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Angola

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Guerre et pénurie alimentaire, ravages mortels de la maladie, souffrance et mort provoquées par des humains au comportement de bêtes sauvages — c’est sous les traits des cavaliers de l’Apocalypse que la Bible a prédit tous ces fléaux pour notre époque (Rév. 6:3-8). La terre tout entière est concernée. L’Angola n’a pas été épargné.

D’un bout à l’autre de ce pays, les effets de la folle chevauchée de ces cavaliers apocalyptiques se sont fait sentir. Quel a été le sort des Témoins de Jéhovah dans ces circonstances ?

Bon nombre de Témoins ont été l’objet de violentes persécutions. Certains ont été tués, victimes innocentes d’une guerre civile cruelle qui n’en finit pas. Beaucoup ont été confrontés aux conséquences terribles de la famine, résultant de bouleversements politiques et économiques. Cependant, rien n’a pu diminuer l’ardeur de leur foi en Jéhovah Dieu ni leur confiance en sa Parole. Leur désir le plus cher est de se montrer fidèles à Dieu et de donner à leurs semblables un témoignage complet concernant ses desseins. De plus, l’amour qu’ils manifestent les uns envers les autres constitue une preuve éclatante de leur qualité d’authentiques disciples de Jésus Christ. — Jean 13:35.

Considérons deux exemples qui attestent l’envergure de leur foi. Il y a plus de 40 ans de cela, un inspecteur de police a déclaré sans ambages à un Témoin de Jéhovah : “ En ce qui concerne l’Angola, [...] la Société Tour de Garde est finie, finie, finie ! ” Quelques instants plus tard, il s’est adressé d’un ton menaçant à un autre Témoin, natif de l’Angola. “ Savez-​vous ce qu’on va faire de vous ? ” a demandé l’inspecteur. Il a alors reçu cette réponse pleine de sang-froid : “ Je sais de quoi vous êtes capables. Mais le pire que vous puissiez me faire, c’est de me tuer. Que pouvez-​vous me faire de plus ? De toute façon, je ne renoncerai pas à ma foi. ” Malgré les brutalités subies pendant des années dans des prisons et des camps pénitentiaires, ce frère, João Mancoca, s’en est tenu fermement à sa résolution.

Plus récemment, un ancien de la province de Huambo a écrit : “ Nous sommes dans une situation critique. De sévères pénuries alimentaires et le défaut de médicaments dévastent les congrégations. Les mots nous manquent pour décrire les conditions de vie et l’état physique de nos frères. ” Mais il a ajouté : “ Même si notre condition physique est alarmante, nous sommes en bonne santé sur le plan spirituel. Ce qui arrive correspond tout à fait à ce qui était annoncé en Matthieu chapitre 24 et en 2 Timothée 3:1-5. ”

À quoi faut-​il attribuer des réactions aussi positives face à de dures épreuves ? À la foi et au courage insufflés par la confiance que des hommes placent, non pas en eux-​mêmes ni en quelque humain, mais dans le Royaume de Dieu confié à Jésus Christ. Peu importe qui semble avoir momentanément le dessus, ou à quel point une situation peut être périlleuse, ils savent que le dessein de Dieu prévaudra. Ils sont pleinement convaincus que le Fils de Dieu, régnant depuis les cieux, sortira vainqueur et que sous sa domination la terre deviendra un paradis (Dan. 7:13, 14 ; Rév. 6:1, 2 ; 19:11-16). Les Témoins de Jéhovah d’Angola savent par expérience que Dieu accorde dès maintenant à de frêles humains la puissance qui passe la normale pour qu’ils puissent endurer. — 2 Cor. 4:7-9.

Mais avant d’aller plus loin dans l’histoire du peuple de Jéhovah en Angola, faisons un tour d’horizon du pays dans lequel il vit.

Un diamant à l’état brut

L’Angola se trouve dans le sud-ouest de l’Afrique ; il est limité par la République démocratique du Congo au nord, la Namibie au sud, la Zambie à l’est et l’océan Atlantique à l’ouest. Le pays couvre 1 246 700 kilomètres carrés, soit en gros la superficie de la France, de l’Italie et de l’Allemagne réunies. Son territoire équivaut à peu près à 14 fois le Portugal, qui entreprit de coloniser l’Angola au XVIsiècle. Conséquence de la colonisation portugaise : environ 50 % de la population se réclame du catholicisme.

Le portugais est encore la langue officielle, mais l’Angola constitue une société polyglotte au sein de laquelle l’umbundu, le kimbundu et le kikongo sont les plus usitées des plus de 40 langues qui y sont parlées.

Au fil des années, ses ressources abondantes ont été détournées au profit d’autres pays. À l’époque coloniale, des millions d’esclaves ont été envoyés au Brésil, qui était alors une autre colonie portugaise. La terre fertile de l’Angola produisait autrefois à profusion bananes, mangues, ananas, canne à sucre et café. Après la disparition du joug colonial, le développement économique a été entravé, voire paralysé, par la guerre civile. Malgré tout, l’Angola possède toujours de grandes réserves de pétrole au large de ses côtes, ainsi que des gisements de diamants et de minerai de fer. Cependant, son potentiel le plus précieux réside dans sa population, humble et déterminée : ses habitants, par milliers, ont manifesté un profond amour pour la Parole de Dieu et sa promesse d’un avenir brillant sous le Royaume de Dieu.

“ Lance ton pain sur la surface des eaux ”

Le premier rapport d’activité émanant de Témoins de Jéhovah en Angola a été celui de Gray Smith et de sa femme Olga, un couple de pionniers sud-africains originaires du Cap. En juillet 1938, ils ont quitté Johannesburg au volant d’une voiture spécialement équipée de haut-parleurs pour diffuser des discours bibliques. Elle était bourrée de publications de la Société Tour de Garde. Au cours de leur voyage de trois mois, les Smith ont obtenu des abonnements à La Tour de Garde et distribué 8 158 bibles, livres et brochures. Ils ont répandu quantité de publications bibliques dans une vaste région, allant à la rencontre des habitants de Benguela, de Luanda, de Sá da Bandeira (aujourd’hui Lubango) et d’autres villes de l’ouest de l’Angola. Mais la Seconde Guerre mondiale ayant éclaté l’année suivante, il est devenu difficile de maintenir le contact avec ceux qui avaient manifesté de l’intérêt.

Pendant un temps, il y a eu peu de résultats tangibles à leur campagne de prédication. Néanmoins, le principe contenu en Ecclésiaste 11:1 s’est vérifié : “ Lance ton pain sur la surface des eaux, car au cours de nombreux jours tu le retrouveras. ”

Certaines graines de vérité ont mis des années à germer, comme en témoigne ce récit provenant de la province de Huíla. Bien des années après l’expédition des Smith, un certain M. Andrade se rappelait encore que, lorsqu’il avait 41 ans et vivait à Sá da Bandeira, il avait reçu des publications bibliques d’une personne d’Afrique du Sud qui traversait la région en voiture. À l’époque, il avait accepté le livre Richesses et un abonnement à La Tour de Garde. Il avait écrit à la filiale du Brésil, et des dispositions avaient été prises pour qu’il bénéficie d’une étude biblique par correspondance. Mais l’étude biblique avait été interrompue par la suite, quand M. Andrade s’était aperçu que son courrier était censuré. Il avait perdu contact avec les Témoins pendant de nombreuses années.

