieu les avait aidés à vaincre des tentations; d’autres encore expliquaient comment Dieu leur avait permis d’éviter un accident. Quand mon tour est venu, je n’ai pas su quoi dire (...).

“Je me rappelle très bien ce qui s’est passé lors de la première étude de La Tour de Garde à laquelle ma mère et moi avons assisté. Lorsque le président a posé une question, un frère a répondu ainsi: ‘Je pense ceci et cela.’ Un autre a dit ensuite: ‘Je ne suis pas d’accord avec ce point de vue, parce que ceci et cela.’ Cette discussion s’est poursuivie pendant une heure entière, et on n’a jamais terminé le premier paragraphe de l’étude. À présent, nous sommes très reconnaissants envers Jéhovah d’avoir poussé la Société à apporter d’importantes améliorations.”

DE LA HARDIESSE, MAIS PEU DE TACT

Dans les années 1920, les frères ne savaient pas ce qu’était le tact recommandé par les Écritures. Ils parlaient très franchement et quelquefois de façon tranchante lorsqu’ils présentaient le message de la Bible aux gens. William Douglas raconte ce qui s’est passé pendant une assemblée à Port of Spain:

“Pour autant que je m’en souvienne, c’était la première fois que des dispositions étaient prises pour que les frères aillent deux par deux prêcher de maison en maison. Comme j’étais jeune, on m’a demandé d’accompagner un prédicateur plus expérimenté. (...) Cela se passait le dimanche matin. Nous avons frappé à une porte et le frère a proposé des publications à quelques hommes qui se trouvaient sur le palier. Une vive discussion s’est engagée au cours de laquelle le frère leur a lancé: ‘Vous ne pouvez pas me comprendre parce que votre père, c’est Satan le Diable.’ L’un des hommes s’est approché de lui et a dit: ‘Vous venez chez moi, et vous me dites que Satan est mon père?’ Il a alors frappé le frère à la bouche, et lui a cassé ainsi deux dents. Pendant que nous sortions de la maison, le frère m’a déclaré que s’il n’avait pas été ‘consacré’ à Dieu, il se serait occupé sérieusement de ce jeune homme. Il pensait à ce moment-​là qu’il souffrait pour la vérité, et cela le réjouissait.”

Bien qu’à cette époque aucun représentant du siège de la Société n’ait encore rendu visite aux frères, ceux-ci s’efforçaient d’apporter des changements dans leur vie à mesure qu’ils acquéraient une meilleure compréhension de la Parole de Dieu. L’esprit de Jéhovah aidait de cette manière les frères à maintenir à un assez bon niveau leur unité de pensée, d’expression et d’action.

ENREGISTREMENT DE LA FILIALE DE LA TRINITÉ

Le mois de mai 1932 a été une date importante pour la Trinité. Le gouvernement a enregistré la filiale, située 64 Frederick Street à Port of Spain, et a donné à frère Talma le statut légal de représentant de la Société à la Trinité et à Tobago. Plusieurs autres îles des Antilles britanniques ont été rattachées à cette filiale.

La prédication a pris de l’ampleur lorsqu’on a utilisé les phonographes portatifs et les voitures munies de puissants haut-parleurs. En 1934, six voitures ainsi équipées étaient en service: une à Grenade, une à la Dominique et quatre à la Trinité. Les gens ne sortaient pas toujours de chez eux pour aller écouter les discours, mais beaucoup pouvaient les entendre de leurs fenêtres ouvertes. Les personnes sincères exprimaient leur reconnaissance pour ces discours. Elles formulaient des remarques comme celles-ci: “C’est le seul réconfort; approchons-​nous.” “Venez écouter, ne retournez pas à Belmont et ne vous laissez pas tromper par cet homme [un prêtre].” Les frères ont également importé de nombreux phonographes portatifs qui ont joué un grand rôle dans la prédication.

MÊME LA BIBLE EST INTERDITE!

Le gouvernement a brusquement interdit l’importation de nos publications. Alfred Wallace Seymour, gouverneur par intérim de Trinité et Tobago, a jugé au Conseil exécutif que L’Âge d’Or et les autres publications de la Watch Tower Bible and Tract Society étaient séditieuses. Par le décret numéro 49 du 20 août 1936, tous les ouvrages imprimés par la Société Watch Tower et la société éditrice de L’Âge d’Or étaient interdits. Cela incluait la Bible elle-​même!

Quand on a attiré l’attention d’Arthur Fletcher, le gouverneur, sur le fait que la Bible était interdite, le Conseil a promulgué le 3 décembre 1936 le décret numéro 60 pour permettre l’entrée dans le pays de tout écrit qui bénéficiait d’une licence d’importation. Par conséquent, cela autorisait l’importation de la Bible, de La Harpe de Dieu et de trois brochures. Cette situation a duré neuf ans à la Trinité.

Qui étaient les instigateurs de cette mesure? Plusieurs années plus tard, au printemps 1946, le colonel Mueller, alors préfet de police, a déclaré au surveillant de la filiale au cours d’une entrevue privée que les publications de la Société avaient été interdites parce qu’elles attaquaient l’Église catholique. Le clergé avait tout fait pour que l’interdiction soit prononcée.

Le 20 mars 1944, le gouvernement a brûlé dans les chaudières de l’usine sucrière de Saint Kitts, au nord de la Trinité, tous les ouvrages édités par la Société Watch Tower sur lesquels il avait mis la main. Malgré tout, les Témoins prêchaient activement avec les publications dont ils disposaient, et ils utilisaient les phonographes et les voitures à haut-parleurs dès qu’ils le pouvaient et partout où cela était possible. Cependant, la police a également saisi certains de ces appareils.

À cause de l’interdiction, le nombre des prédicateurs est passé de 293 en 1936 à 229 en 1940. Mais l’activité des frères portait du fruit, parce qu’ils commençaient à faire des visites et des études de la Bible.

UN ENSEIGNANT ENVOYÉ EN PRISON

William Douglas est l’un de ceux qui ont été emprisonnés à la Trinité pendant cette période de persécution. En avril 1939, deux policiers ont fait une perquisition à son domicile, où il tenait une école privée, et ils ont trouvé une brochure Face aux réalités. Trois mois plus tard, il a été assigné en justice; le procès a finalement eu lieu le 12 octobre. William était accusé d’être un enseignant antipatriotique, parce qu’il refusait de participer à la fête nationale de l’Empire britannique et qu’il ne permettait pas à ses élèves de chanter l’hymne national. William a défendu sa position lui-​même. Il a déclaré qu’il dirigeait une école privée et que le programme ne prévoyait absolument aucun chant. Citant Actes 5:27-32, il a expliqué qu’à l’exemple des apôtres de Jésus Christ il devait “obéir à Dieu, comme à un chef, plutôt qu’aux hommes”. Le juge l’a déclaré coupable et l’a condamné à deux mois de réclusion criminelle. William a fait appel.

