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Chypre

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QUAND, au premier siècle, l’apôtre Paul et ses compagnons de voyage ont prêché à Chypre, ils ont rencontré une forte opposition. Un faux prophète, un sorcier répondant au nom de Bar-Jésus, a essayé de faire obstacle à leur ministère en tentant d’influencer le proconsul. Les méthodes employées par ce sorcier ont amené Paul à le présenter sans ambages comme un ‘homme plein de toutes sortes de tromperies et de scélératesses, un fils du Diable, un ennemi de tout ce qui est juste, un individu qui ne cesse de gauchir les voies droites de Jéhovah’. (Actes 13:6-12.) De nos jours également, des membres du clergé se sont efforcés d’empêcher les gens de connaître le glorieux dessein de Jéhovah qui est de bénir toutes les familles de la terre.

Mais tous les habitants de Chypre n’approuvent pas forcément ce que disent et font les ecclésiastiques. Les Chypriotes ont la réputation d’être hospitaliers. On offre généralement aux visiteurs des sucreries, ou bien, particulièrement lors des chaudes journées d’été, un verre de limonade bien frais à déguster assis à l’ombre d’une vigne grimpante couverte de grappes de raisin.

L’île de Chypre jouit d’un climat tempéré. Elle est située dans la partie orientale de la mer Méditerranée, à environ 100 kilomètres à l’ouest de la Syrie et 60 kilomètres au sud de la Turquie. C’est une île pleine de charmes. Ses plages de sable sont baignées par les eaux chaudes de la Méditerranée. La chaîne du Tróodhos coupe de part en part le sud-est de l’île, offrant sa fraîcheur et ses senteurs de pin à qui veut fuir la canicule de l’été. Partout, les yeux se fixent sur des vignes, des figuiers, des oliveraies et des caroubiers. Quand les amandiers sont en fleurs, on dirait que le paysage se couvre d’un manteau de neige, et quand ce sont les citronniers qui fleurissent l’air s’emplit d’un parfum délicieux. Dans les campagnes, il n’est pas rare de voir des bergers mener leurs troupeaux de brebis et de chèvres vers leurs lieux de pâturage. Le mode de vie de nombre de ces gens tire ses origines d’une époque bien antérieure à l’avènement du christianisme.

Un peu d’histoire

L’île de Chypre, dont la longueur n’excède pas 206 kilomètres, a subi, de diverses manières, l’influence des sept puissances mondiales dont parle la Bible, ayant même été sous le joug de six d’entre elles. La huitième puissance mondiale, les Nations unies, est, elle aussi, bien présente aujourd’hui, cherchant à maintenir la paix entre les communautés d’expressions grecque et turque.

Le christianisme a été introduit à Chypre au début du Ier siècle de notre ère. Consécutivement à la vague de persécutions qui s’est abattue sur les chrétiens après le meurtre d’Étienne, à Jérusalem, certains des disciples qui avaient été dispersés se sont rendus à Chypre et ont commencé à prêcher à l’importante communauté juive de l’île (Actes 11:19). Plus tard, vers 47-48 de notre ère, Paul est passé à Chypre lors de son premier voyage missionnaire. L’un des compagnons de Paul était un Chypriote de naissance. Ce dernier se trouvait à Jérusalem avec les apôtres de Jésus Christ après l’effusion de l’esprit saint en l’an 33 de notre ère. Les apôtres l’ont surnommé Barnabas (Fils de Consolation) (Actes 4:34-37). Exerçant leur ministère à Chypre, Paul et Barnabas ont d’abord prêché à Salamine, sur la côte est, puis ont traversé l’île jusqu’à Paphos, sur la côte ouest. Les ruines de Salamine et de Paphos attestent de l’importance de ces villes à l’époque où Paul et ses compagnons ont communiqué la bonne nouvelle aux habitants de Chypre.

C’est à Paphos que le proconsul romain Sergius Paulus s’est converti au christianisme en dépit de l’agitation suscitée par le sorcier Bar-Jésus. Le proconsul était, pour reprendre les termes de la Bible, ‘ébahi de l’enseignement de Jéhovah’. — Actes 13:12.

Environ deux ans plus tard, Barnabas et son cousin Marc sont retournés à Chypre pour y propager davantage la bonne nouvelle. — Actes 15:36-41.

‘Les Étudiants de la Bible sont l’université’

De nos jours, aussi, une œuvre d’évangélisation intensive s’effectue sur l’île de Chypre. Les personnes sincères sont heureuses de connaître les enseignements de la Bible, enseignements qui contrastent avec les traditions humaines. La Tour de Garde du 1er octobre 1922 fournit un premier indice de la pénétration de cet enseignement dans l’île. Ce numéro reproduit une lettre d’un ecclésiastique d’origine arménienne qui a eu entre les mains un tract démontrant que l’âme meurt, qu’elle n’est pas immortelle. Il exprimait sa reconnaissance pour ce qu’il avait lu. Dans cette lettre, il disait également son désarroi devant la condition spirituelle dans les églises de Chypre. À ce propos, il écrivait ceci: “Il y a (...) de nombreuses églises ici. Mais aucune vie spirituelle; tout est mort. Les membres du clergé sont plus débauchés que les gens du commun peuple. Je ne peux que me lamenter et pleurer comme Jérémie. Je fais de mon mieux pour donner le lait de la vérité aux Grecs, aux Arméniens, aux Turcs et aux Juifs.” D’autres Arméniens, hors de Chypre, faisaient aussi ce qu’ils pouvaient pour communiquer la vérité biblique aux habitants de l’île.

Puis, en septembre 1924, Kýros Kharalámpous a quitté les États-Unis pour revenir à Chypre, son pays d’origine. Étant Étudiant de la Bible, il a emporté avec lui de nombreux tracts, dont une bonne réserve de celui intitulé Où sont les morts? Il s’est rendu à la poste centrale, à Nicosie, et a envoyé une publication au maire de chaque localité, ainsi qu’à tous les instituteurs. À l’époque, le courrier était acheminé à dos d’âne et distribué dans les villages une fois par semaine.

À Xylophágou, un village situé au cœur d’une région du sud-est de l’île où l’on cultive des pommes de terre, un instituteur a reçu le tract intitulé La Tribune du Peuple. Un peu plus tard, un fermier du nom d’Antónis Spetsiótis est venu chez cet instituteur. Antónis, qui aimait s’instruire, a regardé autour de lui, cherchant quelque chose à lire. Il a vu le tract et n’a pas tardé à être captivé par son contenu. Il en a touché deux mots à un autre homme du village, Andréas Chrístou. Tous deux ont plus tard commandé à la Société Watch Tower des publications qu’ils ont lues. Ils ont également fait part à leur entourage de ce qu’ils apprenaient, et certains se sont mis à étudier la Bible avec eux.

Cleópas, un théologien de l’Église orthodoxe grecque, comptait parmi ceux qui s’intéressaient au message. Il est devenu un ami du peuple de Jéhovah, mais il n’a jamais pris fermement position pour la vérité. Il avait pourtant l’habitude de dire: “Les catholiques sont la maternelle, les protestants l’école primaire et les Étudiants de la Bible l’université.”

Cependant, tous ne parlaient pas en bien des Étudiants de la Bible. En donnant le témoignage de façon informelle, Antónis Spetsiótis et Andréas Chrístou se sont attiré les foudres du village. L’archevêque de Chypre a appris ce qui se passait, et des théologiens sont venus contrecarrer l’influence qu’exerçaient les deux frères. Au cours des deux années suivantes, un certain nombre de débats ont eu lieu, opposant d’une part des théologiens, de l’autre frère Spetsiótis. Il n’a pas été nécessaire de louer des salles pour organiser ces débats. En effet, le café du village s’y prêtait bien, car c’est là que les gens se réunissaient. Finalement les deux frères ont été excommuniés de l’Église orthodoxe grecque. Ils n’avaient plus le droit, ni de se marier, ni d’être enterrés. Effectivement, quand un enfant d’Andréas Chrístou est décédé, le prêtre a refusé qu’on l’enterre dans le cimetière du village. Il fallait d’abord qu’Andréas assiste au service religieux du dimanche matin. Que s’est-​il passé? Eh bien, l’enfant a finalement été enterré, et Andréas n’est pas allé à l’église.

Pendant ce temps, Trýfon Kalogírou, un inspecteur de la santé qui habitait un village du district de Nicosie, a eu connaissance de la vérité. Dans le cadre de son travail, il était amené à se rendre dans diverses localités; il en profitait pour parler de l’enfer et de la Trinité en se référant habilement à la Bible. Cependant, après avoir été amputé d’une jambe à cause d’une maladie, les gens se sont mis à se moquer de lui, disant que Dieu le punissait d’avoir changé de religion. Ces moqueries l’ont beaucoup affecté, tout comme les arguments tortueux des compagnons de Job ont ajouté à ses souffrances. (Voir Job 4:7, 8; 12:4). Trýfon est toutefois resté fidèle jusqu’à sa mort survenue en 1960.

Des pionniers zélés propagent la bonne nouvelle

En 1934, une excellente impulsion a été donnée à l’œuvre du Royaume sur l’île de Chypre après que frères Matthaïákis et Triantafilopoulos sont arrivés de Grèce. Le siège mondial de la Société, situé à Brooklyn, leur a envoyé 43 cartons de publications en grec, en turc et en d’autres langues. Ces deux frères étaient zélés, bien qu’ils aient dû faire face, dans un premier temps du moins, à beaucoup d’indifférence. Induits en erreur par le clergé, les gens les prenaient pour des communistes ou des protestants. Afin de les mettre en garde, on disait que les frères voulaient les faire changer de religion. Cependant, les habitants des grandes villes, en particulier les hommes d’affaires, montraient davantage de curiosité et désiraient savoir ce qu’était au juste cette “nouvelle religion”.

