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Guadeloupe

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IMAGINEZ-​VOUS aux Antilles, sur une petite île au sud de la Guadeloupe. Vous vous trouvez dans une ville qui compte seulement 6 000 habitants et où il ne s’est jamais rien passé de passionnant, ou du moins pas grand-chose. Mais, aujourd’hui, d’un bateau qui transporte régulièrement des passagers et des marchandises, on décharge sur le quai des tonnes de tubes en fer et de tôles d’aluminium. En l’espace d’une journée, ces pièces métalliques sont amenées dans la banlieue de la ville et montées. Une Salle d’assemblées de près de mille places est érigée. Nul besoin de pancartes pour annoncer l’événement. Tout le monde sait qu’un seul groupe peut organiser un tel rassemblement ici.

Puis, une semaine plus tard, trois autres bateaux accostent en même temps. La ville entière observe un millier de personnes — des hommes, des femmes et des enfants — se rendre du quai au lieu de l’assemblée. Elles portent des valises, des lits de camp et des provisions d’eau. Ce sont les Témoins de Jéhovah. Ils sont ici, non seulement pour assister à l’assemblée, mais aussi pour parler aux insulaires de la vérité renfermée dans la Bible. Au fil des années, tous les habitants de la Guadeloupe et des îles voisines les ont souvent rencontrés.

Comment la vérité biblique a-​t-​elle atteint ces îles pour la première fois? Quel genre de personnes vivent ici? Quelle sorte d’îles habitent-​elles?

Un mélange de cultures

L’île aux belles eaux (Karukera, comme l’ont appelée les Indiens Caraïbes); tel était le nom de la Guadeloupe bien avant que Christophe Colomb ne débarque ici en 1493. Les Indiens pensaient sans doute aux nombreuses cascades rafraîchissantes et à la beauté de la mer entourant l’île. Mais nous vous parlerons plus tard d’une autre sorte d’eau qui coule en abondance en Guadeloupe aujourd’hui. Ses effets sont plus magnifiques encore.

La Guadeloupe est formée en réalité de deux îles, et d’un certain nombre de dépendances plus petites (Marie-Galante, les Saintes, la Désirade, les îles de la Petite-Terre, Saint-Barthélemy et une partie de Saint-Martin). Sur une carte, les deux îles principales ressemblent à un papillon aux ailes déployées. À l’ouest, c’est la Basse-Terre, avec sa chaîne montagneuse volcanique; à l’est, c’est le plateau de la Grande-Terre, avec sa mosaïque de petites collines. Les plages aux eaux turquoise, la campagne verdoyante et la forêt tropicale aux nombreuses cascades rehaussent la beauté de ces îles.

Différentes races sont venues sur les rivages de la Guadeloupe. Les Arawaks, puis les Caraïbes, en ont été les premiers occupants avant l’arrivée des colons européens. Ce n’est que plus de 140 ans après le voyage de Christophe Colomb, voyage financé par l’Espagne, que des Européens se sont installés en Guadeloupe. Ces colons venaient de France et non d’Espagne. Peu à peu, ils ont éliminé les Indiens Caraïbes, construit des sucreries et fait venir des esclaves.

Sur le plan politique, la Guadeloupe est un département français, et de nombreux métropolitains s’y sont établis au cours des dernières décennies. Mais les habitants des îles principales sont surtout des Noirs dont les ancêtres ont été arrachés aux côtes africaines par la traite des esclaves. Quelque 10 % de la population descend toutefois des travailleurs venus de l’Inde après l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe, en 1848. Les îles des Saintes et de Saint-Barthélemy (deux des six dépendances) sont peuplées en grande partie par des Blancs pays, descendants des colons de la première heure, Bretons et Normands. Il s’y trouve aussi quelques familles libanaises et syriennes qui dirigent des entreprises commerciales.

La majorité de la population est catholique. La communauté indienne, bien que catholique par assimilation, conserve des rites hindous. Leurs poteaux sacrés ornés de pavillons aux couleurs vives se dressent çà et là dans la campagne. Les croyances d’un certain nombre d’Indiens sont encore imprégnées de superstitions ancestrales entretenues par les quimboiseurs (sorciers).

Néanmoins, les gens respectent généralement la Bible et croient qu’elle est la Parole de Dieu. Beaucoup citent des extraits des Psaumes dans leurs prières. En fait, la Bible est souvent ouverte, parfois non loin d’un cierge allumé, à un psaume censé apporter la protection et la bénédiction au foyer.

Le mélange de cultures — africaine, européenne et asiatique — a créé un mode de vie original où la gentillesse et la bonté prédominent. Grâce à ces qualités, il est agréable de converser avec nombre d’insulaires, et beaucoup réagissent favorablement au message concernant le Royaume.

D’humbles débuts

L’histoire des Témoins de Jéhovah en Guadeloupe est un bel exemple de ce que l’esprit de Jéhovah peut réaliser avec des personnes sincères et humbles qui acceptent l’invitation divine de ‘prendre l’eau de la vie, gratuitement’. (Rév. 22:17.) Les Témoins se sont rendus en Guadeloupe dès 1936. Cependant, c’est en 1938 qu’on a commencé à rendre régulièrement témoignage sur les quais du port de Pointe-à-Pitre.

L’électrification de l’île venait tout juste de commencer, et quelques rares voitures roulaient dans les rues. Le port était très animé. Des bateaux de tous tonnages y jetaient l’ancre. Des négociants ainsi que leurs employés circulaient, tandis que des débardeurs manipulaient des sacs volumineux, de lourdes caisses et d’énormes tonneaux. Pendant la pause de midi, un homme avait coutume de s’asseoir à l’ombre sur le pas d’une porte. Des ouvriers l’entouraient. Il parlait de la Bible. Cet homme, d’une quarantaine d’années, s’appelait Cyril Winston. Il était marié et natif de la Dominique, une île au sud de la Guadeloupe. Grand, les yeux gris, de belle prestance, il s’exprimait très posément en créole. Il était prédicateur à plein temps (pionnier), tout en travaillant dur pour subvenir aux besoins de sa famille.

Condé Bonchamp a été l’un des premiers à écouter avec attention Cyril Winston. “Nous travaillions ensemble, dit-​il, comme dockers sur le port. À midi, plusieurs ouvriers et moi-​même, assis autour de lui, aimions entendre ses explications bibliques. En peu de temps, il a rassemblé un petit groupe de personnes de la Dominique qui travaillaient avec nous et il a organisé des réunions. Nous étions cinq à y assister.”

Pour tenir les réunions, frère Winston a loué une pièce dans la case de René Sahaï et de sa femme. La case antillaise est faite de planches clouées à une structure de madriers en bois, avec le toit recouvert de tôles ondulées. À l’intérieur, les pièces sont séparées par des cloisons ajourées en hauteur pour permettre la circulation de l’air. On entend facilement les voix à travers le mur. Les jours de réunion, madame Sahaï entendait donc les discours. C’est ainsi qu’elle et son mari se sont intéressés à la vérité.

Noéma Missoudan (aujourd’hui Apourou) se souvient de son premier contact avec le groupe: “J’étais inquiète, car mon mari s’était mis à rentrer tard certains jours. Je craignais qu’il ne s’intéresse à une autre femme. Un soir, je l’ai suivi. C’était le 25 décembre 1939. Il est entré dans une case du faubourg de Pointe-à-Pitre. Quelques minutes plus tard, j’y suis entrée aussi. Quelle n’a pas été ma surprise de me trouver au milieu d’une douzaine de personnes! Je me suis assise et j’ai écouté.” C’est ainsi qu’elle a commencé à assister aux réunions. Comme il n’y avait pas d’électricité, chacun devait apporter une bougie.

Les rigueurs de la guerre

La France a déclaré la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939, après que celle-ci a envahi la Pologne. Les Antilles françaises en ont subi les effets, car, bientôt, le commerce avec la France a pour ainsi dire cessé. En 1940, la Guadeloupe a été administrée par le gouvernement de Vichy, qui collaborait avec les nazis. Les communications avec les États-Unis ont été coupées. La Guadeloupe ne pouvait plus exporter son rhum et ses bananes, ni importer des denrées alimentaires et d’autres produits. Un chargement de publications bibliques en provenance de New York a même été brûlé dans les docks du port de Pointe-à-Pitre.

Cependant, en 1940, les quelques personnes qui se réunissaient dans la banlieue de Pointe-à-Pitre pour étudier la Bible ont été constituées en un groupe isolé de Témoins de Jéhovah, sous la direction de la Société Watch Tower. C’était le premier en Guadeloupe.

Ils s’activent avec zèle, libérés de la crainte de l’homme

Certains de ceux qui assistaient aux réunions ont rapidement pris fait et cause pour la vérité. C’est ainsi qu’en septembre 1940, frère Winston a baptisé sept personnes dans La Lézarde, près de Petit-Bourg. Mais pourquoi baptiser dans une rivière alors qu’il y a de nombreuses plages d’accès facile? Les frères ont pensé que c’était plus approprié. Jésus lui-​même n’a-​t-​il pas été baptisé dans le Jourdain? Bien entendu, ce qu’il faut en réalité c’est seulement assez d’eau pour procéder à une immersion *.