Le juge de la Cour d’appel s’appelait Vincent Brown. Il était agité, et il a bu trois verres d’eau pendant qu’il a lu à haute voix la décision du tribunal. Voici quels furent ses premiers mots: “Cet homme n’est pas apte à vivre au sein de la communauté. En tant qu’enseignant, il n’apprend pas aux enfants la fidélité envers Sa Majesté le Roi; on ne doit donc pas le laisser en liberté. Nous confirmons la condamnation prononcée par notre confrère.”

C’est ainsi qu’en 1940 frère Douglas s’est retrouvé en prison. Là, il a saisi les nombreuses occasions de donner le témoignage qui se sont présentées à lui. On l’a finalement surnommé “Face aux réalités”. Le dimanche matin, beaucoup de prisonniers n’assistaient pas aux offices religieux qui se déroulaient dans la chapelle de la prison, aussi frère Douglas organisait-​il avec eux des discussions au cours desquelles il répondait à leurs questions. Il a rapporté: “Je suis heureux de signaler que durant les sept dimanches que j’ai passés en prison, j’ai eu le privilège de parler chaque fois devant plus de 200 personnes. D’autre part, comme j’avais le droit d’aller à chaque étage de la prison, j’expliquais à tous ceux que je rencontrais que le Royaume du Christ est le seul espoir de l’humanité.”

L’INTERDICTION EST LEVÉE

Durant l’interdiction, une base militaire américaine a été établie à la Trinité. L’un des Américains qui s’y trouvaient avait des parents Témoins de Jéhovah aux États-Unis. Chaque fois que ceux-ci lui envoyaient un exemplaire de La Tour de Garde, il le remettait aux frères. Ces derniers en faisaient des copies dactylographiées sur lesquelles ils n’inscrivaient pas le titre La Tour de Garde, et ils les distribuaient ensuite aux congrégations. Ainsi, les Témoins parvenaient à se procurer de la nourriture spirituelle malgré l’interdiction.

Cependant, dans le but de faire cesser l’interdiction, les frères ont tenu une grande réunion au Princes Building le 22 décembre 1940, et ont envoyé au secrétaire d’État aux Colonies, à Londres, une résolution demandant la levée de l’interdiction. Mais ce dernier n’a pas examiné la question avant la fin de la guerre. Le 11 septembre 1945, une autre pétition, qui portait 20 851 signatures, a été adressée au secrétaire d’État aux Colonies. Au début du mois de novembre, les Témoins ont reçu une bonne nouvelle: l’interdiction était levée. Ils pouvaient de nouveau importer librement des publications. Durant cette année de service, la filiale a expédié 30 988 livres et 77 226 brochures aux frères qui les attendaient impatiemment.

UN NOUVEAU DÉPART DANS LA PRÉDICATION

La Société avait pris de nombreuses dispositions qui allaient donner un nouveau départ à l’activité théocratique durant la période d’après-guerre. En 1943, elle avait organisé l’École du ministère théocratique afin d’aider les frères à devenir des orateurs et des lecteurs capables. Elle avait également mis en place l’École biblique de Galaad pour former des missionnaires qui amorceraient et poursuivraient l’œuvre de prédication dans de nombreux pays. D’autre part, en 1945, une campagne de discours publics a commencé dans toutes les congrégations. Les prédicateurs ont aussi été encouragés à discuter brièvement de sujets bibliques avec les personnes qu’ils rencontraient en allant de maison en maison. En conséquence, les phonographes et les voitures à haut-parleurs n’étaient désormais plus nécessaires. Combien nous avons été également émus d’apprendre que le président de la Société Watch Tower serait présent pour la première fois aux assemblées tenues aux Antilles! Toutes ces dispositions ont beaucoup aidé les frères et ont certainement contribué au remarquable accroissement qui s’est produit dans les années suivantes.

Alexander Tharp a fait partie de la troisième classe de Galaad et a été diplômé le 31 juillet 1944. Après quoi, il a été envoyé à la Trinité pour diriger le bureau de la filiale des Antilles britanniques (comme on l’appelait alors), car Gilbert Talma était maintenant âgé et en mauvaise santé. Frère Tharp est arrivé le 24 mars 1946, quelques jours avant le président et le vice-président de la Société.

Frère Tharp a été vivement impressionné par ce qui s’est passé un jour dans l’hôtel où logeaient frères Knorr et Franz, et il s’est toujours souvenu de cet incident. Il était monté dans leurs chambres et avait trouvé frère Franz en train de cirer ses chaussures. Sans mot dire, celui-ci s’était accroupi et avait ciré les chaussures de frère Tharp. Il avait agi spontanément, et frère Tharp a pensé à l’exemple de Jésus qui avait lavé les pieds de ses apôtres. — Jean 13:3-17.

L’assemblée a été un réel succès: il y a eu 1 611 assistants au discours public intitulé “Nations, réjouissez-​vous!” que frère Knorr a prononcé. Pendant son séjour à la Trinité, ce dernier a recommandé aux frères de chercher et d’acheter de nouveaux locaux pour y installer la filiale et une maison de missionnaires. Les bureaux situés dans la cour du 64 Frederick Street ne suffisaient plus. Le 30 mai 1946, les frères ont fait l’acquisition du 21 Taylor Street à Woodbrook, un quartier de Port of Spain; ce bâtiment a été utilisé pour la filiale et pour loger des missionnaires pendant 26 ans.

LES MISSIONNAIRES CONTRIBUENT À L’ACCROISSEMENT

Le 4 octobre, huit autres missionnaires sont arrivés à la Trinité. Les îles rattachées à la filiale de la Trinité n’ont cessé de recevoir l’aide de nombreux missionnaires pendant plusieurs années, années qui ont été marquées par des améliorations dans l’organisation théocratique et par un accroissement rapide. À Port of Spain, le nombre des proclamateurs est passé brusquement de 60 en 1946 à 159 en 1947. Dans certains quartiers de la ville, il semblait que chaque personne voulait étudier la Bible avec l’un des missionnaires. Parfois, un missionnaire dirigeait jusqu’à 30 études différentes au cours d’un mois.

