Hongrie
Hongrie
LE 25 juillet 1991 était une belle journée pour l’œuvre du Royaume en Hongrie. Cette date marquait l’arrivée du premier missionnaire formé par la Société Watch Tower et envoyé en Hongrie. À 13 h 03, László Sárközy et sa femme Karen ont atterri à l’aéroport de Ferihegyi au sud de Budapest. Ils venaient de Toronto, au Canada, où frère Sárközy avait servi après avoir été diplômé de l’École de formation ministérielle. Pour lui, c’était un retour au pays natal après plus de 27 années d’absence.
La Hongrie moderne est un pays du sud de l’Europe centrale dont la population dépasse les 10 millions d’habitants. Plus de 95 % d’entre eux sont d’origine magyare (hongroise), et environ les deux tiers sont catholiques. L’implantation du catholicisme dans ce pays remonte à plus d’un millier d’années. Peu de temps après l’introduction de cette religion, le prince Étienne fut couronné roi par le pape Silvestre II. Par la suite, la Hongrie prit le nom de Regnum Marianum (Royaume de [la Vierge] Marie).
Cependant, tout le monde en Hongrie n’est pas catholique. La première Bible complète publiée en hongrois, en 1590, a été traduite par un protestant, Gáspár
Károli. Cette traduction maintes fois révisée depuis, qui contient le nom divin, est actuellement la Bible hongroise la plus largement utilisée. La présence et l’influence des non-catholiques ont été reconnues par le gouvernement en 1868, avec l’entrée en vigueur d’une loi qui garantissait à tout individu le libre choix en matière d’éducation religieuse. En 1989, le gouvernement hongrois a étendu ce droit aux Témoins de Jéhovah. Il serait désormais possible d’envoyer des missionnaires dans le pays. Toutefois, l’activité des Témoins de Jéhovah était loin d’être nouvelle pour le peuple hongrois.La vérité biblique se propage en Hongrie
Quatre-vingt-treize ans avant l’arrivée de László et Karen Sárközy, La Tour de Garde (édition anglaise du 15 mai 1898) avait publié l’annonce suivante au sujet d’un frère du Canada : “ Nous faisons nos adieux à l’un de nos chers frères qui part pour son pays natal, la Hongrie, afin d’annoncer la bonne nouvelle à ses compatriotes. Professeur des années durant dans les écoles de son pays, il est versé dans le latin et l’allemand, aussi bien que dans le hongrois, et nous espérons que le Seigneur l’utilisera pour trouver et sceller quelques-uns des élus. ”
Manifestement, l’activité de ce frère a produit des résultats. Cinq ans plus tard, tandis que Charles Russell et ses compagnons de voyage visitaient Zurich, ils ont rencontré, parmi d’autres, deux chrétiens venant de Hongrie. En outre, plusieurs lettres, écrites par des frères hongrois et publiées en 1905 dans l’édition allemande de La Tour de Garde, montrent que certains recevaient des publications bibliques via l’Allemagne.
En 1908, Andrásné Benedek, une humble Hongroise qui était devenue Étudiante de la Bible (comme on appelait alors les Témoins de Jéhovah) est retournée à Hajdúböszörmény, ville située dans l’est de la Hongrie, pour faire connaître à autrui la bonne nouvelle qu’elle avait apprise dans la Parole de Dieu. Quatre ans plus tard, deux autres Étudiants de la Bible sont revenus des États-Unis. Ils avaient appris la vérité sur Dieu et ses desseins
en écoutant frère Russell donner des discours publics. À la fin du programme, frère Russell avait coutume de s’approcher des auditeurs qu’il avait déjà remarqués dans l’assistance lors de réunions précédentes. Il leur demandait : “ D’où venez-vous ? Quelle est votre nationalité ? Seriez-vous disposés à retourner parmi les vôtres pour leur communiquer la vérité ? ”L’un de ces deux Étudiants de la Bible, Károly Szabó, est revenu dans la ville de Maros-Vásárhely (aujourd’hui Tîrgu-Mureş, Roumanie), qui appartenait encore à la Hongrie. Quant à l’autre frère, József Kiss, il s’est joint à frère Szabó pour distribuer des publications dans cette région avant de retourner dans sa ville d’origine, Abara (à présent Oborín, Slovaquie). Leur activité a porté du fruit, puisque la famille de frère Szabó a accepté la vérité et que plus tard d’autres personnes du territoire ont pris position pour la vérité et ont participé à leur tour à la prédication de la bonne nouvelle.
La communauté hongroise en Amérique du Nord
Andrásné Benedek, Károly Szabó, József Kiss et le professeur venu du Canada ne sont que quelques-uns des nombreux Hongrois qui ont découvert la vérité en Amérique du Nord avant de retourner dans leur pays pour prêcher la bonne nouvelle. Tant de retours au pays natal sont bien la preuve qu’en Amérique la prédication auprès de la communauté hongroise battait son plein.
D’ailleurs, La Tour de Garde du 15 août 1909 rappelait aux frères qu’ils étaient “ des milliers à lire le magyar dans toutes les grandes villes de l’est et du centre des États ” d’Amérique. Pour cette raison, les frères ont été encouragés à commander et à distribuer gratuitement l’édition hongroise de la série de tracts intitulée La Tribune du Peuple. Avant la fin de l’année suivante, quelque 38 000 exemplaires avaient été diffusés aux États-Unis, au Canada et au Mexique. D’autres publications ont été éditées en hongrois au cours des années suivantes, par exemple les Études
des Écritures, le Scénario du Photo-Drame de la Création, La Tour de Garde, L’Âge d’Or et la brochure Des millions de personnes actuellement vivantes ne mourront jamais ! Plus tard, la Société a diffusé des émissions radiophoniques en hongrois pour propager la bonne nouvelle. En 1930, cinq stations émettaient 27 programmes en hongrois.Des obstacles surgissent en Hongrie
En 1911, à l’occasion d’une tournée de discours en Europe, durant laquelle il a visité au moins dix pays, frère Russell espérait pouvoir exposer à Budapest le thème “ Le sionisme dans la prophétie ”. Cependant, un rabbin juif de New York, qui s’opposait avec acharnement à l’œuvre accomplie par frère Russell, a poussé ses confrères d’Autriche-Hongrie à contrecarrer ce projet de réunion.
Plus tard, Károly Szabó a écrit à frère Russell : “ L’œuvre en Hongrie pose beaucoup plus de difficultés qu’en Amérique, car les frères et sœurs, à quelques exceptions près, sont très pauvres, et la prédication doit s’effectuer sur une bien plus petite échelle. (...) Il existe à présent quarante-deux petites classes dans différents districts (...). Les 11 et 12 mai derniers, nous avons tenu une petite assemblée à laquelle une centaine de personnes ont assisté (...).
“ Des prêtres et des pasteurs de confessions diverses ont cherché à stopper notre œuvre en recourant à la loi. Nous avons été traînés devant le tribunal. Jusqu’à présent nous avons réussi à défendre notre activité. ”
La vérité atteint la capitale
Un jour, avant la Première Guerre mondiale, un balayeur de rue de Budapest a découvert un tract des Étudiants de la Bible sous des détritus qu’il enlevait. À l’intérieur se trouvait une adresse dans Maros-Vásárhely. L’homme a montré le tract à sa femme, qui l’a lu avec beaucoup de plaisir et d’intérêt. Aussitôt, elle a écrit pour demander d’autres publications. Elles lui ont été
envoyées, et par la suite quelqu’un l’a contactée personnellement.En conséquence, un petit groupe d’étude a bientôt été formé, et cette femme, Mme Horváth, a proposé son foyer comme lieu de réunion. Situé place Tisza Kálmán (rebaptisée depuis place Köztársaság), ce lieu a été le premier utilisé par les Étudiants de la Bible de Budapest pour leurs réunions. Après la mort de sœur Horváth en 1923, les frères ont continué de se réunir dans son appartement, et il a servi provisoirement de bureau.
Frères Kiss et Szabó en prison
Jéhovah ayant béni le zèle des frères Kiss et Szabó et des autres, lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté des groupes d’étude s’étaient formés dans plusieurs villes en dehors de la capitale : Hajdúböszörmény, Bagamér et Balmazújváros dans l’est de la Hongrie, et Nagyvisnyó dans le nord. Il y avait un groupe non seulement à Maros-Vásárhely, mais également à Kolozsvár (Cluj), ces deux villes appartenant à présent à la Roumanie.
L’activité zélée des frères Kiss et Szabó agaçait le clergé, si bien qu’il a incité le gouvernement à engager une action contre eux. Tous deux ont été arrêtés et condamnés à cinq ans d’emprisonnement. Ils ont toutefois été libérés pendant la révolution de 1919 et, sans plus tarder, ils ont commencé à organiser la communication entre les congrégations. Cela est devenu plus difficile pourtant, après la signature en 1920 du traité de Trianon, qui privait la Hongrie d’une grande partie de son territoire au profit des pays limitrophes.
Après la guerre, l’œuvre s’organise depuis Cluj
Après la Première Guerre mondiale, ceux qui avaient appris la vérité biblique aux États-Unis ont été plus nombreux à retourner en Hongrie. Parmi eux se trouvaient József et Bálint Soós, deux frères qui s’étaient fait baptiser en 1918. À leur arrivée dans leur pays natal en 1919, ils ont rapidement commencé à répandre la bonne nouvelle à l’aide des publications de la Société. Leurs efforts recevaient de toute évidence la bénédiction de
Jéhovah. Une congrégation a été formée à Tiszaeszlár, et d’autres ont bientôt vu le jour dans les villes voisines.L’année qui a suivi l’arrivée des frères Soós en Hongrie, la Société a envoyé Jacob Sima en Roumanie. Quelques jours seulement après son arrivée à Cluj, frère Sima a rencontré Károly Szabó puis József Kiss, dans le but de réorganiser l’œuvre en Hongrie comme en Roumanie. Ils ont cherché un lieu qui puisse faire office de bureau. La prédication de la bonne nouvelle en Roumanie, en Hongrie, en Bulgarie, en Yougoslavie et en Albanie était dès lors dirigée par ce bureau.
Comme il s’avérait impossible de trouver à Cluj des installations adaptées aux besoins de la filiale, la Société y a entrepris en 1924 la construction d’un bureau et d’une imprimerie. À la fin de cette année-là, La Tour de Garde rapportait : “ L’imprimerie de la Société à Cluj a produit 226 075 volumes reliés, et 129 952 livres ont été distribués. En outre, plus de 175 000 exemplaires de La Tour de Garde et de Réveillez-vous ! dans chacune des deux langues [roumain et hongrois] ont été diffusés. ”
Des spécialistes ont été stupéfaits de ce qui avait été mis en place. La revue Az Út (La Voie) a déclaré : “ Actuellement [1924] il n’existe pas en Roumanie d’autre imprimerie qui ait un équipement aussi moderne. (...) Combien est lilliputienne notre (...) œuvre de diffusion en comparaison de [celle des Étudiants de la Bible] ! ”
Aimant, courageux, et haï
La propagation du message du Royaume, toutefois, n’a pas attendu que l’imprimerie située en Roumanie soit opérationnelle pour progresser en Hongrie. En 1922, ils étaient 160 à se réunir dans ce pays pour commémorer la mort du Seigneur. Cette même année, des dispositions ont été prises sous la direction de la Société pour imprimer 200 000 exemplaires de la résolution intitulée Un appel aux conducteurs des nations !, et les frères se sont vu accorder officiellement une journée pour la distribuer.