Ces premiers disciples en Guadeloupe étaient sincères, zélés et n’éprouvaient pas la crainte de l’homme. Se remémorant les débuts de l’œuvre, frère Bonchamp racontait: “Le dimanche, nous allions prêcher. Nous n’avions aucune formation et possédions une connaissance très limitée des vérités bibliques. Chacun disait ce qui lui semblait bon. Convaincu d’avoir à convertir rapidement le plus grand nombre, je me suis posté devant l’église de Pointe-à-Pitre, à la sortie de la messe, et j’ai crié: ‘Peuple de Pointe-à-Pitre, écoutez la parole de Jéhovah (...).’ J’avais lu que c’était ainsi que faisaient les prophètes d’autrefois. Après avoir parlé un moment, un attroupement s’est formé. Certains écoutaient, d’autres faisaient du tapage. La gendarmerie se trouvant à proximité, j’ai été arrêté ainsi que mon épouse. Nous avons passé une nuit au poste.” Mais cela ne les a pas découragés.

Olga Laaland, un jeune homme de 20 ans, ne s’est pas non plus retenu de prêcher quand il a appris la vérité. Le deuxième dimanche après s’être joint au petit groupe de Témoins, il les a accompagnés dans l’œuvre de témoignage. Il est devenu un frère zélé et très entreprenant, quelqu’un qui ne craignait pas l’homme. Doté d’une voix tonitruante, il ne pouvait passer inaperçu.

Le témoignage public n’a toutefois pas été le seul domaine dans lequel la fidélité de ces chrétiens a été mise à l’épreuve.

L’humilité mise à l’épreuve durant l’isolement

Les frères possédaient très peu d’imprimés pour étudier la Bible. La plupart des 30 membres du groupe isolé de Témoins n’avaient pas encore atteint la maturité spirituelle. Les restrictions dues à la guerre les privaient de tout contact avec le siège de la Société. De plus, à la même époque, Cyril Winston est tombé malade et est rentré à la Dominique où il est mort trois mois plus tard. Les frères l’aimaient beaucoup, et ils ont alors laissé de graves difficultés se développer parmi eux. Ils désiraient servir Jéhovah, mais ils considéraient l’organisation surtout d’un point de vue humain. Frère Sahaï, chez qui se tenaient les réunions, se sentait responsable du groupe. Les autres ne l’ont pas entendu de cette oreille. Les luttes intestines ont atteint leur paroxysme le 29 novembre 1942 quand la majorité des membres du groupe menée par frère Missoudan a décidé de se retirer et de se réunir dans un autre lieu. Frère Sahaï a continué de tenir des réunions chez lui. Les divergences entre les deux groupes n’étaient pas doctrinales; il s’agissait de conflits de personnalités.

Malgré la division, les deux groupes donnaient le témoignage et des gens écoutaient. Il y avait des deux côtés des frères et sœurs sincères. Mais, quand les principes bibliques ne sont pas appliqués, on assiste à l’émergence de situations qui n’ont rien à voir avec le christianisme. “Qu’il n’y ait pas de divisions parmi vous”, déclare la Bible. ‘Efforcez-​vous sincèrement d’observer l’unité de l’esprit dans le lien unificateur de la paix.’ — 1 Cor. 1:10; Éph. 4:1-3.

C’est à cette époque critique que frère Sahaï a réussi à reprendre contact avec le siège de la Société. Celle-ci a apprécié ses efforts pour entrer en communication avec elle, ainsi que sa ténacité à faire entrer des publications bibliques dans l’île durant la guerre. Dans une lettre envoyée en Guadeloupe le 16 février 1944, frère Sahaï a été nommé directeur de groupe (surveillant-président). Il avait 30 ans. Bien qu’étant d’humble condition et d’apparence frêle, c’était un homme résolu qui ne mâchait pas ses mots.

Après avoir nommé frère Sahaï responsable de la congrégation, la Société a écrit à l’autre groupe: “Vous frères, qui êtes séparés, (...) vous devriez dorénavant être unis et coopérer avec lui à l’avancement des intérêts du Royaume. Tout comme Christ n’est pas divisé (...), ainsi le corps de Christ sur terre doit être uni (...). Nous croyons que votre dévotion au Seigneur et au Royaume vous poussera à mettre de côté tout sentiment personnel que vous pourriez avoir sur la question, et que vous vous en remettrez au Seigneur pour rendre tout jugement qu’il estimera nécessaire sur quiconque agit mal, et que chacun d’entre vous ira de l’avant et servira le Seigneur.” Cependant, les tentatives de réconciliation étaient difficiles. Certains pensaient que frère Sahaï ne remplissait pas les conditions requises pour sa charge. Beaucoup souhaitaient parvenir à l’unité dans le groupe, mais ils avaient du mal à mettre de côté leurs sentiments personnels. Comme les frères manquaient de maturité spirituelle, la scission a persisté jusqu’en 1948.

En 1944, la congrégation reconnue par la Société ne comptait que neuf proclamateurs.

Des réunions vraiment publiques

En vue de faire connaître le message de vérité renfermé dans la Bible, les Témoins présentaient des discours dans les rues, le soir, dans la douceur des soirées tropicales. L’orateur parlait suffisamment fort pour être entendu des assistants, mais aussi pour attirer l’attention des passants. Frère Laaland, avec sa voix puissante, a souvent participé à cette forme de service privilégiée. Voici quelques-uns de ses souvenirs: “Après le coucher du soleil, on se réunissait en cercle sous un arbre ou au coin d’une rue. L’orateur se tenait debout au centre, et des frères éclairaient l’endroit en tenant des flambeaux allumés. On commençait par le chant d’un cantique suivi d’une prière. Le discours pouvait durer 30 minutes ou une heure, selon ce que l’orateur avait préparé. Les thèmes variaient peu, ayant surtout pour but de démolir les enseignements de la fausse religion.”

Ces réunions ont permis à plusieurs personnes de venir à la vérité. Mais les exposés donnés n’étaient pas du goût de tout le monde. Parfois, à la faveur de la nuit, des gens lançaient des pierres; mais les frères ne bougeaient pas jusqu’à la fin de la réunion. Ils tenaient ce raisonnement: “Si, en temps de guerre, les soldats sont prêts à affronter les canons, pourquoi ne supporterions-​nous pas de recevoir quelques pierres pour la cause de la bonne nouvelle?” (2 Tim. 2:3). Plusieurs proclamateurs ont même été blessés à la tête. Un soir, une sœur tenait une grosse lampe à pétrole pour éclairer l’orateur lorsqu’une pierre lancée en direction de la lampe a manqué son but et a atteint un auditeur à la tête. Lorsque, par la suite, celui-ci est mort à l’hôpital, l’assaillant a été sévèrement puni par le tribunal.

Un frère est formé

En 1945, frère Laaland a décidé de se rendre en Guyane, où vivait sa mère. Il n’y avait pas de congrégation près de Saint-Laurent du Maroni, là où il s’est installé, mais cela ne l’a pas dissuadé de rendre témoignage.

L’Annuaire a rapporté plus tard: “Deux frères se sont rendus en Guyane en janvier. À Saint-Laurent, on leur a dit: ‘Il y a un homme, plus haut le long de la rivière, qui parle exactement comme vous.’ Les frères ont loué une voiture pour rechercher cet homme. Et, effectivement, ils ont trouvé là-bas un homme venu de Guadeloupe qui donnait des discours publics. Il n’avait pas de publications, mais cela ne le rendait pas muet au sujet du Royaume. Son plus grand ennemi était le prêtre qui se démenait pour avertir les gens de ne pas écouter ‘ce fou’.”

Frère Laaland a accompagné les frères qui rentraient à Paramaribo (Suriname), où il y avait une filiale de la Société. Là, il a rencontré des pionniers qui l’ont encouragé à entreprendre le service à plein temps. Il a appris à suivre l’intérêt et à diriger des études bibliques. C’est également à Paramaribo qu’il s’est familiarisé avec le fonctionnement de l’organisation théocratique, et il s’est rendu compte qu’il avait beaucoup à apprendre. Au bout de trois mois, il a été nommé pionnier spécial et est revenu à Saint-Laurent.

Ils cultivent l’unité de l’esprit

Pendant ce temps, la Société était consciente de la situation dangereuse qui régnait en Guadeloupe: deux groupes s’efforçaient de servir Jéhovah, mais n’étaient pas unis. En 1947, Joshua Steelman, un surveillant de circonscription d’expression anglaise, a été dépêché d’une île voisine pour rendre visite à la congrégation de Pointe-à-Pitre. Frère Steelman a été accueilli avec beaucoup de joie, et 26 personnes — manifestement des membres des deux groupes — l’ont accompagné dans le ministère pendant la semaine de sa visite. Malheureusement, il ne parlait pas français et, comme il l’a expliqué dans son rapport, les frères ne savaient ni lire ni traduire les instructions reçues en anglais. Il y avait un manque total d’organisation. Les frères étudiaient trois fois par semaine un livre de la Société, mais n’avaient pas de Tour de Garde. Cependant, frère Steelman a signalé l’ardent désir de participer à la prédication manifesté par les proclamateurs. Toutefois, ses conseils pour réunir les deux groupes n’ont pas eu d’effets immédiats.

À la demande de la Société, frère Laaland est revenu en Guadeloupe en 1948. Dès son arrivée, il a travaillé à la réconciliation des deux groupes. Certains frères étaient si désireux de retrouver l’unité qu’ils se sont levés à quatre heures du matin et se sont rendus sur une colline afin de prier Jéhovah de bénir leurs efforts pour parvenir à l’unité. Cette année-​là, vers le mois de mars, l’unité a été rétablie après plus de cinq ans de séparation. Le nombre moyen de proclamateurs est passé de 13 en 1947 à 28 en 1948, avec un maximum de 46. Comme le dit Psaume 133:1: “Voyez! Qu’il est bon et qu’il est agréable pour des frères d’habiter ensemble dans une étroite union!”