Brooklyn a envoyé aux deux pionniers les noms de plusieurs personnes abonnées aux périodiques de la Société. Parmi elles se trouvait Cleópas, le théologien. Il s’est procuré nombre de publications de la Société, et a invité plusieurs fois les pionniers à prendre un repas chez lui. Il a même amené frère Matthaïákis au Ellenikí Léskhi (Club hellénique) de Lárnaka, où il l’a présenté comme ‘un homme d’Athènes, membre d’une organisation qui a pour vocation celle de publier des livres utiles expliquant la Bible’. Ce soir-​là, frère Matthaïákis a laissé 84 livres et 120 brochures, et souscrit 10 abonnements au périodique L’Âge d’Or.

De Lárnaka, sur la côte sud-est de l’île, les deux pionniers se sont rendus à Xylophágou, à environ 25 kilomètres, où ils ont trouvé Antónis Spetsiótis et Andréas Chrístou. Certes, ces deux frères faisaient de leur mieux pour communiquer à autrui ce qu’ils apprenaient, mais combien ils ont été heureux d’acquérir auprès des deux pionniers une compréhension plus juste des Écritures! C’est dans leur village qu’a été formée la première congrégation de Chypre.

Les pionniers se sont ensuite déplacés jusqu’à Famagouste, le pays des orangeraies et des moulins à vent, non loin des ruines de Salamine. Alors qu’ils prêchaient dans ce territoire, ils ont reçu une lettre de la Société leur annonçant qu’un couple d’expression grecque, la famille Lagakos, allait venir d’Égypte pour les aider dans l’œuvre du Royaume. Quelle bonne nouvelle! Dès l’arrivée de frère et sœur Lagakos, il a été convenu qu’ils concentreraient leur activité dans les villes et que les autres pionniers prêcheraient dans les campagnes.

Une deuxième congrégation n’a pas tardé d’être formée, cette fois à Nicosie. Une population nombreuse d’expression turque habitait les quartiers situés à l’intérieur de la vieille enceinte de Nicosie. C’est là, dans la maison d’un musulman, que se réunissaient les frères.

D’autres résultats étaient encore à venir. Quelques frères chypriotes d’expression grecque ont entrepris le service de pionnier. L’un d’eux s’appelait Chrístos Kourtellídis. C’était un homme de petite taille dont les yeux bleus pétillaient. Quel exemple de courage et de fidélité il a laissé! En 17 ans de service de pionnier, il a prêché dans presque tous les 650 villages de l’île. Il a vécu à la dure. Quand personne ne l’hébergeait, il dormait dehors. Même sa mort a donné un bon témoignage. En effet, le prêtre de son village natal a refusé qu’il soit enterré dans le cimetière. Il a fallu faire appel au commissaire du district. Quand finalement son corps a été mis en terre, 150 personnes étaient présentes pour écouter le discours d’enterrement.

Le retour en Grèce de frère Triantafilopoulos, et le départ du couple Lagakos pour la Syrie, ont désagrégé ce premier groupe de pionniers. Toutefois, en 1938, quatre pionniers originaires de l’île et sept proclamateurs annonçaient la bonne nouvelle à Chypre; qui plus est, 40 personnes ont assisté au Mémorial de la mort du Christ.

Cette même année, Panagiotis Gabrielídis, ainsi qu’une famille de son voisinage, ont eu connaissance de la vérité. Malgré l’âpre opposition dont elles ont été l’objet, la mère et ses trois filles se sont jointes à Panagiotis. C’est ainsi qu’un petit groupe a été formé à Polemídia dans le but d’étudier la Bible et de prêcher. Panagiotis a parlé de la réaction des villageois en ces termes: “Quand notre petit groupe se réunissait, il n’était pas rare que l’on frappe bruyamment à la porte et aux fenêtres. Un homme était tellement opposé à la vérité qu’il est allé chez les sœurs et les a battues. J’ai dû moi aussi recevoir des soins à l’hôpital. Mais bizarrement, quelques jours plus tard, alors que, rentrant du travail, cet homme traversait un pont sur un camion, il est tombé dans la rivière et s’est tué.”

La censure en temps de guerre

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la censure a servi de prétexte à la confiscation des publications de la Société Watch Tower. Les frères n’ont pas reçu les périodiques envoyés à Chypre pour leur permettre d’étudier la Bible. En effet, ils ont été stockés à la poste centrale de la capitale.

Comment les Témoins ont-​ils fait alors qu’ils ne disposaient pour ainsi dire d’aucune publication? Ils ont reproduit sur des feuilles de papier des extraits d’anciennes publications de la Société et les ont distribuées dans le cadre de la prédication. Quand, de temps en temps, un numéro de La Tour de Garde leur parvenait, ils s’empressaient de le traduire et de l’étudier. Les Témoins ont également organisé des assemblées durant cette période. Le nombre des proclamateurs s’étant accru, une autre congrégation a été formée.

Finalement, quelques mois avant la fin de la guerre, 3 000 périodiques et 17 cartons de livres et de brochures ont été restitués aux frères. Bien évidemment, les employés de la poste avaient vu le tas de publications augmenter de volume, et certains ont manifesté de l’intérêt pour le message. De ce fait, on a pu leur laisser 45 livres.

Pourraient-​ils se marier?

Certaines situations se rapportant à des Témoins de Jéhovah ont également attiré l’attention des fonctionnaires. En 1939, frère Matthaïákis a désiré se marier. Mais, à cette époque-​là, il n’était pas facile de le faire à Chypre quand on était Témoin de Jéhovah. Pourquoi? Parce que les autorités ne reconnaissaient pas aux Témoins le statut de religion et, de ce fait, ne leur permettaient pas de se marier civilement. La guerre faisant rage, il a été impossible de joindre Brooklyn pour demander conseil. Finalement, la filiale de Londres a envoyé une attestation stipulant que les Témoins de Jéhovah de Chypre dépendaient de l’Association internationale des Étudiants de la Bible, dont le siège se trouvait en Angleterre. Sur la foi de ce document, les autorités britanniques en place à Chypre ont accordé à frère Matthaïákis l’autorisation de se marier.

Au fil des années, ce couple fidèle s’est fait une belle réputation en raison de son hospitalité. Le foyer des Matthaïákis était toujours ouvert aux frères, et tous se souviennent de leur gentillesse à l’égard de ceux qui étaient dans le besoin.

L’arrivée de diplômés de l’École de Galaad

Antónios Karantinós, un Grec qui avait vécu aux États-Unis, a été le premier diplômé de l’École de Galaad envoyé à Chypre. Il est arrivé en 1947, alors qu’il n’y avait que 33 proclamateurs sur l’île. C’était un ancien marin, un homme robuste. C’était aussi un fervent défenseur de la vérité, trait de caractère indispensable qui lui a permis de continuer à prêcher en dépit de l’opposition acharnée dont il a été l’objet durant son ministère à Chypre.

L’opposition s’est particulièrement accentuée après que les frères se sont mis à proposer les périodiques dans les rues. À Famagouste, un homme, au service de l’Église, les harcelait constamment. Il voulait soulever les gens contre les Témoins. C’est ainsi que frère Karantinós s’est une fois retrouvé au milieu d’un attroupement, ce qui a provoqué un embouteillage. Frère Karantinós et l’instigateur du tumulte ont dû comparaître devant un tribunal. Tous deux ont été condamnés à payer une amende. D’autres incidents ont eu lieu par la suite. Parfois, il a fallu que les frères appellent la police pour dégager des proclamateurs menacés par la foule.

En 1948, les frères ont eu la joie d’accueillir deux missionnaires qui avaient dû quitter la Grèce. En mai de la même année, après avoir dû partir d’Égypte, Don Rendell, diplômé de la huitième classe de Galaad, est arrivé lui aussi. C’est également cette année-​là que la Société a ouvert une filiale à Chypre et nommé Antónis Sidéris surveillant de la filiale. Au cours des années, d’autres diplômés de l’École de Galaad ont été envoyés à Chypre et des maisons de missionnaires ont été ouvertes dans certaines des principales villes. Ces frères ont été d’un grand secours pour ce qui est d’organiser les congrégations de façon théocratique et de former les proclamateurs dans la prédication.

Mais avant d’être en mesure d’aider efficacement leurs compagnons, ils ont dû apprendre le grec, ce qui a donné lieu à quelques situations amusantes. Un frère, lorsqu’il citait Révélation 12:7, avait l’habitude de dire ‘Michel et les Anglais ont lutté contre le dragon’, au lieu de “Michel et ses anges”, car en grec la prononciation du mot ‘Anglais’ et celle du mot ‘anges’ sont très proches. Néanmoins, les gens écoutaient très souvent avec attention quand un étranger essayait de parler dans leur langue. Juste après son baptême, un frère a dit à l’un des missionnaires: “Ce qui m’a marqué quand tu es venu me voir, c’est que, bien qu’étranger, tu prenais la peine d’apprendre ma langue. J’ai eu le sentiment que je devais chercher à en savoir davantage sur le message que tu m’apportais.”