De nombreux services publics et hauts fonctionnaires en ont reçu des exemplaires par la poste.György Kiss donnait un bel exemple à ses frères hongrois en cette période. C’était un homme d’une stature imposante, aimant et courageux. Au cours de la Première Guerre mondiale, il avait été condamné à mort pour sa position de neutralité, mais ensuite sa condamnation avait été commuée en emprisonnement à perpétuité, et à la fin de la guerre il avait été libéré. Il a mis à profit ses années de vie supplémentaires, contribuant à la naissance de nombreuses congrégations. Il a servi également en tant que pèlerin, nom que les Étudiants de la Bible donnaient aux orateurs itinérants.
À cause de ses activités intrépides et couronnées de succès, frère Kiss était tout particulièrement haï, tant par le clergé que par la police d’État. Bien qu’il ait été souvent arrêté et maltraité, il était difficile de le condamner, car frère Kiss connaissait bien la loi et se défendait habilement contre les accusations. Les frères le suppliaient d’agir avec plus de prudence, mais il continuait de parcourir le pays, visitant les congrégations et s’efforçant de fortifier spirituellement autrui. Il montrait un bel exemple, étant, conformément aux paroles de l’apôtre Paul, “ doux envers tous, capable d’enseigner, (...) instruisant avec douceur ceux qui ne sont pas disposés favorablement ”. — 2 Tim. 2:24, 25.
Le 20 juillet 1931, les frères l’attendaient dans la congrégation prospère de Debrecen, près de la frontière roumaine, mais il n’est jamais venu. Ils en ont conclu que ses ennemis l’avaient supprimé, et qu’il était ‘ rentré à la maison ’ pour recevoir sa récompense céleste. — Jean 14:2.
Du renfort arrive des États-Unis
Tout au long des années 20, d’autres personnes qui s’étaient jointes aux Étudiants de la Bible aux États-Unis sont revenues à leur tour en Hongrie avec un esprit d’évangélisation. Parmi elles se trouvait János Varga, qui s’est tout d’abord rendu à Hajdúszoboszló, dans la partie est de la Hongrie, avant de servir
comme pèlerin, ainsi que József Toldy, qui est venu à Nagyvisnyó, dans le nord du pays, pour s’engager avec zèle dans l’œuvre d’évangélisation.János Dóber, qui avait connu la vérité en assistant à un discours de frère Russell en 1910, s’est rendu dans l’est de la Hongrie
et s’est mis à prêcher avec un grand zèle à Zalaudvarnok. En très peu de temps un groupe a été formé, qui prêchait sous la direction pleine d’enthousiasme de János dans toutes les villes et bourgades d’alentour. Cependant, János a souvent fait face à une dure opposition et, à certains moments, il souhaitait repartir en Amérique. Mais sa femme lui demandait alors : “ Chéri, pourquoi sommes-nous revenus en Hongrie ? N’est-ce pas pour prêcher ? ” Et János retrouvait sa sérénité.L’opposition vient de l’intérieur et de l’extérieur
Tandis que la prédication de la bonne nouvelle touchait davantage de régions et devenait plus intense, l’opposition s’intensifiait elle aussi. En 1925, le gouvernement a retiré son autorisation de diffuser des publications de la Société. À Cluj, pour continuer à fournir aux frères la nourriture spirituelle, il était devenu nécessaire d’éditer La Tour de Garde sous des titres qui changeaient régulièrement, tels que Le pèlerin chrétien et L’évangile.
Le clergé a lui aussi intensifié son action contre les frères. Par exemple, Zoltán Nyisztor, un prêtre catholique, a publié une brochure intitulée Les Millénaristes ou Étudiants de la Bible, qui affirmait : “ Le russellisme est pire et plus détestable que le bolchevisme, puisque (...) sous le couvert de la religion, [il] dissimule un appel à l’anarchie ; il fait des révolutions, de la persécution des Églises et de l’écrasement ou de l’anéantissement du clergé le plan de Dieu. ”
Les Églises ont souvent été les instigatrices des mauvais traitements infligés aux frères par la police. Les cicatrices que portait Károly Szabó lorsqu’il est rentré aux États-Unis attestaient l’existence de telles brutalités.
À cette persécution se sont ajoutées des difficultés internes suscitées par Satan et ses démons. À Cluj, Jacob Sima s’est mis à poursuivre des buts égoïstes, perdant de vue la prédication de la bonne nouvelle du Royaume de Dieu et voulant attirer l’attention sur sa personne. Cela a conduit à une division majeure.
Peu de temps après, le bureau de la Société Watch Tower à Magdebourg (Allemagne) s’est vu confier la direction de l’œuvre en Hongrie, et on a demandé à Lajos Szabó d’aller à Budapest pour qu’il aide à organiser la prédication et la traduction de La Tour de Garde. Par la suite, l’édition hongroise de La Tour de Garde a été imprimée à Magdebourg sous le titre Un périodique pour ceux qui ont foi dans le sang du Christ.
De l’aide de la part des frères allemands
En 1931, les Étudiants de la Bible du monde entier ont compris que, en accord avec ce qui est clairement établi dans la Parole de Dieu, il convenait qu’ils soient connus sous le nom de Témoins de Jéhovah (Is. 43:10). Les brochures Le Royaume, l’Espérance du Monde et Éclaircissement, publiées en hongrois, expliquaient pourquoi le nom Témoins de Jéhovah était adopté et, en harmonie avec ce nom, mettaient l’accent sur Jéhovah et sur son dessein lié au Royaume.
L’Annuaire 1933 déclarait : “ La parution de la brochure Royaume a constitué une occasion spéciale de donner à la capitale hongroise un très grand témoignage. Au moment convenu, 90 frères allemands se sont retrouvés dans la ville, et en cinq jours quelque 125 000 brochures Royaume et 200 000 tracts ont été distribués. ”
Cette distribution des brochures Royaume n’est que l’une des nombreuses occasions où les Témoins allemands ont apporté leur aide à leurs frères hongrois. Lorsqu’Hitler est parvenu au pouvoir en Allemagne et a commencé à persécuter les Témoins de Jéhovah, de nombreux frères et sœurs ont dû quitter ce pays, et certains ont passé en Hongrie. Parmi eux se trouvaient Martin Poetzinger, qui avait déjà vécu un an en Bulgarie et qui, des années plus tard, est devenu membre du Collège central, ainsi que Gertrud Mende, sa future femme.
Gerhard Zennig, lui aussi un Témoin de langue allemande, collaborait avec frère Szabó durant cette période. Bien que n’étant pas très fort physiquement, frère Zennig a été maltraité
avec sauvagerie, surtout par un policier nommé Balázs. Les frères de Budapest se souviennent également avec tendresse de Heinrich Dwenger, envoyé directement par la filiale d’Allemagne. Grâce à sa douceur, sa bonté et ses sages conseils, il a été d’une grande aide pour les frères hongrois. Les pionniers allemands l’avaient surnommé “ papa-pionnier ”, parce qu’il s’occupait d’eux avec beaucoup de sollicitude.Pendant ce temps, l’étau fasciste enserrait toujours plus fortement la Hongrie. Les frères allemands ont été contraints de partir, et les persécutions contre les frères hongrois ont redoublé. Beaucoup d’entre eux ont subi les sévices de la police et se sont vu ensuite infliger de longues peines de prison.
Ils se réunissent avec prudence
Vers la fin des années 30, les réunions devaient se tenir dans le secret et par petits groupes. La plupart du temps il n’y avait qu’un exemplaire de La Tour de Garde par congrégation, que les frères se passaient de main en main.
Ferenc Nagy, de Tiszavasvári, se souvient : “ L’étude de La Tour de Garde, à cette époque, ne ressemblait guère à celle d’aujourd’hui. Lorsque tous ceux que l’on attendait étaient arrivés, nous fermions les portes. Parfois l’examen d’un article ne durait pas moins de six heures. J’avais environ cinq ans, mon frère un an de moins, mais nous aimions nous asseoir sur nos petites chaises pour écouter ces longues études. C’était un réel plaisir. Je me souviens encore de quelques drames prophétiques que nous avons étudiés. L’éducation que nous avons reçue de nos parents a porté ses fruits. ”
Etel Kecskemétiné, une octogénaire qui sert toujours fidèlement à Budapest, se souvient que les frères de Tiszakarád se réunissaient dans leurs champs pendant la pause de midi. Ils cultivaient tous ensemble le champ d’un Témoin, puis celui d’un autre, et ainsi de suite, si bien que les autorités ne pouvaient pas empêcher ces réunions. Durant l’automne et l’hiver, les sœurs se retrouvaient pour filer, et les frères se joignaient à elles. Bien que
la police enquêtât sur leur activité, elle ne pouvait trouver aucun motif de les arrêter. Si ces occasions de se réunir ne se présentaient pas, les Témoins se rassemblaient quelque part tôt le matin ou tard dans la nuit.Des proclamateurs pleins de ressources
La prédication de porte en porte une fois interdite, les Témoins ont trouvé d’autres moyens de répandre les vérités bibliques. L’utilisation de phonographes portatifs était plutôt nouvelle pour l’époque, et aucune loi n’interdisait de passer des enregistrements. Profitant de cela, les frères demandaient aux personnes qu’ils rencontraient la permission de leur faire écouter un message enregistré. Si leur interlocuteur était d’accord, il écoutait un discours de frère Rutherford. À cette fin, les frères ont produit des enregistrements en hongrois des discours de frère Rutherford, et ils utilisaient des phonographes portatifs ou bien équipés de grands haut-parleurs.
