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Honduras

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IL AVAIT lutté de toutes ses forces contre une violente tempête qui menaçait de fracasser son bateau contre la côte même qu’il venait de découvrir. Quand enfin il sortit des eaux tumultueuses, Christophe Colomb aurait dit en poussant un soupir de soulagement: “Grâce à Dieu, nous sommes sortis de ces profondeurs!” Le mot honduras, qui signifie profondeurs en espagnol, est manifestement resté. C’est ainsi, du moins d’après certains livres d’histoire, que le Honduras a reçu son nom.

De nos jours, il est beaucoup plus facile de partir du Honduras, ou de s’y rendre, que cela n’a été le cas pour Christophe Colomb. C’est l’un des sept petits pays de l’étroite bande de terre qui relie l’Amérique du Nord et du Sud. Avec ses quelque cinq millions d’habitants et ses 112 000 km2, il n’est ni le plus grand ni le plus populeux pays d’Amérique centrale. Par contre, il est le plus montagneux. Se situant à 15 degrés de latitude nord, ses côtes caraïbe et pacifique baignent dans la chaleur tropicale, tandis que les hautes terres intérieures jouissent d’un climat plus tempéré.

Des montagnes couvertes de pins jusqu’à leur sommet, aux jungles des plaines vallonnées où poussent les célèbres cèdres et acajous honduriens, en passant par les marais humides, les plages bordées de palmiers et les lagunes de la côte caraïbe, ce pays comporte de magnifiques paysages qui magnifient le Créateur et réjouissent l’âme.

Les habitants sont tout aussi variés et intéressants: on y trouve des Indiens, des Blancs, des Noirs, et un admirable métissage des trois races. Les Mayas étaient là les premiers, mais personne ne sait avec certitude d’où ils sont venus.

Il existe des similitudes frappantes entre les pyramides mayas et les ziggourats d’Égypte et de Babylone, ainsi que des parallèles instructifs entre les religions de ces peuples. Le culte des Mayas, qui adoraient de nombreux dieux et croyaient en l’immortalité de l’âme et en un châtiment après la mort, ressemblait étrangement à la religion babylonienne. Ces croyances n’ont d’ailleurs pas beaucoup été affectées par l’avènement de la chrétienté.

La chrétienté s’est introduite dans le pays par la force. Des conquérants espagnols sont arrivés au Honduras en 1524. Comme à leur habitude, ils ont imposé aux indigènes la langue espagnole et la religion catholique. Actuellement, environ 95 % des Honduriens sont catholiques. La période coloniale a pris fin quelque trois siècles plus tard, en 1821, lorsque l’indépendance a été déclarée. Les Espagnols n’ont pas été les seuls à vouloir avidement exploiter ce pays à la flore et à la faune abondantes, regorgeant d’or et d’argent. Toutefois, les envahisseurs suivants n’ont pas été appelés des colons, mais des pirates. William Parker et Sir Francis Drake menaçaient tous deux les côtes honduriennes dans les années 1570.

L’aube de la vérité

La religion babylonienne, tant celle des anciens Mayas que sa variante moderne de la chrétienté, a tenu les gens pendant des siècles dans les ténèbres et dans l’esclavage de l’ignorance, de la superstition et du spiritisme. Ce n’est qu’au cours des actuels derniers jours qu’est apparue une lueur de lumière spirituelle au Honduras.

En 1930, Mademoiselle Freddie Johnson, une petite femme d’une cinquantaine d’années, a commencé à prêcher le message du Royaume le long de la côte nord et sur les Islas de la Bahía (îles de la Baie). Avec son cheval comme unique compagnon, il fallait à cette pionnière ointe de l’esprit une foi solide et une grande résistance pour aller voir les gens dans les plantations de bananiers disséminées et dans les villes côtières de Tela, La Ceiba, et Trujillo. Il n’y avait pas de routes à l’époque, seulement des pistes qui traversaient la jungle humide et froide. Un train tiré par une machine à vapeur, exploité par une compagnie fruitière, conduisait sœur Johnson sur une partie du chemin. Peu de personnes avaient déjà vu la Bible; et parmi celles qui en avaient vu une, beaucoup ne pouvaient pas la lire. Néanmoins, cette année-​là, elle a laissé plus de 2 700 livres et brochures à des personnes bien disposées. Elle est retournée dans la région en 1934, puis en 1940 et en 1941.

À l’exception d’un proclamateur isolé qui prêchait en 1943, on n’a enregistré aucune activité jusqu’à l’arrivée des premiers missionnaires en octobre 1945. Vers le milieu de 1946, Nathan Knorr s’est rendu au Honduras pour établir une filiale et organiser l’œuvre. La même année, le serviteur (surveillant) de filiale, Donald Burt, diplômé de la troisième classe de Galaad, s’est déplacé à l’intérieur du pays pour évaluer les besoins auxquels les futurs pionniers spéciaux avaient à répondre et les conditions de vie qu’ils affronteraient.

Darlean Mikkelsen a été l’un des sept premiers missionnaires. Après avoir été diplômée de la troisième classe de Galaad, elle a été envoyée dans la capitale du Honduras, Tegucigalpa, en février 1946. Elle n’arrivait même pas à prononcer le nom de la ville et a dû le rechercher dans des livres! Elle a appris qu’en lenca, une langue indienne, “Tegucigalpa” signifie “Collines d’argent”. Il était autrefois courant de voir des files de 15 ou 20 ânes descendre en ville à pas lents, chargés d’argent extrait des mines sur les collines. Quand Darlean est arrivée, l’aéroport se résumait à une bâtisse en bois et à une très courte piste d’atterrissage. Cependant, elle a été soulagée en constatant que la capitale était plus civilisée qu’elle ne le craignait.

Au nombre des premiers missionnaires figuraient aussi Loverna Grell et sa fille, Ethel. Loverna a été surprise d’apprendre en arrivant que le lendemain serait déjà son “jour de cuisine”. Il est habituel dans les maisons de missionnaires que chaque occupant ou chaque couple prépare les repas à tour de rôle. Pour Loverna, la tâche n’a pas été facile; la plupart des fruits et des légumes lui paraissaient étranges, et pour les acheter elle devait marchander avec les commerçants dans une langue tout aussi étrange.

Au total, neuf missionnaires se trouvaient au Honduras en 1946. La première congrégation a été formée, et les perspectives d’avenir semblaient bonnes. Les missionnaires dirigeaient 57 études bibliques à domicile. Entre 1946 et 1949, le nombre moyen des proclamateurs du Royaume est passé de 19 à 256, et le nombre des congrégations de un à six. Dans le même temps, le nombre d’études bibliques a grimpé de 57 à 160!

Ils accrochent une pancarte

Vers la fin de 1946, Everett et Gertrude Weatherbee, ainsi que deux missionnaires nouvellement arrivés, se sont installés dans la deuxième ville du Honduras, San Pedro Sula, située à 58 kilomètres de la mer des Caraïbes, à l’intérieur des terres. Bien qu’elle soit considérée comme la capitale industrielle, elle est dans l’une des régions les plus riches et les plus fertiles du pays. Bénéficiant de chutes de pluie idéales, les bananes, les oranges, les ananas et la canne à sucre poussent à cet endroit tout au long de l’année dans un cadre luxuriant.

D’emblée, les nouveaux venus ont accroché une pancarte à leur portail, sur laquelle était écrit “Salle du Royaume des Témoins de Jéhovah”. Le nom de Jéhovah était très peu connu dans la région, si bien que la pancarte n’a pas beaucoup attiré l’attention. Quelques membres de l’Église évangélique locale sont même venus écouter un discours public. Cela n’a pas plu au pasteur. Il a consacré son sermon suivant à condamner les Témoins de Jéhovah; il a même cité les noms de ceux qui étaient allés au discours pour leur faire honte publiquement. Sa diatribe n’a fait que susciter davantage d’intérêt; la semaine suivante, de nouveaux évangéliques étaient dans l’auditoire à la Salle du Royaume!

L’œuvre progressait également à 10 kilomètres de San Pedro Sula, dans la ville de La Lima, mais il ne s’y trouvait alors qu’une congrégation de langue anglaise. Elle ne pouvait s’occuper du nombre de plus en plus important de personnes parlant l’espagnol qui s’intéressaient à la Bible. Il fallait une congrégation espagnole, mais un problème se posait.

Une grande proportion de la population ne voyait pas la nécessité de se marier légalement; les couples ne s’installaient ensemble que pour élever les enfants. Souvent, quand la routine prenait le dessus, les hommes abandonnaient leur famille, en général pour une femme plus jeune. De nombreuses femmes abandonnées se démenaient pour prendre soin de leurs enfants tout en travaillant à plein temps. Une congrégation espagnole n’a donc été formée que lorsqu’assez d’hommes mariés légalement ont été disponibles pour l’encadrer. Jéhovah a béni ces efforts, car en un an seulement le nombre des proclamateurs de La Lima est passé de 24 à 77.

Visites du président

Le moment le plus marquant de 1949 a été la visite de Nathan Knorr et de Roger Morgan à l’assemblée générale de Tegucigalpa. Ils se sont ensuite rendus à San Pedro Sula et à La Ceiba, où ils ont donné des discours pour encourager les congrégations.

Dans l’assistance, à La Ceiba, se trouvait Oscar, neuf ans. Sa mère se levait tous les matins à 4 heures pour faire des tortillas qu’elle vendait, puis elle se préparait en vue de la prédication à 9 heures. Oscar était un garçonnet très éveillé; du fait qu’il était Témoin de Jéhovah et digne de confiance, un commerçant du coin lui faisait porter de l’argent à la banque. Il transportait parfois jusqu’à 1 500 dollars. Pendant la visite de frère Knorr, le jeune Oscar s’est faufilé systématiquement sur le siège juste à côté de lui. Il est plus tard devenu ministre à plein temps. Oscar s’est noyé dans un tragique accident en 1956. Il ne sera pas oublié.

Les Témoins de Jéhovah sur les ondes

Les visites de maison en maison, telles que Jésus Christ les a établies, sont un signe distinctif des serviteurs de Jéhovah au Honduras. Mais les premières années, les proclamateurs étaient peu nombreux, et une grande partie de la population était inaccessible, car les routes goudronnées étaient rares. Il était donc assez efficace de répandre la vérité par la radio. En 1949, la station HRQ de San Pedro Sula a invité les Témoins à diffuser une émission hebdomadaire d’un quart d’heure. Elle s’intitulait “Que Dieu soit reconnu pour vrai!” et était basée sur le livre du même nom. Évidemment, tout le monde n’avait pas la radio à l’époque, mais comme ceux qui l’avaient la mettaient à plein volume, de nombreux voisins bénéficiaient de notre émission.

Pendant quatre ans, l’émission a été retransmise sans difficulté. Un jour, toutefois, le propriétaire de HRQ a lu un article de Réveillez-vous! qui parlait de Suyapa, le “saint” patron du pays. Cet homme était voué à Suyapa; pour tout dire, sa station s’appelait aussi Radio Suyapa. En colère, il a envoyé un message à la maison de missionnaires disant que nos diffusions étaient terminées. L’équipe de la station appréciait les Témoins et a discuté avec le propriétaire, mais en vain. S’il avait écouté la radio ce jour-​là, il aurait été surpris d’entendre l’annonceur dire: “L’émission ‘Que Dieu soit reconnu pour vrai!’ a été supprimée par le propriétaire de cette station. Tout le personnel de la station considère que cette action est très regrettable et qu’elle constitue une violation de la liberté d’expression au Honduras.”

Dans l’intervalle, le directeur d’une autre station de radio a proposé de créer une émission quotidienne d’instruction biblique qu’on appellerait l’Heure catholique. Il a demandé au prêtre d’y participer, mais celui-ci a refusé, en répondant qu’il était occupé et que cela ne l’intéressait pas d’enseigner la Bible. Déçu, le directeur a déclaré que si le prêtre n’en avait cure, il savait qui serait intéressé. Il s’est procuré des publications auprès des Témoins et les lisait sur les ondes. Peu après, des missionnaires lui ont rendu visite et lui ont fourni des matières intitulées: “Sujets de réflexion.” Le prêtre était mécontent, mais le directeur lui a répondu: “Vous avez eu votre chance et vous avez refusé.” L’émission a donc continué.

“Vous devez être saints, car je suis saint”

Dans les années 50, deux périodes de déclin ont eu lieu. L’année 1950 a vu une chute du nombre moyen des proclamateurs, qui est descendu de 256 à 208. Pour quelle raison? L’esprit de Jéhovah incitait son organisation à insister sur le fait que tous ses serviteurs doivent être purs à ses yeux (voir 1 Pierre 1:16). Certains ont résisté à cet esprit et ont abandonné les rangs des serviteurs de Dieu. Grâce à ce passage au crible, les quatre années suivantes ont vu une recrudescence du nombre et des proclamateurs, et des congrégations.

Toutefois, en 1954, un nouveau coup a été porté qui a ébranlé l’œuvre pendant plusieurs années. Le serviteur de filiale, qui avait été nommé en septembre 1953, a dû être exclu. Sa transgression a affaibli les autres. Certains étaient au courant de son péché avant qu’il ne soit connu, et ils avaient fermé les yeux au lieu d’avoir le courage d’intervenir; eux aussi ont trébuché (voir Lévitique 5:1). D’autres étaient désolés de son exclusion, car il était apprécié. Mais, tant mieux pour lui, il a été réintégré par la suite et sert fidèlement Jéhovah depuis lors.

Néanmoins, le mal était fait, et c’est Aldo Muscariello, le nouveau serviteur de filiale, qui a dû payer les pots cassés. Il a reconnu que d’autres facteurs étaient également en cause dans le ralentissement. De nombreux proclamateurs et missionnaires comptaient prématurément leurs étudiants comme proclamateurs; ils remettaient même des rapports en leur nom à leur insu. Le bureau de la filiale a expliqué que les étudiants devaient d’abord remplir les conditions requises avant d’entrer dans les rangs des proclamateurs.