Toutefois, l’unité retrouvée n’était pas du goût de tout le monde. Quelques-uns ont montré clairement qu’ils ne la voulaient pas. Ils ont fondé une secte appelée “Le messager de Sion”. Ils ont édité des tracts et les ont distribués devant les lieux de réunion de leurs ex-compagnons dans la foi. Un de leurs dirigeants a acheté une moto pour suivre les Témoins et saper leur prédication. Cependant, au cours d’une de ses sorties, il est entré en collision avec une charrette à bœufs chargée de cannes à sucre; il est mort à l’hôpital. Par la suite, ce groupe n’a plus fait parler de lui.

Toutefois, pour cultiver l’unité de l’esprit, il ne suffit pas de se réunir et de prêcher (Éph. 4:1-3). À cette époque, en certains endroits, il était interdit aux sœurs de porter des bijoux, de se couper les cheveux ou d’entrer dans la Salle du Royaume la tête découverte. Cela venait d’une mauvaise compréhension de certains conseils des Écritures. Les frères avaient besoin d’une aide supplémentaire pour être vraiment unis à la famille mondiale des serviteurs de Jéhovah. Cette aide leur a été fournie fin 1948 lorsque la Société a envoyé en Guadeloupe deux missionnaires diplômés de l’École de Galaad.

Les deux premiers missionnaires

Les frères Kenneth Chant et Walter Evans, tous deux Canadiens, ont reçu des autorités françaises un permis de séjour d’un an en Guadeloupe. Grâce à eux, l’activité dans la congrégation s’est accrue. Mais cela a également suscité l’opposition, sans doute à l’instigation du clergé. Au début de 1949, les deux missionnaires ont reçu une note officielle leur ordonnant de quitter l’île sur-le-champ.

Néanmoins, leur court séjour avait fortifié les frères sur le plan spirituel. Ils avaient une compréhension plus affinée des principes bibliques, et ils s’appliquaient à suivre les mêmes méthodes d’organisation que les Témoins de Jéhovah du monde entier.

Une congrégation à Desbonnes

Peu à peu, les graines de vérité ont commencé à se répandre en dehors de Pointe-à-Pitre, la plus grande ville de Guadeloupe. Le fondement de la deuxième congrégation a été posé en 1941 lorsque Duverval Nestor est venu se faire soigner à l’hôpital de Pointe-à-Pitre. C’est là qu’il a entendu parler de la vérité pour la première fois et qu’il l’a acceptée. Après son retour, les frères ont continué de lui rendre visite et de l’affermir. Un pasteur adventiste a tenté de le détourner de la vérité et a été jusqu’à lui dire: “Je pensais que votre maison aurait pu faire un beau temple pour le Seigneur.” Eh bien, c’est ce qui s’est passé. Lorsque la deuxième congrégation a été fondée en 1948, c’est le foyer de frère Nestor qui a servi de Salle du Royaume. C’était à Desbonnes, un village niché au pied de la montagne, à 35 kilomètres de Pointe-à-Pitre.

Aujourd’hui, c’est une congrégation prospère de plus de 100 proclamateurs qui se réunit à Desbonnes, dans une belle Salle du Royaume construite en 1989.

Un témoignage zélé le midi

À Port-Louis, à quelque 20 kilomètres au nord de Pointe-à-Pitre, Georges Moustache a eu le privilège de semer d’autres graines de vérité concernant le Royaume, après avoir eu connaissance de la bonne nouvelle au même endroit en 1943. À propos de ces débuts, il a dit: “À l’usine sucrière de Beauport, chaque jour, durant la pause de midi, je faisais un discours improvisé dans l’atelier de menuiserie où je travaillais. Un ancien séminariste qui me harcelait m’a dit un jour: ‘Si vous adorez le vrai Dieu, alors voilà: la forge est allumée, essayez un peu de marcher sur le feu!’ Je lui ai répondu, ma voix retentissant dans tout l’atelier: ‘Arrière de moi, Satan, car il est écrit: “Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton Dieu.”’” — Voir Matthieu 4:5-7, Jérusalem.

Le dimanche, frère Moustache parcourait de nombreux kilomètres pour donner un plus ample témoignage à ses collègues qui désiraient en entendre davantage. Il prêchait souvent de huit heures du matin à sept heures du soir, parfois sans manger. Parmi ceux à qui frère Moustache rendait visite chaque semaine, il y avait le dirigeant d’un petit groupe d’adventistes de Port-Louis. Il n’a pas tardé à devenir Témoin. D’autres ont également accepté la vérité, dont Daniel Boncœur, qui sert toujours fidèlement, et Alfred Cléon, qui est resté ancien et fidèle jusqu’à sa mort survenue en août 1993.

Les eaux de la vérité coulent à Basse-Terre

Dans les années 40, les eaux de la vérité ont commencé à couler, d’abord faiblement puis en abondance, à Basse-Terre, la capitale administrative de la Guadeloupe. Alors qu’il se trouvait à Pointe-à-Pitre, Eugène Alexer, un menuisier, a entendu Cyril Winston expliquer les vérités bibliques. En 1948, la famille Alexer a pris position pour le vrai culte. Des réunions se tenaient régulièrement chez elle à Basse-Terre. Un an plus tard, Verneil Andrémont, un jeune homme, les a rejoints. Chaque dimanche, frère Missoudan ou frère Moustache, puis ensuite frère Laaland, parcouraient en autocar les 60 kilomètres séparant Pointe-à-Pitre de Basse-Terre afin d’aider les personnes bien disposées qui s’y trouvaient. Leurs efforts ont été récompensés. Aujourd’hui, quelque 45 ans après, huit congrégations prospèrent dans cette région: trois à Basse-Terre, une à Gourbeyre, deux à Baillif et deux à Saint-Claude.

À la même époque, dans la ville du Moule, sur la côte est de Grande-Terre, un petit groupe a commencé à se former après qu’un frère de Pointe-à-Pitre y est venu prêcher. Les membres de la famille Ruscade étaient parmi les premiers à prendre position pour la vérité dans cette ville; des réunions avaient lieu chez eux. Anasthase Touchard, le premier membre de ce groupe à devenir Témoin, a été plus tard un ancien très dévoué jusqu’à sa mort en 1986. Cinq congrégations, de plus de 100 proclamateurs chacune, œuvrent actuellement dans cette commune.

Un prêtre attire des auditeurs

Un dimanche de 1953, après avoir prêché la matinée dans le bourg de Lamentin, dans le nord-est de Basse-Terre, quelque 20 proclamateurs ont tenu une réunion publique sur la place du village, située bien sûr en face de l’église. Après un cantique, le discours biblique a commencé. Furieux, le prêtre du village a fait ouvrir et fermer à grand bruit les portes massives de son église de manière à couvrir les paroles de l’orateur. Cependant, sous la violence des chocs, une statue s’est détachée du mur et s’est fracassée sur le parvis. Redoublant de colère, le prêtre a fait sonner les cloches à toute volée. De nombreuses personnes ont accouru. L’attitude du prêtre en a choqué plusieurs. Il était impossible de continuer le discours en cet endroit, mais le propriétaire d’un magasin a invité l’orateur à le prononcer devant sa maison, ce qui a été fait en présence de nombreux assistants.

Il y a aujourd’hui trois congrégations florissantes, de plus de 100 proclamateurs chacune, dans cette commune. On y a aussi construit une vaste Salle d’assemblées.

Des jeunes gens ont suivi l’exemple du clergé et ont aussi essayé d’interrompre les réunions publiques. Lors d’un discours donné dans les environs du bourg de Sainte-Rose, un groupe de jeunes scouts catholiques ont entouré l’orateur et les quelques Témoins présents. Les uns ont commencé à souffler dans des clairons, tandis que d’autres tapaient sur le fond de grosses marmites en fer pour couvrir la voix de l’orateur. Léonard Clément n’a pas tenté de crier pour couvrir le tintamarre; il a poursuivi son discours en le mimant seulement par des gestes et le mouvement des lèvres. Très vite, les scouts ont capitulé et sont partis. Le frère a donc achevé son discours. Dans cette région aussi, on a peu à peu entretenu l’intérêt et on y compte à présent trois congrégations.

Fin d’une époque

Les réunions publiques en plein air en Guadeloupe sont aujourd’hui de l’histoire ancienne. En 1953, à la suite de désordres survenus lors de réunions politiques, les autorités ont interdit toutes les réunions publiques en plein air et l’utilisation de haut-parleurs à l’extérieur. Les frères ont alors dû rechercher d’autres lieux de réunion.

Néanmoins, de 1938 à 1953, les discours en plein air ont contribué à donner un puissant témoignage public. Les proclamateurs ont participé avec courage et zèle à cette activité. La plupart se rendaient aux réunions à pied, ou à deux sur une bicyclette. Quand ils avaient un peu d’argent, ils louaient un autocar pour la journée. En ce temps-​là, sur la centaine de proclamateurs, un seul possédait une voiture: une vieille Ford.

