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Venezuela

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CONNAÎTRE le Venezuela, c’est connaître le monde. Le voyageur peut y voir... un Indien chassant dans la forêt tropicale à l’aide d’une lance ; une señora pimpante qui fait des achats dans une boutique de luxe ; des touristes dansant sur des rythmes africains lors d’une fiesta nocturne ; un jeune garçon qui s’enroule dans son poncho pour se protéger du vent glacial qui vient de la montagne et s’empresse de rassembler ses moutons ; enfin, plus de 71 000 Témoins de Jéhovah, jeunes et vieux, d’origines diverses, occupés à faire connaître le vrai Dieu et son Royaume.

La plupart des Vénézuéliens sont issus d’un métissage entre Indiens, Espagnols et Africains. Mais depuis la Seconde Guerre mondiale, les immigrants italiens, portugais et espagnols constituent une partie non négligeable de la population. Par ailleurs, le nombre de jeunes est impressionnant.

Situé sur la côte septentrionale du continent sud-américain, ce pays offre des contrastes étonnants. Les 2 800 kilomètres de côtes, baignées par la mer des Caraïbes et caressées par la brise tropicale, contrastent avec les montagnes enneigées et la forêt tropicale luxuriante. Il n’y a pas que de vastes plaines ou llanos, mais aussi des chutes d’eau belles à vous couper le souffle, comme Cuquenán, qui fait un saut de 600 mètres, et Salto del Ángel ou Chutes de l’Ange, les plus hautes du monde, qui plongent de 979 mètres depuis une rivière souterraine prenant sa source sur le plateau rocailleux qui les surplombe. La capitale, Caracas, abrite quelque 4 000 000 d’habitants ; c’est une métropole moderne dotée d’élégants centres commerciaux. Un réseau routier de bonne qualité la relie à l’intérieur du pays. Des milliers de gens vivent toutefois dans des bidonvilles, sur les hauteurs qui surplombent le centre prospère de Caracas.

La situation religieuse au Venezuela

Pour la plupart, les Vénézuéliens sont catholiques, bien que l’Église n’ait plus autant d’ascendant sur la population. Même si les Indiens se disent souvent catholiques, ils ont leurs propres rites et traditions, comme c’est d’ailleurs le cas des Vénézuéliens de souche africaine. La sorcellerie et le spiritisme sont très répandus dans ce pays. Beaucoup de gens portent des amulettes pour se protéger du mauvais œil. La secte de María Lionza, qui s’apparente au vaudou, est très répandue. Par ailleurs, différentes dénominations évangéliques se développent.

Les catholiques vénézuéliens accordent une place importante aux “ saints ” et aux “ vierges ” dans leur vie. Chaque région du pays possède son “ saint ” ou sa “ vierge ”. On trouve des images pieuses dans la plupart des maisons. Dans certaines, il y a un rameau au-dessus de la porte d’entrée pour éloigner les mauvais esprits ; une Bible est parfois posée sur la table et ouverte au Psaume 91, dans l’espoir que la maisonnée sera protégée dans une certaine mesure.

Souvent, l’image de leur “ saint ” préféré côtoie le portrait de Simon Bolivar, qui permit au Venezuela et à quatre autres pays d’Amérique du Sud de s’affranchir de la domination espagnole. Témoignant de l’honneur qui lui est rendu, il y a au Venezuela l’aéroport international Simon Bolivar, l’université Simon Bolivar, l’avenue Simon Bolivar et l’État de Bolivar. La monnaie du pays s’appelle également le bolivar. Chaque ville du Venezuela possède une place centrale qui est presque toujours appelée Plaza Bolivar. On peut souvent voir certaines des déclarations qu’on lui prête peintes soigneusement sur des murs.

Il faut encore noter une caractéristique remarquable des Vénézuéliens : ils respectent profondément Dieu et ne cachent pas leur foi en la Bible. Une personne qui désire parler de choses spirituelles sera rarement tournée en ridicule. Cette attitude réceptive offre un terrain fertile où semer les graines de vérité au sujet de Jéhovah et de ses desseins.

Des femmes animées d’un véritable esprit missionnaire

Tandis que le monde essayait de surmonter les difficultés engendrées par la Première Guerre mondiale et qu’Adolf Hitler inquiétait l’Europe, deux femmes Témoins de Jéhovah du Texas, Kate Goas et sa fille Marion, ont décidé de prendre une part plus active dans la diffusion du message de paix contenu dans la Bible. Elles ont écrit au siège de la Watch Tower Bible and Tract Society, à Brooklyn, pour demander où elles pourraient être le plus utile ; elles ont précisé qu’elles connaissaient un peu l’espagnol. Où les a-​t-​on envoyées ? Au Venezuela.

Elles ont pris le bateau en 1936 et, à leur arrivée, ont loué une chambre à Caracas, qui comptait alors 200 000 habitants. Plus de dix ans auparavant, des Étudiants de la Bible (nom des Témoins de Jéhovah à l’époque) avaient parcouru le Venezuela et distribué des milliers de tracts bibliques dans les principales villes, mais ils n’étaient pas restés dans le pays. Par contre, Kate Goas et sa fille n’étaient pas venues au Venezuela pour un court séjour. Bien que d’apparence raffinée et délicate, Kate allait de maison en maison portant un énorme sac rempli de publications et un phonographe. Elle et sa fille ont parcouru systématiquement tout Caracas. Quand cela fut fait, elles se déplacèrent dans l’intérieur du pays, parcourant de longues distances en autocar sur des routes poussiéreuses. Elles ont prêché dans des endroits du Venezuela comme Quiriquire, El Tigre, Ciudad Bolivar à l’est, et Maracaibo à l’ouest.

Cependant, elles ont dû rentrer aux États-Unis en juillet 1944, car Marion avait contracté le paludisme. Voici ce qu’écrivit Kate Goas dans une lettre à la Société datée du 2 août 1944 : “ Nous avons laissé quantité de publications (...). Après avoir porté le message dans pratiquement toute la République, nous continuons de trouver des gens qui aiment nos publications et qui les lisent chaque fois que nous revenons (...). Maintenant, au bout de deux ans d’un témoignage constant à Caracas, sept personnes, six sœurs et un frère, ont pris position pour la justice, se faisant baptiser (...). Ce frère et ces sœurs sont très heureux de connaître Jéhovah et son Royaume (...). Un bon témoignage a été donné de façon répété dans tout Caracas, et le contenu des publications est bien connu (...). À vos côtés pour sa Théocratie, Kate Goas. ” Le frère mentionné dans sa lettre était le jeune Rubén Araujo, dont nous reparlerons plus loin. (Soit dit en passant, les sept personnes que sœur Goas avait baptisées ont été rebaptisées en 1946 par un frère, pour suivre le modèle biblique qui établit que seuls des hommes approuvés par Jéhovah peuvent administrer le baptême.)

Les bases d’un témoignage accru

Alors que Kate Goas écrivait à la Société, à Brooklyn on s’organisait pour que des missionnaires formés à Guiléad, l’École biblique de la Société Watchtower, soient envoyés au Venezuela. Nathan Knorr et Fred Franz, à l’époque respectivement président et vice-président de la Société, se sont rendus plusieurs fois en Amérique latine pour jeter les bases d’une activité missionnaire accrue. Une visite au Venezuela était prévue pour 1946. Trois missionnaires diplômés de l’École de Guiléad devaient arriver au Venezuela, mais jusque-​là ils n’avaient pas reçu leurs visas. Qui prendrait les dispositions nécessaires pour la visite du président du 9 au 12 avril 1946 ?

L’un des trois missionnaires a donc été envoyé avec un visa touristique. Il a pris l’avion et a logé chez Jeanette Atkins, une femme hospitalière qui avait appris la vérité grâce à Kate Goas. Mais trois semaines après son arrivée, le missionnaire a mystérieusement disparu. Sa logeuse et ses amis ont fait appel à la police et aux compagnies aériennes, pour découvrir finalement qu’il était rentré aux États-Unis parce qu’il souffrait du mal du pays !

Toutefois, avant que cela ne se produise, frère Knorr et frère Franz ont rendu une visite des plus profitable au groupe vénézuélien. Rubén Araujo se rappelle que le jour même de leur arrivée ils ont tenu une réunion dans le patio de la maison de Jeanette Atkins ; 22 personnes ont écouté leurs discours.

Pedro Morales, qui était présent, était enthousiasmé par la bonne nouvelle. Il a plus tard expliqué : “ À la fin des années 30, Kate Goas et sa fille m’ont remis le livre Richesses sur le marché principal de Maracaibo. Des années plus tard, j’ai commencé à le lire et cela m’a ouvert les yeux sur la Bible. Lorsque j’ai lu ce qui concernait le marquage au front de ceux qui en étaient dignes, je me suis senti puissamment poussé à l’action (Ézék. 9:4) ! J’ai donc entrepris de rechercher ceux qui possédaient cette publication. J’ai trouvé quatre personnes qui avaient reçu des livres d’un habitant de la Trinité. Nous nous sommes retrouvés tous les soirs pour étudier le livre Richesses, utilisant à tour de rôle nos maisons respectives comme lieu de réunion. ”

Lorsque Pedro a reçu une invitation pour se rendre à Caracas (distante d’environ 700 km) pour la réunion qui allait avoir lieu à l’occasion de la visite de frère Knorr, un ami et lui étaient déterminés à faire le voyage. Il fallait pourtant surmonter des difficultés. Pedro raconte : “ Ma femme était enceinte et elle commençait à avoir des contractions ; de plus, il fallait que je m’occupe de mon affaire. Comment allais-​je faire ? J’ai engagé une sage-femme pour qu’elle reste avec ma femme et j’ai laissé la fabrique de confiserie entre les mains de mes trois enfants de 14, 12 et 10 ans. Nous sommes ensuite partis pour Caracas en car, un pénible voyage de deux jours sur des routes non goudronnées. ” Quelle joie ce fut pour lui de rencontrer les Témoins de Caracas ! Alors qu’il était à Caracas, il a reçu un télégramme de Maracaibo : “ Femme se porte bien. Enfant encore mieux. Prends soin de l’affaire. Justo Morales. ” Son frère était arrivé de Colombie sans prévenir et il avait pris les choses en main.

Le tout premier jour de ces réunions spéciales à Caracas, frère Franz présenta le thème “ Les Témoins de Jéhovah dans le creuset de l’épreuve ”. Puis frère Knorr poursuivit sur ce thème alors que Fred Franz l’interprétait en espagnol. Cet exposé ouvrait les yeux ! Il montrait ce que, selon la Bible, les chrétiens devaient s’attendre à subir de la part du monde, et relatait en détail la persécution intense que les Témoins de Jéhovah avaient endurée en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le lendemain, un baptême a eu lieu à Los Chorros, dans une étendue d’eau au pied d’une chute. Dix personnes se sont fait baptiser ce jour-​là, dont Winston Blackwood (qui avait été contacté par sœur Goas à Quiriquire) et son fils Eduardo, Horacio Mier y Terán et son jeune frère Efraín, Pedro Morales, Gerardo Jessurun du Suriname, Israël Francis et José Mateus.

Pedro Morales et deux autres frères de l’ouest du pays furent très heureux d’entendre frère Knorr annoncer que la Société allait envoyer des missionnaires à Maracaibo dès que le gouvernement l’y autoriserait. Pedro devint pionnier permanent et persévéra dans ce service jusqu’à sa mort.

L’amour des vérités bibliques les a attirés

Avant l’arrivée des missionnaires, le siège de la Société à Brooklyn avait reçu des rapports émanant du petit groupe que sœur Goas avait formé. Il n’y avait qu’une poignée de proclamateurs, et très peu de publications. Il fallait souvent prêter les livres à ceux qui manifestaient de l’intérêt. Le rapport de mars 1946 indiquait que neuf proclamateurs prêchaient la bonne nouvelle au Venezuela ; Josefina López s’occupait du groupe, car c’est elle qui était la plus active.

Rubén Araujo se souvient de l’exemple remarquable laissé par sœur López : “ J’étais adolescent à cette époque (...). Josefina López avait quatre fils et deux filles et elle était enthousiasmée par ce que lui apprenait sœur Goas. Presque chaque jour après l’école, je me rendais chez elle et je discutais des nouvelles choses qu’elle avait apprises au sujet de la vérité. C’était une mère de famille bien occupée, mais sœur López parvenait à prêcher de maison en maison et à diriger des études bibliques chaque jour après le déjeuner, quand son mari et ses fils aînés repartaient travailler. Elle était un bon exemple pour nous tous et elle manifestait réellement l’esprit pionnier, prêchant en moyenne entre 60 et 70 heures par mois. Plus de 40 années plus tard, il y a toujours des lettres de recommandation vivantes qui parlent en sa faveur à Caracas. ”

Dans le premier groupe, il y avait également Domitila Mier y Terán, une veuve. Elle avait toujours été attirée par les choses spirituelles. Son père avait une Bible qu’elle aimait lire. Quand il est mort, elle a fouillé toute la maison pour la trouver. Sa Bible était le seul héritage qu’elle désirait recevoir. Elle ne trouva qu’une partie de la Bible, le reste ayant été endommagé par manque de soin. Cependant, elle accordait une grande valeur à cette portion de l’Écriture et l’utilisa jusqu’à ce qu’elle soit plus tard en mesure d’acheter une nouvelle Bible. Un jour, un ami qui s’était procuré le livre Réconciliation l’a apporté à Domitila et lui a dit que puisqu’elle lisait assidûment la Bible, elle l’apprécierait davantage que lui. À la recherche des éditeurs du livre, Domitila s’est rendue chez les adventistes et dans d’autres groupes protestants. Finalement, à sa grande joie, Kate Goas s’est présentée à sa porte, et Domitila a immédiatement accepté d’étudier la Bible avec elle. Deux de ses fils, baptisés pendant la première visite de frère Knorr et de frère Franz, sont plus tard devenus surveillants de circonscription, et un troisième, Gonzalo, a été nommé ancien dans une congrégation. Toutefois, un autre de ses fils, Guillermo, qui était là lorsque Kate Goas est venue la première fois, ne s’est fait baptiser qu’en 1986.

“ Et vous, combien de temps allez-​vous rester ? ”

Le 2 juin 1946, peu après la visite de frère Knorr, deux des missionnaires affectés au Venezuela sont arrivés. Il s’agissait de Donald Baxter et Walter Wan. Le jeune Rubén Araujo était là pour les accueillir à Caracas. Il les a regardés d’un œil méfiant, sans doute en ayant présent à l’esprit ce qui venait de se passer avec le missionnaire qui les avait précédés, et il leur a demandé dans un anglais hésitant : “ Et vous, combien de temps allez-​vous rester ? ”

Rubén avait organisé une étude de La Tour de Garde, étude qui a eu lieu le jour où les missionnaires sont arrivés. Il s’efforçait de mettre en pratique les instructions que frère Franz lui avait données. Il faisait de son mieux, mais c’était une étude en solo. Rubén lisait la question et y répondait, après quoi il lisait le paragraphe. Il se rappelait que l’étude ne devait pas durer plus d’une heure ; il s’est donc montré obéissant en arrêtant au bout d’une heure, bien qu’il n’ait couvert que 17 paragraphes, ce qui ne constituait pas la totalité de l’étude ! L’expérience viendrait avec du temps et de la patience.

