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Suède

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Annuaire 1991 — Rapport

AU MOYEN ÂGE, alors que des ténèbres enveloppaient l’Europe, les Vikings surgirent du nord. Ces puissants Germaniques de Scandinavie passèrent maîtres dans l’art du combat naval et conçurent de grands et rapides drakkars qui leur permirent d’étendre leur domination vers le sud, l’ouest et l’est. Les Vikings norvégiens et danois naviguèrent vers les côtes de la Grande-Bretagne, de l’Irlande et de l’Europe continentale, tandis que les Vikings suédois progressèrent vers l’est: ils traversèrent la Baltique et s’engagèrent dans les fleuves et les lacs menant aux vastes forêts de bouleaux et à la toundra de Russie. À partir de la fin du VIIIsiècle, et pendant environ 250 ans, les Vikings contrôlèrent les voies de navigation nordiques sur lesquelles ils commerçaient et s’enrichissaient.

À la fin du XIXsiècle, les Suédois se déplacèrent à nouveau vers des rivages étrangers — en vue d’une conquête pacifique cette fois. Ils avaient eu de mauvaises récoltes, souffraient du chômage et même de la faim. Aspirant à de meilleures conditions de vie, plus d’un million de Suédois quittèrent leur pays entre 1865 et 1914. La plupart s’installèrent en Amérique du Nord, où ils trouvèrent la prospérité matérielle. Certains d’entre eux, cependant, découvrirent quelque chose de bien plus précieux: une vie riche sur le plan spirituel, fondée sur une foi vivante. Ils ne tardèrent pas à en faire profiter leurs amis et parents qu’ils avaient laissés en Suède. Comment ce trésor spirituel atteignit-​il finalement la côte suédoise?

“Deux cents Suédois l’ont acceptée”

Vers 1882, aux États-Unis, un évangéliste du nom de Charles Seagrin lut quelques publications de Charles Russell, notamment la brochure intitulée Nourriture pour les chrétiens réfléchis. Convaincu qu’il s’agissait de la vérité, il prêcha avec zèle parmi les émigrants suédois. Au bout de six mois, il écrivit à frère Russell, le premier président de la Société Watch Tower: “Depuis que je prêche la vérité, environ deux cents Suédois l’ont acceptée, se réjouissent en elle et la communiquent à d’autres. (...) De nombreux membres de notre nation [la Suède] semblent être disposés à écouter (...). Si nous pouvions avoir de la nourriture spirituelle en suédois également, cela procurerait de grands bienfaits avec la bénédiction du Seigneur.”

Cette lettre amena frère Russell à rappeler aux lecteurs du périodique La Tour de Garde de Sion (édition anglaise de juin 1883) qu’un “fonds pour les tracts en suédois” avait déjà été créé en vue d’imprimer des publications dans cette langue. Il leur signala toutefois que ce fonds n’était constitué à l’époque que de 30 dollars, tout en ajoutant avec confiance: “Notre Maître est riche — il possède le cheptel sur mille collines, ainsi que les collines elles-​mêmes, et tout l’or et l’argent sont à lui. S’il juge que l’œuvre doit être accomplie, il pourvoira à ce qui est nécessaire pour cela.”

Et c’est effectivement ce que “notre Maître” fit! Quatre mois plus tard seulement, La Tour de Garde de Sion publia cette annonce: “Le fonds pour l’impression de tracts en suédois est maintenant suffisant pour permettre la publication d’un numéro de LA TOUR dans cette langue. Ce numéro sera utilisé comme un tract parmi les chrétiens suédois et norvégiens, ici et en Suède.” Dix ans plus tard, le premier tome de L’Aurore du Millénium (série de livres appelée plus tard Études des Écritures) fut publié en suédois.

Il était donc désormais possible d’apporter des graines de la vérité du Royaume dans ce pays, le plus grand de Scandinavie. Mais que dire des Suédois, de leur personnalité, de leurs coutumes et de leur pays? La “moisson” y serait-​elle bonne? — Mat. 9:37, 38.

Un pays boisé

La Suède est un paradis vert et bleu. Mais comment est-​ce possible, alors qu’elle se trouve tout au nord de l’Europe, à cheval sur le cercle polaire arctique? Ce pays de montagnes majestueuses, de plaines fertiles, de forêts de conifères, de plages de sable et d’archipels magnifiques bénéficie de la douceur de vents tempérés par le Gulf Stream.

Une tradition unique, celle du “droit de tout individu”, permet à chacun de se promener librement dans les forêts et les champs, de cueillir des baies et des champignons, de se baigner, ou d’amarrer un bateau au rivage sans avoir à solliciter une autorisation. La Suède est le quatrième pays d’Europe pour ce qui est de la superficie. Elle s’étend sur près de 1 600 kilomètres du nord au sud et sur 500 kilomètres de la Baltique, à l’est, jusqu’à la Norvège et à la mer du Nord, à l’ouest. Ses 8,6 millions d’habitants sont donc loin d’être à l’étroit. Cela représente par habitant une moyenne de 5 hectares, dont près de 3 sont boisés de bouleaux, d’épicéas et de pins, soit environ 7 500 arbres par personne. Pensez à l’odeur tonifiante de ces forêts de pins luxuriantes!

Un royaume hétérogène

La Suède, l’un des plus anciens royaumes du monde, a des traditions démocratiques de longue date, avec un parlement où sont représentés plusieurs partis. Près de 95 % des Suédois appartiennent à l’Église luthérienne, qui est l’Église d’État, bien qu’une petite minorité d’entre eux seulement assiste régulièrement à l’office. Toutefois, au cours des dernières décennies, des centaines de milliers d’immigrants ont fait de la société suédoise une société hétérogène sur les plans religieux et culturel. Le temps où la nation n’était constituée que de Suédois de haute taille, aux cheveux blonds ou châtains et aux yeux bleus est révolu.

Les habitants de Suède bénéficient de mesures sociales destinées à assurer leur bien-être depuis leur naissance jusqu’à leur mort. Entre autres services subventionnés par l’État, citons les allocations destinées aux jeunes, l’école gratuite, les allocations de logement, l’assurance maladie, les soins médicaux pour ainsi dire gratuits et les pensions accordées aux personnes âgées ou handicapées. Bien qu’il ait fallu du temps pour que les usines et les machines conçues lors de la révolution industrielle fassent leur apparition dans le pays, la Suède fait maintenant partie des nations les plus industrialisées au monde. L’état d’esprit propre à ces habitants du Nord semble reposer essentiellement sur la conviction que ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait. Mais les graines du Royaume allaient-​elles germer et croître dans ce pays où les conditions de vie semblaient si favorables?

Les premières graines sont semées en Suède

Il y a une centaine d’années, des émigrants suédois qui avaient accepté avec enthousiasme la vérité aux États-Unis commencèrent à envoyer des publications aux membres de leur famille et à leurs amis qui résidaient en Suède. Certaines de ces graines de vérité arrivèrent dans un cottage sur la petite île de Sturkö, située au large de la côte méridionale de la Suède. Elles germèrent rapidement dans le cœur d’un jeune homme.

Un soir de 1898, August Lundborg, jeune homme de 25 ans énergique et râblé qui était capitaine à l’Armée du Salut, rendit visite à Petter Larsson et à sa famille à Sturkö. Durant un court moment où il se retrouva seul dans leur cottage, ses yeux tombèrent sur deux livres: les deux premiers tomes de L’Aurore du Millénium, de Charles Russell. En les feuilletant, il trouva une explication du sacrifice rédempteur de Christ qui le remplit d’étonnement et de joie. Il emprunta les livres, les dévora et se mit immédiatement à s’en servir pour enseigner à ses réunions.

Lundborg était un homme d’action; il adressa à frère Russell une lettre datée du 21 décembre 1898 dans laquelle il lui disait: “Cher Monsieur Russell: Le soussigné, ex-capitaine de l’Armée du Salut, a récemment quitté ladite organisation en raison de la lumière que Dieu a répandue sur lui au moyen de votre ouvrage, L’AURORE DU MILLÉNIUM.” Après avoir exprimé sa gratitude pour la vérité qu’il avait découverte, Lundborg concluait: “Si vous le désirez, je serais très heureux d’entreprendre l’œuvre de colporteur ici en Suède.” Sans hésitation, frère Russell lui expédia 55 jeux des 3 premiers tomes de L’Aurore du Millénium et l’encouragea à en envoyer des exemplaires à ses anciens collègues de l’“Armée”.

Lundborg fut énormément déçu quand il reçut les colis. Il n’y avait pas assez de livres! En peu de temps, ils furent tous distribués parmi ses collègues et d’autres personnes. Il écrivit donc peu après à Russell pour en recevoir d’autres. Son attente fut longue. Il lui semblait qu’ils n’arriveraient jamais. Sans se laisser décourager par le manque de publications, il entreprit son activité de colporteur en mai 1899 à Stockholm, où il se mit à prêcher à plein temps de maison en maison. Il nota avec empressement les commandes de livres qu’il apporterait plus tard. Ainsi, les graines du Royaume continuèrent à être semées.

La première congrégation se dessine

Frère Russell envoya aussi à Lundborg l’adresse d’un certain S. Winter, qui habitait au Danemark et avait commencé à répandre les graines de vérité dans ce pays, ainsi que dans l’extrémité sud de la Suède. Lundborg invita aussitôt cet homme à Stockholm et décida d’y tenir une réunion biblique — la toute première en Suède. Quelques personnes bien disposées se serrèrent dans la petite cuisine d’une famille qui s’était procuré des publications auprès de Lundborg. Une vive émotion régnait dans la pièce pendant que ces personnes spirituellement affamées dévoraient les paroles de vérité.

À la fin de 1899, ce petit groupe énergique commença à se réunir régulièrement le dimanche. Il louait une petite menuiserie dans Apelbergsgatan pour deux couronnes (environ 2 francs) par soirée. Le jeudi 12 avril 1900, huit personnes se rassemblèrent dans une pièce louée dans Grev Magnigatan pour la première célébration du Mémorial en Suède. Ils prièrent pour que l’esprit de Dieu accélère l’accroissement.

Quelques mois plus tard, ils louèrent un lieu plus grand: un appartement situé au 8 Trångsund. Ils y tinrent leur première assemblée “faite maison” du 20 au 27 juin 1901. Des Étudiants de la Bible du Danemark y assistèrent également. Désirant se faire une idée de l’intérêt manifesté en dehors de Stockholm, le groupe suédois organisa une réunion dans la ville universitaire d’Uppsala, plus au nord. Ils furent extrêmement surpris d’y dénombrer 150 personnes bien disposées.

La vérité commençait maintenant à se répandre dans le pays. Une petite pièce louée au 20 Kungsgatan, à Stockholm, servait de bureau et de dépôt de publications. Lundborg continuait à ‘semer’ avec zèle dans toutes les directions; il se déplaçait à pied, en voiture attelée, en train et en bateau (Mat. 13:3-23). En 1902, il rapporta qu’il avait prêché dans presque toutes les villes du centre et du sud de la Suède.

D’autres graines germent

Les graines de vérité qui avaient été semées dans d’autres parties du pays commençaient à germer dans le cœur de nombreuses personnes énergiques qui se mirent rapidement à participer à l’œuvre. Un jour de 1902, dans la ville de Malmö, un jeune homme du nom de P. Johansson se promenait dans un parc quand il vit un tract intitulé Le savez-​vous? oublié sur un banc. Il le lut, comprit qu’il s’agissait de la vérité et, sans perdre de temps, commença peu après à servir comme colporteur.

À Segmon, dans la partie occidentale du centre de la Suède, vivait un maréchal-ferrant du nom d’Axel Gustaf Rud. Depuis 35 ans, il était un prédicateur bien connu de l’Église libre. Il reçut un exemplaire de L’Aurore du Millénium que des membres de sa famille lui envoyèrent d’Amérique du Nord simplement pour savoir ce qu’il en pensait. Il fut si convaincu d’avoir trouvé la vérité qu’il déclara dans sa chapelle: “Jusqu’à présent je disais des mensonges. Désormais je dirai la vérité.”

Quand, avec 30 autres fidèles, il quitta son Église, un journal local regretta la perte de “ce prédicateur hors pair”. L’un de ses anciens coreligionnaires formula cette plainte: “En quoi allons-​nous croire maintenant que Rud nous a retiré l’enfer?” Une congrégation d’Étudiants de la Bible ne tarda pas à être formée non loin de là, à Grums.

“La Tour de Garde” en suédois

En 1902, frère Lundborg, qui persévérait dans l’œuvre, demanda instamment à frère Russell qu’un périodique soit édité en suédois. Frère Russell répondit: “J’ai toujours pensé que l’œuvre de colporteur, ainsi que la distribution de tracts, est bien plus importante que l’édition de n’importe quel périodique en n’importe quelle langue, et je te recommande de consacrer ton temps à cette activité.”

Toutefois, Lundborg était déterminé, et il suivit son idée. À la fin de cette année-​là, il avait imprimé et distribué le premier numéro d’un périodique mensuel, I Morgonväkten (Dans la garde du matin). Il contenait des extraits de La Tour de Garde de Sion, des sermons du pasteur Russell, des poèmes et du courrier des lecteurs. Quand frère Russell passa à Stockholm au cours d’une tournée qu’il effectua en Europe en mai 1903, il décida d’intituler ce périodique La Tour de Garde de Sion et d’en être l’éditeur. C’est ce qui fut fait en janvier 1904.

La première vraie assemblée

La première vraie assemblée se tint les 3 et 4 mai 1903 lors du passage de frère Russell à Stockholm. Il donna plusieurs discours profonds, qui furent interprétés par un ancien ministre de l’Église suédoise. L’assistance s’éleva à 250 personnes, dont la moitié étaient “du dehors”, c’est-à-dire manifestaient de l’intérêt pour le message depuis peu.

Les frères et sœurs avaient beaucoup d’affection pour frère Russell. En lisant ses écrits, ils avaient fait leurs sa foi et ses pensées, et maintenant ils étaient enthousiasmés de le voir et d’entendre son message. Un frère écrivit: “Nous avons été surpris par sa stature imposante, son teint frais et l’expression joyeuse de son visage, quoique les années aient déjà parsemé de mèches argentées sa chevelure sombre. La bienveillance et l’amour se lisaient dans son regard doux et pourtant grave. Ses discours étaient vivants et passionnants, mais aussi dénués de toute sorte d’exagération. Il gagna notre sympathie dès le premier instant.”

Débordante de joie, Matilda Lindros, la première Suédoise à s’engager dans l’œuvre de colporteur, écrivit à la filiale: “Ces jours me paraissent maintenant comme un beau rêve. Toutefois, puisse Dieu m’aider non seulement à me les rappeler, mais aussi à mettre de tout cœur en pratique les choses apprises, (...) et puisse le Seigneur aider ses serviteurs dévoués et obéissants à le rester jusqu’à la fin!” Elle demeura fidèle et continua de servir Jéhovah jusqu’en 1945, date à laquelle elle mourut, à l’âge de 91 ans.