En 1967, Zuleika Fareleiro, qui était nouvellement baptisée, s’est installée à Sá da Bandeira. Sa connaissance de la vérité était relativement restreinte et, à ce moment-​là, l’activité des Témoins de Jéhovah était interdite dans le pays. Cela ne l’empêchait pas d’être très désireuse de partager avec les autres ce qu’elle savait. Elle a commencé une étude biblique avec une dame qui lui a dit connaître un cordonnier appartenant apparemment à la même religion. Sœur Fareleiro a donc apporté des chaussures à réparer, et quand elle a montré au cordonnier le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle, elle a vu ses yeux s’éclairer. Elle a pu entamer une étude biblique avec lui. Cet homme n’était autre que M. Andrade, qui se déplaçait maintenant en fauteuil roulant. Il avait subi un traumatisme en assistant au meurtre de sa femme. L’espérance du Royaume ne pouvait que lui plaire ; il l’a donc résolument adoptée. Il a été baptisé Témoin de Jéhovah en 1971 et a servi fidèlement son Créateur jusqu’à sa mort survenue en 1981, à l’âge de 80 ans. Sa présence régulière et active à toutes les réunions de la congrégation, en dépit de son invalidité et de son âge avancé, a beaucoup encouragé les frères.

Des efforts pour élever le niveau d’instruction des Angolais

Il y a une soixantaine d’années, un homme du nom de Simão Toco appartenait à une mission baptiste du nord de l’Angola. En quittant M’Banza Congo, en Angola, pour s’installer à Léopoldville, au Congo belge (aujourd’hui Kinshasa en République démocratique du Congo), Toco a fait une halte chez un ami. Là, il a vu un exemplaire du périodique Luz e Verdade (l’actuel Despertai ! [Réveillez-vous !]). Il contenait une traduction en portugais de la brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde. Cela intéressait Toco mais pas son ami, aussi ce dernier lui a-​t-​il dit d’emporter le magazine. C’est ainsi que Toco s’est retrouvé, lui aussi, en possession d’une publication biblique diffusée par les Témoins de Jéhovah.

Après son arrivée à Léopoldville en 1943, Toco a fondé une chorale qui a grossi avec le temps jusqu’à comprendre des centaines de membres. Très désireux d’élever le niveau d’instruction de ses compatriotes angolais expatriés, il a traduit en kikongo Le Royaume, l’Espérance du Monde. Petit à petit, il a inclus dans les cantiques qu’il composait l’espérance du Royaume et d’autres vérités bibliques qu’il avait apprises. Il utilisait également ces données au cours de discussions bibliques tenues avec certains membres de sa chorale. João Mancoca, un Angolais qui travaillait à Léopoldville lui aussi, s’est joint au groupe d’étude biblique de Toco en 1946. Des réunions avaient lieu les samedis et dimanches soir devant une assistance d’une cinquantaine de personnes parmi lesquelles figurait toujours Mancoca.

En 1949, comme les membres du groupe éprouvaient le vif désir de faire part à d’autres de ce qu’ils apprenaient, bon nombre d’entre eux sont allés prêcher à Léopoldville. Cela leur a valu les foudres du clergé baptiste et des autorités belges. Beaucoup de ceux qui appartenaient au groupe de Toco n’ont pas tardé à être arrêtés. João Mancoca était l’un d’eux. On les a gardés en prison plusieurs mois. Puis ceux qui refusaient de rompre avec le mouvement orchestré par Toco et de cesser de lire les publications émanant de la Société Tour de Garde ont été expulsés dans leur pays d’origine, en Angola. C’est ce qui a fini par arriver à un millier d’entre eux.

Les autorités portugaises en Angola hésitaient quant à l’attitude à adopter envers eux. En définitive, ceux qui avaient été renvoyés ont été dispersés dans différentes régions du pays.

C’est à peu près à cette époque, en 1950, que le message de vérité biblique a pénétré dans Huambo, deuxième ville de l’Angola, qui s’appelait alors Nova Lisboa. Il a fallu du temps pour que l’œuvre progresse, mais finalement João da Silva Wima, Leonardo Sonjamba, Agostinho Chimbili, Maria Etosi et Francisco Portugal Eliseu ont été du nombre des habitants de cette localité qui sont devenus de fidèles serviteurs de Jéhovah. Ils ont aussi aidé leurs familles à connaître Jéhovah et ses principes justes.

Quant à Toco, il a été envoyé dans le nord avec quelques autres pour travailler dans une plantation de café. Mais hélas ! des changements s’étaient déjà opérés dans ses conceptions. Tandis qu’il était encore à Léopoldville avec son groupe, des adeptes de Simão Kimbangu, pratiquants du spiritisme, s’étaient mis à assister à leurs réunions. Une fois, au cours d’un rassemblement, ils avaient ressenti ce que certains ont considéré comme une effusion de l’esprit. Mais ils n’ont pas ‘ éprouvé cet esprit pour voir s’il venait de Dieu ’. (1 Jean 4:1.) João Mancoca n’était pas satisfait de voir la confiance en ‘ l’esprit ’ prendre le pas sur l’étude de la Bible.

Après leur retour en Angola, João Mancoca s’est retrouvé à Luanda. Secondé par Sala Filemon et Carlos Agostinho Cadi, il a exhorté les membres de leur groupe à adhérer à l’enseignement de la Bible et à rejeter les pratiques qui n’étaient pas en harmonie avec elle. Quelque temps après, Toco, qui avait été affecté dans le sud, est passé par Luanda. Il était manifeste que les croyances des disciples de Kimbangu avaient exercé sur lui une influence grandissante.

En 1952, dénoncés par un des membres de leur groupe, João Mancoca, Carlos Agostinho Cadi et Sala Filemon ont été arrêtés et déportés à Baía dos Tigres, une colonie pénitentiaire rattachée à un port de pêche. Celui qui les avait trahis était un homme à la forte personnalité, qui avait deux femmes. Ses tentatives pour devenir le chef du groupe de Luanda ont été près de provoquer l’abandon de certains. Mais ses manières de faire malhonnêtes lui ont rapidement valu des difficultés avec les autorités, si bien qu’à son tour il a été exilé dans la colonie pénitentiaire.

Un visiteur chargé d’une triple mission

Au cours de l’année 1954, la filiale d’Afrique du Sud a reçu un grand nombre de lettres du groupe de Baía dos Tigres. Ces gens avaient très envie d’obtenir des publications bibliques. En guise de réponse, John Cooke, missionnaire Témoin de Jéhovah, a été envoyé de France en Angola en 1955. Ses instructions étaient triples : d’abord mener une enquête à propos des rapports indiquant la présence de 1 000 Témoins en Angola, puis tâcher de les aider si possible, et enfin voir ce qu’on pouvait faire pour que l’activité des Témoins de Jéhovah soit légalement reconnue en Angola. Son enquête, qui a duré cinq mois au cours desquels il a rencontré quantité de groupes, a révélé qu’il y avait bien moins de 1 000 Témoins. Comme l’atteste le rapport de service de 1955, ils n’étaient en fait que 30 proclamateurs de la bonne nouvelle dans tout le pays.

John Cooke a mis plusieurs semaines à obtenir des autorités portugaises la permission de rendre visite à João Mancoca et au petit groupe de Baía dos Tigres, dans le sud de l’Angola. Autorisé à rester avec eux cinq jours, frère Cooke leur a fourni des explications sur la Bible qui ont pleinement convaincu Mancoca et ses amis qu’il représentait bien l’organisation qui sert réellement Jéhovah Dieu. Le dernier jour, frère Cooke a présenté un discours public sur le thème “ Cette bonne nouvelle du Royaume ” devant une assistance d’environ 80 personnes, y compris le directeur de la colonie pénitentiaire.