1954 — Une année marquée

Lorsque frère Knorr, alors président de la Société, et son secrétaire, Milton Henschel, sont revenus d’Amérique du Sud au début de 1954, leur avion a fait escale à l’aéroport de Pointe-à-Pitre. C’était au petit matin, ce qui n’a pas empêché les frères d’être là pour les rencontrer. Frère Knorr leur a promis de leur envoyer aussitôt que possible davantage de missionnaires pour les aider.

Il a tenu sa promesse peu de temps après. Le 17 mars 1954, deux passagers sont descendus d’un avion ayant atterri sur l’aéroport de Pointe-à-Pitre. Mais personne ne les attendait, car le vol avait beaucoup de retard. Cependant, les gendarmes ont offert de les conduire tous les deux à la blanchisserie de frère Laaland. Ces voyageurs étaient des frères français, récemment diplômés de l’École de Galaad. Le grand s’appelait Pierre Jahnke et l’autre Paul Touveron.

Quelques jours après que les deux missionnaires ont débarqué, frère Henschel est arrivé. Pendant ce temps, le Faith, le bateau de la Société utilisé par des missionnaires, était au port et l’équipage s’occupait d’organiser une assemblée qui devait se tenir dans une école à partir du 26 mars.

Au début, l’ambiance était joyeuse, mais les frères étaient quelque peu tendus, soucieux que tout se passe bien. Après quelques discours et démonstrations, un écran de fortune a été mis en place. Les frères ont alors regardé pour la première fois le film La Société du Monde Nouveau en action. Ce qu’ils ont vu de leurs propres yeux a renforcé leur conviction d’appartenir à l’organisation de Dieu. Tous les assistants ont été profondément émus de constater que l’organisation fonctionne dans la paix et l’unité. Les sœurs ont aussi remarqué que les chrétiennes des autres pays portaient des bijoux, mais sans ostentation. En outre, les assistants ont été encouragés d’apprendre que deux missionnaires étaient là, des frères envoyés par l’organisation et dont l’exemple dans le service de Jéhovah fortifierait la congrégation. L’émotion était à son comble ce soir-​là — trop forte pour le surveillant-président de la congrégation de Pointe-à-Pitre, Clotaire Missoudan. De retour chez lui, cette nuit-​là, il est mort dans son sommeil, sans que sa femme s’en aperçoive avant l’aube.

Le deuxième jour de l’assemblée, frère Henschel a annoncé l’ouverture d’une filiale de la Société Watch Tower en Guadeloupe. Elle dirigerait la prédication de la bonne nouvelle en Guadeloupe et en Martinique. Pierre Jahnke a été nommé surveillant de la filiale. On bénéficiait maintenant de la direction de l’organisation dont on avait tellement besoin dans ces îles.

Après l’assemblée, les deux missionnaires se sont mis à l’œuvre. Ils ont loué une petite case pour y installer la filiale. Plus tard, la Société a acheté un modeste pavillon à la cité-jardin du Raizet qui a abrité le bureau de la filiale jusqu’en décembre 1966. Tout en s’occupant des affaires de la filiale, frère Jahnke participait à la prédication à Pointe-à-Pitre, passant le plus de temps possible avec les frères. Frère Touveron, quant à lui, a visité les congrégations et les proclamateurs isolés en qualité de surveillant de circonscription jusqu’à ce qu’il estime nécessaire de rentrer en France au bout d’environ un an.

Une maison de missionnaires flottante apporte son aide

Les visites périodiques des missionnaires qui voyageaient d’île en île en bateau ont stimulé la reconnaissance envers l’organisation de Jéhovah. Pendant une dizaine d’années, la Société a possédé des bateaux qui ont servi de maisons de missionnaires flottantes dans les Antilles. Elle a d’abord utilisé une goélette de 18 mètres, le Sibia, par la suite remplacée par un bateau plus grand, le Light. On s’est également servi du Faith, un bateau de 22 mètres équipé d’un moteur à deux hélices. Les missionnaires qui voyageaient en bateau parlaient anglais (la plupart des proclamateurs guadeloupéens ne parlaient pas cette langue). Leurs visites étaient pourtant très appréciées. Les proclamateurs se souviennent encore du zèle de ces missionnaires qui prêchaient diligemment de longues journées avec les proclamateurs locaux.

Lors du dernier passage du Light en 1956, les missionnaires ont prêché du 26 juillet au 7 août 1956 dans les îles de Marie-Galante et de la Désirade. Sur Marie-Galante, ils ont projeté le film La Société du Monde Nouveau en action. Un assistant a dit: “Même si vous m’aviez donné 10 000 francs, vous n’auriez pu réjouir mon cœur autant que ce soir!”

Des pionniers sont envoyés de France

L’œuvre progressait bien en Guadeloupe et dans ses dépendances. Pour qu’elle continue d’aller de l’avant, la Société a envoyé deux pionniers supplémentaires de France. Nicolas et Liliane Brisart sont arrivés en décembre 1955. Frère Brisart est d’une nature enjouée et dynamique. Un territoire leur a été attribué dans les faubourgs très populeux de Pointe-à-Pitre.

Dans ce territoire, beaucoup d’habitants vivent dans des cases posées sur quatre pierres à 50 centimètres du sol. Les maisons sont toutes les unes sur les autres. Un jour, alors qu’il faisait des visites, frère Brisart a été victime d’un incident amusant. Il se souvient: “J’accompagnais ma femme qui dirigeait une étude biblique avec une dame âgée, mais sa case l’était bien plus! Invité à entrer, je me suis avancé vers le milieu de la pièce, quand, soudain, le plancher a cédé; je suis passé au travers. Je me suis confondu en excuses, mais la pauvre dame était encore plus gênée.”

Frère Brisart et sa femme ont parcouru ce territoire pendant environ huit mois, après quoi ils ont été nommés dans le service de la circonscription. En 1958, ils ont été invités à la 32classe de l’École de Galaad et ensuite renommés en Guadeloupe. Lorsqu’en 1960 frère Jahnke s’est marié et a fondé une famille, frère Brisart est devenu surveillant de filiale. Il est aujourd’hui encore le coordinateur du Comité de la filiale, et frère Jahnke, qui est resté en Guadeloupe, en est également membre.

L’opposition: une épreuve pour la foi

En raison de l’opposition religieuse parfois virulente, beaucoup de ceux qui acceptaient la vérité renfermée dans la Bible ont eu à prendre position dans des circonstances très difficiles. Flora Pemba était de leur nombre. Avec son mari, elle avait commencé à examiner la Bible. Mais, quand des voisins se sont mis à faire pression sur eux, son mari, qui tenait une petite épicerie familiale, a abandonné l’étude par crainte de perdre ses clients. Sa femme en revanche a persévéré et a fait de bons progrès sur le plan spirituel. L’atmosphère du foyer est devenue si tendue que cet homme a menacé de tuer sa femme. Après avoir découvert un grand couteau sous l’oreiller, elle s’est enfuie et s’est réfugiée chez une famille de Témoins, au prix d’une marche de 16 kilomètres à travers la forêt tropicale et les bananeraies. Alors qu’elle se cachait de son mari, elle a décidé de se faire baptiser, disant: “Si je dois affronter la mort pour ma foi, je veux être comptée parmi les serviteurs de Jéhovah.” Ainsi, un matin de 1957, avant le lever du soleil, elle a été baptisée dans la mer.

Malgré ses efforts de réconciliation, elle a perdu sa famille. Mais, conformément à la promesse de Jésus consignée en Matthieu 19:29, elle a gagné une grande famille spirituelle. Cette sœur fidèle a entrepris le service à plein temps, et 30 ans après, elle est toujours pionnière à Lamentin.

Une assemblée inoubliable

Des délégués originaires de 123 pays et archipels ont assisté à l’Assemblée internationale “La volonté divine”, organisée à New York en 1958. Il y avait 19 délégués de Guadeloupe. Ce qu’ils ont vu et entendu leur a permis de mieux apprécier la théocratie. Verneil Andrémont, un de ces délégués, a dit: “Cette assemblée a été une révélation pour moi. J’ai compris comment il fallait procéder.” Le surveillant de filiale a écrit, exprimant les sentiments de l’ensemble du groupe: “Nous ouvrions grand nos yeux et nos oreilles pour ne rien perdre de ce que nous pouvions voir et entendre. Pas seulement l’étendue inhabituelle du pays, ce qui surprend quand on arrive d’une petite île des Antilles, ni les gigantesques gratte-ciel, ou la densité incroyable du trafic dans les rues, mais le spectacle grandiose de vastes foules, oui, de multitudes de frères et sœurs venus des quatre coins de la terre, unis et en paix dans le culte du seul vrai Dieu. Ces foules remplissaient deux immenses stades.”

Certains pourraient considérer ces choses comme de peu d’importance, mais l’assemblée a eu des répercussions sur la vie des frères. Par exemple, Léonel Nestor, un frère de 78 ans dont la maison servait aussi de Salle du Royaume, a vu la nécessité de la peindre pour qu’elle représente mieux l’organisation de Jéhovah. Cette Salle du Royaume a été ainsi la première maison peinte du village.

De modestes débuts à Anse-Bertrand

Jusqu’en 1958, rares étaient ceux qui, dans la commune de Anse-Bertrand, située à la pointe nord de la Grande-Terre, avaient eu l’occasion d’entendre le message relatif au Royaume. Mais, cette année-​là, Marc Édroux a montré une Bible à Donat Tacita, un ami boulanger, et lui a dit: “Ce livre est la Parole de Dieu!” Ils étaient tous les deux catholiques pratiquants. Par la suite, quand un colporteur a proposé une Bible à Donat, celui-ci en a acheté une et s’est mis à la lire. N’étant pas très fort en français, il s’aidait d’un dictionnaire. Il a aussi invité son ami Marc Édroux à la maison, et tous deux ainsi que la femme de Donat lisaient et examinaient la Bible les mercredis et les samedis.

