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Paraguay

Paraguay

Paraguay

AU CŒUR de l’Amérique du Sud, enclavé entre plusieurs pays, se trouve le Paraguay. Que veut dire ce nom ? Les opinions sont partagées, mais, selon un point de vue répandu dans le pays, il signifie “ le fleuve qui vient de la mer ”. Les Indiens de la région croyaient que certains marais brésiliens, où le fleuve Paraguay prend sa source, étaient aussi immenses que la mer. Ce fleuve traverse le pays du nord au sud et le coupe en deux : à l’est s’étendent des plaines vallonnées, des champs fertiles de terre rouge et des forêts épaisses ; à l’ouest, c’est le Chaco, à la population clairsemée, région de savanes, de broussailles et de vastes marécages habités par des nuées d’insectes et une grande variété d’oiseaux tropicaux aux couleurs chatoyantes.

Le Paraguay est un pays où les techniques modernes contrastent avec la simplicité de ceux qui travaillent la terre. Les avions à réaction et les satellites de télécommunications ont ouvert la porte à la connaissance du monde. Les gratte-ciel d’Assomption, la capitale, se détachent nettement sur l’horizon. Le long de la côte est du pays, sur le Paraná, se situe Itaipú, une centrale hydroélectrique dont la puissance énergétique n’a pas sa pareille dans le monde.

On pourrait penser que le Paraguay est un pays où l’on parle espagnol, mais cela n’a pas toujours été le cas, et ne l’est pas tout à fait aujourd’hui. Les premiers habitants étaient les Indiens guaranis. Vers 1520, des explorateurs portugais, sous le commandement d’Alejo García, ont été les premiers Blancs à pénétrer dans le pays. Au cours de la décennie suivante, les Espagnols ont commencé à s’établir dans la région de l’actuelle Assomption. Le pays est resté soumis à l’Espagne jusqu’en 1811, mais la langue guarani n’a jamais été remplacée par celle des conquistadors. C’est ainsi que de nos jours le guarani, dialecte aux accents mélodieux, est la langue maternelle de la plupart des Paraguayens, officiellement reconnue, au même titre que l’espagnol.

Quelques dizaines d’années après l’arrivée des explorateurs européens, les jésuites sont venus convertir les Guaranis au catholicisme romain. Ceux-ci n’avaient alors ni idoles ni temples. Mais les jésuites ont rassemblé les Indiens dans des villages où ils leur ont enseigné les rites et les hymnes catholiques tout en leur apprenant un métier et en les aidant à développer leurs aptitudes. Ils se servaient de ce que gagnaient les Indiens non seulement pour leur procurer les éléments indispensables à la vie, mais aussi pour accroître leur propre richesse et leur pouvoir. Avec convoitise, de nombreux propriétaires espagnols se sont plaints au roi d’Espagne, Charles III, de la puissance croissante des jésuites. Cette plainte, formulée non par les Guaranis mais par les colons catholiques, a été un facteur déterminant menant à l’expulsion des jésuites de l’Empire espagnol en 1767. Cependant le catholicisme qu’ils avaient enseigné exerçait toujours une influence sur la vie des personnes. Elles en avaient adopté les pratiques extérieures tout en restant attachées dans de nombreux cas à certaines croyances du pays, ce qui a favorisé une atmosphère propice à la superstition. Dès lors, la forte influence du clergé catholique s’est fait sentir.

Cet héritage religieux n’a pas apporté la paix dans le pays. L’histoire du Paraguay est marquée par des guerres qui ont laissé de profondes cicatrices dans la vie des gens. De 1864 à 1870, sous Francisco Solano López, le Paraguay a livré bataille au Brésil, à l’Argentine et à l’Uruguay. Les conséquences ont été désastreuses : selon les rapports disponibles, le pays comptait au début de la guerre une population probablement supérieure à un million de personnes ; à la fin du conflit, il semble qu’elle se chiffrait à environ 220 000, dont au moins 190 000 femmes et enfants. D’autres guerres ont suivi, une où le Paraguay et la Bolivie se disputaient la propriété du Chaco, d’autres à cause de troubles politiques. Il n’est donc pas surprenant que les Paraguayens qui voulaient dominer les autres aient fréquemment recouru à la force pour atteindre leurs objectifs.

C’est dans ce pays que la bonne nouvelle du Royaume de Jéhovah a été apportée, d’abord, avant 1914, au moyen de tracts bibliques reçus par la poste, puis, à partir de 1925, par des proclamateurs. Ainsi, l’eau provenant d’un autre fleuve, non du fleuve Paraguay ni du Paraná, mais d’“ un fleuve d’eau de la vie ”, est devenue disponible ici comme elle l’est ailleurs sur la terre. — Rév. 22:1.

Les débuts de la vérité du Royaume

Joseph Rutherford, alors président de la Société Watch Tower, avait demandé à Juan Muñiz de partir d’Espagne pour organiser et étendre la prédication de la bonne nouvelle en Argentine. Le 12 septembre 1924, frère Muñiz est arrivé à Buenos Aires et, peu après, il s’est de lui-​même rendu en Uruguay et au Paraguay pour y répandre le message du Royaume. Les graines de la vérité biblique étaient semées, mais il y avait peu de progrès.

En 1932, le Paraguay s’est retrouvé impliqué dans une autre guerre, qui l’opposait cette fois à la Bolivie. La population a de nouveau été décimée. L’économie nationale et la sécurité de ceux qui pourraient venir de l’étranger pour apporter la bonne nouvelle du Royaume étaient menacées. Néanmoins, alors qu’une guerre de grande envergure se préparait, en 1934 la filiale d’Argentine a envoyé trois Témoins de Jéhovah au Paraguay afin qu’ils invitent les personnes au cœur sincère à boire “ l’eau de la vie ” gratuitement. Il s’agissait de frères Martonfi, Koros et Rebacz. — Rév. 22:17.

L’opposition farouche du clergé

“ En octobre de cette année, a écrit frère Rebacz, nous étions prêts pour gagner l’intérieur du pays. Nous avions chacun deux cartons de publications et une valise. Nous nous sommes rendus d’Assomption à Paraguarí en train, puis, en raison de l’absence de moyens de transport, nous avons effectué le reste du voyage à pied jusqu’à notre première destination, Carapeguá, à une trentaine de kilomètres. Cette nuit-​là, nous avons dormi à même le sol, les publications près de notre tête. Le lendemain, quand nous avons commencé à donner le témoignage, le prêtre du village a rendu visite aux habitants en leur disant de ne pas nous écouter. Puis, en compagnie d’une autre personne, il est allé à cheval au village voisin pour ordonner aux gens de ne pas nous écouter et de nous chasser de leur hameau, ce que certains ont essayé de faire. ”

À cause de la pression du prêtre, les frères laissaient rarement des publications bibliques, et certaines personnes rendaient même celles qu’elles avaient acceptées. À partir de Carapeguá, les Témoins se sont déplacés d’un village à l’autre : à Quiindy, à Caapucú, à Villa Florida et à San Miguel. Pour atteindre San Juan Bautista, ils ont marché toute la journée, ce jusqu’à minuit, ont dormi dans un champ, puis ont continué leur route en se levant tôt le lendemain matin. Arrivés en ville, les frères sont d’abord allés expliquer ce qu’ils faisaient à la police, qui les a reçus avec respect. Après quoi ils ont passé une journée entière dans le ministère public.

Cependant, le lendemain, lorsque frère Martonfi est sorti de la cabane qu’ils avaient louée, une surprise l’attendait. Il a appelé frère Rebacz, qui se trouvait encore à l’intérieur, en disant : “ Aujourd’hui, il y a du nouveau. ” Les publications qu’ils avaient distribuées la veille avaient été déchirées en mille morceaux répandus autour de la cabane. Sur certains morceaux avaient été écrites des insultes et des obscénités, ainsi que des menaces selon lesquelles ils ne quitteraient pas la ville vivants.

Alors qu’ils prenaient leur petit-déjeuner, la police est arrivée et les a arrêtés. Qu’est-​ce qui avait provoqué ce revirement ? Frère Rebacz a déclaré par la suite : “ Lorsque nous leur en avons demandé la raison, les policiers nous ont montré un journal dans lequel nous étions accusés d’être des espions boliviens se faisant passer pour des prédicateurs. Le directeur du journal était le prêtre le plus important du district. ”

Retour à Assomption

Les deux Témoins ont été envoyés prisonniers à Assomption. C’était un long voyage à pied. Un garde armé les accompagnait constamment d’un poste de police à l’autre. Le long de la route, des gens les insultaient et leur jetaient des détritus. Mais la police traitait les frères avec respect, disant même que l’inculpation d’espionnage était ridicule. Parfois, des agents de la police montée portaient leurs bagages ; l’un d’eux a même permis à frère Martonfi de monter à cheval pendant que lui marchait et écoutait ce que frère Rebacz disait à propos du Royaume de Dieu.