Pendant ces quelques mois passés en Angola, frère Cooke a pu rencontrer Toco ainsi que des gens de différentes régions qui le considéraient comme leur chef. Beaucoup parmi eux se sont avérés n’être que des disciples de Toco nullement intéressés par les activités des Témoins de Jéhovah. La seule exception concernait António Bizi, un jeune homme de Luanda très désireux d’en apprendre davantage sur les desseins de Jéhovah. En ce qui concerne Toco, il était à l’époque confiné dans un village proche de Sá da Bandeira, sans possibilité d’envoyer ou de recevoir du courrier.

La visite de frère Cooke a été une grande source d’encouragement pour le petit groupe de fidèles de Baía dos Tigres. Frère Mancoca se rappelle qu’elle les a affermis dans leur conviction de “ ne pas se tromper de chemin ”. Elle a aussi révélé que, même si le nombre de Témoins était inférieur à celui rapporté, il y avait quand même des perspectives d’accroissement. Frère Cooke a indiqué dans son rapport qu’il avait rencontré des gens “ avides d’apprendre ” et qu’il semblait “ y avoir ici un champ excellent ”.

D’autres encouragements suivent

L’année suivant la visite de frère Cooke, la Société a envoyé à Luanda un autre frère expérimenté : il s’agissait de Mervyn Passlow, diplômé de l’École de Guiléad, accompagné de sa femme Aurora. Ils avaient une liste, établie par John Cooke, de quelque 65 abonnés et autres personnes bien disposées. Au départ, les Passlow ont eu du mal à entrer en relation avec les abonnés, car les périodiques étaient déposés dans des boîtes postales et non distribués à domicile. Mais, sur ces entrefaites, une femme du nom de Berta Teixeira est rentrée à Luanda ; elle revenait du Portugal où elle avait rencontré les Témoins de Jéhovah et avait manifesté un grand intérêt pour la vérité biblique. Informés de son arrivée par la filiale de Lisbonne, les Passlow ont rapidement commencé une étude biblique avec elle. L’un des parents de Berta, qui travaillait au bureau de poste, les a aidés à trouver les adresses des abonnés dont beaucoup sont devenus des étudiants de la Bible pleins d’ardeur. Sans tarder, ces derniers se sont mis à parler de leur espérance à leurs amis et à leurs voisins. En moins de six mois, les Passlow étudiaient la Bible avec plus de 50 personnes.

Deux ou trois mois après leur arrivée, les Passlow ont commencé à tenir, dans leur chambre, des études bibliques régulières à l’aide de La Tour de Garde. Dès la fin du premier mois, la chambre était trop petite. Berta Teixeira, qui dirigeait une école de langues, a alors offert l’une de ses classes comme lieu de réunion. Au bout de huit mois ont eu lieu les premiers baptêmes administrés par des Témoins de Jéhovah en Angola, dans la baie de Luanda.

En raison de la situation qui existait à l’époque en Angola, les contacts des Passlow avec les frères africains étaient limités. Mais certains d’entre eux leur rendaient visite quand même. Citons le cas d’António Bizi qui venait régulièrement les voir pour approfondir la Bible avec eux ; c’est lui que John Cooke avait signalé comme un étudiant sincère. Quant à João Mancoca, toujours en détention, il envoyait aux missionnaires des lettres d’encouragement.

Malheureusement, peu de temps après les premiers baptêmes, le gouvernement a refusé de renouveler les visas des Passlow, aussi ces derniers ont-​ils été obligés de quitter le pays. Ils avaient accompli un excellent travail en semant des “ graines ” de vérité et en arrosant celles que d’autres avaient semées (1 Cor. 3:6). Ils avaient également tissé des liens de profonde affection avec les frères angolais. Étant donné l’hostilité de la police, les Passlow ont mis en garde les frères locaux, surtout les Africains, leur enjoignant de ne pas prendre le risque de venir leur dire au revoir. Mais les liens d’amour étaient trop puissants. Beaucoup de frères étaient présents pour exprimer leur affection tandis que les missionnaires se dirigeaient vers la passerelle d’embarquement.

Harry Arnott, un surveillant de zone, avait rendu visite aux Passlow en 1958 pendant qu’ils étaient à Luanda. En février 1959, quand il a de nouveau tenté de visiter l’Angola en tant que surveillant de zone, un petit groupe comprenant frère Mancoca et sœur Teixeira est venu l’accueillir à l’aéroport. Mais la police est intervenue presque immédiatement. Frère Arnott a été séparé du groupe et ses bagages ont été fouillés.

En fin de compte, frère Arnott s’est retrouvé dans la même salle de détention que frère Mancoca. En se retrouvant face à face, ils se sont mis à rire. Mais le côté humoristique de la situation échappait à l’inspecteur de police. Furieux, il a apostrophé Mancoca : “ Savez-​vous ce qu’on va faire de vous ? ” Frère Mancoca, qui à l’époque avait passé six années en prison et avait été battu à maintes reprises, lui a répondu calmement : “ Je ne vais pas pleurer. Je sais de quoi vous êtes capables. Mais le pire que vous puissiez me faire, c’est de me tuer. Que pouvez-​vous me faire de plus ? ” Et de conclure par cette ferme déclaration : “ De toute façon, je ne renoncerai pas à ma foi. ” Puis il s’est tourné vers frère Arnott et lui a adressé un sourire encourageant. Frère Arnott rapporte : “ Oubliant qu’il était lui-​même en mauvaise posture, il ne pensait qu’à me rassurer au cas où cette situation m’aurait ébranlé. Comme il était touchant de voir ce frère africain demeurer ferme et courageux après avoir passé des années en prison ! ”

Frère Arnott a été renvoyé du pays par le même avion qui l’y avait amené — en tout cas pas avant cette entrevue brève mais fortifiante avec frère Mancoca. Quant à ce dernier, il a été lui aussi relâché après sept heures d’interrogatoire.

Une semaine après cet incident, frère Mancoca a enfin été baptisé, en même temps que ses amis Carlos Cadi et Sala Filemon. Vers cette époque, les frères ont loué une pièce à Sambizanga, un faubourg de Luanda : c’est là que la première congrégation officielle de Témoins de Jéhovah d’Angola a tenu ses réunions. À ce moment-​là, on pouvait commencer et conclure les réunions par le chant d’un cantique, et cela attirait l’attention des gens du voisinage. Beaucoup ont été impressionnés en constatant que les personnes composant l’assistance pouvaient vraiment participer à l’étude de La Tour de Garde, et qu’on leur permettait aussi de poser des questions après les réunions. Cette notion d’échange, qui n’existait pas dans les églises de la chrétienté, a donné un grand élan à l’œuvre dans le pays.

“ Prudents comme des serpents ”

En 1960, c’est la filiale du Portugal, et non plus celle d’Afrique du Sud, qui s’est occupée de la prédication de la bonne nouvelle en Angola. Ce renforcement des liens entre les Témoins de Jéhovah des deux pays offrait un contraste frappant avec la détérioration des relations politiques entre le Portugal et l’Angola, qui avait pendant longtemps subi la férule coloniale.

L’indépendance du Congo belge voisin et la guerre civile qui s’en est suivie ont eu des conséquences importantes sur le climat politique de l’Angola. Le gouvernement colonial a eu beau accroître sa vigilance, il n’a pas pu empêcher le déclenchement d’une guérilla pour l’indépendance en Angola. En janvier 1961, la violence a éclaté dans le centre du pays. Elle a conduit à une tentative d’insurrection à Luanda en février. Puis en mars, à la suite de litiges à propos des salaires dans la région Kongo, au nord, région durement touchée par la pauvreté, des Angolais ont tué plusieurs centaines de colons portugais. Leur action a eu pour conséquences de lourdes représailles.