Désireux d’en apprendre davantage, Donat a cherché l’homme qui lui avait vendu la Bible, mais en vain. Cependant, un voisin lui a dit qu’un de ses cousins, Georges Moustache, était Témoin de Jéhovah et qu’il serait heureux de l’aider. S’appuyant sur ce que son voisin lui avait dit sur les Témoins de Jéhovah, Donat a même rendu visite à des personnes afin de leur donner le témoignage; il ne voulait pas que sa foi soit morte. — Jacq. 2:26.

Environ un an et demi plus tard, ayant appris par le voisin que les Témoins de Jéhovah allaient tenir une assemblée près de Pointe-à-Pitre, Donat, sa femme et Marc Édroux ont décidé de s’y rendre pour être baptisés. Ils n’avaient encore jamais vu de Témoin de Jéhovah. À leur arrivée, les frères les ont accueillis. Tous trois ont exprimé leur désir de servir Jéhovah et d’être baptisés. Les frères leur ont posé aimablement plusieurs questions et leur ont alors expliqué qu’avant de se faire baptiser ils avaient besoin d’une étude biblique. Ce groupe a été touché par la chaude ambiance qui régnait à l’assemblée. Ils sont rentrés à Anse-Bertrand résolus et affermis. Ils ont fait de rapides progrès dans l’étude de la Bible et se sont fait baptiser six mois plus tard.

Ils se sont empressés de communiquer les vérités bibliques aux habitants de leur village. Mais il y avait une forte opposition. Quand frère Brisart leur a rendu visite en tant que surveillant de circonscription, le prêtre catholique a tout fait pour l’empêcher de rester. Donat avait loué une chambre pour le surveillant de circonscription et sa femme. Mais, dès la fin du premier jour de prédication durant leur visite, le prêtre est intervenu et a exigé que la clé soit rendue. Sa tentative ayant échoué, il est allé trouver le propriétaire de la maison et a menacé d’excommunier sa mère s’il ne récupérait pas la clé. En entendant cela, la pauvre femme s’est évanouie. Le lendemain, le prêtre a fait une nouvelle tentative par l’intermédiaire d’un avocat, mais sans succès, car cette méthode était illégale. Au cours de la visite du surveillant de circonscription, on a trouvé des “brebis” et on a commencé des études bibliques. Quelques mois plus tard, au début de 1960, une assemblée de circonscription s’est tenue dans ce village, afin qu’un plus grand témoignage soit rendu. Lors du baptême, plus de 500 villageois sont venus sur la plage en spectateurs. Personne n’a prêché de maison en maison ce jour-​là. Chaque Témoin est resté sur la plage, entouré de personnes désireuses d’en apprendre davantage sur les Témoins de Jéhovah et le message qu’ils prêchent.

Depuis, deux congrégations ont été formées à Anse-Bertrand. Donat Tacita y est pionnier spécial depuis 22 ans et ancien.

On recherche un voleur... on trouve une brebis

Un jour, au début des années 60, la maison de missionnaires du Raizet a reçu la visite d’un gendarme. Il enquêtait sur un vol commis dans le voisinage. Frère Brisart et sa femme étaient là et ont saisi l’occasion pour lui donner le témoignage. Après avoir écouté, l’homme a demandé: “Comment puis-​je me procurer une Bible? Avez-​vous une adresse où écrire? Les choses dont vous parlez sont très sérieuses et donnent à réfléchir.” Une Bible lui a été remise sur-le-champ ainsi que d’autres publications. Une semaine plus tard, il a écrit une lettre contenant de nombreuses questions. Bientôt, il étudiait la Bible deux fois par semaine.

À propos de ce dénouement, frère Brisart a dit: “Même si ce gendarme n’a pas trouvé le voleur, nous avons nous, par la bonté imméritée de Jéhovah, trouvé une brebis!” Cet ex-gendarme est aujourd’hui ancien dans une des congrégations de Pointe-à-Pitre.

On trouve un lieu pour tenir les assemblées

Au fur et à mesure que l’organisation croissait en Guadeloupe, un problème se présentait qu’il fallait résoudre. Où trouver des salles pour tenir les assemblées? Pendant plus de dix ans, elles avaient eu lieu dans une école privée de Pointe-à-Pitre, ainsi que dans la salle des fêtes des Abymes et de Capesterre. Mais ces locaux étaient devenus trop exigus. Il fallait trouver une autre solution.

Il y avait un terrain vide à côté de la blanchisserie de frère Laaland. Le propriétaire a autorisé les frères à y tenir gratuitement l’assemblée de fin décembre 1964. En quelques jours, ils ont construit une structure en bois constituée d’étais fichés en terre et reliés en tête par des planches, le tout recouvert de prélarts en guise de toit. Les côtés étaient grand ouverts, facilitant l’accès aux sièges. La joie et la diligence au travail des frères ont été un grand encouragement pour les Témoins venus apporter leur aide. Et quelle bénédiction d’enregistrer un nouveau record d’assistance de près de 700 personnes! Manifestement, les frères devaient avoir leurs propres installations pour tenir leurs futures assemblées.

Ils ont conçu une structure tubulaire unique, recouverte de tôles d’aluminium, pouvant abriter 700 personnes. Et cette “Salle d’assemblées” était entièrement démontable! On comptait environ 450 proclamateurs en Guadeloupe à cette époque-​là. Aussi pensait-​on avoir suffisamment de place.

C’est en janvier 1966 que la structure a été utilisée pour la première fois à l’occasion d’une assemblée tenue dans les environs de Basse-Terre. Une foule enthousiaste de 907 personnes est venue dans la Salle d’assemblées et tout autour écouter le discours public. La salle était déjà trop petite! Au fil des années, il a fallu l’agrandir à maintes reprises.

Les assemblées de circonscription avaient souvent lieu en novembre, un mois pluvieux. En raison du mauvais temps, il y avait souvent beaucoup de boue. On a donc compris qu’il valait mieux venir chaussé d’une paire de bottes. Le week-end de la pleine lune était habituellement retenu pour l’assemblée afin que les frères puissent rentrer chez eux de nuit en bénéficiant de cet éclairage naturel. De plus, cela facilitait certains démontages aussitôt après la dernière session de l’assemblée.

La possibilité de déplacer la salle et donc d’organiser des assemblées dans n’importe quelle commune du territoire a eu d’excellents effets sur la prédication de la bonne nouvelle en Guadeloupe. Qui plus est, le montage et le démontage de la salle trois fois dans l’année ont donné aux frères l’occasion d’apprendre à travailler ensemble et à cultiver l’esprit d’abnégation. Il ne fait pas de doute que Jéhovah bénissait cette disposition.

Un mode de vie différent

En 1963, lorsqu’Armand et Marguerite Faustini ont quitté la France pour s’installer en Guadeloupe afin d’apporter leur aide dans le ministère, ils ont trouvé que la vie était quelque peu différente. Au début, ils étaient surpris lorsque des personnes, sans venir jusqu’à la porte, leur disaient simplement: “Entrez, s’il vous plaît.” Les gens étaient d’humble condition et pauvres, mais étaient souvent heureux d’échanger des fruits ou des légumes contre des publications bibliques. Ainsi, lorsqu’ils prêchaient, les Faustini se retrouvaient parfois chargés non seulement de publications, mais aussi de bananes, de mangues, de patates douces et d’œufs.

Ils ont été nommés dans le service de la circonscription. Frère Faustini se souvient: “Les frères nous accueillaient très chaleureusement, mais, en matière de ponctualité, il y avait de sérieux progrès à faire. À la campagne, la plupart n’avaient pas de montre et se basaient sur le soleil pour déterminer l’heure. Par conséquent, les réunions commençaient parfois avec une heure de retard. Avec la variation des saisons, nous avions quelques surprises.”

De l’aide pour Marie-Galante

L’année où les Faustini sont arrivés en Guadeloupe, un témoignage spécial a été donné dans l’île de Marie-Galante, distante d’une trentaine de kilomètres de Pointe-à-Pitre. Frère Faustini et un groupe de 16 pionniers auxiliaires ont passé un mois sur l’île afin de donner le témoignage à ses 14 000 habitants. Durant ce mois, le film La Société du Monde Nouveau en action a été projeté plusieurs fois. Puis, quelques années plus tard, des pionniers spéciaux ont été nommés pour prêcher dans l’île. Deux d’entre eux, Frédéric Ferdinand et Léo Jacquelin y ont élevé leur famille.

En avril 1969, il a été décidé de transporter la Salle d’assemblées et de tenir une assemblée à Marie-Galante, afin d’aider les pionniers spéciaux. Le surveillant de circonscription, frère Faustini, a écrit: “Ce fut une assemblée unique. Imaginez l’étonnement des habitants de Grand-Bourg, petite ville de 6 000 habitants, devant ‘l’invasion’ d’un millier de Témoins qui débarquaient de trois bateaux, chacun son bidon de 20 litres d’eau à la main! En cette période de sécheresse, l’eau était rare et les habitants de l’île appréciaient que leurs visiteurs apportent de l’eau, ce qui économisait celle encore disponible dans leurs citernes. C’était la première fois qu’ils voyaient cela: une file interminable de gens qui, depuis les quais, traversaient la ville jusqu’au site de l’assemblée. Les habitants de toute l’île reçurent la visite des Témoins, parfois plusieurs fois dans la même matinée. En quelques jours, ils purent connaître et apprécier l’organisation de Dieu.” Il y a maintenant trois congrégations à Marie-Galante.