Certains de ceux qui ont étudié la Bible sont devenus de vrais disciples. Teresa Berry a écrit récemment: “L’étude que j’ai dirigée avec Mabel Guin et sa famille a été l’une des plus remarquables. Je me souviens encore qu’après avoir discuté avec moi seulement quelques minutes, elle s’est exclamée: ‘Nous nous sommes toujours demandé comment remercier Dieu pour tout ce qu’il a fait pour nous.’ C’est alors que nous nous sommes mises à étudier la Bible ensemble, et elle n’a pas tardé à assister aux réunions et à prendre part à la prédication. Les dix membres de sa famille ont accepté la vérité. Je corresponds encore avec Mabel et, quelque 37 ans plus tard, elle est toujours un Témoin très zélé.”

Les missionnaires sont peu à peu devenus bien connus. Un jour, alors qu’il avait terminé de prêcher, Peter Brown est rentré à la maison de missionnaires en prenant un raccourci qui l’amenait à traverser le cimetière. Or, il y est entré en même temps qu’un cortège funèbre. Ceux qui en faisaient partie ont reconnu Peter comme étant l’un des missionnaires; l’un d’eux s’est alors approché de lui et a dit: “Il n’y a personne qui puisse prononcer le discours d’enterrement. Pourriez-​vous le faire?” Peter a accepté volontiers.

Les nouveaux missionnaires ont dû apprendre à s’adapter dans de nombreux domaines; ils ont aussi aidé les frères locaux à opérer certains changements. Ils ont remarqué qu’à la Salle du Royaume les frères s’asseyaient d’un côté et portaient tous un costume bleu marine ou noir. Les sœurs, habillées en blanc, se plaçaient de l’autre côté de la salle. Mais les missionnaires, qui avaient des vêtements de différentes couleurs, ont commencé à s’asseoir de n’importe quel côté. Les frères ont rapidement abandonné leur ancienne habitude.

La filiale de la Trinité recevait à présent des rapports provenant de petits groupes de toutes les îles des Antilles britanniques, excepté de la Jamaïque.

LES SURVEILLANTS DE CIRCONSCRIPTION SE DÉMÈNENT

À la fin de l’année 1946, Joshua Steelman, qui était diplômé de Galaad et qui avait été à Cuba, est venu servir à la Trinité en tant que représentant du Bureau du président et serviteur des frères (surveillant de circonscription) dans toute les îles qui dépendaient de la filiale. Il réussissait très bien à encourager les proclamateurs à participer au ministère. On a enregistré de nouveaux maximums de proclamateurs dans presque chaque congrégation où il a servi.

L’année suivante, la maison de missionnaires de la Barbade a été fermée, et Bennett Berry, le missionnaire qui restait, a été nommé serviteur des frères. Il faudrait écrire un livre entier pour raconter tout ce qui lui est arrivé. Il y avait peu de moyens de transport. Si jamais un bus passait, on avait beaucoup de mal à trouver une place assise. En effet, parmi les passagers on voyait des poulets, des poissons et des chèvres. Voyager dans ces conditions était vraiment une expérience particulière! Les gens parlaient sans arrêt. Quant aux routes, elles étaient étroites et sinueuses, particulièrement dans les régions montagneuses.

Pour atteindre l’une des congrégations de l’île de la Dominique, frère Berry devait faire une trentaine de kilomètres à pied en empruntant des sentiers de montagne et en remontant le lit d’un cours d’eau à sec. Une fois, il a pu avoir un cheval, mais celui-ci est tombé. Malgré tout, il trouvait beaucoup de joie à voir des frères pleins d’humilité acquérir une meilleure compréhension relativement à leurs relations avec Jéhovah, son Fils et son organisation. Il a également augmenté sa spiritualité tandis qu’il faisait des efforts désintéressés pour combler les besoins de ses frères.

BEAUCOUP RÉPONDENT À L’INVITATION

Une assemblée de district a été organisée à Port of Spain du 21 au 23 mai 1948. On l’a annoncée un peu partout, et tout s’est bien passé. Cette fois, les frères ne se sont pas contentés de faire les habituelles marches publicitaires, d’accrocher des écriteaux aux fenêtres et de distribuer des feuilles d’invitation; ils ont aussi défilé à bicyclette en portant chacun une pancarte. Cela n’est certainement pas passé inaperçu.

Puisque la salle où s’est déroulée l’assemblée était petite, les frères avaient prévu de faire le discours public à l’extérieur, au Woodford Square, c’est-à-dire en plein cœur du quartier d’affaires. Il était 20 heures et la pleine lune tropicale éclairait la scène. Tous étaient ravis de voir une foule de 3 623 personnes rassemblées autour du kiosque à musique pour écouter le discours “Le bonheur pour tous les hommes est proche”.

DISCOURS PUBLICS EN PLEIN AIR

Un certain nombre de frères locaux étaient devenus des orateurs capables et, avec les surveillants de circonscription, ils se sont mis à prononcer fréquemment des discours en plein air. Il n’était en effet pas difficile d’organiser de tels discours publics.

On demandait à un commerçant si l’on pouvait faire un discours sous l’avant-toit de son magasin. S’il n’y avait pas d’électricité, on se servait d’une lampe à essence ou à acétylène que l’on accrochait à l’un des supports du toit. On préparait une table sur laquelle l’orateur mettrait sa Bible et ses notes, et tout était prêt. On avertissait les gens de la région oralement et au moyen de feuilles d’invitation que l’on distribuait durant la semaine, voire seulement le jour même, où devait avoir lieu le discours, et on était certain que plus d’une centaine de personnes seraient présentes. Les gens avaient peu de distractions, à part la circulation automobile et les insectes. Cependant, par la suite, à cause de la recrudescence de la criminalité et de la violence, les frères n’ont plus fait de discours en plein air.

Néanmoins, ces discours en plein air ont permis à quelques personnes comparables à des brebis d’accepter la vérité. À Chaguanas, après l’un de ces discours, un jeune Hindou a demandé deux traductions de la Bible à l’orateur. Il a ensuite entrepris le service à plein temps, et il a servi fidèlement Jéhovah jusqu’à sa mort.

LE SIBIA ET LE LIGHT

Quand la Société a acheté un bateau à voiles (le Sibia), elle a inauguré une nouvelle méthode passionnante pour apporter la bonne nouvelle dans les îles de moindre importance. Frères S. Carter, G. Maki, R. Parkin et A. Worsley composaient l’équipage initial. Ils ont fait en bateau une sorte de circuit entre Porto Rico et la Trinité, ce qui leur a permis de donner un témoignage complet dans toutes les petites îles. Les frères des plus grandes îles se réjouissaient lorsque les missionnaires du Sibia faisaient de courtes escales pour se réapprovisionner et pour assister aux assemblées.

Sur la plupart des îles, on trouve de petits villages de pêcheurs disséminés le long des côtes. Puisqu’il n’y a pas toujours un chemin qui permette de s’y rendre par voie de terre, le Sibia s’est avéré très pratique pour apporter la bonne nouvelle dans ces coins isolés.