L’Église éveille la curiosité sur les Témoins

En 1948, les Témoins de Jéhovah n’étaient qu’une cinquantaine à Chypre. L’Église orthodoxe s’est tout de même sentie obligée de ‘mettre fin à cette hérésie’, pour reprendre ses propres termes. À quel stratagème a-​t-​elle eu recours? Une circulaire accusant publiquement les Témoins a été rédigée. Elle a été publiée dans plusieurs quotidiens et lue dans les églises de l’île. Des enfants l’ont distribuée de porte en porte. Elle a même été collée sur les murs et les poteaux télégraphiques. Les Témoins y étaient présentés comme des ennemis de la patrie, des antichrists et des sionistes.

Quelle a été la réaction des serviteurs de Jéhovah? Eh bien, les gens ont désiré en savoir davantage sur les Témoins. Ils voulaient connaître la raison de l’opposition de l’Église. Les frères ont donc entrepris une campagne de prédication de quatre mois au cours de laquelle ils ont laissé 72 000 brochures, soit sept fois plus de publications que durant l’année de service précédente. Les gens ont ainsi eu l’occasion de découvrir les enseignements des Témoins. Beaucoup ont lu les publications par simple curiosité. Par ailleurs, des frères ont été battus et criblés de pierres. À Limassol, un frère et une sœur ont été traînés devant un tribunal, accusés de prosélytisme et de troubler l’ordre public. Ils ont été condamnés à une peine d’un mois de prison.

Discussion à l’archevêché

C’est à cette époque que Don Rendell a rencontré un homme distingué et influent de Nicosie, proche du milieu ecclésiastique. Frère Rendell a raconté ce qui suit à propos de ce fait: “Après une bonne discussion, je lui ai laissé le livre ‘Que Dieu soit reconnu pour vrai!’ Quand je lui ai de nouveau rendu visite, il voulait en savoir davantage. Toutefois, il désirait assister à un débat entre l’archevêque de l’Église orthodoxe grecque, qu’il connaissait bien, et moi. ‘Êtes-​vous d’accord?’, m’a-​t-​il demandé.

“Frère Sidéris, le surveillant de filiale, a accepté de m’accompagner au palais de l’archevêché. À notre arrivée, on nous a dit que l’archevêque était ‘souffrant’, mais que nous pourrions parler avec un théologien rattaché au conseil ecclésiastique. Après une longue discussion, j’ai demandé au théologien quelle serait la position de l’Église orthodoxe si ses traditions et la Bible se contredisaient sur un certain point. Il m’a dit que l’Église accepterait les traditions. Et il le pensait vraiment! Quand Colossiens chapitre 1 verset 15 a été cité, verset qui déclare que Jésus est ‘le premier-né de toute création’, il s’est tout de suite écrié: ‘C’est l’hérésie d’Arius!’ Il était facile de reconnaître les véritables défenseurs de la Bible.”

Une publicité abondante et gratuite

Malgré l’opposition persistante, la moyenne des proclamateurs est passée de 141 en 1949 à 204 en 1950. Cette année-​là, 241 personnes ont assisté au Mémorial. Toujours en 1950, une assemblée de circonscription a été organisée à Paphos, où l’apôtre Paul avait prêché. On a loué un cinéma, mais l’évêque de la ville, et d’autres notables, ont fait pression sur le propriétaire pour qu’il résilie le contrat passé avec les Témoins. Le conseil municipal a tenté de faire annuler l’assemblée en limitant le nombre de personnes qui pourraient entrer dans le cinéma et en exigeant une taxe exorbitante pour l’utilisation du bâtiment. Pour remédier à la situation, on a essayé de voir le délégué britannique chargé du district, mais toutes les démarches entreprises se sont révélées vaines. Le surveillant de filiale, un Britannique, s’est personnellement rendu au foyer du délégué et lui a expliqué que les Témoins de Jéhovah étaient harcelés par les autorités locales. Les Témoins ont beaucoup apprécié ce que le délégué a fait pour eux. Une grande cour, qui se trouvait à côté du cinéma, a été mise à leur disposition, ce qui a permis à ceux qui ne pouvaient entrer dans la salle de trouver de la place.

L’évêque de Paphos était furieux. À l’exemple du sorcier Bar-Jésus, qui a tenté d’empêcher le proconsul Sergius Paulus d’entendre le message que prêchait l’apôtre Paul, l’évêque a tiré profit de l’influence quasi magique que lui conféraient ses charges ecclésiastiques. (Voir Actes 13:6-12.) Il a fait distribuer un feuillet dans lequel on apprenait que les deux pionniers qui habitaient le district de Paphos étaient excommuniés. Peu après, un deuxième feuillet accusait publiquement les Témoins de Jéhovah de suivre l’“hérésie connue sous le nom de chiliasme”, “hérésie” qui, disait le tract, était “une invention satanique [née] de l’imagination impure du siècle dernier”. Des jeunes gens à la solde de l’Église se tenaient à côté de tout proclamateur qui donnait le témoignage dans la rue. Quiconque manifestait un certain intérêt pour l’activité des Témoins se voyait remettre ce feuillet.

Certains journaux, mais pas tous, se sont fait l’écho de ces attaques contre les serviteurs de Jéhovah. En 1950, le New Political Review de Paphos a écrit: “Les disciples de Jéhovah sont déjà des centaines dans notre district. Demain, ils seront des milliers, et ils représenteront alors un réel danger pour notre Église. C’est pourquoi il importe que notre saint-synode et nos évêques agissent rapidement et se penchent sur ce terrible problème immédiatement, sans remettre la question à plus tard.” Un autre journal, Paphos, a ouvertement critiqué l’Église dans son numéro du 4 mai 1950: “La condition misérable des gens dans certains villages, ainsi que l’étendue des propriétés foncières des monastères et de l’Église, créent un terrain propice à la propagation de la croyance chiliaste. Nous faisons par exemple mention d’un village, Episkopí, où pour ainsi dire toutes les terres appartiennent à l’Église et où les habitants travaillent comme des esclaves, louant la terre ou se pliant à certaines servitudes (...). Il n’est donc guère étonnant que la moitié de la population du village soit devenue Témoins de Jéhovah. (...) Compte tenu de tout cela, l’Église de Chypre devrait comprendre qu’elle ne s’imposera pas en combattant au moyen de bouts de papier. Les ‘chiliastes’ ont trouvé le talon d’Achille du clergé (...). Lutter contre eux à l’aide de tracts n’est pas suffisant.”

En raison de tout le tapage fait autour d’eux, les Témoins de Jéhovah sont devenus le principal sujet de conversation dans la ville. Leur intérêt ayant été ainsi largement éveillé, beaucoup de gens sont venus au cinéma écouter le discours public. On a compté plus de 500 assistants.

Première visite d’un président de la Société

En 1951, la visite de frère Knorr, accompagné de frère Milton Henschel, a procuré une grande joie aux frères de Chypre. On a prévu de tenir une assemblée de trois jours dans le cinéma Royal. C’était un bâtiment moderne. Frère Knorr a d’ailleurs déclaré: “Nous aimerions disposer d’un tel lieu pour nos assemblées de circonscription à New York.” On prévoyait une assemblée de trois jours, mais comme le cinéma Royal se trouvait dans un quartier résidentiel de la vieille ville, on a loué le cinéma Pallás, dans le centre de Nicosie, pour le discours public que devait prononcer frère Knorr le dimanche matin. On a pris des dispositions pour donner à ce discours le maximum de publicité. Quatre grandes banderoles avec une inscription en grec et en anglais ont été tendues sur la façade du cinéma Royal. Deux cents affiches ont été distribuées dans la capitale. Des publicités sont passées dans les plus grandes salles de cinéma. Des journaux en langues anglaise, grecque et turque ont annoncé le discours qui était intitulé “La religion résoudra-​t-​elle la crise mondiale?” Comme on pouvait s’y attendre, le personnel du principal journal communiste a dit qu’il n’annoncerait pas le discours, car il “était contraire à la ligne du parti”, et celui du principal journal nationaliste qu’il “devait d’abord demander une autorisation à l’archevêché”.

Les frères se demandaient comment leurs ennemis religieux allaient réagir à toute cette publicité. Ils n’ont pas eu à s’interroger longtemps. Une nuit, les banderoles sur la façade du cinéma Royal ont été arrachées. Les Témoins ont informé la police de l’incident. L’archevêque a fait imprimer un feuillet dans lequel il lançait cet avertissement: “ATTENTION! FUYEZ LES MILLÉNARISTES.” On pouvait lire, entre autres choses: “Vous avez remarqué? Ils ont invité un étranger pour les soutenir (...). Ce sont des loups dans des vêtements de brebis qui viennent dévorer les tendres brebis du Christ. (...) Ne vous approchez pas d’eux, ne leur prêtez aucune attention. Faites comme s’ils n’existaient pas, peut-être retrouveront-​ils la raison et pourront-​ils être redressés. LE SAINT ARCHEVÊCHÉ.”

Frère Knorr pourrait-​il prononcer son discours public au cinéma Pallás sans qu’il y ait d’agitation? Laissons un témoin raconter ce qui s’est passé. Don Rendell se souvient: “Je suis arrivé au cinéma un peu après 10 heures. Des policiers se tenaient à l’entrée, mais un groupe de jeunes gens tournait autour, cherchant à pénétrer dans la salle pour semer le désordre. Comme certains frères connaissaient nombre d’agitateurs, ils aidaient les policiers à les tenir à l’écart. J’ai dû me frayer un passage au milieu de l’attroupement. À 10 h 30, frère Knorr a commencé à prononcer son discours devant 420 personnes. Mais les voyous restés dehors se sont mis à cogner aux portes. Les policiers ont vite mis fin au tapage. Néanmoins, une question se posait: Comment allions-​nous sortir du cinéma après la fin du discours? Les frères ont décidé que, avec l’aide de la police, ils maintiendraient les agitateurs devant le cinéma. Le discours fini, on nous a demandé de quitter le bâtiment par une porte dérobée. C’est ce que nous avons fait calmement, évitant ainsi tout affrontement.”