À propos de ces enregistrements de puissants messages bibliques, János Lakó, qui s’est marié plus tard avec la fille de sœur Kecskemétiné, se souvient : “ J’ai eu la joie d’en entendre un à Sátoralja-Ujhely. Une phrase est restée gravée dans ma mémoire : ‘ Monarchies, démocraties, aristocraties, fascisme, communisme et nazisme, comme toutes les tentatives de domination du même acabit, disparaîtront à Har-Maguédôn et tomberont bientôt dans l’oubli. ’ La force avec laquelle les vérités bibliques étaient présentées nous a stupéfaits. En 1945, le discours qui m’avait tant impressionné alors résonnait comme une prophétie. ”
Les épreuves continuent
La persécution a continué avec une fureur renouvelée. Après qu’un prêtre catholique eut visité le bureau de la Société à Budapest et glané tous les renseignements qu’il pouvait, une campagne diffamatoire a été lancée par voie de presse. Elle s’accompagnait de mises en garde proférées du haut des chaires et sur les ondes. Partout dans le pays des publications étaient saisies, et les Témoins étaient cruellement battus. À Kisvárda, plusieurs Témoins
ont été emmenés dans la mairie. Un par un, on les a conduits dans une pièce voisine, où ils ont été battus et torturés d’une façon diabolique. Rapportant ces faits, l’Annuaire 1938 des Témoins de Jéhovah posait cette question : “ ‘ Pâques ’, le dimanche de la grande procession. Qu’ont-ils célébré en ce jour de la résurrection ? La résurrection de l’Inquisition ? ”Lorsque le clergé ne parvenait pas à s’assurer le concours de certains fonctionnaires, il employait d’autres moyens. On pouvait lire ceci dans l’Annuaire 1939 : “ Les amis sont fréquemment battus et injuriés par des vauriens souvent payés pour cela. Nous avons appris que, dans certains endroits, les prêtres ont récompensé des individus qui avaient porté de faux témoignages contre les serviteurs de Dieu en leur donnant à chacun 10 kilos de tabac. ”
Hors-la-loi
En 1938, András Bartha, qui avait travaillé cinq ans au bureau de la Société à Magdebourg, en Allemagne, et ensuite servi dans ce qui était encore la Tchécoslovaquie, s’est retrouvé en territoire hongrois après que des parties de la Tchécoslovaquie et de l’Ukraine subcarpatique eurent été annexées par la Hongrie. Frère Bartha a rapidement été désigné pour s’occuper de l’œuvre dans ce pays. L’activité des Témoins de Jéhovah avait déjà été interdite en Allemagne nazie ; leurs réunions n’étaient pas autorisées en Tchécoslovaquie ; et, le 13 décembre 1939, c’était au tour de la Hongrie de déclarer illégale leur activité.
Cette même année, deux camps d’internement ont été construits en Hongrie, l’un à 30 kilomètres de Budapest et l’autre dans la ville de Nagykanizsa, dans le sud-ouest du pays, à 26 kilomètres de la frontière yougoslave. Ces camps ont vite été remplis de gens que l’on jugeait suspects : criminels, communistes et Témoins de Jéhovah, accusés d’être une menace pour la société.
À la même période, un chef de la police centrale de Budapest a mis sur pied une brigade de policiers ayant pour mission de découvrir les “ dirigeants ” des Témoins de Jéhovah, et d’analyser la fonction de cette organisation illégale ainsi que ses liens avec l’étranger. Arrestations, mauvais traitements corporels et psychologiques, et emprisonnements s’en sont suivis.
Tout cela a-t-il mis fin à l’activité des Témoins de Jéhovah en Hongrie ? Non, mais il a fallu que tous les proclamateurs tiennent compte du conseil de Jésus, en étant “ prudents comme des serpents et pourtant innocents comme des colombes ”. (Mat. 10:16.) L’Annuaire 1940 cite l’exemple d’une pionnière qui a agi avec prudence. Elle s’était couverte la tête d’un fichu noir et en portait un autre sur ses épaules. Après avoir prêché dans un quartier, elle a vu un homme qui habitait là venir de son côté, accompagné de deux policiers militaires. La sœur s’est esquivée dans une rue transversale, a remplacé ses fichus noirs par d’autres, d’une couleur différente, et s’est ensuite dirigée calmement vers les deux policiers. Ces derniers lui ont demandé si elle avait remarqué une femme portant des fichus noirs. Elle leur a répondu qu’elle en avait effectivement vu une, de toute évidence très pressée, qui courait en sens inverse. Les policiers militaires et leur indicateur se sont aussitôt lancés dans cette direction, tandis que la sœur rentrait tranquillement chez elle.
Une autre pionnière fidèle a raconté plus tard comment les autorités, sous la pression du clergé, l’avaient arrêtée. Depuis un certain temps, elle était sous surveillance policière et devait se présenter deux fois par mois à la police. Mais à peine avait-elle quitté le commissariat que déjà elle enfourchait sa bicyclette et se rendait dans son territoire pour prêcher. Devant son entêtement à prêcher, on l’a mise sous les verrous, la première fois pour cinq jours, puis pour dix, quinze et trente jours, deux fois pour quarante jours, puis pour soixante, deux autres fois pour cent jours et, finalement, pour huit ans. Son crime ? Elle enseignait la Bible aux gens. À l’instar des apôtres de Jésus Christ, elle a obéi à Dieu, en sa qualité de chef, plutôt qu’aux hommes. — Actes 5:29.
Comme frère Bartha était devenu extrêmement pris par le travail de traduction, en 1940 la Société a confié à János Konrád, un ancien serviteur de zone (surveillant de circonscription), la direction de l’œuvre en Hongrie.
Des camps d’internement supplémentaires
En août 1940, la Hongrie a assujetti une partie de la Transylvanie (Roumanie). L’année suivante, la persécution dans cette région s’est intensifiée. À Cluj, un autre camp d’internement a été construit et des centaines de frères et sœurs, jeunes et moins jeunes, y ont été conduits. Par la suite, ces Témoins ont été victimes de graves sévices parce qu’ils ne voulaient pas renier leur foi et retourner à leur ancienne religion. Lorsque les frères et sœurs à l’extérieur du camp ont appris leur situation, à travers tout le pays de fidèles Témoins se sont unis pour prier en faveur de leurs compagnons maltraités. Peu de temps après, une enquête
officielle menée dans le camp de Cluj a dévoilé la corruption qui y régnait, si bien que le commandant et la plupart des gardiens ont été déplacés, quelques-uns étant même emprisonnés. Nos frères ont rendu grâces à Jéhovah de ce soulagement qui leur a été apporté.Pendant ce temps, au sud-ouest de la Hongrie, dans un camp situé près de Nagykanizsa, des couples de frères et sœurs étaient internés ensemble, tandis que leurs enfants étaient pris en charge par des Témoins laissés en liberté. Dans tous les camps, les serviteurs de Jéhovah subissaient de fortes pressions. Pour être libres, ils avaient juste à signer un document par lequel ils renonçaient à leur foi et promettaient de rompre tout lien avec les Témoins de Jéhovah, puis de retourner à leur ancien culte autorisé par l’État.
La situation de nos frères est devenue plus périlleuse encore le 27 juin 1941, lorsque la Hongrie est entrée en guerre contre l’Union soviétique. De nombreux procès leur ont alors été intentés parce qu’ils refusaient le service militaire.
Le serviteur responsable pour le pays est arrêté
La brigade de policiers chargée de s’occuper des Témoins de Jéhovah est devenue de plus en plus active, multipliant ses descentes au domicile des frères. Frère Konrád recevait de nombreuses sommations ; des perquisitions étaient faites chez lui et il était obligé de se présenter deux fois par semaine au commissariat central.
En novembre 1941, il a réuni tous les serviteurs de zone (ou surveillants de circonscription) pour leur annoncer qu’il allait certainement être arrêté avant peu et que, dans cette éventualité, József Klinyecz, l’un des serviteurs de zone, prendrait la direction de l’œuvre.
Frère Konrád a été arrêté le mois suivant, le 15 décembre. Pendant plusieurs jours on l’a battu avec une barbarie indescriptible pour le forcer à donner les noms des serviteurs de zone et des pionniers, mais ses bourreaux n’ont rien obtenu de lui. Ils l’ont finalement remis entre les mains du procureur. Malgré tout ce qu’on venait de lui faire subir, frère Konrád n’a été condamné qu’à deux mois de prison ; mais au lieu de le relâcher à la fin de sa peine, on l’a transféré dans le camp de concentration de Kistarcsa, prétextant qu’il représentait une menace pour la société.
Deux serviteurs responsables pour le pays
Pendant ce temps, le bureau de la Société chargé de l’Europe centrale et situé en Suisse a officiellement désigné, en 1942, Dénes Faluvégi pour diriger l’œuvre en Hongrie. Frère Faluvégi, d’une nature douce et conciliante, n’en était pas moins capable
de stimuler les autres par son zèle pour la vérité. Il avait été enseignant en Transylvanie et avait pris une part importante à l’organisation de l’œuvre en Roumanie après la Première Guerre mondiale.Cependant, frère Klinyecz, le serviteur de zone à qui frère Konrád avait remis temporairement, au cas où il serait arrêté, la direction de l’œuvre, a manifesté son mécontentement lorsque cette responsabilité a été confiée à frère Faluvégi. Il le jugeait incapable de faire face à sa lourde tâche.
Frère Klinyecz s’était toujours montré zélé et courageux, son tempérament se caractérisant plus par sa fermeté que par sa douceur. Il était plein d’enthousiasme pour la prédication, et les frères, à travers tout le pays, le connaissaient bien et l’aimaient. Deux camps sont alors apparus : d’un côté, ceux qui reconnaissaient la nomination par la Société de frère Faluvégi et, de l’autre, ceux qui partageaient l’opinion de frère Klinyecz selon laquelle, en ces jours si difficiles, la direction de l’œuvre devait être placée entre des mains fermes.
Certaines congrégations ont reçu simultanément la visite de deux serviteurs de zone : le premier était envoyé par frère Faluvégi et le second par frère Klinyecz. C’est triste à dire, mais en de telles circonstances, les deux serviteurs de zone se querellaient parfois au lieu d’encourager la congrégation. Cette situation, on le comprend, affligeait les frères fidèles.
L’écurie d’Alag
En août 1942, les autorités ont décidé de mettre fin aux activités des Témoins de Jéhovah en Hongrie. Elles ont préparé dans ce but dix lieux de regroupement dans lesquels elles ont conduit les Témoins, hommes et femmes, jeunes et vieux sans distinction. Même les personnes qui n’étaient pas encore baptisées, mais dont on savait qu’elles avaient des contacts avec les Témoins de Jéhovah, ont été amenées dans ces endroits.
Les Témoins de Budapest et de ses environs ont été conduits dans une écurie de chevaux de course à Alag. Ils dormaient la
nuit sur de la paille éparpillée le long des murs extérieurs, des deux côtés de l’écurie. Au cours de la nuit, si quelqu’un voulait simplement se retourner, il devait au préalable obtenir la permission des gardiens. Le jour, on obligeait les prisonniers à s’asseoir en rang sur des bancs de bois, face au mur, tandis que les gardiens faisaient les cent pas, baïonnette au canon. Il n’était pas permis de parler.À côté de l’étable il y avait une petite pièce dans laquelle les policiers menaient les “ interrogatoires ”, sous la direction des deux frères Juhász, István et Antal. Certaines des méthodes qu’ils ont utilisées pour torturer les Témoins sont trop dégradantes pour être mentionnées.