Toutefois, à Quiindy, où les frères ont été livrés à l’armée, le traitement s’est durci. Pendant 14 jours, on les a gardés dans la salle de police, on leur a ordonné de s’asseoir sur des chaises en bois à dossier droit, on leur a interdit de s’allonger ou de se lever, on les a insultés et frappés avec une cravache. Plus tard, à Paraguarí, ils ont été emmenés à la gare, menottes aux poignets, escortés par 12 soldats armés de baïonnettes. Là, ils ont été remis à la police pour le reste du voyage jusqu’à Assomption.

Dans la capitale, leurs conditions d’emprisonnement étaient également dures, mais les frères se sont servis de la Bible qu’ils avaient encore pour donner le témoignage aux autres prisonniers. Après une semaine de détention, ils ont fini par être conduits au bureau du chef de la police où se trouvait aussi le ministre de l’Intérieur, le colonel Rivarola. (Par la suite, on a appris que, lorsqu’il avait été mis au courant des charges portées contre les frères dans le journal de San Juan Bautista, le colonel Rivarola avait envoyé des télégrammes aux chefs militaires pour s’assurer que les frères étaient arrivés dans la capitale sains et saufs.) “ Les deux hommes ont exprimé leurs regrets de ce qui s’était passé, a dit frère Rebacz. Ils ont déclaré que, bien que le pays soit catholique, la liberté religieuse y était assurée et que nous étions autorisés à continuer de prêcher de maison en maison comme nous l’avions fait jusqu’alors, mais que, pour notre sécurité, nous ne devrions pas quitter la capitale. ”

Quand frère Muñiz, à Buenos Aires, a appris ce qui était arrivé aux frères, il leur a envoyé des instructions pour qu’ils rentrent en Argentine jusqu’à la fin de la guerre, qui a effectivement eu lieu l’année suivante. Néanmoins, frère Koros, qui ne se trouvait pas avec ses deux compagnons au moment de leur arrestation, est demeuré à Assomption.

Les premiers fruits du Paraguay

Vers cette époque, un des pionniers avait rencontré un homme qui lui avait demandé des publications en arabe pour son beau-père, originaire du Liban. C’est ainsi que Julián Hadad a reçu un livre qu’il a fini par chérir. Convaincu d’avoir trouvé la vérité, il s’est mis à l’enseigner à ses enfants. Il a également écrit à la Société pour qu’elle lui envoie des publications qu’il pourrait distribuer à ses voisins. Quelques années plus tard, un pionnier a retrouvé Julián à San Juan Nepomuceno et lui a fourni une aide spirituelle supplémentaire. En 1940, les Hadad se sont fait baptiser et sont devenus les premiers proclamateurs paraguayens. Depuis lors Julián, un de ses fils et plusieurs petits-enfants ont eu la joie de goûter au service de pionnier, service dans lequel Julián a persévéré jusqu’à peu de temps avant sa mort, survenue à l’âge de 77 ans.

Entre-temps, la guerre du Chaco avait poussé Juan José Brizuela à réfléchir sérieusement sur le but de la vie. Il avait été blessé et fait prisonnier par les Boliviens. Là, il avait vu des veuves pleurer pour leurs enfants qui n’avaient plus de père et des prêtres catholiques bénir les soldats boliviens. Il se rappelait que, lorsqu’ils étaient soldats au Paraguay, lui et d’autres avaient reçu les mêmes bénédictions. Il s’est donc dit : “ Il y a certainement quelque chose qui ne va pas. Si Dieu existait, il n’agirait pas ainsi. Mais si Dieu existe vraiment, je le chercherai jusqu’à ce que je le trouve. ”

Après la guerre, Julián Hadad a rencontré Juan José à Carmen del Paraná. Se servant de la Bible, Julián l’a aidé à trouver des réponses satisfaisantes à ses questions. Comme l’apôtre Paul l’a dit il y a longtemps, Dieu a donné la possibilité aux humains qui “ le cherchent à tâtons ” de ‘ le trouver réellement ’. (Actes 17:27.) Juan José a vite constaté qu’il avait trouvé le vrai Dieu, Jéhovah (Deut. 4:35 ; Ps. 83:18). Il s’est fait baptiser en 1945 et sa femme, Jóvita, en 1946.

Pendant ce temps, on parlait aussi de la vérité biblique à un étal de légumes au marché de San Lorenzo. Ce n’était pas un Témoin de Jéhovah qui prêchait, mais simplement une femme qui avait montré de l’intérêt pour les enseignements des Témoins. Sebastiana Vazquez, quoiqu’analphabète, écoutait avec attention. Afin de faire des progrès spirituels, elle a appris à lire, après quoi, en 1942, elle s’est fait baptiser et est devenue Témoin de Jéhovah.

La foi d’un petit groupe est mise à l’épreuve

En 1939, on a formé au Paraguay la première congrégation, ou groupe, comme on disait alors. Il n’y avait que deux proclamateurs, mais c’étaient des prédicateurs zélés. Au cours de cette année de service, ils ont passé 847 heures en prédication et distribué 1 740 livres et brochures. Les réunions avaient lieu à Assomption dans un foyer privé qui se situait sur l’actuelle avenue Gaspar Rodríguez de Francia (autrefois Amambay), entre les rues Antequera et Tacuarí. Cinq ou six personnes seulement se réunissaient dans une pièce de 16 mètres carrés. Cet endroit s’est avéré très utile jusqu’en 1944.

L’année d’après, les frères ont commencé à utiliser deux phonographes électriques pour diffuser des enregistrements de brefs discours sur des sujets bibliques variés. Les membres du clergé étaient si furieux qu’ils ont demandé au gouvernement d’interdire toute activité des Témoins de Jéhovah. Mais les Témoins ont continué. À l’évidence, ces discours clairs basés sur les Écritures étaient efficaces. Pendant les deux années suivantes, pareils enregistrements en plusieurs langues ont permis de toucher les populations polonaise, russe, allemande et ukrainienne qui s’étaient installées dans le sud du pays.

La famille Golasik, qui vivait dans une colonie polonaise et ukrainienne près d’Encarnación, a été l’une des premières à accepter la vérité dans cette région. Peu après, Roberto Golasik, équipé d’un phonographe et de publications, s’est rendu à cheval dans les autres colonies pour y donner le témoignage. Au début, les réunions avaient lieu une fois par mois, puis deux fois par mois et, par la suite, une fois par semaine. De temps en temps, des personnes originaires de cinq groupes linguistiques différents y assistaient, mais toutes apprenaient petit à petit la langue pure de la vérité biblique. — Tseph. 3:9.

Malheureusement, ceux qui ont contribué à donner le témoignage à cette époque ne sont pas tous restés sur la route étroite qui mène à la vie. Le responsable du dépôt des publications de la Société à Assomption a commencé à prôner des points de vue personnels. Lorsqu’il a quitté l’organisation de Jéhovah, d’autres en ont fait autant. Le nombre des proclamateurs est alors passé de 33 en 1943 à 8 en 1944. Qu’allait-​il se passer ? Jéhovah a béni ceux qui se sont montrés de fidèles Témoins, et son organisation s’est de nouveau agrandie. — Ps. 37:28.

Les missionnaires apprennent les coutumes du pays

Par amour et par souci du bien-être des brebis, la filiale d’Argentine a envoyé Gwaenydd Hughes pour diriger l’œuvre au Paraguay. Quand il a été invité en 1945 à assister aux cours de Guiléad, l’École biblique de la Société Watchtower, des dispositions ont été prises pour que Ieuan et Delia Davies aillent au Paraguay. Cependant, comme ils tardaient à obtenir les papiers nécessaires au voyage, c’est Hollis Smith, diplômé de Guiléad, qui est arrivé le premier au Paraguay et qui a accueilli frère et sœur Davies lorsqu’ils ont débarqué à Assomption à la fin de l’année. Quelques jours plus tard, Albert et Angeline Lang, eux aussi diplômés de Guiléad, sont arrivés par avion. D’autres les ont suivis. Une maison qui servirait de logement pour les missionnaires et de lieu de réunion pour la congrégation locale a été louée. Tous les missionnaires étaient impatients d’accomplir leur service, mais, bien entendu, il leur fallait connaître le mode de vie de la population.

Ils se sont rendu compte que, bien qu’ayant une faible connaissance de la Bible, les gens étaient très religieux. Chaque ville avait son “ saint ” patron, généralement associé à la “ vierge Marie ”.