Au bout d’une dizaine d’années, frère et sœur Faustini ont dû rentrer en France. Plus tard, ils ont pu revenir aux Antilles. Frère Faustini est aujourd’hui membre du Comité de filiale de la Martinique.

Les eaux de la vérité se répandent à la Désirade et aux Saintes

Depuis le dernier passage du bateau de la Société, le Light, en 1956, l’île de la Désirade, autre dépendance de la Guadeloupe, avait été peu visitée. Mais, en 1967, la Société a envoyé Médard et Turenna Jean-Louis comme pionniers spéciaux sur l’île. Longue de 11 kilomètres sur deux et demi de large, cette île est aride et dépourvue d’eau courante, mais 1 560 personnes y vivaient et il fallait leur donner l’occasion d’entendre le message concernant le Royaume. Deux autres pionniers spéciaux y ont prêché de 1969 à 1972. Un troisième, Jacques Mérinon, y a persévéré de 1975 à 1988 malgré les conditions de vie difficiles.

Au bout de nombreuses années, une petite congrégation a été établie. En 1987, Henri Tallet, un médecin, est venu s’y établir avec sa famille. Avec le concours de nombreux frères, notamment du Moule et de Saint-François, il a organisé la construction d’une Salle du Royaume.

Deux ans plus tard, la Désirade a été ravagée par le cyclone Hugo. Un frère a fait cette remarque: “La Salle du Royaume a été bien abîmée. Mais l’amour des frères est venu à la rescousse, et nous n’avons pas tardé à recevoir de quoi réparer la salle et les maisons endommagées des proclamateurs. Comme nous étions les premiers sur l’île à réparer, tout en continuant de prêcher, les gens du territoire l’ont remarqué et, depuis, ils nous acceptent mieux quand nous leur rendons visite.”

À 12 kilomètres de Basse-Terre se trouve l’archipel des Saintes qui compte 3 000 habitants. En septembre 1970, deux pionniers spéciaux, Amick Angerville et Jean Jabès, ont été nommés là-bas. Il leur a fallu beaucoup de patience, mais finalement, en 1980, une petite congrégation a vu le jour, congrégation qui compte maintenant 18 proclamateurs.

Saint-Martin entend la bonne nouvelle

La partie nord de Saint-Martin, île située à environ 250 kilomètres au nord-ouest de Pointe-à-Pitre, est également une dépendance de la Guadeloupe. L’île est moitié française moitié hollandaise, mais on y parle l’anglais couramment. Cependant, quelle que soit leur langue, les insulaires avaient besoin d’entendre la bonne nouvelle.

C’est au début des années 40, que Georges Manuel, natif de Saint-Martin, a appris la vérité alors qu’il se trouvait en Guadeloupe. Le Sibia, le bateau de la Société, a mouillé à Saint-Martin pour la première fois en 1949, et les membres de l’équipage sont descendus à terre pour parler de la Bible aux insulaires. Puis Georges Dormoy et Léonce Boirard, le capitaine du port, se sont fait baptiser. En 1953, il y avait six proclamateurs sur l’île.

Bien que n’étant guère religieux, Charles Gumbs figure parmi ceux qui ont accepté des publications. Quand il a lu La Tour de Garde, il a été convaincu d’avoir trouvé la vraie religion. Il a fait part de ce qu’il avait appris à son frère Jean et à sa sœur Carmen. Après avoir étudié quelque temps, Carmen Gumbs et sa fille Léone Hodge se sont rendues un matin à sept heures à la maison de missionnaires et elles ont demandé à être baptisées. Satisfait de constater qu’elles savaient ce qu’elles faisaient, le frère présent a fait appel à un autre frère et le baptême a eu lieu avant le petit déjeuner!

Ces deux sœurs ont vraiment compris la signification de l’offrande de leur personne à Jéhovah. L’année suivante, en 1959, Léone a entrepris le service à plein temps, suivie peu de temps après par sa mère. Trente-cinq ans plus tard, elles sont toujours de fidèles pionnières spéciales.

Une congrégation à Saint-Martin

Avec le temps, un nombre considérable d’Haïtiens ont commencé à émigrer à Saint-Martin pour y travailler. Certains ont accepté la vérité et, en 1973, une congrégation d’expression française a été établie. Deux pionniers spéciaux, Jonadab et Jacqueline Laaland, ont contribué à l’affermissement de cette congrégation jusqu’à leur départ pour l’École de Galaad.

Puis, en 1975, il s’est produit quelque chose qui a vraiment constitué un tournant dans l’œuvre du Royaume à Saint-Martin. Les 13 et 14 février 1975, une assemblée s’est tenue sur le terrain de football de Marigot. On y avait acheminé par bateau une partie de la Salle d’assemblées démontable afin d’avoir un abri. Cette assemblée a fait une très forte impression sur beaucoup d’insulaires. Elle leur a permis de comprendre que la poignée de Témoins sur l’île faisait partie d’une grande organisation.

En quelques années, la population de Saint-Martin est passée de 8 000 à 28 000 habitants, en raison de l’expansion du tourisme. Une belle Salle du Royaume de 250 places a été construite dans le quartier résidentiel de Marigot, et il y a maintenant deux congrégations d’expression française sur l’île.

De l’opposition à Saint-Barthélemy

Saint-Barthélemy, à 170 kilomètres au nord-ouest de la Guadeloupe, est une autre de ses dépendances. Elle était autrefois prospère grâce aux boucaniers qui en avaient fait leur repaire. Elle est aujourd’hui un lieu où on peut passer des vacances de luxe. Ses quelque 5 000 habitants sont les descendants de marins bretons et normands, ainsi que de colons suédois. Ils sont d’un naturel avenant, acharnés au travail et très catholiques. Certains d’entre eux allaient-​ils accepter le message relatif au Royaume?

En septembre 1975, Jean et Françoise Cambou, un jeune couple de pionniers spéciaux venus de France, se sont installés sur l’île afin de donner à ses habitants cette occasion. Malgré la vive opposition du clergé, ils ont semé d’abondantes graines de vérité durant leur séjour de trois ans sur l’île. Quelques années plus tard, Pierre, le frère de Jean, accompagné de sa femme Michèle, ont passé deux ans à Saint-Barthélemy comme pionniers spéciaux. Leur activité a été fructueuse. Un petit groupe pour l’étude et la prédication a été formé, soutenu ensuite par quatre pionnières spéciales dynamiques: Patricia Barbillon (maintenant Modetin, et pionnière spéciale en République dominicaine avec son mari), Jéranie Benin (maintenant Lima, et membre de la famille du Béthel avec son mari), Angeline Garcia (à présent Coucy, et prêchant dans le territoire hispanophone de Guadeloupe) et Josy Lincertin. Cette congrégation compte maintenant 18 proclamateurs.

Ils gardent leur neutralité chrétienne

Dans toutes les nations, les Témoins de Jéhovah sont neutres à l’égard des conflits du monde. Puisqu’ils ne participent pas aux conflits, ils ne s’entraînent pas en vue d’y prendre part. Aucun humain ne leur dicte ce qu’ils ont à faire; c’est à la Parole de Dieu même qu’ils obéissent (És. 2:2-4; Mat. 26:52; Jean 17:16). La fidélité de chaque Témoin est mise à l’épreuve en raison de son adhésion à cette Parole.

Lorsqu’un jeune Guadeloupéen s’est fait baptiser au milieu des années 60, il savait qu’il devrait bientôt subir cette épreuve. Pour affermir sa foi, il a tout de suite entrepris le service de pionnier auxiliaire. Appelé sous les drapeaux, il a expliqué aux autorités sa position chrétienne. Avec quelles conséquences? Il a été incarcéré, isolé dans une cellule. Des fonctionnaires l’ont menacé, en disant: “Si tu ne changes pas d’avis, tu feras au moins deux ans de prison. En plus, tu seras tout le temps seul en cellule; rends-​toi compte, tout seul pendant deux ans!” Mais le frère a répondu: “C’est peut-être ce que vous croyez, mais je ne serai pas seul comme vous dites, pas seul du tout! Jéhovah Dieu sera avec moi, et il m’affermira par son esprit.” Surpris par cette réponse, ils l’ont laissé. Sa fermeté, son calme, et sa bonne conduite leur ont fait une forte impression. Ils ont commencé à le respecter. Ils ont compris que rien ne pourrait changer sa décision d’être fidèle à “son Jéhovah”, comme ils disaient.