Ce qui a frappé frère Muscariello au Honduras, ce sont les contrastes qu’on y trouve: troupeaux et ânes se mêlent aux voitures et aux camions sur les routes; des huttes au toit de chaume avoisinent des maisons modernes; la saison des pluies est suivie de la seule autre saison, chaude et poussiéreuse. Un soir, il étudiait à la lueur d’une bougie avec une famille dans l’unique pièce au sol en terre battue d’une hutte d’adobe perchée sur les versants de Tegucigalpa, et le lendemain soir dans une pièce spacieuse et bien éclairée de l’ambassade du Guatemala.

L’œuvre repart

L’œuvre progressait, pénétrant le territoire dans toutes les directions. Le bel archipel hondurien, dont les îles principales sont Roatán, Utila et Guanaja, se trouve dans les Caraïbes à environ 50 kilomètres de la côte nord, sur le deuxième récif corallien du monde. Ces îles sont accessibles en avion, en ferry ou, pour ceux qui n’ont pas le mal de mer, en goleta. Une goleta est un petit bateau, généralement chargé de marchandises à ras bords. Certaines coulent parfois, tant elles sont surchargées. Sur les îles, de nombreuses maisons sont en bois, peintes de toutes les couleurs et bâties sur pilotis, si bien qu’on y accède par une étroite passerelle.

En 1948, Donald Burt et les missionnaires William et Ruby White se sont rendus à Coxin’s Hole, la ville principale de Roatán, pour donner un coup de fouet à l’œuvre sur cette île. Depuis lors, de nombreux frères, surtout étrangers, ont essayé de s’établir sur les îles pour prêcher la bonne nouvelle du Royaume. Jusqu’à présent, ils ont obtenu peu de résultat.

Quand Lloyd Aldrich, serviteur de filiale dans les années 60, est venu à Roatán, il a trouvé que les insulaires étaient religieux, sociables, simples et faciles à vivre. Il a remarqué avec intérêt que si un orateur posait une question rhétorique dans son discours public, les auditeurs y répondaient à haute voix. Par exemple, un jour où un orateur a demandé: “Quelle quantité d’eau y a-​t-​il dans la mer?”, quelqu’un a répondu: “Dieu seul le sait, et il ne le dit pas.” Un orateur qui parlait de la famille a déclaré que certaines femmes n’arrêtent pas de reprendre et de harceler leur mari, au point qu’elles finissent par exercer l’autorité. Du fond de la pièce, une voix a lancé avec ferveur: “Amen!”

Dans la Mosquitia!

La plupart des Honduriens ne se sont jamais aventurés dans la Mosquitia, la région la plus à l’est du pays. Ces terres boisées en grande partie vierges, comprenant de riches vallées et une forêt tropicale dense, sont peu habitées. Au cours des siècles, toutes sortes de gens y ont vécu, des Indiens payas et miskitos, qui parlent leurs anciens dialectes autochtones, aux Zambos, des descendants de Noirs qui se sont mariés avec les farouches Indiens des Caraïbes, en passant par des fugitifs, des pirates et des trafiquants d’esclaves.

Étant donné que peu y parlaient espagnol ou anglais à l’époque, il a fallu que quelqu’un leur porte la bonne nouvelle. C’est ce qu’a pensé Gerald Hughes, un surveillant de circonscription, en 1957, et on a organisé un voyage d’évangélisation. Il a été accompagné par Cristóbal Valladares, qui est devenu par la suite le premier Témoin hondurien à servir dans la circonscription. Ils sont partis avec un groupe de proclamateurs à destination de Trujillo, où leur voyage allait vraiment commencer.

Ils n’ont emporté que le strict nécessaire et ont loué un petit bateau à moteur qui n’avait pas d’équipement de “luxe” comme des couchettes, des sièges, la radio, un compas ni aucun instrument d’aucune sorte. En revanche, il transportait une équipe et un capitaine compétents, tous experts dans le maniement des bateaux. C’était une bonne chose, car au delà du point appelé Cap Honduras, la mer était mauvaise. Un homme est même tombé par-dessus bord, mais il a été adroitement repêché.

Vingt-deux heures se sont écoulées avant qu’ils n’abordent au petit village de Sangrelaya. Tout ce temps, ils n’avaient ni mangé ni bu. Le lendemain, ils sont allés en pirogue sur la rivière Noire, qu’ils ont suivie jusque dans le territoire qu’ils devaient parcourir. Ils ont bientôt rencontré une dame bien disposée qui parlait anglais, et ont passé plusieurs heures avec elle, ainsi qu’au retour, à lui enseigner la Bible. Le lendemain soir, 35 personnes sont venues écouter un discours biblique, après lequel elles ont retenu les frères jusque tard dans la nuit pour qu’ils répondent à leurs questions.

La destination suivante était Brus Laguna. Après une pénible marche de trois heures le long du banc de sable qui sépare la lagune de la mer, ils sont arrivés dans l’une des plus grandes plantations de noix de coco du monde, Tusí Cocal. Ils ont pris alors leur premier véritable repas depuis plusieurs jours et ont apprécié la chaleureuse hospitalité d’un foyer dans lequel ils ont présenté le discours intitulé “Résurrection, enfer et ciel”. Trente-quatre personnes sont venues, dont quelques femmes qui portaient leur bébé dans le dos, maintenu par une pièce de tissu. Dans un village de l’autre côté de la lagune, plus de 30 personnes sont venues écouter un discours biblique. Les gens n’arrêtaient pas d’arriver si bien qu’après l’étude de La Tour de Garde les frères ont présenté un autre discours.

Ils passaient les journées à prêcher et dormaient où on les invitait. La nourriture était variée: manioc, sardines, pain de coco et café local. Finalement, quand ils sont retournés à Sangrelaya, ils ont compris que le prêtre faisait tout son possible pour décourager les gens de les écouter. Il a même refusé de donner les clés de l’école publique. Qu’importe: 62 personnes ont assisté au discours public à un autre endroit. Dix-huit jours après son départ, le groupe prenait le chemin du retour en direction de la ville de Limón. Là, le maire leur a montré un livre auquel il tenait depuis longtemps, La Harpe de Dieu, qu’il avait acquis 27 ans plus tôt, quand sœur Johnson avait été pionnière dans la région.

Sur la dernière partie du trajet en pirogue jusqu’à Trujillo, le groupe a calculé qu’il avait fait connaître la bonne nouvelle à près de 800 habitants disséminés de la Mosquitia. C’était un bon début!

Des attaques tournent court

Évidemment, Satan veille à ce que la prédication ne s’accomplisse jamais sans opposition d’une sorte ou d’une autre. En général, les Témoins de Jéhovah sont respectés au Honduras. Même quand le gouvernement a décrété un état d’urgence, il n’a jamais cherché à interdire nos réunions. Mais il y a toujours des individus haut placés qui ont tellement de préjugés qu’ils remueraient ciel et terre pour entraver la prédication. À chaque fois, il semble que Jéhovah ait suscité un Gamaliel moderne qui a pris la défense des Témoins. — Voir Actes 5:33-40.

Dans les années 60, un certain groupe faisait tous ses efforts pour discréditer les Témoins de Jéhovah aux yeux du gouvernement; il les attaquait par voie de presse, par la radio et encourageait l’expulsion de tous les Témoins missionnaires. Le gouvernement a formé un comité spécial pour déterminer une marche à suivre au vu de toutes ces accusations. À la réunion du comité était présent un juriste qui avait préparé une thèse sur les batailles juridiques menées par les Témoins de Jéhovah dans le monde entier et sur les bienfaits qu’elles avaient apportés à la société. Il a pris la parole en faveur des Témoins, en rappelant au comité: “Ces gens ont acquis des droits légaux dans le monde entier, dans un nombre incalculable de pays.” Il a invité le gouvernement à en faire au moins autant pour les Témoins, sinon plus. Le comité a décidé de laisser les Témoins de Jéhovah poursuivre leur activité sans entraves.

À cause des mêmes articles de presse diffamatoires, on a demandé à un recteur d’enquêter sur les Témoins de Jéhovah. Cet homme impartial connaissait plusieurs Témoins et avait lu certaines de leurs publications. Il a opposé son veto à l’enquête et a dit qu’il serait plus profitable de s’attarder sur les auteurs des articles. Ils étaient, a-​t-​il précisé, bien plus susceptibles de constituer une menace pour la sécurité nationale.

Les Témoins de Jéhovah sont absolument neutres pour ce qui est des questions et des conflits politiques. Cette position leur vaut parfois des attaques injustifiées. Peu avant l’assemblée de district de 1966, le ministre de l’Éducation a tenté, en faisant passer un décret, d’obliger tous les élèves à saluer le drapeau et à chanter l’hymne national à l’école. Mais chaque fois que le comité s’est réuni, quelqu’un a proposé un ajournement. C’est ce qu’a fait par exemple un homme dont la femme étudiait avec les Témoins. Il était certain que ces derniers devaient avoir de solides raisons bibliques de ne pas participer aux cérémonies patriotiques. Le ministre a envoyé des circulaires dans les écoles, donnant pour instruction aux enseignants de forcer les enfants à saluer le drapeau sous peine d’expulsion, mais cette règle abusive n’a jamais été introduite dans la constitution.

La conscience chrétienne

Ce sont les enfants d’âge scolaire qui font les frais de la question du salut au drapeau. Certains enseignants, désirant se montrer compréhensifs, trompent leurs élèves sans le vouloir. Certains leur disent que le salut au drapeau n’est qu’une marque de respect. Néanmoins, les enfants de Témoins connaissent bien la différence entre le respect (qu’ils témoignent aux drapeaux de toutes les nations) et l’idolâtrie. Ils savent aussi que l’hymne national du Honduras qualifie le drapeau notamment d’“emblème divin” et de “sainte bannière”, ce qui lui confère clairement une signification religieuse.

Dans la ville de San Juancito, un enseignant a donné à un jeune Témoin une suggestion “pour l’aider”: qu’il accomplisse le salut au drapeau “juste cette fois” pour obtenir son diplôme, et qu’il “se confesse” ensuite à ses supérieurs religieux pour être pardonné. Le jeune frère a expliqué que lorsqu’on pèche, c’est contre Dieu et le Christ qu’on le fait, et que c’était la crainte de déplaire à Dieu, non aux hommes, qui motivait sa conscience.

Certains officiers de l’armée ont également appris que c’est sa conscience, et non la peur ou un esprit rebelle, qui pousse un chrétien à renoncer à la violence. Quelques frères prêchaient non loin de Danlí quand une patrouille est arrivée en quête de recrues. Ils ont ordonné à deux jeunes frères de monter dans un autocar qui les conduirait au quartier général du bataillon. Quand le frère qui dirigeait le groupe a appris ce qui s’était passé, il a demandé la permission de donner le témoignage à tous les occupants de l’autocar. Il a commencé par le sergent de service, en lui expliquant en détail en quoi consistait l’œuvre ministérielle de ces jeunes hommes. Le sergent a ordonné qu’on les laisse poursuivre leur œuvre en paix.

La guerre de 1969

Pendant quelque temps, les rivalités et la méfiance entre le Honduras et le Salvador ont été attisées par une propagande nationaliste diffusée à la radio dans les deux pays. Au Honduras, des foules grossières se sont quelquefois rassemblées autour de maisons et d’entreprises appartenant à des Salvadoriens. La moindre étincelle suffisait à provoquer une explosion; c’est précisément ce qui s’est produit en juillet 1969, quand les équipes de football hondurienne et salvadorienne se sont affrontées à San Salvador à l’occasion d’un match de qualification comptant pour la coupe du monde de 1970. La guerre a commencé au beau milieu du stade! Il est difficile de croire que des Honduriens et des Salvadoriens, qui avaient cohabité amicalement pendant plus d’une génération, prendraient leurs pistolets et leurs machettes pour s’entretuer. Mais c’est exactement ce qui s’est passé dans toutes les villes et tous les villages des deux pays.

La guerre a eu une incidence sur les congrégations, le ministère et les réunions en raison des black-outs, des couvre-feux, des pertes d’emplois, des harcèlements et de l’expulsion des Salvadoriens, dont des frères. Frère Manuel Martínez, du Comité de la filiale, qui est actuellement surveillant de circonscription, se rappelle que 23 frères de sa congrégation ont dû retourner au Salvador. Il ajoute: “J’étais déconcerté; je ne savais pas quoi faire. Après la partie la plus noire de la guerre, je suis allé diriger l’étude de La Tour de Garde, et l’auditoire ne se composait que de deux personnes.”

Dans de nombreuses villes, on a formé des comités civiques, qui se sont donné pour mission de rechercher dans les rues et dans les maisons les éventuels ennemis de l’État. Chaque citoyen était censé participer à la tâche du comité et aux patrouilles de nuit. Sœur Rubina Osejo dirigeait à l’époque une école privée. Le comité civique est venu lui demander de faire sa part. Elle s’est rappelée le conseil de Jésus d’être “prudents comme des serpents”; elle a donc répondu qu’elle ne pouvait participer aux patrouilles de nuit, ni donner d’argent, mais qu’elle resterait vigilante sur le plan spirituel et prierait pour que la guerre et l’injustice prennent rapidement fin. — Mat. 10:16.

La guerre a fourni aux vrais chrétiens des occasions de donner le témoignage par leur conduite. Certains frères d’El Progreso avaient un voisin salvadorien qui détestait les Témoins et refusait de leur parler. Quand la guerre a éclaté, les foules ont commencé à lorgner son entreprise lucrative. Mais un jour où une foule de gens étaient sur le point de la piller, un homme qui étudiait avec les Témoins leur a crié: “N’agissez pas comme des barbares! La femme de cet homme est hondurienne, et vous allez enlever le pain de la bouche de leurs enfants, des enfants qui sont vos frères honduriens.” La foule s’est calmée, le Salvadorien s’est éclipsé avec quelques biens et de l’argent, et il s’est caché dans la Salle du Royaume. Par la suite, quand il a retrouvé tout ce qui lui appartenait, il a déclaré: “Maintenant, je sais que les Témoins de Jéhovah sont honnêtes, dignes de confiance et neutres en temps de guerre.” En larmes, il a demandé aux frères de lui pardonner la façon dont il les traitait par le passé.