Nombre des coutumes qu’ils découvraient les charmaient. Sur les marchés, il y avait des fruits et des légumes en quantité ; les femmes tenaient de grands paniers lourdement chargés en équilibre sur la tête. Dans les magasins, les commerçants vendaient le ñanduti : il s’agit d’une dentelle faite à la main et d’une finesse arachnéenne. Par ailleurs, les missionnaires ont tôt fait de constater que les gens commençaient à travailler de bonne heure et qu’à midi tout le monde s’arrêtait pour la sieste pendant les heures les plus chaudes de la journée. Lorsqu’ils sont allés chez les personnes pour leur transmettre le message du Royaume, ils se sont rendu compte qu’il fallait se tenir à la grille et battre des mains, n’entrant dans la cour qu’après y avoir été invités. Ils ont apprécié l’amabilité, la simplicité et la chaleur des Paraguayens. Mais ils ont également dû apprendre à communiquer avec eux dans leur langue, non seulement en espagnol, mais aussi en guarani.

En avril 1946, peu après l’arrivée des missionnaires, frère et sœur Davies ont été rappelés en Argentine. Pablo Ozorio Reyes, qui n’assistait aux réunions que depuis quelques mois, a été choisi pour diriger l’étude de La Tour de Garde, alors qu’il n’était pas encore baptisé. Pourquoi si vite ? Parce qu’il parlait la langue locale et qu’il avait fait de bons progrès spirituels. Mais il a rencontré des difficultés. Plus tard, frère Ozorio a écrit : “ Peu de temps après ma nomination, j’ai dû rectifier une mauvaise réponse lors de l’étude. Celui qui l’avait donnée est entré en fureur et a voulu se battre avec moi sur-le-champ. Bien sûr, j’ai refusé, et l’intervention d’un missionnaire a permis d’apaiser la situation. Il n’y a rien de mieux qu’une certaine responsabilité pour vous aider à mûrir. ” Malheureusement, celui qui avait un tempérament explosif a par la suite abandonné le service de Jéhovah.

L’organisation de Jéhovah s’affermit

Avant la fin de 1946, de plus grandes installations ont été nécessaires pour servir de centre à l’activité théocratique. Six autres missionnaires, dont William et Fern Schillinger, étaient arrivés. Une maison avec un grand jardin a donc été louée sur l’avenue Mariscal López. Elle se trouvait juste en face du ministère de la Défense. Un grand écriteau portant l’inscription “ Salle du Royaume ” avait été mis bien en vue sur la porte d’entrée, à tel point que quiconque avait des relations avec la division militaire du gouvernement ne pouvait manquer de le voir.

Le 1er septembre de cette année-​là, la Société a ouvert une filiale au Paraguay dans le bâtiment qui venait d’être loué. L’organisation s’améliorant, le témoignage s’intensifiait, mais aussi l’opposition. Il semble que le clergé se servait du confessionnal pour obtenir des renseignements et susciter la peur afin d’empêcher les facteurs catholiques de distribuer les publications des Témoins de Jéhovah.

En novembre, frère Hughes est venu d’Argentine pour rendre visite aux quatre petites congrégations existant alors et les affermir. Il était allé à l’École de Guiléad et avait assisté à l’assemblée théocratique internationale des nations joyeuses à Cleveland, dans l’Ohio, où les sessions avaient été données en 20 langues et où, le dernier jour, 80 000 personnes s’étaient rassemblées dans le stade pour écouter les discours. Il avait donc beaucoup à dire aux frères qui avaient besoin d’être affermis afin de pouvoir continuer à servir Jéhovah face à l’adversité.

Au milieu de la révolution

Au début de 1947, la révolution a éclaté. Les forces gouvernementales ont placé des mitrailleuses sur le trottoir en face de la maison de missionnaires. Après une journée de combats, une certaine stabilité est revenue. Puis, le 7 mars, la situation s’est de nouveau aggravée. C’était la guerre ouverte dans les rues, et la loi martiale a été déclarée. Les rebelles ont pris d’assaut le quartier général de la police en plein centre d’Assomption.

S’attendant à ce que le siège principal de l’armée soit aussi attaqué, le commandant en chef a réquisitionné la maison de missionnaires à des fins militaires et a donné aux frères trois jours pour quitter les lieux. Après qu’ils eurent fait appel, le délai a été repoussé à dix jours. Au milieu d’une révolution et à une époque de crise du logement, les frères se sont retrouvés eux-​mêmes engagés dans une campagne qu’ils ont appelée “ Opération Recherche d’une maison ”. Il semble que Jéhovah voulait que les hautes autorités paraguayennes continuent d’être conscientes de la présence de ses Témoins : la seule maison disponible et convenable était adjacente à la maison présidentielle, dans la rue où se trouvaient les ambassades.

Dans une lettre datée du 26 mars 1947, le serviteur de la filiale écrivit à propos de la révolution : “ La situation s’aggrave de jour en jour. À l’heure où j’écris, un avion à quelques kilomètres d’ici bombarde l’aéroport, du moins je le suppose. Il est la cible de canons antiaériens. Il y a des centaines de soldats autour de la maison du président, et le bruit des armes est effrayant. L’air est chargé de fumée de poudre à canon, l’odeur en est insupportable. Les forces révolutionnaires se rapprochent de la ville ; nous entendons le grondement régulier des canons et des bombes [...]. Les conditions alimentaires empirent chaque jour. ”

Les troupes révolutionnaires sont arrivées dans la ville à dix blocs d’habitations de la maison des missionnaires avant que les forces du gouvernement commencent à les repousser. Durant tout ce temps, les frères poursuivaient leur œuvre de témoignage du mieux qu’ils le pouvaient. La révolution a continué pendant environ six mois. Ce fut une véritable épreuve, surtout pour les frères du pays ; les autorités les ont traités avec cruauté parce qu’ils observaient une neutralité conforme au christianisme.

Ils n’abandonnent pas leur assemblée

Lorsque la révolution a pris fin, le pays a retrouvé le calme, et certaines personnes qui avaient fui en Argentine sont revenues. Il a donc été prévu d’organiser une assemblée, la première au Paraguay, du 4 au 6 juin 1948. Mais le Diable s’est chargé de créer des troubles. Le 3 juin, il y a eu un coup d’État militaire : le président et les membres de son cabinet ont été faits prisonniers. La capitale était en pleine confusion. Qu’allait-​il advenir de l’assemblée ?

Les démarches pour louer une salle appropriée avaient toutes échoué, mais Jéhovah avait pris d’autres dispositions. L’ancienne maison de missionnaires, qui se situait en face du quartier général de l’armée, était inoccupée. Le propriétaire a accepté de la louer aux frères pour leur assemblée. La maison était loin du centre de la ville, où avait lieu l’agitation. Le jardin pourrait être utilisé pour les sessions, et le bâtiment permettrait de loger les assistants venus de loin. Tous se sont serré la main à la mode paraguayenne. Plus d’une centaine de personnes étaient là pour écouter le discours intitulé “ Le bonheur pour tous les hommes est proche ”. Quel discours opportun pour les habitants du Paraguay !

La police tient la foule en respect

Depuis que les Témoins de Jéhovah ont entrepris leur œuvre d’éducation biblique au Paraguay, le clergé s’y est fréquemment opposé. En 1948, le surveillant de circonscription avait prévu de donner un discours public dans le petit parc du centre de Yuty, village du sud du pays. Ce parc se trouvait juste en face de l’église catholique. Le prêtre a incité les gens à interrompre le discours, leur disant que les Témoins allaient diviser leur Église et les priver de leur religion. Avant le début du discours, une grande foule d’individus se sont rassemblés devant l’église. Voyant les Témoins de Jéhovah (ils étaient huit) dans le parc de l’autre côté de la rue, ils se sont mis à crier : “ Hors d’ici, les protestants ! Hors d’ici, les protestants ! ” Pendant ce temps, de nombreuses personnes attendaient pour écouter le discours, mais craignaient d’entrer dans le parc à cause de la foule.

Les policiers ont alors placé une mitrailleuse en face des manifestants, les prévenant que si quelqu’un traversait la voie ils ouvriraient le feu. Ils ont ainsi tenu la foule en respect jusqu’à ce que les frères puissent quitter sans risque la zone. Toutefois, ils avaient annoncé le discours toute la semaine et étaient déterminés à donner aux personnes bien disposées l’occasion de l’écouter. Un Témoin du village a proposé sa maison. Une fois le discours donné, un autre groupe est arrivé et a fait savoir qu’il voulait aussi l’écouter ; le surveillant itinérant l’a donc présenté deux fois ce jour-​là. Ainsi, à Yuty, on commençait à voir la différence de fruits produits par deux genres de culte.

Les missionnaires face à l’expulsion

En règle générale, les autorités paraguayennes ont fait preuve de tolérance religieuse, même si jusqu’en 1992 la religion d’État était le catholicisme. Les difficultés se rencontraient habituellement dans les campagnes, et ce à l’instigation des prêtres locaux et de leurs fervents partisans. Cependant, au début de 1950, l’État a tenté d’expulser du pays les missionnaires de la Société Watch Tower.