De nos jours, lorsqu’il repense au départ précipité du premier missionnaire, Rubén Araujo dit : “ Peu de temps après cela, le vide qu’il a laissé a été comblé par les deux nouveaux diplômés de Guiléad. Nous nous sommes sentis comblés par le don que l’organisation nous faisait en envoyant ces missionnaires pour nous aider dans la Macédoine vénézuélienne. ” (Voir Actes 16:9, 10.) Auparavant, frère Knorr avait dit à frère Baxter : “ Reste dans ton affectation, même si tu dois en mourir ! ” Ce ne fut heureusement pas le cas, et frère Baxter sert toujours au Venezuela presque 50 ans plus tard.

Un nouveau cadre

La première maison de missionnaires de Caracas était située 32, avenue Bucares, dans un quartier appelé El Cementerio. C’est également à cet endroit qu’on a ouvert une filiale le 1er septembre 1946, Donald Baxter devenant surveillant de filiale. Les conditions de vie étaient loin d’être idéales. Les routes n’avaient pas de revêtement et il n’y avait pas d’eau courante. On comprend que les missionnaires aient été plutôt soulagés en 1949, lorsque la maison de missionnaires a été déplacée de El Cementerio (le cimetière) à El Paraíso (le paradis) où il y avait l’eau courante.

Frère Baxter se rappelle les difficultés rencontrées par les missionnaires pour apprendre la langue et combien ils se sentaient frustrés. Ils avaient à cœur d’utiliser la formation qu’ils avaient reçue à Guiléad pour apporter leur aide, mais une fois sur place, ils étaient dans l’incapacité de communiquer. Toutefois, ces difficultés temporaires ont vite été effacées par les bons résultats qu’ils ont obtenus dans le ministère. Frère Baxter se souvient de la première fois où ils prêchèrent dans la rue : “ Nous avions décidé d’aller à El Silencio, un quartier du centre ville, et de voir comment les choses allaient se passer. Walter Wan, mon compagnon de service, s’est placé à un coin, et moi à un autre. Les passants étaient très curieux ; ils n’avaient rien vu de semblable auparavant. Nous n’avions presque rien à dire. Les gens faisaient la queue pour obtenir nos périodiques, et nous les avons tous distribués en 10 à 15 minutes. C’était vraiment différent de ce à quoi nous étions habitués aux États-Unis ! ” Walter Wan dit : “ Lorsque j’ai fait le compte, j’ai constaté à ma grande surprise que pendant ces quatre jours riches en événements passés à louer Jéhovah dans les rues et sur les places de marché, comme l’avaient fait Jésus et les apôtres, j’avais laissé 178 livres et Bibles. ”

Le premier rapport envoyé par la filiale au siège de la Société à Brooklyn indique qu’il y avait 19 proclamateurs, dont les deux missionnaires et quatre pionniers permanents (Eduardo Blackwood, Rubén Araujo, Efraín Mier y Terán et Gerardo Jessurun). Eduardo Blackwood avait commencé son service de pionnier le mois où frère Knorr leur avait rendu visite, et les trois autres l’avaient imité peu après. Neuf proclamateurs prêchaient dans l’intérieur du pays. Winston et Eduardo Blackwood, qui vivaient à El Tigre, allaient prêcher jusqu’à Ciudad Bolivar au sud et jusque dans les campements d’exploitation pétrolière près de Punta de Mata et de Maturín, à l’est. Quant à Pedro Morales et d’autres, ils prêchaient à Maracaibo. Gerardo Jessurun, Nathaniel Walcott et David Scott prêchaient sur la côte est du lac Maracaibo, dans les campements d’exploitation pétrolière de Cabimas et de Lagunillas. Plus tard, ils furent rejoints par Hugo Taylor, qui servait toujours comme pionnier spécial en 1995. À eux tous, ils parcouraient une bonne partie du pays. Frère Baxter et frère Wan n’ont pas tardé à le constater.

Des dispositions pour rendre visite à tous les groupes

Pendant les mois d’octobre et novembre 1947, les deux missionnaires se sont rendus dans les régions situées à l’ouest et à l’est du pays pour voir quelle aide pourrait être apportée aux petits groupes. Ils avaient pour objectif d’organiser ces groupes en congrégations. Le sourire aux lèvres, frère Baxter se souvient de cette expédition mémorable : “ Nous nous déplacions en autocar, ce qui était une véritable aventure au Venezuela. Les sièges du car étaient petits et serrés, car la plupart des Vénézuéliens sont petits ; pour nous qui venions d’Amérique du Nord, nous ne savions pas où mettre nos jambes. Sur le toit des cars, il n’était pas rare de voir des lits, des machines à coudre, des tables, des poulets, des dindes et des bananes avec les bagages des voyageurs. Si un passager n’effectuait qu’un court trajet, il ne se donnait pas la peine de mettre ses poulets ou les petits objets sur le toit, mais il les prenait avec lui dans le car et les entassait dans l’allée, entre les sièges. Le car est tombé en panne. En attendant qu’un autre arrive, nous nous sommes retrouvés pendant plusieurs heures dans un désert peuplé de cactus et de chèvres. Nous sommes ensuite tombés en panne d’essence. ”

Dans chacun des quatre endroits où ils se sont rendus, une dizaine de personnes se réunissaient dans la pièce principale du domicile de l’une d’elles. Les missionnaires leur ont montré comment diriger les réunions, comment rapporter leur activité et comment se procurer les publications nécessaires à la prédication.

À El Tigre, frère Baxter a remarqué qu’Alejandro Mitchell, l’un des nouveaux frères de l’endroit, avait suivi presque littéralement le conseil contenu en Matthieu 10:27 de prêcher du haut des toits en terrasse. Il avait placé un haut-parleur sur le toit de sa maison et, chaque jour pendant environ une demi-heure, il lisait des portions des livres Enfants et Le monde nouveau, ainsi que d’autres publications de la Société Watch Tower. Il mettait le volume si fort qu’on pouvait l’entendre à plusieurs pâtés de maisons à la ronde. On ne s’étonnera pas que cela irritait les voisins. Les missionnaires lui ont donc dit qu’il serait mieux de prêcher de maison en maison et de ne plus utiliser le haut-parleur.

Ce voyage, qui avait pour but de rendre visite aux différents petits groupes, s’est révélé des plus bénéfique. Au cours des deux mois du voyage, les frères ont pu baptiser 16 personnes.

Des missionnaires arrivent à Maracaibo

Maracaibo, dans le nord-ouest du pays, est la deuxième ville du Venezuela. C’est un endroit où il fait chaud et très humide. C’est également la capitale pétrolière du Venezuela. La ville nouvelle contraste grandement avec la vieille ville, située près des docks ; ce vieux quartier, parcouru de rues étroites bordées de maisons de style colonial et construites en adobes, n’a presque pas changé depuis la fin du siècle dernier.

Six missionnaires sont arrivés à Maracaibo en cargo le 25 décembre 1948. Venant de New York où il faisait froid, ils étaient encombrés de lourds vêtements d’hiver. Le groupe se composait de Ragna Ingwaldsen, qui s’est fait baptiser en 1918 et qui est toujours pionnière en Californie, Bernice Greisen (aujourd’hui “ Bun ” Henschel, membre de la famille du Béthel au siège mondial), Charles et Maye Vaile, Esther Rydell (demi-sœur de Ragna) et Joyce McCully. Ils ont été accueillis chez un couple qui fréquentait les Témoins depuis peu. En nage, les missionnaires ont rangé leurs 15 valises et les 40 cartons de publications du mieux qu’ils pouvaient. Quatre d’entre eux ont dormi dans des hamacs et deux dans des lits improvisés sur les cartons de livres en attendant de trouver une location pour ouvrir la maison de missionnaires.

Ragna se rappelle qu’ils avaient tous les six l’air très étrange pour les Maracuchos, surnom des habitants de Maracaibo. Plusieurs missionnaires étaient grands et blonds. Ragna a raconté plus tard : “ Souvent, quand nous allions de maison en maison, nous étions suivis de jeunes enfants nus, jusqu’à une dizaine, qui écoutaient de quelle manière étrange nous parlions leur langue. Aucun de nous six ne connaissait plus d’une dizaine de mots en espagnol. Quand ils se moquaient de nous, nous partions à rire avec eux. ” Lorsque ces missionnaires sont arrivés, il n’y avait que quatre proclamateurs à Maracaibo. Au début de 1995, il y avait 51 congrégations et un total de 4 271 proclamateurs.

Sa prière a été entendue

Benito et Victoria Rivero avaient gentiment hébergé les six missionnaires à leur arrivée. Juan Maldonado, un pionnier de Caracas, avait remis à Benito le livre “ Le Royaume de Dieu s’est approché ”. Quand Pedro Morales lui a ensuite proposé d’étudier la Bible, Benito a accepté avec joie ; il a non seulement étudié, mais aussi immédiatement commencé à assister aux réunions du petit groupe. Il a également encouragé sa femme à y assister en lui disant que les cantiques étaient très beaux, car elle aimait chanter. Elle a donc pris l’habitude de l’accompagner ; mais comme elle ne comprenait vraiment rien à ce qui se disait, elle s’endormait souvent.

Un soir qu’ils étaient chez eux, pensant qu’elle s’était endormie, Benito a prié à voix haute pour que Jéhovah éclaire sa femme. Elle a entendu sa prière et en a été très touchée. Après la mort de son mari, survenue en 1955, Victoria a entrepris le service de pionnier permanent, puis spécial.

Prédication dans les campagnes proches de Maracaibo

Le père de Rebeca (maintenant Rebeca Barreto) est l’un des premiers à avoir accepté la vérité dans la région de Maracaibo. Rebeca n’avait que cinq ans lorsque Gerardo Jessurun a commencé à étudier la Bible avec son père, qui a progressé et s’est fait baptiser en 1954. Elle garde d’excellents souvenirs des moments passés en prédication lorsqu’elle était jeune. Elle se souvient : “ Nous louions un autocar, et toute la congrégation se rendait dans les régions rurales. Les gens de la campagne n’avaient pas beaucoup d’argent, mais ils aimaient les publications. À la fin de la journée, les frères et sœurs entassaient dans le car les œufs, les courges, le maïs et les poulets vivants qu’ils avaient reçus en échange de publications. C’était un spectacle insolite. ”

Toutefois, tout le monde n’appréciait pas leur visite. Sœur Barreto se souvient d’un incident qui s’est produit dans un village, à Mene de Mauroa. Elle dit : “ Alors que nous allions de maison en maison, le prêtre nous suivait ; il déchirait les publications que les gens avaient acceptées et leur disait de ne pas écouter les Témoins de Jéhovah. Il a rassemblé une foule de jeunes et les a excités au point qu’ils nous ont jeté des pierres. Plusieurs frères et sœurs ont été touchés. ” Le groupe de Témoins s’est rendu chez le prefecto de la ville pour recevoir de l’aide. Comme il était favorable aux Témoins, il a dit au prêtre qu’il allait devoir le garder dans son bureau pendant quelques heures ‘ pour le protéger de ces prédicateurs ’. N’ayant plus personne à sa tête, la foule s’est dispersée et les Témoins ont joyeusement passé les deux heures suivantes sans être harcelés, rendant témoignage à fond dans le village.

Davantage d’aide

Le territoire était étendu, et une aide supplémentaire s’avérait nécessaire pour pouvoir le parcourir. Davantage d’ouvriers, fraîchement émoulus de l’École de Guiléad, sont arrivés en septembre 1949 pour participer à la moisson spirituelle. Ils avaient un désir ardent de s’y dépenser. Mais cela n’était pas pour autant facile pour eux. Lorsque Rachel Burnham a aperçu les lumières du port par le hublot de sa cabine sur le Santa Rosa, elle a eu l’impression qu’elle n’avait jamais rien vu de plus réconfortant. Elle avait le mal de mer depuis le départ de New York. Bien qu’il fût trois heures du matin, elle a réveillé énergiquement les trois “ filles ” qui l’accompagnaient. Sa sœur Inez ainsi que Dixie Dodd et sa sœur Ruby (maintenant Baxter) avaient apprécié le voyage, mais étaient heureuses d’arriver dans leur nouveau territoire.

Donald Baxter, Bill et Elsa Hanna (des missionnaires arrivés un an plus tôt) et Gonzalo Mier y Terán étaient là pour les accueillir. Ils ont quitté le port et se sont rendus à Caracas en autocar. Il semble que le chauffeur ait voulu donner des frissons à ces nouvelles venues, et il y est sans doute parvenu. Enfilant les virages en épingle, il a roulé à une vitesse apparemment excessive, souvent le long d’un précipice ! Les sœurs en parlent encore.

Elles se sont installées à El Paraíso, où se trouvaient la filiale et la maison de missionnaires. Rachel a servi fidèlement comme missionnaire jusqu’à sa mort en 1981 ; Inez, elle, est décédée en 1991. Les autres membres de ce groupe servent toujours fidèlement Jéhovah.

Lorsque Dixie Dodd fait le point sur leurs premiers mois dans ce territoire, elle dit : “ Nous avions le mal du pays. De toute façon, nous n’aurions même pas pu nous rendre à l’aéroport si nous l’avions voulu. Nous n’avions pas assez d’argent ! ” Elles se sont donc concentrées sur la mission que l’organisation de Jéhovah leur avait confiée à l’étranger. Elles ont finalement cessé de rêver à leur retour et se sont attelées à la tâche.

Incompris

La langue posait problème à la plupart des missionnaires, du moins pendant un temps.

Dixie Dodd se rappelle que l’une des premières choses qu’on leur a apprises à dire était “ Mucho gusto ” chaque fois qu’ils étaient présentés à quelqu’un. Le jour même, on les emmena à l’étude de livre de la congrégation. Pendant le trajet en bus ils se répétaient l’expression : “ Mucho gusto. Mucho gusto. ” “ Mais quand on nous a présentés, explique Dixie, impossible de nous le rappeler !” Ils ont cependant fini par y arriver.

Bill et Elsa Hanna, qui ont été missionnaires de 1948 à 1954, ont longtemps gardé le souvenir de leurs impairs. Un jour que frère Hanna désirait acheter une douzaine d’œufs blancs, il a demandé des huesos blancos (os blancs) au lieu de huevos blancos. Une autre fois, il voulait acheter un balai. Comme il craignait de ne pas s’être bien fait comprendre, il a essayé d’être plus précis : “ Pour balayer ‘ el cielo ’ ” (le ciel), a-​t-​il dit, au lieu de el suelo (le sol). Avec une pointe d’humour, le commerçant lui a répondu : “ On peut dire que monsieur a de l’ambition. ”

Quand Elsa (la femme de Bill) s’est rendue à l’ambassade, elle a demandé de remover (décoincer) son passeport au lieu de le renovar (renouveler). La secrétaire lui a demandé : “ Que vous est-​il arrivé, madame, vous l’avez avalé ? ”

Lorsque Genee Rogers, une missionnaire, est arrivée en 1967, elle s’est un peu découragée. Après chacune des présentations qu’elle avait soigneusement préparées, son interlocuteur se tournait vers l’autre proclamateur et demandait : “ ¿ Qué dijo ? ” (Qu’est-​ce qu’elle a dit ?) Mais sœur Rogers n’a pas baissé les bras pour autant, et en 28 ans de service missionnaire elle a aidé 40 personnes à connaître la vérité et à progresser jusqu’au baptême.