Pendant la guerre, un frère hondurien a été arrêté et conduit devant un sergent qui lui a ordonné de s’engager dans l’armée. Le sergent est entré en rage quand le frère lui a expliqué sa position, motivée par sa conscience. Pendant trois nuits, il a essayé de briser l’intégrité de ce frère. Il l’a même menacé de le tuer. En vain. Des mois plus tard, le sergent a perdu sa place et a dû chercher un emploi. Il a été embauché dans une exploitation minière. Et là, il a découvert avec horreur que son supérieur lui rappelait quelqu’un: c’était le frère qu’il avait persécuté! Loin de chercher à se venger, le frère a partagé son repas et son thermos de café avec l’ex-sergent tout tremblant. Peu à peu, la peur de cet homme s’est estompée, et il a fini par accepter une étude biblique.

Un couple a été arrêté et jeté en prison parce qu’on les soupçonnait d’être Salvadoriens. Le mari était né au Salvador, mais était naturalisé Hondurien; sa femme était originaire du Nicaragua. Un ancien et un missionnaire sont allés expliquer au fonctionnaire responsable que cet homme et sa femme, qui avaient plus de 70 ans, étaient Témoins de Jéhovah et ne risquaient pas d’être des ennemis de l’État. Le fonctionnaire les a laissés sortir de leur cellule. En levant les yeux sur les frères, le couple âgé a été ému jusqu’aux larmes. Voyant cette affection sincère malgré leur différence de nationalités, le fonctionnaire a libéré le couple. Cependant, le plus grand danger était encore à venir: il fallait les conduire en sécurité dans le coffre d’une voiture. De façon surprenante, ils ont passé tous les barrages routiers et ont trouvé une cachette sûre aux abords de la ville.

Pas besoin d’armes à feu

Qu’il y ait la guerre ou la paix, l’époque dangereuse et violente que nous traversons amène de nombreuses personnes à compter sur des pistolets et d’autres armes pour se défendre. Mais certains qui mettaient leur confiance dans les armes à feu ont appris à plutôt faire confiance à Jéhovah.

Pendant la guerre, le directeur de l’école du pittoresque village montagnard d’El Rosario était également le chef d’un groupe armé qui patrouillait la nuit dans les rues (bien qu’il reconnaisse aujourd’hui qu’il passait le plus clair de son temps à boire). C’était un patriote fervent, mais il n’acceptait pas qu’on brutalise inutilement les prisonniers. Un jour, un membre de sa famille qui était connu pour ses tendances criminelles a voulu abattre des hommes, des femmes et des enfants sans défense. Le directeur d’école lui a dit que si c’était ainsi qu’il voulait prouver sa valeur, il ferait mieux d’aller au front, ou de se battre en duel avec lui — sur-le-champ! Des années plus tard, ce directeur d’école est devenu l’un des vrais soldats du Christ, un Témoin de Jéhovah. Il défend à présent les principes justes avec autant de courage, mais avec la Parole de Dieu, et non avec un pistolet.

Une femme qui tenait un bar était crainte par beaucoup parce qu’elle portait un revolver. Sa maison était décorée de nombreuses images et elle apprenait la sorcellerie, mais en son for intérieur elle n’était pas heureuse et aspirait à quelque chose de mieux. Le livre Vérité lui a ouvert la voie, et grâce à une étude biblique, elle a commencé à “revêtir la personnalité nouvelle”. — Éph. 4:24.

Elle a commencé à assister aux réunions et a détruit ses images, mais elle était découragée quand ses “amis” critiquaient les Témoins. La sœur qui dirigeait l’étude a été patiente; avec le temps, le cœur de cette femme a été fortifié au point qu’elle a commencé à aller de maison en maison avec sa Bible, mais sans son pistolet, bien entendu! Rapidement, elle a eu elle-​même sept études bibliques. Depuis son baptême en 1971, elle n’a cessé de progresser, en faisant toujours confiance à Jéhovah.

Santos était déjà âgé quand il a connu la vérité. Il avait été commandant dans l’armée, maire, juge de paix, juge criminel et président local d’un parti politique. Il portait en permanence un pistolet pour montrer son autorité. Durant sa carrière, il a dû arrêter des criminels redoutables. Mais quand Santos est devenu Témoin et a commencé à prêcher de maison en maison, il lui a semblé qu’il lui fallait bien plus de courage dans sa nouvelle carrière que dans l’ancienne. Il a trouvé ce courage, non grâce à un pistolet, mais grâce à la prière.

Une fois, néanmoins, un pistolet a servi à défendre les Témoins. L’évêque de Santa Rosa de Copán essayait sans cesse de causer des ennuis aux frères. Il les suivait de maison en maison, confisquait les publications qu’ils avaient laissées et les brûlait. Il incitait ses ouailles à jeter des pierres sur le toit de la Salle du Royaume. Un soir, pendant la réunion, quelqu’un a ouvert la porte et a jeté un grand seau de boue, qui a sali, entre autres, la robe blanche d’une jeune sœur. Un frère est allé raconter ce qui s’était passé au chef de la police locale, qui a été outré. Il est allé trouver l’évêque, a pointé son pistolet sur lui et lui a dit: “Si j’entends encore dire que vous vous en prenez à ces Témoins de Jéhovah, je me sers de ça sur vous.” L’évêque n’a plus fait opposition.

La parole de Jéhovah sur le sang

Il est arrivé que des Témoins de Jéhovah du Honduras voient leur foi sérieusement mise à l’épreuve par les quelques médecins et chirurgiens qui ne respectent pas leur position biblique sur les transfusions de sang. Cecilia et son mari, par exemple, ont eu un grave accident: une collision avec un camion. Quand ils ont repris conscience, ils étaient à l’hôpital, tous deux grièvement blessés. L’os maxillaire de Cecilia était brisé. Les médecins lui ont dit qu’il fallait l’opérer et la transfuser. Avec l’os maxillaire cassé, Cecilia avait du mal à répondre, mais elle a réussi à expliquer qu’elle acceptait n’importe quel traitement nécessaire, sauf une transfusion de sang. Elle a consenti à porter la responsabilité de toutes les conséquences de sa prise de position. Le médecin lui a dit qu’elle allait devoir quitter l’hôpital, car ils ne pouvaient rien faire de plus pour elle.

Avant qu’elle ait le temps de partir, elle a été un jour entourée par un groupe de jeunes étudiants en médecine qui lui ont demandé, à grand renfort de rires et de propos vulgaires, qui avait bien pu lui mettre des idées aussi stupides en tête. Ils lui ont dit que dans cet hôpital, c’étaient eux qui donnaient les ordres, pas les Témoins de Jéhovah. Ils ont commencé à lui appliquer, pour reprendre leurs propres termes, “un traitement que même des animaux ne supporteraient pas”: ils lui ont passé des fils sous l’os maxillaire et les ont entortillés à l’intérieur de la bouche. Quand elle s’est plainte de la douleur, elle a de nouveau été gratifiée de vulgarités, sauf par un jeune homme qui semblait un peu plus humain. Il l’a encouragée en lui disant: “Oui, ma petite dame, je sais que ça fait très mal. Demandez à votre Dieu Jéhovah de vous aider à endurer.”

Deux jours plus tard, le même groupe est revenu; ils se sont rendu compte que leur travail n’avait pas bien réussi. Avec très peu de compassion, ils ont enlevé les fils. Ils ont ensuite inséré une plaque d’argile dans la mâchoire, et l’ont laissée trois autres jours. Tout ce temps, la sœur ne pouvait pas parler; elle ne pouvait que penser et prier, et elle méditait sur les paroles de Proverbes 3:5: “Confie-​toi en Jéhovah de tout ton cœur.” Quand ils sont revenus, ils ont été surpris. L’un d’eux s’est exclamé: “Vous avez vu comme elle va bien!” Un autre a ajouté: “Ça doit être à cause de son obéissance à Dieu. Il n’y a pas de gens plus obéissants à Dieu que ceux-là.”

Sonia Marilú avait 13 ans et était en mauvaise santé. Les médecins n’étaient jamais d’accord sur l’origine de ses douleurs. Finalement, elle a eu une crise qui l’a conduite à l’hôpital. Elle souffrait d’une perforation intestinale, et il fallait l’opérer d’urgence. Ses parents ont expliqué aux médecins leur position sur le sang. Ceux-ci ont répondu: “Nous pouvons opérer sans transfusion... si vous voulez qu’elle meure.” Ses parents l’ont alors emmenée au Salvador au prix d’un voyage périlleux. Elle est arrivée dans un état très grave. Les médecins, dont un Témoin, l’ont examinée et ont commencé l’opération sans recourir au sang. Malgré sa grande faiblesse, elle s’en est sortie vivante.

Mais ce n’était pas terminé. Au bout de quatre jours, elle s’est subitement sentie mal et il a fallu la réopérer. Une autre équipe chirurgicale devait cette fois procéder à l’opération. Voyant sa numération globulaire dangereusement basse, ils ont dit: “Si tu n’acceptes pas de sang, tu vas mourir, et sans transfusion nous n’opérerons pas.” Sonia a refusé inflexiblement les transfusions. Comme il était clair que la jeune fille ne vivrait pas 12 heures de plus, les médecins ont décidé de l’opérer, en disant: “En prenant de grands risques et les mains liées.” Bien que son taux d’hémoglobine soit descendu à quatre grammes pour 100 millilitres, ils ne l’ont pas transfusée. Le lendemain matin, à la grande surprise de toute l’équipe, elle était en vie et son état s’améliorait. Un médecin a déclaré: “Tu es allée vers Dieu et il t’a renvoyée. Il est manifeste qu’il t’aime.”

Sonia avait pendant un temps besoin de soins intensifs, et les médecins continuaient à recommander du sang pour accélérer la guérison. Lentement, mais sûrement, toutefois, elle s’est rétablie sans transfusion. À sa sortie de l’hôpital, un des premiers docteurs qui l’avaient opérée lui a dit: “Tu as respecté la loi de Dieu, tu n’as pas violé ta conscience, et tu ne risques pas d’attraper le SIDA.”

‘Fidèles dans ce qui est très peu’

Le gouvernement du Honduras doit constamment faire la chasse aux petits délinquants. Les voisins doivent batailler sans cesse à cause de l’habitude répandue et tenace qu’ont les gens d’emprunter sans rendre. Avant de se faire baptiser, les nouveaux doivent apprendre à changer sous ce rapport et à être ‘fidèles dans ce qui est très peu’. — Luc 16:10.

Un couple a appris qu’il est non seulement normal, mais aussi bénéfique, de ‘rendre les choses de César à César’. (Marc 12:17.) Depuis neuf ans, Edmundo et sa femme, Estela, importent des marchandises du Guatemala et du Mexique. Ils se sont aperçus que certains douaniers réduisent “officieusement” les taxes d’importation. Dès le départ, ils ont dit qu’ils étaient Témoins de Jéhovah; petit à petit, ils ont par leur honnêteté gagné la confiance des douaniers. Il leur suffit à présent de remplir les formulaires de déclaration et de donner leur parole. Quand d’autres importateurs voient que ce couple rencontre peu de difficultés à la douane et ne subit pas constamment des confiscations de marchandises, ils songent à être plus honnêtes eux-​mêmes.

Un frère de San Pedro Sula travaille depuis 18 ans dans l’Administration des douanes. Lors d’une interview, il a expliqué: “La tentation de s’enrichir sans laisser aucune trace est très forte, mais je ne veux pas transiger avec ma conscience. De plus, je sais que les yeux de Jéhovah nous observent constamment. Un jour, on m’a proposé les clés de la voiture de mon choix parmi plusieurs à la seule condition que je baisse leur valeur imposable. Bien qu’une telle offre puisse être tentante, elle n’a rien de comparable avec la valeur d’une conscience nette et le respect de ses collègues et de ses directeurs. L’an dernier, j’ai été invité à un séminaire, et dans les remarques finales, le représentant des Nations unies dans l’administration douanière m’a demandé de me lever. Il m’a félicité publiquement pour mon respect des lois, mon refus des pots-de-vin, et mon exemple digne d’être suivi.”

Les progrès dans les territoires ruraux et isolés

Les frères font de grands efforts pour rencontrer les habitants des territoires isolés. C’est une tâche qui demande des sacrifices, mais, comme on le dit si souvent, les joies et la satisfaction qu’on en retire surpassent de loin la peine occasionnée.

Puerto Cortés, une ville portuaire sur la mer des Caraïbes bâtie dans des marécages en partie comblés, compte plusieurs congrégations florissantes. Robert Schmidt, qui y était missionnaire vers la fin des années 60, se rappelle avoir prêché à pied dans ce territoire de 80 kilomètres de long à l’époque où il n’y avait qu’une congrégation. “Le chemin à parcourir pour aller aux maisons en direction du Guatemala était difficile à l’époque; il y avait sept jours de marche. Seuls des petits groupes pouvaient l’effectuer. Les personnes bien disposées proposaient couramment de la nourriture en échange de publications; beaucoup vivent de la terre et n’ont que peu ou pas d’argent. Sur le chemin du retour, nous faisions les nouvelles visites et dirigions des études bibliques le soir à la lueur des bougies.” Quelle a été leur récompense? En 1971, une congrégation a été formée à Omoa, une des plus grandes villes de la région.

Dans les années 70, la congrégation de Puerto Cortés a pris des dispositions pour parcourir les territoires isolés à l’est; elle a envoyé des groupes de frères par le train de la compagnie fruitière ou dans une vieille mais robuste Land-Rover. L’équipement de base comprenait une corde solide et des pelles. Pendant la saison des pluies, les camions faisaient la queue devant des trous de boue particulièrement dangereux. Quand un camion en traversait un, des applaudissements crépitaient; quand un autre n’y arrivait pas, on sortait cordes et pelles. Imaginez la scène: après avoir enlevé leurs chaussures, les frères remontaient leur pantalon, les sœurs leurs jupes, et tout le monde creusait. Là encore, les frères ont été récompensé pour leur travail patient en voyant un groupe isolé s’étoffer à Baracoa et une congrégation en pleine santé à La Junta, près du fleuve Ulúa. Toutes deux ont maintenant leur propre Salle du Royaume.