Une nouvelle loi exigeait que tous les immigrés se fassent enregistrer au service de l’immigration et apportent une preuve de leur activité. Mais lorsque les missionnaires ont essayé de se faire enregistrer, on leur a dit que c’était impossible, car ils vivaient illégalement dans le pays et étaient donc en état d’arrestation. Il semble que les autorités avaient reçu des rapports erronés sur la nature de leur activité.

Certains hauts fonctionnaires étaient bien disposés, mais même leurs efforts conjugués à ceux de l’ambassade américaine paraissaient se heurter à un mur. En Amérique latine, la question n’est pas de savoir qui vous êtes, mais qui vous connaissez, et dans ce cas les résultats ne se font pas attendre. Les frères, eux, connaissaient une personne qui leur était favorable et qui travaillait au bureau du président. Par son intermédiaire, ils ont invité le secrétaire du président à venir prendre un repas à la maison de missionnaires, ce qu’il a accepté avec amabilité.

Les missionnaires ont ainsi eu la possibilité de parler de la nature réelle de leur activité et des bienfaits qui pouvaient en résulter pour le pays. Ils ont également abordé le problème de l’enregistrement, ce qui a beaucoup intéressé le secrétaire. Aussi, le 15 juin 1950, le premier des missionnaires a-​t-​il pu se faire enregistrer comme immigré ayant le droit légal de rester dans le pays pour continuer l’œuvre d’éducation biblique.

Une journée difficile à la campagne

À cette époque, l’activité d’un surveillant de circonscription s’accompagnait de tracas particuliers ; il fallait voyager de nombreuses heures durant et, parfois, endurer une opposition violente. Lloyd Gummeson, diplômé de l’École de Guiléad, a commencé à servir à plein temps en qualité de surveillant de circonscription en 1952. Après avoir passé du temps auprès d’une congrégation au nord de Yuty, il a relaté ce qui s’est passé. Le territoire proche ayant été récemment parcouru, des dispositions avaient été prises pour aller prêcher dans une ville éloignée. Un groupe de six frères et de quatre sœurs sont partis à 4 heures du matin ; tous étaient à pied, sauf une sœur qui avait un enfant âgé de un an. À 11 heures, ils sont arrivés dans le territoire, se sont divisés en deux groupes et sont allés prêcher.

‘ Nous n’étions là que depuis une heure, a déclaré frère Gummeson, et nous donnions le témoignage, dans une hutte, à une famille que le message intéressait lorsque le shérif et un soldat de 16 ans sont entrés, leurs fusils braqués sur nous. Le shérif a fermement demandé à la famille de nous rendre les publications, puis nous a ordonné de le suivre jusqu’au commissariat de police. Quand nous sommes arrivés, les autres proclamateurs s’y trouvaient déjà. J’ai essayé de raisonner avec le shérif, mais je me suis rendu compte qu’il parlait seulement guarani, et non espagnol. Rouge de colère, il nous a donné l’ordre de quitter les lieux et de ne jamais revenir.

‘ Après avoir marché environ un kilomètre, nous nous sommes assis sous un arbre pour déjeuner. Tout à coup, les frères et sœurs se sont levés et se sont mis à courir. J’ai regardé autour de moi, et qui ai-​je vu ? Le shérif accompagné d’un soldat qui venaient à cheval, de longs fouets dans les mains. J’ai alors pensé qu’il serait mieux de rester avec le groupe, aussi ai-​je pris mes jambes à mon cou. Alors que je traversais un ruisseau, mes lunettes de soleil sont tombées ; au moment où je me suis penché pour les ramasser, j’ai senti le claquement cinglant du fouet dans mon dos. Ensuite, le shérif a voulu me piétiner avec son cheval, mais comme je connaissais un peu les chevaux, j’ai balancé mon sac de prédication devant lui, si bien qu’il ne s’est pas approché de moi.

‘ Dans le même temps, le shérif a donné plusieurs coups de fouet à trois autres frères, puis il a essayé de faire piétiner par son cheval une pionnière de 70 ans. Finalement, lui et le soldat sont repartis, et nous avons continué notre chemin. Personne n’était gravement blessé, bien que les coups de fouet aient laissé des marques rouge sombre sur le dos de certains. Mais aucun ne souffrait. Nous sommes arrivés chez nous à 8 heures du soir, après 16 heures de marche. ’

Malgré de tels événements mouvementés dans quelques petites villes et villages, l’œuvre qui consiste à proclamer le Royaume n’a cessé de prospérer.

Conséquence du changement gouvernemental

L’année 1954 s’est avérée cruciale dans la vie politique du pays. Le gouvernement de don Federico Chávez a été renversé et, le 11 juillet, le général Alfredo Stroessner a été élu président. Ainsi commençait une période de dictature militaire qui allait durer plus de 34 ans. Comment cela a-​t-​il affecté l’activité des Témoins de Jéhovah ?

Une assemblée de district de quatre jours était prévue du 25 au 28 novembre. Comme le Paraguay était soumis à la loi martiale, il nous fallait un permis de la police pour tenir n’importe quelle réunion. Cela poserait-​il un problème ? Les frères avaient déjà pris des dispositions pour louer une salle, mais lorsqu’ils sont allés chercher un permis pour organiser l’assemblée, on leur a dit que ce serait impossible. Pourquoi ? Un policier a reconnu que les prêtres faisaient pression sur eux. Après plusieurs visites et discussions, on a fini par dire aux frères qu’ils n’auraient pas le permis, mais que la police ne perturberait pas le programme de l’assemblée. Les frères se sont donc abstenus d’annoncer le rassemblement par des prospectus ou par les journaux ; toutes les invitations se faisaient discrètement de bouche à oreille. Ainsi, l’assemblée a eu lieu sans interruption.

L’opposition religieuse se poursuit

Le clergé catholique n’a pas relâché ses efforts en vue d’arrêter l’œuvre des Témoins de Jéhovah. Vers la fin de 1955, une petite assemblée de circonscription a été organisée à Piribebuy, à 72 kilomètres à l’est de la capitale. Le soir de la première journée, le curé a conduit une foule armée de bâtons et de machettes afin d’interrompre la réunion. Grâce à l’intervention d’un instituteur de la ville, les manifestants ont reculé dans la rue. Là, ils ont passé la soirée à crier et à lancer des pierres et des pétards.

Le 1er mars 1957, l’opposition religieuse s’est de nouveau fait sentir, cette fois-​ci à Itá, au sud-est de la capitale. Bien avant cette date, les frères avaient fait les démarches afin d’obtenir des autorités de la ville et de la police de la capitale la permission d’organiser leur assemblée de circonscription à Itá. Cependant, lorsqu’ils sont arrivés, ils ont vu que quelque chose n’allait pas. Itá ressemblait à une ville fantôme : les rues étaient désertes, les volets et les portes des maisons fermés. Que s’était-​il donc passé ?

Le curé de la paroisse s’était juré que cette assemblée n’aurait pas lieu et il s’était donné beaucoup de mal pour cela. Il avait même fait le nécessaire pour qu’un avion répande à travers la campagne des milliers de tracts, qui contenaient ce message : “ Vendredi 1er mars 1957, à 17 h 30, grand rassemblement devant l’église de tous les chrétiens catholiques de la ville et des districts. [...] À 18 h 30 puissante manifestation des catholiques contre les faux ‘ Témoins de Jéhovah ’. Les protestants hérétiques n’ont le droit de tenir aucune assemblée ici à Itá. ”

Quand ils ont appris quels étaient les projets du prêtre Ayala, les frères ont pensé qu’il serait préférable de modifier le lieu de l’assemblée ; ils ne se réuniraient donc pas dans les installations relativement ouvertes au public qu’ils avaient louées, mais dans le foyer d’un frère qui fournirait une meilleure protection en cas d’attaque.

Imaginez la scène : dans la maison du frère, une soixantaine de chrétiens épris de paix se rassemblent pour examiner la Parole de Dieu ; deux rues plus loin, une foule de plus de mille personnes, qui grossit de minute en minute, écoute la harangue du prêtre et son incitation à la violence.

Tous n’étaient pas d’accord avec lui. Solano Gamarra, un sous-lieutenant de l’armée de l’air paraguayenne, a essayé de le calmer et s’est adressé aux autres prêtres, mais en vain. L’un d’eux était si furieux qu’il a frappé l’officier et lui a fendu la lèvre. Voyant cela, les gens se sont rués comme des loups sur le lieutenant et l’ont battu, le blessant à la tête. Puis ils ont arraché sa chemise qu’ils ont fixée à une perche pour la brûler. Le lieutenant Gamarra a dû fuir pour protéger sa vie.