En 1953, la Société a remplacé le Sibia par un bateau bimoteur plus gros qui s’appelait d’abord Le cheval noir et plus tard le Light (Lumière). Le 9 novembre 1953, il a été enregistré à la Trinité, son port d’attache.

Cependant, l’année suivante, Maurice Dorman, un haut fonctionnaire, était présent quand frère Knorr a fait un discours devant 3 269 personnes au Woodford Square. Plus tard, le 6 juillet de la même année, M. Dorman, qui était alors gouverneur par intérim, a signé au Conseil exécutif un décret qui stipulait que les membres de l’équipage du Light étaient des visiteurs indésirables. Le 25 septembre 1954, quand les missionnaires du Light ont voulu rentrer au port après avoir participé au programme d’une assemblée à la Barbade, des agents du service de l’immigration leur ont fait savoir qu’ils n’avaient pas le droit de débarquer. Tous les efforts pour entamer des pourparlers avec des personnes haut placées ont été vains. Les missionnaires ont reçu cet ordre: le bateau devait quitter le port avant le 5 octobre. Lorsqu’ils sont partis, les frères ont dû affronter l’un des ouragans les plus violents que les Antilles aient connus depuis des années.

LES FRÈRES LOCAUX ONT DES PRIVILÈGES DE SERVICE

Les frères locaux qui servaient comme pionniers spéciaux jouaient maintenant un rôle de plus en plus important. Il y avait déjà beaucoup de surveillants de circonscription natifs de la Trinité à la place des missionnaires venant de l’étranger, et bientôt tous les surveillants de circonscription seraient des frères locaux. Durant les années 1950 et 1951, une maison de missionnaires a été utilisée à Scarborough, dans l’île de Tobago, mais les habitants avaient des préjugés à l’égard des personnes de race blanche, ce qui a entravé l’activité des missionnaires. C’est pourquoi, en 1954, Edward Harry et Oliver Smith, deux pionniers spéciaux natifs de la Trinité, ont été envoyés à Tobago pour essayer d’y développer l’œuvre du Royaume. Les bons résultats qu’ils ont obtenus ont montré qu’au moins dans certains territoires des frères locaux capables étaient plus efficaces que des missionnaires venus de l’étranger.

Depuis lors, certains pionniers spéciaux de la Trinité ont assisté aux cours bibliques de l’École de Galaad organisée par la Société Watchtower et sont ensuite revenus dans leur île natale. Ce fut le cas de Theresa Chin Chee Fat et de Sylvia Permell. Elles ont servi fidèlement et avec zèle, et Jéhovah a béni leur activité qui consistait à faire des disciples. Theresa a eu 46 “enfants” spirituels, et Sylvia a vu 59 personnes avec qui elle avait étudié la Bible vouer leur vie à Jéhovah et se faire baptiser.

L’ACCROISSEMENT REND NÉCESSAIRES DE NOUVELLES FILIALES

Lors de la visite de frère Knorr en janvier 1954, il a été décidé que l’œuvre du Royaume dans les îles Sous-le-Vent avait suffisamment progressé pour qu’une filiale y soit installée. Neuf îles seraient rattachées à cette filiale, et les sept qui restaient à celle de la Trinité. Une nouvelle division a été opérée en 1966 quand la filiale de la Barbade a été établie. La filiale de la Trinité ne s’occupe à présent que de la Trinité et de Tobago. Notre champ d’action s’est rétréci, mais c’est parce que les serviteurs de Jéhovah sont devenus plus nombreux.

Durant les années 1950 et même après, on n’a enregistré qu’un faible accroissement et parfois une baisse du nombre de proclamateurs. Cela ne voulait pas nécessairement dire que personne ne s’intéressait à la vérité. Cette situation était due principalement aux conditions économiques. Le chômage était important, les salaires étaient bas et les familles étaient nombreuses. Les frères devaient faire face à ces problèmes comme les autres. C’est pourquoi, durant ces années-​là, de nombreux Témoins ont émigré en Angleterre, au Canada et aux États-Unis. Pourtant, la croissance spirituelle devenait évidente à la Trinité.

DES SALLES DU ROYAUME ADÉQUATES

À la fin de l’année 1959, un frère de la Trinité a discuté avec Robert Newton, alors surveillant de la filiale, de la possibilité d’inviter les congrégations à mettre en commun leurs ressources afin de construire des Salles du Royaume pour certaines d’entre elles. À cette époque, il n’y avait qu’une seule petite Salle du Royaume à la Trinité, construite à San Fernando en 1940. Finalement, un Fonds pour les Salles du Royaume a été créé. Peu après, les frères ont commencé à bâtir une assez grande salle à San Juan. La quasi-totalité du travail a été effectuée par des volontaires. Cela valait la peine de voir tous ces Témoins, des hommes et des femmes, malaxer le ciment et former une chaîne pour passer les seaux de ciment à ceux qui le coulaient. Au début de 1961, la salle était terminée. C’est l’une des salles qui ont servi pour les classes de l’École du ministère du Royaume, créée cette année-​là.

Presque immédiatement, les frères ont commencé à bâtir une autre salle, cette fois pour la congrégation de Laventille, à Port of Spain. Le Fonds a rapidement été épuisé, mais il a été possible d’emprunter de l’argent à la Société pour procéder à de telles constructions. Davantage de congrégations ont pu bâtir une belle Salle du Royaume grâce à cette disposition. Aujourd’hui, on compte 27 salles à la Trinité, et d’autres qui sont en projet doivent être réalisées prochainement.

En mai 1985, il y a eu un changement en rapport avec la construction des Salles du Royaume. Les frères ont été enthousiasmés d’entendre parler de Salles du Royaume construites dans d’autres pays selon un procédé ultra-rapide. Pouvait-​on le faire à la Trinité? Un comité de construction a été formé pour examiner les possibilités dans ce domaine. Après avoir beaucoup discuté, les frères ont décidé de construire une salle pour la congrégation de Siparia en deux week-ends au lieu d’un. Les frères ont soutenu ce projet d’une manière merveilleuse. La salle a effectivement été bâtie en deux week-ends, et les frères de Siparia sont heureux de s’y réunir. Toute cette activité de construction a sans aucun doute contribué aux progrès de l’œuvre du Royaume dans ces îles.