Les cloches d’une église servent de signal pour lancer une nouvelle attaque

En 1952, Famagouste était une ville agréable, avec ses orangers, ses citronniers et sa longue plage de sable. Sur la côte est de l’île, elle se trouve à quelques kilomètres seulement des ruines de la ville antique de Salamine, où l’apôtre Paul et ses compagnons ont prêché. Mais, conséquence de l’invasion turque de 1974, Famagouste est aujourd’hui une ville fantôme où très peu de personnes habitent. En 1952, les Témoins de Jéhovah ont décidé de tenir une assemblée dans l’un des cinémas de la ville. Sachant que l’Église orthodoxe grecque leur avait déclaré une guerre sans merci, et forts de ce qui s’était passé lors de précédentes assemblées, les frères ont demandé à la police d’être sur place. Le dimanche matin, il faisait beau, et les frères attendaient avec impatience d’écouter le discours public qui devait être prononcé en milieu de matinée. Toutefois, dix minutes avant le début du discours, alors que 350 personnes étaient déjà assises dans le cinéma, certains signes ont donné à penser que quelque chose se préparait. Antónios Karantinós, missionnaire dans la ville, faisait partie des frères du service d’accueil qui se trouvaient à l’entrée du cinéma. Voici ce qu’il a raconté:

“Juste 10 minutes avant le début du discours, la cloche d’une église proche s’est mise à sonner. C’était, on l’a compris plus tard, le signal qu’attendaient des prêtres et des dizaines d’écoliers pour faire une manifestation devant le cinéma. Quel choc! Imaginez ces prêtres conduisant une foule de jeunes gens déterminés à pénétrer dans le cinéma. Nous avons pris notre courage à deux mains. Nous avons fermé la porte du cinéma. Alors que les agitateurs essayaient de forcer le passage, un prêtre m’a malmené et mes vêtements ont été déchirés. La situation devenant de plus en plus menaçante, des renforts de police appelés à la rescousse n’ont pas tardé à être sur place. N’ayant pas réussi à interrompre l’assemblée, les émeutiers se sont mis à hurler et à vociférer contre nous à l’extérieur du cinéma.”

Leur tentative ayant échoué, les prêtres ont reconduit la foule à l’église. Jéhovah avait remporté la bataille.

Des agitateurs comparaissent devant les tribunaux

Quelque temps auparavant, les évêques, les prêtres et les théologiens de l’Église avaient sillonné les villes et les villages de l’île en disant aux gens: “Si les Témoins de Jéhovah viennent dans votre ville ou votre village, jetez-​les dehors!” Tout le monde ne leur a pas obéi. Les frères trouvaient toujours des personnes semblables à des brebis. Mais il va de soi que de tels propos ne sont pas restés sans effet. Sœur Galátia Matthaïákis se rappelle d’un incident dans lequel elle a été impliquée:

“Tôt un dimanche matin, nous étions 20 au rendez-vous pour la prédication. On avait choisi trois villages. Il nous a fallu environ deux heures pour nous rendre dans le territoire. Dix frères ont été envoyés dans le plus gros village afin d’y prêcher de porte en porte. Les dix proclamateurs restants ont été répartis entre les deux autres villages. Dans l’un d’eux, les frères ont été expulsés vers 10 h 30. Dans le village le plus important, les frères avaient presque fini de prêcher, avec de bons résultats d’ailleurs, quand une foule violente est intervenue. Deux frères qui se trouvaient dans le centre du village ont reçu des coups de chaises sur la tête, et, pendant qu’ils quittaient le village, on leur a lancé des pierres. Le prêtre a ensuite réuni un groupe d’environ 200 individus pour nous rassembler. Armés de gros bâtons et de boîtes en fer-blanc, ils ont commencé à nous chercher. Ils ont tout d’abord découvert un frère et une sœur. Le frère a reçu des coups de bâton sur le dos, et la sœur des pierres. La plupart d’entre nous avons subi le même traitement. On nous a chassés du village sans ménagement. Les marques laissées par les coups ont été des éléments à charge contre les villageois lorsque les frères ont dû se rendre dans un hôpital pour se faire examiner.”

Les frères ont porté plainte. Les témoins se sont succédé à la barre pendant trois jours. Le juge a déclaré: “Je crois totalement aux faits rapportés par les plaignants et j’estime que les accusés sont coupables à tous égards. (...) Je ne crois pas aux allégations selon lesquelles les plaignants enseignent que Christ est un bâtard, etc. (...) Les plaignants sont venus dans le village des accusés pour enseigner leurs croyances; ils l’ont fait pacifiquement et les accusés n’étaient pas en droit de les molester.”

Entre 1952 et 1953, deux missionnaires, Antónios Karantinós et Emmanuel Paterakis, ont dû quitter l’île de Chypre. Ces frères ont livré ici un dur combat pour la foi, et on se souvient d’eux avec affection.

Projection du film La Société du Monde Nouveau en action

En 1955, les Témoins ont reçu le film La Société du Monde Nouveau en action. On a enregistré de fortes assistances lors des projections. Non seulement les frères, mais aussi les personnes du monde, ont pu ainsi acquérir une meilleure connaissance de l’organisation de Jéhovah.

Voici un fait intéressant, parmi tant d’autres. À Xylophágou, un village de 1 500 habitants, le propriétaire du cinéma a permis aux Témoins d’utiliser la salle gratuitement. Le soir de la projection, le prêtre a envoyé un villageois avec mission de noter le nom de tous ceux qui seraient présents. Quel en a été le résultat? Quand le prêtre lui a demandé la liste des assistants, le villageois a répondu: “Presque tout le village était là. Comment prendre tous les noms dans ces conditions?”

Une époque de changements

Depuis 1878, Chypre était soumise à l’administration britannique. Mais dans les années 50, les Chypriotes grecs, sous la direction de l’archevêque Makários, ont lancé une campagne en faveur de l’Enôsis, ou union avec la Grèce. Ils alléguaient les liens privilégiés avec ce pays, par exemple une langue et une religion communes. La population turque de Chypre y était opposée.

Néanmoins, l’agitation régnait en faveur de la libération du joug colonial britannique. Entre 1955 et 1960, une organisation appelée EOKA a tout fait pour obtenir cette indépendance en menant des actions de guérilla contre les Britanniques. Les Témoins de Jéhovah observent une stricte neutralité en matière de politique, mais cela ne les a pas empêchés de subir les conséquences de ce qui se passait autour d’eux.

L’un des premiers incidents consécutifs à la lutte engagée par l’EOKA s’est produit à Famagouste, non loin des bureaux de la filiale de la Société. Un camp britannique proche a été attaqué. On le comprend, les cinq missionnaires, tous citoyens britanniques, étaient très inquiets.

Une autre fois, Dennis Matthews et sa femme Mavis, tous deux missionnaires, venaient juste de rentrer chez eux quand, au moment où ils ouvraient la porte de derrière, une bombe a explosé dans la maison du voisin, un soldat britannique. L’individu qui avait placé la bombe a été poursuivi dans l’orangeraie attenante à la maison des missionnaires, et une fusillade a éclaté. Peu après, on a frappé à la porte. Les missionnaires, craignant d’ouvrir, ont demandé qui était là. C’étaient des soldats britanniques qui désiraient savoir si les occupants de la maison étaient sains et saufs.

Un jour, alors que frères Rendell et Gabrielídis participaient aux préparatifs d’une assemblée, à Xylophágou, il y a eu un grand tumulte dans la rue pendant qu’on étudiait La Tour de Garde dans la congrégation. Des soldats britanniques se sont présentés sur le perron. Ils ont dit aux frères qu’aux abords du village, un des leurs venait d’être tué et un autre grièvement blessé. Par conséquent, toute la zone était soumise à un couvre-feu. Les soldats ont demandé à frère Rendell de dire aux assistants de rentrer immédiatement chez eux. Le lendemain, tous les hommes de la région, y compris frère Rendell, pourtant un Britannique, ont été rassemblés dans un camp entouré de fil de fer barbelé pour y être interrogés. Bien évidemment, les Témoins de Jéhovah n’avaient rien à voir avec l’assassinat. Ils ont donc été relâchés et ont ainsi pu poursuivre les préparatifs de l’assemblée.

Toutefois, il est fréquemment arrivé que des activités théocratiques soient annulées à la dernière minute à cause des restrictions et des couvre-feux consécutifs à des affrontements entre l’EOKA et les forces britanniques. Personne ne pouvait rester dehors après la tombée de la nuit, de sorte qu’il a fallu tenir les réunions dans la journée. Par moment, les gens n’avaient pas le droit de sortir de chez eux pendant plusieurs jours d’affilée, parfois même pendant quatre jours. Tout le monde se méfiait de tout le monde. Beaucoup avaient peur d’exprimer leur opinion. Mais les Témoins de Jéhovah ont continué, malgré les restrictions, à être une source de réconfort pour les personnes sincères.