Les sœurs non plus n’ont pas été épargnées. Pour étouffer ses cris de protestation, on a enfoncé les bas d’une sœur dans sa bouche. Puis on l’a forcée à s’allonger face contre terre, ses jambes maintenues vers le haut par un policier assis sur elle, tandis qu’un autre la frappait sans pitié sur la plante des pieds. Depuis la pièce où se trouvaient les frères, on entendait nettement les coups ainsi que les cris de la sœur.
Le “ tribunal ” d’Alag
Les “ interrogatoires ” ont cessé vers la fin du mois de novembre. Ce mois-là, un tribunal a été improvisé dans la salle de danse d’un restaurant d’Alag, où l’état-major du général Heinrich Werth, constitué en cour martiale, a statué sur le cas de 64 Témoins de Jéhovah. En pénétrant dans la salle, ces derniers ont vu les publications, les Bibles, les machines à écrire, les phonographes et les enregistrements qui avaient été saisis au cours des différentes perquisitions faites chez eux.
Le procès s’est ouvert sans qu’aucun des 64 accusés n’ait été interrogé par le procureur militaire, ou n’ait même seulement parlé avec l’avocat commis d’office pour les défendre. Leur audition n’a duré que quelques heures, en tout et pour tout, et on ne leur a guère donné de réelle chance de se défendre. Une sœur, à qui l’on avait demandé si elle était prête à prendre les armes, a
répondu : “ Je suis une femme, par conséquent je n’ai pas à prendre les armes. ” On lui a aussitôt demandé : “ Les prendriez-vous si vous étiez un homme ? ” Elle a répliqué : “ Je répondrai à cette question le jour où je serai devenue un homme ! ”Plus tard, les sentences ont été prononcées. Frères Bartha, Faluvégi et Konrád étaient condamnés à la pendaison. Certains Témoins étaient condamnés à l’emprisonnement à vie, tandis que les autres étaient frappés de peines allant de deux à quinze ans de prison. L’après-midi même, on les a emmenés à la prison militaire du boulevard Margit, à Budapest. Les trois frères condamnés à mort s’attendaient à être exécutés d’une minute à l’autre, mais un mois précisément après leur incarcération, leur avocat est venu les informer que la sentence avait été commuée en prison à vie.
Dans les neuf autres lieux de regroupement, les méthodes employées pour mener les interrogatoires étaient semblables à celles utilisées dans l’écurie d’Alag. Les frères déclarés coupables ont finalement été transférés à la prison de Vác, dans le nord du pays.
Gardées par des religieuses
Les sœurs étaient en général internées à la prison du contre-espionnage, rue Conti, à Budapest. Celles qui étaient condamnées à des peines de trois ans ou plus étaient transférées dans la prison pour femmes de Márianosztra (Notre Marie), un village situé près de la frontière slovaque. Leurs gardiennes étaient des religieuses qui traitaient nos sœurs de la plus terrible des manières. Les Témoins qui se trouvaient jusque-là dans d’autres prisons y ont également été amenés.
Quiconque n’était pas prêt à se conformer aux règles de la prison instituées par les religieuses, était jeté au cachot. Au nombre de ces règles figuraient l’assistance obligatoire aux offices et le salut catholique “ Loué soit Jésus Christ ”. Si les prisonnières recevaient quoi que ce soit, elles devaient prononcer cette formule de remerciement : “ Dieu vous bénisse en retour. ”
Naturellement, nos sœurs fidèles ne se sont pas pliées à ces règles. Chaque fois qu’elles refusaient d’aller à l’église, elles étaient mises au cachot pendant 24 heures ; c’est en pareille occasion qu’elles disaient : “ Dieu vous bénisse en retour. ” En outre, elles étaient privées de tous les droits habituels, comme recevoir des colis ou des visites et correspondre avec des parents. Seul un petit nombre ont accepté de faire des compromis pour s’épargner de nouvelles privations. Après un certain temps, toutefois, le dur traitement que subissaient les sœurs restées fidèles s’est quelque peu adouci.
Le camp de concentration de Bor
Au cours de l’été 1943, tous les frères âgés de moins de 49 ans et emprisonnés dans le pays ont été rassemblés dans une ville de province, puis se sont vu intimer l’ordre de faire leur service militaire. Bien qu’ayant été de nouveau brutalisés, les frères fidèles sont restés fermes et ont même refusé de prendre l’habit militaire qu’on leur tendait. Neuf frères, toutefois, ont prêté serment et ont accepté l’uniforme. Mais ce compromis ne leur a pas valu pour autant d’être libérés. Avec les autres frères, soit un groupe de 160 hommes au total, ils ont été transférés dans le camp de concentration de Bor (en Serbie). Deux ans plus tard, l’un de ces neuf hommes était désigné pour faire partie d’un peloton d’exécution. C’est d’une main tremblante, le teint blême, qu’il a épaulé son fusil ; au nombre des condamnés se trouvait un Témoin fidèle : son jeune frère.
Sur la route les menant au camp comme à l’intérieur de celui-ci, les frères sont passés par de rudes épreuves. Mais en général, le commandant du camp n’insistait pas pour qu’ils accomplissent un travail contraire à leur conscience. Il leur a même présenté des excuses en une certaine occasion, après que des soldats eurent torturé des Témoins pour les forcer à violer leur conscience.
Károly Áfra, un frère âgé de plus de 70 ans qui sert toujours fidèlement Jéhovah, raconte : “ Ils essayaient de briser notre foi,
mais nous restions inébranlables. Une fois, nous devions construire un emplacement en béton pour un canon. Deux frères furent choisis pour faire le travail. Ils refusèrent, expliquant que la raison même de leur emprisonnement était leur détermination à ne rien faire qui ait un rapport avec la guerre. L’officier leur répondit que s’ils persistaient dans leur refus, il se verrait obligé de les exécuter. L’un des frères fut alors emmené par un soldat de l’autre côté de la montagne, puis un coup de feu retentit. L’officier, se tournant vers le second frère, lui dit : ‘ Maintenant, ton frère est mort ; mais tu peux encore réfléchir. ’“ Il reçut cette réponse : ‘ Si mon frère a pu mourir pour sa foi, pourquoi pas moi ? ’ L’officier ordonna à un deuxième soldat de ramener le frère censé ‘ mort ’ et, donnant à l’autre frère une tape dans le dos, il dit : ‘ Des hommes d’un tel courage méritent de vivre. ’ Et il les laissa partir. ”
Les frères savaient que s’ils restaient en vie, c’était pour servir en tant que Témoins de Jéhovah. Il y avait des milliers d’autres prisonniers dans le camp de Bor, auxquels ils ont donné le témoignage à fond sur Jéhovah et son Royaume. Partout dans le pays, durant ces années difficiles, les Témoins de Jéhovah ont pleinement profité des occasions de donner le témoignage, en prison, dans des camps de concentration ou ailleurs. En tous lieux ils ont rencontré des personnes bien disposées à leur égard, même parmi les hauts fonctionnaires, qui admiraient l’endurance courageuse des Témoins. Certains officiers sont allés jusqu’à les encourager en ces termes : “ Continuez de persévérer dans votre foi ! ”
Les Témoins se trouvaient déjà à Bor depuis 11 mois, dans des conditions dangereuses et pénibles, lorsque la rumeur s’est répandue que des partisans projetaient d’attaquer le village. La décision a été prise d’évacuer le camp. Quand les Témoins ont appris, deux jours avant la date choisie pour le départ, qu’ils allaient devoir faire le voyage à pied, ils ont aussitôt commencé à fabriquer des charrettes à deux et à quatre roues. Au moment du
départ, les officiers, les soldats et les autres prisonniers n’en revenaient pas de voir ce que les Témoins de Jéhovah avaient accompli, tant il y avait de charrettes.Avant de prendre la route (avec 3 000 prisonniers juifs), chaque frère a reçu 700 grammes de pain et cinq boîtes de poisson, ce qui était loin d’être suffisant pour le voyage. Mais ce que les officiers n’ont pas donné, Jéhovah y a pourvu. Comment ? Grâce aux Serbes et aux Hongrois qui habitaient la région traversée. Ils ont volontiers donné aux frères le pain dont ils pouvaient se passer. Ces derniers le mettaient en commun et profitaient des arrêts pour le partager équitablement, de telle sorte que chacun en recevait un morceau, même si ce n’était qu’un petit bout. Alors que, le long de la route, des centaines de prisonniers étaient livrés aux soldats allemands pour être exécutés, les Témoins, quant à eux, bénéficiaient de la main protectrice de Jéhovah.
Leur intégrité de nouveau mise à l’épreuve
Vers la fin de l’année 1944, tandis que l’armée soviétique s’approchait de plus en plus, les Témoins ont été déplacés du côté de la frontière austro-hongroise. Voyant que tous les hommes robustes étaient partis au front, les frères ont aidé les femmes de cette région à travailler leurs terres. Là où ils étaient logés, ils saisissaient toutes les occasions de donner le témoignage.
En janvier 1945, le commandant du camp les a informés que tous les hommes en mesure de travailler devaient se présenter à la mairie de Jánosháza. Là, un officier allemand les a emmenés à l’extérieur du village pour qu’ils creusent des tranchées. Quand les six frères qui avaient été sélectionnés les premiers ont refusé, l’officier a immédiatement ordonné : “ Qu’on les exécute ! ” Sous le regard de leurs 76 compagnons, les six frères ont été alignés et mis en joue par les soldats hongrois, prêts à faire feu au premier commandement. Discrètement, un soldat hongrois s’est empressé de dire aux frères qui assistaient à la scène :
“ Mettez-vous à côté d’eux et jetez vos outils, sans cela ils vont être tués. ” Ils ont immédiatement suivi son conseil. Au début, l’officier allemand était si perplexe qu’il gardait les yeux écarquillés, l’air incrédule. Puis il a demandé : “ Eux non plus ne veulent pas travailler ? ” Frère Bartha lui a répondu en allemand : “ Oh, si ! nous voulons bien travailler, mais nous ne pouvons pas exécuter des tâches contraires à notre foi. Le sergent qui est ici peut confirmer que nous avons fait tous nos travaux le plus consciencieusement du monde, avec la plus grande efficacité, et ça n’a pas changé ; mais ce travail que vous nous avez ordonné, nous ne le ferons pas. ”L’un des frères a raconté plus tard : “ L’officier a alors déclaré que nous étions tous en état d’arrestation, ce qui était vraiment ridicule puisque nous étions déjà prisonniers, de toute façon ! ”
D’autres exemples d’intégrité
À l’instar de ces frères dont nous venons de parler, des centaines d’autres frères et sœurs ont livré, aux quatre coins du pays, le même combat pour leur foi, dans un grand nombre de camps de concentration et de prisons.