Assoiffée de sang, la foule s’est alors tournée vers le lieu de l’assemblée en criant : “ À bas Jéhovah ! ” “ À mort Jéhovah ! ” Tandis que les émeutiers se dirigeaient vers la maison où avait lieu l’assemblée, la faible protection de la police s’est volatilisée. Les frères ont barricadé la porte à l’intérieur. Certains parmi la foule ont essayé de pénétrer dans la cour de derrière par la propriété d’un voisin, mais celui-ci a tenu ferme et leur a interdit le passage. Il n’avait pas oublié que, lorsqu’il avait été malade, le Témoin dont la maison était maintenant prise d’assaut avait fait preuve de bonté à son égard. Pendant ce temps, les frères faisaient leur possible pour continuer la réunion, mettant leur confiance en Jéhovah. Par mesure de sécurité, tous ont passé la nuit dans la maison. Le lendemain, un avis provenant de la police nationale à Assomption a annulé le permis de l’assemblée afin de protéger les Témoins parce que la police municipale ne pouvait pas maîtriser la foule. Les assistants ont quitté la ville en chantant joyeusement dans un autocar loué qui allait les amener à la filiale, à Assomption, où ils termineraient leur assemblée. Leur foi avait été éprouvée et ils en étaient ressortis fortifiés spirituellement.

Reconnaissance officielle

Après les événements d’Itá, la filiale, à l’exemple de l’apôtre Paul, a pris des mesures pour ‘ faire reconnaître la bonne nouvelle en justice ’ au Paraguay (Phil. 1:7 ; Actes 16:35-39). Il en est résulté d’heureuses conséquences. Toutes les exigences légales ayant été satisfaites, le 14 octobre 1957, la Watch Tower Bible and Tract Society a été officiellement reconnue personne morale et autorisée à représenter les Témoins de Jéhovah dans ce pays. Un décret présidentiel mentionnant cet avis a été publié dans les journaux. Cela s’est avéré très utile pour l’achat des locaux nécessaires et pour l’obtention de cartes de séjour permanentes pour les missionnaires.

Leur premier film

De 1954 à 1961, l’utilisation de films a permis d’accomplir un bon travail auprès du public en lui faisant connaître l’organisation de Jéhovah. Des dispositions ont été prises pour projeter les films de la Société dans une grande partie de l’est du pays. Durant les cinq ans où un dénombrement a été fait, plus de 70 000 personnes ont assisté aux représentations.

Transporter un générateur et tout l’équipement nécessaire à la projection d’un film à la campagne était une véritable entreprise. On choisissait généralement un terrain de football pour y installer le matériel avant qu’il fasse noir. Puis on invitait le public au moyen d’un haut-parleur. Parfois, des vandales jetaient des cailloux. Le nombre des assistants variait. À General Artigas, où il y avait une congrégation d’une petite vingtaine de proclamateurs qui se réunissait à huit kilomètres de la ville, un soir quelque 1 300 personnes ont vu le film ! Durant les premiers instants du film, il était courant d’entendre les gens rire aux éclats lorsque l’image changeait. Il faut dire que, pour les gens de la campagne, c’était souvent la première fois qu’ils voyaient un film.

Ces films ont donné aux frères et au public une meilleure idée de l’ampleur de l’œuvre accomplie par les Témoins de Jéhovah du monde entier.

Les missionnaires s’offrent volontairement

Comme le nombre des proclamateurs augmentait, les missionnaires ont mis leurs efforts en commun pour les aider à progresser vers la maturité. Les résultats ont été manifestes lorsqu’en 1953 les missionnaires ont eu le privilège de se rendre à New York pour assister à l’assemblée “ La société du monde nouveau ”. Tandis qu’ils étaient là-bas, il a fallu que les frères locaux assument les responsabilités de surveillance dans la congrégation d’Assomption. De nouveaux maximums ayant été atteints dans les activités de prédication, au retour des missionnaires, on a demandé aux frères de continuer à assumer ces responsabilités, ce qui a permis aux missionnaires de se rendre dans d’autres endroits.

Ceux-ci avaient beaucoup à faire. Quatre mois après son arrivée au Paraguay et son apprentissage de l’espagnol, Werner Appenzeller a été nommé dans la circonscription autour d’Encarnación. La plupart des routes n’étaient pas encore pavées et, en général, on se déplaçait à pied ou à cheval. Il n’y avait que 100 proclamateurs dans toute la circonscription, mais les encouragements et la formation qui étaient apportés contribuaient à leurs progrès spirituels. Quelques années plus tard Ladislao Golasik, le fils de Robert Golasik, qui était originaire de cette région, a été nommé surveillant de circonscription.

À la fin de 1961, cela faisait 15 ans que les missionnaires formés à l’École de Guiléad se dépensaient au Paraguay. Le pays comptait 411 Témoins, répartis dans 22 congrégations, qui avaient passé plus de 594 000 heures à prêcher la bonne nouvelle. Il y avait alors cinq maisons de missionnaires, qui se trouvaient à Assomption, à Encarnación, à Villarrica, à Coronel Oviedo et à Pedro Juan Caballero. Les frères allaient également prêcher aux alentours de ces villes. En 1961, 50 missionnaires s’étaient dépensés dans l’œuvre de prédication au Paraguay. À cause de la maladie ou pour d’autres raisons, 29 d’entre eux ont dû retourner dans leur pays d’origine. Mais tous ont favorisé de diverses façons les intérêts du Royaume au Paraguay. En décembre 1961, Elmer et Mary Pysh, diplômés de la première classe de l’École de Guiléad dont les cours avaient duré dix mois, sont arrivés dans le pays.

Ils construisent leurs propres lieux de réunion

À cette époque, les frères d’Assomption ont construit et inauguré une Salle du Royaume, la première dont ils étaient les propriétaires. C’était un beau bâtiment en briques et en ciment dans lequel il y avait plus de 200 places assises. Quel témoignage pour le voisinage de voir des hommes, des femmes et des enfants creuser, préparer du béton, polir des briques, peindre et nettoyer, tout cela ensemble ! Aux yeux de ceux qui les observaient, c’était de toute évidence des travailleurs zélés.

À Vacay, région rurale dans le sud du pays, un petit groupe de Témoins, qui ne formaient pas encore une congrégation, avaient tant d’assistants aux réunions qu’ils ont jugé qu’eux aussi avaient besoin d’une Salle du Royaume. Mais ils n’avaient pas d’argent. Qu’allaient-​ils faire ? Ils ont signé un contrat avec le directeur d’une exploitation de bois, contrat selon lequel ils défricheraient des terres contre des matériaux de construction et un salaire. Lorsque la salle a été achevée, quatre familles bien disposées ont vendu leurs fermes éloignées et se sont rapprochées de la Salle du Royaume afin de ne pas manquer les réunions.

Plus tard, des installations ont été construites pour les assemblées de district et de circonscription. À plusieurs reprises, les frères avaient utilisé les locaux du Club Martín Pescador, de l’Université nationale et de l’École américaine. Puis, au début des années 70, on leur a offert un terrain pour y construire leur propre Salle d’assemblées, laquelle a été achevée au bout de quelques années.

Des installations plus adaptées pour la filiale

L’activité croissante et la bénédiction de Jéhovah ont également nécessité des installations plus adaptées pour la filiale. Différentes maisons avaient été louées au fil des années. Mais, en 1962, Nathan Knorr, alors président de la Société Watch Tower, a recommandé l’achat d’une propriété dans l’un des plus beaux quartiers de la ville et la construction d’une maison de missionnaires qui servirait aussi de filiale et comprendrait une Salle du Royaume. La propriété se trouvait sur l’une des principales avenues de la capitale, à deux rues du grand stade du Paraguay. Une fois les plans tracés et le permis de construire obtenu, les travaux ont débuté en janvier 1965 et se sont achevés dix mois plus tard. Au début de 1966, les frères ont eu la joie de recevoir frère Knorr pour l’inauguration des nouvelles installations pendant une visite de zone.

En raison de l’emplacement du bâtiment, des milliers de personnes à Assomption prenaient chaque jour conscience de la présence des Témoins de Jéhovah. Et tandis qu’elles passaient devant pour assister à des événements sportifs, des milliers d’autres se rappelaient que Jéhovah avait ses Témoins au Paraguay.

Une nouvelle disposition administrative

Comme dans les autres filiales de la Société, le 1er février 1976, un comité a commencé à fonctionner, se substituant à un seul frère responsable de la filiale. Au cours des 30 années précédentes, Albert Lang, William Schillinger, Max Lloyd, Lloyd Gummeson, Harry Kays et Elmer Pysh ont été surveillants de la filiale pour des périodes plus ou moins longues. Tous ont grandement contribué à l’œuvre du Royaume. Toutefois, une nouvelle disposition allait prendre effet : un comité de frères mûrs coopérerait pour veiller à l’activité des Témoins de Jéhovah dans le pays.

Elmer Pysh a été nommé coordinateur du Comité de la filiale, dont les autres membres étaient Charles Miller et Isaac Gavilán. Frères Pysh et Miller étaient tous les deux diplômés de Guiléad ; frère Gavilán, un Paraguayen, était dans le service à plein temps depuis 13 ans.