Au cours des années 60 sont apparus trois mouvements anticoloniaux principaux : le Mouvement communiste populaire de libération de l’Angola (Movimento Popular de Libertacão de Angola ; MPLA), le Front national de libération de l’Angola (Frente Nacional de Libertacão de Angola ; FNLA) et l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (União Nacional para a Independência Total de Angola ; UNITA).

La guerre civile a immédiatement créé des problèmes au petit groupe de Témoins de Jéhovah. La presse les a qualifiés de “ secte antichrétienne et subversive ”. Des journalistes ont cité des articles de Réveillez-vous ! dont ils ont tordu le sens et ont prétendu mensongèrement que le but des Témoins était “ de justifier, voire d’encourager, les actes de terrorisme que le nord de la province a connus récemment ”. Sous une photo de Réveillez-vous ! on pouvait lire : “ La propagande religieuse empoisonne l’esprit des indigènes. ”

Dans le même temps, tous les Témoins de Jéhovah ont été placés sous surveillance étroite. Tout le courrier qui arrivait était minutieusement contrôlé, si bien que les contacts avec la filiale portugaise ont été limités et qu’il était très difficile de se procurer des publications bibliques. Ceux qui en recevaient par la poste étaient soumis à un interrogatoire par la police.

Le gouvernement colonial tenait pour suspecte toute réunion de plus de deux personnes n’appartenant pas à la même famille. Les frères ont donc pris la précaution de changer les lieux de réunion et de s’assembler par petits groupes. Malgré tout, en 1961, 130 personnes ont assisté au Mémorial de la mort du Christ. Frères Mancoca et Filemon ont ensuite rendu visite à ceux qui avaient été présents pour s’assurer qu’ils étaient rentrés chez eux sans encombre. L’attention bienveillante qu’ils témoignaient aux autres chrétiens a fortifié ces derniers.

Un temps de dures épreuves

Le cas de Silvestre Simão illustre bien ce que les personnes qui étudiaient la Bible depuis peu ont dû affronter à l’époque. En 1959, alors qu’il allait encore à l’école, un camarade de classe lui a remis le tract “ Le feu de l’enfer — vérité biblique ou épouvantail païen ? ” Il a reconnu plus tard : “ La lecture de ce tract a marqué un tournant dans ma vie. Découvrant la vérité sur l’enfer, qu’on m’avait appris à craindre, j’ai tout de suite cessé d’aller à l’église et je me suis mis à lire les publications de la Société. ”

Dans cette période de tension, les Témoins n’étaient pas très chauds pour inviter à leurs réunions quiconque prétendait s’intéresser à la vérité. Néanmoins, au bout de deux ans, ils ont estimé qu’ils pouvaient sans risque inviter Silvestre. À la fin de sa première réunion, il a posé des questions sur le sabbat. Les réponses l’ont convaincu qu’il avait trouvé la vérité. Mais quelle valeur lui accordait-​il ? Son attachement à ses nouvelles croyances a été mis à l’épreuve dès la semaine suivante, le 25 juin 1961, au cours de la seconde réunion à laquelle il assistait. Cette dernière a été interrompue par une patrouille militaire. On a ordonné à tous les hommes de sortir et on les a battus avec des tubes en acier. Voici le récit de l’un de ces frères : “ Nous avons été battus comme on le ferait pour tuer un animal dépourvu de raison — oui, de la même manière qu’on assène des coups de gourdin à un cochon avant de l’égorger pour le vendre au marché. ” Silvestre Simão et les autres victimes portent encore les marques de ces coups. On les a ensuite fait marcher en file indienne jusqu’à un stade de football où s’était rassemblée toute une troupe d’Européens furieux qui venaient de perdre leurs familles dans le nord de l’Angola à cause de la guerre. Les soldats et la foule, qui comprenait quelques Européens, ont sauvagement frappé les frères, une fois de plus.

Silvestre et les autres frères ont alors été chargés sur des camions et emmenés à la prison de São Paulo, dirigée par l’infâme police secrète. Les frères ont encore été cruellement matraqués, puis jetés les uns sur les autres dans une cellule. Affreusement blessés et saignant en abondance, ils ont été laissés pour morts.

João Mancoca était considéré par les autorités comme le chef du groupe étant donné qu’il dirigeait l’étude de La Tour de Garde. Après lui avoir fait subir ce traitement atroce, on l’a emmené pour l’exécuter parce qu’il était accusé de préparer une attaque contre les Blancs, selon le sens donné à tort par les autorités à un paragraphe de La Tour de Garde. Frère Mancoca leur a demandé ce qu’ils penseraient s’ils trouvaient ce même périodique dans les mains d’Européens ou chez une famille du Brésil ou du Portugal. Il leur a fait remarquer le caractère international de ce magazine destiné à être étudié par des gens de toutes nationalités. Pour contrôler ses dires, les policiers l’ont emmené chez une famille de Témoins de Jéhovah portugais. Quand ils y ont vu le même périodique et ont appris que cette famille avait étudié le même article, ils ont changé d’avis au sujet de son exécution. Frère Mancoca a été ramené à la prison de São Paulo, avec les autres frères.

Toutefois, tout le monde n’était pas satisfait. Quand ils sont rentrés à la prison de São Paulo, le directeur, un Portugais malingre, a pris frère Mancoca “ sous sa garde ”. La “ garde ” signifiait passer tout l’après-midi sous le soleil brûlant, sans nourriture. Puis, à cinq heures, le directeur a saisi un fouet et a commencé à en frapper frère Mancoca, qui raconte : “ Je n’ai jamais vu personne manier le fouet comme lui. Il a dit qu’il ne s’arrêterait pas avant que je tombe mort. ” Il n’a pas cessé de le fouetter sans pitié pendant une heure, mais à la longue notre frère n’a plus senti la douleur. Tout à coup, une irrépressible envie de dormir s’est emparée de lui, au beau milieu de ce supplice. Le directeur, épuisé, était convaincu que Mancoca était en train de mourir ; aussi un soldat a-​t-​il traîné son corps jusqu’à une caisse sous laquelle il l’a déposé. Quand la milice est passée, la nuit, pour vérifier qu’il était bien mort, le soldat a montré la caisse sous laquelle se trouvait Mancoca et a dit qu’il l’était en effet. Mais contre toute attente, il s’est rétabli, et ce même soldat a été effaré de le retrouver vivant, au réfectoire, trois mois plus tard. Il a alors donné à frère Mancoca les détails de ce qui s’était passé cette nuit-​là. Sa soudaine et irrésistible envie de dormir avait sauvé le frère d’une mort certaine.

Frère Mancoca a pu rejoindre les autres frères, et ils ont organisé des réunions dans la prison. À trois reprises au cours de leurs cinq mois d’incarcération dans la prison de São Paulo, des discours publics ont été prononcés devant une assistance d’environ 300 prisonniers. Le témoignage donné en prison a fortifié les congrégations de l’extérieur, car bon nombre des détenus qui manifestaient de l’intérêt ont progressé jusqu’au baptême après leur libération.

Silvestre Simão a profité de ces mois d’emprisonnement pour se joindre au groupe et étudier méthodiquement la Bible, développant ainsi la force spirituelle dont il avait besoin. Puis les membres du groupe ont été transférés dans d’autres prisons et dans des camps de travail où ils ont encore été sauvagement battus et astreints à des travaux pénibles. Après quatre années d’incarcération dans différents établissements, Silvestre a été libéré en novembre 1965. Il est alors retourné à Luanda et s’est joint au groupe de Témoins qui se réunissaient dans le quartier de Rangel. Sa foi ayant déjà été éprouvée, il a finalement été baptisé en 1967. D’autres Témoins incarcérés, comme frère Mancoca, n’ont pas été libérés avant 1970, mais peu après on les a de nouveau emprisonnés.