Exprimant la satisfaction qu’il retirait de ce voyage, frère Russell écrivit par la suite: “Je n’oublierai jamais mon passage en Scandinavie, et toujours je prierai le Seigneur d’y bénir son œuvre.”

Le service à plein temps: la clé de voûte de l’œuvre

La foi et la détermination de frère Russell incitèrent certains de ceux qui venaient de découvrir la vérité à s’engager avec enthousiasme dans l’œuvre de prédication à plein temps. Depuis lors, le ministère à plein temps est la clé de voûte de l’œuvre du Royaume en Suède.

Ces colporteurs de la première heure commencèrent leur œuvre sans hésitation, sans avoir reçu de formation particulière et souvent sans disposer de domicile fixe. Ils n’avaient qu’un travail à temps partiel pour subvenir à leurs besoins et se déplaçaient uniquement à pied. Ils comprenaient l’importance et le caractère urgent de l’œuvre, et allaient de maison en maison en courant plutôt qu’en marchant, parcourant rapidement de vastes régions. Lundborg fit ce rapport à frère Russell:

“Je m’efforce toujours d’être aussi efficace que possible en suivant la méthode que vous appliquez en Amérique et que tu m’as décrite dans ta lettre: rendre visite à tous les foyers se trouvant dans un même lieu. Je vais de porte en porte, pâté de maisons après pâté de maisons (du petit matin au soir assez tard), jusqu’à ce que je sois prêt à me rendre dans la ville suivante. Mais quand un lieu n’est pas plus populeux que celui où je me trouve actuellement (Mariefred, qui ne compte que 1 100 habitants), il ne faut pas beaucoup d’heures pour le parcourir.”

Quand les colporteurs devaient se rendre dans un endroit trop éloigné pour faire le trajet à pied, ils utilisaient un autre moyen de transport, souvent bon marché et lent. Malgré tout, ils employaient sagement leur temps. Le même rapport ajoutait: “Je voyage à bon marché. Mon corps est assez solide pour que je puisse le rudoyer un peu. Quand c’est possible, je prends le bateau, parfois un cargo. J’achète quelquefois le billet le moins cher sur un paquebot à vapeur (où je dois rester nuit et jour sur le pont à ciel ouvert). Je veille aussi à profiter du temps que je passe sur le bateau pour parler aux gens et étudier la Bible.”

Premières visites de surveillants itinérants

Les nouvelles congrégations avaient besoin de recevoir des visites régulières de surveillants itinérants pour être encouragées et mieux s’organiser. En 1905, il fut donc prévu qu’elles reçoivent la visite de chrétiens mûrs appelés frères pèlerins. Charles Edberg, qui avait connu la vérité aux États-Unis et était arrivé en 1904 sur un paquebot à vapeur, fut le premier frère pèlerin. Il contribua énormément à organiser l’œuvre à ses débuts dans le pays.

La Tour de Garde annonça que les congrégations devaient écrire à la Société et demander à recevoir une visite. Il leur fallait organiser des réunions qui seraient présidées par le frère visiteur, et loger ce dernier. Il leur était conseillé de ne pas faire d’autres préparatifs particuliers pour lui, car, pour reprendre les termes de La Tour de Garde, “il ne vient pas pour être servi, mais pour servir”.

Chacune des visites de frère Edberg durait au moins deux jours. À l’issue de l’une d’entre elles, un assistant stimulé par ses exposés déclara: “J’ai appris plus de choses durant ces discours qu’au cours des 20 dernières années.” Un autre dit: “Il est remarquable de constater que la Bible contient beaucoup de choses que nous n’avons encore ni entendues ni vues.” Frère Edberg était loin de s’imaginer que de telles visites seraient toujours rendues aux congrégations plus de 85 ans plus tard par des surveillants de circonscription et de district.

La filiale déménage

Au cours de ses premières années d’existence, la petite filiale suédoise — principalement meublée par des cartons de publications et le lit de frère Lundborg — déménagea à plusieurs reprises d’un lieu à un autre dans le centre de Stockholm. En 1905, elle quitta la pièce minuscule située au 20 Kungsgatan pour occuper une partie d’un appartement situé au 7 Adolf Fredriks Kyrkogata. On loua trois pièces, une pour les réunions, une pour le bureau, et une pour les cartons et le lit de frère Lundborg. Mais avant la fin de l’année le propriétaire de l’appartement voulut retrouver la jouissance de ses pièces, et la filiale déménagea au 39 B Rådmansgatan.

Comme l’œuvre prenait de l’essor, surtout dans les deux plus grandes villes — Stockholm, sur la côte est, et Göteborg, sur la côte ouest — Lundborg jugea préférable d’exercer ses activités d’un endroit situé entre ces deux villes. C’est pourquoi, en 1907, la filiale s’installa à Örebro, ville située à environ 200 kilomètres à l’ouest de Stockholm, où elle demeura pendant une vingtaine d’années.

Russell se soucie de la Suède

Les nombreuses lettres que frère Russell adressa à frère Lundborg témoignent du profond intérêt qu’il portait à l’œuvre du Royaume en Suède. Toujours chaleureuses et encourageantes, ces lettres contenaient des instructions claires et fermes. Voici ce qu’il écrivit dans l’une d’elles: “Sois toujours assuré de mon amour et de mon affection, même quand, parfois, je juge nécessaire de t’adresser des critiques.”

En 1909, Russell vint pour la deuxième fois en Suède, et environ 300 personnes se rassemblèrent pour assister à une assemblée organisée à Örebro. Deux ans plus tard seulement, il revint et développa dans la plus grande salle de Stockholm le sujet intitulé “Le jugement du grand trône blanc”. Il était désormais bien connu en Suède. La salle était comble, et environ 1 500 personnes furent déçues de ne pas pouvoir y entrer. On parla du discours dans toute la ville. Quand frère Russell et ceux qui l’accompagnaient montèrent dans le train pour se rendre à Copenhague, sa prestance impressionna tant le contrôleur qu’il resta là, bouche bée, et oublia de donner à temps le signal du départ. “Qui est ce personnage royal?” demandait-​on.

Frère Russell s’arrêta pour la dernière fois en Suède en 1912, au cours d’un voyage autour du monde. Le discours public qu’il prononça au cirque de Djurgården était intitulé “Par delà la tombe”. Une sœur évoqua l’effervescence que provoqua la visite de frère Russell à Karlstad, où elle habitait: “La salle louée pour la réunion était comble, au point qu’on craignait que le plancher ne cède.”

Frère Russell continua de s’intéresser à la Suède en y envoyant des membres du siège mondial de la Société, notamment Joseph Rutherford, qui devint par la suite président de la Société Watch Tower. En 1913, frère Rutherford se rendit dans 15 grandes villes de Suède et de Norvège en seulement trois semaines. Sa vigueur, sa connaissance de la Bible et ses discours dynamiques encouragèrent les frères. Il donna le discours public intitulé: “Où sont les morts?” Un frère se souvient d’une réunion tenue à Göteborg: “Durant son sujet, frère Rutherford déclara: ‘J’offre 1 000 dollars à toute personne présente qui peut prouver que l’homme possède une âme immortelle.’ Personne ne releva le défi.”

Quand la nouvelle de la mort de frère Russell survenue le 31 octobre 1916 parvint en Suède, il fut manifeste qu’il y était bien connu. Un certain nombre de quotidiens lui rendirent hommage en publiant des avis pleins de considération. Certains ont même publié l’un de ses sermons. Sans conteste, l’intérêt que frère Russell avait porté à la Suède poussa les frères à y promouvoir l’œuvre du Royaume.

La Première Guerre mondiale ne les surprend pas

Quand la Première Guerre mondiale éclata, ce ne fut pas vraiment une surprise pour les Étudiants de la Bible de Suède. Des années auparavant, ils avaient lu dans les publications de la Société Watch Tower que, selon la chronologie biblique, 1914 était l’année où il fallait s’attendre à “l’anarchie mondiale”. L’attente était telle qu’au début de cette année-​là certains allèrent jusqu’à se constituer une réserve de nourriture. Quand ils apprirent que la guerre avait éclaté, ils se réjouirent de la proximité de leur salut.

Frère Arthur Gustavsson, qui avait 11 ans à l’époque, déclara: “Je me souviens très bien du dimanche 2 août 1914. Mon père présidait la réunion à Göteborg quand nous avons entendu un crieur de journaux qui annonçait dans la rue: ‘Un conflit mondial a éclaté!’ Dans la salle, les frères se regardèrent les uns les autres. Certaines des choses que nous proclamions au sujet de 1914 commençaient à se réaliser.” Frère Gustavsson se dépensa par la suite dans le service à plein temps pendant 56 ans, et continua à prêcher jusqu’à la fin de sa vie terrestre en 1987.

Bien que la Suède se soit tenue à l’écart de la Première Guerre mondiale, elle souffrit d’une pénurie de nourriture et d’autres produits de première nécessité. Des foules d’ouvriers s’agitèrent et organisèrent des marches dans la campagne pour piller les fermes. Toutefois, Jéhovah Dieu veilla à ce que ses serviteurs suédois soient bien nourris sur le plan spirituel durant les années de guerre, quoique la communication avec le siège mondial situé à Brooklyn fût sérieusement entravée. Le périodique La Tour de Garde fut publié sans interruption. Même le septième tome des Études des Écritures entra en Suède et fut traduit et imprimé durant la guerre.

Le Photo-Drame: un autre outil

Le matériel nécessaire pour présenter le Photo-Drame de la Création — une projection d’images fixes et animées, avec son synchronisé, qui durait plusieurs heures — entra également en Suède alors que la Première Guerre mondiale faisait rage. Un couple américain d’origine suédoise, William et Bella Undén, vint des États-Unis pour montrer comment utiliser ce matériel. Le zèle et l’enthousiasme que le Photo-Drame inspira aux frères ressortent de cet extrait de l’édition suédoise de La Tour de Garde du 15 octobre 1914:

“Nous devons maintenant nous rendre aussi rapidement que possible dans toutes les grandes villes de notre pays, (...) car nous voyons actuellement les cieux se courroucer au-dessus de nos têtes et l’humanité trembler de peur à cause de l’ouragan qui ébranle déjà l’actuel ordre de choses.”

La première projection fut présentée au théâtre d’Örebro, le 25 septembre 1914. La salle était comble, et, à l’extérieur, la rue était envahie de gens qui ne purent pas entrer. La projection fut présentée les soirs suivants. La Tour de Garde rapporte: “Les gens venaient de plus en plus nombreux, si bien qu’à chaque fois plusieurs agents de police avaient bien du mal à nous aider à maintenir la foule à l’extérieur.”

En 1915, un journal de Sundsvall fit ce rapport: “Grâce à nos excellents gardiens de la paix, aucun trouble ne s’est produit, mais une grande déception se lisait toujours sur les visages quand les portes se refermaient inexorablement. Les milliers de personnes qui n’avaient pas pu entrer se dispersaient à regret, tandis que les plus enthousiasmées restaient là pendant toute la projection pour se trouver au moins à proximité de l’endroit où se produisait le prodige, le miracle.”

Au cours des trois années suivantes, le Photo-Drame fut présenté dans des centaines de salles. Rien qu’en 1915, il fut projeté 1 256 fois. Il contribua beaucoup à faire connaître aux gens les desseins de Jéhovah et à faire vivre la Bible. Le journal cité plus haut ajoutait que Russell et ses compagnons “œuvrent, comme chacun le sait, pour mettre les Saintes Écritures à la portée de tous et, grâce à l’explication de divers textes bibliques, pour donner une conception juste de Dieu”.

Une jeune femme du nom d’Elin Andersson faisait partie de ceux qui projetaient le Photo-Drame. Elle est maintenant âgée de 90 ans, et elle a les larmes aux yeux quand elle fait appel à ses souvenirs: “J’appartenais à une équipe de 12 frères et sœurs qui voyageaient à travers le pays avec un jeu du Drame. Mon rôle était de placer les spectateurs et de m’occuper d’eux. C’était merveilleux de voir tous ces gens entrer et de remarquer combien ils étaient impressionnés. Beaucoup venaient à plusieurs reprises, faisaient la queue pendant des heures pour être sûrs d’avoir une place. Quelle période mémorable et heureuse!”

Au cours de ces années de guerre, la vérité fut également répandue grâce aux journaux qui publiaient des sermons de frère Russell. Ils avaient commencé à le faire avant la guerre et continuèrent jusqu’en 1916. Cinq journaux en tout réservaient plusieurs colonnes ou des pages entières à ces sermons. Certains les publiaient même régulièrement dans leur édition du samedi. Le message reçut ainsi une grande publicité à cette époque où l’on ne trouvait encore ni radio ni télévision dans les foyers.

La part importante des sœurs

Vers 1914, année palpitante s’il en fut, plusieurs proclamateurs du Royaume se sentirent poussés à opérer des changements radicaux dans leur vie. À cette époque où l’on pensait que toute jeune fille devait se marier et élever des enfants, un certain nombre de jeunes sœurs entreprirent sans hésiter le service à plein temps et l’accomplirent jusqu’à leur mort. Leur activité fut abondamment bénie, et, de nos jours, des Témoins de Jéhovah tout aussi zélés parlent d’elles comme de leurs mères, de leurs grands-mères, voire de leurs arrière-grands-mères spirituelles. — Joël 2:28.

Une jeune infirmière, Ebba Palm, voulait tant aider les personnes malades sur le plan spirituel qu’elle prêchait dans son uniforme. Comme cet uniforme était celui d’un ordre d’infirmières très respecté, les Sœurs Sophia, de nombreux foyers distingués lui ouvrirent leurs portes. Durant les trois premiers mois de son activité de colporteur, elle distribua 1 085 livres et de très nombreuses brochures.

La sœur aînée d’Ebba, Ellen, quitta son travail d’employée de banque et entreprit le service de colporteur. Son zèle était remarquable. Après son mariage, elle et son mari utilisèrent un bateau à vapeur pour rendre visite aux gens dans les fjords et les criques de la Baltique.

Anna Wickbom était la fille d’un commissaire de police. Elle avait été gouvernante à la cour du tsar de Russie, puis préceptrice dans la famille d’un comte. Elle quitta sa place bien rémunérée pour devenir colporteur dans un territoire proche de chez elle. Comme ses voisins la connaissaient, ils la recevaient avec respect. Sa bonne connaissance des langues lui ouvrit plus d’une porte.

Un jour, elle se présenta dans une résidence imposante. La maîtresse des lieux, une comtesse, envoya son maître d’hôtel à la porte pour intimider Anna. “Aujourd’hui, la comtesse ne parle qu’en français”, tonna-​t-​il. “C’est absolument parfait”, répliqua Anna. Quand la comtesse entendit l’excellent français d’Anna, elle fut fort embarrassée, car elle possédait mal cette langue. Aussi lui dit-​elle: “Je vous en prie, parlons suédois!” Elle fut si impressionnée que pendant de nombreuses années elle accepta régulièrement des publications lorsqu’elle reçut la visite de Témoins.