Nouvelle vague d’opposition gouvernementale

Partout dans le monde, les Témoins de Jéhovah sont neutres quant aux affaires politiques. Ils prennent à cœur cette déclaration de Jésus à ses disciples : “ Vous ne faites pas partie du monde. ” (Jean 15:19). Ayant présent à l’esprit le conseil biblique de ‘ se garder des idoles ’, ils s’abstiennent de participer à des cérémonies nationalistes qui reviennent pour eux à de l’idolâtrie (1 Jean 5:21). Les hauts fonctionnaires des gouvernements, qui sont profondément impliqués dans le système politique et considèrent le nationalisme comme un moyen d’unir leurs citoyens, peuvent au premier abord avoir du mal à comprendre la position des Témoins de Jéhovah. Ils savent que d’autres groupes religieux, et même le clergé, n’hésitent pas à se mêler de politique et à prendre part aux cérémonies patriotiques. Le clergé profite souvent de cette situation pour semer la suspicion à l’égard des Témoins de Jéhovah dans l’esprit des hauts fonctionnaires.

Dans une lettre datée du 31 octobre 1974, M. Manfredo Ramirez Russo, alors directeur général des religions, a fait une demande d’enquête sur les croyances et l’organisation des Témoins de Jéhovah. Le 25 février 1976 a été publié un décret du gouvernement exigeant “ la cérémonie quotidienne du lever du drapeau et du chant de l’hymne national ” dans “ toutes les institutions pédagogiques ”. Dans un style journalistique sensationnel, l’édition du 3-17 septembre de la publication religieuse El Sendero (Le sentier) comportait un article diffamatoire sur une page entière intitulé “ Les Témoins de Jéhovah ”. Le 14 mars 1977, Patria, le journal officiel du parti politique au pouvoir, publiait un article tout aussi diffamatoire qui avait pour titre “ Fanatisme ”.

Dans le même temps, des représentants de la filiale des Témoins de Jéhovah ont été convoqués pour un entretien avec le directeur général des religions. Dans la foulée, un récapitulatif des enseignements des Témoins a été fait : il portait essentiellement sur leur position par rapport au drapeau, à l’hymne national et au service militaire. Quelques jours plus tard, un responsable de la police, Obdulio Argüello Britez, s’est présenté au bureau de la Société à Assomption pour demander des renseignements au sujet de l’assemblée que les Témoins de Jéhovah avaient tenue du 6 au 9 janvier. Peu de temps après, le procureur général de l’État, Mme Clotilde Jiménez Benítez, a interrogé des représentants de la Société sur les mêmes thèmes qui avaient été abordés auparavant au bureau de la direction générale des religions.

À la suite de cette série d’événements, en 1978, les enfants de Témoins de Jéhovah qui refusaient de chanter l’hymne national ont commencé à être renvoyés des établissements scolaires, sans aucune possibilité de se faire inscrire dans une autre école. Mais ce n’était pas tout.

La proscription : de quoi s’agit-​il ?

Le 3 janvier 1979, la “ bombe ” a fini par exploser. Un décret annulant le statut légal de la Société Watch Tower, qui représentait les Témoins de Jéhovah, a été publié.

Le décret, qui faisait la une des journaux, a bouleversé tant les Témoins que ceux qui ne l’étaient pas. Presque tous les médias se sont intéressés à cette affaire ; certains ont appuyé la décision, d’autres l’ont condamnée. D’après le journal ABC, le décret était “ une violation d’un droit de l’homme fondamental, selon l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ”.

Ayant été informé de l’interdiction, mais n’en connaissant pas encore les limites, le Comité de la filiale a pris des mesures immédiates pour organiser l’œuvre à partir d’autres endroits. “ Nous n’avions jamais vu en cette interdiction une forme de persécution religieuse ”, a déclaré M. Raul Peña, le ministre de l’Éducation et de la Religion. Quoi qu’il en soit, les Témoins de Jéhovah ont été obligés de se réunir en petits groupes dans des foyers privés. Leur activité de prédication a été restreinte, bien que le zèle et le courage de la majorité des frères n’aient pas été entamés. Afin de bénéficier des assemblées chrétiennes, pendant un certain temps ils ont dû s’organiser pour y assister dans d’autres pays.

Comment cette suite d’événements a-​t-​elle commencé ? M. Manfredo Ramirez Russo a-​t-​il agi uniquement dans l’exercice de ses fonctions gouvernementales ? Fait intéressant, le 25 août 1981, dans Ultima Hora, un journal d’Assomption, figurait une photo représentant Manfredo Ramirez Russo et “ Monsignor ” José Mees se tenant cordialement face à face. Sous la photo apparaissait la légende suivante : “ La décoration de ‘ Saint Grégoire le Grand ’ a été remise à Manfredo Ramirez Russo, directeur des religions au ministère de l’Éducation, par le nonce apostolique de Sa Sainteté, Monsignor José Mees, en reconnaissance des services rendus à l’Église catholique. ”

À la suite de l’interdiction, des Témoins de Jéhovah ont été arrêtés en de nombreux endroits pendant qu’ils tenaient de petites réunions dans des foyers privés, qu’ils allaient chez les gens pour leur faire connaître l’espérance de la Bible ou qu’ils dirigeaient des études bibliques chez des personnes bien disposées.

Entre le 8 et le 11 octobre 1981, neuf frères d’Encarnación ont été emprisonnés. Lorsqu’Antonio Pereira, un ancien qui n’avait pas été arrêté, a voulu s’assurer de la condition des frères en prison auprès du chef de la police, Julio Antonio Martínez, celui-ci a ordonné son arrestation et l’a enfermé dans une cellule de haute sécurité. Dans l’intervalle, Joseph Zillner, d’une congrégation voisine, s’était rendu chez la mère du premier frère incarcéré pour voir quelle était la situation. Quelqu’un a dû en informer la police, car dix minutes plus tard on le conduisait jusqu’à la prison d’Encarnación.

Les flammes de la persécution sont attisées

Quelques années après l’interdiction, les arrestations ont cessé. Peu à peu, les frères ont commencé à utiliser leurs Salles du Royaume et à organiser de petites assemblées. Cependant, tout cela a brusquement pris fin en 1984 lorsqu’un journal local a annoncé que quatre étudiants Témoins de Jéhovah avaient été renvoyés de l’école technique professionnelle d’Assomption parce qu’ils ne chantaient pas l’hymne national. Cela a déclenché une campagne incendiaire encore plus grande contre les Témoins. En conséquence, presque tous les enfants d’âge scolaire des Témoins de Jéhovah ont été renvoyés des écoles et nombre d’entre eux n’ont jamais pu y retourner.

Du 2 au 5 mai, le journal Hoy (Aujourd’hui) a publié une série d’articles diffamatoires rédigés par Antonio Colón, un prêtre catholique. Plus tard dans la même année, un nouveau ministre de l’Éducation et de la Religion a prêté serment, mais il a poursuivi la politique de son prédécesseur. Après qu’il a fait une ferme déclaration nationaliste, on a refusé l’inscription pour la nouvelle année scolaire à la plupart des enfants de Témoins de Jéhovah. Au nom d’un groupe de dix élèves — six que l’on avait renvoyés et quatre que l’on avait refusé d’inscrire —, un appel a été présenté devant les tribunaux en vertu du droit qu’ont les enfants des Témoins de Jéhovah d’être enseignés dans le système scolaire sans avoir à renier leur foi ni à transiger avec leur conscience. Le tribunal s’est prononcé en faveur des Témoins, mais le ministère de l’Éducation et de la Religion a porté le cas devant la Cour suprême.

Durant toute l’année 1985, l’affaire a continué de faire la une des actualités. Certains chroniqueurs défendaient la position des Témoins de Jéhovah, tandis que les membres des milieux politiques ne cessaient de les harceler. Le 23 juillet, alors que la controverse battait son plein, le siège mondial des Témoins de Jéhovah a envoyé une lettre au président du Paraguay.

Une décision favorable ayant été rendue dans le cas des enfants d’âge scolaire, la filiale a encouragé les congrégations à utiliser de nouveau leurs Salles du Royaume ouvertement, ce qui obligerait les autorités à adopter une position plus catégorique, qu’elle soit contre les Témoins ou qu’elle leur accorde une plus grande liberté.

Le 21 mars 1986, le coordinateur du Comité de la filiale a été convoqué au quartier général de la police. “ Vous réutilisez vos lieux de réunion alors que vous n’en avez pas le droit ”, lui a-​t-​on reproché. À quoi frère Gavilán a répondu : “ Permettez-​moi de vous rappeler que le décret annulant notre reconnaissance officielle a été contesté pour non-conformité à la Constitution. La Cour suprême est en train d’examiner la question et elle n’a pas encore rendu son verdict. Étant donné que cette action en justice suspend ce décret, d’un point de vue juridique nous sommes en droit d’exercer nos activités tant que la Cour n’a pas rendu sa décision finale. ” “ Je ne suis pas un homme de loi, a déclaré le fonctionnaire de police, je ne peux donc pas en discuter. Puisque c’est ainsi, apportez-​moi une liste de vos lieux de réunion, et nous verrons. ” La discussion était terminée. Les renseignements demandés, accompagnés d’un exposé des droits des Témoins, ont été fournis, et les Salles du Royaume n’ont pas été refermées.