Willard Anderson, qui est arrivé de Guiléad avec sa femme Elaine en novembre 1965, a reconnu franchement que les langues n’avaient jamais été son fort. Toujours prêt à rire de ses erreurs, Willard déclare : “ J’ai étudié l’espagnol au collège. Au bout de six mois mon professeur m’a fait promettre de ne jamais me réinscrire à son cours ! ”

Mais avec l’esprit de Jéhovah, de la persévérance et un solide sens de l’humour, les missionnaires ont rapidement adopté leur nouvelle langue.

Même les maisons portent des noms

La langue n’était pas le seul changement pour les missionnaires. Ils ont dû changer de méthode pour pouvoir retrouver les occupants des maisons où ils prévoyaient de revenir. À l’origine, beaucoup de maisons de Caracas n’avaient pas de numéros. Chaque propriétaire choisissait un nom pour sa maison. Les maisons de bon standing sont appelées quintas et portent fréquemment le même nom que la maîtresse de maison. Par exemple, une adresse pourrait être libellée Quinta Clara. Il peut aussi s’agir de la combinaison du nom des enfants : Quinta Carosi (Carmen, Rosa, Simon). Le propriétaire du bâtiment utilisé pour la première filiale et comme maison de missionnaires l’avait déjà nommé Quinta Savtepaul (Saint-Vincent de Paul). Ce bâtiment, situé sur une grande route, fut rapidement connu comme le lieu de réunion des Témoins de Jéhovah.

En 1954, on a acheté une construction neuve devant servir pour le bureau de la filiale et de maison de missionnaires. Il revenait aux frères de choisir un nom convenable. Ayant présent à l’esprit le conseil de Jésus de faire ‘ briller notre lumière devant les hommes ’, ils ont choisi de l’appeler Luz (Lumière) (Mat. 5:16). Bien que le bureau de la filiale ait plus tard été déplacé dans des installations plus spacieuses, au début de 1995 Quinta Luz était toujours habité par 11 missionnaires.

Le système d’adresse du centre de Caracas est unique. Si vous demandez l’adresse d’une entreprise ou d’un immeuble d’habitation, on vous dira peut-être “ La Fe a Esperanza ”. ‘ “ De la foi à l’espérance ? ” Mais ça ne ressemble pas à une adresse ! ’ direz-​vous peut-être. Ah ! mais c’est que, dans le centre de Caracas, chaque intersection porte un nom ! Donc, l’adresse que vous cherchez est dans le pâté de maisons entre les intersections Foi et Espérance.

Aller-retour Venezuela-​Guiléad

Au fil du temps, 136 missionnaires ayant reçu une formation à Guiléad ou à l’École de formation ministérielle se sont rendus au Venezuela ; ils sont venus d’Allemagne, d’Angleterre, du Canada, du Danemark, des États-Unis, d’Italie, de Nouvelle-Zélande, de Porto Rico, de Suède et d’Uruguay. Entre 1969 et 1984, aucun missionnaire n’est arrivé au Venezuela, parce qu’il était devenu impossible d’obtenir des visas. Cependant, en 1984, deux couples ont été autorisés à entrer dans le pays et deux autres missionnaires sont arrivés en 1988. Six Témoins vénézuéliens ont également bénéficié de l’enseignement dispensé à Guiléad.

Lorsque frère Knorr est venu en 1946, le jeune Rubén Araujo lui a demandé s’il lui serait un jour possible d’assister à Guiléad. Il s’est entendu répondre : “ Oui, si tu progresses en anglais. ” “ Inutile de dire, précise Rubén, que j’étais très heureux. Trois ans plus tard, en octobre 1949, j’ai reçu une lettre de frère Knorr m’invitant à faire partie de la 15classe, qui commencerait en hiver, au début de 1950. ”

Les cinq autres frères vénézuéliens qui ont suivi les cours de Guiléad sont Eduardo Blackwood et Horacio Mier y Terán (qui ont tous deux été baptisés en 1946 pendant la visite de frère Knorr), Teodoro Griesinger (dont nous reparlerons plus loin), Casimiro Zyto (qui avait émigré de France et s’était fait naturaliser Vénézuélien) et, plus récemment, Rafael Longa (qui a servi comme surveillant de circonscription).

Certains cherchaient, d’autres pas

Dès 1948, Víctor Mejías, de Caracas, réfléchissait à un monde meilleur. Il pensait sincèrement qu’il serait possible de l’établir grâce aux efforts des hommes, et il était prêt à s’y employer. Cependant, il avait des doutes.

Cette année-​là, Josefina López, une sœur très agréable, a laissé le livre “ La vérité vous affranchira ” à la femme de Víctor, Dilia. Le titre a éveillé l’intérêt de Víctor, qui a commencé à lire le livre. Il a ainsi appris pourquoi les hommes ne pourront jamais instaurer un monde vraiment libre. Sa femme et lui ont rapidement assisté aux réunions tenues par les Témoins. Il a dit plus tard : “ Les visages de ceux qui étaient présents m’étaient inconnus mais si amicaux que j’étais convaincu que ces gens étaient différents. Je me rappelle aussi avoir été impressionné quand j’ai vu frère Knorr, le président de la Société, à une assemblée tenue au Club Las Fuentes à Caracas. Il était si différent des chefs religieux, des héros et des artistes célèbres qui cherchent tous à être vus des hommes. Son humilité et ses manières simples m’ont impressionné. ” Víctor s’est aussi rapidement mis à faire connaître la vérité qui peut affranchir, oui, même du péché et de la mort. Il y a quelques années, lorsqu’il a fait le bilan des décennies consacrées à communiquer la vérité biblique à d’autres, frère Mejías a déclaré : “ Ces années ont été les plus heureuses de ma vie. ”

En 1950, année où Víctor Mejías s’est fait baptiser, un autre jeune homme de Caracas, Teodoro Griesinger, a demandé à Ronald Pierce, qui débutait dans le service missionnaire : “ Expliquez-​moi ce que signifie le nombre 666 dans la Révélation. ” Le père de Teodoro lui avait légué une grosse Bible en allemand qu’il lisait de temps en temps. “ Ce n’était pas tant le passé qui m’intéressait, explique Teodoro, mais l’avenir, les choses qui doivent encore se produire et qui sont mentionnées dans la Révélation. ” Satisfait par les explications que frère Pierce lui a données, il a accepté d’étudier le livre “ Que Dieu soit reconnu pour vrai ! ”. Le livre était en espagnol, la Bible de Teodoro en allemand, et tant l’étudiant que l’instructeur parlaient en anglais. Teodoro a progressé rapidement. En 1951 il est devenu pionnier, l’année suivante il a accepté d’être envoyé comme pionnier spécial à Puerto La Cruz ; en 1954 il a obtenu le diplôme de l’École de Guiléad et il est ensuite devenu surveillant de circonscription au Venezuela.

À l’époque où Ronald Pierce a commencé à étudier avec Teodoro Griesinger, Nemecio Lozano, un homme robuste, vivait dans un village indien de la région d’El Tigre. C’était une brute qui aimait jouer du couteau. Le chef des Indiens avait peur de lui, si bien qu’il se soumettait à sa volonté. Lozano était donc le chef de facto. On avait mis les Témoins en garde contre lui, mais ils lui ont prêché quand même. Il les a interrompus et leur a dit sans ménagement : “ Écoutez ! Je ne veux pas de vos explications. Je lirai moi-​même. ” Comme les proclamateurs n’avaient plus de publications, il a insisté pour qu’un des frères lui remette son exemplaire personnel du livre “ La vérité vous affranchira ”, non sans avoir vérifié qu’aucune page ne manquait. Qu’est-​ce que cela pourrait apporter à un homme de son espèce ?

Au bout d’une semaine, il avait lu le livre, s’était procuré des brochures à distribuer et avait commencé à prêcher seul. Quand les Témoins sont revenus le voir, ils lui ont demandé avec inquiétude ce qu’il disait aux gens. Il a répondu : “ Vous pouvez avoir cette brochure pour un misérable medio (une monnaie locale). ” Ils lui ont expliqué avec tact comment il pouvait améliorer sa présentation.

Les réunions se tenaient à El Tigre, à 30 kilomètres de là. Il y venait à cheval, à vélo, et même à pied. Il a progressivement abandonné ses mauvaises habitudes et a acquis les qualités chrétiennes. Comme il prêchait beaucoup, le surveillant de circonscription l’a bientôt encouragé à devenir pionnier. En 1955 il est devenu pionnier spécial, et il est toujours dans ce service avec sa femme Omaira.

Préserver la pureté spirituelle

Dans les premiers temps, la lumière de la Parole de Dieu n’a pas toujours brillé de façon éclatante dans tous les endroits. Certains de ceux qui se sont associés au groupe d’étude d’El Tigre ont introduit des idées propres au monde. Rafael Hernández et sa femme, qui sont entrés en contact avec la vérité dès 1947, se souviennent qu’un frère du groupe qui se réunissait à El Tigre accordait un sens spécial à ses rêves. Et pendant quelque temps, certains ont pensé que tant qu’un homme et une femme étaient fidèles l’un à l’autre, ils n’avaient pas besoin de se marier. Mais ces idées ont progressivement disparu, grâce à une solide instruction biblique.

Cependant, à la fin des années 40, l’un de ceux qui s’étaient fait baptiser en 1946 lors de la visite de frère Knorr a commencé à promouvoir son point de vue et à en entraîner d’autres. Leopoldo Farreras, qui est aujourd’hui ancien à Ciudad Guayana, se rappelle ce qui s’est passé. Il avait été enfant de chœur (monaguillo) dans l’Église catholique, mais il l’avait quittée à 20 ans parce qu’il avait constaté l’immoralité du clergé. Maintenant, il voyait quelqu’un d’autre faire un mauvais usage de son autorité. Leopoldo était jeune et manquait d’expérience, mais il resta ferme pendant cette période trouble à El Tigre et démontra qu’il était fidèle à Jéhovah et à son organisation.

Quelques années plus tard, la femme de Leonard Cumberbatch, qui est maintenant ancien à El Tigre, a commencé à étudier avec les Témoins de Jéhovah. “ J’ai réagi violemment, reconnaît Leonard. Nous avions toujours vécu dans la paix et l’amour, mais quand ma femme a commencé à étudier la Bible, je suis devenu sarcastique. Un jour, elle m’a reproché de conduire dangereusement vite. Je lui ai dit de ne pas s’inquiéter, que son Dieu, Jéhovah, la sauverait ; après tout, elle allait vivre éternellement. Je n’ai pas ralenti.

“ Je lui ai dit que les Témoins étaient en train de profiter d’elle, que j’en savais davantage qu’eux sur la Bible et que je voulais leur parler. Ils ont relevé le défi. La conversation a pris un tour très agréable. Je n’ai pas réussi à prouver qu’ils n’enseignaient pas la vérité, aussi ai-​je accepté d’étudier la Bible avec eux. Cinq mois après avoir commencé à étudier, je me suis fait baptiser. J’ai été nommé conducteur d’étude d’un groupe à Anaco, car j’avais une voiture. Pour aider ce groupe, il me fallait faire 160 kilomètres aller-retour. Puis on m’a demandé de m’occuper d’un autre groupe à 30 kilomètres de là. Il y a maintenant des congrégations dans ces villes. ”

El Tigre est un important centre commercial à l’est du Venezuela. C’est également devenu un centre du vrai culte très important. Au début de 1995, il y avait sept congrégations de Témoins de Jéhovah à El Tigre, et un total de plus de 730 proclamateurs de la bonne nouvelle.

Une orfèvre cesse de fabriquer des idoles

Ciudad Bolivar se situe au sud-est d’El Tigre, sur la rive sud de l’Orinoco. C’est un endroit animé qui connaît un trafic fluvial important. En 1947, un Témoin de Jéhovah est entré en contact avec María Charles, qui habitait cette ville. Elle raconte : “ Je suis orfèvre. J’étais assise dans mon magasin, en train de travailler, quand Alejandro Mitchell est entré, un sac de toile sur l’épaule. Je lui ai demandé : ‘ Qu’avez-​vous là-dedans ? ’ Il m’a répondu : ‘ Ah ! un trésor spécial ! ’ J’ai alors dit : ‘ Bon, si c’est de l’or que vous avez, je vais vous l’acheter, j’en fais mon affaire. ’ Il m’a dit que ce qu’il avait était plus précieux que l’or. ‘ À ma connaissance, la seule chose qui ait plus de valeur que l’or, c’est la Bible ’, lui ai-​je répondu. Alejandro m’a donné raison et a sorti une Bible et d’autres publications.

“ J’aimais lire, mais je n’avais jamais rien compris à la Bible. Je lui ai donc dit : ‘ Je vous achète le tout. ’ Ce jour-​là, je lui ai pris 11 périodiques ainsi que les livres “ Le Royaume s’est approché ”, Salut et une Bible neuve. J’étais tellement fascinée par ce que je lisais que j’ai décidé de ne pas travailler à la joaillerie pendant une semaine pour pouvoir me consacrer à ma lecture. Lorsque j’ai lu le livre “ Le Royaume s’est approché ”, j’ai été impressionnée par l’exemple de Jean le baptiseur et je me suis dit : ‘ J’aimerais prêcher sans crainte, comme lui. ’ ”

María s’est renseignée autour d’elle pour savoir où les Témoins se réunissaient, mais ils n’avaient pas de lieu de réunion à Ciudad Bolivar. Le plus proche se situait à El Tigre, à environ 120 kilomètres de là. Sans se laisser démonter, elle s’est rendue sur place, a assisté à une réunion et a laissé un mot à Alejandro Mitchell pour qu’il revienne la voir à Ciudad Bolivar.

Avant qu’il ne vienne, elle a découvert qu’un tailleur qui habitait dans les environs possédait également le livre “ Le Royaume s’est approché ”. Il connaissait l’endroit où un petit groupe se retrouvait pour lire La Tour de Garde. María s’y est rendue et a rencontré Leopoldo Farreras, sa mère, sa sœur et plusieurs autres personnes. Elle a apprécié la réunion, et le sujet lui a tellement plu qu’elle a levé la main à chaque question !

Quand l’étude s’est terminée, Leopoldo Farreras lui a demandé : “ D’où venez-​vous ? ” María a répondu : “ De ma joaillerie, mais je ne vais plus faire d’images pieuses. ” Souriant de sa franchise, Farreras lui a demandé : “ Pourquoi ? ” María a répondu : “ En raison de ce que dit Psaume 115:4-8. ”

Le groupe n’était pas encore organisé pour la prédication. C’est en fait la dernière à s’y joindre, María Charles, qui a suggéré d’obéir au commandement de la Bible ordonnant de prêcher. Ils se sont équipés de cartes de témoignage et de publications, et ont commencé à porter la bonne nouvelle aux habitants de Ciudad Bolivar de manière organisée. Les premières années ont été très difficiles parce que les gens craignaient le clergé. Mais les efforts zélés du groupe ont porté du fruit. En 1995, il y avait neuf congrégations et un total de 869 proclamateurs à Ciudad Bolivar.

Davantage de missionnaires

D’excellentes nouvelles sont parvenues dans les bureaux de la filiale de Caracas en 1950. Quatorze missionnaires de plus étaient sur le point d’arriver au Venezuela, et trois maisons de missionnaires supplémentaires allaient être ouvertes à Barquisimeto, Valencia et Maracay. Mais les missionnaires pourraient-​ils entrer dans le pays ? Le président vénézuélien venant d’être assassiné, le couvre-feu était décrété à 18 heures et les communications étaient perturbées.