Une autre jeune femme, Maja Lundquist, offrit ses services pour accueillir les spectateurs du Photo-Drame, et ce pendant trois ans. Elle apprécia tant ce privilège qu’elle continua à se dépenser avec zèle dans le ministère à plein temps pendant 53 ans, jusqu’à sa mort. Sa spécialité était le témoignage sur les navires étrangers. Pendant de nombreuses années, sur les quais et les ponts des navires, on vit fréquemment cette petite femme gaie et énergique parler du Royaume de Dieu aux capitaines et à leurs équipages parmi lesquels elle distribuait de grandes quantités de publications en de nombreuses langues. “Le port est mon territoire préféré”, disait-​elle souvent.

La vigueur, la foi et la persévérance de ces sœurs pionniers étaient extraordinaires. Johan Eneroth, maintenant décédé, qui était coordinateur du Comité de la filiale, déclara un jour: “Il est vraiment touchant d’apprendre que des femmes délicates parcourent à pied de très nombreux kilomètres, parfois à travers bois, chargées de lourds sacs remplis de livres, pour atteindre de petits villages isolés et communiquer le message d’espérance et de réconfort à leurs habitants dans des conditions très difficiles.”

La porte se fermerait-​elle en 1918?

Au début de 1918, les frères avaient de grandes espérances. Selon les prophéties, il semblait que cette année-​là marquerait le début de “la première résurrection” et l’enlèvement au ciel de la classe de l’épouse du Christ (Rév. 20:5, 6). Tous les chrétiens oints seraient-​ils concernés, y compris les derniers, ceux qui vivaient sur la terre à l’époque? La porte donnant accès au “festin de mariage”, dont il est question en Matthieu 25:10, serait-​elle bientôt fermée? Ces questions donnaient lieu à des discussions très profondes parmi les frères. Au Mémorial qui eut lieu le 26 mars de cette année-​là, 1 714 personnes prirent les emblèmes. Beaucoup pensaient célébrer cet événement pour la dernière fois. En fait, il semblait que même l’activité s’était ralentie! Un frère pèlerin zélé, Ernst Lignell, écrivit à la filiale:

“Nous espérons que c’est la dernière fête de ce genre dans ce monde et que lors de notre prochaine célébration nous aurons la joie de boire la coupe dans le Royaume. Mais que la volonté de notre Père se fasse en toutes choses! S’il désire nous laisser un peu plus longtemps ici-bas, dans ‘la vallée de l’ombre de la mort’, nous voulons nous soumettre à cette décision. Cependant, selon toute apparence, le temps qui reste se fait très court.”

Cependant, l’Époux avait d’autres projets merveilleux à l’esprit pour les derniers chrétiens oints qui se trouvaient sur la terre. En 1919, à la grande assemblée tenue à Cedar Point, aux États-Unis, il leur fut rappelé qu’ils avaient le privilège d’annoncer la venue prochaine du glorieux Royaume de Dieu en tant qu’ambassadeurs du Seigneur. Quand les frères suédois eurent des échos de cette assemblée, ils se réjouirent et changèrent rapidement d’état d’esprit pour s’atteler à cette mission. L’œuvre reprit alors de l’essor.

Ils distribuèrent des tonnes de publications. Beaucoup acceptaient avec empressement les brochures Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais et Où sont les morts? Parfois, les colporteurs avaient un besoin si urgent de ces publications qu’ils télégraphiaient au bureau de la filiale de leur envoyer “500 Millions” ou “200 Morts” — messages qui laissaient perplexes plus d’un radiotélégraphiste.

Épreuves sévères dans les années 20

Le grand ennemi, Satan le Diable, ne manqua pas de remarquer cette activité énergique. Il tenta de refroidir le zèle des frères en répandant des pensées négatives. Il essaya de se servir des faiblesses de la nature humaine à partir de 1920 et, de façon particulièrement marquante, en 1925. August Lundborg, qui avait dirigé la filiale de la Société pendant une vingtaine d’années, commença à perdre la juste appréciation de sa position par rapport à l’organisation de Dieu. Faisant fi des conseils et des directives qu’il reçut de celle-ci, il édita ses propres interprétations dans La Tour de Garde. Les frères en furent troublés. L’œuvre se ralentit. On consacra beaucoup de temps et d’efforts pour amener avec amour celui qui s’égarait à se rendre compte qu’il faisait fausse route et à se repentir.

L’organisation de Dieu ne tarda pas à prendre des mesures pour déjouer les ruses de Satan. Quand frère Rutherford fut informé de la situation, il envoya rapidement frère A. Macmillan s’occuper de la question, en mai 1921. Mais le Diable ne renonça pas. Peu après, des difficultés réapparurent, ce qui amena frère Rutherford lui-​même à se rendre en Suède en 1922. Une assemblée fut organisée à Örebro dans l’espoir d’encourager les frères.

Quand il sut que d’autres difficultés surgissaient l’année suivante, frère Rutherford adressa à tous les frères une lettre datée du 23 mai 1923, pour les exhorter à demeurer actifs dans le service: “Il est maintenant temps d’agir dans l’unité à travers toute la Suède. J’exhorte donc tous ceux qui sont consacrés au Seigneur dans ce pays à coopérer étroitement et en pleine harmonie pour proclamer la vérité.”

En 1924, frère C. Wise, qui était alors vice-président de la Société, fut envoyé en Suède pour apporter son aide. Son rapport incita frère Rutherford à prévoir de passer dans le pays au cours du voyage qu’il fit en Europe au printemps de 1925. Une assemblée fut tenue à Örebro en mai pour les frères de Suède, de Norvège, du Danemark et de Finlande. Environ 500 personnes y assistèrent.

L’heure d’un changement

Ce fut le moment que choisit frère Rutherford pour annoncer qu’un nouveau bureau, le Bureau pour l’Europe du Nord, semblable au Bureau pour l’Europe centrale établi en Suisse quelques années plus tôt, allait être ouvert à Copenhague (Danemark). Ce nouveau bureau dirigerait l’œuvre en Suède, au Danemark, en Norvège et en Finlande, ainsi que dans les États baltes alors indépendants: Estonie, Lettonie et Lituanie. Il deviendrait également l’éditeur légal de La Tour de Garde. Les filiales de Suède, du Danemark, de Norvège et de Finlande continueraient à fonctionner comme auparavant, mais sous la supervision directe du Bureau pour l’Europe du Nord, dont William Dey, de Londres, serait responsable. Cette annonce fut accueillie avec enthousiasme par la grande majorité des 500 assistants.

Peu après l’assemblée, frère Lundborg informa frère Rutherford qu’il ne désirait plus être responsable de la filiale. Frère Rutherford écrivit alors: “Si frère Lundborg se démet de ses fonctions, il en sera comme il a lui-​même décidé, et je demande à frère Dey de nommer frère Johan Henrik Eneroth responsable du bureau. Vous savez qu’il est né et a grandi en Suède, qu’il connaît bien ce pays et ses habitants, et, par-dessus tout, qu’il est totalement voué au Seigneur.”

Une nouvelle direction pour la filiale

Frère Eneroth avait découvert la vérité à l’époque où il était lieutenant dans l’armée royale de Suède durant la Première Guerre mondiale. Alors qu’il était à son poste dans le nord du pays, sa mère lui envoya le tome IV des Études des Écritures, tome intitulé “La Bataille d’Harmaguédon”. “Ce livre m’a fait comprendre que l’humanité était menacée d’une guerre bien plus importante que celle dans laquelle les nations étaient engagées”, dit-​il. Un jour, il prit son courage à deux mains et se rendit chez des Étudiants de la Bible. “Imaginez l’étonnement de l’homme et de sa femme quand ils ouvrirent la porte et virent un officier en uniforme qui voulait étudier la Bible”, raconte-​t-​il. Il ajoute: “Une fois l’effet de surprise passé, ils m’accueillirent à bras ouverts.”

Eneroth quitta l’armée et entreprit bientôt le service à plein temps. En 1920, il fut invité à travailler à la filiale, à Örebro. Par la suite, au cours de la même année, il fut renvoyé par Lundborg et accomplit son activité au Danemark jusqu’à ce qu’il soit nommé responsable de la filiale à Örebro en 1925. Ainsi, après qu’un ancien capitaine de l’Armée du Salut se fut occupé de la filiale pendant de nombreuses années, Jéhovah permettait maintenant qu’il soit remplacé par un ancien lieutenant de l’armée royale de Suède.

Frère Eneroth n’avait que 32 ans quand il devint surveillant de filiale. Il remplit fidèlement ses fonctions pendant 50 ans et acheva sa vie terrestre dans l’intégrité le 7 février 1982.

Réunification des frères

Après avoir pris ses fonctions, frère Eneroth, aidé de frère Dey, entreprit d’encourager les frères à prêcher de nouveau dans l’unité. Ensemble, ils passèrent environ une année à rendre visite aux quelque 70 congrégations dispersées dans le pays. Frère Eneroth servait d’interprète à frère Dey. “En de nombreux endroits, nous devions littéralement séparer les frères en deux camps, ceux qui étaient pour la Société et ceux qui étaient contre”, se rappelle frère Eneroth.

Les frères et sœurs furent donc vigoureusement encouragés à mettre leur confiance dans l’organisation de Jéhovah et à participer avec zèle à l’œuvre. Petit à petit, ils se réorganisèrent et furent de nouveau pleinement bénis par Jéhovah. Les adversaires se firent encore entendre pendant un certain temps et essayèrent d’organiser les choses à leur façon, mais, comme dans d’autres situations semblables, leur nombre diminua rapidement et on n’entendit plus parler d’eux. Une fois de plus, les efforts de Satan visant à arrêter l’œuvre furent déjoués.

Frère Dey, un Écossais type qui avait été inspecteur des impôts à Londres, sut organiser les choses au bureau de Suède. À partir de mars 1926, le Bulletin (maintenant intitulé Le ministère du Royaume), feuillet contenant des instructions pour le service et des témoignages préparés, fut envoyé chaque mois à tous les proclamateurs pour les aider dans leur activité. Le pays fut également divisé en territoires d’une taille plus pratique. Toutes ces dispositions encouragèrent les frères à faire des efforts renouvelés, et le premier Annuaire, celui de 1927, contenait ces paroles prometteuses dans un rapport en provenance de Suède:

“Il y a toujours beaucoup à faire dans le domaine de l’organisation, mais nous sommes vraiment joyeux de voir que les amis discernent de mieux en mieux que nous luttons sous la direction du Roi des rois et du Seigneur des seigneurs. Et tous les fidèles apprécient beaucoup LA TOUR DE GARDE, dont chaque nouveau numéro les éclaire, les encourage et les stimule davantage. De plus en plus de groupes se servent de LA TOUR DE GARDE pour étudier, et ils signalent qu’ils en retirent de grands bienfaits.”

Témoignage lors des enterrements

Un autre moyen de donner le témoignage s’offrit aux Témoins de Jéhovah de Suède à partir de 1926. Cette année-​là fut votée une loi permettant d’inhumer un mort sans le concours d’un prêtre de l’Église d’État. Ainsi, des milliers de personnes endeuillées purent être réconfortées par des discours bibliques. Des dizaines de milliers de personnes, qui n’auraient probablement jamais prêté une oreille attentive en d’autres circonstances, écoutèrent le témoignage donné lors d’enterrements.

Martin Wenderquist, aujourd’hui décédé, qui se dépensa dans l’œuvre du Royaume pendant 67 ans, fut fréquemment invité à prononcer des discours d’enterrement. Il déclara un jour: “Plus de 600 fois, j’ai pu réconforter la famille d’un disparu en dirigeant des funérailles en différents lieux de Suède et de Finlande. On peut difficilement trouver assistance plus attentive et plus reconnaissante qu’à un enterrement. De nombreuses études bibliques ont été commencées à l’issue d’obsèques, ce qui a permis de guider des personnes vers la vérité.”

Un déménagement opportun

L’organisation théocratique fit un déménagement opportun: elle ramena le bureau de la filiale à Stockholm en septembre 1926. Les frères trouvèrent un lieu convenable au 83 Drottninggatan, en plein centre de la ville. L’imprimerie Egnellska Boktryckeriet se trouvait juste à côté, ce qui s’avéra très commode puisqu’elle produisit nos périodiques pendant 28 ans!

Comment le bureau de la filiale fut-​il déménagé? Deux péniches furent complètement remplies avec le matériel de la filiale et parcoururent les 200 kilomètres séparant la ville d’Örebro, située à l’intérieur du pays, et la ville de Stockholm, sur la côte. La famille du Béthel suivit sur une troisième péniche. Le voyage dura un jour et une nuit.

Trois ans plus tard, un bâtiment de pierre de trois étages situé dans le centre ville, au 94 Luntmakaregatan, fut mis en vente. Frère Rutherford voulut que la Société l’achète. De nombreux frères généreux prêtèrent l’argent nécessaire pour payer les hypothèques dont le bâtiment était grevé. Finalement, après être allé d’un lieu à l’autre pendant de nombreuses années, le bureau de la filiale se fixa à cet endroit où on allait veiller sur les intérêts du Royaume pendant les 25 années suivantes.

La première automobile fait sensation

En 1927, frère Rutherford autorisa la filiale à acheter sa première automobile, une Ford modèle À toute neuve. Mais elle ne devait pas être utilisée par le personnel de la filiale pour se déplacer en ville. Elle allait servir à deux frères pionniers qui, en empruntant des routes presque impraticables, devaient se rendre dans des villages éloignés situés au fin fond des forêts du grand Nord, en Laponie. D’avril à septembre 1930, ils parcoururent 11 000 kilomètres et distribuèrent plus de 2 000 livres et plus de 4 000 brochures.

La Ford attirait l’attention des gens en ces lieux isolés, où il était rare de voir des voitures, si tant est qu’on en eût jamais vues. Beaucoup abordaient les frères et leur demandaient des publications simplement pour voir de plus près cet étonnant véhicule et pour mettre leur nez à la sortie du pot d’échappement, qui exhalait ce qui leur paraissait être un parfum. Ils poussaient de bon cœur quand les pionniers leur demandaient de les aider à dégager le véhicule lorsqu’il était embourbé ou le tiraient avec leurs chevaux lorsqu’il avait glissé dans un fossé.

Un jour, les deux frères proposèrent quelques livres à un groupe de cantonniers. Comme ces ouvriers n’avaient pas d’argent sur eux, l’un d’eux leur dit: ‘Suivez cette route jusqu’à ce que vous arriviez à une maison. C’est là que nous logeons. Donnez les livres à la ménagère et dites-​lui de prendre de l’argent dans mon porte-monnaie qui se trouve sous mon oreiller pour vous régler.’ Quand les frères arrivèrent à la maison en question et frappèrent à la porte, personne ne vint leur ouvrir. La porte était fermée. Toutefois, en faisant le tour de la maison, ils découvrirent une petite fenêtre ouverte en haut d’un mur, ce qui leur fit penser à la prophétie de Joël 2:9, qui dit: “Par les fenêtres ils entrent comme le voleur.” L’un d’eux se hissa jusqu’à la fenêtre, se glissa à l’intérieur, trouva le porte-monnaie et y prit la somme voulue. Puis il le remit sous l’oreiller, posa les livres sur le lit, et ressortit sans bruit de la même manière qu’il était entré. Les pionniers ne surent jamais si ce cantonnier accepta la vérité. En tout cas, il eut ses livres!