FORMATION D’UNE ASSOCIATION LOCALE

Pour faire face à l’accroissement, de nouveaux locaux pour la filiale devenaient nécessaires. En 1963, frère Tharp est redevenu surveillant de la filiale après une interruption de 15 ans, période durant laquelle d’autres frères avaient assumé cette responsabilité. Les Témoins ont fait une demande pour louer un terrain au nom de l’Association internationale des Étudiants de la Bible de Londres. Leur requête a été rejetée. Les frères avaient alors trouvé trois terrains qui convenaient, et le Conseil municipal leur avait donné l’autorisation de construire sur les trois emplacements. Mais quand ils se sont adressés au bureau du Premier ministre pour obtenir le titre de propriété au nom de l’Association internationale des Étudiants de la Bible, ils ont essuyé un refus. L’un des propriétaires des terrains leur a dit: “Ils veulent que vous formiez une association sur le plan local.”

Les frères ont consulté un homme de loi et ont ensuite entrepris les démarches nécessaires pour créer une association locale de Témoins de Jéhovah. Les serviteurs d’assemblées se sont réunis le 18 août 1968 avec le personnel des bureaux de la filiale afin de commencer à travailler pour former cette association. Ils en ont élaboré le règlement préliminaire et ont élu un Conseil consultatif. Finalement, les deux chambres du Parlement ont examiné ce projet et ont promulgué une loi qui est entrée en vigueur le 7 août 1969. Dorénavant, les Témoins pouvaient posséder, acquérir et vendre des biens au nom de cette association sans avoir besoin pour cela d’un permis du gouvernement.

Toutes les Salles du Royaume existantes appartenaient maintenant à l’association locale, et toutes les futures acquisitions de terrains seraient faites au nom de l’Association des Témoins de Jéhovah de la Trinité et de Tobago. À présent, les frères pouvaient également désigner des Témoins en mesure de célébrer les mariages; ils n’auraient plus besoin de passer devant un officier d’état civil pour se marier.

DISPOSITIONS PRISES POUR LES ASSEMBLÉES

Avec l’accroissement, il devenait urgent de trouver davantage de lieux qui conviendraient pour les assemblées de district annuelles. Les théâtres étaient depuis longtemps devenus trop petits. On pouvait utiliser deux emplacements en partie disponibles: l’Himalaya Club à San Juan, et le Queen’s Hall à Port of Spain. Les frères s’y réunissaient année après année.

C’est alors qu’Eric Gregorio, un frère de la Trinité, a déclaré qu’il pensait pouvoir obtenir le Grand Stand au champ de courses du Queen’s Park Savannah, et il y est effectivement parvenu. C’était la première fois depuis 1932 que les frères avaient la permission d’utiliser cet endroit idéal. L’assemblée devait se dérouler du 1er au 4 octobre 1970.

Cependant, au début de 1970, le Pouvoir Noir a brusquement organisé des manifestations, et les participants ont provoqué des bagarres et des incendies, causant ainsi la mort de plusieurs personnes. En avril, le gouvernement a déclaré l’état d’urgence et a imposé le couvre-feu. L’assemblée de district aurait-​elle lieu? Les assemblées de circonscription pourraient-​elles se dérouler en juillet? Eh bien, le préfet de police nous a accordé la permission de tenir toutes nos assemblées comme prévu.

Les assemblées de circonscription se sont passées sans incident, à l’exception de la plus grande, tenue à Port of Spain. Juste avant le début du programme, le préfet de police a informé le surveillant de circonscription que l’assemblée pouvait avoir lieu seulement si nous n’utilisions aucun matériel de sonorisation. Des frères sont allés le voir, mais cela n’a rien changé. Une délégation a alors tenté de rencontrer le ministre de la Sécurité nationale, sans plus de résultats. On a fait une seconde tentative auprès du préfet pour qu’il change d’avis, mais il a maintenu catégoriquement sa position. Aussi le programme du vendredi a-​t-​il été présenté sans sonorisation devant plus de 1 300 assistants. Le samedi matin, un frère qui avait été policier a essayé d’obtenir un rendez-vous avec le préfet; il s’est seulement entendu dire que cet homme n’était pas à son bureau durant le week-end. Nous avions fait tout notre possible.

C’est alors que le samedi, vers midi, une jeune femme qui s’intéressait à la vérité a résolu de faire quelque chose pour résoudre ce problème. Elle avait assisté à la session du vendredi soir, mais elle n’avait pas pu entendre le programme. Elle a décidé de téléphoner au préfet à son domicile, alors qu’elle ne le connaissait pas. Avant d’appeler, elle a prié Jéhovah pour qu’il adoucisse son cœur. Quel a été le résultat de sa démarche? Le préfet a accédé à la requête de cette femme qui n’était pas encore Témoin de Jéhovah. On a très bien entendu tout ce qui s’est dit durant le reste de l’assemblée, et les 2 187 personnes qui ont assisté au discours public ont pu l’écouter dans de bonnes conditions.

Quand l’assemblée de district “Les hommes de bonne volonté” a eu lieu en octobre au Grand Stand, il n’y a eu aucun problème. Combien il était agréable de disposer d’un si grand espace couvert ainsi que d’un parking suffisamment vaste et attenant au Grand Stand! Malgré la pluie torrentielle qui est tombée durant le dernier jour, il y a eu 3 239 assistants. Comme nous avons nettoyé le Grand Stand et l’avons rendu propre, nous n’avons jamais eu aucune difficulté à le louer, que ce soit pour les assemblées de circonscription ou celles de district.

FIDÈLES JUSQU’À LA MORT

Si les frères oints de Jésus Christ doivent rester fidèles jusqu’à leur mort, les “autres brebis” doivent aussi prouver leur foi en toutes circonstances, quelquefois même jusqu’à la mort. C’est ce qui s’est passé pour quelques-uns de nos missionnaires.

Edmund Charlwood et Jerry Doering étaient arrivés à la Trinité en 1949. Edmund a rapidement été désigné pour prendre part au service de la circonscription; il se rendait donc dans toutes les îles qui dépendaient de la filiale de la Trinité. Sous un soleil tropical brûlant ou bien sous une pluie battante, il était toujours très occupé à prêcher avec les frères. Il était heureux d’être hébergé dans leurs foyers modestes, et il a pris l’habitude de se nourrir principalement de fruits de l’arbre à pain et de poisson salé. Il a voyagé ainsi pendant 19 ans, d’abord comme surveillant de circonscription, puis comme surveillant de district. Quand il est devenu trop âgé pour cela, Jerry l’a remplacé.

Pendant quelque temps, Jerry et sa femme avaient servi à la Barbade. Ces années passées à prêcher à plein temps ont aidé Jerry à être un surveillant de district efficace. Mais en février 1971, Jerry et sa femme ont eu un terrible accident pendant qu’ils étaient dans le ministère. En effet, ils ont été heurtés par une voiture qui n’avait pas marqué le stop avant de s’engager sur une route à grande circulation. Frère Doering est décédé le lendemain matin. Il avait servi fidèlement à la Trinité pendant près de 22 ans. Sa mort a certainement porté un grand coup à beaucoup de personnes.