Les quatorze nouveaux missionnaires ont débarqué du premier avion qui a atterri après l’assassinat du président, sur l’aéroport situé près de Caracas. Mais personne n’était là pour les accueillir. Compte tenu des circonstances, on ne les attendait pas. Ralphine (Penny) Gavette, l’une des missionnaires, se rappelle : “ Munis de l’adresse de la filiale, nous avons pris trois taxis. Il n’a pas été difficile de trouver la Avenida Páez à Caracas. Mais c’est une avenue très longue et nous ne parvenions pas à trouver la maison. Il faisait sombre, l’heure du couvre-feu était passée et les chauffeurs de taxi étaient tendus. Enfin, Vin Chapman, un des missionnaires, a dit au chauffeur de s’arrêter pour qu’il puisse demander le chemin à la première porte. Il ne parlait pourtant qu’un espagnol très rudimentaire. Il a frappé à la porte, et c’est Donald Baxter, le surveillant de la filiale, qui a ouvert. Quel soulagement ! ”

Les missionnaires qui ont été envoyés à Barquisimeto, à environ 270 kilomètres de Caracas, ont constaté qu’il s’agissait d’une ville très religieuse. Dans les années 50, les gens de l’endroit étaient plongés dans les traditions et résistaient au changement.

Mais les réactions différaient en fonction des proclamateurs. Frère Chapman se souvient du premier samedi où les missionnaires sont sortis donner le témoignage dans la rue : “ Nous étions tous les cinq aux principales intersections du quartier commerçant du centre ville. Nous ne sommes pas passés inaperçus ! À cette époque-​là, on ne voyait presque jamais d’Américains à Barquisimeto et jamais de jeunes femmes américaines. J’avais l’impression que je ne laisserais aucun périodique, mais ceux des jeunes sœurs s’arrachaient comme des petits pains ! ” Un autre jour, cependant, quand elles sont allées se ravitailler au marché, les quatre jeunes sœurs ont décidé de se mettre en jeans. En quelques minutes, une centaine de femmes les avaient encerclées et les montraient du doigt en criant : “ ¡ Mira ! ¡ Mira ! ” (Regardez ! Regardez !) Elles n’avaient pas l’habitude de voir des jeunes filles se promener dans la rue dans cet accoutrement. Évidemment, les sœurs sont immédiatement rentrées se changer.

La plupart des gens de la région n’avaient jamais vu une Bible. Même lorsqu’on utilisait une traduction catholique, ils ne voulaient pas en accepter le message. En outre, certains refusaient de lire un passage de la Bible, pensant que ce serait pécher. Au cours de la première année, très peu de résultats ont été obtenus à Barquisimeto.

Enfin la vraie religion

Toutefois, tous les habitants de Barquisimeto n’étaient pas aveuglés par une longue tradition catholique. Luna de Alvarado en est un exemple remarquable ; cette femme très âgée était catholique depuis de nombreuses années. Lorsque sœur Gavette a frappé chez elle la première fois, cette dame lui a dit : “ Señorita, depuis que je suis petite fille j’attends que quelqu’un frappe à ma porte et m’explique les choses dont vous venez de me parler. Voyez-​vous, lorsque j’étais jeune, je faisais le ménage chez le prêtre, et il avait la Bible dans sa bibliothèque. Je savais qu’il était interdit de la lire, mais j’étais très curieuse de découvrir pourquoi. Un jour que personne n’était en vue, j’ai emporté la Bible chez moi et je l’ai lue en cachette. Ce que j’ai lu m’a aidée à comprendre que l’Église catholique ne nous enseignait pas la vérité et n’était par conséquent pas la vraie religion. J’avais peur d’en parler à qui que ce soit, mais j’étais sûre qu’un jour quelqu’un enseignant la vraie religion viendrait dans notre ville. Quand les protestants sont arrivés, j’ai d’abord pensé que ce devait être eux, mais j’ai vite découvert qu’ils enseignaient beaucoup des mensonges de l’Église catholique. Ce que vous venez de me dire correspond à ce que j’ai lu dans cette Bible il y a tant d’années. ” Une étude a été commencée sur-le-champ, et Luna n’a pas mis longtemps à symboliser l’offrande de sa personne à Jéhovah. Malgré la vive opposition de sa famille, elle a servi Jéhovah fidèlement jusqu’à sa mort.

Le cœur d’Eufrosina Manzanares l’a incitée à réagir elle aussi à la Parole de Dieu. Lorsque Ragna Ingwaldsen lui a parlé la première fois, Eufrosina n’avait jamais vu une Bible. Mais elle a accepté d’étudier. Ragna se souvient : “ Elle avait pratiqué la religion de manière formaliste ; elle assistait à la messe chaque dimanche et gardait toujours une lampe allumée en l’honneur d’un ‘ saint ’ dont la statue reposait dans une niche creusée dans le mur. Pour s’assurer que la lampe ne s’éteindrait jamais, elle avait à portée de main des litres de pétrole qu’elle réservait à cet usage ! ” Mais Eufrosina a appliqué ce qu’elle apprenait dans la Bible. Quand elle constatait que certaines choses ne plaisaient pas à Jéhovah, elle apportait des changements dans sa vie. C’est pourquoi elle s’est débarrassée de ses images pieuses, s’est arrêtée de fumer et a légalisé son union en se mariant. Plus tard, sa mère s’est jointe à l’étude. Comme il a été difficile à Eufrosina d’abandonner ses gros cigares ! Alors qu’elle avait à peine deux ans, sa mère lui mettait une cigarette dans la bouche pour qu’elle se tienne tranquille, et elle fumait depuis lors. Néanmoins, désireuse de plaire à Jéhovah, elle a cessé de fumer, s’est fait baptiser et est devenue une proclamatrice très zélée.

Six ans après l’arrivée des premiers missionnaires à Barquisimeto, il n’y avait toujours qu’une cinquantaine de proclamateurs. Mais Jéhovah a béni leurs efforts persévérants pour rechercher ceux qui sont semblables aux brebis. Ainsi, en 1995, les 28 congrégations de Barquisimeto comptaient un total de 2 443 proclamateurs.

Valencia, un territoire productif

Valencia se situe à peu près à mi-chemin entre Barquisimeto et Caracas. C’est la quatrième ville de la république. Ses vieilles ruelles évoquent l’Espagne d’autrefois. Ajoutons que tout comme son homonyme ibérique, Valencia est célèbre pour ses oranges.

Huit des missionnaires arrivés au Venezuela en 1950 ont été envoyés à Valencia. Evelyn Siebert (maintenant Ward) se souvient de ses débuts et de la présentation qu’elle avait apprise par cœur : “ Bien que nous ne connaissions pas bien l’espagnol, nous avons commencé de nombreuses études bibliques. ” Paula Lewis est l’une des personnes qui a accepté d’étudier. Paula était catholique et très attachée aux images pieuses, en particulier au “ Sacré-Cœur de Jésus ”, auquel elle adressait régulièrement des requêtes. Elle se rendait à l’église chaque semaine, faisait une offrande de trois bolivars et priait l’image pour que son mari revienne à la maison et reste avec la famille. Comme il continuait à vivre séparé d’elle, elle a décidé de s’adresser avec plus de force à l’image. ‘ Seigneur, si je n’obtiens pas de résultat cette fois, c’est la dernière fois que je te fais un don. ’ Elle a laissé ses trois bolivars et n’est jamais revenue.

Le mois suivant, Evelyn Siebert a frappé à sa porte. Paula l’a écoutée avec plaisir, a pris le livre “ Que Dieu soit reconnu pour vrai ! ” (bien qu’elle ne sût pas lire) et, avec l’aide d’Evelyn, a commencé à étudier la Bible. Paula et l’une de ses filles ont été parmi les premières à se faire baptiser à Valencia. Le mari de Paula, Stephen, ne voulait rien avoir à faire avec “ ces bêtises ”, pour reprendre son expression. Mais il a reconsidéré la question, est revenu vivre avec sa famille et est également devenu un serviteur de Jéhovah. Ce n’était pas à mettre au crédit de la dévotion rendue au “ Sacré-Cœur de Jésus ”, mais de son étude de la Bible.

Deux ans après l’arrivée des autres missionnaires à Valencia, Lester Baxter (le frère aîné de Donald) et sa femme, Nancy, les ont rejoints. Lester a dû fournir de gros efforts pour apprendre l’espagnol. Il en avait non seulement besoin pour la prédication, mais aussi pour diriger toutes les réunions puisqu’il était le seul frère du groupe. Il a étudié assidûment et a obtenu de bons résultats. Deux ans plus tard, quand le premier district a été formé au Venezuela, Lester a été nommé surveillant de district. Il a ensuite servi dans le service itinérant pendant 30 ans.

Parmi les missionnaires qui servaient à Valencia, il y avait Lothar Kaemmer, un Allemand petit et blond, et Herbert Hudson, un Anglais aux yeux bleus et au teint frais. Ils ont occupé la même chambre pendant quelque temps et étaient un témoignage vivant de la façon dont la vérité de la Bible transforme des vies. Voyez-​vous, lorsque Lothar était jeune, il avait été membre des Jeunesses hitlériennes, et Herbert avait fait partie de la British Royal Air Force : ils avaient été ennemis pendant la guerre ! Mais la Parole de Dieu avait changé leur conception de la vie. Ils collaboraient comme missionnaires pour enseigner aux gens comment vivre en paix, d’abord avec Dieu, mais aussi les uns avec les autres.

Fuite ou prise de position ?

En 1953, une des sœurs missionnaires qui se trouvaient à Valencia, Alice Palusky, rendait visite à Gladys Castillo, qui avait 18 ans. Gladys aimait entendre le message ; elle était pourtant un peu méfiante parce qu’Alice n’utilisait pas une Bible catholique. Gladys s’est donc rendue à la cathédrale de Valencia pour y rencontrer l’évêque. Elle lui a expliqué qu’elle étudiait avec des “ protestants ”, car c’est ainsi qu’elle considérait les Témoins, mais qu’elle désirait une Bible catholique pour pouvoir vérifier les passages cités. À l’époque, les Témoins étaient relativement peu nombreux et ils n’étaient pas très connus à Valencia. L’idée de Gladys parut bonne à l’évêque, qui lui procura une Bible. Étonnée de ce qu’elle lisait dans cette Bible, Gladys a compris que les catholiques ne pratiquent pas ce que la Bible enseigne. Elle a donc décidé de quitter l’Église.

En 1955, alors qu’elle se préparait au baptême, sa foi a été mise à l’épreuve. Elle étudiait pour devenir enseignante et il ne lui restait plus qu’une année avant de recevoir son diplôme. Une fête en l’honneur de la Vierge Marie a été organisée dans son université. Tous se devaient d’assister à une messe spéciale. Gladys se souvient : “ C’était l’époque du dictateur Pérez Jiménez. Il était courant que ceux qui refusaient de faire comme les autres soient renvoyés des écoles. On annonça que quiconque n’assisterait pas à la messe devrait venir chercher sa lettre de renvoi, ce qui l’empêcherait de poursuivre ses études ailleurs. Cela constituait vraiment une épreuve pour moi. L’heure de la messe approchant, j’hésitais entre me cacher dans les toilettes et m’échapper pour rentrer chez moi. J’ai finalement décidé de prendre position. J’ai expliqué au directeur du collège que je n’irais pas à la messe parce que je ne me considérais plus catholique, mais que j’étudiais avec les Témoins de Jéhovah. Il était furieux après moi, mais il m’a laissé rentrer chez moi. Je n’ai pas été renvoyée. J’étais très heureuse de m’être entièrement confiée en Jéhovah. ”

Des membres du clergé reçoivent le témoignage

Parmi ceux qui ont reçu le témoignage, il y avait des membres du clergé. Marina Silva, Témoin de la première heure à Valencia, se rappelle le jour où le prêtre de l’église dont elle s’occupait avant de devenir Témoin lui a rendu visite. Elle a pu lui parler un bon moment. Ce qui l’a marquée, c’est que lorsqu’il ne parvenait pas à trouver les versets qu’elle voulait lui faire lire, il reconnaissait : ‘ Au séminaire, nous avons étudié tout sauf la Bible. ’ Il est tombé d’accord avec elle sur de nombreux points ; mais quand elle l’a encouragé à quitter la prêtrise et à servir Jéhovah, il a dit : “ Mais qui me procurera mon arepa [un pain à base de maïs] ? ”

Marina était auparavant attachée au “ Sacré-Cœur de Jésus ” et consacrait chaque vendredi au culte de cette image religieuse ; mais la vérité biblique a transformé sa vie. Elle s’est fait baptiser en 1953, est devenue pionnière spéciale en 1968, et elle persévère dans ce service. En participant à la prédication de la bonne nouvelle, Marina a eu le privilège d’apporter son aide au commencement de l’œuvre à San Carlos, à Temerla, à Bejuma, à Chirgua, à Taborda, à Nirgua et à Tinaquillo.

Quand le message de la vérité a atteint pour la première fois Tinaquillo, juste au sud-ouest de Valencia, il a suscité l’hostilité. Marina se souvient qu’au moment où le petit groupe a commencé son activité, le prêtre de l’endroit, “ Monsignor ” Granadillo, a installé des haut-parleurs pour avertir les gens. “ La fièvre jaune est arrivée à Tinaquillo ! criait-​il. N’écoutez pas ces gens ! Défendez votre ville et votre religion ! Défendez le mystère de la sainte Trinité ! ” Marina a alors décidé d’aller rendre visite au prêtre. Arrivée chez lui, elle a attendu qu’il rentre.

Elle l’a salué par ces mots : “ Je fais partie de la ‘ fièvre jaune ’ dont vous vous êtes plaint ce matin. J’aimerais que vous compreniez que nous sommes Témoins de Jéhovah. Nous prêchons un message important au sujet du Royaume de Dieu, un message que l’Église devrait prêcher, ce qu’elle ne fait pas. ” Sans craindre, elle lui a demandé sa Bible et lui a montré Actes 15:14, où il est annoncé que Jéhovah tirerait d’entre les nations “ un peuple pour son nom ”. Il a changé d’attitude. Il a dit qu’il était désolé, qu’il ne savait pas qui nous étions. À la surprise de tous, il a répondu à l’invitation de la sœur d’assister au discours public. Par la suite, il a à plusieurs reprises accepté les périodiques sur la place principale. Des habitants qui l’ont vu ont été encouragés à faire de même. En 1995, il y avait quatre congrégations à Tinaquillo et un total de 385 proclamateurs.

Des graines de vérité biblique germent à Maracay

Rappelez-​vous qu’outre les missionnaires envoyés à Barquisimeto et à Valencia, d’autres, arrivés en 1950, devaient porter leur attention sur Maracay. Il s’agit de la cinquième ville du pays, à 120 kilomètres au sud-ouest de Caracas. Elle est située à l’est du lac Valencia et elle est entourée de collines.