Fin du régime colonial

La lutte contre la domination britannique a duré jusqu’en 1960. Puis, le 16 août à minuit, est née la République de Chypre, qui devint par la suite membre des Nations unies. Il y a eu de grandes manifestations d’allégresse, les Chypriotes grecs pensant s’être enfin libérés de toute forme de domination étrangère. Mais avaient-​ils trouvé la vraie liberté? Qu’allait-​il arriver aux Témoins de Jéhovah sous cette nouvelle république? Les faits parlent d’eux-​mêmes.

Avant la fin de l’année 1960, les Témoins avaient déjà été l’objet de deux attentats à la bombe. Qui étaient les responsables de ces méfaits? Le premier attentat a eu lieu à Xylophágou. Deux bombes ont été déposées sur le porche de la Salle du Royaume. Cet acte visait manifestement les Témoins de Jéhovah en tant que groupement religieux. Les bombes ont explosé après minuit, ne blessant donc personne, mais endommageant la Salle du Royaume.

Le deuxième attentat s’est produit à Pentayiá. On a jeté une bombe dans la maison où logeaient quatre pionniers spéciaux. Fort heureusement, ils étaient en train de prêcher à ce moment-​là. Le propriétaire de la maison connaissait le responsable de cet acte. Il a dit: “Je vais aller voir l’évêque et lui demander de payer les dégâts. En même temps, je lui dirai que s’il veut faire des disciples du Christ, il ferait mieux de prêcher comme le font les Témoins de Jéhovah, plutôt que de recourir à la violence.”

Un frère, qui s’était installé avec sa famille dans le village de Liopétri pour aider la petite congrégation qui s’y trouvait, a lui aussi été la cible d’actes d’intolérance. Il n’était pas rare qu’il soit l’objet de menaces du genre ‘nous le brûlerons vivant’, ou bien, ‘nous le tuerons’. Un jour, il était plus de minuit quand un groupe de fanatiques en cagoules ont encerclé sa maison et commencé à tirer des coups de feu. Ils ont crié au frère que s’il ne partait pas le lendemain ils le tueraient. La police ne leur ayant offert aucune protection, lui et sa famille ont décidé de quitter le village. Néanmoins, malgré les tentatives d’intimidation dont les frères ont été victimes, il y a aujourd’hui une congrégation à Liopétri. Récemment, cette congrégation a même construit une jolie Salle du Royaume.

Un acte méprisable a été perpétré dans la nuit du 11 septembre 1962. Andréas Psálti et sa femme Nína, ainsi qu’Eunice McRae, se trouvaient dans la maison de missionnaires de Famagouste quand des hommes en cagoules ont fait irruption par une fenêtre. Ils ont battu frère Psálti. Puis ils ont ligoté les deux sœurs et leur ont rasé la tête pour les humilier. (Voir 1 Corinthiens 11:6.) Ils ont quitté la maison, non sans avoir tout saccagé.

Les tensions entre les deux principaux groupes ethniques de l’île ont abouti en décembre 1963 à une flambée de violence. C’est à Trákhonas, une banlieue de Nicosie où vivaient des Chypriotes grecs et turcs, que les combats ont été les plus violents. Un certain nombre de Témoins de Jéhovah habitaient Trákhonas. Ils y avaient même construit une grande Salle du Royaume. Au péril de leur vie, leurs compagnons vivant en dehors de la zone de troubles leur ont apporté de la nourriture. Malheureusement, un frère, Andrónikos Michaelídis, a été tué à coups de couteau alors qu’il se rendait à son travail.

Leur intégrité est mise à l’épreuve

En 1964, l’intégrité des jeunes Témoins a été mise à l’épreuve. Le conflit entre les communautés grecques et turques de l’île s’éternisant, le gouvernement chypriote a ratifié une loi de conscription. Les Témoins en âge d’aller à l’armée qui étaient appelés sous les drapeaux avaient une grave décision à prendre. Soumis aux pressions, adhéreraient-​ils aux enseignements de Jésus Christ? Au plus profond d’eux-​mêmes, étaient-​ils vraiment des chrétiens neutres (Mat. 26:52; Jean 17:15, 16)? Continueraient-​ils à se confier en Jéhovah de tout leur cœur? — Prov. 3:5, 6; És. 2:2-4.

Beaucoup ont démontré leur foi. Néanmoins, certains ont fait des compromis et ont cessé de faire partie de la congrégation chrétienne, qui est neutre. D’autres jeunes Témoins ont choisi de quitter l’île, si bien que le nombre moyen des proclamateurs a chuté de 516 en 1963 à 394 en 1966. Les congrégations se sont quelque peu découragées.

On a pris des dispositions pour affermir la foi des frères. Pour ce faire, on a organisé des assemblées d’un jour au cours desquelles on a prodigué des conseils bibliques opportuns. Les résultats ont été encourageants. Mais les épreuves étaient loin d’être terminées pour autant.

Ils veulent faire le mal par décret

En juin 1966, l’organisation de Jéhovah a été la cible d’une nouvelle attaque. Le Conseil des ministres a présenté au Parlement un projet de loi qui aurait pu avoir de graves conséquences sur l’œuvre de prédication accomplie par les Témoins de Jéhovah. Il s’agissait d’une loi condamnant le prosélytisme. Le texte de loi stipulait que quiconque se rendait au domicile des citoyens pour faire des prosélytes ou distribuait des publications de nature religieuse serait passible d’une peine d’emprisonnement (jusqu’à deux ans) et d’une amende.

De nombreuses lettres de protestation ont été adressées à la Chambre des représentants de Chypre. Des entretiens ont eu lieu avec des personnalités officielles de Grande-Bretagne et des États-Unis. La Société a envoyé une lettre au secrétaire général des Nations unies. Toutes ces démarches ont abouti. Le texte de loi qui devait faire date n’a pas été présenté à la Chambre.

Lancement d’un programme de construction

L’œuvre de proclamation du Royaume prenant de l’ampleur, les frères avaient de plus en plus besoin de lieux de réunion convenables. En 1967, alors qu’il n’y avait que 431 proclamateurs, la filiale de la Société à Chypre a mis en place un fonds de construction. Les proclamateurs ont réagi avec enthousiasme à cette initiative.

En avril 1968, frère Henschel a beaucoup encouragé les frères durant sa visite de zone. C’est à cette époque qu’un autre couple de missionnaires, Loúis Kopsiá et sa femme Stélla, est arrivé à Chypre. Frère Kopsiá a été des plus utile dans le cadre du programme de construction en aidant à l’organisation du travail et en donnant de lui-​même de façon exemplaire.

L’enregistrement en mars 1960 de l’association The Jehovah’s Witnesses’ Congregation (Cyprus) Ltd a été capital pour ce qui est de la réalisation de projets de construction. Les statuts permettaient, entre autres, l’obtention de titres de propriété.

C’est à Famagouste que l’on a réalisé le premier projet de construction. Il s’agissait d’une Salle du Royaume spacieuse comptant 230 places. Elle n’a pas servi uniquement à la congrégation de Famagouste. En effet, on a pu y tenir des assemblées de circonscription, car une cour couverte d’une magnifique vigne grimpante attenait à cette salle.

Par la suite, on s’est intéressé aux bureaux de la filiale. Pendant environ 20 ans, les locaux utilisés avaient été loués. La Société a donc acheté un terrain à Agios Dométios, dans la banlieue de la capitale. Les frères y ont construit un bâtiment de trois étages, comprenant une Salle du Royaume au rez-de-chaussée. En 1969, ce bâtiment a été inauguré par frère Franz, alors vice-président de la Société Watch Tower.

Entre temps, une belle Salle du Royaume a été construite à Xylophágou, où la première congrégation de l’île avait été formée au début des années 30. Dans ce village, une vive opposition s’était manifestée quand les premiers habitants à s’être intéressés à la vérité s’étaient mis à prêcher. Mais quand ils ont vu les frères et sœurs travailler ensemble pendant trois week-ends, plus de 15 heures par jour, à la construction de leur Salle du Royaume, certains villageois n’ont pu faire autrement que d’être favorablement impressionnés. Une Salle du Royaume de 450 places se dresse aujourd’hui au centre du village. En utilisant les extérieurs, il est possible d’y organiser des assemblées de circonscription et de district.

Une autre Salle du Royaume a ensuite été construite à Limassol, station balnéaire de la côte sud et deuxième ville de l’île. Au-dessus de la Salle du Royaume, on a aménagé des logements pour les missionnaires. Quand il a fallu abandonner les locaux de la filiale à Nicosie en 1974, une partie de l’espace situé au-dessus de la salle a été transformé en bureaux.

Paphos, ville citée dans la Bible, n’a pas été oubliée. Certes, au début le nombre des proclamateurs a augmenté lentement. Mais depuis quelques années on enregistre un accroissement extraordinaire dans la région de Paphos, de sorte qu’il a fallu y agrandir la Salle du Royaume, où se réunissent maintenant deux congrégations.

Une jolie Salle du Royaume a été construite à Lárnaka. Une salle en préfabriqué a été remplacée par un lieu de culte plus convenable à Liopétri, un village situé dans la région appelée kókina choriá, ou villages des terres rouges, en raison de la couleur rouge du sol.

Des proclamateurs zélés et des pionniers spéciaux se sont dépensés dans le nord-ouest de l’île, une région sauvage et magnifique connue des touristes pour les célèbres “bassins d’Aphrodite”. Vu l’accroissement, les frères ont acheté un petit terrain à Póli Chrysokhoús. Une Salle du Royaume de 70 places y a été construite et sert aujourd’hui de centre pour l’exercice du vrai culte dans cette région.