“ Ils n’apprendront plus la guerre ”

Le pays était plongé dans la guerre. Mais selon la Bible, les humains qui apprennent les voies de Jéhovah ‘ forgent leurs épées en socs et leurs lances en cisailles. [...] ils n’apprennent plus la guerre ’. (Is. 2:3, 4.) Que feraient donc les jeunes chrétiens d’Angola ?

En mars 1969, le gouvernement a lancé une offensive brutale contre tous ceux qui refusaient de transiger avec leur neutralité chrétienne. António Gouveia et João Pereira ont été parmi les premiers frères arrêtés à Luanda. Frère Gouveia a été appréhendé sur son lieu de travail et jeté dans une cellule crasseuse. Ce n’est qu’au bout de 45 jours d’emprisonnement qu’on a autorisé sa mère à lui rendre visite.

Fernando Gouveia, António Alberto et António Matías, entre autres, ont été arrêtés à Huambo. Ils ont été cruellement battus trois fois par jour. Même la propre mère de Fernando ne l’a pas reconnu après ces séances de coups. En fin de compte, les frères ont écrit au commandant des forces armées pour lui faire savoir quel traitement atroce on leur faisait subir ; à la suite de cette lettre, les sévices ont diminué.

António Gouveia se souvient de certaines choses qui les aidaient à endurer. De temps à autre, sa mère cachait une page de La Tour de Garde dans la nourriture qu’elle lui apportait. “ Cela nous aidait à garder l’esprit alerte et protégeait notre spiritualité ”, dit-​il. Il ajoute : “ Nous prêchions aux murs, abordant n’importe quel sujet biblique qui nous venait à l’esprit. ” Pour garder le moral, certains frères faisaient un peu d’humour. D’une voix forte, comme s’il s’agissait d’une nouvelle importante, ils annonçaient le nombre impressionnant de mouches qu’ils avaient tuées dans leurs cellules.

Parmi ces frères emprisonnés en Angola se trouvaient six jeunes hommes du Portugal, envoyés là pour effectuer leur service militaire, mais qui avaient refusé de le faire par motif de conscience. L’un d’eux, David Mota, rapporte : “ Nous avons maintes fois senti la protection de Jéhovah. Les gardiens employaient différentes méthodes pour tenter de briser notre intégrité, se focalisant sur ceux d’entre nous qui n’étaient pas encore baptisés. Une de leurs tactiques à répétition consistait à nous réveiller en pleine nuit, à en choisir cinq dans le groupe, puis à en désigner un sur la tempe duquel ils braquaient un pistolet censé être chargé ; après quoi ils pressaient la détente. Une demi-heure après nous avoir ordonné de retourner nous coucher, ils recommençaient. Nous sommes reconnaissants à Jéhovah d’être tous encore en vie. Nous avons fini par gagner le respect des autorités, et on nous a permis d’organiser des réunions dans la prison. Quel bonheur d’assister au baptême de six de nos codétenus ! ”

Bien qu’on ait dit aux frères qu’ils resteraient en prison jusqu’à l’âge de 45 ans, ils n’ont pas eu à attendre aussi longtemps. Néanmoins, ils ont connu des temps difficiles. Cela dit, ce qu’ils ont vécu a affiné leur foi. La plupart de ces frères sont aujourd’hui anciens dans leur congrégation.

La domination coloniale prend fin brutalement

Le 25 avril 1974, la dictature du Portugal a été renversée par un coup d’État. C’était la fin de la guerre coloniale en Angola au bout de 13 ans, et les troupes portugaises ont commencé à se retirer. Un gouvernement de transition est entré en fonction le 31 janvier 1975 ; prévu pour dix mois, il n’en a duré que six.

Au début, ce changement soudain a été favorable aux Témoins de Jéhovah. Vingt-cinq d’entre eux, détenus à la prison Cabo Ledo à cause de leur neutralité, ont été amnistiés en mai. Dans ce nombre figuraient les six frères du Portugal qui avaient refusé de prendre parti dans quelque guerre que ce soit, y compris les guerres contre les colonies d’Afrique. Qu’allaient faire les frères européens de cette liberté inespérée ? Voici la réponse de David Mota : “ Fortifiés par les relations étroites qui nous unissaient à Jéhovah en prison, nous avons tous les six décidé de rester en Angola et d’entreprendre immédiatement le service de pionnier. ”

Le climat de tolérance religieuse constituait une expérience nouvelle pour les 1 500 Témoins d’Angola. La police secrète était partie, les arrestations avaient cessé, et les Témoins pouvaient se réunir librement. Ils ont parcouru tout Luanda à la recherche d’auditoriums, de centres de loisir ou de n’importe quels locaux susceptibles de recevoir le nombre croissant de Témoins de Jéhovah. Jusque-​là, les 18 congrégations du pays ne s’étaient réunies que dans des foyers privés.

Des dispositions ont été prises pour une réunion de service spéciale au Pavilhão do Ferrovia. José Augusto, aujourd’hui membre de la famille du Béthel du Portugal, faisait partie des 400 invités venus de plusieurs congrégations. Il se souvient : “ C’était la première fois que je voyais tant de frères et sœurs rassemblés dans un climat de liberté ! Nous avions du mal à croire que c’était vrai. Il y avait de l’excitation dans l’air tandis que nous nous mêlions librement les uns aux autres, appréciant de nous retrouver avec d’autres congrégations. ”

Des joies d’ordre spirituel à une époque de troubles

On a alors assisté à une lutte pour le pouvoir opposant les trois mouvements nationalistes rivaux : le MPLA, le FNLA et l’UNITA. Des groupes armés de factions rivales sont entrés dans Luanda et y ont installé leurs quartiers généraux. “ Au début, on n’entendait que des tirs isolés, raconte Luis Sabino, un témoin oculaire. Puis, comme la haine allait grandissant, des armes plus puissantes ont été utilisées. On a vu apparaître des blindés dans les rues, et il y a eu des tirs de roquettes. Des centaines de maisons ont été détruites, y compris celles de nos frères. ”

La sagesse enjoignait de continuer à tenir les réunions dans les études de livre. “ Il était courant que les réunions soient interrompues par des rafales de mitrailleuses toutes proches, explique Manuel Cunha. Tout le monde s’aplatissait par terre jusqu’à ce que les tirs cessent, puis le programme reprenait. Par moments, on éteignait les lumières pour ne pas attirer l’attention. Quand la réunion se terminait, les frères partaient en prenant mille précautions. ”

Malgré le danger, les frères étaient déterminés à accroître leur ministère. Delucírio Oliveira nous en parle : “ Notre œuvre avait été interdite sous le gouvernement colonial, aussi aller librement de maison en maison était-​il une expérience nouvelle pour la plupart des proclamateurs. Les pionniers ont pris la tête et ont encouragé les autres à les accompagner. Les réunions pour la prédication étaient bien soutenues. ” Pourtant, les stigmates de la guerre se voyaient partout. Il poursuit : “ Il était commun d’entendre des tirs au cours de la prédication. Tantôt il nous fallait descendre du trottoir pour éviter de marcher dans des flaques de sang frais, tantôt nous avancions dans la rue au milieu de cadavres. ”

Deux de nos sœurs, dont une pionnière, étaient en train de prêcher quand des bombes ont explosé tout près d’elles. L’une des sœurs s’est accroupie au pied d’un mur contre lequel elle s’est plaquée et a suggéré de rentrer. La pionnière l’a encouragée à continuer encore un peu, lui promettant qu’elles s’arrêteraient si les bombardements reprenaient. Un peu plus tard dans la matinée, elles ont commencé une étude biblique avec un couple qui a demandé à être visité trois fois par semaine.