Au printemps 1944, deux Témoins de Jéhovah, Éva Bász et Olga Slézinger, juives de naissance, âgées respectivement de 20 et 45 ans, se sont retrouvées parmi les nombreux Juifs du camp d’internement de Nagykanizsa qu’on transférait dans des camps allemands. Toutes deux étaient zélées et adoraient Jéhovah d’un cœur pur. Sœur Bász était une jeune fille très fragile, mais elle avait été pionnière avant son arrestation. Elle était en train de prêcher dans le village de Dunavecse lorsque la police l’a arrêtée et l’a emmenée à la mairie.
Sur les instigations du maire, on lui a fait subir un traitement abject. Sœur Bász se rappelle : “ Ils ont rasé tous mes cheveux ; j’ai dû rester debout, entièrement nue, en présence de dix à douze policiers. Ils ont ensuite commencé un interrogatoire ; ils voulaient connaître l’identité de notre chef en Hongrie. Je leur
ai expliqué que nous n’avions d’autre chef que Jésus Christ. ” En réponse, ils l’ont frappée avec leurs matraques, sans pitié. Mais sœur Bász était déterminée à ne pas trahir ses frères chrétiens.Elle raconte ensuite : “ Ces brutes m’ont attaché les mains et les pieds au-dessus de la tête, et ils m’ont violée. Ils m’ont tous humiliée, tous, sauf un policier. Mes liens étaient si serrés que, trois ans plus tard, lorsque je suis allée en Suède, mes poignets en portaient encore les marques. Ils m’ont cachée au sous-sol pendant deux semaines, tant j’avais été maltraitée, jusqu’à ce que mes blessures les plus graves se soient cicatrisées. Ils n’osaient pas laisser d’autres personnes voir mon état. ” Sœur Bász a été envoyée au camp de Nagykanizsa puis, de là, avec sœur Slézinger, à Auschwitz.
Elle poursuit : “ Je me sentais en sécurité auprès d’Olga ; elle gardait son sens de l’humour même dans les situations les plus pénibles. Le docteur Mengele avait pour tâche de séparer les nouveaux arrivants qui n’étaient pas en état de travailler de ceux qui étaient suffisamment robustes. Les premiers étaient envoyés aux chambres à gaz. Lorsqu’est venu notre tour, il a demandé à Olga : ‘ Quel âge avez-vous ? ’ Avec audace, les yeux pétillants, elle a répondu : ‘ Vingt ans. ’ En réalité, elle avait deux fois vingt ans. Mais Mengele est parti à rire et l’a mise à droite, du côté de ceux qu’on laissait en vie. ”
Des étoiles jaunes cousues sur leurs vêtements les identifiaient à des Juives, mais nos deux sœurs ont protesté, insistant sur le fait qu’elles étaient Témoins de Jéhovah. Elles ont arraché les étoiles jaunes et, afin qu’on les identifie à des Témoins de Jéhovah, elles ont exigé que des triangles violets soient cousus à la place. On les a battues sévèrement pour cela, mais elles ont répondu : “ Faites de nous ce que vous voulez, mais nous resterons toujours Témoins de Jéhovah. ”
Plus tard, elles ont été transférées dans le camp de concentration de Bergen-Belsen. C’est à peu près à cette période qu’une
épidémie de typhus s’est déclarée dans le camp. Sœur Slézinger est tombée si malade qu’elle a été emmenée hors du camp, avec beaucoup d’autres. On ne l’a plus jamais revue. Peu de temps après, l’armée britannique libérait la région. Après un séjour à l’hôpital, sœur Bász s’est rendue en Suède, où elle a rapidement pris contact avec les frères.Beaucoup d’entre les frères emprisonnés en Hongrie avaient été par la suite déportés en Allemagne. La majorité sont revenus à la fin de la guerre, mais pas tous. Dénes Faluvégi est mort lors de son transfert du camp de concentration de Buchenwald à celui de Dachau. Il servait fidèlement Jéhovah depuis plus de 30 ans.
Des Témoins fidèles jusqu’à la mort
Lorsqu’on a définitivement fermé le camp de Nagykanizsa, en automne 1944, les Témoins qui n’avaient pas encore été déportés en Allemagne ont recouvré leur liberté. Toutefois, comme ils ne pouvaient pas rentrer chez eux sans traverser la zone des combats, ils ont décidé de travailler dans les fermes avoisinantes jusqu’à ce que la situation se soit améliorée. Mais le 15 octobre 1944, le Nyilaskeresztes Párt (parti des Croix-Fléchées), soutenu par le parti nazi allemand, a pris le pouvoir et a aussitôt appelé tous les jeunes hommes sous les drapeaux.
De jeunes frères n’ont pas tardé à être arrêtés de nouveau pour leur neutralité. Cinq d’entre eux ont été emmenés à Körmend, à 10 kilomètres de la frontière autrichienne, où un tribunal militaire siégeait dans l’école de la ville. Le premier frère jugé, Bertalan Szabó, a été condamné à être fusillé. Avant son exécution, il a écrit une lettre d’adieu poignante, que vous pouvez lire dans le livre Les Témoins de Jéhovah : Prédicateurs du Royaume de Dieu, page 662. Deux autres frères, János Zsondor et Antal Hönis, ont été jugés à leur tour par le tribunal. Eux aussi sont restés fermes ; et eux aussi ont été exécutés.
Sándor Helmeczi était emprisonné dans cette école. Il se souvient : “ À une certaine heure du jour, nous étions autorisés
à utiliser les toilettes situées dans la cour. Mais ils ont modifié l’horaire afin que nous voyions ce qui s’était passé. Le message était clair : ‘ Maintenant, vous savez ce qui vous attend ! ’ Ce moment a été très dur pour nous : nous regardions nos frères bien-aimés qui gisaient sur le sol, sans vie. Ensuite, on nous a ramenés dans nos cellules.“ Dix minutes après, on nous a dit de sortir et de nettoyer le sang qui s’était répandu. Nous avons donc vu les corps de nos frères de très près. Le visage de János Zsondor avait gardé son expression habituelle. Souriant, amical et doux, aucun sentiment de crainte ne s’y lisait. ”
Pendant ce temps, un autre frère, Lajos Deli, âgé de vingt ans, était publiquement pendu sur la place du marché de Sárvár, à environ 40 kilomètres de la frontière autrichienne. En 1954, un témoin oculaire, un ancien officier, a raconté ce qui s’était passé ce jour-là :
“ Nous étions nombreux, civils et militaires, à fuir vers l’ouest. En traversant Sárvár, nous avons vu une potence dressée sur la place du marché. Sous la potence se tenait un jeune garçon au visage serein, très avenant. Quand j’ai demandé à l’un des spectateurs ce qu’avait fait le garçon, il m’a répondu qu’il avait refusé de prendre aussi bien les armes que la pelle. Plusieurs recrues du parti des Croix-Fléchées, armées de mitraillettes, se tenaient autour. Tous, nous avons entendu l’un de ces hommes lancer au jeune : ‘ C’est ta dernière chance, prends cette mitraillette ou nous te pendrons ! ’ Le jeune garçon n’a pas bronché ; il n’était pas le moins du monde impressionné. Puis, d’une voix ferme, il a déclaré : ‘ Vous pouvez bien me pendre si c’est ce que vous voulez, mais je préfère obéir à mon Dieu, Jéhovah, plutôt qu’à de simples hommes. ’ Alors, ils l’ont pendu. ”
D’après l’Annuaire 1946, 16 Témoins ont été tués entre 1940 et 1945 pour avoir refusé, écoutant leur conscience, d’effectuer le service militaire ; 26 autres sont morts des suites de
mauvais traitements. Comme leur Seigneur, ils ont vaincu le monde grâce à leur foi.Après la guerre, un nouveau départ
La plupart des frères libérés sont rentrés chez eux au cours du premier semestre de 1945. Ils n’avaient jamais cessé de rendre témoignage à la vérité, même si, depuis 1942, ils n’avaient pu le faire d’une manière organisée. Vers la fin de 1945, toutefois, ils étaient 590 à remettre de nouveau un rapport. L’année suivante, leur nombre était de 837, chiffre jamais atteint même avant la guerre.
Après la guerre, tous ont dû supporter le lourd fardeau que faisait peser sur leurs épaules l’extrême précarité de l’économie. Les prix doublaient parfois en l’espace d’une heure. Il était devenu nécessaire de les évaluer en termes de nourriture, l’œuf faisant office d’étalon. Aussi, pour contribuer aux frais d’édition des publications, les frères apportaient au bureau de la Société toutes sortes de denrées : œufs, huile alimentaire, farine, etc., qu’il fallait ensuite stocker et vendre. Les factures pour le papier et pour tout ce qui était nécessaire à l’impression étaient souvent payées en nourriture. Le 20 août 1946, l’émission d’une nouvelle monnaie a procuré quelque soulagement. Beaucoup plus encourageantes, cependant, étaient les nombreuses balles de vêtements et les grandes quantités de denrées alimentaires envoyées par les frères d’autres pays.
Bientôt, d’importants rassemblements ont pu se tenir au grand jour en Hongrie. En 1945, lors d’un discours public donné à Sárospatak, plus de 500 personnes étaient présentes. Les frères ne se sentaient plus de joie. En octobre 1946, 600 personnes ont assisté à une assemblée nationale tenue à Nyíregyháza. En 1947, une autre assemblée nationale a été organisée, cette fois-ci à Budapest, la capitale. La société des chemins de fer hongrois a même consenti une remise de 50 % à ceux qui s’y rendaient par train spécial, lequel portait l’inscription : “ Assemblée des Témoins de Jéhovah. ” Ce rassemblement a réuni
1 200 personnes. La même année, un pavillon a été acheté à Budapest pour servir de bureau à la filiale de la Société Watch Tower.Les remords de József Klinyecz
Il convient à présent de revenir à József Klinyecz qui, en dépit de son zèle pour la prédication, avait suscité en 1942 une grave division parmi les frères, à cause de son attitude obstinée. Après la guerre, il a adressé au siège de la Société, à Brooklyn, une lettre de huit pages dans laquelle il portait des accusations contre les frères Konrád et Bartha. Dans sa réponse, frère Knorr, alors président de la Société Watch Tower, lui a fait remarquer que la prédication de la bonne nouvelle du Royaume avait repris en Hongrie, et qu’il ferait mieux d’y participer plutôt que de passer son temps à faire le procès de ses frères. “ Qui es-tu pour juger le domestique d’un autre ? ”, lui a demandé frère Knorr, citant Romains 14:4.