Avec l’arrivée des missionnaires à Maracay, il a également été possible d’organiser des réunions dans cette ville. À ce moment-​là, le groupe des missionnaires se composait de frères célibataires. Cependant, lorsque Leila Proctor, une missionnaire née en Australie, est arrivée à Maracay en 1958, il n’y avait qu’un frère sur les 12 à 20 personnes qui assistaient aux réunions. Il s’agissait de Keith Glessing qui, avec sa femme Joyce, avait été diplômé de Guiléad en 1955. Comme on manquait de frères, l’aide des sœurs était nécessaire dans de nombreux domaines. Sœur Proctor se rappelle : “ Nous, les sœurs, participions au programme des réunions de service et apportions notre aide dans divers services, comme les comptes, les publications et les périodiques. Cinq mois après mon arrivée, on m’a confié une étude de livre. Au départ, j’étais seule avec un proclamateur inactif. La réunion se tenait à la lueur des bougies dans une maison dont le sol n’était pas reluisant. Avant longtemps, malgré mon espagnol catastrophique, l’assistance est devenue si nombreuse que la pièce principale, la cuisine et le patio étaient remplis. Ce ne pouvait être dû qu’à l’esprit saint de Jéhovah. ”

Le nombre d’habitants de Maracay qui ont manifesté le désir de connaître et de servir Jéhovah est devenu si important qu’au début de 1995 il y avait 30 congrégations et un total de 2 839 proclamateurs.

“ Si c’est vrai, je te tue ! 

María, la femme d’Alfredo Cortez, était au nombre des habitants de Maracay qui ont manifesté de l’intérêt pour la Bible. Joyce Glessing étudiait avec elle depuis six mois quand, un jour, son mari est rentré à la maison et a trouvé cette gringa, comme on appelle les Américaines là-bas. Il a demandé à sa femme de quoi il s’agissait. En guise d’explication, elle lui a donné un périodique que Joyce lui avait laissé. Il contenait un article montrant que les pratiques rosicruciennes s’apparentaient au spiritisme. Il a lu avec intérêt cet article qui concernait ses croyances.

Lorsque sa femme a dit à sœur Glessing que son mari avait été intéressé par le périodique, des dispositions ont été prises pour que le mari de la sœur, Keith, rende visite à M. Cortez. C’est ce qu’il a fait et une étude de la Bible a été commencée. Après seulement trois semaines, de manière un peu prématurée, le missionnaire a invité M. Cortez à l’accompagner dans la prédication de maison en maison. Il a accepté, a beaucoup aimé ça et a distribué 16 périodiques. Fou de joie, il est sorti fêter son succès avec des amis non Témoins, s’est enivré et n’est rentré à la maison qu’à trois heures du matin !

Le lendemain, ayant mauvaise conscience, il s’est dit : ‘ Soit je me mets à servir Jéhovah comme il convient, soit je retourne à mon ancien mode de vie. ’ Non sans difficulté, frère Glessing l’a convaincu de poursuivre son étude de la Bible. Abandonnant petit à petit son ancien mode de vie, il a progressé au point de se faire baptiser en 1959.

Deux semaines plus tard, le parrain de l’une des filles d’Alfredo, un colonel, est venu le voir. Furieux, il lui a braqué un revolver sur la poitrine et l’a menacé ainsi : “ Est-​ce qu’on m’a bien dit la vérité ? Es-​tu vraiment devenu Témoin de Jéhovah ? Si c’est vrai, je te tue ! ” Alfredo a conservé son sang-froid, a confirmé que c’était vrai et a expliqué pourquoi. Dans un mouvement d’aversion, le colonel a éloigné son arme et est parti avec colère, disant qu’il ne se considérait plus comme le parrain de la fille d’Alfredo. Grâce à l’esprit de Jéhovah et à son zèle, Alfredo a aidé 89 personnes à connaître la vérité et à vouer leur vie à Jéhovah. Il sert à présent comme ancien à Cabudare, près de Barquisimeto ; un de ses fils est pionnier spécial, et sa fille, Carolina, se trouve à la filiale avec son mari.

Attention, c’est l’époque du carnaval !

Au Venezuela, l’époque du carnaval est l’occasion de fêtes, de déguisements et de batailles d’eau ! Les enfants prennent particulièrement plaisir à mouiller les passants qui ne se méfient pas. Il n’est généralement pas sage de s’aventurer dans les rues le lundi et le mardi de la semaine du carnaval.

“ Je n’ai pas tenu compte des mises en garde, reconnaît Leila Proctor. La première année de mon séjour à Maracay, je me suis dit que je dirigerais mes études bibliques coûte que coûte. Eh bien ! c’est ce que j’ai fait, mais je suis arrivée à ma première étude trempée comme une soupe, car quelqu’un m’avait versé le contenu d’un seau d’eau. En partie séchée, je me suis dirigée à pied vers l’endroit où se tenait ma deuxième étude biblique. J’ai été arrosée de deux seaux d’eau pendant le trajet. Je suis arrivée mouillée jusqu’aux os. ” D’autres missionnaires pourraient en dire autant.

Leila, qui est dans la maison de missionnaires de Caracas Quinta Luz, s’organise maintenant un peu différemment pendant la période du carnaval.

“ Il a entendu la requête de mon cœur ”

Quand Alfredo Amador était enfant, son père lui faisait découvrir les cieux étoilés et lui apprenait les noms de certaines des constellations. “ Dieu a fait tout cela ”, disait-​il. Mais le père d’Alfredo est mort avant que son fils ait 10 ans. Alfredo, qui vivait alors à Turmero, dans l’État d’Aragua, commençait à avoir des doutes au sujet de sa religion. Il ne lui paraissait pas convenable que le prêtre demande de l’argent en échange de prières pour les morts, ou que les gens fortunés puissent faire sortir plus rapidement leurs proches du purgatoire que les pauvres. En proie aux doutes, il se laissa aller à l’ivrognerie, à l’immoralité sexuelle, à la violence et à la toxicomanie. Quand il a commencé à récolter les mauvais fruits de sa conduite, il a voulu s’en sortir. Il s’est alors souvenu de ces nuits où il observait le ciel avec son père.

Il raconte : “ Un après-midi, me sentant complètement désespéré et avec les larmes aux yeux, j’ai prié Dieu de se faire connaître à moi. Il semble qu’il ait entendu ma prière, car le lendemain matin deux Témoins de Jéhovah ont frappé à ma porte. Nous avons eu une discussion intéressante. Cependant, je ne voulais pas étudier la Bible. Je voulais lire la Bible tout seul, mais j’ai accepté de me rendre à la Salle du Royaume. Le frère qui me rendait visite m’a également emmené à une assemblée dans les environs de Cagua. En écoutant les différents discours, j’ai compris qu’il s’agissait de la vérité. Lorsque les candidats au baptême se sont levés pour répondre aux questions, je me suis levé moi aussi ! ”

Alfredo était étonné que tous ceux qui se tenaient debout étaient regroupés dans une partie de la salle, alors qu’il était dans une autre. Mais il a fait la queue pour se faire baptiser. À ce moment-​là, quelqu’un lui a demandé de quelle congrégation il était. Il ne savait même pas que les congrégations avaient un nom ! Il a vite compris qu’il n’était pas vraiment prêt à prendre le baptême.

Peu après, il s’est marié avec la femme avec laquelle il vivait et, à l’aide d’une étude systématique de la Bible, il s’est qualifié pour pouvoir participer à la prédication de maison en maison aux côtés des frères. En 1975, il s’est fait baptiser ainsi que sa femme. Il est maintenant ancien à Maracay. Il attend impatiemment le jour où son père sera ressuscité. Il pourra alors lui dire que le Créateur dont il parlait il y a des années de cela s’appelle Jéhovah et il l’aidera à bien le connaître.

Catastrophe à Maracay

Le 6 septembre 1987 restera gravé dans la mémoire des habitants de la région de Maracay. Des pluies diluviennes ont provoqué des inondations et des glissements de terrain. Des centaines d’habitations ont été inondées ou balayées.

Une grande partie des 2 000 proclamateurs de Maracay assistaient à une assemblée de district quand la catastrophe s’est abattue. À leur retour, leurs maisons et leurs biens avaient été emportés. Il y a eu au moins 160 morts, des centaines de disparus et 30 000 sans abri. Aucun Témoin n’a perdu la vie ni n’a été grièvement blessé. Néanmoins, 114 Témoins et des personnes qui étudiaient la Bible ont perdu leur toit et n’avaient plus pour seule richesse que les vêtements qu’ils portaient.

Les frères ont rapidement mis en place un comité de secours efficace et ont apporté leur aide en fournissant de la nourriture, des médicaments, des vêtements et des couvertures. Des Témoins d’autres villes, préoccupés par la situation, ont envoyé des camions de matériel, jusqu’à ce que les besoins soient satisfaits. Lorsque les frères responsables ont constaté qu’il y avait plus que le nécessaire pour prendre soin des Témoins et de ceux qui étudiaient la Bible, ils ont aussi fourni de la nourriture et des vêtements aux voisins qui avaient désespérément besoin d’aide. L’incroyable générosité des frères et leur promptitude à apporter leur aide ont été très édifiantes.

Un peuple sociable

Les Vénézuéliens sont d’une nature sociable. Ils aiment se retrouver en grand nombre, pour un repas, une fête ou une sortie à la plage ou à la campagne. Quand ils s’associent à l’organisation de Jéhovah, cette facette de leur personnalité reste très prononcée. Ils aiment les assemblées. Pour beaucoup d’entre eux, le temps, la distance, le prix et l’inconfort ne posent pas problème du moment qu’ils peuvent passer un moment ensemble.

En janvier 1950, les frères étaient tout joyeux de préparer une assemblée de deux jours à Maracaibo. Frères Knorr et Robert Morgan, du siège mondial, devaient y assister. Pedro Morales était déçu que la presse locale refuse d’annoncer l’assemblée parce que l’Église s’y opposait. Cependant, comme l’avion des frères allait bientôt arriver, il a mis au point une autre méthode. Il a raconté plus tard : “ Je me suis arrangé pour que tous les enfants de la congrégation se rendent à l’aéroport avec un bouquet de fleurs. Cela a évidemment éveillé l’intérêt des journalistes présents, qui ont demandé si on attendait quelqu’un d’important. Les enfants, auxquels on avait bien fait la leçon, ont répondu : ‘ Oui, monsieur, et il va donner un discours au Masonic Hall, 6, rue Urdaneta, près du commissariat de police. ’ Quand les frères sont arrivés, les journalistes ont pris des photos qui ont été publiées dans les journaux ainsi que les renseignements concernant l’assemblée. Nous avions eu notre publicité. ”

En outre, deux jours avant que le discours ne soit donné, une station de radio locale, Ondas del Lago (Les ondes du lac), l’a annoncé toutes les demi-heures, précisant qu’il serait aussi diffusé sur cette radio. Les résultats ont été très encourageants. Outre les 132 assistants à l’assemblée, de nombreuses personnes ont écouté le discours à la radio. Cette année-​là, on a connu le plus fort taux d’accroissement jamais enregistré au Venezuela : 146 % !

Une autre assemblée de district reste gravée dans la mémoire de beaucoup. Elle s’est tenue aux arènes Nuevo Circo à Caracas, du 23 au 27 janvier 1967. C’était la première assemblée internationale organisée au Venezuela. L’assistance comprenait 515 délégués étrangers, dont des administrateurs de la Société Watch Tower. Les drames bibliques étaient une nouveauté. Dyah Yazbek, qui dirigeait une des représentations, se souvient : “ Nous étions très impressionnés, non seulement parce que c’était nouveau et en raison du message contenu dans le drame, mais aussi parce que les appareils photo des 500 délégués étrangers mitraillaient l’événement ! ” Cette réunion internationale n’est pas passée inaperçue. À l’époque, il y avait moins de 5 000 Témoins au Venezuela, mais ce sont 10 463 personnes qui ont assisté à l’assemblée. Pendant les trois ans qui ont suivi, le nombre des Témoins a augmenté respectivement de 13, 14 et 19 %.

Il n’est pas rare que des personnes qui s’intéressent au message assistent à une assemblée de circonscription ou de district avant même d’avoir bénéficié d’une étude biblique ou d’avoir mis les pieds dans une Salle du Royaume. Le désir de se réunir a été de nouveau mis en évidence en janvier 1988. Don Adams, du siège mondial, effectuait une visite en tant que surveillant de zone. Les arènes de Valencia ont été louées pour le programme de deux heures. Il n’y avait alors que 40 001 proclamateurs pour tout le Venezuela. Pourtant, 74 600 personnes ont assisté à cette réunion. Beaucoup venaient des contrées les plus reculées du pays. Certaines avaient voyagé en autocar pendant 12 heures ou plus pour être présentes et, lorsque le programme a pris fin, elles sont remontées dans leurs autocars pour le voyage retour de 12 heures. Ces Vénézuéliens souriants, joyeux et contents de leur sort, estimaient qu’une demi-journée passée au milieu de tant de frères et sœurs en valait bien la peine.

Le message atteint les Andes

La chaîne des Andes remonte jusqu’au Venezuela au nord. Les trois principales villes andines du pays sont Mérida, San Cristóbal et Valera. Le mode de vie et les coutumes des gens de ces villes sont assez différents de ceux des habitants des côtes urbanisées et des régions cosmopolites.

Rodney Proctor, qui est surveillant de district dans les Andes, fait cette remarque au sujet des gens qui vivent là : “ Celui qui n’est pas de cette région est souvent traité en étranger, même s’il est du pays. L’Église y exerce toujours une forte influence et le message du Royaume n’est généralement pas accepté facilement. Dans une ville, certains pionniers spéciaux ont dû attendre toute une année avant que les gens répondent à leur salutation. Il faut deux ans pour que certains acceptent d’étudier la Bible. Contrairement aux autres parties du pays, le qu’en-dira-t-on semble dissuader les gens d’écouter quand les Témoins passent. ”

Au début des années 50, Juan Maldonado, un pionnier de Caracas, a passé plusieurs semaines à prêcher dans des villes andines. Au départ, l’accueil qu’on lui a réservé à San Cristóbal n’était pas très encourageant. Comme il présentait le message de manière directe, frère Maldonado a été arrêté plusieurs fois.

Les membres d’une famille ont néanmoins manifesté de l’intérêt pour la vérité. Ils ont étudié plusieurs fois par semaine pendant le séjour du frère. Le prêtre et leur famille les persécutaient, au point qu’Angelina Vanegas, la mère, ne pouvait plus trouver suffisamment de travail pour subvenir aux besoins des siens.

Après avoir été missionnaires à Barquisimeto, Vin et Pearl Chapman sont arrivés à San Cristóbal en décembre 1953. Pour Angelina Vanegas et sa famille, c’est Jéhovah qui les avait envoyés. Ils ont immédiatement commencé à prêcher avec les missionnaires. Quelques mois plus tard, la mère a décidé de se faire baptiser. La baignoire de la maison de missionnaires était très grande et Angelina très petite ; il n’a donc pas été nécessaire de trouver d’autres installations adaptées à la circonstance.

La sieste ou le salut ?

Les Chapman ont commencé à étudier la Bible avec un couple très pauvre, Misael et Edelmira Salas. Edelmira était une catholique fervente. Elle explique : “ Ma bigoterie allait très loin. Pour accomplir un vœu fait à Dieu alors que j’étais enceinte, j’ai effectué un pèlerinage pieds nus d’un village à un autre ; puis j’ai avancé à genoux depuis la porte de l’église jusqu’à l’autel. Je suis ensuite rentrée pieds nus ; je suis évidemment tombée malade et j’ai fait une fausse couche. ”

Quand leur nouveau bébé est né, Misael et Edelmira venaient de commencer à étudier la Bible avec les Chapman. Un jour que leur petite fille était très malade, Edelmira a décidé de l’emmener à l’hôpital. Avant qu’elle ne parte, les voisins l’ont pressée de vite faire baptiser l’enfant, car si leur bébé mourait, disaient-​ils, on refuserait de l’enterrer et il irait dans les limbes. Edelmira décida que, par sécurité, elle s’arrêterait à l’église en se rendant à l’hôpital et demanderait au prêtre de baptiser son bébé.