L’époque du vélo

Dans les années 30, lorsque l’usage de la bicyclette se répandit, de courageux colporteurs pédalèrent, sous la pluie ou le soleil, sur les routes et les sentiers caillouteux et boueux afin d’atteindre les fermes et les villages dispersés dans les vastes territoires de Suède. Sœur Rosa Gustavsson, qui était équipée d’une foi inébranlable, d’un sens de l’humour à toute épreuve et d’un vélo, raconte ceci à propos de son activité de colporteur qu’elle accomplit dans les années 30 avec sa belle-sœur, Mirjam Gustavsson:

“Nous allions de commune en commune avec pour tout bagage ce que nous pouvions attacher sur nos vélos: chaussures, vêtements, gants de toilette et brosses à dents, casseroles et, plus important, cartons de livres et de brochures. Quel spectacle! Il n’était pas toujours facile de trouver un endroit où loger. Nous implorions souvent Jéhovah de nous aider. Je me rappelle qu’un jour, après avoir prêché séparément toute la journée, Mirjam et moi nous sommes rencontrées tard dans la soirée. Ensemble, nous avons roulé sous la pluie jusqu’à une lumière vacillante que nous apercevions au loin. C’était une ferme. Nous étions transies. La journée avait été longue et épuisante. Soudain, nous avons reconnu la maison et notre cœur s’est serré. ‘Ces gens sont opposés!’ nous sommes-​nous exclamées en nous regardant l’une l’autre. Un peu hésitante, Mirjam est allée timidement frapper à la porte et a demandé s’il était possible de loger. À notre surprise et à notre grand soulagement, la famille nous a invitées à entrer. Ces gens nous ont menées dans la meilleure pièce de la maison et nous ont servi un délicieux repas. Rassasiées, nous nous sommes levées de table et avons été conduites jusqu’à la chambre où nous devions dormir. Nous n’en croyions pas nos yeux. Les lits étaient faits avec des draps magnifiques. Nous n’avions jamais pu nous offrir un tel luxe!

“La nuit de sommeil délicieuse nous a paru trop courte. Après le petit déjeuner, nous avons offert aimablement de payer. Mais nos hôtes ont refusé notre argent. Comment pouvions-​nous leur montrer notre reconnaissance? Le livre Délivrance leur rappellerait certainement toute notre gratitude. Nous leur avons donc demandé: ‘Pouvons-​nous vous donner ce livre en gage de notre reconnaissance?’ ‘Oh! oui, ce livre nous intéresse, nous ont-​ils répondu aussitôt. Une personne de notre connaissance nous a dit que vous lui en aviez laissé un quand vous êtes allées chez elle, et elle en a beaucoup apprécié la lecture.’ Inutile de dire que leur réaction nous a donné une leçon. On ne sait jamais quel résultat on peut obtenir en laissant ne serait-​ce qu’une seule publication biblique.”

Frère Axel Richardson, un homme petit de taille, mais un géant sur le plan spirituel, raconte: “En 1936, Asta, ma délicate femme et moi avons été envoyés comme pionniers dans la vaste région montagneuse située dans l’ouest de la province de Jämtland. Les seuls biens que nous possédions à l’époque étaient deux vélos, une tente, une housse à matelas et une valise. Mais nous étions bien déterminés à parcourir notre territoire sans laisser de côté un seul camp lapon ou une seule ferme de montagne isolée. Nous marchions souvent en bottes, les pieds gonflés et endoloris, en portant nos provisions du jour et nos publications sur le dos ou dans les bras. Nous parcourions ainsi des dizaines de kilomètres quotidiennement dans des montagnes très accidentées.” Axel se souvient d’un jour où sa femme ne l’avait pas accompagné: “Un homme très aimable, un étranger, m’a fait traverser un lac à bord de son bateau à moteur. Après m’avoir laissé sur le rivage, je l’ai vu retourner de l’autre côté. J’ai regardé autour de moi. J’étais là, tout seul, avec ma bicyclette et une lourde sacoche remplie de livres, dans un endroit totalement désert. Une profond sentiment de solitude m’a envahi. Il n’y avait que trois maisons dans tout le territoire. Après avoir rendu visite à leurs occupants, j’ai décidé d’aller plus loin. Mais comment? D’un côté il y avait le lac, et de l’autre la montagne escarpée. Je n’avais pas le choix. Mon vélo sur une épaule et ma sacoche de livres sur l’autre, j’ai commencé à gravir la montagne. Après une ascension épuisante de plusieurs heures, j’ai commencé à voir avec soulagement la descente sur l’autre versant. Un homme qui vivait en contrebas m’a demandé: ‘Mais d’où sortez-​vous donc?’ Quand je lui ai montré du doigt la haute montagne, il est resté bouche bée. ‘Vous êtes le premier à venir par là, m’a-​t-​il dit, et à bicyclette par-dessus le marché!’ J’étais heureux d’avoir fait cet effort pour la bonne nouvelle.”

Ils utilisent tous les moyens

Au milieu des années 30, une soixantaine de pionniers, telles des abeilles affairées, utilisèrent tous les moyens de transports possibles: skis, raquettes, bicyclette, cheval et traîneau, autocar, train et bateau pour répandre la bonne nouvelle partout dans le pays.

En 1935, pendant trois mois, deux frères se servirent d’un bateau à moteur pour se rendre dans 284 îles situées au sud-est de Stockholm afin de prêcher à leurs habitants isolés. À eux deux, ils rencontrèrent 1 053 personnes, distribuèrent 428 livres, 1 145 brochures, 496 exemplaires du périodique L’Âge d’Or, et obtinrent 68 abonnements. Plusieurs de ces petites îles n’avaient jamais entendu le message du Royaume.

Les Témoins faisaient preuve d’une grande ingéniosité pour répandre la bonne nouvelle. À Hjo, la dizaine de proclamateurs qui formaient la congrégation louèrent un petit camion au début des années 30, et installèrent une bâche au-dessus de la benne. C’était un véhicule idéal pour la prédication. Leur ingéniosité fut payante, car, un peu plus tard, le propriétaire de ce camion accepta la vérité. Il transforma ensuite son véhicule en minibus, qui continua à être utilisé pendant plusieurs années pour répandre la vérité dans 6 villes et 132 villages.

En 1939, deux pionniers, David Börjesson et Elis Hulthén, achetèrent une camionnette d’occasion de 2,5 tonnes. “Avec enthousiasme, nous l’avons transformée en camping-car pour l’utiliser dans le service de pionnier”, dit Elis, qui est maintenant âgé. En s’appuyant sur sa canne, il poursuit, les yeux pétillants de malice:

“Les parois étaient faites de panneaux fibreux, mais il ressemblait à un véhicule blindé, car nous l’avions peint en gris. Nous étions quatre frères célibataires pleins d’énergie qui vivions en bonne harmonie dans notre foyer mobile. Nous étions très heureux d’utiliser ce véhicule pour prêcher dans le territoire qui nous était confié dans le centre de la Suède.

“À cette époque, la Seconde Guerre mondiale faisait rage en Europe. Naturellement, certains devenaient très suspicieux quand ils voyaient le camion gris stationner à proximité de chez eux. Quelques-uns étaient même effrayés et faisaient un détour à travers bois. Il arrivait que des personnes opposées appellent la police. Un soir, deux représentants des forces de l’ordre sont venus contrôler notre véhicule. Après avoir écouté quelques sermons enregistrés qui leur ont donné un bon témoignage, ils sont repartis sans déposer de plainte contre nous. Une fois, c’est un commissaire qui est venu vérifier combien nous étions. ‘Ils doivent être au moins une dizaine dans ce camion’, l’avait-​on averti. Un autre jour, un fermier est venu nous supplier: ‘Je vous en prie mes garçons, sortez votre véhicule de ma propriété. Je vous en prie. Les gens sont très grossiers avec moi parce que je vous ai permis de vous mettre là.’

“Durant la guerre, les hivers ont été extrêmement rigoureux. La nuit, nous nous efforcions de chauffer le camion avec un poêle à mazout. Toutefois, la vapeur d’eau se condensait à l’intérieur des parois des couchettes, dégoulinait et gelait au sol. Un matin, David, qui occupait l’un des lits situé le plus bas, s’est plaint d’être gelé. Ce n’était pas étonnant! Le tiroir situé sous son matelas était devenu un bloc de glace. Nous avons essayé de le consoler en lui disant que ‘ce qui est gelé ne moisit jamais’. Nous sommes tous devenus résistants, et nous ne tombions jamais malades. Ce ‘véhicule blindé’ nous a permis d’aider de nombreuses personnes bien disposées à trouver la vérité.”

Accroissement avant la Seconde Guerre mondiale

On enregistra un accroissement réjouissant avant la Seconde Guerre mondiale. De 1925 à 1938, le nombre des proclamateurs du Royaume passa de 250 à un maximum de 1 427. Au cours de cette période, ces proclamateurs zélés distribuèrent environ 5 millions de livres et de brochures, sans parler des milliers d’abonnements qu’ils obtinrent et des dizaines de milliers de périodiques qu’ils diffusèrent.

Ces proclamateurs courageux donnaient généralement un témoignage complet. Le nombre de témoignages donnés au public fut comptabilisé pendant un certain temps en 1932: 300 proclamateurs environ qui prenaient part à la prédication chaque semaine, rapportèrent avoir présenté 515 119 témoignages. Ce chiffre correspondait au douzième de la population suédoise!

Efforts pour mettre Hitler en garde

Après que l’horrible période de la domination nazie eut débuté en 1933 en Allemagne, on apprit en Suède que les Témoins de Jéhovah allemands subissaient de cruelles épreuves. L’année suivante, un événement saisissant se produisit quand le siège mondial situé à Brooklyn invita les Témoins suédois à prendre la défense de leurs frères allemands avec ceux de 48 autres pays.

Après avoir organisé une réunion spéciale dans toutes les congrégations le dimanche 7 octobre 1934, des télégrammes furent envoyés à Hitler pour lui adresser cette exhortation: “Les mauvais traitements que vous infligez aux Témoins de Jéhovah révoltent toutes les honnêtes gens et déshonorent le nom de Jéhovah. Cessez les persécutions contre les Témoins de Jéhovah, sans quoi Dieu vous détruira vous et votre parti.”

Une nouvelle “classe” est identifiée

Les Témoins suédois apprirent qu’une nouvelle remarquable avait été annoncée lors de la grande assemblée tenue à Washington en 1935. À cette occasion, frère Rutherford avait présenté des preuves bibliques attestant que la “grande multitude”, ou “grande foule”, dont il est question en Révélation 7:9 correspondait aux ‘Jonadabs’, la classe des brebis mentionnée en Matthieu 25:31-46 (Jér. 35:18, 19). Beaucoup de ceux qui pensaient faire partie d’une classe spirituelle secondaire comprirent alors qu’ils appartenaient en fait aux “autres brebis”, dont l’espérance est de vivre sur la terre. — Jean 10:16.

Un télégramme envoyé de Washington annonçant cette nouvelle saisissante tomba durant l’une des sessions de l’assemblée annuelle organisée à Stockholm. On le lut aux 300 assistants, qui en furent transportés de joie. On lança un appel pour que tous commencent à rechercher ces autres brebis.

Cet appel fut entendu, comme en témoigne le rapport pour l’année de service 1936: “En Suède, cette multitude continue de se manifester. (...) Depuis le 1er octobre de l’année dernière [1935], cent cinquante Jonadabs ont symbolisé leur vœu de faire la volonté de Jéhovah, et nous savons qu’en plusieurs endroits un bon nombre d’autres personnes attendent d’avoir la possibilité de le faire. À chaque assemblée, plusieurs membres de cette classe se font baptiser et commencent à prêcher.”

“Ne les retenez plus”

À la même assemblée, une question importante concernant un certain groupe de serviteurs de Dieu fut clarifiée. On parla de la participation des enfants à la prédication de la bonne nouvelle. Sous le titre “Ne les retenez plus”, le Bulletin suédois d’août 1935 déclarait entre autres:

“Il n’y a absolument rien à redire. (...) Qu’ils commencent à accompagner leurs parents ou un autre proclamateur adulte. (...) S’ils prennent part à cette œuvre, ils n’en retireront que des bienfaits — pourvu, bien sûr, qu’ils le fassent parce qu’ils ont appris de leurs parents ou de leurs compagnons à aimer et à honorer le grand Dieu et à se réjouir de connaître son Royaume, dans toute la mesure de leurs possibilités.” Les jeunes gens furent transportés de joie en apprenant cette nouvelle importante; ils étaient aussi impatients de participer à l’activité qu’un groupe de chevaux prêts à s’élancer dans une course.

Les dures années de guerre

Revenons à la clef de voûte de l’œuvre: le service de pionnier. Durant la Seconde Guerre mondiale, les pionniers continuèrent avec plus de zèle encore à répandre la vérité dans le pays, malgré le manque d’argent, de nourriture, de vêtements et de combustible. Bien que la Suède n’ait pas pris part directement au conflit, les autorités prirent des mesures de restriction et de rationnement. “Il fallait vraiment avoir confiance en Jéhovah pour être pionnier durant ces années-​là”, dit Gustaf Kjellberg, qui abandonna sa carrière de catcheur pour se consacrer pleinement à la vérité vers la fin des années 30. Gustaf, qui est toujours pionnier, se rappelle:

“L’été, mon compagnon de service et moi vivions sous une tente, mais durant l’hiver nous logions chez les particuliers. Souvent, cela créait des difficultés et revenait cher. Désireuse de nous aider, la Société nous a envoyé les plans d’une caravane pliante qui pouvait être tirée par un vélo. Nous en avons immédiatement fabriqué une.

“L’hiver, il faisait froid dans la caravane, car elle était faite de fins panneaux fibreux. Nous faisions brûler des morceaux de bois et des pommes de pin dans un poêle en fer, et nous mettions tous nos vêtements sur nous pour nous tenir à peu près au chaud. Une nuit, mon compagnon m’a réveillé et s’est plaint de ne pas pouvoir lever la tête. Ce n’était pas étonnant! Ses épais cheveux étaient collés par le gel sur l’armature métallique de son lit! J’ai dû le libérer en faisant fondre la glace avec mes mains. Toutefois, durant tout le temps où nous avons dormi dans cette caravane, nous n’avons jamais été malades et nous avons pu passer de longues journées à prêcher la bonne nouvelle. Quelle époque extraordinaire!”