Après avoir médité sur ces paroles, József Klinyecz est allé trouver frère Konrád et lui a dit : “ J’ai reçu une lettre de frère Knorr, et son contenu m’a profondément touché. J’ai examiné mes façons d’agir jusqu’à présent, et j’ai reconsidéré ma vie entière. J’ai prié Jéhovah pour qu’il m’accorde son pardon ; je viens maintenant vous demander de me pardonner vous aussi, si vous le pouvez ! ” Frère Konrád lui a répondu affectueusement : “ Si Jéhovah t’a accordé son pardon, qui sommes-nous pour te refuser le nôtre ? ”
À ces mots, frère Klinyecz a fondu en larmes. Son cœur s’était tellement endurci, a-t-il confessé, qu’auparavant il aurait jeté dehors un frère qui serait venu implorer son pardon, comme lui-même le faisait en ce moment. Combien était différent et réconfortant l’accueil qu’on lui faisait ! Sans plus tarder, frère Klinyecz a repris une part active à l’œuvre de prédication et, par la suite, il est devenu pionnier. Avec quelle bonté et quelle miséricorde Jéhovah agit envers ceux qui reviennent vers lui d’un cœur repentant, afin de marcher dans ses voies ! — Is. 55:6, 7.
Un climat politique changeant
En 1948, le parti communiste a progressivement pris le pouvoir en Hongrie. Les Témoins ont néanmoins pu tenir leurs assemblées de circonscription cette année-là, mais souvent dans des conditions difficiles. Considérez par exemple ce qui s’est passé lors de l’assemblée organisée dans le théâtre de Sátoraljaújhely.
Les frères avaient prévu de diffuser le programme non seulement dans l’auditorium, mais aussi sur la place située devant le bâtiment. Tout en essayant les haut-parleurs extérieurs qu’ils avaient installés, ils annonçaient le discours public. Avant peu, le frère responsable de l’organisation du rassemblement était convoqué au commissariat. János Lakó a expliqué aux officiers de police : “ Nous allons tenir une assemblée de circonscription, c’est pourquoi nous annoncions le discours public. Nous étions déjà venus au poste pour vous en informer. ” L’un des policiers a répliqué : “ Mais à aucun moment vous n’aviez fait mention des haut-parleurs. Retirez-les immédiatement ! ”
Quand frère Lakó a rapporté à d’autres frères ce qu’on lui avait dit et dans quelles circonstances, ils lui ont conseillé ceci : “ C’est à toi qu’on l’a interdit, non ? Donc toi, ne fais rien. Mais nous, rien ne nous empêche d’essayer de faire quelque chose. Un policier t’a interdit d’utiliser les haut-parleurs, soit, mais qui sait si un autre ne donnera pas son autorisation ? ”
Ils ont rédigé sur-le-champ une requête en deux exemplaires au sujet de l’utilisation des haut-parleurs extérieurs, puis ils sont allés la porter au poste de police. Le policier de service a essayé de contacter ses supérieurs par téléphone, mais en vain. Les frères lui ont dit qu’il suffisait de classer l’original et de donner un coup de tampon à leur copie. C’est ce qu’il a fait.
Comme on pouvait s’y attendre, des policiers sont arrivés pendant le discours public et ont ordonné aux frères de débrancher les haut-parleurs.
“ Pourquoi cela ? ont-ils répondu, nous avons une autorisation écrite. ”
“ Où est-elle ? ” ont demandé les policiers.
“ C’est l’organisateur qui l’a. ”
“ Allez le chercher. ”
Après qu’on l’eut trouvé, le frère a montré l’autorisation aux policiers. Ils sont restés un moment, prêtant l’oreille au discours. La salle était comble, tandis qu’à l’extérieur beaucoup d’autres auditeurs écoutaient le programme retransmis par les haut-parleurs. Tout s’est bien passé ce jour-là. Seulement, les vraies difficultés restaient encore à venir.
Une nouvelle étiquette
Avant la guerre, les journaux avaient à maintes reprises qualifié les Témoins de Jéhovah de “ communistes ”, ou parlé d’eux comme de ceux qui “ frayent la voie au communisme ”. Cependant, une fois le parti communiste au pouvoir, une telle étiquette ne servait plus les intérêts de nos opposants. Aussi sont parus en 1949, presque chaque semaine, des articles accusant nos frères d’être “ des mercenaires de l’impérialisme américain ”, soutenus financièrement par les États-Unis.
En 1950, les communistes, le clergé et la presse ont opposé un front uni aux Témoins de Jéhovah. Souvent, lorsqu’une personne s’intéressant à la vérité annonçait à son prêtre sa décision de quitter officiellement l’Église, elle s’entendait dire : “ Comment ? Les Témoins de Jéhovah sont des agents impérialistes, et vous voulez vous joindre à eux ? ” Les arrestations se sont multipliées : 302 cette année-là. Bien que seuls les discours d’enterrement aient été autorisés, 72 discours publics ont pu être donnés au cours de l’année. En dépit de toutes ces difficultés, les frères ont rapporté un maximum de 1 910 proclamateurs.
Les principaux surveillants sont de nouveau arrêtés
Le 13 novembre 1950, des policiers sont venus perquisitionner au bureau de la filiale de Budapest. Ils ont mis un tel désordre dans les bureaux qu’on aurait dit un champ de bataille.
Le serviteur de la filiale, János Konrád, le traducteur, András Bartha, ainsi qu’un serviteur de circonscription, János Lakó, ont été arrêtés avec quatre autres frères et emmenés à la prison, 60, rue Andrássy.Laissons János Konrád poursuivre le récit : “ Dans cette prison, ils ne recouraient pas aussi facilement que la police à la torture physique pour mener les interrogatoires, mais le lavage de cerveau et la torture mentale qu’ils nous infligeaient en pleine nuit étaient parfois pires que les souffrances physiques.
“ Notre procès a eu lieu le 2 février 1951. Le chef d’accusation : ‘ Codirection d’une organisation visant à la subversion de l’État et de la société, et trahison. ’ Le président du tribunal, le juge Jónás (qui s’est suicidé cinq ans plus tard, terrorisé par la contre-révolution), nous a condamnés tous les sept à des peines allant de cinq à dix ans de prison. Ce jugement n’était qu’un simulacre, bien entendu, puisqu’il n’y a même pas eu de délibération. Auparavant, un frère s’était d’ailleurs entendu dire par l’homme qui procédait à son interrogatoire : ‘ Nous allons vous boucler pour dix ans ; au bout de ces dix ans, notre république populaire sera devenue plus forte, et les gens auront été formés idéologiquement. Ils seront immunisés contre votre tentative de les influencer avec la Bible. À ce moment-là, nous pourrons vous relâcher. ’ ”
Frère Konrád reprend : “ Nous avons été envoyés à la prison de Vác, au nord de Budapest. Mais nous étions tous joyeux de nous retrouver dans la même cellule. Enfin, nous pouvions échanger des pensées, parler de ce que nous avions vécu ! Notre programme quotidien commençait par l’examen du texte du jour, que chacun préparait à tour de rôle. Nous ne possédions même pas de Bible ; nous avons néanmoins entrepris sa ‘ lecture ’ depuis le début, en citant les passages dont nous pouvions nous rappeler. Nous ‘ lisions ’ des articles de La Tour de Garde de la même manière. Et chaque jour, nous priions Jéhovah d’aider nos frères de l’extérieur à rester inébranlables.
“ Toutefois, nous ne sommes pas restés très longtemps ensemble ; on nous a séparés et mis avec des prisonniers de droit commun. Les autorités étaient parvenues à la conclusion que, si elles nous laissaient ensemble, nous nous fortifierions les uns les autres dans nos convictions, et tout espoir de voir chez nous une ‘ amélioration ’ serait alors définitivement perdu. Plus tard, on nous a de nouveau réunis, cette fois-ci parce qu’on craignait que nous n’amenions nos codétenus à accepter la vérité divine. Ce petit jeu s’est répété pendant toute la durée de notre emprisonnement. ”
Un nouveau comité se met à l’œuvre
Au printemps 1953, la plupart des frères mûrs à qui l’on avait confié des responsabilités avaient été arrêtés. Ces arrestations soudaines et inattendues se faisaient à l’occasion de descentes au domicile des frères. Une complète réorganisation de l’œuvre en Hongrie était nécessaire. Trois surveillants de circonscription ont été désignés pour constituer le nouveau comité : Zoltán Hubicsák, József Csobán et György Podlovics.
Au mois de novembre 1953, les trois membres du comité ont été arrêtés et incarcérés dans la prison d’État de Békéscsaba. Très curieusement, ils ont été relâchés au bout de dix jours. C’est seulement plus tard que l’on a appris que József Csobán avait cédé à la pression et accepté de collaborer avec les autorités. Le comité a été réorganisé : Mihály Paulinyi a remplacé József Csobán, qui est devenu serviteur de district.
L’une des principales tâches du comité consistait à traduire les articles d’étude de La Tour de Garde et de s’assurer que chaque circonscription en recevait bien un exemplaire. Les surveillants de circonscription faisaient ensuite des copies et en remettaient une à chaque congrégation.
Ce n’était pas tout. Il fallait aussi que les frères internés dans les camps de travail reçoivent la nourriture spirituelle. De tous ces camps, celui de Tólápa, une mine de charbon au nord du pays, était peut-être le plus connu. À une certaine période, les
autorités y faisaient travailler 265 frères. Beaucoup de mineurs professionnels étaient bien disposés envers les Témoins de Jéhovah qu’ils côtoyaient dans les mines. Ils faisaient entrer clandestinement des publications pour nos frères, qui leur remettaient des rapports à sortir sous le manteau.Durant ces années, nos ennemis poursuivaient deux objectifs principaux : forcer les Témoins à accepter le service militaire et à rejoindre l’Union des Églises libres. Leurs tentatives s’étant révélées vaines, ils ont donc échafaudé un autre plan.
En prison, des paroles doucereuses
En 1955, János Lakó s’est retrouvé une fois de plus dans la même cellule que János Konrád. C’est alors qu’un certain M. Szabó s’est entretenu avec frère Lakó pour lui faire quelques propositions. “ Impossible de discuter avec Konrád, a-t-il commencé, il est têtu comme une mule. Vous êtes plus intelligent. Nous sommes prêts à vous libérer et à autoriser votre activité. Konrád restera ici, mais la congrégation pourra se réunir. Vous pourrez rester Témoin de Jéhovah et prier tant que vous voudrez, à condition de ne pas jouer les agitateurs. ”
“ Si je comprends bien, vous me demandez d’être ce genre de témoin qui ne témoigne pas, a répliqué frère Lakó. Je ne peux pas accepter ça. ”
“ Eh bien, réfléchissez-y. Je reviendrai. ” Lorsqu’il est revenu le voir, l’homme lui a posé entre autres questions : “ Comment va Konrád ? ”
“ Il va assez bien. ”
“ Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ? ”
“ Il y a deux minutes ; nous sommes dans la même cellule. ”
“ Et lui avez-vous rapporté notre conversation ? ”
“ Naturellement, c’est mon frère ! ” L’agent du gouvernement est parti furieux, et frère Lakó ne l’a plus jamais revu.