Certaines pionnières spéciales, dont Olga Aguilar (à présent Walker), de la congrégation de Choluteca dans le sud, ont commencé à prêcher à Guásimo, un petit endroit perché dans les montagnes. Avec le temps et l’aide d’autres Témoins, 25 personnes ont commencé à se réunir. Toutefois, elles ont reconnu que pour progresser sur le plan spirituel elles devaient fréquenter d’autres personnes qui partageaient la même foi. Mais comment? Il y avait presque trois heures de marche jusqu’à Choluteca. Comme elles n’avaient que des ânes pour se déplacer, l’amour pour Jéhovah était leur motivation. Détail intéressant, c’étaient généralement les frères de Guásimo qui arrivaient les premiers aux réunions! À l’assemblée de circonscription tenue en 1970 à Choluteca, 13 habitants de Guásimo se sont fait baptiser. L’un d’eux, désirant que sa famille profite davantage des réunions, a littéralement déplacé sa maison en ville. Comment s’y est-​il pris? Il l’a emportée sur son dos, morceau par morceau, chaque fois qu’il allait à une réunion!

Quand les frères de la congrégation d’El Progreso ont commencé à prêcher dans la ville de Santa Rita, à environ 24 kilomètres au sud, le propriétaire d’un salon de coiffure a accepté des publications avec joie. Il a prié les frères de rester pour l’enseigner, mais ils voulaient rencontrer le plus d’habitants possible avant de partir. L’homme a donc fait cette proposition: “Si vous restez et m’enseignez, je vous donnerai une chambre chez moi ce soir et je vous nourrirai pour que vous ne perdiez pas un précieux temps.” En tout, 15 frères ont mangé et dormi chez le coiffeur ce soir-​là.

Des familles étrangères à la rescousse

Beaucoup qui ne peuvent être missionnaires ont l’esprit missionnaire. Ainsi, quand en 1968 La Tour de Garde a commencé à encourager les frères à se déplacer dans des pays où il y avait des besoins, la filiale du Honduras a reçu des centaines de lettres d’au moins 24 pays.

Grant Allinger, serviteur de filiale à l’époque, a fait préparer un mémorandum de huit pages pour donner des directives détaillées et encourageantes à ceux qui écrivaient. Quel a été le résultat? De 1968 à 1974, au moins 35 familles se sont installées au Honduras en provenance du monde entier: d’Allemagne, d’Angleterre, du Canada, des États-Unis, et même d’aussi loin que la Nouvelle-Zélande.

Certains ont rencontré de grands obstacles pour concrétiser leurs projets. Une famille du Canada s’est renseignée, a calculé la dépense et a pris ses dispositions pour déménager. Mais un sérieux problème se présentait: comment allaient-​ils financer leur voyage? Il leur fallait en effet vendre leur voiture pour payer leurs dettes, mais la date du départ approchait, et ils n’avaient toujours que 16 dollars en poche. Jéhovah ne les a pas abandonnés. La veille du départ, ils ont vendu leur voiture! Et non seulement cela, mais quand leurs amis sont venus leur souhaiter bon voyage, chacun leur a laissé un petit quelque chose pour les aider, et ils se sont retrouvés avec 600 dollars. Ils ont remercié leurs amis, et surtout Jéhovah.

Ceux qui sont venus prêter main-forte sont une véritable bénédiction pour l’œuvre. Raymond Walker, par exemple, est arrivé d’Angleterre en 1969. Il lui a fallu du temps pour s’adapter et maîtriser la langue, mais il est ensuite entré dans les rangs des pionniers, puis a servi dans la circonscription et le district avec sa femme, Olga. Il est actuellement un des cinq membres du Comité de la filiale.

“Le salut à toutes sortes d’hommes”

Si l’apôtre Paul a dit que le salut serait accessible “à toutes sortes d’hommes”, il a dit aussi: “Il n’y a pas beaucoup de sages selon la chair qui ont été appelés, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de gens de haute naissance.” (Tite 2:11; 1 Cor. 1:26). Cela se vérifie au Honduras. Toutes sortes de personnes, une variété surprenante, ont accepté la vérité, mais peu parmi les gens très riches ou très puissants.

Prenons l’exemple d’une certaine femme. Sa mère tenait des maisons de prostitution pour vivre. À la mort de sa mère, elle a pris la suite. Il ne lui a pas été facile de venir à la vérité, mais elle l’a fait; et elle s’est bien sûr débarrassée de l’entreprise familiale. Elle est devenue pionnière en 1976 et vit maintenant simplement, en lavant du linge.

Filander n’était qu’un garçon quand il a commencé à étudier, et cela ne plaisait pas du tout à son père. Plus Filander progressait, plus son père essayait de le faire arrêter d’étudier. Il voulait que son fils aille à l’université et se fasse une place dans le monde. Il refusait de le laisser aller aux réunions, aux assemblées ou prêcher, mais le garçon trouvait toujours un moyen de passer outre. Il s’est fait baptiser en 1972 et a continué de progresser. Il est d’abord devenu pionnier, puis a été nommé ancien. Après avoir travaillé dans l’équipe de construction au Béthel du Honduras, il a été envoyé en Colombie pour accomplir le même travail. Quant à sa famille, elle s’est adoucie avec les années.

Antonio était un ivrogne. Boire était l’occupation qui ressemblait le plus à un métier dans sa vie, car il y avait consacré la majeure partie de ses 80 ans. Des missionnaires avaient étudié avec lui, en vain, si bien que lorsqu’un missionnaire nommé Russell Graham a voulu lui donner une nouvelle chance, les frères lui ont conseillé de ne pas perdre son temps. Toutefois, Antonio avait une qualité: il était humble. Son esprit était tellement ravagé par l’alcool qu’il devait toujours étudier les mêmes choses trois fois; pourtant, il a fini par se vouer à Dieu et se faire baptiser. Il a servi fidèlement Jéhovah jusqu’à sa mort.

José a été élevé dans le catholicisme, mais a étudié la philosophie socialiste et l’athéisme. Convaincu par l’enseignement universitaire que les humains sont le produit de l’évolution, il a cessé complètement de croire en Dieu. Mais en 1966, le décès douloureux de son gendre lui a fait prendre conscience de l’impuissance des humains face à la mort. Un jour, un missionnaire lui a parlé de l’espérance de la résurrection. Cela a éveillé son intérêt, et il s’est mis à rebâtir sa foi en Dieu, mais sur un fondement solide cette fois. Il a appris que le Royaume de Dieu, et non le socialisme, est la seule solution, et il est devenu proclamateur de ce Royaume. Plus tard, il a été nommé ancien et sert depuis quelques années dans la circonscription.

Les fruits du témoignage informel

Un des aspects les plus plaisants du ministère chrétien au Honduras est le témoignage informel. Les discussions en groupe sur les places de marché, dans les salles d’attente des médecins, dans les trains et aux arrêts d’autobus font partie du mode de vie. Il est donc relativement facile de discuter de la Bible avec les gens.

Dans la ville d’Omoa vivait une femme qui n’aimait pas du tout les Témoins de Jéhovah. Elle ne leur parlait jamais ni n’acceptait de publications. Elle aimait cependant gagner de l’argent, ce à quoi elle s’employait en élevant des poulets. Connaissant ses préjugés, un frère lui a donné quelques conseils pour gagner du temps et de l’argent dans l’élevage des poulets. Ces propos lui ont plu. Quelques semaines plus tard, un article a paru dans Réveillez-vous! sur la façon d’économiser temps et argent, et le frère lui en a apporté un exemplaire. Elle l’a apprécié et accepte à présent nos publications avec joie.

Une sœur qui travaillait dans un magasin était quelque peu effrayée par l’aspect d’un jeune client aux cheveux longs. Elle a trouvé le courage de lui parler de l’espérance du Paradis, mais il lui a répondu sèchement qu’il ne croyait pas aux contes de fées, qu’il était hippie et qu’il se droguait. La sœur a continué à lui prêcher brièvement quand il venait. Un jour, elle lui a expliqué que, selon 1 Corinthiens 6:9-11, le principal est ce que l’on devient, pas ce que l’on a été. Quand il lui a demandé ce qu’elle pensait de ses cheveux longs, elle a répondu qu’elle n’avait autorité sur la coiffure de personne, mais qu’elle croyait en l’enseignement de la Bible selon lequel des cheveux longs sont un déshonneur pour un homme (1 Cor. 11:14). Le lendemain même, il était rasé de près et avait les cheveux coupés! Il a demandé une étude biblique, qu’un frère a dirigée avec plaisir. Il est aujourd’hui baptisé et dirige lui-​même des études.

Un petit garçon avait l’habitude de parler à tous les gens qu’il rencontrait, ce qui est courant à sept ans. Voyant un jeune homme assis devant sa maison avec un livre, le garçon lui a demandé si c’était la Bible qu’il lisait. Quand il a appris que ce n’était pas le cas (en fait, c’était un manuel de mécanique), il a dit au jeune homme, en termes qui ne laissaient pas de doute, que c’était seulement en lisant sérieusement la Bible qu’il obtiendrait la vie éternelle. “Si vous voulez, mon père peut étudier avec vous”, a-​t-​il proposé, et il a conduit le jeune homme chez lui pour qu’il fasse la connaissance de son père. Le fin mot de cette histoire, c’est que le jeune homme s’est fait baptiser en 1976. Il s’est avéré qu’il avait accepté des périodiques des années auparavant, mais qu’il avait perdu le contact avec la sœur qui les lui avait laissés. Le témoignage informel est vraiment important!

Le mariage

En découvrant la vérité, de nombreux couples comprennent qu’ils doivent légaliser leur union. On a calculé en 1973 que dans la seule congrégation de Bella Vista, à Comayagua, 32 couples avaient franchi ce pas: plus de la moitié des 120 proclamateurs!

Teodoro et Mélida étaient grands-parents. Mélida a étudié la Bible et a décidé de servir Jéhovah. Teodoro, à 60 ans, a accepté de l’épouser. Ainsi, accompagnés de deux de leurs petits-enfants, ils se sont présentés à la mairie. Juste avant la cérémonie, Teodoro s’est tourné vers le juge et a dit: “Avez-​vous déjà pensé à vous marier un jour?” Tout le monde savait qu’il vivait avec une femme et avait trois enfants naturels.

Mais que faire quand son conjoint ne veut pas se marier? Tel était le problème de Gladys. Elle vivait avec Antonio depuis des années, et ils avaient trois enfants. Gladys étudiait avec une missionnaire et voulait mettre de l’ordre dans sa vie pour être à même de servir Jéhovah. Elle a fini par dire à Antonio: “Je vais maintenant dormir avec les enfants jusqu’à ce que nous nous mariions. Quand nous serons mariés légalement, nous pourrons de nouveau dormir ensemble.” Elle a tenu parole; Antonio est devenu de plus en plus grincheux. Au bout de six longs mois, il a capitulé en lui disant: “D’accord, marions-​nous.”

L’éducation des enfants

Une des facettes importantes de notre ministère consiste à apprendre aux parents comment s’acquitter de la responsabilité conférée par Dieu d’élever leurs enfants. Un couple qui avait cinq enfants a commencé à étudier, a bien progressé, et la famille a rapidement assisté aux réunions. L’enseignement qui y était dispensé a manifestement porté. Un jour, le missionnaire avec qui ils étudiaient s’est endormi en pleine étude. Il faut préciser pour sa défense que sous le toit de tôle, la température devait dépasser 50 °C. Le père, appliquant les conseils entendus aux réunions sur la façon d’enseigner la famille, a tout bonnement poursuivi l’étude jusqu’à ce que le missionnaire se réveille... bien des paragraphes plus loin! Quelques années se sont écoulées, et Jéhovah a béni cette famille diligente. Le père est serviteur ministériel, sa femme est pionnière auxiliaire et le fils aîné est pionnier permanent.

Ernesto, âgé de trois ans, regardait trop la télévision, et ses parents, comme beaucoup dans ce cas, s’en inquiétaient. À longueur de journée il chantait des slogans publicitaires. Pour contrer cette influence malsaine, ses parents lui ont acheté les cassettes du Recueil d’histoires bibliques et lui ont appris à éteindre la télévision. Ernesto était vif d’esprit; il a mémorisé si rapidement les cassettes qu’il suffisait de lui citer le numéro d’une histoire pour qu’il la récite en entier. Un soir, à la réunion, le père d’Ernesto était visiblement éreinté. Quelqu’un lui a demandé pourquoi il n’avait pas bien dormi. Il a répondu d’un ton las: “Nous n’avons pas réussi à faire taire Ernesto avant l’histoire numéro 43.” Ernesto a maintenant dix ans et il prend part au ministère. Ses parents sont heureux de s’être donné la peine de remplir son esprit de pensées constructives.

De jeunes enfants peuvent-​ils réellement prendre d’eux-​mêmes des décisions qui reflètent ce que leur ont appris leurs parents ou leurs grands-parents? Le petit Mario, qui vit à La Ceiba, a quatre ans et passe beaucoup de temps avec sa grand-mère, Chepita, qui est Témoin depuis de nombreuses années. Un jour, l’autre grand-mère de Mario, qui est catholique, est venue le voir et lui a demandé s’il voulait l’accompagner à l’église. “Plus maintenant, mamie”, a-​t-​il répondu. Elle a voulu savoir pourquoi, et il lui a dit: “C’est Babylone la Grande, mamie!”

Des obstacles à surmonter

Il est certain que rares sont ceux qui servent Jéhovah sans rencontrer de gros obstacles et des difficultés. À l’époque où Emilia a entendu pour la première fois le message du Royaume, en 1967, elle n’était pas très heureuse en ménage. Dans un premier temps, elle n’a pas accordé grande importance à la vérité. Mais quand elle a commencé à la prendre à cœur, son mari a menacé de mettre à la porte la sœur avec qui elle étudiait. Emilia lui a dit fermement: “Si tu la mets à la porte, nous étudierons dans la rue.” Un jour, Emilia s’est arrêtée au bar où son mari était en train de boire pour lui signaler qu’elle se rendait à la réunion. Lorsqu’elle est revenue, il l’attendait au coin de la rue et s’est mis à l’invectiver et à la traiter de prostituée devant tout le monde.