Ingvar Wihlborg a donné le témoignage parmi les Lapons et a parcouru de vastes territoires dans le nord du pays vers la fin des années 30. Il se souvient: “Bien au nord du cercle polaire arctique se trouvait une étendue peu peuplée, de 130 kilomètres de long, entre Kiruna et la frontière norvégienne. Pour m’y rendre, deux fois par an, je devais marcher ou skier le long de la voie de chemin de fer. Un soir, dans l’obscurité et le froid, un train a surgi tout à coup derrière moi. Son puissant chasse-neige m’a projeté en l’air avec mes skis et mon sac à dos, et je suis retombé dans une profonde vallée. Il m’a fallu quelques secondes pour m’orienter. Grâce aux lumières de l’hôtel Abisko Tourist, j’ai pu me diriger. Le personnel a été interloqué quand, tel un bonhomme de neige, je suis entré à grands pas dans l’hôtel. ‘Par où êtes-​vous donc passé pour venir ici?’ m’ont-​ils demandé. “Par la voie des airs”, ai-​je répondu gaiement. Avec bonté, ils m’ont servi du chocolat chaud et des sandwiches.”

Malgré les conditions difficiles qui régnaient en Suède à cette époque et les hivers extraordinairement froids, les pionniers zélés ne ralentirent pas leur activité. Jéhovah ne cessa de leur réchauffer le cœur. On enregistra un accroissement constant au cours de ces années-​là. Le nombre des Témoins a plus que doublé, passant de 1 427 en 1938 à 2 867 en 1945, après la guerre.

L’opposition se manifeste

Les porte-parole religieux de la chrétienté tentèrent également de décourager les serviteurs de Dieu. La filiale fit ce rapport:

“Il n’y a actuellement dans le pays pour ainsi dire aucun journal de quelque tendance que ce soit qui n’ait publié un ou plusieurs articles malveillants qualifiant les Témoins de Jéhovah de ‘cinquième colonne financée par des capitaux étrangers’, d’‘avant-poste du communisme’, de ‘faux prophètes’, d’‘ennemis de l’État et de la société’, etc., etc., avec tous les épithètes habituels. Inutile de dire que c’est le clergé qui est l’instigateur de toutes ces attaques (...). Dans la presse, les coassements ont atteint leur paroxysme lorsqu’un grand concile s’est réuni dans la capitale au milieu du mois de mai.”

Cet embrasement de haine débuta juste après que les Témoins eurent distribué avec enthousiasme 300 000 exemplaires de la brochure La lutte pour la liberté à l’intérieur du pays. Dans une campagne acharnée, le clergé se mit à utiliser notre méthode: il rendit visite aux gens de maison en maison et leur fit lire des écrits qui nous étaient hostiles.

L’opposition échoue

Toutefois, grâce à cette campagne hostile, l’œuvre de Jéhovah reçut dans tout le pays plus de publicité que jamais. Avec une force et un courage renouvelés, les proclamateurs du Royaume persévérèrent avec joie “dans la mauvaise et la bonne réputation”. — 2 Cor. 6:8; Ps. 143:10.

Les pionniers furent de nouveau bénis durant l’année de service 1944. Les pionniers spéciaux eurent tout lieu de se réjouir, car ils organisèrent 17 nouvelles congrégations. Les autres pionniers eurent aussi la joie d’en voir 11 être formées grâce à leurs efforts. Cette année-​là, il y en eut 144 d’organisées! Ainsi, l’opposition échoua. Le cas suivant en est un exemple type:

Dans une commune, le Conseil de l’Église d’État donna ordre à deux sœurs pionniers 1) de cesser de rendre visite aux gens avec leurs publications, 2) de croire au Seigneur Jésus, et 3) de quitter la commune sur-le-champ.

Le prêtre local fit également pression sur la personne chez qui les sœurs logeaient pour qu’elle les expulse immédiatement. La lettre qui l’informait de la décision du Conseil de chasser les sœurs se concluait par ces mots: “Nous vous adressons à vous et à elles (les deux sœurs) nos sincères salutations.” Cette personne et son frère, qui allaient tous deux régulièrement à l’office, furent si écœurés par les fausses accusations lancées par le Conseil qu’ils cessèrent d’aller à l’Église et commencèrent à assister aux études dirigées par les sœurs.

Tous les prêtres ne s’opposent pas

Une sœur pionnier invita un frère d’une congrégation proche à prononcer un discours public dans son territoire. À la surprise générale, le prêtre de la localité vint, écouta attentivement et prit des notes. Après le discours, il posa de nombreuses questions et admit que nombre d’enseignements de l’Église étaient faux. Il se plaignit en disant que les gens ne viendraient pas à l’Église même s’il leur prêchait la vérité.

Le frère dit au prêtre que lui et les autres ecclésiastiques devraient faire comme le Christ et ses disciples, c’est-à-dire aller de maison en maison. Le prêtre répondit: “Effectivement, c’est ce que nous devrions faire, mais nous sommes des poltrons trop paresseux pour cela, et, en outre, nous sommes trop occupés par les choses du monde.” Quand l’orateur s’apprêta à partir, le prêtre lui serra amicalement la main et le remercia pour son discours.

Ils surmontent leur timidité

Les Suédois sont d’un naturel plutôt réservé, et beaucoup ne sont pas très loquaces, soucieux de ne pas commettre d’impair. Il est donc remarquable que tant de Suédois aient surmonté ce trait de caractère et prêchent avec hardiesse de porte en porte en obéissance à l’ordre de Jésus consigné en Matthieu 28:19, 20, celui ‘d’aller et de faire des disciples des gens, les enseignant’.

Jésus déclara aussi en Luc 18:27: “Les choses qui sont impossibles pour les hommes, sont possibles pour Dieu.” De même que Jéhovah aida Moïse quand il se plaignit de ne pas être un orateur éloquent en lui donnant Aaron comme assistant, de même il a aidé les proclamateurs de Suède en leur fournissant différents “Aarons”, ou instruments de communication, au moyen de son organisation. C’est ce que montrent les exemples suivants:

“Premier Aaron” — La carte de témoignage

L’un de ces “Aarons” fut la carte de témoignage qui vit le jour en 1934 et fut utilisée largement dans les années 40. Elle contenait un court sermon imprimé et l’offre d’une publication. Le Bulletin donnait cette explication: “Quand vous vous présentez chez quelqu’un, tendez-​lui cette carte dès qu’il ouvre la porte. Invitez-​le à la lire. Puis, tendez-​lui la brochure — tout ce que vous avez à dire, c’est qu’il s’agit de la brochure mentionnée sur la carte.” Comment les choses se passaient-​elles dans la pratique?

Un pionnier se rappelle: “Je suivais exactement les instructions et, généralement, les choses se passaient assez bien. Il y avait parfois des quiproquos: la personne prenait simplement ma carte, rentrait chez elle et fermait la porte, ou bien elle pensait que je souffrais d’un trouble de la parole, et elle prenait avec compassion plusieurs livres. Certains voulaient me faire l’aumône par charité. Il est arrivé plus d’une fois que la situation soit si amusante que les gens et moi éclations de rire.”

Ces cartes étaient utiles non seulement pour briser la glace lors des discussions avec les gens, mais aussi pour parcourir de grands territoires en peu de temps. Heureusement, tous les Suédois ne sont pas réservés. Des proclamateurs ont dit avec humour à la Société que, à leur avis, le Seigneur avait pris cette disposition pour les aider ‘à vaincre la mauvaise habitude de perdre du temps en parlant trop’.

“Deuxième Aaron” — Le phonographe

Un autre “Aaron” fut le phonographe portatif, avec des enregistrements de sermons bibliques de cinq minutes. Ce nouvel instrument fut largement utilisé pendant plusieurs années.

En 1937, frère Eneroth enregistra en suédois des discours du juge Rutherford sur des disques de phonographe. Quand les enregistrements furent disponibles, les proclamateurs parcoururent avec enthousiasme les territoires comme des nuées de sauterelles. Durant les dix premiers mois, ils firent écouter 107 077 sermons à 153 786 auditeurs. Frère Eneroth lui-​même fut l’un des premiers à utiliser ces disques. Il sourit en racontant: “Après avoir fait écouter l’un de ces enregistrements à un couple à Stockholm, la femme m’a dit: ‘Votre voix ressemble beaucoup à celle que nous venons d’entendre. Vous avez dû l’écouter de nombreuses fois!’”

Au début, les phonographes portatifs étaient assez encombrants et lourds. Mais bientôt, un petit modèle pliable qui pouvait être mis dans une sacoche fut disponible. Il était si bien conçu que le disque était beaucoup plus grand que l’appareil. Quand un proclamateur demandait à une personne s’il pouvait lui faire écouter une allocution biblique enregistrée, elle lui répondait souvent: “Je n’ai pas de phonographe.” Il sortait alors prestement son petit phonographe, qui ne manquait pas d’éveiller la curiosité de la personne, et il était invité à entrer. Certains demandaient même si le phonographe était à vendre. C’est ainsi que beaucoup de ceux qui, autrement, n’auraient pas prêté l’oreille au témoignage l’écoutaient avec attention.

Le phonographe aida souvent des proclamateurs à faire preuve d’une plus grande assurance dans le service. Un Témoin raconte: “Je suis arrivé à une ferme où une grande fête était donnée à l’occasion du baptême d’un enfant. J’ai demandé au maître des lieux si je pouvais faire passer un disque sur lequel était enregistrée une allocution biblique. Se disant que cela ajouterait une note religieuse à la fête, d’autant plus que le prêtre était là, cet homme a rassemblé ses invités. Tous ont écouté attentivement, même le prêtre, mais, à la surprise générale, il s’est sauvé à la fin de l’allocution. J’ai répondu à de nombreuses questions et plusieurs invités ont accepté des publications.”

“Troisième Aaron” — La sonorisation

La filiale mit au point un système d’amplification spécial en reliant un phonographe à un haut-parleur qui pouvait être installé sur une remorque tirée par un vélo. Un sermon enregistré pouvait ainsi être entendu par un quartier tout entier. En guise d’introduction, on passait de la musique pour éveiller l’intérêt des gens et les amener à ouvrir leurs portes ou leurs fenêtres et à écouter. Après l’allocution, les frères se rendaient dans les foyers, répondaient aux questions qu’on leur posait et proposaient des publications.

Un jour, un Témoin zélé voulut que ses voisins écoutent un sermon pendant qu’ils ramassaient des pommes de terre dans un champ. Il plaça un haut-parleur à une certaine hauteur dans un sapin et mit en route le phonographe. Quand la voix forte et distincte se fit entendre, les gens cessèrent de travailler et prêtèrent l’oreille, ébahis, les yeux en l’air. Ils pensaient que le message venait du ciel!

Vers la fin des années 40, on cessa d’utiliser les phonographes. De 1938 à 1943, environ 1 200 phonographes avaient été en service et un million et demi de personnes avaient écouté des sermons enregistrés. Durant cette période, le nombre des proclamateurs passa de 1 427 à 2 571.

Pourquoi cessa-​t-​on d’utiliser les phonographes? Parce qu’un moyen bien plus efficace de répandre la bonne nouvelle fut mis en avant: la prédication et l’enseignement des ministres eux-​mêmes. Comment cela fut-​il possible parmi les Suédois d’un naturel réservé?

“Quatrième Aaron” — L’École du ministère théocratique

Quel fut ensuite l’un des principaux facteurs d’accroissement de l’œuvre du Royaume en Suède? L’École du ministère théocratique, grâce à laquelle les Témoins reçurent une excellente formation.

En 1944, un an après les congrégations des États-Unis, toutes celles de Suède commencèrent à organiser l’École du ministère théocratique. Au début, seuls les frères y furent admis. Un Témoin était nommé instructeur par la Société. On souligna l’importance d’y assister régulièrement en commençant chaque réunion par un appel, ce qu’on cessa de faire par la suite.

L’école demandait beaucoup d’efforts et de courage à de nombreux élèves. Un frère relate: “Avant même le début de la réunion, ceux qui avaient une allocution d’élève à présenter ce soir-​là étaient facilement identifiables. Généralement, ils paraissaient pâles et allaient de-ci de-là, comme hébétés.” Dans une congrégation, l’instructeur demanda à l’assistance: “Quelle est la première chose que vous faites lorsque vous recevez une attribution à l’école?” Un frère répondit: “Je commence par avoir peur.”

Un surveillant de district fit ce rapport: “Beaucoup d’élèves répètent leur sujet d’innombrables fois chez eux, dans un endroit retiré. Un frère, qui a eu un trou au beau milieu de son sujet, s’est arrêté de parler, a regardé fixement son auditoire quelques instants, et a dit: ‘J’ai bien peur que ce ne soit pas formidable.’ Puis, reprenant son sang-froid, il s’est exclamé: ‘Mais si vous m’aviez entendu dans la grange!’”

Un surveillant de circonscription raconte: “Certains frères ont vraiment dû lutter pour surmonter leur trac. Un jour, un Témoin devait présenter sa première allocution d’élève. Durant la réunion, comme il attendait nerveusement son tour, il a dû sortir à plusieurs reprises. Quand finalement il est monté sur l’estrade, son entrée en matière fut frappante. La voici: ‘Je suis sorti trois fois pour vomir.’”

Un autre Témoin se rappelle: “Dans notre congrégation, l’un des premiers élèves, un frère grand et élégant, avait si bien préparé son sujet qu’il le connaissait par cœur. Il était tout à fait confiant. Mais quand le grand moment arriva, son trac était tel qu’il en a perdu la parole. Après ce qui nous a paru une éternité, il a soudain salué l’assistance par un ‘bonsoir!’. Ce mot lui a délié la langue. Il a retrouvé la parole et a finalement présenté une excellente allocution d’élève.”

Des résultats excellents

L’École du ministère théocratique produisit non seulement de bons orateurs publics, mais aussi de bons enseignants capables de parler aux gens à leur porte ou dans leur foyer. Quand les sœurs furent invitées à tirer profit de cette formation, elles firent elles aussi de grands progrès dans la proclamation du Royaume.

L’école permit aussi aux jeunes Suédois de faire d’excellents progrès. Elle incita de nombreux garçons et filles à s’engager activement dans l’œuvre du Royaume. Un jour, un garçon de sept ans demanda au surveillant à l’école s’il pouvait être inscrit. Le surveillant lui demanda: “Pourquoi?” Et ce jeune de lui répondre aussitôt: “On ne peut pas rester sans rien faire toute sa vie!”

Défilés dans les rues

Les Témoins suédois servaient Jéhovah avec empressement en suivant les suggestions de son organisation, quelles qu’elles soient. Par exemple, durant les années 40 et au début des années 50, quand ils apprirent qu’aux États-Unis et en Angleterre leurs frères utilisaient des pancartes et se transformaient en hommes-sandwiches pour organiser des marches publicitaires annonçant le discours public présenté lors des assemblées, ils firent de même avec enthousiasme.

Jack Pramberg, qui était surveillant de district à l’époque et qui organisa de nombreuses marches de ce genre, se souvient: “L’hiver, il faisait nuit très tôt l’après-midi dans le nord de la Suède. Nous utilisions donc des torches pour rehausser l’effet de notre marche publicitaire. Une fois, le thème du discours public était ‘L’unique lumière’. Pendant que nous défilions à travers la ville, il y a eu une coupure de courant. Toute la ville a été plongée dans l’obscurité. Mais nos flambeaux étaient allumés et éclairaient nos panneaux sur lesquels les gens pouvaient lire: ‘L’unique lumière.’”