La situation instable n’a pas empêché les frères de tenir leur première assemblée de circonscription dans un auditorium public en mars 1975. On a loué pour l’occasion le plus grand bâtiment couvert de Luanda, la Cidadela Desportiva. Mais, par mesure de précaution, seuls ceux qui assistaient régulièrement aux réunions ont été invités. L’assistance a tout de même atteint 2 888 personnes.

Puisque tout s’était bien passé, les frères ont invité ceux qui s’intéressaient à la vérité et ceux qui étudiaient la Bible à la seconde assemblée. Aníbal Magalhães nous raconte : “ Ce qui nous a impressionnés en entrant dans le pavillon, c’était de découvrir au-dessus de l’estrade le thème de l’assemblée écrit en grandes lettres : ‘ Quel genre d’hommes devez-​vous être. — 2 Pierre 3:11. ’ Avant même le début du programme, le pavillon était comble. Quand le chiffre de l’assistance, 7 713 personnes, a été annoncé, nous avons été bouleversés. Beaucoup n’ont pu retenir des larmes de joie. Nous avions sous les yeux la preuve évidente du grand travail de rassemblement qui nous attendait, et nous avons remercié Jéhovah de nous avoir gardés sains et saufs jusqu’à ce jour. ”

Après la prière finale, pendant que les frères procédaient au nettoyage des installations, des tirs ont encore éclaté, cette fois dans tout le quartier : une façon de ne pas oublier qu’ils ‘ campaient avec ceux qui haïssent la paix ’. — Ps. 120:6.

Un pays déchiré par la guerre

Le pays était déchiré entre les trois groupes politiques rivaux, et Luanda est devenue le principal champ de bataille. On a formé des milices en enrôlant de force des hommes, des femmes et même des enfants. Des garçons en uniforme, âgés d’une douzaine d’années à peine, ont fait leur apparition dans les rues, armés de fusils automatiques qu’ils utilisaient à l’aveuglette. Rafales de mitrailleuses, explosions de grenades, roquettes et missiles provoquaient bien souvent des nuits blanches. L’Angola était plongé dans une guerre permanente. En conséquence, toute une génération de jeunes Angolais a été conçue, est née et a grandi dans une atmosphère de violence, avec pour bruits de fond des fusillades et des explosions de bombes.

Pour fortifier leurs frères et sœurs, les fidèles bergers spirituels leur rendaient régulièrement de brèves visites, chez eux, en partant au travail ou en en revenant. Ils s’assuraient ainsi que tous allaient bien et, généralement, ils lisaient un ou deux versets bibliques avec la famille.

Assister aux réunions et aller en prédication demandait du courage et une grande confiance en Jéhovah. Cependant, être identifié à un Témoin de Jéhovah s’avérait souvent la meilleure des protections. Faustino da Rocha Pinto se rendait au bureau de la Société lorsqu’un soldat a soudain pointé son fusil sur lui en criant d’un ton hargneux : “ Où allez-​vous ? À quel mouvement appartenez-​vous ? Donnez-​nous votre sacoche ! ” En l’ouvrant, le soldat n’y a trouvé qu’une bible et des publications bibliques. Il s’est immédiatement radouci. “ Ah bon ! vous êtes Témoin de Jéhovah ! Je suis désolé ; excusez-​moi. Continuez votre chemin. ”

Une autre fois, un soldat a interpellé une jeune sœur d’un ton brusque : “ Quel mouvement soutenez-​vous ? ” Elle a répondu : “ Je n’adhère à aucun mouvement. Je suis Témoin de Jéhovah. ” Le soldat s’est alors adressé à ses compagnons : “ Regardez-​la ! Regardez-​la bien ! Regardez sa jupe ! Vous voyez comme elle est habillée décemment ? Elle n’est pas comme les autres jeunes filles. Elle est Témoin de Jéhovah. ” Puis il a permis à la sœur de poursuivre sa route, en lui recommandant gentiment d’être prudente.

La communication avec les congrégations, surtout celles situées dans les provinces, est devenue de plus en plus difficile au fur et à mesure que les combats s’intensifiaient. Des troupes pénétraient dans une ville, pillaient les maisons et brûlaient ce qu’elles ne pouvaient emporter. Des milliers de personnes, parmi lesquelles de nombreux Témoins, ont donc été obligées de s’enfuir dans la brousse. À Banga, où 300 personnes se joignaient aux 100 proclamateurs pour assister aux réunions, tous ont été contraints d’abandonner leurs maisons et de se réfugier dans la brousse pendant des jours et des jours. Les congrégations de Jamba et de Cela ont fui aussi avec seulement ‘ leur âme pour butin ’. (Jér. 39:18.) La plupart des Témoins européens qui restaient à Lubango sont partis à Windhoek, dans la toute proche Namibie.

Il est devenu quasiment impossible aux frères qui vivaient en brousse de se procurer des publications. Certaines congrégations comme celles de Malanje, Lobito, Benguela, Gabela, Huambo et Lubango se sont retrouvées isolées pendant des mois entiers.

Des temps sombres

Dès que le joug colonial a été levé, des milliers de Portugais ont commencé à quitter le pays. Dans ce climat d’anarchie généralisée, la fuite a pris un caractère d’urgence. Beaucoup n’ont pu emporter que très peu de leurs biens. Pour montrer à quel point la haine à l’égard des Européens était forte, citons l’exemple de ce parti politique qui se targuait de supprimer même les métis sous prétexte que leurs ancêtres s’étaient unis à des Blancs.

Bien évidemment, nos frères portugais et angolais ne partageaient pas cette animosité. Il y avait entre eux de puissants liens d’affection fraternelle. L’exode des Portugais impliquait le départ de nombreux amis intimes. En juin 1975, tous les frères portugais qui avaient des responsabilités dans l’œuvre ont dû partir. La direction de l’œuvre d’évangélisation et l’activité pastorale en faveur du troupeau de Dieu reposaient désormais entre les mains de fidèles frères locaux. La plupart d’entre eux étaient des pères de famille qui travaillaient à plein temps. Bien qu’attristés par le départ de leurs frères portugais, ils étaient déterminés à persévérer avec l’aide de Jéhovah.

Dans quelle situation se trouvaient-​ils ? Peu après, la filiale du Portugal a reçu ce message inquiétant du bureau de Luanda : “ La ville subit actuellement des bombardements. Les routes sont bloquées. La communication avec les autres villes est interrompue. Le port de Luanda est fermé. Les magasins sont à court de nourriture. Les pillages et les saccages ont commencé. Le couvre-feu est décrété à 21 heures. Toute personne encore dehors après cette heure-​là peut être tuée. ”

Les serviteurs de Jéhovah vont de l’avant

Cette période de troubles politiques a été une époque d’expansion spirituelle sans précédent. Le nombre des proclamateurs a atteint un maximum de 3 055, soit une augmentation de 68 % par rapport à l’année précédente. Et 11 490 personnes étaient présentes au Mémorial !