Toutefois, le 26 février 1987, le président de la Cour suprême, Luis María Argaña, s’est prononcé contre les Témoins de Jéhovah dans le cas des écoliers. Nombreux furent ceux qui, parmi l’élite intellectuelle, ont vu en ce jugement une décision politique, et beaucoup l’ont condamné. Quel effet cela a-​t-​il eu sur l’œuvre des Témoins de Jéhovah ?

Ils continuent à prêcher la bonne nouvelle

L’œuvre consistant à proclamer le Royaume ne s’est pas arrêtée pendant ces années difficiles. En janvier 1984, la filiale a lancé une campagne pour que des pionniers spéciaux temporaires parcourent les territoires isolés. Au cours de la première année, 30 de ces pionniers ont donné le témoignage dans 75 villes. Les autorités municipales de 14 d’entre elles n’ont pas permis aux frères d’y prêcher, mais, dans d’autres endroits, lorsqu’on leur montrait la valeur de cette activité spirituelle, les autorités protégeaient nos frères et, dans certains cas, leur proposaient même de dormir... au poste de police !

Grâce à cette activité, les frères ont pu trouver de nombreuses personnes bien disposées. Après avoir obtenu auprès des pionniers le livre Vous pouvez vivre éternellement sur une terre qui deviendra un paradis, une femme, qui habitait à environ 200 kilomètres d’Assomption, a écrit à la filiale pour demander une aide supplémentaire. Quand un couple de Témoins est arrivé en réponse à sa requête, la femme a levé les yeux au ciel et, au bord des larmes, a remercié Jéhovah. Malgré l’opposition de sa famille, elle est devenue un fidèle serviteur de Jéhovah, donnant le témoignage à ses voisins et à ses connaissances.

Des groupes de proclamateurs et des congrégations ont été formés dans ces territoires auparavant isolés. La campagne de prédication effectuée par des pionniers spéciaux temporaires a été organisée chaque année et elle se poursuit jusqu’à maintenant, avec de merveilleux résultats.

La tension se relâche

Les autorités ont appris à mieux connaître les Témoins de Jéhovah. Ceux-ci ont poursuivi leurs efforts pour aider ces hauts fonctionnaires à comprendre exactement quelle était leur œuvre, jusqu’à ce que la permission orale leur ait été accordée de tenir une assemblée publique, les 21 et 22 mars 1987, dans leur propre Salle d’assemblées.

Quel moment de bonheur pour les frères et sœurs ! Les larmes aux yeux, tous s’étreignaient. Après neuf années de contraintes, de tension, d’incertitude et de persécution déclarée, c’était la première fois qu’ils pouvaient être ensemble pour célébrer leur culte en toute liberté au Paraguay. Des délégués venus d’Argentine, du Brésil et de l’Uruguay avaient été invités pour cette occasion spéciale. Le coup de grâce était porté à l’interdiction.

La reconnaissance officielle une nouvelle fois

Le Paraguay traversait une époque de changements. La tension politique augmentait. Finalement, durant la nuit du 2 février 1989, on entendit à Assomption le bruit de l’artillerie lourde. La révolution avait éclaté ! Le lendemain, le gouvernement militaire d’Alfredo Stroessner prenait fin.

Immédiatement, des efforts ont été de nouveau entrepris pour obtenir la reconnaissance officielle. La demande a fini par être acceptée le 8 août 1991. Quel jour heureux pour les serviteurs de Jéhovah au Paraguay !

Le 20 juin 1992, une nouvelle constitution est entrée en vigueur. Elle comprenait des clauses importantes concernant les droits de l’homme, tels que la liberté de réunion, d’objection de conscience, de religion et d’idéologie et la suppression d’une religion d’État. Ces clauses, ainsi que d’autres progrès, ont procuré un soulagement opportun.

Ils vont de l’avant

Il y avait encore beaucoup à faire dans l’œuvre de prédication de la bonne nouvelle au Paraguay. En 1979, lorsque l’interdiction a été décrétée, il y avait 1 541 proclamateurs dans le pays. L’année où la reconnaissance officielle a été rétablie, on en comptait 3 760. Aujourd’hui, ils sont plus de 6 200. Mais la proportion est encore de 1 proclamateur pour 817 habitants. Que faire pour rencontrer les gens ?

Chaque année, des pionniers spéciaux sont envoyés pour prêcher dans des villes où il n’y a pas de congrégation. Mais 49 % de la population vit à la campagne. En 1987, la filiale a aménagé un camion en camping-car pour les pionniers spéciaux. Depuis dix ans maintenant, il est utilisé pour parcourir les territoires ruraux que les congrégations ou les pionniers spéciaux temporaires n’ont pas couverts. De cette manière, les eaux de la vie se répandent dans les vastes contrées du pays.

Un effort particulier a également été fourni pour donner le témoignage aux gens qui vivent au bord des fleuves. Bien souvent, leur seul contact avec le reste du monde est le bateau. Aussi, en 1992, la Société a-​t-​elle construit un bateau pour un équipage de quatre pionniers. Grâce à ce bateau, qu’ils ont appelé à juste titre Le Pionnier, ils se sont mis à rechercher méthodiquement les personnes semblables à des brebis le long des rives.

“ En remontant le fleuve Paraguay, écrit le frère responsable du groupe, nous sommes arrivés à Puerto Fonciere, à 480 kilomètres d’Assomption, et nous avons commencé à prêcher de maison en maison. Au cours d’une conversation avec une femme âgée, nous lui avons dit que Dieu promettait de détruire toute méchanceté, et qu’en tant que Témoins de Jéhovah nous informions les gens qu’il le ferait par le moyen de son Royaume. Interrompant la discussion, la femme s’est tournée vers sa petite-fille et lui a demandé d’appeler son grand-père et de lui dire que ‘ les siens ’ étaient là. Peu après, le grand-père, âgé de plus de 70 ans, s’est présenté. Il était couvert de sueur, car il travaillait sur sa plantation. Il nous a salués chaleureusement et, les yeux remplis de larmes, a remercié Dieu parce que nous étions enfin arrivés. Il a déclaré qu’il attendait notre visite depuis assez longtemps. Quelque peu perplexes, nous lui en avons demandé la raison. Il a répondu qu’un certain capitaine de l’armée venant de l’île de Peña Hermosa lui avait donné une bible et le livre ‘ Choses dans lesquelles il est impossible à Dieu de mentir ’. Le capitaine avait noté plusieurs textes bibliques, tels que Psaume 37:10, 11 et Psaume 83:18, et lui avait dit qu’un jour les Témoins de Jéhovah viendraient chez lui pour lui expliquer davantage les desseins de Dieu. Une étude de la Bible a commencé sur-le-champ. ”

Jusqu’à ce jour, le bateau a permis de prêcher plus de deux fois le long des deux rives du fleuve Paraguay, de la frontière bolivienne au nord à celle de l’Argentine au sud, ce qui représente une distance totale d’environ 1 260 kilomètres.

Des ouvriers zélés prennent part à la moisson

Lorsque Jésus a donné ses instructions à ses disciples du Ier siècle, il les a exhortés à ‘ prier le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson ’. (Mat. 9:38.) De nos jours, les Témoins de Jéhovah ont pris cette exhortation à cœur, et le Maître a effectivement envoyé de nombreux ouvriers zélés dans le champ pour participer à la moisson spirituelle au Paraguay.

De 1945 jusqu’à présent, 191 missionnaires se sont dépensés dans ce pays. Soixante d’entre eux (dont 22 qui ne sont pas diplômés de Guiléad) y sont depuis au moins dix ans, et aujourd’hui il y en a 84. Dans les régions de l’est du Paraguay où ils ont concentré leur activité, il y a 61 congrégations prospères.

Des filiales voisines ont envoyé des pionniers spéciaux dans ce pays (où il n’y a toujours que 1 Témoin pour 817 habitants) pour apporter leur aide dans la prédication. D’autres Témoins sont venus au Paraguay de plusieurs pays, comme l’Allemagne, l’Angleterre, l’Argentine, l’Autriche, la Bolivie, le Brésil, le Canada, le Chili, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la Finlande, la France, l’Italie, le Luxembourg, la Suède, la Suisse et l’Uruguay. Ils ont utilisé leurs ressources et leurs capacités de bien des manières afin de faire progresser l’œuvre de prédication du Royaume. Certains ont servi dans des territoires urbains ; d’autres poursuivent leur ministère dans des villages où les conditions de vie sont assez rudimentaires. La plupart sont pionniers. D’autres encore ont participé à la construction de Salles du Royaume ou des installations de la filiale.