Sven-Eric Larsson, surveillant itinérant, raconte: “Parfois, les frères portaient dans les rues de grandes pancartes fixées sur des perches pour annoncer le discours public aux assemblées. En 1948, par simple curiosité, deux jeunes hommes ont assisté à une assemblée tenue à Örebro. Ils n’avaient pas encore pris la décision de devenir Témoins de Jéhovah. Après l’une des sessions, sans savoir qui ils étaient, je leur ai tendu une pancarte et leur ai dit où marcher en la portant. Avec hésitation, ils l’ont prise et l’ont arborée dans le centre de la ville. L’un d’eux, Lars Lindström, est maintenant ancien depuis de nombreuses années; quant à l’autre, Rolf Svensson, il est surveillant de district.”

La neutralité chrétienne mise à l’épreuve

Tout en s’efforçant de rester strictement neutre sur le plan politique, la Suède continuait d’assurer sa défense en entretenant une armée puissante et en maintenant le service militaire obligatoire. La neutralité chrétienne des Témoins fut donc mise à l’épreuve. Avant la Seconde Guerre mondiale, ils acceptaient généralement d’effectuer un service civil obligatoire de substitution comme pompiers, bûcherons, ou ouvriers sur des sites archéologiques, par exemple. Mais par la suite, pendant la Seconde Guerre mondiale, ils comprirent qu’ils étaient en fait considérés comme des soldats à la disposition des autorités militaires. Ils refusèrent donc d’effectuer ce service.

Cette position leur valut des peines de prison répétées: tout d’abord, ils étaient incarcérés un mois pour leur premier refus. Peu après leur libération, ils étaient de nouveau appelés au service militaire et renvoyés en prison pour purger une autre peine, de deux mois celle-ci. À leur sortie, ils subissaient de nouveau le même sort quatre, cinq, six fois ou plus, un mois supplémentaire venant généralement s’ajouter à la durée de la peine précédente. Au fil des ans, des centaines de Témoins furent incarcérés et condamnés à un total de près de mille ans de prison. Werner Johansson, qui était pionnier, fut condamné à 12 mois de prison — étalés sur plus de 13 ans. Il dit:

“C’était vraiment éprouvant d’être appelé à plusieurs reprises, de comparaître devant un tribunal après l’autre et de faire des séjours dans différentes prisons. J’avais une famille à m’occuper. Mais l’amour et les encouragements de nos frères et sœurs nous apportaient un soutien merveilleux. Après tout, cette époque a été exaltante et nous avons eu de nombreuses occasions de donner le témoignage à toutes les personnes concernées.”

Il arrivait que les frères se fassent injurier et critiquer par les procureurs et les juges. Un pionnier, Erik Johansson, se souvient de son premier procès: “Le procureur et le juge ont dit que si je ne faisais pas mon devoir, ils me le feraient regretter. Je leur ai répondu que j’étais prêt à souffrir comme Daniel quand il a été jeté dans la fosse aux lions. Sur ce, le procureur a dit: ‘Il serait intéressant de jeter Johansson dans une fosse aux lions pour voir ce que vaut sa foi.’ Le lendemain, quand j’ai rencontré le juge, il m’a empoigné et m’a dit: ‘Vous êtes un vaurien, vous méritez d’être fusillé, et vous le serez probablement.’” Heureusement ce n’est pas encore arrivé. Frère Johansson, qui a maintenant plus de 80 ans, est toujours vivant et actif dans le service à plein temps.

Effort désespéré des autorités

Il devenait de plus en plus évident pour les autorités que les peines de prison ne parvenaient pas à briser l’intégrité de ces jeunes hommes. “Les juges et les procureurs prennent part à un jeu dans lequel ils sont perdants à tous les coups”, commenta un ancien membre du parlement suédois à propos du traitement infligé aux Témoins.

Vers la fin de la guerre, après mûre réflexion, les autorités firent un effort désespéré pour changer la situation. Elles ordonnèrent tout à coup qu’on fasse passer un examen psychiatrique à 126 des Témoins de Jéhovah qui refusaient d’effectuer le service civil obligatoire. Si on les déclarait malades mentaux, les tribunaux les traiteraient autrement. Voici ce qu’un rapport de la filiale dit à ce sujet:

“Les examens ont eu lieu dans trois villes différentes, et chacun de ceux qui les ont subis a été questionné par un prêtre et deux médecins pendant cinq à six jours. Les frères qui les ont passés sont tous d’accord pour dire qu’il s’est agi d’une expérience des plus encourageantes, qui leur a offert d’excellentes occasions de donner le témoignage. Les prêtres désignés comme examinateurs étaient si mal à l’aise que même les médecins s’en amusaient. De leur côté, ces derniers ont reconnu que les Témoins de Jéhovah étaient, en règle générale, des gens très intelligents et avaient des convictions profondes et une haute moralité.”

Un problème de plus en plus épineux

On se rendit vite compte que ces examens psychiatriques ne servaient à rien, et on les abandonna. Toutefois, de nombreuses personnes — des juges, des procureurs, des directeurs, des gardiens et même des aumôniers de prison — trouvèrent de plus en plus à redire à la situation. Un procureur déclara ce qui suit devant le parlement:

“Bien que procureur, je ne crois pas à l’efficacité des menaces d’emprisonnement dans ce cas. (...) Aujourd’hui, en 1958, devons-​nous vraiment nous embarrasser de tels vestiges de procès inquisitoriaux, car c’est bien de cela qu’il s’agit, intentés contre des personnes par ailleurs irréprochables? Il est effrayant de devoir les mélanger aux délinquants qui remplissent nos prisons. Je dois admettre que c’est seulement quand je suis obligé de réclamer une peine de prison contre ces gens que j’ai honte de ma profession de procureur.”

La prison des prisonniers

Comme davantage de jeunes hommes acceptaient la vérité, davantage étaient incarcérés. Les prisons étaient surpeuplées de délinquants, et leur entretien coûtait très cher. Comme il fallait caser ici et là les Témoins condamnés pour qu’ils purgent leur peine de prison, l’administration pénitentiaire fit une expérience exceptionnelle: elle demanda aux Témoins de Jéhovah de bâtir eux-​mêmes leur prison.

La construction fut faite par tous les détenus Témoins de Jéhovah. On les laissait seuls pendant 12 heures chaque jour, sans gardien. Un responsable venait de temps en temps leur apporter de la nourriture et des matériaux de construction. Parfois, deux frères étaient nommés gardiens, si bien que des prisonniers surveillaient d’autres prisonniers. Ils pouvaient tenir toutes les réunions et recevoir des visiteurs le dimanche, du matin au soir. Ils donnaient le témoignage par courrier. Les médias tournèrent en dérision cette expérience de construction d’une “prison des prisonniers”. Il n’empêche que les Témoins travaillèrent à la perfection. Il n’y eut aucune évasion ni tentative d’évasion.

Une solution se dessine

Petit à petit, les membres du parlement et d’autres responsables du gouvernement virent la nécessité de changer de politique. Des Témoins et d’autres personnes bienveillantes demandaient qu’une solution soit trouvée, ce qui attirait l’attention sur la situation.

Un Témoin qui effectuait des travaux de peinture pour un membre du gouvernement lui parla de la question. Plus tard, cet homme politique demanda au Témoin de l’aider à évaluer ce qu’il en coûtait à l’État de maintenir des Témoins en prison. Surpris du résultat, il promit de communiquer les chiffres à ses collègues. Par ailleurs, un tailleur de Stockholm comptait des membres du parlement au nombre de ses clients, et il leur rappelait souvent la situation, les exhortant à faire quelque chose pour résoudre la difficulté.

En janvier 1964, le ministère de la Défense constitua un comité pour proposer un amendement. Deux représentants du bureau de la filiale de la Société furent convoqués devant ce comité pour suggérer un remplacement au service obligatoire. Toutefois, au lieu de suivre la suggestion d’exempter les Témoins de toute sorte de service, dans son rapport officiel le comité proposa ce qui suit: “Par conséquent, l’opinion du comité est qu’il faut sérieusement considérer la possibilité (...) de déclarer temporairement les Témoins de Jéhovah inaptes, selon les mêmes normes que celles qui sont appliquées à certains individus alcooliques ou asociaux.”

Le clergé se range de notre côté pour demander un changement

Les Témoins de Jéhovah ayant la réputation d’être des citoyens honnêtes et respectueux des lois, le fait de les comparer à “certains individus alcooliques ou asociaux” souleva l’indignation. Même des autorités religieuses protestèrent. Un journal cita cette déclaration faite par le chapitre du diocèse de Härnösand:

“À juste titre, le comité considère insatisfaisante la solution consistant à répondre à la conviction [des Témoins] par une peine de prison. Mais puisque le règlement de cet aspect de la question aboutit à la recommandation de mettre les jeunes hommes Témoins de Jéhovah dans la même catégorie que les individus asociaux et alcooliques, le comité manque de réalisme et de respect pour la dignité humaine.” Cette classification nous rappela que Jésus fut lui-​même rangé à tort parmi ce genre de personnes. — Mat. 11:19.

La décision finale

Le 25 mai 1966, le parlement décida qu’une enquête séparée devait être faite sur le cas de chaque objecteur de conscience Témoin. Sur la base de cette enquête, le gouvernement déciderait de ne pas appeler pour l’instant ces Témoins sous les drapeaux. Cette victoire obtenue après des années de persévérance fut accueillie avec grande joie. Les frères pouvaient désormais continuer à prêcher la bonne nouvelle sans interruption.

Un télégramme fut envoyé au siège de la Société à Brooklyn (États-Unis) pour l’informer de cette décision. Un couple de Suédois qui assistait à une grande assemblée organisée à Baltimore au même moment fut enthousiasmé d’entendre frère Franz, qui était alors vice-président de la Société, lire ce télégramme à l’assistance. “Il a loué les autorités suédoises et a qualifié la Suède de pays modèle”, se rappelle ce couple.

Le modèle suédois

La procédure définie par le gouvernement suédois fut appelée le modèle suédois par les autorités d’autres pays, qui l’ont prise comme référence pour essayer de trouver des solutions semblables. En quoi cette procédure consiste-​t-​elle exactement?

Chaque Témoin appelé doit obtenir un certificat établi par les anciens de sa congrégation attestant sa qualité de Témoin de Jéhovah baptisé et de proclamateur régulier associé à la congrégation. Le bureau de la filiale de la Société vérifie que les signatures sont bien celles des anciens nommés. L’appelé adresse ce certificat accompagné d’une demande d’exemption rédigée de sa main au bureau de recrutement dont il dépend, lequel l’exempte du service militaire jusqu’à nouvel ordre. Une procédure semblable a été suivie pour certaines chrétiennes appelées à effectuer un service de défense civil.

Nouvelle tentative pour nous amener à faire des compromis

Après que cette décision eut été prise par le parlement, des tentatives furent faites pour nous obliger à effectuer un service de substitution à la place du service militaire. Au début des années 70, un comité gouvernemental fut constitué pour examiner la façon dont étaient traités les objecteurs de conscience. Par souci d’uniformité, les autorités voulaient que les Témoins de Jéhovah accomplissent des périodes de travail obligatoire à la place du service militaire, comme les autres groupes religieux.

Des représentants du bureau de la filiale comparurent devant ce comité et expliquèrent que les Témoins ne pouvaient pas accepter d’accomplir un service, aussi louable fut-​il, à la place du service militaire. Ils montrèrent que les Témoins de Jéhovah effectuent déjà une forme de service social dans le cadre de leur ministère de maison en maison, en aidant les gens à purifier leur vie et à devenir des citoyens honnêtes et respectueux des lois. L’un des membres du comité eut alors une idée des plus surprenantes.

Il demanda si nous accepterions d’effectuer ce ministère de maison en maison à plein temps au sein de nos congrégations pendant une certaine période — correspondant à celle du service obligatoire — et à rapporter cette activité aux autorités en guise de service de substitution. Les Témoins répondirent que le service de Dieu ne peut en aucun cas être rendu obligatoire ni être supervisé par l’État. Finalement, le comité suggéra de maintenir la décision prise en 1966. Son rapport final se concluait par ces mots: “Selon le comité, à présent il n’existe dans notre pays aucun groupement religieux comparable aux Témoins de Jéhovah.”

Ils quittent l’Église par milliers

Les Témoins suédois ont non seulement fermement préservé leur neutralité vis-à-vis des affaires politiques, mais ils ont aussi fidèlement suivi l’ordre donné en Révélation 18:4, savoir de sortir de Babylone la Grande, l’empire universel de la fausse religion. Le 1er janvier 1952 fut une date mémorable à ce sujet. Ce jour-​là entra en vigueur une nouvelle loi relative à la liberté religieuse qui accordait à tous les citoyens suédois le droit de quitter l’Église d’État sans avoir à se joindre à un autre groupement religieux reconnu par le gouvernement.

Il suffisait de remplir un formulaire ou de rédiger une lettre exprimant le désir de se retirer de l’Église. Ce document devait être signé, certifié par un témoin et remis au bureau paroissial, où le retrait devait être enregistré sans qu’aucune objection ni question ne soit soulevée.

Les Suédois en général ne profitèrent pas de cette possibilité, surtout par indifférence. Par contre, les Témoins de Jéhovah remirent un formulaire à l’Église aussi vite que possible. Tous (ils étaient 5 000 à l’époque) se retirèrent de l’Église comme un seul homme. De nombreux prêtres s’en étonnèrent et ne purent s’empêcher de leur poser des questions. Quelques mois plus tard, la filiale fit ce rapport:

“Les visites que les Témoins ont rendues aux bureaux paroissiaux à propos de cette question leur ont offert de nombreuses occasions de témoigner pour le Royaume. En plusieurs endroits, à l’issue de ces entrevues, les prêtres ont accepté des publications et même une étude biblique afin d’en apprendre davantage sur nos croyances. Les tracts bibliques qui ont paru en suédois au même moment se sont avérés tout à fait appropriés. Un prêtre a manifesté un tel intérêt que, depuis, la sœur âgée qui représentait la compagnie [c’est-à-dire la congrégation] dans son village étudie chaque semaine la Bible avec lui sur la base du livre ‘Que Dieu soit reconnu pour vrai!’; ce prêtre a dit à un frère pionnier de passage qu’il était heureux que cette chrétienne lui rende régulièrement visite pour examiner ce livre avec lui.”

On empêche les Témoins de s’exprimer sur les ondes

Depuis ses débuts, la radio est un monopole d’État en Suède, c’est-à-dire qu’un bureau représentant l’État a pleine autorité sur les émissions diffusées à la radio (et maintenant aussi à la télévision). Comme la Suède est un pays démocratique où la discrimination religieuse est considérée comme illégale, nous nous sommes efforcés d’obtenir un temps d’antenne.