Les mois ont passé, et l’époque de l’assemblée de district 1966 “Fils de Dieu, fils de la liberté” est arrivée. Quelle n’a pas été la surprise du frère lorsqu’il a été relâché et a pu être présent le premier jour de l’assemblée! Au cours d’une session, il a raconté ce qui lui était arrivé. Il ne savait pas qu’un officier de l’armée était présent, mais habillé en civil. Après la session, celui-ci a abordé le frère et l’a félicité avec chaleur pour avoir fermement tenu à ses croyances. Puis, se tournant vers un autre frère qui se trouvait là, il a dit: “Tout ce que votre frère a dit est exact; tout s’est passé comme il l’a raconté. J’étais l’un de ceux qui se sont occupés de cette affaire. Vous avez là un homme de valeur, digne de respect, fidèle à son Dieu, et qui reste ferme. Il sait ce qu’il veut, et lorsqu’il dit non, c’est non; rien ne peut le faire changer d’avis.” L’officier a ajouté: “Savez-​vous ce que ma femme m’a dit? Elle a dit: ‘Ne pensez pas que vous, les hommes, vous avez fait ça de votre propre chef. Non, mais c’est son Dieu, Jéhovah, qui a fait ça pour lui afin qu’il assiste à l’assemblée. Son Dieu, Jéhovah, est plus fort que notre dieu.’” L’officier était visiblement ému, et il a dit en conclusion: “Je vous admire, et si par le passé j’avais eu la chance de savoir ce que vous savez sur Dieu, je ne serais certainement pas ce que je suis aujourd’hui.”

Des situations nouvelles

Avec le développement du tourisme et du commerce, à partir de 1970, la Guadeloupe a connu une plus grande prospérité. Cela a entraîné des changements dans le territoire. Il y a eu des migrations de population d’autres îles, en particulier de Dominique et d’Haïti. En janvier 1987, il a fallu former une congrégation d’expression anglaise à Pointe-à-Pitre. En outre, les gens semblaient de plus en plus pressés. Dans le cadre de la prédication de maison en maison, il est devenu indispensable d’utiliser des entrées en matière directes et efficaces afin de capter l’attention des personnes.

Il y a eu également d’importants changements au sein de l’organisation théocratique. En 1972, comme cela se faisait partout dans le monde chez les Témoins de Jéhovah, un collège d’anciens, au lieu d’un seul surveillant, a été nommé à la tête de chaque congrégation. Jusqu’alors, on avait coutume de dire: “La congrégation de frère Untel.” Les surveillants de congrégation jouissaient du respect de tous et avaient une grande autorité. Cependant, les frères ont accepté ces changements qui ont permis à l’organisation d’adhérer plus étroitement aux Écritures. Après l’entrée en vigueur de cette disposition, frère Brisart a déclaré: “Nous sommes touchés par l’excellent esprit de nos frères. Sans aucun doute, il s’agissait d’une épreuve d’humilité pour chacun d’eux. Nous sommes fiers de voir que tous l’ont passée avec succès.”

L’École du ministère du Royaume a également contribué à l’amélioration de la condition spirituelle des congrégations. La première classe en Guadeloupe avait réuni 19 anciens en 1961. Mais, 30 ans plus tard, quand des anciens sont venus de tout l’archipel afin d’être enseignés, ils étaient 300. Aujourd’hui, en moyenne cinq anciens pourvoient aux besoins spirituels de chaque congrégation.

Ces bergers spirituels se sont souciés avec amour du troupeau, non seulement dans des conditions à peu près normales, mais aussi lors de situations critiques.

Le respect de la loi de Dieu sur le sang

Comme certains membres du personnel médical ne respectent pas suffisamment les droits des malades, les Témoins de Jéhovah ont dû faire face à des situations pénibles pour ce qui est de se conformer à l’exigence divine de s’abstenir de sang (Actes 15:28, 29). Les anciens ont voulu aider davantage les Témoins confrontés à une urgence médicale. C’est ainsi qu’au début de 1987, le Comité de la filiale s’est réuni avec deux frères médecins pour discuter de ce qui pouvait être fait. Cet entretien a montré que de meilleurs contacts devaient être établis avec le milieu médical. Un comité a été mis en place dans ce but. Il a prévu une rencontre avec les anesthésistes qui s’est révélée très bénéfique.

Comme les Témoins de Jéhovah de la plupart des pays du monde, les frères de Guadeloupe ont à présent des comités de liaison hospitaliers. La Société a organisé des séminaires qui ont permis à 17 frères de recevoir une bonne formation dans ce domaine.

Un volcan menace

Les catastrophes naturelles font partie des situations difficiles que traversent les Témoins en Guadeloupe. En 1976, un volcan en repos depuis longtemps est redevenu actif. Depuis le début de l’année, les secousses étaient de plus en plus fréquentes. Le 8 juillet, vers neuf heures du matin, une faille s’est ouverte dans le flanc du volcan, libérant un énorme nuage de gaz et de vapeurs. Les poussières volcaniques se sont mises à tomber sur Basse-Terre et les bourgs avoisinants. Les gens et le sol ont été recouverts de poussière grise. Le 15 août, constatant une augmentation de l’activité sismo-volcanique, les autorités ont ordonné l’évacuation totale et immédiate de 72 000 personnes. Ce n’est que cinq mois plus tard qu’on leur a permis de rentrer chez eux.

Sept congrégations ont été évacuées. Une aide immédiate a été apportée pour loger les frères dans la détresse. Des proclamateurs qui se réunissaient et travaillaient ensemble étaient maintenant éparpillés de-ci de-là. En vue de fournir l’aide spirituelle nécessaire, une réunion spéciale s’est tenue avec les anciens et les serviteurs ministériels. Il leur a été demandé de rechercher et de localiser les proclamateurs de leurs congrégations respectives ainsi que de rester en contact étroit avec eux. Des dispositions spéciales ont été prises pour éviter que les membres du troupeau ne soient dispersés. Ils assisteraient aux réunions des congrégations où ils avaient été évacués, mais, en plus, ils se réuniraient dans une étude de livre spécialement créée à leur intention et dirigée par un ancien ou un serviteur ministériel de leur congrégation d’origine. Cette disposition a été une vraie bénédiction. Aucune brebis ne s’est perdue.

Une nuit de cauchemar

Treize ans plus tard, une autre situation critique est survenue. Le samedi 16 septembre 1989, l’ouragan Hugo a balayé sans pitié la Guadeloupe. Ce n’était pas la première fois que l’île était ravagée par un cyclone. En 1966, l’ouragan Inès avait emporté les toits de la plupart des cases et l’électricité avait été coupée pendant un mois. Mais le cyclone de 1989 a été beaucoup plus dévastateur. Les rafales de vent, soufflant parfois à plus de 260 kilomètres à l’heure, ont balayé l’île pendant des heures. La nuit a semblé interminable. Lorsque l’aube s’est enfin levée, le spectacle était ahurissant. Les rues jonchées de débris ressemblaient à un champ de bataille. Il y avait environ 30 000 sans-abri. Chez les Témoins, 117 maisons ont été détruites et 300 autres gravement endommagées. Huit Salles du Royaume ont été en partie détruites et 14 autres abîmées.

En 1966, quand le cyclone Inès avait semé la désolation, les Témoins de Jéhovah de Porto Rico, de Martinique, de Guyane et de Sainte-Croix avaient fourni des secours. Mais, lorsque l’ouragan Hugo a ravagé la Guadeloupe en 1989, le Collège central a rapidement débloqué des fonds. Les frères de Martinique, de France et d’ailleurs ont alors expédié d’urgence des vivres, des vêtements et des matériaux pour la reconstruction. Certains se sont déplacés pour offrir leur aide. Les frères et sœurs de Guadeloupe ont été profondément touchés par cette manifestation d’amour. Ils n’ont pas oublié ce qu’on a fait pour eux.

D’autres événements ont aussi renforcé les liens qui unissent la famille internationale des frères.

Première assemblée internationale

En 1978, les proclamateurs de Guadeloupe ont eu l’immense privilège d’organiser une assemblée internationale. Il y a eu une assistance record de 6 274 personnes, alors qu’à l’époque la Guadeloupe ne comptait que 2 600 Témoins. Quelle joie d’accueillir des délégués venus de Belgique, du Canada, de Suisse, des États-Unis et d’ailleurs! Lorsque le gérant d’un hôtel a suggéré aux frères chargés du logement de majorer de 10 % les tarifs appliqués afin d’empocher la différence, ceux-ci ont refusé en expliquant que ce serait malhonnête. Le gérant, honteux de sa suggestion, a dit alors: “Eh bien vous, les Témoins de Jéhovah, vous êtes vraiment différents. Je vous ai suggéré cela parce que d’autres organisations religieuses ont déjà accepté d’agir ainsi (...). Mais, vraiment, vous êtes différents!”

Le succès de l’assemblée a rendu plus évident encore le besoin urgent de trouver un lieu fixe pour les rassemblements.

Une nouvelle Salle d’assemblées

La Salle d’assemblées démontable avait été agrandie plusieurs fois. Elle était devenue un ensemble de structures pesant 30 tonnes et d’une capacité de 5 000 places. Son transport exigeait un travail colossal de montage et de démontage, à chaque assemblée. Mais il est clair que Jéhovah était conscient des besoins dans ce domaine.

Grâce aux offrandes généreuses de toutes les congrégations des îles, un terrain bien situé, de plus de cinq hectares, a été acquis. L’année suivante, en 1980, il a été utilisé pour la première fois — toujours avec la Salle d’assemblées démontable. Lors de l’assemblée de district “L’amour divin” tenue sur ce terrain, il y a eu une assistance record de 7 040 personnes. Mais, cette fois, il n’a pas été nécessaire de démonter quoi que ce soit à la fin de la dernière session. Quel soulagement!

On a procédé ainsi pendant plusieurs années. Puis on a compris que le moment était venu de construire quelque chose de définitif. Des frères qualifiés se sont mis à l’œuvre. Et une vaste salle très ouverte à la ventilation naturelle a été conçue. Cette nouvelle Salle d’assemblées devait être semi-circulaire et avoir une capacité de 4 000 places. Le permis de construire ayant été obtenu, les travaux ont commencé en 1987. En juillet, six mois après le début du chantier, la salle étant achevée aux deux tiers, elle a pu servir pour les deux assemblées de district de cette année-​là. Désormais, on en avait fini avec la boue et les bottes.