Elle se rappelle : “ Comme je suis arrivée vers midi, le prêtre n’était pas content d’être dérangé pendant sa sieste. Il m’a dit de m’en aller et de revenir une autre fois. Je lui ai répondu : ‘ Mon bébé est en train de mourir. Qu’est-​ce qui est le plus important pour vous ? Arracher un enfant aux limbes ou finir votre sieste ? ’ Il a condescendu de mauvaise grâce à faire baptiser le bébé, mais il a envoyé pour cela son assistant, un sacristain. ”

Le bébé a survécu ; toutefois, cet incident a provoqué un déclic chez Edelmira. Complètement déçue par l’Église, elle a commencé à prendre au sérieux son étude de la Bible avec les Témoins. Son mari et elle ont ensuite déménagé à Colón, ville où il n’y avait pas de Témoins. Quand Casimiro Zyto, un surveillant de circonscription, a visité San Cristóbal, les missionnaires lui ont demandé de rendre visite à Edelmira. Comme elle était reconnaissante pour cette visite ! Elle a été baptisée à cette occasion.

Ses efforts ont jeté les bases de la congrégation de Colón. Il y a aussi trois congrégations à El Vigía, où elle a contribué aux débuts de l’œuvre quand toute sa famille s’y est installée. Quelques années plus tard, son mari s’est lui aussi fait baptiser, ainsi que ses trois filles.

Des prêtres encouragent la violence

Dans une autre petite ville des Andes, Luis Angulo servait comme pionnier. Un jour de 1985, il s’est inquiété du bruit à l’extérieur de sa maison. Regardant dehors, il a eu la surprise de voir une table surmontée de l’image d’un “ saint ” placée près de sa porte d’entrée. Une foule de gens en furie criaient qu’ils voulaient que les Témoins quittent la ville et ils menaçaient d’incendier la maison. “ Nous vous donnons une semaine pour quitter la ville ”, criaient-​ils.

Frère Angulo se souvient : “ J’ai pensé que le mieux à faire était de rechercher l’aide du prefecto de la ville. Le prefecto, qui était sympathique, a demandé à la police de lui amener les meneurs. Il leur a posé cette question : ‘ Qui est derrière ces agissements ? ’ Ils ont finalement reconnu que c’était le prêtre. Il avait prononcé un sermon pendant la messe, dans lequel il encourageait ses paroissiens à nous expulser du village, sur la prémisse que nous représentions une menace pour le bien-être spirituel de ses habitants. ‘ Ce prêtre est fou ! s’est exclamé le prefecto. Maintenant, rentrez chez vous et laissez les Témoins en paix, sinon je vous mets tous en prison. ’ ”

Peu après, le prêtre s’est trouvé impliqué dans une affaire frauduleuse et, comme c’est souvent le cas, il a simplement été transféré dans une autre région.

Changement de personnalité

À Pueblo Llano, la ville d’à côté, Alfonso Zerpa était très connu. Il faisait de la politique, s’enivrait, se droguait, fumait, courait les jupons et effrayait les gens du coin en faisant rugir sa moto dans les deux rues principales. Cependant, les graines de vérité semées dans son cœur en 1984 se sont rapidement mises à pousser. Alfonso a commencé à comprendre qu’il lui fallait apporter de grands changements et revêtir la personnalité nouvelle. — Éph. 4:22-24.

La première fois qu’il a assisté à la réunion publique, il s’est retrouvé seul avec les pionniers spéciaux. “ Où sont les autres ? ” a-​t-​il demandé. Il valait peut-être mieux qu’il soit seul. Il a posé tant de questions qu’il était minuit quand les pionniers ont eu fini de lui répondre à l’aide de la Bible. Il n’a jamais manqué une réunion depuis, et sa femme, Paula, s’est mise à l’accompagner. Il a purifié sa vie et a finalement rempli les conditions requises pour devenir proclamateur. L’endroit où il a prêché la première fois était justement les deux rues principales de Pueblo Llano ! Maintenant qu’il était devenu courtois, qu’il était costumé et cravaté, il pouvait donner un excellent témoignage. Alfonso et Alcides Paredes, qu’il avait amené à la réunion et présenté comme son meilleur ami, sont maintenant anciens ; ils servent avec leur famille dans la congrégation de Pueblo Llano. Plus de 20 membres de la famille de Paula ont également été aidés à apprécier la vérité.

En fin de compte, des barrières qui paraissaient insurmontables ont été renversées et, en 1995, on comptait dix congrégations à San Cristóbal, sept à Mérida et quatre à Valera. Il y a aussi beaucoup de petits groupes et de congrégations dans toute la région andine.

On demandait des hommes

La ville de Cumaná, capitale de l’État de Sucre, est la plus ancienne ville hispanique d’Amérique du Sud. La vérité a commencé à y être prêchée de façon organisée en 1954, avec l’arrivée de pionniers spéciaux. Plus tard, Rodolfo Vitez et sa femme, Bessie, qui étaient missionnaires, sont venus apporter leur aide. Après qu’ils eurent réussi à louer une petite salle, qu’ils ont lavée et peinte, et qu’ils y eurent installé quelques vieux bancs de récupération qui provenaient d’un stade de baseball, Rodolfo a été nommé surveillant de circonscription. Grâce à cette salle, le nombre de ceux qui assistaient aux réunions a rapidement augmenté. Mais il n’y avait presque que des femmes et des enfants.

Penny Gavette et Goldie Romocean, qui s’étaient ajoutées au groupe de missionnaires de Cumaná, se souviennent qu’après le départ de frère Vitez comme surveillant de circonscription, il n’y avait plus d’hommes pour diriger le groupe. Les hommes ne voulaient pas accepter la vérité. Penny explique : “ Ils nous disaient : ‘ Nous n’aimons pas cette religion. Elle ne permet pas de s’enivrer et d’avoir d’autres femmes. Notre religion nous laisse faire ce que nous voulons. ’ Même lorsque 70 ou 80 personnes étaient présentes, il n’y avait toujours que cinq ou six hommes et il arrivait que nous, les sœurs, soyons obligées de diriger les réunions. ”

Petit à petit, des hommes ont cependant commencé à assister aux réunions et à progresser suffisamment pour qu’on puisse leur confier des responsabilités dans la congrégation. La petite Salle du Royaume est vite devenue pleine à craquer. Le manque d’air et de place n’empêchait pas les gens de venir. Pour les missionnaires, les réunions et la Salle du Royaume étaient un peu comme un bain turc. Mais l’amour de la vérité incitait les assistants à s’asseoir pour écouter pendant deux heures. En son temps et grâce à Jéhovah, on a construit une nouvelle Salle du Royaume.

L’œuvre a continué de se développer à Cumaná. En 1995, il y avait 17 congrégations prospères, avec un total de 1 032 proclamateurs de la bonne nouvelle.

Sur les traces de sa sœur

Quand Penny Gavette est partie de chez ses parents, en Californie, pour aller à l’École de Guiléad en 1949, sa sœur Eloise n’avait que cinq ans. Le choix de Penny a fait forte impression sur Eloise. Elle se souvient d’avoir pensé : ‘ Je veux grandir pour être missionnaire, moi aussi. ’ Toutes les deux étaient au comble de la joie lorsqu’Eloise, elle aussi diplômée de Guiléad, a rejoint Penny à Cumaná en 1971.

Eloise, qui est maintenant mariée à Rodney Proctor, surveillant de district, se souvient du vaste territoire qu’elle et Penny parcouraient. Elle raconte : “ Après deux années d’activité à Cumaná, nous avons décidé d’accorder davantage d’attention à certaines des petites villes. La filiale nous ayant autorisées à prêcher dans les villes de Cumanacoa et de Marigüitar, nous y passions des journées entières ou des week-ends entiers. Il faisait très chaud et nous allions partout à pied. Des groupes ont été établis dans ces deux endroits. ”

La bonne nouvelle atteint les villes frontalières

Dans l’est du pays, au sud de l’Orinoco, des montagnes aux sommets arrondis et couvertes d’un manteau de forêt s’étendent jusqu’à la frontière avec le Brésil où elles forment des plateaux. Ces impressionnantes mesas de grès culminent à 2 700 mètres d’altitude. Cette région peu peuplée du Venezuela est la plus riche en or et en diamants. Cependant, ce sont des trésors d’un autre genre que l’on recherche dans les petites villes de cette région. Ce sont des trésors au sens spirituel, “ les choses désirables de toutes les nations ”. — Hag. 2:7.

En 1958, cinq Témoins se sont rendus dans cette région avec un petit avion. Ils ont laissé des centaines de périodiques à la population indienne. Presque 20 ans plus tard, quand Alberto González, un surveillant itinérant, s’est rendu à Santa Elena avec plusieurs frères de Puerto Ordaz, ils ont laissé 1 000 périodiques. À cette époque, il n’y avait pas d’électricité dans cette ville. Quelqu’un leur a cependant prêté un groupe électrogène pour qu’ils puissent montrer des diapositives ; 500 personnes ont assisté à la projection. Puis, en 1987, deux pionniers spéciaux de Caracas, Rodrigo et Adriana Anaya, sont arrivés.

Des groupements religieux qui avaient devancé les Témoins dans ces régions ont posé un fondement sur lequel les proclamateurs ont bâti. Les catholiques et les adventistes ont enseigné aux Indiens à parler et à lire l’espagnol. Ils ont aussi introduit la traduction Valera, qui utilise souvent le nom divin, Jehová.

Mais des Indiens ont commencé à comprendre que l’Église catholique s’était écartée des enseignements de la Bible. Par exemple, lorsqu’une Indienne a découvert ce que Dieu pense des images pieuses, elle s’est exclamée : “ Quand je pense qu’ils nous ont enseigné qu’il était mal d’adorer le soleil et que les idoles indiennes étaient fausses, alors que les images de l’Église catholique déplaisent également à Dieu ! J’aurais envie de me rendre à l’église et de donner une volée de coups de bâton au prêtre pour m’avoir trompée pendant si longtemps ! ” Il a fallu la convaincre de ne pas y aller, mais elle ne faisait que dire tout haut ce que pensaient tout bas bien des habitants de cette région.

Les Indiens du sud de l’État de Bolivar aiment nos publications. Amoureux de la nature, ils apprécient particulièrement les photos en couleurs des créations de Dieu. Il est intéressant de voir comment les choses se passent lorsqu’on laisse une publication. L’Indien prend le livre, le palpe, le sent, l’ouvre, pousse des soupirs de satisfaction devant chaque illustration en couleurs, et exprime son approbation par des murmures en pemón. Les gens sont parfois si enthousiastes qu’ils prennent les publications dans la sacoche du pionnier et commencent à les distribuer à leur famille. Les gens de l’endroit sont très hospitaliers et ils offrent souvent à manger à ceux qui leur apportent le message du Royaume.

À l’occasion du premier Mémorial après l’arrivée des pionniers spéciaux, 80 personnes étaient présentes. Il y a maintenant une congrégation. Mais les traditions des Indiens étant fortement enracinées, les progrès sont lents.

Vif intérêt en Amazonie

Les régions amazoniennes du Venezuela sont situées dans le centre-sud du pays. La petite ville de Puerto Ayacucho se situe près de la frontière avec la Colombie. Elle se trouve au milieu d’une forêt vierge, qui abrite de fascinants animaux sauvages et de nombreuses chutes d’eau.

Dans les années 70, Willard Anderson, un surveillant de circonscription, s’est rendu à Puerto Ayacucho, qui ne comptait que sept proclamateurs. Il a constaté que les gens de l’endroit manifestaient beaucoup d’intérêt pour la vérité ; il a laissé 42 livres en une matinée. Les frères du groupe croyaient être optimistes en disposant 20 chaises pour une projection de diapositives. Mais imaginez leur surprise et leur joie de voir venir 222 personnes ! Il y a maintenant une congrégation prospère de plus de 80 proclamateurs à Puerto Ayacucho.

Les Indiens goajiros de Zulia

L’État de Zulia se situe à l’extrême ouest du Venezuela. La région était à l’origine habitée par les Indiens goajiros. Dans certains endroits, La Boquita par exemple, ils vivent dans des maisons faites de roseaux assemblés en treillis et construites sur pilotis. Leurs coutumes et leurs vêtements sont très colorés. Les hommes montent à cheval les jambes nues. Les femmes portent de longues robes multicolores en forme de tente, et leurs sandales sont ornées de gros pompons de laine.

On trouve des personnes semblables à des brebis parmi ces Indiens goajiros. Leur première réaction au message de la Bible est souvent un peu réservée, parce que des groupements religieux de la chrétienté les ont exploités. Mais certains se montrent réceptifs.

Frank Larson, un missionnaire, a apporté un des films de la Société dans la région des Goajiros. La projection avait été annoncée pour 19 heures, mais à l’heure dite personne n’était là. Cependant, quand le missionnaire a fait passer un vieux disque de salsa, 260 personnes sont venues et elles ont apprécié le film. En une autre occasion, plus de 600 personnes se sont réunies pour entendre un discours présenté par Mario Iaizzo, un surveillant de circonscription.

Des immigrants qui font connaître la vérité biblique avec zèle

Un Vénézuélien sur six est né à l’étranger. Un grand nombre d’immigrants sont venus du Portugal, d’Italie, d’Espagne et des pays arabes, particulièrement dans les années 50. Ils sont la plupart du temps arrivés sans le sou, mais avec les années certains ont développé des entreprises florissantes. Ce sont aussi des gens qui travaillent très dur ; leur vie est encombrée de préoccupations d’ordre matériel. Il est par conséquent souvent difficile de leur apporter le message du Royaume. Bien sûr, il y a également des immigrants venus de pays d’Amérique du Sud, en particulier de Colombie.

Vilius Tumas, qui fut baptisé en Lituanie en 1923, a été l’un des Témoins vénézuéliens qui a servi la théocratie pendant longtemps. Il a survécu aux jours sombres du régime hitlérien en Europe et, après la Seconde Guerre mondiale, il s’est installé au Venezuela. Jusqu’à sa mort, survenue en 1993, il a été un bel exemple de service fidèle en faveur de ses frères de La Victoria, où il servait comme ancien.

Remigio Afonso, qui est originaire des îles Canaries, est surveillant itinérant au Venezuela. Il est entré en contact avec d’autres immigrants. Il a constaté que si certains membres d’une famille ne sont pas intéressés par le message, d’autres membres de la même famille peuvent être désireux d’entendre la vérité biblique. À Cumaná, par exemple, un couple d’expression arabe qui avait une affaire ne voulait pas écouter le message. Par contre, leur fille a écouté. “ Elle m’a demandé de lui apporter une Bible, raconte Remigio. Je lui ai dit que je lui en apporterais une, mais elle doutait que je tienne parole. Nous avons pris rendez-vous, et j’ai particulièrement veillé à être à l’heure, ce qui l’a impressionnée. Elle a pris la Bible ainsi que le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle, et nous avons convenu qu’une sœur continuerait l’étude que j’avais commencée.