Mariages et enterrements

Pendant des années, il n’a pas été facile aux Témoins de Jéhovah de Chypre de se marier ou d’enterrer leurs morts, car les autorités ne leur reconnaissaient pas le statut de religion. Pour la majorité des Chypriotes grecs, on ne pouvait se marier, ou être enterré, que par l’Église établie. Néanmoins, en 1948, l’avocat de la Société a déposé une demande auprès des autorités coloniales britanniques pour que le gouvernement octroie à un ministre Témoin de Jéhovah l’autorisation de procéder à des mariages. En 1949, les frères ont eu la joie de lire dans le Journal officiel qu’un Témoin, Sávvas Droussiótis, était agréé par le gouvernement pour célébrer les mariages. Avec le temps, d’autres frères ont eux aussi reçu cette autorisation.

Les enterrements posaient également un problème. Les prêtres orthodoxes s’opposaient souvent à ce que les Témoins de Jéhovah et leurs enfants soient enterrés dans ce que l’Église appelait des “sols consacrés”. Dans les villes, où chaque religion avait son cimetière, le problème était particulièrement épineux. Dans les villages, la situation était quelque peu différente. En effet, les habitants payaient une taxe couvrant les frais d’enterrement dans le cimetière. Cependant, il est arrivé que des prêtres contestent le permis d’inhumer. Il n’était pas facile pour les frères de faire face à ces tracasseries en même temps qu’à leur chagrin. Il fallait trouver une solution.

Finalement, en 1950, les autorités ont permis aux Témoins de Jéhovah d’avoir leur propre cimetière. Un frère a fait don d’une parcelle de terre située non loin de la capitale. Des années plus tard, en 1989, il a fallu disposer d’un autre cimetière. Les frères ont reçu l’autorisation d’utiliser un terrain dans le village de Níssou, où se trouvent actuellement les locaux de la filiale. Ces dispositions ont été une bénédiction pour le peuple de Jéhovah. Les frères ont ainsi pu démentir les prêtres orthodoxes qui disaient aux gens que ‘s’ils devenaient Témoins de Jéhovah, ils seraient enterrés comme des chiens’.

Les Témoins de Jéhovah avaient le droit légal de célébrer des mariages. Mais, en 1971, des opposants ont tenté de rendre ce droit caduc. Le préfet de Nicosie a fait savoir aux frères que désormais, avant de pouvoir célébrer un mariage, il fallait que les deux futurs époux produisent un certificat émanant de l’archevêché et attestant qu’ils n’étaient plus membres de l’Église orthodoxe grecque. Bien évidemment, l’archevêque ne se montrait guère empressé de délivrer ces certificats. Concrètement, cela signifiait qu’aucun Témoin de Jéhovah ne pourrait se marier. Néanmoins, certains fonctionnaires attachés à l’idée de liberté ont compris que cette obligation relevait d’une machination du clergé. Ils ont appuyé les frères dans leurs démarches, et cette exigence a été supprimée.

L’assemblé internationale “La victoire divine”

En novembre 1972, frère Knorr est venu à Chypre dans le cadre des préparatifs des assemblées internationales “La victoire divine”. Il était prévu d’organiser des visites guidées des pays bibliques en même temps que les assemblées. À la plus grande joie des frères, Chypre était concernée par ces dispositions. C’est ainsi qu’en juillet 1973 une assemblée internationale devait se tenir dans la capitale, à Nicosie.

Les frères se sont mis immédiatement à la recherche d’un stade, ou de tout autre lieu convenable, mais leurs démarches n’ont pas abouti, principalement parce que les fonctionnaires et les exploitants de locaux craignaient la réaction de l’Église. Il a donc été décidé d’utiliser la propriété entourant une grande Salle du Royaume à Trákhonas. La Société possédait déjà une parcelle en face de cette salle, et il a été possible également de louer le terrain qui se trouvait à côté. Cela n’a pas été une mince affaire de construire un toit en bambou destiné à protéger tous les assistants du soleil. La journée, les frères et sœurs ont travaillé sous une chaleur de plus de 40° C pour le réaliser.

L’une des plus grosses difficultés résidait néanmoins dans l’approvisionnement en eau. Il n’avait pas beaucoup plu l’hiver précédent de sorte que l’eau était rationnée et n’était distribuée que trois jours par semaine. Que faire? Un frère, dont la maison se trouvait à côté de la Salle du Royaume, avait un puits dans son jardin. Il voulait bien que les frères l’utilisent, mais cela faisait déjà un certain temps que plus personne n’était venu puiser de l’eau. Combien allait-​on en remonter? Après avoir nettoyé le puits et installé une pompe, les frères ont attendu le résultat en retenant leur souffle. Une quantité d’eau suffisante s’est mise à couler! Mais était-​elle potable? On l’a testée. Le résultat? Elle était on ne peut plus potable! On aurait dit un miracle. Les frères étaient heureux que Jéhovah ait résolu cette difficulté de taille.

En raison de l’activité inhabituelle qui se déroulait autour de la salle, les opposants n’ont pas tardé à comprendre que quelque chose de spécial se préparait. Un matin, peu avant l’aube, le frère qui habitait la maison située à côté de la salle a été réveillé par la lueur de flammes. Un tas de branches de bambou brûlait sur le site de la construction. Un incendie criminel! Les ennemis engageaient de nouveau les hostilités. Il fallait être plus prudent.

De nombreux visiteurs qui ne connaissaient pas le grec allaient venir sur l’île. La Société a donc demandé de préparer à leur intention des petites scènes illustrant certaines coutumes locales et la façon de vivre des Chypriotes. Tous les matins, entre 8 h et 9 h 30, les assistants ont ainsi pu suivre avec beaucoup de plaisir ces petites scènes instructives avant le début du programme. Des visites guidées des sites historiques ayant un rapport avec la Bible ont également été organisées.

Les frères de Chypre ont retiré beaucoup de joie et de force de l’assemblée internationale. Ils ont pu côtoyer des Témoins de nombreuses nationalités. Ils ont pris davantage conscience de ce qu’est la famille internationale des frères. En outre, l’opposition suscitée par l’Église orthodoxe à l’occasion de l’assemblée leur a fait de la publicité, ce qui a permis à beaucoup plus de personnes de connaître leurs activités.

1974: une année de bouleversements

Chypre était la Mecque des touristes. L’économie était en plein essor. De nombreux Chypriotes pensaient que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais, le 15 juillet 1974, un bouleversement important s’est produit.

Depuis longtemps, les habitants de l’île étaient divisés sur le plan politique. Dans la communauté grecque, deux factions s’opposaient. D’une part, il y avait les partisans du président, l’archevêque Makários, et de l’autre, ceux du défunt général Geórgios Grívas, le célèbre chef de l’EOKA qui avait dirigé la lutte contre la domination coloniale britannique. Finalement, le 15 juillet 1974, un coup d’État a renversé le président Makários et a coûté la vie à de nombreuses personnes. Mais tout cela n’était que le prélude d’événements plus dramatiques encore.

Après 14 années passées en Angleterre à cause d’une santé fragile, Don Rendell était revenu à Chypre en 1972, et servait comme surveillant itinérant. Il vivait sur la côte nord de l’île, à seulement 60 kilomètres de la Turquie. Voici comment il a raconté ce qui s’est passé:

“J’habitais avec Paul Andréou, mon compagnon [de service], dans le village de Karákoumi à environ 2 kilomètres à l’est de Kerýnia. Il devait être cinq heures ce matin du 20 juillet quand j’ai entendu une forte explosion. De la fenêtre de la cuisine, j’ai vu une colonne de fumée monter du port de Kerýnia. Une station de radio turque de l’île a annoncé que, en raison de la situation instable créée par le coup d’État des Chypriotes grecs, des troupes turques débarquaient dans le nord de l’île afin de protéger la minorité turque vivant à Chypre. Nous nous sommes soudain rendu compte que nous étions au beau milieu du théâtre des opérations. Nous avons compté 75 hélicoptères dans le ciel. Des parachutistes étaient largués juste derrière les montagnes qui entourent la ville. Les bombardements de la marine et de l’aviation ont duré plusieurs jours. Nous avons dû quitter notre maison un soir assez tard, car les Turcs se dirigeaient sur notre village.

“Après quelques jours passés en montagne, nous sommes rentrés chez nous, mais des troupes turques n’ont pas tardé à nous encercler. Nous n’avons pas été maltraités. Nous nous demandions ce qu’étaient devenus les frères de la petite congrégation de Kerýnia. Un peu plus tard, nous avons retrouvé la famille de frère Kyriazís, soit sept Témoins en tout. Nous étions heureux de nous revoir. Le lendemain, alors que nous étudiions le texte du jour assis sous un arbre de son jardin, des soldats turcs sont arrivés. Ils nous ont demandé de rentrer dans la maison. Peu après, on nous a emmenés à l’hôtel Dome qu’occupaient des unités de l’ONU. Ni Paul ni moi n’avons été autorisés à rentrer chez nous. Avec frère Kyriazís, sa famille et 650 autres personnes, on nous a gardés dans cet hôtel de Kerýnia. Au bout de quelques jours, comme j’étais citoyen britannique, on m’a emmené à Nicosie, escorté à travers le no man’s land, puis relâché. Quant aux frères d’expression grecque, ils sont restés à l’hôtel plusieurs mois avant d’être libérés. Pendant ce temps, ils sont demeurés forts sur le plan spirituel en se réunissant régulièrement pour étudier la Bible et en prêchant la bonne nouvelle aux personnes détenues avec eux à l’hôtel.”