Au fil des années, le Paraguay a accueilli des immigrés de diverses origines nationales. Des Allemands, des Polonais, des Russes, des Ukrainiens, des Japonais et des Coréens se sont installés dans différentes régions du pays. Eux aussi ont reçu le témoignage des missionnaires et d’autres Témoins venus au Paraguay.

Mais qu’en est-​il des personnes d’expression guarani ? Elles représentent 90 % de la population. Selon une enquête récente, 37 % des Paraguayens parlent seulement guarani. Les Témoins du pays effectuent la majeure partie de leur activité auprès de ces personnes à l’aide de brochures en guarani, qu’ils apprécient beaucoup.

Certains Témoins paraguayens ont passé de nombreuses années dans le ministère à plein temps. En 36 ans de service de pionnier spécial, Edulfina de Yinde a aidé 78 personnes à progresser jusqu’au baptême. Son mari et elle se réjouissent de constater que cinq congrégations prospèrent là où ils ont servi. María Chavez a aidé beaucoup de personnes, elle aussi, au cours des 39 années passées dans le service de pionnier spécial.

Des milliers d’autres, qui ne sont pas pionniers, sont également zélés dans le service de Jéhovah. Nombre d’entre eux parcourent de longues distances à pied pour assister aux réunions et pour donner un témoignage complet dans leur territoire rural. Souvent, ils partent de chez eux avant le lever du jour en emportant une bonne quantité de “ soupe paraguayenne ” (un aliment sec) ou peut-être des tortillas et des racines de yucca. Vers 7 heures, ils sont prêts à aller prêcher et continuent jusqu’au coucher du soleil. De retour dans leur foyer, ils sont fatigués mais heureux de s’être dépensés à parler à autrui de Jéhovah et de ses merveilleux desseins.

Ceux qui ont soif ‘ prennent l’eau de la vie gratuitement ’

Comme cela a été annoncé dans les Écritures, quiconque le veut est invité à ‘ prendre l’eau de la vie gratuitement ’. (Rév. 22:17.) Au Paraguay des milliers ont accepté cette invitation.

Herenia, élevée dans la religion catholique, croyait avec ferveur aux traditions de l’Église et aux superstitions religieuses. Elle craignait la mort et l’enfer de feu. Elle croyait aux présages et était remplie d’effroi lorsqu’elle voyait ou entendait quelque chose qu’elle prenait pour un mauvais présage. Cette peur l’a suivie pendant 20 ans. Puis, en 1985, elle a commencé à étudier la Bible avec les Témoins de Jéhovah. Petit à petit, les eaux de la vérité l’ont rafraîchie et ont stimulé son désir de vivre éternellement dans le Paradis promis dans la Parole de Dieu.

En 1996, Isabel, qui vit à Carapeguá, a également goûté l’eau de la vie. Cependant, ce qu’elle a vu dans le livre La connaissance qui mène à la vie éternelle ne s’accordant pas avec ses croyances, elle a demandé aux Témoins de ne plus revenir. Mais elle a lu le livre et en a parlé à ses voisins, si bien que, lorsqu’un Témoin s’est présenté de nouveau chez elle, des personnes de quatre foyers différents s’y trouvaient, désirant en apprendre davantage. L’enthousiasme de la plupart s’est refroidi sous l’influence d’un pasteur pentecôtiste, mais un excellent témoignage a été donné, et la première femme à l’avoir reçu ainsi qu’une voisine ont continué de tirer profit des vérités vivifiantes.

Quand on leur a proposé pour la première fois les eaux de la vérité, Dionisio et Ana, comme beaucoup d’autres personnes, vivaient ensemble sans être mariés, et ce depuis 20 ans. En 1986, lorsque Dionisio et sa fille aînée se sont mis à étudier la Bible avec les Témoins de Jéhovah, Ana et ses deux autres filles s’y sont opposées. Ana a ordonné au Témoin de cesser de discuter avec son mari, a menacé de le tuer, a affirmé qu’elle appellerait la police et a consulté une religieuse catholique. Puis elle a porté l’affaire devant le tribunal pour enfants, prétextant que l’étude de la Bible mettait sa fille aînée en danger. Après avoir appris qu’en fait Dionisio subvenait convenablement aux besoins de sa famille, le juge a recommandé à Ana d’examiner la Bible en compagnie de son mari. Ana a répliqué que son amie la religieuse l’avait prévenue que les Témoins pratiquaient des choses immorales lors de leurs réunions. Le juge, une femme, l’a rassurée en lui disant : “ Nous autres, catholiques, nous disons connaître la Bible, mais en réalité nous n’y connaissons rien. Les Témoins de Jéhovah, eux, étudient la Bible. Je vous suggère de l’examiner à votre tour. ” Puis elle l’a encouragée à épouser Dionisio.

Déconcertée, Ana est retournée voir la religieuse et lui a demandé d’étudier la Bible avec eux. La religieuse a répondu que ce n’était pas nécessaire. Par ailleurs, elle a déconseillé à Ana de se marier avec Dionisio, alors que dans le passé elle le lui avait souvent préconisé, quand bien même Dionisio ne voulait pas en entendre parler. Peu après, le père d’Ana est tombé gravement malade. Les Témoins ont apporté un grand soutien à la famille. Cela a marqué un tournant dans la vie d’Ana. Elle a commencé à étudier la Bible, et Dionisio et elle se sont mariés. Aujourd’hui, près de dix ans ont passé. Dionisio est ancien et toute sa famille sert Jéhovah avec zèle.

La persévérance et l’amour des Témoins ont touché le cœur de nombreux Paraguayens. Dans la région de San Lorenzo, par exemple, il n’y avait qu’une congrégation en 1982. Malgré l’interdiction de l’œuvre, beaucoup de proclamateurs ont entrepris le service de pionnier, en conséquence de quoi le territoire de la congrégation, dont certaines villes étaient proches de San Lorenzo, a été parcouru régulièrement. Jéhovah a béni leur zèle : il y a actuellement neuf congrégations à cet endroit. Werner et Alice Appenzeller considèrent l’accroissement qu’ils ont observé au cours de leur ministère dans cette région comme leur plus grande joie en 40 ans de service au Paraguay.

L’accroissement ne se poursuit pas seulement dans une seule région, mais dans tout le pays. En 1996, de nouvelles installations de la filiale ont été inaugurées à une dizaine de kilomètres d’Assomption. Aux quatre coins du pays, il y a des Salles du Royaume dans lesquelles des réunions d’instruction biblique sont organisées. Les Témoins de Jéhovah continuent de se rendre chez les gens et de leur parler dans les rues. Avec zèle, ils lancent à des personnes de toutes sortes l’invitation à ‘ prendre l’eau de la vie gratuitement ’.

[Illustrations pleine page, page 210]

[Illustration, page 213]

Juan Muñiz a introduit le message du Royaume au Paraguay.

[Illustration, page 217]

Julián Hadad, l’un des premiers à accepter la vérité biblique au Paraguay.

[Illustration, page 218]

Jóvita Brizuela, baptisée en 1946, est toujours pionnière spéciale.

[Illustration, page 218]

Sebastiana Vazquez sert Jéhovah depuis 1942.

[Illustration, page 222]

William Schillinger a été missionnaire au Paraguay pendant 40 ans, jusqu’à la fin de sa vie.

[Illustration, page 230]

Werner Appenzeller et sa femme, Alice, missionnaires au Paraguay depuis 40 ans.

[Illustration, page 233]

Ils sont fiers de leur Salle du Royaume (à Assomption), la première que les Témoins ont construite au Paraguay et dont ils sont propriétaires.

[Illustrations, page 235]

Salle d’assemblées des Témoins de Jéhovah.

[Illustration, page 237]

Un coupeur de canne à sucre reçoit le témoignage à Villarrica.

[Illustration, page 243]

Salle du Royaume de Fernando de la Mora (Norte).

[Illustration, page 243]

Salle du Royaume de Vista Alegre (Norte), Assomption.

[Illustrations, pages 244, 245]

Des prédicateurs zélés de plusieurs pays sont venus au Paraguay pour participer à l’œuvre de témoignage : 1) Canada, 2) Autriche, 3) France, 4) Brésil, 5) Corée, 6) États-Unis, 7) Belgique, 8) Japon, 9) Allemagne.

[Illustration, page 246]

Le bateau “ El Pionero ” sur le fleuve Paraguay.

[Illustrations, page 251]

Les logements du Béthel et les bureaux de la filiale du Paraguay, près d’Assomption, et ceux qui y servent.

[Illustrations, page 252]

Le Comité de la filiale (de haut en bas) : Charles Miller, Wilhelm Kasten, Isaac Gavilán.