“ Peu après, alors que je visitais une congrégation à Güiria, j’ai vu un homme assis devant la porte d’un magasin situé en face de la Salle du Royaume. Il lisait un livre dont la couverture était verte. Il m’a fait signe de venir vers lui. C’était un homme d’expression arabe ; il m’a demandé si le livre qu’il lisait était l’un des nôtres. Il était imprimé en arabe, mais j’ai reconnu le livre ‘ Que Dieu soit reconnu pour vrai ! ’. Il m’a expliqué qu’on lui en avait fait cadeau dans son pays d’origine et qu’il ne le prêterait ni ne le vendrait jamais à personne ! Je me suis assuré qu’il lisait aussi l’espagnol, je lui ai proposé le livre Vérité, qu’il a accepté, et nous avons commencé une étude. Il a assisté à trois réunions cette semaine-​là et a même répondu lors de l’étude de La Tour de Garde. ”

Deux ans plus tard, lors d’une assemblée de district à Maracay, un homme tenant un attaché-case a salué frère Afonso et lui a demandé s’il le reconnaissait. “ Je suis l’homme que tu as rencontré à Güiria, a-​t-​il précisé. Je suis baptisé et je conduis maintenant trois études bibliques. ” L’année suivante, lors d’une assemblée de district tenue en Colombie, après que frère Afonso eut présenté un discours, une jeune femme s’est précipitée vers lui avec des larmes de joie dans les yeux. C’était la jeune fille à qui il avait donné le témoignage à Cumaná. Elle aussi lui a annoncé qu’elle s’était fait baptiser. Ce genre de situation est vraiment réjouissant !

Dyah Yazbek vient lui aussi de l’étranger. Il a fait du Venezuela son pays et a pu constater les progrès de l’œuvre. Il se souvient d’avoir prêché avec ses parents, son frère et ses sœurs dans les villages et les villes du Liban, où son père avait accepté la vérité dans les années 30. La mort de Michel, le père, survenue deux mois après leur arrivée au Venezuela, a porté un sérieux coup à la famille Yazbek. “ Maman et nous, les enfants, avons persévéré dans la vérité, se souvient Dyah. Nous assistions aux réunions dans la congrégation de Caracas-Nord. Je me suis fait baptiser à 16 ans et j’ai commencé le service de pionnier. ” En raison des difficultés pécuniaires de sa famille, il a dû interrompre le service de pionnier après seulement trois ans. Mais après avoir travaillé 28 ans dans le secteur bancaire, il a estimé qu’il pouvait démissionner sans que la situation devienne difficile pour sa femme, leurs trois enfants et sa mère, qui vit avec eux. Il est redevenu pionnier. Frère Yazbek est maintenant membre du comité de la filiale. Lorsqu’il revoit les presque 40 années écoulées, il se souvient de l’assemblée de district qui s’est tenue au Venezuela en 1956. C’était la première fois que l’assistance dépassait le millier. Il dit : “ Maintenant, le nombre total des assistants lors des assemblées de district dépasse les cent mille. ”

L’aide des surveillants itinérants

À la fin des années 40, Donald Baxter s’occupait seul du bureau de la filiale et il n’y avait que six ou sept congrégations dans tout le pays. Il visitait ces groupes quand cela lui était possible.

Cependant, lorsque Rubén Araujo est revenu de Guiléad en 1951 (il avait alors 21 ans), il a été chargé de rendre visite aux congrégations et aux groupes isolés disséminés dans le pays. Cette année-​là, il y avait 12 congrégations. N’ayant pas de voiture, Rubén se déplaçait en autocar, en taxi collectif, et parfois en avion ou en petit bateau (ou chalanas) pour se rendre dans des régions isolées.

Il se rappelle encore la visite qu’il a rendue à un abonné à La Tour de Garde dans les environs de Rubio, dans l’État de Táchira, près de la frontière colombienne. Le propriétaire de la ferme lui a dit qu’il était Suisse et qu’il ne savait pas lire l’espagnol. Il a néanmoins ajouté : “ Mais vous pouvez parler à ma femme, car elle aime la Bible. ” Rubén se souvient : “ J’ai parlé à sa femme, après quoi elle a appelé sa mère, une dame de 81 ans. Quand elle a vu mes livres, elle m’a demandé si notre œuvre avait un rapport avec le livre Le divin Plan des Âges. Ses yeux pétillaient d’excitation. Elle m’a demandé : ‘ Vous voulez dire que vous connaissez M. Rutherford ? ’ Sa fille lui servait d’interprète, car elle ne parlait que l’allemand. Elle m’a expliqué qu’elle avait lu et relu ce livre depuis qu’elle l’avait reçu en 1920. Elle avait aussi vu le ‘ Photo-drame de la Création ’ et elle avait entendu le discours ‘ Des millions de personnes actuellement vivantes ne mourront jamais ’. Lorsqu’elle avait quitté la Suisse pour le Venezuela 12 ans auparavant, elle avait perdu contact avec les Témoins. ‘ Vous m’avez tellement manqué ’, a-​t-​elle ajouté. Elle a montré sa joie en chantant un cantique du Royaume en allemand, et je me suis mis à chanter avec elle le même cantique en espagnol. Des larmes de joie accompagnaient nos chants. ”

Keith et Lois West, de la 19classe de Guiléad, se sont dépensés dans la circonscription pendant 15 ans. Les situations auxquelles ils ont été confrontés n’ont pas toujours été faciles. C’est ce qu’illustre leur visite à Monte Oscuro, dans l’État de Portuguesa. Keith rapporte : “ Comme il avait beaucoup plu la nuit précédente, nous n’avions pas pu atteindre l’endroit prévu en voiture. Nous l’avons donc laissée. Arrivés à la rivière, nous avons retiré nos chaussures et l’avons traversée en luttant contre le courant. Puis nous avons escaladé la montagne pour atteindre la petite Salle du Royaume. Il n’y avait personne ; toutefois, un frère qui nous accompagnait nous a dit : ‘ Ne vous inquiétez pas. Ils vont arriver. ’ Il s’est mis à taper énergiquement sur un enjoliveur de roue, et, finalement, 40 personnes sont arrivées. Bien que mouillé, j’ai présenté mon discours, le pantalon maculé de boue. Le passage dans la rivière glacée, puis l’effort nécessaire pour grimper, et enfin le discours dans un pantalon mouillé, tout cela m’a, semble-​t-​il, occasionné de douloureux problèmes musculaires. Pendant quelque temps, il a fallu qu’on m’aide à monter et à descendre de l’estrade de la Salle du Royaume, et je devais me reposer souvent en prédication. ”

Les différents types de logement offerts aux surveillants itinérants les obligent à s’adapter. Souvent il n’y a pas d’eau courante. Les toits de tôle ondulée font monter la température d’une pièce entre 30 et 40 °C. Les moustiquaires sur les fenêtres et les portes sont pratiquement inexistantes ; il faut donc partager sa chambre, et parfois son lit, avec les insectes. Quant à l’état d’esprit détendu, ouvert et sociable des familles vénézuéliennes, il demande un effort d’adaptation de la part des étrangers habitués à davantage d’intimité. Le caractère amical et l’hospitalité des Vénézuéliens sont remarquables ; l’expression “ Usted está en su casa ” (Faites comme chez vous) fait partie de l’accueil réservé aux surveillants itinérants.

Les surveillants itinérants ont projeté les films et les séries de diapositives de la Société dans tout le Venezuela. Les Vénézuéliens aiment le cinéma. Il faut donc que le surveillant de circonscription prévoie une assistance importante. Les gens s’assoient par terre, se tiennent debout à l’intérieur ou regardent de l’extérieur par les fenêtres. Un homme bien disposé a gentiment peint une façade de sa maison en blanc pour en faire un écran. Dans un hameau de montagne près de Carúpano, un commerçant sympathique a fourni l’électricité de son installation (c’était le seul endroit où il était possible d’avoir de l’électricité à des kilomètres à la ronde), mais aussi les arènes qui servaient pour les combats de coqs. Il a tiré des fusées pour que les gens qui vivaient dans les collines descendent. C’est ce qu’ont fait 85 personnes, dont beaucoup sont venues à dos d’âne. Il s’agissait d’un cinéma “ drive-in ” un peu particulier !

À Maracaibo, Gladys Guerrero a beaucoup d’affection pour les surveillants itinérants et leurs femmes. Lorsqu’elle était plus jeune, Gladys a prêché à Punto Fijo avec Nancy Baxter, la femme du surveillant de circonscription. Cette dernière a remarqué que la jeune fille avait un défaut de prononciation. Gladys a expliqué que c’était héréditaire et que cela provenait de la branche paternelle de sa famille. On avait beau se moquer d’elle, elle ne parvenait pas à résoudre ce problème. Elle a donc été profondément touchée lorsque sœur Baxter a consacré du temps à lui apprendre comment prononcer correctement certains mots et comment s’exercer à les prononcer. “ Sa patience a été récompensée, dit Gladys. Maintenant je parle correctement. ” D’autres ont également contribué aux progrès spirituels de Gladys.

La confiance en Jéhovah leur permet d’être pionniers

Il y a actuellement plus de 11 000 pionniers au Venezuela. Ils se sont souvent engagés dans cette voie à la suite des encouragements de ceux qui étaient déjà dans le service à plein temps.

C’est ce qui s’est passé pour Pedro Barreto. En 1954, le surveillant de la filiale l’a invité à devenir pionnier spécial, ainsi que trois autres jeunes frères. Pedro, qui avait 18 ans, était le plus âgé. Qu’allait-​il faire ? “ J’étais jeune et je manquais d’expérience. D’ailleurs, je ne savais ni laver ni repasser mes vêtements. En fait, c’est tout juste si j’étais capable de faire ma toilette tout seul ! ” dit Pedro en riant. Il avait été baptisé l’année précédente. Après une discussion d’environ une heure avec le surveillant de la filiale, Pedro s’est décidé. Les quatre garçons ont été envoyés à Trujillo, la capitale de l’État du même nom. À l’époque, les gens étaient attachés aux traditions et très religieux. Ces quatre pionniers ont beaucoup contribué à établir l’œuvre à cet endroit. Ils ont prêché à quelques-uns des citoyens les plus importants de cette ville, dont le directeur de la poste et le juge du tribunal.

Un jour qu’ils étaient sur la place principale, les quatre pionniers se sont trouvés nez à nez avec un prêtre très connu au Venezuela pour publier dans la presse nationale des articles acerbes, diffamatoires et inexacts au sujet des Témoins de Jéhovah. Alors que la foule se rassemblait, le prêtre a dit aux gens de ne pas écouter ce que ces garçons avaient à dire, parce que, selon lui, ils menaçaient la paix de la ville et agaçaient tout le monde. Il a exhorté la foule à se rappeler que la foi des gens appartient à l’Église catholique. Pedro se souvient : “ Dans la confusion et le brouhaha ambiants, le prêtre me lançait des menaces et des grossièretés. Je me suis donc adressé aux gens et leur ai dit : ‘ Avez-​vous entendu ce qu’il vient de dire ? (...) Et il est prêtre ! ’ Et je répétais certaines des paroles qu’il me disait. Il a alors marmonné : ‘ Partez d’ici ou je vous chasse à coups de pied. ’ Je lui ai donc dit qu’il n’aurait pas à se donner ce mal, et nous sommes partis. ”

Cet incident est parvenu aux oreilles du juge mentionné précédemment. Il a félicité les pionniers, leur disant qu’il admirait beaucoup ce qu’ils faisaient. Le message de vérité prêché par ces quatre jeunes gens courageux a pris racine à Trujillo, et en 1995 il y avait là deux congrégations, sans compter les congrégations et les groupes dans la plupart des villes environnantes.

À la fin des années 50, Arminda López, la sœur de Pedro, était pionnière à San Fernando de Apure avec trois autres sœurs. Elle se souvient que Jéhovah a toujours pourvu au nécessaire, comme il l’a promis à ceux qui cherchent d’abord le Royaume (Mat. 6:33). Un certain mois, leur allocation de pionnières spéciales n’étant pas arrivée au moment prévu, elles ont manqué d’argent. Le buffet était complètement vide. Elles ont donc décidé de se coucher tôt pour oublier leur faim. À 22 heures, quelqu’un a frappé à la porte. Regardant par la fenêtre, elles ont aperçu un homme avec lequel elles étudiaient la Bible. Il s’est excusé de venir si tard, mais il rentrait de voyage et leur apportait quelque chose qui pourrait leur être utile : une caisse remplie de fruits, de légumes et d’articles d’épicerie ! Elles ont immédiatement renoncé à aller se coucher, et la cuisine est soudain devenue aussi animée qu’une ruche. Arminda fait ce commentaire : “ C’est sans doute Jéhovah qui a incité cet homme à venir ce soir-​là, car nous devions nous voir le lendemain pour étudier la Bible et il aurait pu attendre ce moment-​là. ” Arminda est toujours pionnière permanente à Cabimas.

Presque aucun problème ne semble insurmontable pour les pionniers zélés. L’âge, une santé déficiente ou l’opposition de membres de la famille ne sont pas toujours des difficultés insurmontables. Même si les jeunes figurent en bonne place dans les rangs des pionniers (au début de 1995 il y avait 55 pionniers permanents âgés de 12 à 15 ans), ils n’ont absolument pas le monopole de cette forme de service. Plus d’une sœur dont le mari n’est pas Témoin se lève tôt chaque matin pour préparer les repas et s’occuper des enfants et du ménage. Cela leur permet d’aller prêcher tous les jours avec les autres proclamateurs et de diriger des études bibliques sans négliger leurs responsabilités familiales.

De leur côté, des chefs de famille organisent leurs activités et parviennent à être pionniers. David González était jeune et célibataire lorsqu’il a entrepris le service de pionnier en 1968. Plus tard, il est devenu pionnier spécial avec sa femme, Blanca, jusqu’à ce qu’ils aient des enfants. Lui, sa femme et l’une de ses filles sont maintenant pionniers permanents. Il prend soin de ses trois enfants ; il est ancien et surveillant de circonscription suppléant. Comment est-​ce possible ? Il explique qu’il a fallu sacrifier des choses superflues et avoir un bon programme. Mentionnons aussi sa femme, qui lui apporte un soutien sans réserve.

Et puis il y a ceux qui arrivent à l’automne de la vie et qui peuvent maintenant penser à entreprendre le service de pionnier. Ils ont parfois fini d’élever leurs enfants ou sont retraités. D’autres sont dans la même situation qu’Elisabeth Fassbender. Elle est née en 1914, a été baptisée en Allemagne après la guerre et a émigré au Venezuela en 1953 avec son mari qui n’était pas Témoin. Pendant 32 ans elle a dû faire face à une opposition acharnée jusqu’au décès de son mari, en 1982. À 72 ans, désormais en mesure de servir Jéhovah plus pleinement, Elisabeth a pu réaliser un vieux rêve : devenir pionnière permanente.

Le mode de vie des frères vénézuéliens est généralement exempt de matérialisme, et cela a sans aucun doute favorisé l’esprit pionnier au Venezuela. La plupart d’entre eux ne cèdent pas au désir de posséder des objets de luxe ou de gagner de l’argent pour passer des vacances coûteuses. Dégagés de ces charges financières, beaucoup de serviteurs de Jéhovah constatent qu’il est possible de saisir le privilège d’être pionnier.

Un champ fertile en culture

Dans leur ensemble, les Vénézuéliens sont des gens tolérants et respectueux de la Bible. En outre, à quelques exceptions près, ils affirment croire en Dieu. L’autorité séculaire de l’Église catholique s’est affaiblie, et beaucoup de ses membres, des gens sincères et insatisfaits, cherchent à combler leurs besoins spirituels ailleurs. L’immixtion de l’Église dans la politique et, de temps en temps, les révélations sur la mauvaise conduite de certains prêtres augmentent la défiance à l’égard de l’Église.