Edmund Charlwood a continué à servir dans une maison de missionnaires, mais ses forces diminuaient et il s’affaiblissait petit à petit. Finalement, ce frère fidèle est mort en août 1976. Elsie, sa veuve, ainsi qu’Alice, la veuve de Jerry, continuent leur service missionnaire.

Stanley Carter a fait partie de l’équipe du Sibia et du Light. Il a travaillé dur avec les autres pour proclamer la bonne nouvelle dans les îles. Quand il s’est marié avec Ann, on les a nommés à Saint George, dans l’île de Grenade, pour y créer une maison de missionnaires. Leur tâche n’était pas facile, mais ils ont persévéré et ont vu Jéhovah bénir leurs efforts. En 1965, ils sont allés au Canada pour que Stanley, atteint d’une maladie grave, puisse recevoir un traitement médical approprié. Stanley est décédé peu après; il avait passé de longues années dans le service et il est demeuré fidèle.

Ces missionnaires qui sont restés intègres dorment maintenant dans la mort jusqu’à ce que Christ ramène à la vie ceux dont Dieu se souvient. — Jean 5:28, 29.

UN NOMBRE REMARQUABLE DE PIONNIERS AUXILIAIRES

Depuis quelques années déjà, des efforts ont été faits régulièrement pour augmenter la participation au service de pionnier auxiliaire dans les îles. Dans les années 1960, le surveillant de filiale a pris l’habitude de participer à la réunion qui a lieu à chaque assemblée de circonscription entre les surveillants de district et de circonscription et les anciens des congrégations. Il parlait pendant cinq ou dix minutes avec eux et les encourageait à mettre l’accent sur le service de pionnier de vacances (pionnier auxiliaire) pour le mois d’avril.

Ensuite, en janvier 1968, à une assemblée de circonscription tenue à l’Himalaya Club, l’un des discours de la réunion de service était intitulé “Le service de pionnier apporte la joie véritable”. Des écriteaux portant les lettres “VPA” avaient été accrochés tout autour de la salle. Qu’est-​ce que cela voulait dire? Lorsque le moment est venu pour l’orateur de prononcer le discours, on a vu un frère corpulent transformé en homme-sandwich aller et venir sur la scène. On pouvait lire cette inscription sur les pancartes qu’il avait sur lui: “Avril 1968”. Ce frère avait été appelé “Gros avril”. À présent, les assistants comprenaient que les lettres “VPA” signifiaient: “Pionniers de Vacances en Avril” (en anglais “Vacation Pioneer in April”). Ils n’ont jamais oublié cette démonstration.

Les frères ont commencé à répondre à cette invitation d’abord peu à peu, puis de plus en plus nombreux. On encourageait les enfants et les adultes non encore baptisés à prêcher en compagnie des pionniers de vacances et à s’efforcer d’atteindre les mêmes objectifs. On a obtenu des résultats surprenants à partir de 1978, comme le montre le schéma page 247.

Dans la congrégation de Belmont, à Port of Spain, les anciens ont discuté personnellement avec les frères et leur ont donné un exemplaire de la demande de pionnier de vacances pour qu’ils la lisent et y réfléchissent. Ils ont préparé et affiché des tableaux qui donnaient le programme de chaque jour de la semaine et montraient comment des mères de famille, ceux qui ont un travail profane et ceux qui vont à l’école pouvaient atteindre le nombre d’heures requis. Ils ont écrit des slogans sur les murs de la Salle du Royaume pour aider tous les membres de la congrégation à garder présent à l’esprit le service de pionnier de vacances.

D’autres congrégations ont appris les bons résultats obtenus à Belmont et ont commencé à utiliser des méthodes semblables. En conséquence, presque toutes les congrégations ont enregistré en 1985 une excellente participation au service de pionnier auxiliaire. À Belmont, 75 pour cent des proclamateurs ont été pionniers auxiliaires et ont passé en moyenne 63 heures dans le ministère. Dans la congrégation d’Arima Est, il y a eu 73 pour cent des proclamateurs dans le service de pionnier auxiliaire et cette proportion a dépassé 63 pour cent dans celle de Maraval. Il s’agit de grosses congrégations qui comptent chacune plus de 100 proclamateurs. À Cocoyea, 78 pour cent des 93 proclamateurs ont été pionniers auxiliaires.

Comment tant de serviteurs de Jéhovah parvenaient-​ils à s’organiser pour être pionniers auxiliaires? Voici ce qu’une sœur a expliqué: “Ce n’est que le sept du mois que j’ai fait ma demande, après avoir entendu un discours prononcé par un ancien. J’ai encouragé une jeune sœur à m’accompagner. Elle a accepté, et j’ai demandé à ses parents la permission qu’elle dorme de temps en temps chez moi pour que nous puissions participer à la prédication dans les rues tôt le matin. Mon emploi du temps était le suivant: je me levais vers 5 heures du matin, j’allais dans la rue aux environs de 6 h 30 et j’y restais jusqu’à 8 heures, car il fallait alors que je me rende à mon travail profane. Dans l’après-midi, je passais encore deux heures ou davantage dans le ministère. Le samedi était mon jour de congé; je commençais à prêcher à peu près à la même heure, je prenais le temps de manger et de me reposer, et je ne m’arrêtais qu’à 21 heures, après avoir passé au moins dix heures dans le ministère. Le dimanche, je ne prêchais qu’une heure. J’ai beaucoup apprécié la compagnie de cette jeune sœur, et j’ai aussi été très heureuse de rencontrer des frères qui donnaient le témoignage dans les rues, car sans eux je n’aurais pas pu rester dehors aussi tard. (...) J’ai pu passer 75 heures dans le ministère durant lesquelles j’ai distribué 716 périodiques; j’ai également fait 12 nouvelles visites et dirigé 2 études de la Bible à domicile. Lorsque j’examine mon rapport d’activité, le passage de Luc 17:10 me vient à l’esprit: ‘J’ai fait ce que je devais faire.’”

Dans une congrégation, une sœur de plus de 70 ans prend le service de pionnier auxiliaire plusieurs fois par an. En avril 1985, elle était très malade, mais elle a commencé à se sentir un peu mieux vers le 15 du mois, et elle a voulu reprendre le service immédiatement. Elle est sortie de son lit tant bien que mal, alors qu’elle était tout engourdie par l’arthrite; elle a déclaré que si elle devait mourir, il fallait qu’elle soit à ce moment-​là active dans le service de Jéhovah en tant que pionnier. Elle a dû faire de grands efforts pour aller dehors et participer à la prédication dans les rues. Puis, d’autres membres de sa congrégation se sont organisés pour l’aider en la transportant dans leur voiture. Seulement dix jours plus tard, elle avait atteint le nombre d’heures requis pour le mois. Au moment de la rédaction de ce récit, elle vivait toujours et projetait d’entreprendre de nouveau le service de pionnier auxiliaire.