Le 5 septembre 1975, une nouvelle attendue depuis longtemps est arrivée. Le ministre de la Justice du gouvernement de transition avait déclaré que les Témoins de Jéhovah constituaient une “ confession religieuse ” légalement enregistrée. Voici le souvenir qu’en garde João Mancoca : “ L’euphorie était totale parmi les frères. Ils n’avaient jamais joui complètement de la liberté de pratiquer leur culte au grand jour. C’était comme si les portes d’une prison avaient été ouvertes toutes grandes. Pour la première fois, des réunions et des assemblées de circonscription pouvaient être tenues au vu et au su du public. Les assemblées de circonscription organisées au printemps 1976 se sont avérées une force d’impulsion pour l’activité, et elles ont renforcé la détermination dont nous allions avoir besoin dans les années à venir. ”

Cinq assemblées de circonscription ont été prévues, mais la prudence imposait de ne réunir que trois ou quatre congrégations à la fois. En outre, trois frères ont été désignés pour visiter les congrégations le week-end en tant que surveillants de circonscription.

Les années précédentes, les événements en Angola n’avaient pas permis aux surveillants d’assister à l’un quelconque des cours spéciaux prévus par la Société. Aussi des dispositions ont-​elles été prises pour que se tienne la première École du ministère du Royaume du 19 au 24 mai 1976. Deux frères angolais ont assisté à ce cours au Portugal et y ont reçu une formation. À leur retour, ils ont dirigé l’école à Luanda, avec le concours de Mário Oliveira, de la filiale du Portugal.

Les 23 anciens ont reconnu toute la valeur de l’enseignement tiré de la Bible qui leur a été dispensé pour les aider à ‘ faire paître le troupeau de Dieu ’. (1 Pierre 5:2.) Carlos Cadi, qui était alors surveillant de circonscription, se souvient de l’effet produit par l’école : “ Les anciens ont pu voir l’organisation de Jéhovah avec d’autres yeux. L’école leur a révélé le côté éducatif de l’organisation. Ils ont appris comment aider les frères dans les congrégations à appliquer les principes bibliques pour résoudre des problèmes. L’école a aussi permis aux anciens de réfléchir à la manière dont ils pourraient mieux organiser l’activité des congrégations, en utilisant plus pleinement les capacités des assistants ministériels qui collaboraient avec eux. ”

L’enregistrement officiel impliquait également la possibilité d’importer des bibles et des publications bibliques. Il n’a pas fallu cinq mois pour que les congrégations reçoivent leurs premiers périodiques. Quel bonheur d’avoir enfin les numéros de La Tour de Garde et de Réveillez-vous ! en entier, avec leurs 32 pages ! Les frères avaient franchi sans tarder la ‘ grande porte donnant accès à l’activité qui leur avait été ouverte ’. (1 Cor. 16:9.) Cependant, le pays se trouvait dans une situation précaire qui allait engendrer de graves problèmes.

Bien que l’indépendance par rapport au Portugal ait été officiellement proclamée le 11 novembre 1975 comme prévu, la lutte entre les principaux partis politiques a rapidement dégénéré en guerre civile de grande envergure. Des républiques indépendantes sont apparues, avec Luanda comme capitale du MPLA marxiste et Huambo comme capitale de la coalition UNITA-​FNLA.

La propagande politique que chaque groupe dirigeait contre le groupe adverse a suscité une haine raciale et tribale sans précédent. Dans la capitale, les meurtres commis de sang-froid — des gens ont même été brûlés en pleine rue — sont devenus monnaie courante. Souvent, le seul délit commis par les victimes était de parler une langue qui les identifiait à des natifs d’une région extérieure à Luanda. Cette haine des étrangers provoquait une tension telle qu’on a assisté à de grands déplacements de populations, les gens du nord ou du sud du pays regagnant leurs provinces d’origine. Néanmoins, quelques frères ont eu le courage de rester dans des régions qui n’étaient pas leur province d’origine pour répondre aux besoins de leurs frères spirituels.

“ Viva Jéhovah ! ”

Une fois de plus, les Témoins de Jéhovah ont été confrontés à la persécution brutale. Des Témoins de Luanda ont été convoqués devant des comités de quartier qui ont essayé de les forcer à acheter la carte du parti politique. Dans cette atmosphère très tendue, le Bureau politique du Comité central du MPLA a accusé les Témoins d’inciter la population à désobéir à l’État, à bafouer le drapeau national et à refuser de servir dans l’armée. Les responsables ont fait la sourde oreille aux explications fournies par les Témoins de Jéhovah.

En mars 1976, une cargaison de publications bibliques a quitté le Portugal en direction de l’Angola. Elle comprenait 3 000 bibles, 17 000 exemplaires du livre La vérité qui conduit à la vie éternelle, 3 000 exemplaires du livre Du paradis perdu au paradis reconquis ainsi que des périodiques. L’ensemble a été confisqué et brûlé par les autorités.

Le 27 mai 1976, sur les ondes de la radio gouvernementale, ordre a été donné à tous les comités de quartier et à tous les organismes d’État de surveiller de près les activités des Témoins de Jéhovah. L’Église catholique s’est servie de sa station de radio pour diffuser des annonces quotidiennes prétendant que les Témoins de Jéhovah étaient des éléments subversifs.

Les Témoins étaient expulsés des files d’attente pour le ravitaillement. Des émeutiers se rassemblaient autour des locaux où se tenaient les réunions des congrégations. Les enfants étaient harcelés à l’école. On a soumis ceux de José dos Santos Cardoso et de Brígida, sa femme, à de terribles pressions pour qu’ils récitent des slogans politiques, qu’ils chantent l’hymne national et qu’ils crient : “ À bas Jéhovah ! ” Leur refus leur a valu d’être maltraités. José fils, âgé de neuf ans à l’époque, s’est soudain écrié : “ D’accord, je vais dire ‘ Viva (Vive) ! ’ ” Tout le monde attendait. Finalement, le jeune garçon a crié : “ Viva Jéhovah ! ” Avant d’avoir réalisé ce qu’il avait dit, les opposants ont repris en chœur : “ Viva ! ”

Dans “ le four ”

Le parti au pouvoir était résolu à enrôler de force les Témoins dans l’armée. Il en est résulté une nouvelle vague de persécutions cruelles.

Le 17 février 1977, un frère zélé de la province de Huíla, Artur Wanakambi, s’est efforcé en vain d’expliquer sa position de neutralité. En compagnie de trois autres frères, il a été promené à travers les rues jusqu’à la prison. On a invité les badauds, et même les balayeurs des rues, à les frapper. Le lendemain, les femmes des trois frères mariés sont allées à la prison pour savoir ce qu’étaient devenus leurs maris. Après les avoir fait attendre un temps considérable, les gardiens se sont mis à les fouetter sans pitié, les laissant finalement meurtries et ensanglantées. Cet après-midi-​là, les sœurs se sont retrouvées enfermées dans la même prison que leurs maris.

Frère Teles raconte ce qui est arrivé à un autre groupe de frères emprisonnés une dizaine de jours plus tard : “ Trente-cinq d’entre nous ont été jetés dans ‘ le four ’. C’était une pièce de sept mètres de long sur trois mètres de large et autant de haut. Il y avait deux petits trous d’aération dans le plafond en béton armé, pas assez grands pour y passer une main. Nous étions dans la saison la plus chaude, et la cellule s’est transformée en véritable four. Nos opposants étant déterminés à nous supprimer, ils ont bouché les deux trous.