Malgré ces humiliations et même des coups, Emilia a décidé de se faire baptiser. Malgré l’opposition constante qu’elle a subie pendant 20 ans, elle a formé ses enfants. Alors qu’ils étaient encore très jeunes, elle apprenait à chacun une présentation biblique qu’ils répétaient parmi les buissons et les fleurs du jardin. Ses efforts ont-​ils été payants? De ses huit fils, deux sont à présent serviteurs ministériels, et deux sont pionniers permanents. Qu’est devenu le mari d’Emilia? Il a finalement accepté d’étudier la Bible avec l’une de ses filles qui est pionnière permanente.

Le travail peut également entraver le service pour Jéhovah. Au Honduras, les femmes de ménage et les domestiques effectuent de très longues journées de travail et sont souvent traités comme de véritables esclaves, dont on exige la présence sept jours sur sept. Beaucoup hésitent à demander des moments libres de peur de perdre leur emploi. Mais une jeune sœur a toujours dit dès le départ qu’elle acceptait une place à condition d’avoir du temps libre pour servir Jéhovah. En plus de s’occuper de son foyer, elle dirigeait onze études bibliques à domicile, avec des personnes qui pour la plupart assistaient aux réunions.

Fifi fait des ravages!

Le Honduras a eu son lot de catastrophes naturelles. C’est un habitué des ouragans, mais Fifi, celui qui s’est abattu sur la côte nord en septembre 1974, reste la plus grave catastrophe naturelle qui ait jamais frappé le pays. Environ 1 600 Témoins (les deux tiers des proclamateurs du pays) habitaient dans la région sinistrée. Bien que 10 000 personnes aient été tuées, aucun Témoin n’a perdu la vie. Beaucoup ont néanmoins perdu leur maison et leurs biens, et de terribles inondations ont ravagé les voies de communication, routes, voies ferrées et ponts, dont chacun est tributaire. Un groupe de Témoins est parti en canoë de la gare de Baracoa pour s’enquérir de la situation des frères et des étudiants de la Bible isolés. Ils ont réussi à naviguer ainsi au-dessus des terres jusqu’à Tela, à quelque 55 kilomètres! Les toits des maisons et les arbres servaient de repères. Alors qu’ils passaient près d’un arbre, un serpent corail réfugié dans les branches est tombé dans le canoë. Les frères ont tué ce serpent venimeux d’un rapide coup de machette avant qu’il n’ait le temps de leur nuire.

Fifi a provoqué d’autres difficultés. Deux assemblées de circonscription ont dû être reportées. Le rapport d’activité de septembre a été très faible, car il a fallu consacrer beaucoup de temps et d’efforts aux opérations de secours. Des Témoins du monde entier ont fourni leur soutien, et en peu de temps, des secours sont arrivés de New York, de la Nouvelle-Orléans et du Bélize. En moins d’un mois, quelque 29 tonnes de fournitures ont été distribuées aux frères, à leurs familles et à leurs amis. Le 6 novembre de cette année-​là a été inoubliable. Malgré d’incroyables difficultés, une assemblée de circonscription d’une journée s’est tenue au cœur de la région sinistrée, rassemblant 4 000 personnes. Des larmes de joie et de soulagement coulaient sur de nombreux visages parmi les frères et sœurs qui revoyaient pour la première fois leurs chers amis sains et saufs.

L’année suivante, les frères ont construit deux Salles du Royaume et 36 maisons. Certaines maisons ont été rebâties sur leur ancien emplacement, tandis que d’autres ont été déplacées parce que leur ancien site se trouvait désormais dans le lit du fleuve! Un frère a été si heureux de l’aide reçue qu’il a revu les plans de sa nouvelle maison pour économiser de l’argent et de la place afin de construire une nouvelle Salle du Royaume sur le même terrain.

De grands tremblements de terre

“On aurait dit le grondement d’une centaine de trains de marchandises.” C’est par ces mots qu’un frère a décrit le tremblement de terre qui, le 4 février 1976, a secoué sa maison sur pilotis au point qu’elle s’est effondrée trois mètres plus bas sur le sol marécageux. Environ 150 maisons de la ville ont été gravement endommagées. Mais l’épicentre de ce séisme d’une magnitude de 7,5 se situait au Guatemala, juste de l’autre côté de la frontière, et c’est là que les dégâts ont été les plus importants. Un pêcheur qui était à quelques kilomètres de la côte par cette nuit baignée de lune a raconté que la mer est soudain devenue d’huile. Fait étrange, les poissons se sont mis à sauter un peu partout à la surface de l’eau. L’homme se demandait ce qui arrivait lorsqu’il a vu au loin toutes les lumières de la ville s’éteindre et a entendu un terrible grondement résonner sur l’eau.

La faille de Motagua a de nouveau bougé en 1980, tirant les gens de leur lit, mais a provoqué bien moins de dégâts. Les gens disent eux-​mêmes: “C’est le signe des derniers jours.” Malheureusement, la majorité n’agit pas en conséquence. Malgré ces grands tremblements de terre et l’indifférence de beaucoup, l’œuvre du Royaume prend de l’ampleur au Honduras. Mais cela ne fait-​il pas aussi partie du signe indiquant que nous vivons les derniers jours? — Mat. 24:7, 14.

Les eaux de l’Euphrate tarissent

Il pourrait sembler aux personnes mal informées que la religion prospère au Honduras; de nombreuses églises sont encore bondées, du moins lors des grands événements. Il devient néanmoins de plus en plus manifeste que les eaux (symbolisant les humains) qui faisaient autrefois la force de Babylone la Grande commencent à tarir (Rév. 16:12; Ré 17:1, 15). Les gens commencent à percevoir de tristes réalités.

Par exemple, les catholiques du Honduras ont une grande dévotion pour les “saints”. De nombreux fidèles ont été outrés quand, en mai 1969, le pape a retiré quelque 200 “saints” du calendrier liturgique officiel. “Saint” Martin de Porres, un saint péruvien de race noire, qui aurait eu le don de communiquer avec les animaux, n’a pas été retiré, tandis que “saint” Christophe, particulièrement cher aux chauffeurs de camions, de bus et de taxis, a été écarté en raison d’un flou historique. Ces décisions ont provoqué un tollé parmi la population, mécontente d’avoir été trompée pendant si longtemps.

Un jeune homme de 23 ans, catholique fervent, était membre actif d’un mouvement “chrétien”; seul le prêtre avait plus d’autorité que lui. Un jour sa vie a basculé. Il rendait visite à un ami quand soudain le prêtre est arrivé, complètement ivre. Le prêtre s’est mis à insulter le jeune homme dans un langage vulgaire au possible et à lui reprocher de se mêler de sa vie privée, vie privée qui n’était d’ailleurs pas des plus honorables.

Dépité, le jeune homme a quitté l’Église. Quelques semaines plus tard, il a “reçu le Seigneur” au sein d’une religion évangélique répandue, mais là encore l’hypocrisie et les traditions vides de sens l’ont déçu. Un an après, il a opté pour la dernière des choses à faire à son avis: étudier la Bible avec les Témoins de Jéhovah. À l’époque, il ne portait pas les Témoins en haute estime, mais il a rapidement été impressionné par la logique de leurs enseignements bibliques. Il a fait des progrès et a enseigné sa famille selon ce qu’il apprenait. Il s’est voué à Jéhovah en 1975 et le sert toujours aujourd’hui.

Marta, une femme âgée, a expliqué à des Témoins venus à sa porte qu’elle désirait mieux connaître la Bible et était disposée à étudier avec eux, mais qu’il était hors de question qu’elle change de religion. Les Témoins l’ont assurée qu’ils ne la forceraient en aucune façon à rejoindre leurs rangs. Au bout de cinq mois, elle a commencé à assister aux réunions. Elle avait été diaconesse dans la religion adventiste. Quand des membres de son Église se sont enfin décidés à lui rendre visite, elle leur a déclaré que les Témoins étaient animés par l’amour et l’espérance, alors que leur Église était sans vie.

Trois familles habitaient dans le même quartier et ne cessaient de se quereller. Une famille était pentecôtiste, l’autre évangélique et la troisième adventiste. Contre toute attente, quand un missionnaire leur a communiqué la bonne nouvelle, les trois familles ont réagi favorablement au message! Le missionnaire leur a proposé de se regrouper pour l’étude. Ils ont ainsi été amenés à régler leurs différends. C’est là le fruit que produit la vraie religion. — Jean 13:35.

Les faux enseignements religieux qui ont cours au Honduras depuis des siècles ont imprégné la nation d’une crainte obsessionnelle de la mort. En cas de décès, même les pires ennemis du défunt viennent aux obsèques et en font une occasion joyeuse: ils passent la nuit à veiller le mort tout en buvant et en jouant aux cartes. Une pionnière de la côte nord se souvient avoir discuté avec un vieil homme assis devant son humble demeure. Alors qu’elle regardait avec étonnement l’objet qui lui servait de siège, l’homme lui a expliqué qu’il s’agissait de son cercueil. Le cercueil était si vieux qu’il était en train de pourrir. L’homme lui a ensuite montré fièrement son nouveau cercueil à l’intérieur de la maison, soigneusement installé sur les poutres du toit, au-dessus de son lit. Qui sait combien de cercueils l’homme devra encore acquérir?

Bénédictions et défis dans la circonscription

Les surveillants de circonscription, leurs femmes, et le travail qu’ils accomplissent en faveur de la vérité sont très appréciés au Honduras, et il y a de quoi. Cette activité procure des joies, mais demande une remarquable abnégation. Au début de l’œuvre, il était difficile de se déplacer. Un frère de Siguatepeque, ville perchée dans les montagnes, se souvient d’un surveillant de circonscription qui est arrivé à pied, trempé de sueur, et poussant une brouette chargée du nécessaire pour la semaine.

Il était souvent difficile à ces hommes et à leurs femmes de se rendre d’une congrégation à l’autre en raison du mauvais temps, des rivières en crue et du manque de routes. Gary et Elaine Krause, missionnaires diplômés de la 41classe de Galaad, ont été nommés dans une circonscription qui s’étendait de San Pedro Sula à Limón, à la limite de la Mosquitia. Quand le temps était mauvais, ni train ni cheval ne passait plus. Plus d’une fois les Krause ont dû aller de Trujillo à Limón et en revenir à pied, en portant leurs bagages sur les 80 kilomètres de plage que représente un trajet. La brise de l’océan les aidait à supporter la terrible chaleur tropicale. Il n’empêche qu’ils préféraient parfois faire le trajet de nuit.

Aníbal Izaguirre, surveillant de circonscription sur la côte nord en 1970, a été envoyé dans un village perdu appelé Chacalapa. Pour s’y rendre, il est d’abord monté dans un train de marchandises chargé de bananes, de noix de coco et d’animaux divers. Il s’est ensuite fait secouer en camion jusqu’au village d’El Olvido, ce qui se traduirait par “L’oubli”. Pour finir, il a marché quatre heures, passant parfois des gués dont l’eau lui arrivait à la poitrine et l’obligeait à tenir sa valise au-dessus de la tête, tout cela sous le regard des singes perchés dans les arbres. En chemin, il a rencontré un Noir imposant qui lui a proposé de porter sa valise et de le mener à destination. Le colosse a finalement posé la valise au milieu d’une clairière occupée par une cinquantaine de huttes aux toits de chaume et lui a annoncé: “Eh bien voilà, nous sommes à Chacalapa!” Tous ces efforts n’avaient cependant pas été vains, car une des huttes arborait une pancarte “Salle du Royaume des Témoins de Jéhovah”. Onze proclamateurs se réunissaient en ce lieu!

Le cas de Julio Mendoza, issu de la congrégation de Juticalpa, constitue une rareté dans le service de la circonscription. Baptisé en 1970, il est devenu pionnier spécial en 1977 et a été formé peu après pour le service de la circonscription dans lequel il a débuté en 1980. Mais qu’y a-​t-​il de si rare dans son cas? Eh bien, lorsqu’il se déplaçait, que ce soit dans des villes ou dans des régions isolées, il était accompagné de sa femme, Dunia, et de leur fillette, Esther. De nombreuses habitations rurales ne comprennent qu’une pièce, qui sert de salle de séjour, de cuisine et de chambre à coucher. Julio et sa famille ont souvent partagé une telle pièce avec la famille qui les hébergeait, sans oublier les poules, les dindes et les chèvres! Une fois, ils n’ont pu traverser une rivière; ils ont été contraints de passer tous les trois la nuit dans le seul couchage disponible: un simple hamac.

Durant les premières années de l’œuvre au Honduras, les surveillants de circonscription étaient exclusivement des étrangers, soit des missionnaires, soit des frères qui étaient venus prêter main-forte. Mais avec le temps, quatre des cinq surveillants de circonscription ont fini par être des frères du pays. Ces dernières années, ces frères et leurs femmes, tant les autochtones que les étrangers, réussissent à poursuivre ce service plus longtemps que par le passé, malgré des maladies comme l’hépatite, le paludisme et la dysenterie, qui sont monnaie courante dans les régions rurales.

Bien sûr, lorsque leur service les conduit dans les grandes villes, il leur arrive d’être hébergés dans de belles demeures. Ils ont appris le secret de s’adapter, à l’image de l’apôtre Paul (Phil. 4:11, 12). Depuis quelques années leur activité est facilitée, car de plus en plus de routes sont goudronnées et des autocars desservent pour ainsi dire chaque ville.

“Faites paître le troupeau de Dieu”

Des modifications dans la nomination des anciens et des serviteurs ministériels ont pris effet en 1972, au Honduras comme dans le reste du monde. L’ensemble des frères ont été reconnaissants de ces changements et ont travaillé dur pour se qualifier. Il est intéressant de noter qu’au moment où ces nouvelles dispositions ont été appliquées seulement un tiers des anciens étaient Honduriens; par contre, en 1976 la proportion était passée à deux tiers.