La même année, les communistes ont proposé un marché : ils autorisaient la publication de La Tour de Garde en hongrois,
à condition d’y insérer deux pages de propagande communiste. Bien entendu, les frères ont refusé.Encore une feinte
Au cours de l’été 1955, une centaine de frères ont été libérés du camp de Tólápa. Mais leur joie de se retrouver en famille a été de courte durée : après six semaines, on ordonnait à ces frères de se rendre dans le village de Szentendre, près de Budapest.
À leur arrivée à Szentendre, ils ont été introduits dans une grande salle. Un officier leur a annoncé qu’ils n’auraient pas à prendre les armes, car le gouvernement avait pris des dispositions spéciales qu’ils apprécieraient certainement. Au lieu de porter des armes ou des munitions, ils participeraient à la construction de routes, de ponts, de lignes de chemin de fer et d’ouvrages du même type, rien de plus. Au bout de quelques mois, ils pourraient retourner chez eux, dans leurs familles. Ceux qui avaient peu d’expérience ont trouvé cet arrangement tout à fait acceptable à première vue, mais quelques frères mûrs ont flairé le piège et ont immédiatement demandé : “ Devrons-nous également apporter notre aide à la réalisation de projets militaires ? ” Ils n’ont obtenu aucune réponse franche.
Les frères ont ensuite demandé s’ils allaient devoir porter un uniforme. L’officier a répondu que des casquettes leur seraient
fournies et que, s’ils le désiraient, ils pourraient également obtenir des uniformes pour éviter que leurs vêtements personnels ne s’usent. Cela a semblé raisonnable à certains. L’ordre est venu à ce moment-là : “ Ceux d’entre vous qui sont prêts à travailler entre deux et trois mois, pour retourner ensuite dans leur famille, peuvent aller au dépôt et échanger leurs vêtements civils contre un uniforme et des bottes. Ceux qui ne sont pas prêts à le faire peuvent s’attendre à des peines de prison de cinq à dix ans. ”C’était une dure épreuve pour les frères. Plusieurs d’entre eux avaient déjà passé quatre ans en prison ou dans un camp de détention. Maintenant, alors qu’ils venaient de goûter à six semaines de liberté, on allait les envoyer dans quelque sombre mine ou carrière, et tout ce qu’ils avaient traversé recommencerait depuis le début. Certains se sont dit qu’il s’agissait d’une affaire de quelques mois et qu’ensuite ils pourraient retourner dans leur famille et servir Jéhovah librement. Lentement, une quarantaine de frères, sur les 100, se sont écartés pour accepter les uniformes.
Les autres frères ont prié Jéhovah et sont parvenus à la conclusion que cette offre n’était ni plus ni moins qu’un service militaire, et qu’en l’acceptant ils deviendraient une brigade de travail au sein même de l’armée. Désireux de maintenir leur neutralité chrétienne, ils ont rejeté la proposition.
À présent, une partie de la salle était occupée par ceux qui avaient accepté l’uniforme, tandis que ceux qui l’avaient refusé occupaient l’autre partie. Un caporal-chef est alors entré et a crié à un Témoin qui se trouvait près de lui : “ On ne t’a jamais appris à saluer ? ” Le frère a répliqué qu’il était un civil et non un soldat. C’est seulement à ce moment-là que le caporal-chef s’est rendu compte que les frères étaient divisés en deux groupes, le premier en uniforme et le second en vêtements civils. Il s’est tourné vers ceux qui portaient l’uniforme et, prenant une posture de commandement, il leur a dit : “ Soldats ! Garde-à-vous !
Vous qui avez accepté le service militaire, à partir d’aujourd’hui vous devez saluer lorsqu’un de vos supérieurs entre ici, et vous mettre au garde-à-vous pour le rapport. À partir d’aujourd’hui vous êtes des soldats et vous devez obéir aux ordres. ”La salle est devenue silencieuse, muette de consternation ; mais aussitôt après des clameurs se sont élevées parmi ceux qui portaient l’uniforme : “ Nous ne sommes pas des soldats ! Nous n’avons accepté aucun service militaire ! Nous avons juste accepté de travailler ! ” Alerté par le tumulte, l’officier qui s’était le premier adressé aux frères est revenu dans la pièce et a constaté le gâchis causé par le caporal-chef. Il a immédiatement tenté de raisonner avec les frères. Mais la majorité d’entre eux s’étaient déjà débarrassés de leur uniforme et demandaient qu’on leur rende leurs vêtements civils. Le soldat qui était en charge du dépôt a refusé. C’est seulement le lendemain matin que les frères, grâce à leur opiniâtreté, ont récupéré leurs habits.
Peu après, plusieurs officiers de haut rang sont entrés. Les frères ont été obligés de se mettre en rangs. L’un des officiers a ordonné : “ Ceux d’entre vous qui veulent effectuer ce service, avancez d’un pas ! ” Personne n’a bougé. Il a ensuite ordonné : “ Ceux qui ne sont pas prêts à effectuer ce service, avancez d’un pas ! ” On aurait dit qu’il venait d’appuyer sur le bon bouton : comme un seul homme, tous ont avancé.
De la nourriture pour les prisonniers
Pendant la révolution de 1956, nos frères ont été libérés, mais seulement pour une courte période. Deux semaines venaient de s’écouler que les communistes reprenaient le pouvoir. Au cours des mois qui ont suivi, les autorités ont tenté d’arrêter tous ceux qui se trouvaient en prison lorsqu’a éclaté la révolution, les Témoins de Jéhovah au même titre que les autres.
Malgré tout, nos frères ont continué d’être nourris spirituellement. Quand Sándor Völgyes a été emprisonné, il a demandé à sa femme de lui faire des gâteaux et d’y cacher des articles de
La Tour de Garde. Une sœur recopiait dans son intégralité un article d’étude de La Tour de Garde sur deux fines feuilles de papier, recto verso. Cependant, quand frère Völgyes recevait son gâteau, il ne pouvait pas le “ manger ” tout de suite, car il partageait sa cellule avec des prisonniers de droit commun. Il l’ouvrait le lendemain sur son lieu de travail, dans les toilettes. Des copies plus lisibles étaient ensuite faites à la main sur du papier hygiénique plié, en général le samedi après-midi et le dimanche, lorsque tout était relativement calme et paisible dans la prison.Ceux que l’on tenait captifs recouvrent la liberté
En mars 1960, frère Bartha était libéré après avoir purgé une peine de neuf ans. Il a continué de servir fidèlement Jéhovah jusqu’à sa mort survenue en 1979. Aujourd’hui encore, de nombreux frères se souviennent de lui comme d’un traducteur infatigable, un ami sincère doté d’un excellent sens de l’humour.
Peu à peu, tous les frères ont été libérés. Toutefois, les autorités se mettaient souvent en contact avec eux. Il est bientôt devenu évident qu’elles cherchaient à amadouer les Témoins de Jéhovah en usant de discours doucereux et persuasifs plutôt que de matraques.
Un “ témoignage ” radiophonique
Vers la fin des années 60, la presse écrite attaquait souvent les Témoins de Jéhovah. Parfois, la propagande dirigée contre eux était aussi diffusée sur les ondes. Toutefois, en une certaine occasion, une pièce radiophonique d’une heure censée contenir une mise en garde contre les Témoins de Jéhovah a donné un puissant témoignage. C’est ce qu’explique le rapport suivant :
“ L’histoire était tirée d’un fait authentique vécu par une jeune femme. Professeur en province, elle n’était pas
convenablement prise en charge par le parti communiste. Par exemple, elle n’avait pas de logement décent. Dans sa classe, il y avait des enfants de Témoins de Jéhovah. Les frères lui ont offert une chambre, et l’atmosphère pleine de bonté et d’amour qui régnait dans leur foyer a fait forte impression sur la jeune femme. Tous les préjugés qu’elle entretenait contre les Témoins de Jéhovah se sont évanouis, si bien qu’elle est devenue une sœur dans la foi.“ Le parti communiste doit prendre grand soin de ses gens s’il ne veut pas les voir se convertir : telle était la morale que proposait cette pièce radiophonique. Comme nous l’avons déjà dit, il s’agit d’une histoire vraie qui s’est déroulée en Hongrie. L’enseignante dont il est question est aujourd’hui l’heureuse femme d’un frère. Bien involontairement, cette pièce radiophonique a rendu témoignage à notre œuvre. Les frères se sont particulièrement réjouis lorsque, durant l’émission, a été lu Psaume 83:18 : ‘ Pour qu’on sache que toi, dont le nom est Jéhovah, tu es, toi seul, le Très-Haut sur toute la terre ! ’ ”
Ils se réunissent dans la forêt
Au cours des années 70 et 80, en raison de l’interdiction qui frappait tous leurs rassemblements, les Témoins de Jéhovah tenaient leurs réunions dans les bois (Héb. 10:24, 25). Ces réunions avaient lieu dans tout le pays, du printemps à l’automne. La plupart des congrégations de Budapest se réunissaient sur les collines qui entourent la capitale.
Frère Völgyes se souvient : “ Au cœur de la forêt qui couvrait ces collines, il y avait une clairière de près de 30 mètres de diamètre, où se réunissaient les frères. Le cadre était de toute beauté ; en ce lieu régnait une profonde quiétude, que venait égayer le chant des oiseaux. Le ciel était pur, et dans l’air flottaient une multitude de senteurs aromatiques. C’était un
endroit merveilleux, où tout chantait les louanges de notre grand Créateur.“ Nous y tenions régulièrement l’École du ministère théocratique et la réunion de service. S’il se mettait à pleuvoir, nos imperméables nous protégeaient. Outre les réunions de la congrégation, nous y avons même organisé des assemblées.
“ Par prudence, des frères faisaient le guet et donnaient l’alerte à l’approche de toute personne suspecte. Mais un jour, vers la fin de l’été 1984, des policiers en civil ont surgi sans crier gare, en dépit de toutes nos précautions.
“ Nous avions suspendu des haut-parleurs à des clous plantés sur les troncs d’arbre. Les policiers y ont trouvé à redire, déclarant que nous avions abîmé les arbres en y enfonçant des clous. Ils ont fait d’autres reproches en rapport avec l’environnement, mais un frère en a revendiqué l’entière responsabilité afin d’éviter aux autres d’être mis en cause.
“ Quand nous leur avons dit qu’il s’agissait d’une réunion des Témoins de Jéhovah, l’un des policiers nous a demandé pourquoi nous n’avions pas sollicité des autorités la permission de nous réunir. ‘ Parce qu’à coup sûr nous aurions essuyé un refus ’, avons-nous répondu. ‘ Faites au moins l’essai ’, a suggéré le policier. C’est ce que nous avons fait. ”
L’interdiction est levée
Frères Völgyes et Oravetz, membres du comité du pays, ont pu rencontrer de hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur. Ils leur ont parlé de la visite des policiers et de leur suggestion. Cette rencontre a eu lieu le 23 octobre 1984. À partir de cette date, toutes les congrégations du pays ont demandé l’autorisation de tenir leurs réunions. Parfois avec succès.