Tous ceux qui travaillent au Béthel ont également constaté qu’il leur était possible de prendre part à cette forme de service accru. Voici ce que l’un des membres les plus âgés de la famille du Béthel a déclaré: “Combien nous nous sentons stimulés, même si nous sommes fatigués physiquement!”

DES ÉCOLES SPÉCIALES

C’est en 1961 qu’ont eu lieu les premiers cours de l’École du ministère du Royaume à la Trinité. Tous les pionniers spéciaux ont eu le privilège d’y être invités. Ils ont sans aucun doute apprécié ce privilège et tiré profit des cours. Plus tard, les frères pionniers permanents ont eu la possibilité d’y assister. En 1985, tous les serviteurs ministériels ont reçu un cours spécialement préparé à leur intention. Il était évident qu’un meilleur état d’esprit vis-à-vis du service à plein temps se développait, mais l’avenir nous réservait mieux encore.

En 1977, un manuel magnifique intitulé Brillez comme des foyers de lumière dans le monde a été édité pour servir de base à un cours pour les pionniers d’une durée de deux semaines. À présent, les sœurs pouvaient elles aussi recevoir cet enseignement et ces encouragements. Cette disposition a favorisé l’augmentation du nombre de serviteurs à plein temps, notamment de pionniers auxiliaires. L’esprit pionnier a semblé déteindre sur les proclamateurs; c’est ce qu’on a pu remarquer particulièrement en avril 1978, parce qu’un nouveau maximum réjouissant de 500 pionniers auxiliaires a été atteint ce mois-​là.

Nous avons reçu de nombreuses lettres de reconnaissance. Voici le contenu de l’une d’elles: “Je vous envoie cette lettre pour vous exprimer ma gratitude pour l’École des pionniers. Il s’agit vraiment d’une merveilleuse disposition que Jéhovah a prise au bon moment. Quelques mois avant que j’y assiste, mon mari a commencé à prendre part au service de la circonscription et je l’ai accompagné; c’était pour moi une véritable gageure. Le cours très complet m’a aidée à y faire face. Maintenant, la prédication revêt pour moi une plus grande importance, et mes présentations sont plus efficaces et plus intéressantes. Si donc j’obtiens de meilleurs résultats, c’est grâce à la mise en application de certaines des excellentes suggestions que l’on nous a données pendant cette école, telles que le fait de s’intéresser plus personnellement à son interlocuteur.

“L’une des pensées qui m’ont le plus frappée, c’est que nous collaborons avec Jéhovah dans l’œuvre qui consiste à prêcher et à faire des disciples, d’où la nécessité d’entretenir d’étroites relations avec lui. Cela m’a bien fait comprendre que j’avais besoin de communiquer plus souvent avec Dieu par la prière lorsque j’étais dans le service; cela a aussi renforcé ma confiance en son soutien.”

L’ACCROISSEMENT REND DE NOUVELLES INSTALLATIONS NÉCESSAIRES

Les bureaux et les chambres de la filiale sont restés durant 26 ans au 21 Taylor Street. En mai 1972, ils ont été transférés juste à l’extérieur de Port of Spain dans un bâtiment qui n’était pas neuf, mais qui convenait certainement bien mieux à nos besoins que les locaux que nous utilisions précédemment.

Quand nous avons décidé d’acheter ce bâtiment, nous avons remarqué qu’il était tout près d’un cours d’eau, le Maraval. Nous avons aménagé durant la saison sèche; nous nous sommes renseignés auprès des voisins, mais aucun d’eux ne nous a parlé du risque d’inondation à cet endroit-​là. Cependant, en décembre de la même année, à cause d’une crue subite la rivière est devenue un torrent déchaîné. Un flot d’eau boueuse a inondé les bureaux et le sous-sol jusqu’à une hauteur d’environ 30 centimètres.

Nous avons construit un mur de protection le long de la rive, et pendant plusieurs années il n’y a eu aucun problème. Puis, en 1975, une crue soudaine et dévastatrice a brisé le mur; le rez-de-chaussée a été recouvert de 1,20 mètre d’eau, et des milliers de livres ont été abîmés, ainsi que du matériel de bureau et des dossiers. Sur le conseil d’un ingénieur, nous avons édifié le long de la rivière et autour du bâtiment un mur de pierres qui se termine en pointe, haut de 2 mètres et large de 1,20 mètre à la base. Nous avons également installé des pompes. Mais en 1980, un autre désastre est survenu. Le mur mitoyen avec la propriété d’un voisin a cédé, et des tonnes d’eau se sont déversées autour du bâtiment de la filiale; le flot qui a brisé les portes a causé des ravages et a mis des vies en danger. En 30 jours, deux autres inondations se sont produites, et cette fois il n’y avait pas de murs de protection. Comme ils l’avaient déjà fait précédemment, des frères sont venus en grand nombre pour nous aider à tout nettoyer. Les voisins en croyaient à peine leurs yeux lorsqu’ils ont vu les tonnes de débris que l’on enlevait des locaux. En un temps remarquablement court, le bâtiment a retrouvé une apparence normale. Nous avons rapidement reconstruit un mur renforcé en béton armé, mais le Comité de la filiale a demandé l’avis du Collège central afin de construire de nouvelles installations pour la filiale.

CONSTRUCTION DE NOUVEAUX LOCAUX POUR LA FILIALE

Outre le risque d’inondations, il n’y avait de nouveau plus assez de bureaux ni de chambres pour tout le personnel qui effectuait les tâches nécessaires pour s’occuper des congrégations. Depuis 1972, le nombre des proclamateurs avait augmenté de près de 40 pour cent.

Le Collège central a approuvé la recommandation du Comité de la filiale. Les frères ont ensuite trouvé un terrain d’un demi-hectare, situé entre la ville de Port of Spain et l’aéroport. Ils ont rencontré quelques problèmes pour l’acquérir, mais ils les ont résolus un à un. Quand les pentecôtistes avaient voulu construire une église à cet emplacement, les voisins avaient protesté à cause du bruit que les rassemblements auraient occasionné. Ils avaient aussi un peu peur d’“attraper le virus”. Mais quand les Témoins de Jéhovah leur ont affirmé qu’il n’y aurait aucun danger s’ils bâtissaient là et qu’il y aurait très peu de bruit, les voisins ne se sont pas opposés à ce projet. Aussi, en 1981, avons-​nous acheté le terrain au nom de l’Association des Témoins de Jéhovah de Trinité et Tobago.