La moyenne nationale était de moins d’un ancien par congrégation; il fallait donc toujours craindre que le troupeau ne soit pas dirigé convenablement. Les anciens ont donc reçu pour consigne de former les serviteurs ministériels dans l’œuvre pastorale. Leurs visites devaient encourager les familles et favoriser la communication. Naturellement, ils devaient signaler aux anciens tout problème grave.

Dans une certaine congrégation, il semblait qu’une sœur avait perdu tout intérêt pour la vérité, car elle n’assistait plus aux réunions. Mais les frères se sont rendu compte qu’elle avait seulement manqué les réunions faute de pouvoir s’acheter des chaussures! Elle a été très heureuse de recevoir une petite aide, et bientôt elle était de retour aux réunions et en prédication.

De 1978 à 1983, tant les anciens que les proclamateurs fidèles se sont inquiétés de voir l’activité théocratique ralentir dans le pays. Après analyse, le Comité de la filiale a dégagé deux causes principales: le matérialisme et le manque d’étude individuelle. La télévision avait acquis un impact considérable, surtout depuis le milieu des années 70. Elle avait grandement contribué à gâter les habitudes d’étude. On a tendance à associer le matérialisme aux pays riches, mais en réalité l’amour de l’argent peut toucher les pauvres autant que les riches. Une missionnaire s’est aperçue avec étonnement qu’un couple de Témoins habitait une maison au sol en terre battue et sans eau courante, mais possédait un téléviseur, une chaîne stéréo ainsi qu’un salon coûteux. Il est bien sûr possible d’acheter ces choses à crédit, mais souvent les conjoints doivent travailler à deux pour payer les dettes. Ce couple, fallait-​il s’en étonner, manquait des réunions et ne prêchait pratiquement plus.

La filiale a accentué ses efforts pour ‘faire paître le troupeau de Dieu’ et aider les proclamateurs à ‘retrouver l’amour qu’ils avaient au commencement’. (1 Pierre 5:2; Rév. 2:4.) Par ailleurs, en 1981, onze missionnaires sont arrivés de la toute nouvelle annexe de l’École de Galaad au Mexique, suivis en 1988 par trois frères diplômés de l’École de formation ministérielle. Jéhovah a béni toutes ces dispositions, ce dont témoigne le bel accroissement enregistré depuis 1984.

Les pionniers suscitent des pionniers

L’intérêt pour le service de pionnier a augmenté sensiblement depuis 1984. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer la moyenne de 937 pionniers permanents et auxiliaires en 1992 avec celle de 276 en 1976. Durant le laps de temps où le nombre des proclamateurs a doublé, celui des pionniers a presque quadruplé.

Les articles directs de La Tour de Garde et du Ministère du Royaume ainsi que les discours encourageants lors des assemblées ont contribué à cette prospérité retrouvée dans les rangs des pionniers. De nombreux frères responsables dans les congrégations ont commencé à parler des joies du service avec plus d’enthousiasme. Certains se sont organisés de façon à devenir pionniers auxiliaires ou permanents. Ils ont compris l’importance de ne pas ‘éteindre le feu de l’esprit’ et ont constaté que l’esprit pionnier est contagieux (1 Thess. 5:19). Les pionniers suscitent des pionniers.

Contrairement à ce que pensaient certains, il n’est pas nécessaire d’avoir acquis la sécurité financière pour devenir pionnier. Citons, pour exemple, le cas d’un jeune frère de Guásimo, village perché dans les montagnes. Le lendemain de son baptême, il a rempli une demande d’admission au service de pionnier auxiliaire. Il avait travaillé dur pendant quelques mois pour se payer de nouveaux vêtements et être présentable en prédication. Tout s’est bien passé la première semaine, mais la seconde, on ne l’a plus vu en prédication. Soucieux, les autres pionniers l’ont rejoint dans la montagne pour apprendre qu’une nuit, alors que son jeune frère dormait, un voleur s’était emparé de ses vêtements qui séchaient sur une corde. Les frères lui ont alors fourni quelques habits. Malgré cette semaine perdue, ce pionnier a réussi à atteindre son objectif à la fin du mois. Quelques mois plus tard, il ne possédait toujours qu’un seul pantalon. Mais cela n’a pas terni la joie qu’il a éprouvée en assistant au baptême d’un de ses étudiants, seulement six mois après son propre baptême.

La congrégation de San Lorenzo compte un pionnier aveugle d’une vingtaine d’années, qui s’appelle Adrian. En 1984, sa sœur a accepté une étude biblique, que l’on n’a pas proposée à Adrian. On pensait qu’il n’était pas en mesure d’étudier. Sa sœur avait du mal à assimiler ce qu’elle apprenait. Adrian, qui assistait à chaque étude, lui donnait alors des explications. Peu après, sa sœur s’est désintéressée de l’étude. Mais à ce moment non plus, personne n’a proposé à Adrian d’étudier. C’est lui qui a dû demander une étude. Il a été si touché par ce qu’il apprenait que rapidement il s’est rendu aux réunions avec l’aide de sa famille.

La vérité a pris racine dans son cœur. Il a donc voulu la communiquer à autrui. Une fois de plus, on pensait que ce serait au-dessus de ses possibilités. Adrian a insisté, et les frères l’ont aidé à prêcher. Il a prêché 24 heures le premier mois et a ensuite accru sa participation mois après mois. Le mois qui suivait son baptême, il a rempli une demande d’admission au service de pionnier auxiliaire, et avant longtemps il était pionnier permanent. Il prêche généralement plus de 100 heures par mois et dirige en ce moment huit études bibliques à domicile. Dire qu’au début les frères n’avaient même pas fait attention à lui!

De l’aide dans des situations particulières

Les gens qui se trouvent dans des situations particulières ont souvent besoin qu’on leur manifeste l’amour chrétien désintéressé dans une mesure plus qu’ordinaire. Teresa, par exemple, est aveugle depuis l’âge de trois ans. Elle avait étudié un peu avec un Témoin, mais s’est intéressée au fil des années à différents mouvements religieux. Dans certains groupes, on priait pour qu’elle recouvre la vue, sans résultat, naturellement. Elle désirait vivement étudier de nouveau avec les Témoins. Son désir s’est concrétisé, mais comment allait-​on diriger l’étude? La sœur lisait les paragraphes, et du moment qu’elle lisait convenablement, avec une bonne accentuation et des pauses appropriées, Teresa répondait sans mal aux questions. Elle a rapidement demandé à assister aux réunions. La sœur, qui n’était pourtant pas une cycliste chevronnée, l’y emmenait donc à vélo! Les jours de pluie, elles offraient un spectacle cocasse quand elles arrivaient protégées par un parapluie et emballées dans des sacs en plastique.

Lors des réunions, Teresa répondait sans y avoir été invitée. On lui a alors expliqué qu’elle devait attendre qu’on lui donne la parole. Elle a appris à faire des exposés à l’École du ministère théocratique et à participer à la prédication. Sa situation particulière ne l’empêche nullement d’avoir ses yeux spirituels, son discernement, fixés sur le prix: le jour glorieux où elle contemplera la beauté du Paradis terrestre.

Un vieil homme, presque aveugle, vivait dans les montagnes. Un frère lui a proposé le livre Vérité et a ensuite fait de grands efforts pour rester en contact avec lui. L’homme était parfois si malade qu’il ne pouvait étudier, mais en règle générale, quand l’étude avait lieu, il répondait de façon réfléchie et intelligente. Un beau jour, le vieil homme a disparu. Les voisins ont expliqué qu’il avait rejoint sa fille en ville pour y recevoir des soins médicaux. Loin de se dire qu’il ne pouvait rien faire de plus, le frère a eu une idée. La fois suivante où il a assisté à une assemblée dans la ville, il en a profité pour aller de maison en maison à la recherche de son ancien étudiant. Et il a fini par le retrouver, qui se reposait dans un hamac! Des dispositions ont été prises pour que l’étude reprenne. Peu de temps après, le vieil homme a même appris à se rendre seul à la Salle du Royaume en comptant les rues. Il est devenu par la suite un prédicateur de la bonne nouvelle. Les gens n’étaient pas peu étonnés de voir cet homme de 93 ans aux cheveux blancs, presque aveugle, qui consacrait chaque mois entre 30 et 70 heures à aller de porte en porte!

Lagos était affectueusement surnommé Laguito par les Témoins de Puerto Cortés. Il était pionnier spécial depuis tant d’années que personne n’aurait su dire combien. Interrogé sur son âge, il répondait vaguement: “Je ne pense pas avoir plus de 86 ans.” Les frères du bureau de la filiale devaient parfois déchiffrer le rapport d’activité de Laguito, qui avait une vue très déficiente. Un certain mois, il avait indiqué le chiffre astronomique de 1 050 heures, qui a été corrigé en 150 heures, chiffre quand même remarquable. Pour la même raison, quand il prenait son vélo, il lui arrivait souvent de heurter des objets. Un jour, Laguito est tombé dans un ruisseau et s’est blessé à la tête. Les frères ont finalement pensé que la meilleure chose à faire était de lui prendre gentiment son vélo et de le vendre pour lui. Il s’est par la suite retrouvé cloué au lit, victime d’une hépatite dont il ne s’est jamais remis. Laguito n’avait plus de famille; la congrégation l’a donc pris en charge durant ses six derniers mois. Un frère l’a accueilli chez lui, et chaque jour quelqu’un venait s’occuper de ce vieux frère, bien-aimé et fidèle.

“Ils n’étaient pas des nôtres”

Comme il faut s’y attendre, tous ne restent pas fidèles. Au fil des ans, un certain nombre d’individus ont dû être exclus de la congrégation chrétienne au Honduras, particulièrement pour immoralité sexuelle et ivrognerie. L’apostasie, marquée par l’arrogance et la zizanie, a eu raison de la vie spirituelle de quelques-uns. Bien que l’exclusion soit toujours attristante, elle sauve des vies. Elle préserve la pureté de la congrégation, amène certains pécheurs à se repentir et donne parfois un bon témoignage.

Par exemple, Blanca Rosa étudiait avec une missionnaire qui était sur le point de quitter le pays. La missionnaire a voulu confier l’étude à une autre proclamatrice, mais Blanca Rosa n’a pas voulu poursuivre. Elle était néanmoins curieuse de savoir pourquoi la sœur devait partir. Celle-ci lui a répondu: “Allez à la réunion ce soir et vous comprendrez.” Pour satisfaire sa curiosité, Blanca Rosa s’est rendue à la réunion ce soir-​là et a entendu une communication: le mari de la missionnaire, lui-​même missionnaire étranger et surveillant dans la congrégation, était exclu de la congrégation. Blanca Rosa a été profondément impressionnée. Elle s’est dit: ‘C’est la vérité. Les transgresseurs sont expulsés de la congrégation quelle que soit leur race, leur apparence ou leur position.’ Cette observation a marqué un tournant dans sa vie. Elle s’est fait baptiser et elle est pionnier auxiliaire depuis quatre ans.

Des fils prodigues

Beaucoup de larmes sont versées par les parents inconsolables dont les fils ou les filles aimés ont été exclus ou ont sombré dans le bourbier moral du monde. La célèbre parabole de Jésus sur le fils prodigue, consignée en Luc chapitre 15, est pour ces parents une source de réconfort et d’espoir. Au Honduras, la tendance est aux familles nombreuses, ce qui augmente en proportion le nombre de ‘fils prodigues’. Cependant, il y a du vrai dans le proverbe qui dit que “tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir”.

Oswaldo a connu la vérité quand il était enfant, car il a été élevé par un oncle Témoin de Jéhovah. Il ne s’est pas fait baptiser. Dans son adolescence, il a commencé à mener une double vie. Il assistait aux réunions et prêchait, mais fréquentait dans le même temps les discothèques avec ses petites amies du monde. Pour satisfaire ses désirs, il en est même venu à voler un frère. Il a dû quitter le domicile de son oncle et a plongé dans l’immoralité sexuelle et la drogue. Finalement, il s’est engagé dans l’armée.

Les années ont passé; Oswaldo a commencé à regretter la vie qu’il menait dans l’organisation de Jéhovah. Mais il ne se sentait pas la force de revenir en arrière. Par chance, il a un jour rencontré son oncle et lui a dit qu’il voulait revenir. Son oncle doutait fort de sa sincérité, mais il lui a remis l’adresse de la maison de missionnaires. Oswaldo s’y est rendu directement et a demandé à étudier la Bible. Cette même semaine il a recommencé à lire les périodiques et a assisté aux réunions, ce qui lui a donné la force nécessaire de rejeter la drogue et l’immoralité. Il a trouvé le courage de faire amende honorable auprès des victimes de ses vols. Une sœur n’a rien voulu accepter, mais Oswaldo a insisté pour lui offrir un téléviseur et un cageot de pommes, dans le but de soulager sa conscience. Le mari de cette sœur, qui est non croyant, a été très impressionné.

Mais Oswaldo était toujours à l’armée. Il cherchait donc à obtenir son congé en bonne et due forme. Son supérieur au mess des officiers a été démis de ses fonctions pour vol, et Oswaldo a appris qu’il pourrait le remplacer. Cette promotion lui aurait procuré une solde élevée et un travail agréable, mais Oswaldo était déterminé à obtenir son congé. Il s’est présenté au commandant. Il n’avait pas encore pu parler de son congé que déjà le commandant le félicitait pour sa promotion! Oswaldo est resté inflexible et lui a expliqué ce qu’il souhaitait vraiment: il voulait quitter l’armée afin de s’engager dans le ministère à plein temps. À sa grande surprise, il a obtenu satisfaction. Mieux encore, les changements qu’il avait opérés dans sa personnalité au cours de ses derniers mois d’armée lui ont valu un diplôme honorifique. De nombreuses occasions de donner le témoignage se sont offertes à lui; avant son départ, ses camarades de régiment l’ont surnommé respectueusement “le prédicateur”. Il est aujourd’hui baptisé et pionnier permanent, prédicateur au plein sens du terme.