Quelle a été l’issue de ce coup de force militaire? L’armée turque occupait environ le tiers de l’île et on comptait plus de 200 000 réfugiés, dont des Témoins de Jéhovah. Plus de 300 frères ont perdu tous leurs biens et quatre congrégations ont été dispersées. Le Béthel est resté debout, mais sa façade portait les traces de la guerre, les trous laissés par l’impact des balles. La vie ayant plus de valeur que les biens matériels, les frères ont abandonné les locaux de la filiale. Néanmoins, quand les combats ont pris fin, ils ont essayé de récupérer certains fichiers. Arrivés sur place, ils se sont rendu compte que des soldats les avaient devancés. La porte d’entrée avait été forcée, et un soldat avait écrit sur l’un des murs: “Dieu ne nous aime pas, car nous n’avons rien trouvé ici qui ait beaucoup de valeur.”

Un comité a immédiatement été formé pour venir en aide aux frères réfugiés. Ceux qui n’avaient pas souffert de la guerre ont hébergé leurs compagnons chrétiens. Les Témoins de Jéhovah de Grèce ont envoyé rapidement des secours et la filiale de Grande-Bretagne des fonds. Les frères chypriotes ont vraiment été touchés de l’attention que le Collège central leur a manifestée lors de ces moments difficiles. Le lien qui unit les serviteurs de Jéhovah est vraiment merveilleux!

On trouve une Salle d’assemblées

Les Chypriotes turcs ont fui le sud de l’île pour trouver refuge dans le nord. C’est ainsi qu’à Limassol les frères ont eu l’occasion de signer un contrat avec un Turc, propriétaire d’un cinéma, avant qu’il ne quitte la ville. Le bâtiment avait bien souffert des affrontements. Mais les frères ont travaillé avec acharnement à sa remise en état et aux réparations du toit. Une des congrégations de Limassol a commencé à se réunir dans ce cinéma. Il comportait 800 places en tout, et il y avait suffisamment d’espace autour pour installer les services nécessaires au fonctionnement d’une assemblée. Il avait toujours été difficile de trouver un endroit convenable pour les assemblées. C’était donc exactement ce dont les frères avaient besoin.

Mais, bientôt, après la mort de l’ancien propriétaire, certains fonctionnaires ont voulu récupérer le cinéma. Finalement, un arrangement a été trouvé avec les autorités au terme duquel les frères pouvaient utiliser le cinéma et les dépendances. Au fil des années, nombre d’améliorations ont été apportées au bâtiment afin qu’il réponde aux normes élevées du culte de Jéhovah Dieu.

À l’époque de son acquisition, le cinéma offrait suffisamment de places pour tous les Témoins de Chypre. Par contre, en 1994, il a fallu y organiser trois assemblées de district pour accueillir tous les Témoins et les personnes bien disposées.

Une question impliquant la conscience chrétienne

En 1978-​1979, la position de neutralité adoptée par les Témoins de Jéhovah lorsqu’ils sont appelés sous les drapeaux a fait l’objet de plusieurs articles de journaux. Comme la loi ne prévoyait rien pour les objecteurs de conscience, des Témoins ont été condamnés à des peines d’emprisonnement.

Depuis 1980, au moins 130 Témoins de Jéhovah ont été emprisonnés en raison de leur position de neutralité. Certains ont même été remis en prison une seconde, une troisième, voire une quatrième fois. Le cas de Geórgios Anastási Pétrou, 28 ans, est significatif. Le 1er juillet 1993, il a été condamné pour la quatrième fois pour objection de conscience, cette fois-​ci à 6 mois de prison. Au total, ses peines d’emprisonnement s’élevaient à 2 ans et 2 mois. Dans son numéro du 9 septembre 1993, le journal Cyprus Weekly publiait au sujet de ce Témoin une protestation soulevée par Amnesty International: “Malheureusement, rien n’empêche les autorités de le mettre en prison une cinquième, une sixième, une septième fois. N’est-​il pas temps que les autorités cessent de le harceler?”

Chaque semaine, des anciens rendent visite aux frères emprisonnés en raison de leur position de neutralité pour étudier avec eux La Tour de Garde et discuter de divers sujets bibliques. Les Témoins remercient les autorités pénitentiaires pour leur coopération rendant possibles de telles visites. Les frères confrontés à la question de la neutralité voient dans leur situation une occasion de démontrer leur foi et de consacrer plus de temps, même en prison, à l’étude individuelle de la Bible. Voici ce qu’ont dit certains d’entre eux: “Nous sommes prêts à rester en prison aussi longtemps que Jéhovah le permettra.” “Nous n’avions jamais étudié autant auparavant.”

Diverses organisations humanitaires ont adressé des lettres au gouvernement pour demander que soit tranchée la question de l’objection de conscience. Le résultat? Eh bien, un certain nombre d’articles de presse ont conseillé aux autorités de modifier la loi en imitant ce qui se fait habituellement en Europe. Par exemple, le journal Alithia, dans son édition du 24 janvier 1994, a dit au sujet des objecteurs de conscience: “Il faut que cette question soit réglée au plus tôt conformément aux recommandations de l’Europe et de l’ONU.”

Le Parlement européen a encouragé les États membres de la Communauté européenne à donner un statut légal aux objecteurs de conscience. En 1993, dans le Nomikó Béma, une gazette juridique de Chypre, un long article pressait les autorités chypriotes de se pencher sérieusement sur ce que des pays comme la Suède et les Pays-Bas ont fait dans ce domaine.

De nouveaux locaux pour la filiale

En 1981, certains changements administratifs ont été opérés à la filiale. On a demandé à Don Rendell, qui servait alors à la filiale de Grèce, de retourner à Chypre pour y assumer la responsabilité de coordinateur de filiale. L’année suivante, un couple de Chypriotes grecs, Andréas Kontogiórgi et sa femme Máro, qui étaient pionniers spéciaux en Angleterre, est venu grossir la famille du Béthel de Chypre. À Limassol, le bâtiment devenait quelque peu exigu. C’est donc avec joie que la famille du Béthel a appris en 1985 que le Collège central avait donné le feu vert à la construction de nouveaux locaux pour la filiale.

Certes, les frères étaient impatients de commencer les travaux, mais auparavant il fallait surmonter certaines difficultés. D’abord, où construire? On a décidé que le terrain que possédait à Limassol l’Association des Témoins de Jéhovah ferait l’affaire. En 1987, on a donc soumis des plans à la municipalité et déposé un permis de construire. Mais, dès que le projet de construction des Témoins de Jéhovah a été rendu public, des représentants de l’Église orthodoxe grecque sont allés chez les habitants du quartier pour leur faire signer une pétition. La municipalité a donc refusé de délivrer le permis de construire. Voici les raisons invoquées: ‘La menace que représente l’octroi du permis de construire pour le maintien de l’ordre public et de la sécurité.’ ‘La destination du bâtiment.’

Le refus de la municipalité étant manifestement le reflet de préjugés religieux, les frères ont porté l’affaire devant les tribunaux. La décision de justice a été favorable aux Témoins de Jéhovah. La minute du jugement stipule que la municipalité n’était “pas en droit de refuser le permis de construire en invoquant l’ordre public et la sécurité”. On pouvait lire plus loin: “Toutefois, l’autre raison avancée, à savoir ‘la destination du bâtiment’, (...) révèle la raison profonde pour laquelle la demande de permis a été refusée.” Il a été utile de régler ainsi la question devant la justice.

Cependant, avant même que le tribunal ait rendu son verdict, il était devenu de plus en plus évident qu’il n’était pas sage d’installer la filiale dans un endroit où l’opposition était si vive. C’est alors que, de façon providentielle, un frère a proposé de vendre à la Société une propriété qu’il possédait à Níssou, un village situé à quelques kilomètres seulement de Nicosie. Celle-ci comprenait un bâtiment de quatre appartements érigé sur un terrain d’un demi-hectare. Derrière, il y avait un verger de citronniers et, sur le devant, un patio entouré d’arbustes à fleurs et de palmiers. La Salle du Royaume de la congrégation de Níssou se trouvait juste à côté. Vraiment, on ne pouvait espérer mieux. Le site offrait davantage de place qu’à Limassol, on aurait très peu de modifications à apporter au bâtiment et la filiale se trouverait au centre de l’île. En outre, le voisinage était amical. En 1988, après que le Comité d’édition du Collège central a donné son accord, la propriété a été achetée. La famille du Béthel a déménagé en juin de la même année.

Des décisions de justice favorables à l’œuvre du Royaume

Outre l’affaire concernant les locaux de la filiale, il a fallu entreprendre à plusieurs reprises des poursuites en vue de “l’affermissement légal de la bonne nouvelle” à Chypre. Parfois, les frères ont même saisi la Cour suprême de l’île. — Phil. 1:7.

L’une des questions fondamentales à éclaircir était la suivante: Les Témoins de Jéhovah constituent-​ils une “religion connue”? Si oui, ils pourraient jouir du même statut que les autres religions. L’article 18 de la constitution chypriote déclare:

“1) Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

“2) Toutes les religions dont les doctrines et les rites ne sont pas secrets sont libres.

“3) Toutes les religions sont égales devant la loi.”

Le législateur a défini une “religion connue” comme une “religion que tout le monde peut ‘connaître’, une religion dont les dogmes et les principes ne sont pas secrets, et dont l’exercice est public”. Les Témoins de Jéhovah répondent à tous ces critères.