En 1953, un pasteur a présenté une allocution radiodiffusée de 30 minutes pour “démasquer les Témoins de Jéhovah”, sans nous donner la possibilité de nous défendre. Deux Témoins furent donc envoyés auprès du responsable des programmes religieux, un prêtre de l’Église d’État, pour solliciter la permission de diffuser une émission en réponse. L’un de ces deux Témoins relate cette entrevue:

“Il nous a dit sans détours: ‘Les Témoins de Jéhovah n’auront jamais l’autorisation de s’exprimer à la radio suédoise. Nous ne vous considérons pas comme des chrétiens.’ ‘Pourquoi?’ avons-​nous voulu savoir. ‘Vous ne croyez pas à la Trinité. Exactement! D’ailleurs, on m’a dit qu’il y a des citations falsifiées de la Bible dans vos publications.’ ‘Avez-​vous un exemple?’ lui avons-​nous demandé. ‘J’ai l’un de vos livres, ici, dans ma bibliothèque. Regardez.’ Il sortit l’édition anglaise du livre ‘Assurez-​vous de toutes choses’ (un livre rempli de citations bibliques), et une Bible en anglais. Il se mit à les comparer mot à mot, et ce pendant plusieurs minutes. Ne trouvant aucune falsification, il se leva et dit: ‘De toute façon, seuls les chrétiens sont autorisés à s’exprimer à la radio.’ Sur ce, il nous a reconduits jusqu’à la porte.”

Une tentative pour nous “démasquer” se retourne contre nos adversaires

En octobre 1976, un responsable de la radio gouvernementale suédoise nous invita à prendre part à une série de trois émissions destinées, déclara-​t-​il, à informer le public à notre sujet. Nous avons accepté, après avoir reçu l’assurance d’être traités avec impartialité. Les émissions devaient être fondées sur des enregistrements de parties de nos réunions et d’interviews.

Pendant les enregistrements, il devint évident que les émissions avaient pour but de dénigrer les Témoins. Les frères interviewés furent assaillis de questions mordantes et provocantes. Toutefois, ils répondirent calmement, en s’en tenant aux faits. Le responsable des programmes monta ensuite les bandes de façon à donner la plus mauvaise impression possible sur nous.

Après les émissions, le bureau de la filiale reçut des lettres et des appels téléphoniques d’auditeurs de tous les coins du pays qui dirent avoir remarqué la différence entre les Témoins et leurs adversaires et avoir reconnu le son de la vérité dans leurs paroles. Soit dit en passant, en novembre 1976, le mois qui suivit ces émissions, nous avons enregistré un nouveau maximum de 16 693 proclamateurs de la bonne nouvelle en Suède! Nous avons constaté la véracité de ce verset biblique: “Toute arme qui sera formée contre toi sera vouée à l’insuccès.” — És. 54:17.

La filiale a besoin de nouveaux locaux

Durant les années 40, le nombre des proclamateurs a plus que doublé, passant de 1 726 en 1940 à 3 702 en 1949. Un rapport rédigé en 1949 parlait des perspectives d’accroissement: “De toutes les compagnies ou presque, les surveillants de circonscription signalent que les proclamateurs ne peuvent pas s’occuper de toutes les personnes qui manifestent de l’intérêt dans le territoire.”

Il était également temps que nous imprimions les périodiques nous-​mêmes. En 1950, le tirage mensuel des deux périodiques s’élevait à 123 000 exemplaires. Le travail d’impression était toujours confié à une société commerciale. À la filiale, il y avait tout juste assez de place à la cave pour une petite presse à alimentation manuelle Diegel et pour une presse servant à produire de petits imprimés. Il était urgent de disposer de locaux plus spacieux. On se mit donc à la recherche d’un nouvel endroit adapté aux besoins.

Une décision énergique

Lennart Thunberg, qui est architecte, se rappelle: “Nous avons trouvé quelques immeubles intéressants dans le centre de Stockholm. De plus, la commune de Jakobsberg, située à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de la ville, nous a proposé deux parcelles adjacentes. Cependant, nous ne nous faisions pas à l’idée de quitter la ville après avoir travaillé pendant 25 ans en plein centre de celle-ci.

“Nous avons discuté de la question avec frère Knorr, qui était alors président de la Société, durant la visite qu’il a effectuée en Suède en 1951. Frère Eneroth et moi lui avons recommandé quelques endroits dans le centre ville. Mais frère Knorr, qui avait d’autres projets en tête, nous a demandé si des terrains étaient à vendre à l’extérieur de Stockholm. À contrecœur, nous lui avons parlé de ceux de Jakobsberg. ‘Vite, allez les acheter!’ s’est-​il exclamé résolument.

“Comme une assemblée était en cours au Eriksdalshallen, à Stockholm, frère Knorr désirait qu’un contrat soit signé sur-le-champ afin de pouvoir l’annoncer. Je suis allé en toute hâte à Jakobsberg et, après des heures de recherche, j’ai trouvé les propriétaires des deux parcelles et leur ai fait signer le contrat. Aussitôt après, je suis revenu à l’assemblée pour en informer frère Knorr, qui a annoncé avec confiance le projet à l’assistance joyeuse et enthousiaste.”

Les travaux de construction ne tardèrent pas à battre leur plein. Frère Thunberg poursuit en disant: “De la Suède entière, les frères nous ont aidés en envoyant des sacs de pommes de terre, du veau, des fruits, des baies et beaucoup d’autres denrées. Tout s’est également bien passé sur le plan financier. L’entreprise qui a acheté nos anciens locaux les a réglés comptant. La banque que la Société utilisait depuis de nombreuses années lui a accordé un crédit sans caution en raison de sa bonne réputation. De nombreux frères ont également prêté de l’argent et fait des offrandes avec générosité. Une sœur a même vendu son commerce pour soutenir le projet.”

Le 31 mars 1954 fut une date historique. Ce jour-​là, le nouveau Béthel fut ouvert à Jakobsberg. La famille composant le personnel de la filiale quitta des locaux exigus d’une surface de 900 mètres carrés pour emménager dans des installations toutes neuves offrant une surface de plancher de 3 600 mètres carrés. Une place importante permettrait de mettre en place du matériel d’imprimerie moderne. À compter des numéros du 15 mai et du 8 juillet 1954, les Témoins suédois imprimèrent eux-​mêmes les périodiques La Tour de Garde et Réveillez-vous! pour leur pays. Ces nouveaux locaux allaient servir les intérêts du Royaume en Suède pendant 26 ans.

Un territoire étranger se développe

Après la Seconde Guerre mondiale, un nouveau territoire se développa. Des ouvriers et leurs familles originaires de divers pays étrangers, principalement de Finlande et du sud de l’Europe, affluèrent en Suède pour s’y installer. Des milliers de réfugiés de toutes les parties du monde s’intégrèrent également à la société suédoise. C’est ainsi qu’une nouvelle population étrangère forte de centaines de milliers de personnes et parlant une centaine de langues était prête à recevoir la bonne nouvelle.

Au début, on conseilla aux proclamateurs d’essayer de déterminer la nationalité des personnes étrangères qu’ils rencontraient et de se procurer des publications dans leur langue pour les leur laisser. Celles qui manifestaient de l’intérêt seraient progressivement intégrées dans les congrégations suédoises. Mais cette méthode ne produisit pas d’excellents résultats. Comme beaucoup d’étrangers hésitaient à se joindre aux congrégations, les progrès furent lents.

En 1970, un changement fut apporté dans ce domaine. Durant sa visite de zone, frère Milton Henschel, du siège mondial de Brooklyn, recommanda que les Témoins d’expression étrangère soient organisés en groupes et en congrégations dans leur propre langue. Il expliqua qu’une personne progresse plus vite sur le plan spirituel et acquiert une intelligence plus profonde de la vérité quand elle l’étudie dans la langue qu’elle connaît le mieux.

Congrégations d’expression étrangère

En décembre de la même année, la première congrégation d’expression étrangère, la congrégation finnoise de Göteborg, fut formée. Peu après, une autre vit le jour à Stockholm. Un surveillant de circonscription qui participa à l’organisation de cette congrégation fit ce rapport:

“L’enthousiasme et la joie sont à leur comble parmi les Témoins finlandais. De partout, des frères et des sœurs d’expression finnoise ont surgi et, pour ainsi dire du jour au lendemain, ont formé une congrégation importante et animée. C’est comme si une pluie tiède était tombée sur un champ asséché.” D’autres congrégations d’expression finnoise ont vu le jour, si bien qu’en 1990 il y en avait 33, ainsi que 12 groupes. Elles ont été organisées en trois circonscriptions et comptent plus de 1 700 proclamateurs et 119 pionniers.

L’activité s’étendit bientôt aux autres groupes linguistiques. En 1971, un surveillant de circonscription tint une réunion “test” pour les personnes d’expression espagnole de Stockholm. L’assistance s’éleva à 56 personnes. Que s’est-​il passé depuis? Lars-Erik Eriksson, membre du bureau de la filiale qui participe à l’organisation de l’œuvre dans le territoire étranger, fait ce rapport: “Nous avons maintenant sept congrégations et sept groupes d’expression espagnole. En plus des congrégations et des groupes finnois et espagnols, nous avons une congrégation italienne, quatre yougoslaves, trois grecques, trois anglaises, et plusieurs groupes qui tiennent des réunions en yougoslave, en grec, en anglais, en arabe et en turc. Nous prévoyons de former une quatrième congrégation anglaise, trois groupes polonais et un groupe français. Ainsi, plus de 2 700 personnes ont été trouvées dans ces territoires étrangers et ont été réparties en 50 congrégations et 28 groupes.”

Affamés de vérité

Les faits de prédication suivants montrent les grands bienfaits que cette activité accomplie parmi les immigrants procure à beaucoup d’entre eux. Celo Pertot, un Témoin d’origine italienne qui collabore depuis des années avec les congrégations d’expression étrangère, raconte:

“Une sœur suédoise m’a demandé de l’accompagner chez quelques familles italiennes. J’ai hésité, parce que je leur avais déjà rendu visite, et elles ne semblaient pas manifester le moindre intérêt. Je suis allé avec elle à contrecœur. Nous avons rencontré une femme à qui je n’avais jamais parlé. Tandis que la sœur nous présentait en suédois, la dame commençait à refermer sa porte. Aussitôt, je lui ai dit en italien: ‘Nous parlons de l’espérance que le Royaume de Dieu nous donne.’ Elle a commencé à écouter. Quand nous lui avons rendu de nouveau visite, elle a dit: ‘Juste avant votre première visite, j’avais décidé de me suicider. J’avais fait à Dieu cette prière: “Si tu existes, pourquoi ai-​je perdu la foi en toi, et pourquoi la vie n’a-​t-​elle aucun sens?”’ Grâce à une étude biblique à domicile, elle a découvert le sens véritable de la vie. Depuis de nombreuses années maintenant, elle accomplit le service de pionnier avec zèle et entrain.”

Avant de venir en Suède, une femme avait étudié un certain temps avec les Témoins de Jéhovah au Chili, et on l’avait encouragée à rechercher les Témoins dès son arrivée. C’est ce qu’elle a fait, mais en vain. Un jour, elle a feuilleté le carnet de téléphone d’une amie et l’a trouvé si désordonné qu’elle s’est mise à le remettre en ordre. Et devinez ce qu’elle a trouvé! Le nom d’une femme griffonné à deux reprises sur une page, suivi des mots “estudio de la Biblia” (étude de la Bible). “Ce doit être un Témoin”, s’est-​elle dit. Aussitôt, elle a composé le numéro. C’était bien un Témoin! Le soir même, elle assistait à une étude de livre tenue en espagnol. Elle est maintenant heureuse d’être une proclamatrice baptisée.

Un jour, au cours de sa prédication, un surveillant itinérant a rencontré une Espagnole. Comme il connaissait l’espagnol, il l’a invitée à un discours et a commencé à lui donner le témoignage. La femme a tant été captivée qu’elle en a oublié le téléphone; elle avait en effet interrompu une conversation avec son mari, de plus en plus contrarié, qui attendait toujours à l’autre bout du fil sur son lieu de travail. La ligne restait occupée, et son patron avait besoin de téléphoner. En désespoir de cause, il est rentré chez lui et s’est encore plus irrité quand il a appris qui était à la porte. Malgré cet incident, sa femme est allée écouter le discours et elle a continué à assister aux réunions par la suite. Finalement, son mari s’est joint à elle, et neuf membres de leur famille ont été baptisés Témoins de Jéhovah.

Le témoignage parmi les Lapons

C’est parfois une expérience unique de prêcher parmi les Lapons, dont certains mènent encore une vie de nomade avec leurs troupeaux de rennes dans le nord du pays, enneigé. Après avoir pénétré dans le foyer d’un Lapon et l’avoir salué, il ne faut pas s’attendre à engager la conversation sur-le-champ. Ce n’est qu’après une période de silence qu’il est possible de commencer à parler petit à petit du temps. Lorsqu’on dirige finalement la conversation sur la Bible, on se heurte parfois à un mur.

Pour certains Lapons, en effet, la Bible est si sainte que la plupart des gens sont indignes de la lire. Gustav Kemi, un ancien qui est lui-​même Lapon, raconte: “Quand on parle à des Lapons, surtout s’ils sont âgés, on a presque l’impression qu’à leur avis on ne devrait même pas parler de la Bible. Une Lapone âgée a déclaré sans détours qu’‘on devrait verser des larmes de sang avant d’être digne d’ouvrir la Bible’. Un autre Lapon a dit à un enfant qui voulait ouvrir la Bible: ‘Non, non. La Bible est trop sainte pour les enfants.’”

Malgré tout, plusieurs Lapons ont accepté les vérités bibliques et ont pris position pour Jéhovah, quoique parfois à pas de tortue. Un Lapon a accepté le livre Salut au début des années 40. Il l’a étudié et l’a pris à cœur, mais n’en a parlé à personne pendant une dizaine d’années. Puis, il a rendu visite à un autre Lapon qui était Témoin. Il se demandait pourquoi les Témoins de Jéhovah ne fumaient ni ne prisaient. La réponse qu’il a reçue l’a satisfait; lorsqu’il a revu le Témoin, il lui a dit avec joie: “Je ne prise plus. Mes enfants ont caché toutes mes tabatières.” Il s’est fait baptiser peu après.

Les cérémonies de mariage théocratiques: un progrès

Les Témoins de Jéhovah ont toujours œuvré pour “l’affermissement légal” de la bonne nouvelle (Phil. 1:7). Comme le mariage est une institution divine, les ministres Témoins de Jéhovah sont disposés à diriger la célébration de mariages chrétiens. Cependant, avant le 19 mars 1981, les mariages de Témoins de Jéhovah ne pouvaient être enregistrés que par un officier de l’état civil. Depuis cette date, des surveillants chrétiens, personnellement mandatés par l’État, peuvent diriger des cérémonies de mariage dans les Salles du Royaume.

Pour être mandatés, ces surveillants doivent avoir reçu une formation d’officier de l’état civil. Sous la direction du siège mondial, la filiale leur donne un cours sur les régimes matrimoniaux, la réglementation sur les noms et l’enregistrement, le code pénal là où il s’applique, et d’autres détails annexes. Les surveillants passent ensuite une épreuve devant le président du tribunal d’instance dont ils dépendent. Sur la recommandation de ce magistrat, le gouvernement procède aux nominations.