À peu près un an et demi s’est écoulé avant que nous puissions finalement commencer à construire le bâtiment lui-​même. Les frères ont donné volontiers d’eux-​mêmes sur le chantier. Étant donné que nous n’avions pas de matériel perfectionné à notre disposition, il a fallu de nombreux travailleurs pour couler les dalles sur les différents niveaux. Nous ne possédions en effet que deux bétonnières, des seaux et un lot de palettes sur lesquelles les frères ont pu se tenir pour se passer les seaux les uns aux autres. Deux longues chaînes de frères et de sœurs partaient des bétonnières jusqu’à l’endroit où il fallait verser le ciment. Une autre renvoyait les seaux vides aux bétonnières. Il arrivait souvent à ceux dont le métier était en rapport avec la construction de travailler toute la nuit. On a noté que ce chantier a eu un effet vraiment stimulant sur les congrégations et les a unies davantage.

Milton Henschel, membre du Collège central, était présent lors de l’inauguration qui a eu lieu le 16 mars 1985. Des proclamateurs de chaque congrégation de la Trinité étaient également invités; les 2 942 assistants occupaient chaque siège et chaque place disponible. Après le programme, tous sont repartis chez eux débordants de joie.

JÉHOVAH APPORTE PROGRESSIVEMENT DES AMÉLIORATIONS

En Ésaïe chapitre 60, Jéhovah a annoncé il y a bien longtemps qu’il voulait à la fois apporter des améliorations dans son organisation terrestre et l’agrandir en temps voulu. À n’en pas douter, les plus anciens parmi nous peuvent témoigner de la réalisation de cette prophétie. La situation dans les congrégations est certes bien meilleure maintenant qu’au temps où les frères menaient une campagne pour être élus comme anciens. Les congrégations sont aujourd’hui prospères sur le plan spirituel.

On compte à présent 50 congrégations à la Trinité et à Tobago. Il est stimulant de savoir que l’on peut s’attendre à une augmentation de ce nombre. En avril 1986, les 4 558 proclamateurs ont distribué au moins 135 000 périodiques et 11 537 livres. Ils ont dirigé plus de 6 990 études de la Bible à domicile. Il y a eu 13 961 assistants au Mémorial, ce qui était très encourageant. Durant les mois suivants, de nombreux nouveaux disciples se sont fait baptiser.

Depuis 1946, date à laquelle les premiers missionnaires sont arrivés à la Trinité, on a distribué une grande quantité de publications par rapport à la taille du territoire, soit au total 1 600 000 livres, plus de 1 500 000 brochures et des millions de périodiques. Un grand témoignage a été donné à la Trinité et dans les îles qui dépendaient de cette filiale. On peut s’attendre à ce qu’un nombre plus grand encore de personnes comparables à des brebis soient rassemblées avant la fin du présent système de choses.

Un surveillant de circonscription rapporte ce qui suit: “C’était un mercredi matin, durant la visite du surveillant de district. Nous étions dans le ministère, et lorsque nous sommes arrivés dans une certaine rue, un frère nous a dit: ‘Nous avons prêché ici vendredi.’ Nous avons décidé d’y aller quand même. Une femme nous a invités à entrer, et mon compagnon a discuté avec elle du sujet de conversation.

“Cette femme nous a expliqué qu’elle était née à la Trinité, mais qu’elle vivait à Londres avec sa famille; elle se trouvait donc ici en vacances. À Londres, sa belle-mère l’avait encouragée à lire la Bible. Elle s’y était donc mise et y avait trouvé du plaisir. Lorsqu’elle en avait parlé à sa belle-mère, celle-ci lui avait répondu: ‘Ce n’est pas suffisant; tu dois appartenir à une religion.’ Sa belle-mère était adventiste. Cependant, notre interlocutrice ne voulait pas se joindre à n’importe quelle Église, aussi a-​t-​elle prié Dieu à ce sujet. Elle lui a demandé un signe: ‘Ceux qui possèdent la vérité seront les prochains à venir me parler de l’Évangile.’ Nous avons été les premiers à frapper à sa porte. Lorsqu’elle est repartie à Londres, nous avons écrit à la filiale britannique pour qu’un Témoin continue à étudier la Bible avec elle. C’est ce qui s’est effectivement passé. Maintenant, cette famille est revenue habiter à la Trinité. Le mari et la femme sont tous deux baptisés et, avec leurs enfants, ils font partie d’une congrégation de l’est de l’île. Détail intéressant: des proclamateurs étaient venus chez cette femme le vendredi, mais elle est arrivée de Londres le samedi, et nous sommes venus à sa porte le mercredi suivant.” Oui, on obtient de bons résultats dans le ministère, et ceux qui se rendent disponibles pour y participer connaissent cette joie.

Si des améliorations ont été apportées dans le fonctionnement des congrégations, il y en a eu également dans la façon dont la filiale supervise l’œuvre. À présent, ce n’est plus un surveillant de filiale qui dirige seul les activités de la filiale. Les tâches et les responsabilités sont partagées entre les différents membres d’un Comité de filiale, ce qui a permis de prêter davantage attention aux divers aspects de l’œuvre. Actuellement, le Comité est composé de Earl David, Zephrine Nedd, Winston Simon et Alexander Tharp.

La “terre du colibri” et l’“île de Robinson Crusoé” sont des endroits où il fait bon vivre et servir Jéhovah, notre grand Créateur, qui fait toute chose belle en son temps (Eccl. 3:11). Certes, en comparaison d’autres pays, la filiale de Trinité et Tobago s’occupe d’un petit territoire où il n’y a guère de prédicateurs. Pourtant, c’est avec beaucoup de joie que nous considérons l’histoire de l’œuvre dans ces îles. Nous sommes déterminés à continuer à aller de l’avant aux côtés de nos frères du monde entier pour veiller aux intérêts du Royaume, tout en attendant impatiemment le temps où toute chose qui respire louera Jéhovah. — Ps. 150:6.

[Graphique, page 247]

(Voir la publication)

AUGMENTATION DU NOMBRE DES PIONNIERS AUXILIAIRES

1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985

4 000

3 500

3 000

2 500

2 000

1 500

1 000

500

16,9 28,8 40,6 39,1 47,9 52,3 54,1 56,7

Pourcentage de pionniers auxiliaires par rapport au nombre de proclamateurs

[Illustration, page 232]

Alexander Tharp, coordinateur de la filiale de la Trinité, avec sa femme Lois.

[Illustration, page 239]

À bord du “Sibia”, le bateau de missionnaires.