Des changements à la filiale

Pendant ce temps, des changements sont intervenus à la filiale. En février 1976, dans le monde entier, la gestion des filiales de la Société a changé. Au lieu d’avoir un seul surveillant par filiale, des dispositions ont été prises pour qu’un comité d’au moins trois membres assume cette responsabilité, sous la direction du Collège central. En Guadeloupe, ce sont les frères Nicolas Brisart, Pierre Jahnke et Jean-Pierre Wiecek qui ont été chargés d’exercer cette surveillance. Lorsque frère Wiecek, alors missionnaire, a dû rentrer en France, il a été remplacé par Flavien Bénin. Puis Paul Angerville et, plus tard, Jean Cambou, un surveillant de circonscription, ont été invités à faire partie du Comité de la filiale.

La Guadeloupe a aussi bénéficié de l’évolution technologique dans laquelle s’est engagée la Société à son siège mondial et dans ses filiales. La Tour de Garde, destinée à l’étude, a été reçue en même temps que les frères d’autres pays. Le ministère du Royaume a été imprimé simultanément en français et en anglais. Ainsi, de bien des manières, les Témoins de Guadeloupe se sentent davantage unis au reste de l’organisation. Bien que perdus au milieu de l’océan, ils ne se sentent pas isolés. Ils servent “à l’unisson” avec leurs frères dans la foi. — És. 52:8.

Des installations adaptées aux besoins d’une filiale en pleine expansion

En 1966, la Société avait acheté une maison au 46 Morne Udol, près de Pointe-à-Pitre, afin d’y installer le bureau de la filiale. Plus tard, on l’a agrandi en construisant à côté de la maison un immeuble comprenant des bureaux, le dépôt des publications et une Salle du Royaume. Mais avec l’accroissement du nombre des adorateurs de Jéhovah en Guadeloupe, il fallait voir plus grand. C’est ainsi que fin 1988 le Collège central a approuvé la construction d’un nouveau Béthel.

Cependant, trouver un terrain convenable sur une île aussi petite que la Guadeloupe est une gageure. Mais, Jéhovah, le Propriétaire de la terre, peut fournir ce dont on a besoin, et il l’a fait. Il a été possible d’obtenir, à Sainte-Anne, un terrain d’environ un hectare situé sur une colline dominant la mer. Le Bureau de construction de la Société à New York a fourni les croquis préliminaires et les plans. Michel Conuau, un architecte de France, a apporté sa précieuse collaboration. Grâce à la coopération du maire de Sainte-Anne, de sa municipalité et des services de l’urbanisme, le permis de construire a été accordé en un temps record.

Les travaux ont commencé en septembre 1990. Des volontaires de 14 pays ont apporté leur aide et ont partagé leur savoir et leur expérience. Au bout de deux ans, non seulement la construction était achevée, mais de profondes amitiés s’étaient aussi créées entre les Témoins de Guadeloupe et les volontaires des autres pays avec qui ils avaient travaillé. En 1954, lorsque Milton Henschel en personne avait annoncé la création de la filiale de Guadeloupe, il y avait 128 proclamateurs sur l’île. Il était également présent les 29 et 30 août 1992 — les proclamateurs étaient maintenant au nombre de 6 839 — pour dédier à Jéhovah Dieu les nouveaux et très beaux bâtiments de la filiale. Bien amicalement, des voisins les appellent “le petit village des Témoins de Jéhovah”.

Le territoire: une gageure

En Guadeloupe, le territoire limité est un défi que chaque proclamateur doit relever. On compte en moyenne 12 foyers par proclamateur. Comment faire face à cette situation? La préparation est indispensable. Une pionnière rapporte: “J’habitue les gens à me voir. Je trouve toujours de nouvelles études en faisant un travail en profondeur. Je pense à mon territoire en termes de personnes.” Le surveillant au service d’une des congrégations de Pointe-à-Pitre, où il y a un proclamateur pour 28 habitants, affirme: “Les gens sont prêts à nous écouter si nous avons quelque chose d’intéressant à leur dire.” Bien qu’un proclamateur puisse parfois se demander: “Où allons-​nous prêcher?”, le nombre toujours croissant d’études bibliques (actuellement plus de 8 500) encourage les Témoins à continuer de prêcher la bonne nouvelle.

L’utilisation directe de la Bible est un facteur déterminant qui contribue au succès du ministère. Les Guadeloupéens en général respectent la Bible et la considèrent comme la Parole de Dieu. Ils sont impressionnés lorsqu’on leur montre qu’elle explique la signification des événements actuels. L’emploi d’illustrations frappantes incite également les personnes à la réflexion. Les frères et sœurs âgés en particulier débordent d’imagination dans ce domaine. Le mode de vie de leurs jeunes années portait à la contemplation de la nature. Ils peuvent donc illustrer le message du Royaume en se référant, à l’exemple de Jésus, à la nature qui les entoure. — Mat. 6:25-32.

Plus belle que jamais

Jéhovah a réalisé de grandes choses en Guadeloupe au moyen de son esprit. Il y a trouvé des personnes humbles qui, comme l’argile malléable du potier, se sont laissé modeler selon sa volonté. À notre époque, le jour où il ‘ébranle’ toutes les nations avec ses messages de jugements, Jéhovah rassemble aussi “les choses désirables” et les fait entrer dans la cour terrestre de son grand temple spirituel (Aggée 2:7). En 1968, trente ans après l’arrivée de Cyril Winston, le premier millier de proclamateurs a été atteint. En 1974, ce chiffre a doublé. Le cap des 3 000 a été dépassé en 1982. Sept ans plus tard, les 3 000 sont devenus 6 000. Aujourd’hui, plus de 7 250 proclamateurs se réunissent dans 86 congrégations. En dépit du fait qu’il y a maintenant un proclamateur pour 53 habitants, les Témoins sont toujours résolus à rester très occupés à prêcher, à enseigner et à rechercher la bénédiction de Jéhovah. L’“île aux belles eaux” est devenue au sens spirituel plus belle que jamais. Nombreux assurément seront ceux qui répondront encore à l’invitation: “Viens!” Et ils recevront “l’eau de la vie, gratuitement”. — Rév. 22:17.

[Note]

^ § 23 Voir Actes 2:41 qui relate le baptême d’environ 3 000 personnes, sans doute pas dans le Jourdain — car il aurait fallu parcourir quelque 30 kilomètres à pied — mais dans une piscine à Jérusalem ou à proximité de cette ville.

[Carte/Illustrations, page 116]

(Voir la publication)

GUADELOUPE

GRANDE- TERRE

Pointe-à-Pitre

BASSE-TERRE

[Carte, page 151]

(Voir la publication)

GUADELOUPE

Saint-Martin

Saint-Barthélemy

La Désirade

Îles de la Petite-Terre

Les Saintes

Marie-Galante

[Illustration, page 120]

Condé Bonchamp, un des premiers habitants de Guadeloupe à prêter attention à la bonne nouvelle.

[Illustration, page 123]

Le mari de Noéma Missoudan (aujourd’hui Apourou) rentrait tard à la maison; elle l’a suivi... jusqu’au milieu d’une réunion des Étudiants de la Bible.

[Illustration, page 124]

René Sahaï baptise de nouveaux Témoins en 1945.

[Illustration, page 125]

Olga Laaland fait un rapport sur l’œuvre en Guadeloupe lors d’une assemblée en France.

[Illustration, page 130]

Duverval Nestor a d’abord entendu parler de la vérité, puis l’a acceptée alors qu’il se trouvait à l’hôpital.

[Illustration, page 131]

Georges Moustache donnait le témoignage tous les jours durant la pause de midi sur son lieu de travail.

[Illustration, page 133]

La congrégation de Basse-Terre à la fin des années 50.

[Illustration, page 136]

Un car bondé de proclamateurs partant prêcher à la campagne.

[Illustration, page 138]

Les missionnaires sur le “Light” ont témoigné avec zèle.

[Illustration, page 139]

Nicolas et Liliane Brisart ont été les premiers à être envoyés de France en Guadeloupe en 1955.

[Illustration, page 141]

Flora Pemba a pris position pour Jéhovah et a dû affronter de dures épreuves.

[Illustration, page 142]

De gauche à droite: Mickaëlla et Donat Tacita, avec Marc Édroux, en 1994.

[Illustration, page 143]

Verneil Andrémont, un des 19 délégués de Guadeloupe à l’assemblée internationale de 1958.

[Illustration, pages 146, 147]

La Salle d’assemblées démontable de Guadeloupe.

[Illustration, page 150]

Armand et Marguerite Faustini ont servi en Guadeloupe pendant 10 ans et sont maintenant en Martinique.

[Illustrations, page 158]

Elles ont plus de 100 ans; chacune d’elles sert Jéhovah depuis au moins 30 ans.

Laurentia Jean-Louis.

Catherine Gumbs.

[Illustrations, page 161]

Salle d’assemblées de Lamentin.

[Illustrations, page 162]

La filiale de Guadeloupe et la famille du Béthel.

[Illustration, page 167]

Le Comité de la filiale; de gauche à droite: Paul Angerville, Nicolas Brisart, Pierre Jahnke, Jean Cambou.