Beaucoup de parents non Témoins viennent dans les Salles du Royaume pour assister aux cérémonies de mariage, et ils y reçoivent un excellent témoignage, ainsi que de bons conseils sur les devoirs et les privilèges des époux. Certains couples dont l’union a été enregistrée avant que les mariages puissent être célébrés ainsi disent avec humour qu’ils aimeraient se remarier dans le cadre de ces dispositions théocratiques.

“Magnifique, joyeuse, gaie et chaleureuse”, tels sont les qualificatifs qu’un journaliste a utilisés pour décrire une cérémonie de mariage tenue dans une Salle du Royaume. Il a poursuivi en disant: “Un mariage théocratique n’est pas aussi solennel, cérémonieux et pompeux que dans l’Église d’État. C’est un événement joyeux, qui ne manque toutefois pas de dignité.”

Le troisième coordinateur du Comité de la filiale de Suède

En 1975, frère Eneroth, le second coordinateur du Comité de la filiale, alors âgé de 83 ans, avait fidèlement rempli cette fonction pendant 50 ans. Comme l’œuvre du Royaume avait progressé au cours de ces années! Le nombre des proclamateurs, qui était de 250 en 1925, s’élevait maintenant à 16 000! Profondément heureux et satisfait, frère Eneroth a compris que l’heure était venue qu’un autre frère assume cette responsabilité. C’est un frère qui l’aidait depuis des années, Bengt Hanson, qui a été nommé coordinateur du Comité de la filiale.

Interrogé sur son passé théocratique, frère Hanson raconte: “À l’âge de 16 ans, j’ai quitté la ferme de mon père pour m’installer dans une ville proche, où une étude de la Bible a débuté avec mes frères, mes sœurs et moi. J’ai commencé à assister aux réunions. J’ai vite compris ce que j’allais être amené à faire: lire à haute voix, prononcer la prière et présenter des discours devant une assistance. Cela allait devenir une véritable épreuve pour moi, car j’avais beaucoup de mal à lire à voix haute et à m’exprimer en classe. L’amour pour Jéhovah et le désir ardent de me consacrer totalement au service à plein temps m’ont grandement aidé. Mais je dois admettre que mon handicap me navrait. Je paniquais presque lorsqu’on me demandait de parler impromptu.

“Puis j’ai fait une chose qui allait avoir une grande influence sur la suite de ma vie. Désespéré par mon handicap, j’ai prié Jéhovah et l’ai remercié de m’avoir ouvert le cœur à la vérité, et lui ai promis de consacrer ma vie à son service, même, si nécessaire, jusqu’à la mort. Je lui ai promis de ne jamais renoncer.

“Pourquoi cette prière a-​t-​elle été si décisive dans ma vie? Parce que, à chaque fois que j’ai manqué d’assurance, j’ai toujours pu repenser à ce que j’avais promis à Jéhovah. Cela m’a aidé à m’attacher à mes devoirs. Ainsi, quand je pense aux 40 années qui se sont écoulées depuis que j’ai fait cette prière, je dois dire que Jéhovah m’a fait comprendre — parfois d’une façon presque amusante — tout ce que mon engagement impliquait.

“À partir de ce moment, j’ai pour ainsi dire reçu responsabilités sur responsabilités, ce qui a requis de ma part une totale confiance en Jéhovah. À 18 ans, six mois après mon baptême, on m’a demandé de prononcer des discours publics. L’année suivante, je suis devenu pionnier. Huit mois plus tard, j’ai été appelé au Béthel. Puis j’ai été envoyé surveillant de circonscription, alors que je n’avais que 22 ans. À 30 ans, j’ai été nommé surveillant de district, mais avant même que je ne commence cette activité, ma femme Ulla et moi avons été invités à suivre un premier cours de dix mois à l’École de Galaad, à Brooklyn, en 1961. Nous avons ensuite été affectés au Béthel de Suède. Nous y sommes toujours, heureux de servir Jéhovah de toute notre force.

“Certains se demandent peut-être si je suis parvenu à me débarrasser de mon handicap. Je préfère ne pas répondre oui, même si je pense faire mieux à présent. J’ai le sentiment que les paroles que le Seigneur a dites à Paul et consignées en 2 Corinthiens 12:9 s’appliquent aussi à moi: ‘Ma faveur imméritée te suffit; car ma puissance est en train d’être rendue parfaite dans la faiblesse.’”

Arboga: le cadre d’un nouveau centre

Le 8 septembre 1978, un frère robuste coupa avec empressement à la tronçonneuse le premier arbre d’un terrain boisé proche d’Arboga. Dans quel but? Défricher le site d’un nouveau centre de l’œuvre du Royaume. Ce travail marquait la fin d’une longue période de préparatifs et de négociations, ainsi que le commencement de la construction de ce qui allait être, pour reprendre les termes d’un journaliste, le complexe “le plus remarquable et le plus important jamais bâti par des travailleurs volontaires en Suède”.

La famille du Béthel s’était agrandie au point que les locaux de la filiale à Jakobsberg étaient devenus trop exigus depuis quelques années déjà. Après avoir beaucoup prié et avoir recherché un lieu approprié pendant deux ans, nous avons décidé de construire à Arboga, une ville bien située; elle se trouve, en effet, près de l’autoroute européenne no 3, entre Stockholm et Göteborg, deux des plus grandes villes du pays.

Un projet de construction unique

Durant les deux ans et demi qui ont suivi, environ 5 000 volontaires venus de toute la Suède et des pays voisins ont travaillé bénévolement sur le chantier pendant des périodes plus ou moins longues. Habituellement, les ouvriers du bâtiment ne vivent pas dans un hôtel confortable pendant des travaux, mais la Société avait acheté en ville un vieil hôtel dans lequel étaient aménagés des appartements et des studios. Ils ont été rénovés pour les travailleurs volontaires. Lorsque le projet a été réalisé, l’hôtel a été vendu.

Les travaux de construction ont été effectués dans la joie. Mais quelques problèmes se sont présentés. “Nous n’oublierons jamais le premier hiver, dit Gunnar Heinstedt, l’un des organisateurs. On dit qu’il a été l’un des plus froids du siècle. À certains moments, alors que nous préparions les fondations, la température descendait à − 30 °C. Le sol était dur comme du silex. Nous devions recouvrir de grandes parties du site avec des bâches et placer au-dessous des générateurs d’air chaud pulsé au fuel. Sans nous décourager, nous avons continué! Ce fut l’un des chantiers les plus exaltants de ma carrière d’architecte et de constructeur longue de 35 ans.”

De nouveaux locaux fort appréciés

Bien que le 23 décembre 1980 fût l’un des jours les plus courts de toute l’année à Arboga — le soleil s’est levé à 8 h 55 et s’est couché à 14 h 50 — il a été l’un des plus radieux et des plus heureux de toute la période de construction, car c’est celui où les nouveaux bâtiments de la filiale ont été dédiés à Jéhovah Dieu. Frère Milton Henschel, membre du Collège central, a prononcé le discours d’inauguration. Il a encouragé les Témoins suédois à continuer de faire la volonté de Dieu de tout cœur en utilisant les nouveaux bâtiments.

Un membre de la famille du Béthel a dit: “Le jour où nous avons quitté les installations exiguës de Jakobsberg pour nous installer dans ce spacieux Béthel flambant neuf, nous nous sommes sentis comme des veaux lâchés dans les prés au printemps.” Ses 20 000 mètres carrés de surface de plancher et ses 12 hectares de terrain boisé et de jardins ont donné à la famille du Béthel une agréable sensation d’aise et de calme. Le parc magnifique, les espaces de détente, les arbres fruitiers, les jardins potagers et les jolis parterres de fleurs forment un cadre sain pour les volontaires à plein temps et les incitent à effectuer une plus grande activité.

De nouvelles presses accélèrent l’œuvre

La nouvelle imprimerie a permis aux Témoins d’utiliser des machines plus rapides. Ils sont passés de presses vieilles et lentes à une rotative offset reconvertie M.A.N. envoyée de Brooklyn. Cette presse a servi pendant plus de cinq ans, mais elle a été remplacée par une presse quatre couleurs en mai 1989. Une autre presse identique a été installée l’année suivante. En 1990, la production mensuelle a frôlé les 800 000 exemplaires pour les deux périodiques en suédois et en norvégien. Donnons la parole à Inge Olofsson, surveillant de l’imprimerie et membre du Comité de la filiale:

“Notre première presse, une Diegel à alimentation manuelle fabriquée dans les années 40, se trouve dans un coin du nouveau bâtiment, telle une pièce de musée rappelant le merveilleux développement de l’œuvre auquel nous avons assisté au fil des ans. Elle nous fait penser à ces paroles de Jésus: ‘Les choses qui sont impossibles pour les hommes, sont possibles pour Dieu.’” — Luc 18:27.

L’accroissement remarquable des intérêts du Royaume

Quand on pense aux efforts qui sont faits pour le Royaume depuis près d’un siècle en Suède, on se rend compte qu’il a fallu surmonter de nombreux obstacles: la montée du matérialisme, de l’indifférence religieuse et de l’athéisme, l’opposition et les moqueries du public, et le naturel réservé des Suédois en général. Malgré tout, les Témoins de Jéhovah ont proclamé avec empressement la bonne nouvelle dans tous les coins et recoins du pays par amour pour leur prochain et pour Dieu. Beaucoup prêtent encore l’oreille au merveilleux message que les Témoins leur apportent.

Erik Nordström, surveillant de district, se rappelle: “Ma femme et moi avons commencé le service itinérant il y a 37 ans, et nous avons visité plus de 300 congrégations de Suède à plusieurs reprises dans l’activité de la circonscription et du district. Nous avons parcouru plus de 200 000 kilomètres à travers notre long et étroit pays. Ni le froid et les tempêtes de neige qui sévissent dans le nord du pays, au delà du cercle polaire arctique, ni le soleil et la chaleur dans le sud ne nous ont arrêtés.

“Oui, après 45 années de service à plein temps, nous pouvons regarder derrière nous et voir une époque exaltante de progrès spirituel en Suède. Contrairement au monde moribond, la société théocratique n’a cessé d’aller de l’avant.”

“Les intérêts du Royaume sont bien établis dans toutes les parties de notre pays”, dit Rune Grahn, surveillant du bureau du service, à la filiale. Il ajoute: “On compte maintenant 338 congrégations réparties dans tout le pays — de son extrémité sud au pays du soleil de minuit, bien au-dessus du cercle polaire arctique. Il y a 15 circonscriptions suédoises et 8 d’expression étrangère. Elles se réunissent régulièrement dans quatre Salles d’assemblées bien situées en divers lieux du pays. Nous avons enregistré un maximum de 22 742 proclamateurs du Royaume en août 1990, dont près de 1 700 étaient pionniers permanents. Nous avons dénombré 38 339 assistants au Mémorial célébré en 1990, ce qui laisse présager de l’accroissement aussi longtemps que Jéhovah nous permettra de poursuivre son œuvre.”

L’œuvre a progressé régulièrement en Suède au fil des ans. Les Témoins ont fait preuve de vigueur, de foi et d’endurance. Avec fidélité et zèle, ils continuent à faire la volonté de leur Père céleste, volonté qu’il exprime par l’intermédiaire de son organisation terrestre. Ils envisagent donc l’avenir avec confiance, certains que Jéhovah continuera de les bénir. Ils prient sans cesse notre Dieu, qui fait des merveilles en Suède et dans plus de 200 autres pays, de les aider à demeurer fidèles. “Car tu es grand et tu fais des choses prodigieuses; tu es Dieu, toi seul.” — Ps. 86:10.

[Graphiques, page 185]

(Voir la publication)

Suède 28 000

1950 4 460

1960 8 593

1970 11 696

1980 17 311

1990 22 742

Max. proclamateurs

4 000

1950 178

1960 314

1970 754

1980 1 190

1990 2 724

Moy. pionniers

[Encadré/Carte, page 116]

(Voir la publication)

Océan Atlantique

NORVÈGE

Mer du Nord

DANEMARK

Copenhague

SUÈDE

Kiruna

Cercle polaire arctique

Härnösand

Sundsvall

Uppsala

Arboga

Jakobsberg

Örebro

Grums

Stockholm

Göteborg

Malmö

Mer Baltique

FINLANDE

[Encadré]

SUÈDE

Capitale: Stockholm

Langue officielle: suédois

Religion principale: luthéranisme

Population: 8 574 698

Filiale: Arboga

[Illustration, page 118]

En automne, les paysages reposants abondent en Suède.

[Illustration, page 129]

Rosa et Arthur Gustavsson; ils ont prêché ensemble le Royaume pendant 59 ans.

[Illustration, page 136]

Les surveillants des pays d’Europe du Nord. De gauche à droite: Taylor (Lettonie), Eneroth (Suède), Harteva (Finlande), Dey (surveillant du bureau), Lüttichau (Danemark), Öman (Norvège), West (Estonie).

[Illustration, page 137]

Johan Eneroth; il devint surveillant de filiale en 1925.

[Illustration, page 139]

William Dey; il fut nommé par la Société surveillant du nouveau bureau pour l’Europe du Nord en 1925.

[Illustration, page 140]

Bâtiment de la filiale situé au 94 Luntmakaregatan, à Stockholm. Acheté en 1929, il fut utilisé pour servir les intérêts du Royaume pendant 25 ans.

[Illustration, page 141]

La bonne nouvelle pénétra profondément dans les régions boisées du nord de la Suède.

[Illustrations, page 143]

C’est dimanche. Tous sont prêts pour aller prêcher dans les environs de Stockholm.

Un groupe de Luleå va sous peu monter en voiture pour aller prêcher juste au sud du cercle polaire arctique.

[Illustration, page 145]

Asta et Axel Richardson furent pionniers dans la province de Jämtland en 1936.

[Illustration, page 147]

À Hjo, les premiers Témoins se servirent d’un minibus pour parcourir un territoire de 5 000 kilomètres carrés.

[Illustration, page 150]

On n’est jamais trop jeune pour servir le Royaume.

[Illustration, page 155]

On utilisa le phonographe portatif pour répandre la bonne nouvelle. Pourquoi fut-​il qualifié de “deuxième Aaron”?

[Illustrations, page 160]

Jeunes proclamatrices de la bonne nouvelle avec leur mère, à Värnamo, en 1946.

Des hommes-sandwiches annoncent une réunion publique, à Stockholm.

[Illustration, page 170]

Les locaux qui abritèrent la filiale de 1954 à 1980, à Jakobsberg.

[Illustrations, pages 176, 177]

Le bâtiment administratif et les résidences de la filiale, à Arboga, ont été inaugurés le 23 décembre 1980. Le président de la Société, F. Franz, un casque blanc sur la tête, a visité le chantier peu avant la fin des travaux.

[Illustration, page 178]

Le Comité de filiale. De gauche à droite: Åke Carlsson, Rune Grahn, Bengt Hanson et Inge Olofsson.

[Illustration, page 183]

Une nouvelle presse a remplacé la rotative M.A.N., plus ancienne. Elle imprime des publications bibliques en quadrichromie.

[Illustration, page 184]

Le témoignage est donné à des pêcheurs de Djupvik, sur l’île de Gotland, et dans une cour à Ystad, petite ville du sud du pays.