Tous ces facteurs expliquent sans aucun doute pourquoi il est relativement facile de commencer des études bibliques dans ce pays. En août 1995, les 71 709 Témoins de Jéhovah du Venezuela dirigeaient plus de 110 000 études bibliques au domicile des gens. Un proclamateur qui prêche régulièrement et qui s’occupe consciencieusement de ceux qui ont manifesté de l’intérêt peut facilement commencer de bonnes études bibliques. Les personnes qui étudient assistent généralement aux réunions et opèrent de rapides changements pour se conformer aux justes exigences de Jéhovah.

En 1936, seuls deux proclamateurs de la bonne nouvelle remettaient un rapport d’activité au Venezuela. En 1980, il y en avait 15 025. Quinze ans plus tard, leur nombre dépassait les 71 000. En 1980, il n’y avait que 186 congrégations pour tout le pays. Il y en a maintenant 937. Et le nombre de ceux qui aiment et servent Jéhovah continue d’augmenter.

Un temps pour construire

Du fait de l’augmentation importante du nombre de proclamateurs ces dernières années, de nombreuses Salles du Royaume n’offrent pas la place nécessaire pour accueillir convenablement les assistants aux réunions. Le prix de l’immobilier est exorbitant, particulièrement dans le centre des villes. À Caracas, il y a 140 congrégations. Le terrain y est si cher qu’il n’est pas rare que cinq grandes congrégations se partagent les mêmes salles, pleines à craquer. Le dimanche, les voisins peuvent assister à un spectacle intéressant : quand une congrégation termine sa réunion et qu’une autre prend la place, les frères et sœurs se saluent par d’interminables poignées de main et des embrassades fraternelles. Les assistants doivent fréquemment se tenir debout et l’aération est souvent inadaptée. Il y a vraiment besoin de Salles du Royaume supplémentaires et, grâce au Fonds spécial prévu à cet effet, on s’efforce de faire face à la situation.

Bien qu’ils ne roulent pas sur l’or, les frères ont généreusement contribué à la construction de la première Salle d’assemblées du Venezuela, à Cúa, dans l’État de Miranda. Dyah Yazbek, qui faisait partie du comité de construction, donne quelques détails : “ La construction de la salle de Cúa ne s’est pas faite sans mal. Au début de la deuxième année, la charpente était posée et il restait encore beaucoup de travail. Mais nous n’avions plus d’argent. Le 12 octobre 1982, nous avons réuni les anciens et les assistants ministériels et leur avons présenté la situation. Nous leur avons demandé d’en parler aux frères dans les congrégations. Trois mois plus tard, et à notre grande surprise, les dons atteignaient 1,5 million de bolivars, une somme considérable à l’époque. Cela nous a permis d’achever le projet et d’équiper la salle de la climatisation et de sièges confortables. Ce bâtiment s’est avéré une réelle bénédiction pour les 11 circonscriptions qui l’utilisent actuellement. ” Il y a maintenant une deuxième Salle d’assemblées au Venezuela, à Campo Elías, dans l’État de Yaracuy.

Des bâtiments mieux adaptés pour la filiale

Un comité de six frères mûrs dirige maintenant l’œuvre dont s’occupe la filiale. Il s’agit de Teodoro Griesinger, Keith West, Stefan Johansson (qui est coordinateur du comité de la filiale), Eduardo Blackwood (qui est également l’un des quatre surveillants de district du pays), Dyah Yazbek (qui est pionnier permanent et chef de famille) et Rafael Pérez (qui est surveillant de circonscription).

Avec le développement de l’œuvre de prédication, il a également été nécessaire d’agrandir les locaux de la filiale. Lorsque frère Knorr et frère Henschel se sont rendus au Venezuela en novembre 1953, frère Knorr a suggéré que la Société acquière une maison pour les missionnaires et la filiale. Une grande maison d’un étage a été achetée dans le quartier calme et résidentiel de Las Acacias, à Caracas. La filiale et les missionnaires se sont installés à Quinta Luz en septembre 1954. La filiale est restée là pendant 22 ans.

Lorsqu’il y a eu plus de 13 000 proclamateurs, la filiale a de nouveau déménagé dans de nouveaux locaux, cette fois dans les environs de La Victoria, dans l’État d’Aragua. Ce très bel ensemble de bâtiments neufs paraissait démesurément grand en comparaison de ceux utilisés précédemment, et certains ne voyaient pas à quoi servirait toute cette place. Pourtant, en 1985, on a bâti et inauguré un nouveau bâtiment parce qu’on manquait déjà de place.

Quelques années plus tard, la filiale était de nouveau à l’étroit et, en 1989, 14 hectares de terrain constructible ont été achetés pour permettre l’édification de nouveaux bâtiments qui seront achevés dans un avenir proche.

“ Que quiconque a soif vienne ”

Alors que l’apôtre Jean allait bientôt achever la rédaction du livre de la Révélation, Jésus Christ a veillé à ce qu’il consigne ces paroles : “ L’esprit et l’épouse continuent à dire : ‘ Viens ! ’ Et que quiconque entend dise : ‘ Viens ! ’ Et que quiconque a soif vienne ; que quiconque le veut prenne l’eau de la vie gratuitement. ” (Rév. 22:17). Cette invitation bienveillante est lancée aux Vénézuéliens depuis maintenant 70 ans. Elle retentit comme jamais dans toutes les régions du pays et les résultats sont excellents.

L’insécurité croissante n’a pas ralenti l’œuvre. Presque toutes les portes des maisons et des appartements sont équipées de barres de fer forgé et, parfois, d’une grosse chaîne ou d’un gros cadenas. On risque constamment de se faire agresser, même en plein jour. Les Caraqueños (nom des habitants de Caracas) veillent particulièrement à ne pas porter de bijoux en or ni de montre de valeur lorsqu’ils sont dans la rue. Les touristes non avertis sont souvent la cible d’agresseurs. Quand ils prêchent dans les quartiers les plus pauvres de la ville, les frères doivent se montrer particulièrement prudents. Les Témoins de Jéhovah sont généralement respectés. Toutefois, des groupes de proclamateurs ont été menacés d’une arme et ont dû donner leurs montres, leur argent et leurs bijoux. Quoi qu’il en soit, le zèle de nos frères dans ces régions dangereuses est inébranlable, et le témoignage est donné à fond.

La prédication patiente et persévérante de la bonne nouvelle a profité à des gens de toute sorte. À Maracaibo, un ingénieur et sa famille avaient clairement refusé que leurs voisins Témoins leur parlent de la Bible. Pendant 14 ans les deux familles se sont contentées de se saluer poliment. Puis, un jour de 1986, le petit garçon de la famille de Témoins, âgé de cinq ans, a parlé à la petite fille du voisin par-dessus la clôture. À la fin de la conversation, le petit garçon a dit : “ Si mon papa donnait à ton papa un livre Création, il se rendrait compte que c’est Jéhovah qui nous a faits. ” Le lendemain matin, pensant que Jéhovah souhaitait peut-être qu’il essaie à nouveau d’aborder son voisin, le père s’est rendu chez lui et lui a rapporté la conversation des enfants. Le frère a ajouté : “ C’est pourquoi j’aimerais vous offrir ce livre Création de la part de mon fils. ” À sa surprise, ce couple est venu chez lui deux jours plus tard pour s’excuser de l’attitude intransigeante qu’il avait eue jusque-​là et pour exprimer sa reconnaissance pour ce très beau livre. Une étude biblique a été commencée, et ce couple ainsi que leurs deux enfants les plus âgés sont maintenant des Témoins de Jéhovah voués et baptisés.

À Barquisimeto, Ana avait toujours refusé de discuter avec les Témoins lorsqu’ils venaient à sa porte. Elle appartenait à la secte de María Lionza et, de ce fait, elle participait à des pratiques spirites. Ana désirait cependant s’affranchir de ces choses qui la tenaient prisonnière. Elle a prié Dieu de l’aider à changer de mode de vie. Peu après, un Témoin de Jéhovah, Esther Germanos, a frappé chez elle. Ana n’a pu s’empêcher de se demander s’il n’y avait pas un rapport entre sa prière et la visite de la sœur. Elle a donc accepté d’étudier régulièrement la Bible et a commencé à assister aux réunions. Elle a demandé à ses locataires, qui avaient une conduite immorale, de partir et a débarrassé sa maison de tous les objets ayant trait au spiritisme. Elle a été baptisée en 1986 et a finalement pu goûter à la liberté que seule la vérité peut procurer.

Hernán appartenait à un mouvement qui pratiquait des rites spirites et considérait l’immoralité sexuelle comme acceptable. Au cours de ces rites religieux, les participants buvaient beaucoup d’alcool pour, selon eux, “ fortifier l’esprit ”. Quand Hernán a commencé à venir à la Salle du Royaume, il écoutait ce qui se disait, puis se rendait directement dans son église pour donner un discours semblable. Mais après avoir assisté à une assemblée, il a commencé à prendre plus au sérieux ce qu’il apprenait. Puis un dimanche de 1981, quand il est arrivé à l’église, celle qui était appelée leur mère spirituelle avait la bouche pleine d’écume. Les assistants lui ont dit qu’elle était possédée de Satan le Diable. Il n’est jamais revenu. L’année suivante, il s’est fait baptiser Témoin de Jéhovah. Hernán, sa femme et le plus âgé de ses fils sont maintenant pionniers permanents.

Le foyer des Martínez était sur le point de se briser. Ils parlaient constamment de divorce, et les enfants profitaient de la situation à leur façon. Parce qu’elle avait désespérément besoin de réconfort, la femme a pris contact avec un Témoin qui lui avait déjà parlé de la Bible ; elle a commencé à l’étudier à l’insu de son mari. Entre-temps, le mari a reçu le témoignage de sa secrétaire. Rendez-vous a été pris pour que l’un des anciens étudie la Bible avec lui. Il n’a pas fallu longtemps pour qu’il décide de faire connaître à sa femme ce qu’il avait appris par cette étude. Quelle surprise d’apprendre qu’elle aussi étudiait la Bible avec les Témoins de Jéhovah et assistait aux réunions dans une Salle du Royaume différente ! À partir de ce moment-​là, ils se sont mis à étudier la Bible et à assister aux réunions ensemble, activités qui sont devenues une habitude familiale. Cette famille, qui était sur le point de se briser, sert maintenant Jéhovah joyeusement et dans l’unité.

Beatriz rêvait depuis toujours de comprendre la Bible. Elle s’est mariée et, avec son mari, a déménagé à Caracas où ils ont fini par s’intégrer à la haute société. Ils se sont liés d’amitié avec un vieil homme qui s’était défroqué parce qu’il ne parvenait pas à tomber d’accord avec les enseignements fondamentaux de l’Église. En une certaine occasion, il leur a dit : “ Le seul baptême qui soit valable, c’est l’immersion totale, comme le font les Témoins de Jéhovah. ” Des années plus tard, divorcée de son mari, Beatriz s’est trouvée face à un problème personnel angoissant. Désespérée, elle a prié Dieu. La nuit du 26 décembre 1984, elle a prié pendant des heures. Le lendemain matin, la sonnette a retenti. Irritée, elle a regardé par le judas de la porte de son appartement et a vu deux personnes avec des sacoches. Agacée d’être dérangée, elle leur a parlé à travers la porte comme si elle n’était qu’une domestique : “ Madame est sortie et je ne peux pas ouvrir. ” Avant de partir, le couple a glissé une feuille d’invitation sous la porte. Beatriz l’a prise. On y lisait : “ Familiarisez-​vous avec la Bible ! ” Les paroles de l’ancien prêtre lui sont revenues à l’esprit. Se pouvait-​il que les gens qui venaient de passer soient ceux dont il avait parlé, des Témoins de Jéhovah ? Se pouvait-​il que leur visite soit liée aux prières qu’elle avait adressées à Dieu durant la nuit ? Elle a ouvert la porte, mais ils étaient partis. Elle les a appelés dans les escaliers pour qu’ils reviennent, s’est excusée de sa première réaction et les a invités à entrer. Une étude biblique a été commencée sur-le-champ et, quelque temps plus tard, elle s’est fait baptiser Témoin de Jéhovah. Heureuse d’avoir enfin pu réaliser un désir de toujours, Beatriz passe maintenant une bonne partie de son temps à aider d’autres personnes à connaître la Bible.

Grâce à la bénédiction de Jéhovah, les congrégations grossissent rapidement. Les Salles du Royaume sont pleines à craquer. De nouvelles congrégations sont formées. Le nombre de proclamateurs explose, tout comme le nombre des ministres à plein temps. L’assistance remarquable au Mémorial et aux assemblées laisse entrevoir que de nombreuses autres personnes se joindront à nous dans le culte de Jéhovah avant la fin de ce système de choses.

Tandis que les Témoins de Jéhovah intensifient leur œuvre de témoignage dans les villes, les villages, les plaines et les montagnes du Venezuela et obtiennent des résultats remarquables, ils se remémorent ces paroles de l’apôtre Paul : “ Ni celui qui plante n’est quelque chose ni celui qui arrose, mais Dieu qui fait croître. ” — 1 Cor. 3:7.

[Illustrations pleine page, page 186]

[Illustration, page 194]

Rubén Araujo, un des premiers Vénézuéliens à se faire baptiser.

[Illustration, page 199]

Inez Burnham, Ruby Dodd (maintenant Baxter), Dixie Dodd et Rachel Burnham quittant New York en 1949. Avant que le bateau ne lève l’ancre, toutes se sentent très bien!

[Illustrations, pages 200, 201]

Quelques-uns des missionnaires qui ont servi depuis de nombreuses années au Venezuela : 1) Donald et Ruby Baxter, 2) Dixie Dodd, 3) Penny Gavette, 4) Leila Proctor, 5) Ragna Ingwaldsen, 6) Mervyn et Evelyn Ward, 7) Vin et Pearl Chapman.

[Illustration, page 207]

Quinta Luz

[Illustrations, page 208]

En haut : Milton Henschel présente un discours lors d’une assemblée au Club Las Fuentes, en 1958.

En bas : Nathan Knorr (à gauche) avec Teodoro Griesinger pour interprète, en 1962.

[Illustration, page 227]

En 1988, plus de 74 600 personnes ont rempli les arènes de Valencia à l’occasion d’un programme spécial.

[Illustrations, page 236]

Quelques-uns des surveillants de circonscription et de district (et leurs femmes) : 1) Keith et Lois West, 2) Alberto et Zulay González, 3) Casimiro Zyto, 4) Lester et Nancy Baxter, 5) Rodney et Eloise Proctor, 6) Remigio Afonso.

[Illustrations, page 244]

Quelques-uns de ceux qui sont pionniers depuis de nombreuses années : 1) Dilia de Gonzáles, 2) Emilio et Esther Germanos, 3) Rita Payne, 4) Ángel Maria Granadillo, 5) Nayibe de Linares, 6) Irma Fernández, 7) José Ramon Gomez.

[Illustrations, page 252]

En haut : Filiale à La Victoria.

Le comité de la filiale (de gauche à droite) : Dyah Yazbek, Teodoro Griesinger, Stefan Johansson, Keith West, Eduardo Blackwood et Rafael Pérez.