Des négociations ont par la suite été engagées avec le secrétariat d’État aux Affaires religieuses. En 1987, Milton Henschel et Theodore Jaracz, membres du Collège central, ainsi que Willi Pohl, de la filiale d’Allemagne, ont pu officiellement représenter les Témoins de Jéhovah dans ces pourparlers. Enfin, le 27 juin 1989, l’interdiction était levée. La reconnaissance des Témoins de Jéhovah a été la dernière mesure de ce genre prise par le secrétariat d’État aux Affaires religieuses, dissous quatre jours plus tard, le 1er juillet 1989.
Des assemblées publiques
Après la vague d’arrestations survenue au début des années 50, il était très difficile pour les Témoins de Jéhovah d’assister à d’importants rassemblements. De temps en temps quelques frères s’arrangeaient pour assister à de grandes assemblées tenues à l’étranger, comme en 1963, lors de la série ayant pour thème “ La bonne nouvelle éternelle ”. Entre 1978 et 1988, un nombre limité de délégués hongrois ont eu la possibilité, en Autriche, d’écouter le programme des assemblées de district dans leur propre langue. Les autres Témoins tenaient leurs assemblées en Hongrie, dans les bois : d’abord en cachette, puis, à partir de 1986, ouvertement.
Mais en 1989, dès la reconnaissance officielle de notre œuvre, on a organisé des assemblées publiques. Un mois après la levée de l’interdiction, la Salle des sports de Budapest accueillait les 9 073 assistants à l’assemblée de district “ La piété ”. L’année suivante, des assemblées se sont déroulées non seulement à Budapest, mais aussi à Debrecen, Miskolc et Pécs.
En 1991, la première assemblée internationale s’est tenue dans le plus grand stade de Hongrie, le Népstadion, où 40 601 personnes ont profité d’un chaleureux amour fraternel. John Barr, Milton Henschel, Theodore Jaracz et Karl Klein représentaient le Collège central et ont encouragé, par leurs discours édifiants, aussi bien les frères hongrois que les délégués venus de 35 pays.
Des progrès en matière d’organisation
Cette liberté recouvrée a ouvert la voie à des ajustements en matière d’organisation, nécessaires pour harmoniser l’activité des Témoins de Jéhovah en Hongrie avec l’œuvre accomplie par leurs frères chrétiens dans les autres pays. Par exemple, certains surveillants de circonscription exerçaient un travail profane en semaine, car c’était obligatoire sous le régime communiste. Par conséquent, ils ne pouvaient visiter les congrégations que le week-end. Cependant, des frères qualifiés et sans obligations familiales ont été formés en nombre suffisant, si bien que depuis janvier 1993 les congrégations bénéficient du mardi au dimanche de la présence du surveillant.
Au cours des années 80, l’École pour les pionniers n’avait pu être organisée que de façon limitée. En 1994, tous les pionniers qui remplissaient les conditions requises ont été invités à assister aux cours. Sur une période de neuf mois, 401 frères et sœurs ont reçu cette formation spéciale.
Pour parer aux besoins de l’œuvre d’enseignement des Témoins de Jéhovah, il a fallu mettre sur pied un programme de construction de Salles du Royaume selon des procédés rapides. Jusque-là, les congrégations se réunissaient dans des écoles, des centres culturels, des casernes désaffectées et même dans les anciens bureaux du parti communiste. C’est pourquoi, en 1993, on a créé les comités de construction régionaux ; des frères d’Autriche ont dispensé une formation et, dans de nombreux
pays, des Témoins ont apporté leur aide financière. Au mois de mai 1994 s’élevait à Érd, une ville située près de Budapest, la première Salle du Royaume construite selon un procédé rapide. Avant la fin de l’année de service 1995, 23 Salles du Royaume avaient été bâties et plus de 70 projets étaient en cours.Afin de soutenir les Témoins de Jéhovah dans leur détermination à respecter la loi divine interdisant tout mauvais usage du sang, on a également créé des comités de liaison hospitaliers. En Hongrie, comme dans d’autres parties du monde, certains médecins sont très peu au fait des traitements de substitution qui ne font pas appel au sang. Les comités de liaison hospitaliers les aident à mettre à jour leurs connaissances dans ce domaine : il en existe à Budapest, à Debrecen et à Miskolc, ainsi qu’à Szeged, à Pécs et à Tatabánya. Environ 120 professeurs, médecins-chefs et chirurgiens coopèrent déjà avec les comités. Lors d’une affaire récente, qui touchait la petite Dalma Völgyes, âgée de deux ans, le comité de liaison hospitalier de Budapest a contacté le Service d’information hospitalier de Brooklyn et, moins de trois heures après, il avait en sa possession tous les renseignements indispensables sur un traitement non sanguin, qui s’est avéré efficace dans ce cas précis.
Diplômés de Guiléad et de l’École de formation ministérielle
László Sárközy a été le premier missionnaire formé par la Société Watch Tower à être officiellement envoyé en Hongrie. Environ cinq semaines plus tard, le 31 août 1991, quatre frères diplômés de la première classe de l’École de formation ministérielle en Allemagne sont arrivés : Axel Günther, Uwe Jungbauer, Wolfgang Mahrt et Manfred Schulz. Au début du mois d’octobre, Martin et Bonnie Skokan, diplômés de Guiléad et originaires des États-Unis, les ont rejoints.
Quatorze frères et sœurs qui ont suivi les cours de Guiléad, l’École biblique de la Société Watchtower, ou de l’École de formation ministérielle servent actuellement en Hongrie. Certains sont au Béthel, tandis que d’autres sont pionniers spéciaux ou bien encore dans le service itinérant. Quant à István Mihálffy, le premier frère hongrois à avoir reçu une telle formation, il a été envoyé en Ukraine pour visiter les frères d’expression hongroise en tant que surveillant de circonscription.
Au début, certains n’avaient qu’une connaissance limitée du hongrois, mais ils utilisaient le peu qu’ils savaient. Stefan Aumüller, un frère autrichien, raconte : “ Comme je ne possédais pas bien la langue hongroise, j’utilisais une présentation fort simple. En général, j’ouvrais le livre Vivre éternellement et je demandais à mon interlocuteur s’il désirait étudier la Bible. En procédant ainsi, j’ai commencé de nombreuses études. Quand d’autres proclamateurs ont constaté combien était efficace cette méthode simple et directe, ils se sont mis à leur tour à proposer directement des études bibliques à domicile, avec tout autant de succès. Cela a contribué à l’accroissement de la congrégation : le nombre de proclamateurs est passé de 25 en août 1992 à 84 en juin 1995. ”
Les amis de la liberté vont de l’avant
La Hongrie est appelée le pays des Magyars. Magyar, tel est le nom que se donnent eux-mêmes les Hongrois ; il viendrait d’un mot signifiant “ parler ”. C’est donc avec à propos que les 16 907 proclamateurs de ce pays parlent en hongrois de la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. Ce que le roi David avait dit au sujet des serviteurs fidèles de Jéhovah se réalise : “ Ils diront la gloire de ta royauté, et ils parleront de ta puissance. ” — Ps. 145:11.
C’est ce que font avec zèle les Témoins de Jéhovah hongrois dans 219 congrégations et 12 circonscriptions. En 1995, ils
ont consacré 2 268 132 heures à parler à leurs semblables de ‘ la gloire de la royauté de Jéhovah ’. Chaque mois, environ 14 000 études bibliques ont été dirigées, et 37 536 personnes ont assisté au Mémorial en 1995. Le nombre des proclamateurs ne cesse d’augmenter d’année en année. Entre juin 1989, lorsque l’œuvre du Royaume en Hongrie a pu de nouveau s’effectuer ouvertement, et août 1995, ce nombre est passé de 9 626 à 16 907. Quant au nombre de pionniers permanents, il est passé de 48 à 644 dans le même intervalle.Comme aux jours de Salomon, quand le temple de Jérusalem avait été dédié à Jéhovah, nos frères hongrois ‘ se sont réjouis et ont eu le cœur joyeux ’ lorsqu’ont été inaugurés, le 31 juillet 1993, les logements et les bureaux qui sont venus agrandir le Béthel de Budapest (1 Rois 8:66). La construction de notre première Salle d’assemblées, qui devrait se situer à Budapest, constitue le prochain gros projet. Actuellement, les différentes circonscriptions de la capitale tiennent leurs assemblées au Palais des Congrès EFEDOSZ, celui-là même qu’utilisait le parti communiste pour ses rassemblements.
Durant de nombreuses années l’activité des Témoins de Jéhovah en Hongrie a été dirigée par d’autres filiales, comme la Roumanie, l’Allemagne, la Suisse et, la dernière en date, l’Autriche. Mais en septembre 1994, la Hongrie est devenue une filiale qui dépend directement du siège mondial à Brooklyn.
Dès le début de leur activité en Hongrie, il y a près d’un siècle, les Témoins de Jéhovah ont eu à subir la persécution et l’intolérance religieuse. Cependant, loin d’être entravée, la prédication de la bonne nouvelle du Royaume de Dieu s’est poursuivie avec d’autant plus de vigueur. Comptant sur l’aide de Jéhovah, les Témoins de Hongrie sont déterminés à dire, à l’instar du psalmiste David : “ Ma bouche exprimera la louange de Jéhovah ; et que toute chair bénisse son saint nom pour des temps indéfinis, oui pour toujours. ” — Ps. 145:21.
[Illustrations pleine page, page 66]
[Illustrations, page 74]
János Dóber (en haut) et József Toldy (à droite) ont introduit la vérité biblique en Hongrie et ont évangélisé avec zèle.
[Illustration, page 79]
Des pionniers zélés à Budapest vers 1934-35 : (de gauche à droite) Adi et Charlotte Vohs, Julius Riffel, Gertrud Mende, Oskar Hoffmann, Martin Poetzinger.
[Illustration, page 82]
Des Témoins dans le camp de concentration de Nagykanizsa.
[Illustration, page 83]
János Konrád, emprisonné 12 ans en raison de sa neutralité chrétienne.
[Illustrations, page 90]
Fidèles à Jéhovah jusqu’à leur mort : (en haut) Bertalan Szabó, fusillé ; (à droite) Lajos Deli, pendu.
[Illustration, page 102]
Comme beaucoup d’autres Témoins, János Lakó a refusé tout compromis avec ses persécuteurs.
[Illustration, page 107]
Ilona Völgyes cachait de la nourriture spirituelle dans les gâteaux qu’elle envoyait à son mari emprisonné.
[Illustrations, pages 108, 109]
D’une “ assemblée forestière ” en 1986 à une assemblée internationale au Népstadion de la capitale en 1991.
[Illustration, page 110]
La première Salle du Royaume construite en Hongrie selon un procédé rapide, à Érd.
[Illustrations, page 115]
Les bâtiments de la filiale et la famille du Béthel de Budapest.