Cependant, ils étaient toujours l’objet d’une certaine discrimination de la part du corps enseignant. Des écoles refusaient de faire figurer les “Témoins de Jéhovah” dans la liste des religions de leurs étudiants, bien qu’il fût habituel d’indiquer celles-ci dans les dossiers scolaires. On a porté la question devant les autorités compétentes. Le ministre de l’Éducation a déclaré: “Nous ne connaissons pas de religion portant le nom de Témoins de Jéhovah. Nous voyons dans les Témoins de Jéhovah un mouvement, une organisation.”

Dans un mémorandum adressé au ministre de l’Éducation et daté du 16 avril 1991, le procureur général a examiné la question à la lumière de la constitution chypriote. Il en a conclu que les Témoins de Jéhovah constituent une “religion connue” et qu’il importait donc de mentionner leur religion dans les dossiers scolaires.

Cet avis du procureur général a eu d’heureuses conséquences sur d’autres questions d’ordre juridique relatives aux Témoins de Jéhovah. Un mémorandum de neuf pages émanant de son bureau a stipulé que les ministres Témoins de Jéhovah devaient être traités de la même manière que les ministres des principales religions de Chypre. À une époque où les opposants se manifestaient de nouveau, ce document a permis d’appuyer une décision prise par les autorités en juillet 1990 au sujet des Témoins de Jéhovah. Au terme de cette décision, les anciens et les serviteurs ministériels des congrégations de Témoins de Jéhovah étaient exemptés du service militaire, leur statut de ministres du culte étant reconnu.

L’opinion exprimée par le procureur général a également eu une incidence sur le paiement des impôts. Le 17 juin 1992, le ministre du Commerce a fait savoir que l’organisation des Témoins de Jéhovah était exonérée de la taxe foncière, et que les sommes qu’elle avait versées depuis 1981 lui seraient remboursées.

Il va sans dire que les Témoins de Jéhovah de Chypre sont reconnaissants aux fonctionnaires qui font abstraction des préjugés et traitent toutes les religions avec impartialité.

L’œuvre de rassemblement se poursuit

Aujourd’hui, cela fait quelque 70 ans que la bonne nouvelle du Royaume de Jéhovah a pénétré dans l’île de Chypre. Qu’est-​ce qui a été accompli pendant toutes ces années?

D’un bout à l’autre de l’île, dans les villes, dans les villages et à la campagne, les gens ont maintes et maintes occasions d’entendre le message de la Bible. Quelques personnes espérant devenir membres du Royaume céleste ont été trouvées à Chypre, et un nombre beaucoup plus grand est actuellement rassemblé et nourrit l’espérance de vivre éternellement sur une terre transformée en paradis. Début 1985, on a franchi la barre des 1 000 proclamateurs à Chypre, tous chantant publiquement les louanges de Jéhovah.

Mais les choses n’en sont pas restées là. En mars 1994, on comptait 1 544 Témoins actifs dans l’île. Cette même année, l’assistance au Mémorial s’est élevée à 3 141 personnes. Beaucoup réagissent donc favorablement à l’œuvre consistant à faire des disciples et manifestent le désir d’apprendre toutes les choses que Jésus a commandées à ses disciples. Il y a 16 congrégations à Chypre, toutes zélées au service de Jéhovah. Au cours de la dernière année de service, l’esprit pionnier s’est propagé, particulièrement chez les jeunes. En mars, 295 proclamateurs, soit 19 % des Témoins de Chypre, ont participé à une forme ou à une autre du service de pionnier.

On a également pris des dispositions pour former les frères avec l’objectif qu’ils endossent davantage de responsabilités. Les efforts ont surtout porté sur les anciens dans les congrégations et sur l’organisation des assemblées.

Les proclamateurs doivent être persévérants pour parcourir régulièrement leurs territoires. La crainte de l’homme est toujours bien présente à Chypre où les communautés vivent en vase clos, surtout dans les villages.

Quand l’amour de la vérité biblique s’enracine dans le cœur d’une jeune personne, c’est parfois elle qui aide le reste de sa famille à surmonter la crainte. Dans un petit village, c’est ce qui s’est passé au sein d’un foyer composé de six membres (le père, la mère et quatre jeunes enfants). Un pionnier a commencé à étudier la Bible avec la maman. Après la troisième étude, elle est venue aux réunions des Témoins. Mais, devant l’opposition de sa famille, elle a arrêté d’étudier. Cependant, sa fille de neuf ans n’a cessé de pleurer que lorsque sa maman a accepté de reprendre l’étude. Bientôt, toute la famille assistait aux réunions. En 1994, cette femme s’est fait baptiser. Aujourd’hui, son mari étudie ainsi que cette fillette.

Les proclamateurs qui s’acquittent fidèlement de leur ministère continuent de trouver de telles personnes humbles. Ils apprennent aussi à cultiver les fruits de l’esprit de Dieu. De plus, ils démontrent qu’ils sont de fidèles partisans de la souveraineté de Jéhovah.

Des Chypriotes sincères trouvent la vraie liberté

L’histoire de Chypre est marquée par la domination de différentes puissances étrangères. De nombreux Chypriotes ont sacrifié leur vie à ce qu’ils croyaient être la cause de la liberté. Cependant, les résultats n’ont pas été à la hauteur des espérances. Aujourd’hui, beaucoup ont perdu les terres qu’ils avaient héritées de leurs ancêtres et n’ont plus aucun espoir de les retrouver un jour. Certains Témoins de Jéhovah sont dans cette situation difficile à vivre.

Mais la vraie liberté ne dépend pas de l’endroit où l’on vit ou de ce que l’on possède. Elle est le résultat de la connaissance exacte de la vérité renfermée dans la Bible, connaissance qui libère de la superstition et de la peur. Elle balaie l’intolérance religieuse pour faire place à l’amour pour Dieu et le prochain. Elle montre la voie de la délivrance du péché et de la mort à tous ceux qui exercent la foi dans les dispositions que Jéhovah a prises par l’intermédiaire de Jésus Christ pour le salut des hommes. C’est cette bonne nouvelle que les Témoins de Jéhovah annoncent à des personnes de toutes sortes.

Les chefs religieux, comme ils l’avaient déjà fait à l’époque où Paul et Barnabas ont prêché à Chypre, continuent de s’opposer à la propagation de la bonne nouvelle. Tout au long de l’histoire moderne des Témoins de Jéhovah de Chypre, c’est l’Église orthodoxe grecque qui a été la principale instigatrice de l’opposition. Mais les Témoins ont toujours gardé présent à l’esprit ce qui est écrit en Jérémie 1:19: “Et assurément ils combattront contre toi, mais ils ne l’emporteront pas sur toi, car ‘je suis avec toi’, telle est la déclaration de Jéhovah, ‘pour te délivrer’.”

Les Témoins de Jéhovah de Chypre sont convaincus que Jéhovah continuera de les délivrer de leurs ennemis et qu’il les sauvera lors de la grande tribulation à venir pour les faire entrer dans le monde nouveau. Alors se réaliseront, au propre comme au figuré, les paroles consignées en Michée 4:4: “Et ils seront assis chacun sous sa vigne et sous son figuier, et il n’y aura personne qui les fasse trembler.” Certes, il est des Chypriotes qui peuvent dès aujourd’hui s’asseoir sous leur vigne et sous leur figuier, mais dans la peur. Sur “la terre habitée à venir” dont parle la Bible, il sera possible de vivre dans de telles conditions, mais sans être tenaillés par la peur de la violence, de la guerre, et même de la maladie et de la mort. Ce sera une véritable libération! Oui, Jéhovah a fait cette promesse: “Voici, je fais toutes choses nouvelles.” Et d’ajouter: “Ces paroles sont fidèles et vraies.” — Héb. 2:5-9; Rév. 21:4, 5; Ps. 37:9-11.

[Carte/Illustrations, page 66]

(Voir la publication)

CHYPRE

Paphos

Nicosie

Limassol

Lárnaka

Xylophágou

Famagouste

Salamine

[Illustrations, page 71]

Antónis Spetsiótis (à droite) et Andréas Chrístou, les premiers Témoins de Xylophágou.

[Illustrations, pages 72, 73]

À Paphos, l’apôtre Paul a prêché à Sergius Paulus en dépit de l’opposition d’un sorcier. (À gauche: ruine du palais du proconsul.)

[Illustration, page 76]

Panagiotis Gabrielídis

[Illustration, page 79]

Níkos et Galátia Matthaïákis, des Témoins zélés connus pour leur hospitalité.

[Illustrations, page 80]

Quelques-uns des premiers missionnaires formés à l’École de Galaad:

1) Don Rendell

2) Antónis Sidéris

3) Emmanuel Paterakis

4) Antónios Karantinós

[Illustration, page 81]

Quelques-unes des sœurs qui ont été missionnaires à Chypre; de gauche à droite: Jean Baker, Yvonne Warmoes (Spetsiótis), Nína Constanti (Psálti).

[Illustration, page 86]

N. Knorr (2ème rang, à droite) avec des frères de Chypre et des missionnaires.

[Illustrations, page 87]

En 1951, une assemblée inoubliable s’est tenue aux cinémas Royal et Pallás.

[Illustration, page 91]

En 1955, des Témoins sur le point de se rendre dans leur territoire.

[Illustrations, page 100]

En 1973, une assemblée internationale a eu lieu à Nicosie sous un toit de bambou.

[Illustrations, page 107]

Salle d’assemblées de Limassol.

[Illustrations, pages 108, 109]

L’actuelle filiale de Chypre et la famille du Béthel.

[Illustration, page 115]

L’actuel Comité de la filiale de Chypre; de gauche à droite: Andréas Cósta Efthymíou, Andréas Kontogiórgi, James Petrídis.