Santiago lui aussi n’en avait fait qu’à sa tête. Il avait trois sœurs; deux étaient pionnières permanentes et l’autre pionnière auxiliaire; toutes trois étaient actives, travailleuses et attachées aux choses spirituelles. Santiago ne l’était pas. Il était fier de ses cheveux blonds (presque tous les Honduriens ont les cheveux noirs) et il les portait longs. Il avait ses amis intimes parmi les voleurs, les ivrognes et les drogués et partageait leurs habitudes. Il n’est pas étonnant qu’il se retrouvait en prison presque tous les mois. Un missionnaire a pensé malgré tout: “Si les trois sœurs sont si zélées pour la vérité, il n’est quand même pas possible que leur frère soit totalement dénué de qualités.” Il a proposé une étude à Santiago, qui l’a acceptée. Mais il ne faisait pas de progrès. Finalement, le missionnaire a arrêté l’étude, expliquant à Santiago qu’il ne servait à rien de poursuivre s’il ne se décidait pas à appliquer ce qu’il apprenait.

Les mois ont passé, et au début de 1986, Santiago a demandé qu’on lui accorde une nouvelle chance. Cette fois, les choses se sont passées différemment: il a coupé ses cheveux longs, il préparait l’étude, et donnait même le témoignage à ses anciens amis qui se sont mis à le fuir comme la peste. Mais le missionnaire n’était toujours pas convaincu. Il a demandé aux sœurs de Santiago: “Est-​ce qu’il a vraiment arrêté de fumer et de causer du trouble dans le voisinage?” Santiago avait vraiment arrêté. En avril, on l’a autorisé à prêcher. En mai, il a passé 65 heures en prédication; en juin, il dirigeait cinq études bibliques. Il a progressé, s’est fait baptiser, et il a bientôt pris la direction des activités spirituelles de sa famille. En 1989, il a été nommé pionnier spécial.

Qu’est-​ce qui a poussé Santiago à se réformer? Il répond: “Après avoir étudié la première fois, je savais ce qui plaît à Jéhovah et ce qui lui déplaît. J’ai ensuite remarqué que chaque fois que je commettais une action que je savais mauvaise, je finissais par avoir de graves ennuis avec les autres. J’ai donc compris que les exigences de Jéhovah sont pour notre bien et nous protègent. Celui qui obéit à Jéhovah s’épargne toujours des difficultés. Je ne voulais pas m’empoisonner toute l’existence; j’ai donc recommencé à étudier, mais cette fois en appliquant ce que j’apprenais.”

“Bombe bleue” et autres livres

Les nombreuses publications de la Société Watchtower aident les gens à réformer leur vie et à se rapprocher de Jéhovah. Elles sont tout à fait adaptées à des personnes plus ou moins lettrées, aux jeunes et aux personnes âgées, ce qui fait qu’il est impossible de dire laquelle a eu le plus d’impact dans le territoire hondurien.

Considérons, par exemple, un ouvrage mondialement connu, le livre Vérité, alias la “Bombe bleue”, dont on a imprimé et diffusé plus de cent millions d’exemplaires dans le monde entier. Une catéchiste de l’école du dimanche d’une église évangélique a décidé de se rendre à la Salle du Royaume pour demander une étude biblique. En chemin, elle a rencontré une sœur qui a cherché à savoir pourquoi elle voulait étudier avec les Témoins. La femme lui a répondu: “J’ai maintenant trouvé la vérité, et je ne veux pas rester catéchiste à l’école du dimanche.” Elle lisait le livre Vérité en cachette. À son grand regret, l’étude ne pouvait avoir lieu que deux fois par semaine, et non chaque jour. Elle a fait toutefois de bons progrès et a bientôt commencé à assister aux réunions. Quand elle a entendu le surveillant à l’École du ministère théocratique expliquer que toute personne qui désire devenir ministre de Dieu doit s’inscrire à l’École du ministère théocratique, elle l’a fait. Elle a cessé toute participation à l’école du dimanche pour consacrer ses efforts à devenir un véritable ministre de Jéhovah.

Le livre Votre jeunesse a également reçu un bon accueil au Honduras. Dans certaines écoles primaires et certains collèges, les enseignants l’utilisent en classe. Une jeune fille qui avait reçu de sa grand-mère le livre Votre jeunesse l’a apporté à l’école. L’institutrice l’a examiné et lui a demandé où elle l’avait eu. Un garçon de sa classe qui en possédait également un est intervenu dans la conversation pour dire que le livre était publié par les Témoins de Jéhovah. L’institutrice a fait commander 34 livres pour s’en servir en classe.

Le livre Création a aussi eu un retentissement considérable dans les collèges. Une sœur qui est professeur avait toujours refusé, malgré l’insistance du directeur et d’autres professeurs, de donner des cours sur l’homme préhistorique. Lorsque le livre Création est paru, elle s’en est servi à bon escient en cours et en a remis un exemplaire à l’un de ses collègues ainsi qu’au directeur.

Dans certaines régions, par exemple celle de Puerto Cortés, presque chaque directeur d’école possède ce livre. Le responsable antillais d’une organisation caritative internationale, qui a fait ses études en Angleterre, l’a lu plusieurs fois et a déclaré: “Ce livre met le doigt sur le vrai problème. On ne peut pas croire en même temps en Dieu et à l’évolution.”

Le livre Vivre éternellement a maintenant remplacé le livre Vérité et apporte espoir et réconfort à des millions de personnes. Toute jeune déjà, Leticia s’interrogeait sur la mort; chaque fois qu’une personne de sa connaissance mourait, elle était envahie par une immense tristesse. Elle raconte: “Il y a deux ans, j’ai été libérée de cette détresse; ma tristesse s’est envolée.” Que s’était-​il passé? “Une camarade de collège possédait le livre Vivre éternellement, mais ne s’y intéressait pas. Elle me l’a donc donné. J’ai lu à la page 10: ‘Vous ne voulez pas mourir, comme d’ailleurs tout individu normal et en bonne santé. Dieu a doté l’homme du désir de vivre. (...) Un Dieu d’amour n’aurait pas mis [au cœur des humains] le désir de vivre éternellement sans leur donner le moyen de le satisfaire.’ J’ai médité sur ces pensées et cela m’a réconfortée. J’ai par la suite dit à ma camarade que je lui étais profondément reconnaissante de m’avoir remis ce véritable trésor.”

Naturellement, la Bible reste de loin notre manuel le plus important. La Traduction du monde nouveau s’est avérée un instrument précieux dans ce pays où les gens avaient par le passé peur de lire la Bible. Suite à sa parution en espagnol en 1967, le nombre de Bibles distribuées au Honduras a fait un bond de 1 000 % par rapport au chiffre de 1965. Cette excellente traduction continue d’aider des gens à se rapprocher de Jéhovah, l’Auteur de la Bible.

Il avait suffi d’un périodique

Le passage de La Tour de Garde et de Réveillez-vous! à la quadrichromie a été un événement pour le Honduras. Leur attrait s’est vu par l’augmentation de 13 % du nombre des périodiques diffusés durant l’année de service 1986. Les habitants du Honduras apprécient beaucoup les périodiques, car les articles sont variés et s’appuient sur la Bible. On voit souvent des gens en lire dans les autobus ou dans les bureaux.

Dans les environs de La Ceiba, un médecin avait recommandé à une femme enceinte de se faire avorter, car elle avait eu à plusieurs reprises des ennuis lors d’accouchements. Elle n’était pourtant pas très décidée; il lui a donc conseillé d’y réfléchir. Le jour du rendez-vous suivant, un Témoin lui a laissé un périodique. Il traitait de l’avortement et l’a amenée à refuser catégoriquement de se faire avorter. Quel bonheur quand elle a finalement donné naissance à son bébé, sans aucun problème! Cette femme a commencé à étudier la Bible. Elle et sa fille aînée sont aujourd’hui baptisées et pionnières auxiliaires. Il avait suffi d’un périodique.

Une sœur a remis au chef du personnel du ministère de l’Éducation le numéro de Réveillez-vous! qui contenait l’article “Recherchez la paix avec votre prochain”. Elle a été agréablement surprise quand chacun des 300 employés a reçu une photocopie de cet article! Il allait servir de trame lors d’une session d’étude. Bien que cette session se soit prolongée, personne ne s’est plaint. À la suite de la session, l’atmosphère parmi le personnel s’est considérablement améliorée, et le chef du personnel a gagné l’estime et le respect des employés. Une fois de plus, il avait suffi d’un périodique.

Bizarrement, certains proclamateurs avaient un point de vue négatif sur la diffusion des périodiques. En 1981, une petite congrégation diffusait très peu de périodiques, en moyenne trois par proclamateur et par mois. Le surveillant de circonscription a encouragé les proclamateurs à prendre conscience de la valeur des périodiques. Peu de temps après, dans cette congrégation, ils diffusaient en moyenne 16 périodiques chacun par mois. Ils ont constaté avec étonnement que certaines personnes prenaient volontiers trois ou quatre numéros à la fois!

Des progrès dans les territoires ruraux et isolés

En 1970, on a calculé que la bonne nouvelle du Royaume ne parvenait encore qu’aux oreilles de seulement 3 ou 4 Honduriens sur 10. Cette année-​là, conformément aux suggestions du surveillant de zone, on a décidé de redessiner les territoires des congrégations pour qu’un plus grand pourcentage de la population soit touché. Les congrégations ont donné suite à ces dispositions en organisant une fois par semaine des sorties en voiture ou en autocar à la campagne. On ne parvenait pourtant toujours pas à couvrir l’ensemble du pays. En 1971, le bureau de la filiale a donc pris l’initiative d’envoyer des pionniers spéciaux temporaires une fois par an dans les territoires non attribués.

Deux pionniers spéciaux, Armando Ibarra et Manuel Martínez, ont été envoyés dans les territoires isolés de la région d’Olancho. Ils ont entrepris au moins cinq expéditions dans les villages éparpillés de cette vaste région. Dans cette contrée de montagnes sans fin et de vallées perdues vivent des animaux sauvages comme le jaguar ou les serpents venimeux, mais plus dangereux que tout, des hommes violents.

Dans le but de parcourir davantage de territoire, ces pionniers ont décidé de prêcher séparément, tout en restant en contact. Un jour, Armando s’est rendu compte qu’il n’avait pas vu Manuel depuis un moment et il s’est mis à sa recherche. Alors qu’il s’approchait d’une maison, il a entendu quelqu’un dire: “On va bien voir si ton Dieu et ta Bible vont te sauver!” Il a été pris de frayeur, mais a prié Jéhovah et est entré. L’atmosphère était tendue. Manuel était là, les bras en l’air, face à deux hommes armés d’un pistolet et de machettes. Quand ils ont vu Armando, ils ont compris que Manuel n’était pas seul; ils ont baissé leurs armes et l’ont laissé partir. Manuel est prudemment sorti à reculons, restant face à ces hommes, et a rejoint son compagnon. Les deux pionniers sont alors partis dans un autre village.

En mai 1987, Hector Casado, alors surveillant de circonscription, a envoyé des lettres aux congrégations demandant des volontaires pour une excursion de six jours dans les villages isolés d’une région appelée Santa Bárbara. On avait besoin de frères et de sœurs en bonne santé, disposés à marcher à travers les montagnes et à dormir dans les villages qu’ils trouveraient à la tombée de la nuit. Soixante-dix Témoins de 26 congrégations et groupes isolés se sont retrouvés à San Pedro Sula au jour convenu. Ils se sont divisés en huit groupes, et après avoir prié Jéhovah, ils se sont mis en route. Ils ont rencontré toutes sortes de gens, la plupart très pauvres, certains accueillants, d’autres hostiles; beaucoup étaient illettrés, mais quelques-uns connaissaient très bien la vérité grâce à des livres qu’ils avaient acquis des années auparavant. Une femme désirait tant le livre Vivre éternellement qu’elle a proposé sa seule poule en échange.

Un groupe a roulé six heures en 4×4 sur de tortueuses pistes de montagne. Alors qu’ils arrivaient enfin dans une petite ville, ils ont été reçus par une pluie torrentielle. Cette averse était providentielle, car il n’avait pas plu dans la région depuis plusieurs mois: les gens ont donc attribué aux Témoins le mérite de cet orage! En conséquence, les eaux de la vérité ont aussi reçu un très bon accueil. Quelques sœurs retournaient l’après-midi même étudier avec des personnes qui s’intéressaient au message. Certaines études se sont poursuivies par correspondance.

Un autre groupe a prêché dans un secteur entièrement sous le contrôle de Nord-Américains évangéliques qui gèrent une station de radio. Par la voie des ondes, ils ont entrepris une propagande anti-Témoins, expliquant qu’ils arrivent par deux et qu’ils portent des sacs de publications. “Soyez très prudents avec les Témoins, disaient-​ils. Ils sont expérimentés et connaissent bien la Bible. Même un de nos frères les plus qualifiés pourrait être victime de leur tromperie. Fuyez-​les! Ne les recevez pas chez vous!” Cette publicité gratuite a suscité une forte curiosité et a donné lieu à de nombreuses conversations passionnantes.

Dans un autre village, un homme hospitalier mais très pauvre a proposé aux frères de loger chez lui. Cela ne les dérangeait pas de dormir sur des nattes de paille à même le sol en terre battue. Mais avant les premières lueurs du jour, ils ont été réveillés par des puces qui avaient organisé un petit déjeuner matinal! Le tissage de nattes de paille constitue la principale source de revenus dans ce village. Plusieurs femmes qui n’avaient pas accepté de publications dans la journée se sont rendues dans la soirée au logement des frères. Elles leur ont proposé des nattes qu’elles venaient de tisser en échange de livres.

Au bout de six jours, les 70 proclamateurs se sont retrouvés. Ils avaient laissé 623 livres et 687 périodiques et passé 2 455 heures à prêcher!

Certains se sont demandé s’il vaut vraiment la peine de déployer tant d’efforts pour trouver ces personnes disséminées, puisqu’il est presque impossible d’aller les revoir. Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir qu’a la vérité de prendre racine dans le cœur des humains. Dans une région isolée, un homme qui appréciait la vérité descendait régulièrement en ville se procurer des publications. Quand le groupe qui s’occupait de cette région l’a appris, un frère a sellé sa mule et est parti dans les montagnes à la recherche de cet homme. Il a trouvé sa maison, mais sa femme lui a dit que son mari n’était pas là. Où était-​il? La femme a répondu: “Il est parti prêcher.”

Dans le même ordre d’idées, un surveillant a fait ce récit: “Imaginez que vous arriviez dans un village isolé où vous ne pensez pas rencontrer grand intérêt. Mais dans une maison après l’autre, les gens vous disent: ‘Les Témoins de Jéhovah viennent régulièrement, et nous sommes convaincus qu’ils ont la vraie religion.’ C’est ce qui nous est arrivé. D’autres habitants nous disaient: ‘Entrez, nous vous attendions; nous étudions avec Don Tivo.’ ‘Qui est Don Tivo?’ leur demandions-​nous. Nous ne connaissions aucun frère portant ce nom. Il semble que cet homme était entré en possession de publications et que le message avait pris racine en son cœur. Après avoir rencontré un frère qui lui avait expliqué comment se servir des livres pour diriger des études bibliques, Don Tivo avait entrepris de faire des disciples. Quand nous l’avons rencontré, il dirigeait sept études, dont une avec un couple qui se préparait à légaliser son union pour soutenir Don Tivo dans la prédication!”

Des assemblées mémorables

Lors de la première assemblée de district au Honduras, en 1948, 467 personnes étaient présentes. Un homme d’affaires hondurien qui y assistait a déclaré: “Il était temps que quelqu’un propage un message comme celui-là. C’est une nouveauté pour moi, mais je l’apprécie.”

Dix-huit ans ont passé avant que soit organisée la première assemblée internationale. En décembre 1966, 1 422 personnes se sont réunies, dont 225 frères venus de pays aussi divers que le Canada, l’Allemagne et l’Australie. Une caravane de 11 autocars a amené 450 Témoins de San Pedro Sula. La route goudronnée qui menait à Tegucigalpa était encore en construction. Il fallait donc entreprendre un pénible voyage de 12 heures sur de sinueuses pistes de montagne. Des Témoins qui venaient de très loin, de La Ceiba, sont arrivés avec une journée de retard, parce que le train de marchandises ne pouvait circuler en raison de pluies torrentielles. Mais personne n’a regretté ce laborieux périple.

Les assistants ont profité de conseils opportuns concernant le nationalisme lors du discours “Écoutez les paroles de Daniel pour notre époque”. Ils ont vu un drame pour la première fois, celui intitulé “Prenons la Bible comme guide dans la vie”. Il s’est révélé une protection pour nos frères vivant dans des milieux où la fornication est si courante qu’un conjoint fidèle passe pour démodé, voire attardé.

Tant la presse que la radio ont fait de la publicité à l’événement. Naturellement, les ennemis de la vérité se sont activés comme d’habitude à répandre des mensonges et à nous discréditer, mais la presse a accordé plus d’attention et de lignes à la vérité. Cela illustre la déclaration de l’apôtre Paul: “Nous ne pouvons rien contre la vérité, nous n’avons de puissance que pour la vérité.” (2 Cor. 13:8). Il ne fait pas de doute que cette assemblée a été pour une part dans l’excellent accroissement constaté ensuite. Au cours des trois années qui ont suivi, 477 personnes se sont fait baptiser, contre 175 les trois années précédentes.

De temps à autre, des membres du Collège central se rendent à des assemblées de district et les frères se réjouissent toujours de leur compagnie stimulante. Frère Nathan Knorr est venu plusieurs fois au Honduras. Lloyd Barry, John Booth, Frederick Franz, Milton Henschel, William Jackson, Karl Klein, Albert Schroeder et Lyman Swingle sont tous venus à une assemblée ou à une autre.

L’assemblée de district “Les hommes d’intégrité” qui s’est tenue en 1986 a été un autre moment marquant. Le drame “Votre avenir: un défi” a incité des frères et des sœurs à envisager plus sérieusement le service de pionnier. Un jeune frère projetait d’aller à l’université après l’assemblée. Il a changé d’avis et a cherché un travail qui lui permettrait d’être pionnier auxiliaire. Sa sœur a perdu son emploi parce qu’elle refusait de manquer l’assemblée. Elle aussi a entrepris le service de pionnier auxiliaire.

Une petite assemblée de circonscription qui s’est tenue dans une école de Puerto Cortés présentait une particularité: le surveillant de circonscription était absent! Il était coincé de l’autre côté d’un fleuve démonté. Les frères ont su faire face à la situation. Ils se sont partagé les discours que devait présenter le surveillant de circonscription pour que le programme soit respecté. Toutefois, il restait un problème à régler: les responsables de l’assemblée avaient décidé que tous les orateurs porteraient une veste. Mais dans ces régions, peu de frères possèdent une veste, puisque d’ordinaire ils n’en ont pas l’usage. C’est ainsi qu’après le discours du premier orateur on a vu réapparaître la même veste rouge et la même cravate verte... lors des trois discours suivants. Les différences de taille et de corpulence des quatre frères ont apporté un petit air de folklore à une assemblée qui, sinon, s’est déroulée normalement.

Des bâtiments destinés au vrai culte

Les Témoins de Jéhovah sont des bâtisseurs: ils édifient des personnalités chrétiennes, des familles heureuses, et des congrégations unies et paisibles. La croissance des congrégations du Honduras a entraîné la construction de Salles du Royaume et d’une filiale. Dans les premières années de l’œuvre, une simple pancarte sur un mur et quelques bancs dans la salle de séjour d’un frère suffisaient à faire office de Salle du Royaume, mais les congrégations ont rapidement compris l’intérêt de construire leurs propres salles. En 1971, 15 des 22 congrégations du Honduras étaient propriétaires de leur salle.

Les Salles du Royaume sont généralement de conception simple, soignée et adaptée à la région dans laquelle elles se situent. À Chacalapa, dans une clairière au milieu de la jungle, la hutte au toit de chaume avec ses bancs en acajou, faits d’arbres de la région, est revenue à moins de 20 dollars. Le bambou pousse à foison à La Junta, près du fleuve Ulúa; là-bas, la salle, avec son sol en terre battue et ses murs de bambou coûte environ autant. On l’a agrandie et améliorée à plusieurs reprises, mais elle est toujours simple et adaptée à son environnement. Par contre, dans les villes, d’autres types de salles sont de rigueur.

Aussi simple que soit le bâtiment, ce n’est pas une mince affaire de construire une salle loin de toute grande ville. Il n’est pas question de décrocher le téléphone pour commander du bois, du sable et du ciment. En 1973, la salle de Siguatepeque a été construite par des frères sans expérience, à partir des matériaux bruts dont ils disposaient. Le sable et le gravier ont été excavés à la pelle du lit de la rivière et tamisés. On a abattu de grands pins que l’on a remontés d’un ravin grâce à des bœufs. Puis on a placé les troncs sur des chevalets et on les a découpés en planches de 11 mètres au moyen d’une scie maniée à deux.

La filiale, ou Béthel, a une histoire intéressante. Depuis 1946, des locaux étaient loués dans la capitale, ce qui a entraîné de fréquents déménagements au fil des années. Mais alors que Harold Jackson était surveillant de la filiale, l’accroissement a exigé la construction d’un bâtiment adapté aux besoins. À cette fin, on a acheté un terrain bien situé, en contre-haut de l’ambassade des États-Unis. Les travaux ont démarré en 1961. À ce moment-​là, le surveillant de la filiale était Lloyd Aldrich. Baltasar Perla, du Salvador, était l’architecte, et Pedro Armijo, de Tegucigalpa, l’entrepreneur. Les outils et les techniques de construction étaient rudimentaires.

Frère Aldrich a fait ce commentaire sur le talent de l’équipe: “C’était fabuleux de voir ce dont les frères étaient capables, sans machines ni équipement modernes. Ils ont pratiquement tout réalisé à la main. Les deux seules machines qui ont servi étaient une bétonnière et un camion qui amenait les matériaux sur le chantier.”

En 1961, le Honduras comptait seulement 571 proclamateurs, et les locaux de la filiale étaient plus que suffisants. Mais en 1986, on en était à 4 000 proclamateurs, et le Béthel, quoiqu’agrandi en 1978, n’était plus adapté. Le Collège central a autorisé une extension qui permettrait de doubler la surface existante. Les travaux ont débuté en octobre 1987. Quelle joie de voir les volontaires internationaux à l’œuvre! Avec l’excellente collaboration de nombreuses congrégations, ils ont érigé un magnifique bâtiment qui a été dédié au service de Jéhovah le 21 octobre 1989.

Rétrospective et perspectives

La journée de l’inauguration du nouveau Béthel a été joyeuse. Les frères et sœurs qui étaient dans le service depuis longtemps sont venus de toutes les régions et ont eu le bonheur de se retrouver après de longues années. Parmi eux se trouvaient quelques-uns des premiers missionnaires à avoir servi au Honduras: Allan et Helen Bourne, Darlean Mikkelsen, Randy Morales et Woody Blackburn, qui a été surveillant de la filiale au début des années 50.

Se remémorant son activité dans le territoire hondurien, Werner Zinke, qui est le coordinateur du Comité de la filiale depuis 1978, a fait ce commentaire: “Quand je repense aux 20 ans durant lesquels j’ai eu la joie de servir au Honduras, je peux affirmer que Jéhovah nous a abondamment bénis dans ce pays. J’ai vu le nombre des proclamateurs passer de 1 341 en 1970 à 6 583 aujourd’hui. Quelle joie cela va être de servir encore mieux nos frères du Honduras dans nos nouveaux locaux!”

Lorsqu’Ethel Grell, qui est pionnière depuis l’âge de 14 ans, est arrivée au Honduras en compagnie de sa mère, Loverna, en 1946, il ne s’y trouvait que 15 proclamateurs, dont 7 missionnaires. Lors d’une récente assemblée, elle a été interviewée: on lui a demandé quelle était la plus grande bénédiction qu’elle ait connue au cours de ses plus de 40 années de service au Honduras. Elle a répondu: “Ce qui me procure le plus de joie, c’est de constater la stabilité et la maturité de l’organisation de Jéhovah, le nombre toujours plus grand de jeunes pionniers, et le fantastique accroissement du nombre de proclamateurs.”

Lors de l’inauguration du nouveau Béthel en 1989, le Collège central était représenté par Lyman Swingle, qui a prononcé le discours d’inauguration. Interrogé sur les perspectives de la théocratie au Honduras, il a envisagé bien plus que l’avenir immédiat. Il a en effet répondu: “Les perspectives d’avenir sont très bonnes au Honduras, comme dans tous les autres pays, parce que l’organisation de Jéhovah va bientôt faire de la terre entière un paradis.” En vérité, c’est ce que nous attendons avec impatience: la domination du Royaume de Jéhovah! Mais jusque-​là, il reste beaucoup à faire. Nous souhaitons que Jéhovah bénisse tous nos frères du Honduras qui le servent épaule contre épaule avec leurs frères du monde entier et qui travaillent fidèlement à la défense de son nom sous la direction de Jésus Christ et de son esclave fidèle.

[Graphiques, page 207]

(Voir la publication)

HONDURAS

Moyenne des pionniers

939

 

 

 

255

162

59

14

1950 1960 1970 1980 1992

Maximum de proclamateurs

6 583

 

 

3 014

1 341

550

260

1950 1960 1970 1980 1992

[Carte, page 148]

(Voir la publication)

HONDURAS

Capitale: Tegucigalpa

Langue Officielle: espagnol

Religion principale: catholique Romaine

Population: 5 011 107

Filiale: Tegucigalpa

MEXICO

BÉLIZE

GUATEMALA

SALVADOR

NICARAGUA

HONDURAS

Mer des Caraïbes

ISLAS DE LA BAHÍA

Roatán

Puerto Cortés

Omoa

Tela

Baracoa

Trujillo

La Ceiba

Limón

Sangrelaya

Brus Laguna

MOSQUITIA

San Pedro Sula

La Lima

Ulúa

El Progreso

Santa Rita

OLANCHO

Santa Rosa de Copán

Siguatepeque

Tegucigalpa

Comayagua

Danlí

San Lorenzo

Choluteca

Guásimo

Océan Pacifique

[Illustration, page 152]

Loverna Grell, à gauche, et sa fille Ethel.

[Illustrations, pages 156, 157]

Le Honduras, un pays doté de magnifiques chutes d’eau, de belles orchidées, de pyramides anciennes et de plages sur ses côtes.

[Illustration, page 158]

William et Ruby White.

[Illustration, page 162]

Ces missionnaires servant au Honduras viennent d’Allemagne, du Canada, des États-Unis, de Finlande, du Mexique, de Norvège, et de Suède.

[Illustration, page 168]

Frère Knorr et les jumelles Fischer, Jeannette, à gauche, et Johneth, qui ont toutes deux entrepris le service missionnaire en 1952.

[Illustration, page 172]

Grant Allinger, surveillant de la filiale de 1963 à 1978, et sa femme, Olga.

[Illustration, page 176]

Prédication près d’Omoa.

[Illustration, page 184]

Julio Mendoza, surveillant de circonscription, avec sa femme Dunia, et leur fille, Esther.

[Illustration, page 193]

Les Salles du Royaume sont simples, soignées et adaptées à leur région.

[Illustrations, page 200]

La première filiale contrastait avec celle construite en 1961 et agrandie en 1978.

Lyman Swingle lors de l’inauguration des nouveaux locaux, le 21 octobre 1989. Les nouveaux locaux de la filiale, achevés en 1989, à côté de l’ancien bâtiment.

[Illustration, page 201]

Les cinq membres du Comité de la filiale avec leurs femmes lors d’une visite de zone de Lloyd Barry. De gauche à droite: William et Ruth Sallis, Raymond et Olga Walker, Aníbal et Cristina Izaguirre, Lloyd et Melba Barry, Werner et Ulla Zinke, Manuel et Ada Martínez.