“ Le quatrième jour, nous avons supplié Jéhovah de nous donner la force de supporter la chaleur implacable. L’histoire des trois jeunes hommes fidèles qui, aux jours de Daniel, avaient été jetés dans le four de feu nous revenait à l’esprit. Le lendemain, vers trois heures du matin, la porte a été secouée par un coup violent et elle s’est ouverte. Quel soulagement de respirer une bouffée d’air frais ! Le gardien est apparu, à moitié endormi ; après avoir ouvert la porte, il s’est écroulé. Au bout d’une dizaine de minutes, il s’est relevé et a refermé la porte sans dire un mot. Nous avons remercié Jéhovah pour ces quelques instants précieux de rafraîchissement.

“ Quelques jours plus tard, on nous a ajouté sept autres frères. Nous ne pouvions même plus nous asseoir, faute de place. Nous avons été battus à plusieurs reprises. La chaleur était de plus en plus forte, et les boutons de fièvre ainsi que les blessures résultant des coups rendaient l’air fétide.

“ Le 23 mars, nous avons célébré le Mémorial ; évidemment, il ne s’agissait que d’un discours sans les emblèmes. Nous étions à ce moment-​là 45 en tout. Certains d’entre nous ont passé 52 jours dans ‘ le four ’, et ont survécu. ”

Après leur sortie du “ four ”, ils ont été envoyés dans le camp de travail de Sakassange, à 1 300 kilomètres de là, dans la province de Moxico, située à l’est du pays.

La persécution devient “ légale ”

Le 8 mars 1978, le Bureau politique du Comité central du MPLA a déclaré “ l’Église des ‘ Témoins de Jéhovah ’ ” illégale et l’a frappée d’interdiction. Pour assurer à l’événement une large publicité, la station de radio de Luanda diffusait l’annonce trois fois par jour. Le décret original était en portugais, mais pour être sûr que tout le monde serait au courant, on a aussi transmis l’information pendant toute une semaine dans les langues tchokwé, kikongo, kimbundu et umbundu. Finalement, le décret a été publié dans le journal du parti, Jornal de Angola, en date du 14 mars 1978. En réalité, l’interdiction ne faisait que “ légaliser ” les brutalités dont étaient déjà victimes les frères.

Les dénonciations émanant de l’Organisation pour la défense du peuple (ODP) étaient en nombre croissant. À la suite de rafles, de nombreux Témoins de Jéhovah ont été emprisonnés sans autre forme de procès. Les descentes dans les usines de Luanda se sont multipliées. Quatorze Témoins ont été arrêtés à la fabrique de valises de Malas Onil, et 13 autres dans la ville de Lubango. Quelques jours plus tard, des rapports ont confirmé l’arrestation de 50 frères à N’Dalatando. À peine une semaine après l’interdiction, au moins 150 frères et sœurs étaient emprisonnés.

Dans la foulée, les Témoins ont fait les frais de licenciements arbitraires. On n’a tenu aucun compte de leurs années de conduite exemplaire, de leurs compétences ou de leur productivité. En fait, quelques-uns de ceux qui ont été renvoyés avaient occupé des postes de responsabilité liés au développement économique du pays.

Les femmes n’étaient pas à l’abri. Un officier de l’armée, apercevant Emília Pereira devant chez elle, lui a demandé pourquoi elle n’était pas membre de la milice. Quand elle a répondu qu’elle n’aimait pas tout ce qui touchait au meurtre ou à l’effusion de sang, il a compris qu’elle était Témoin. Comme Emília n’en faisait pas mystère, il lui a ordonné de monter dans un camion en stationnement. Ses deux sœurs, qui venaient voir ce qui se passait, ont elles aussi été poussées à l’intérieur du camion. À ce moment-​là, leur père est rentré à la maison. L’officier l’a fait monter dans le véhicule à son tour. Alors qu’ils étaient sur le point de partir, un frère qui habitait tout près est venu aux nouvelles. Lui aussi a été empoigné et mis de force dans le camion.

On les a emmenés dans l’enceinte de la prison ; là, les sœurs ont été dirigées sur le quartier des femmes. Soir après soir, les officiers ont essayé d’abuser des jeunes sœurs, mais elles se cramponnaient l’une à l’autre en pleurant et en priant à voix haute. Leur réaction a contrarié les projets malveillants de ces hommes, et, finalement, elles n’ont pas été violées.

Les frères de la province de Malanje ont, eux aussi, subi de dures épreuves. Les traitements cruels infligés à José António Bartolomeu, un vieil homme de 74 ans, ont provoqué sa mort. Domingas António était si faible après avoir été arrêtée et battue à maintes reprises qu’elle a succombé à une crise de paludisme. Manuel Ribeiro est mort empoisonné parce qu’il avait écrit une lettre à sa famille depuis la prison.

La semaine suivant l’interdiction, une réunion a été organisée pour les anciens de toutes les congrégations de Luanda. Ils y ont reçu des encouragements tirés des Écritures ainsi que des directives concernant leur activité à venir, qu’ils ont ensuite transmis aux congrégations. Les frères ont renforcé leur détermination en méditant sur le texte pour l’année 1978 : “ Ils ne l’emporteront pas sur toi, car ‘ je [Jéhovah] suis avec toi [...] pour te délivrer ’. ” — Jér. 1:19.

On fait appel aux autorités gouvernementales

Le 21 mars 1978, les trois frères qui faisaient office d’administrateurs de l’Association des Témoins de Jéhovah d’Angola ont fait appel au Bureau politique du MPLA en demandant avec insistance que ce soit les tribunaux qui déterminent les cas d’infraction à la loi, et que les emprisonnements arbitraires des Témoins cessent. Des copies de leur lettre ont été envoyées au président de la République et au Premier ministre ainsi qu’aux ministres de la Défense, de la Justice, de l’Éducation et de la Culture. Il n’y a pas eu de réponse.

Suivant l’exemple de l’apôtre Paul, on a alors fait appel à la plus haute autorité du pays (Actes 25:11). Dans cette lettre, envoyée par la filiale du Portugal, on sollicitait respectueusement du président de la République populaire d’Angola qu’il reconsidère le dossier des Témoins de Jéhovah et qu’il leur accorde une audience. On demandait que les tribunaux examinent les faits concernant chaque Témoin incarcéré. Cette fois, la filiale du Portugal a reçu une réponse stipulant que l’affaire ferait l’objet d’une enquête.

Profondément touché par leur ferme détermination

La guerre civile continuant de faire rage en Angola, peu de visiteurs venaient de l’étranger. Néanmoins, en 1979, le comité qui dirigeait l’activité des Témoins en Angola a été informé qu’Albert Olih, un surveillant de la filiale du Nigeria, viendrait au mois d’août. Quelle joie pour les frères !

Frère Olih raconte : “ J’ai eu l’impression de passer toute une semaine dans une caserne. Partout où se posait mon regard, il y avait des soldats en armes. ” La nuit, les fusillades dans la rue le tenaient éveillé.

Les Témoins angolais avaient connu des changements rapides au cours des années précédentes. De 1973, année où le pays se trouvait encore sous domination coloniale, à 1976, on avait enregistré un accroissement de 266 % dans le nombre des proclamateurs. Puis, quand la persécution s’est intensifiée en 1977, pour aboutir à une interdiction en 1978, les chiffres ont stagné. Beaucoup de Témoins du pays avaient été baptisés assez récemment — 1 000 au cours de la seule année 1975. On comptait 31 congrégations, mais la plupart n’avaient pas d’anciens. Sans l’aide pleine d’amour de bergers spirituels, des problèmes graves et des cas d’impureté morale n’avaient pu être réglés. Des congrégations entières, comme celles de Malanje, Waku Kungo et N’Dalatando, se retrouvaient dans des camps de prisonniers.

À son arrivée, frère Olih s’est vu remettre un ordre du jour très chargé exposant dans les grandes lignes les sujets qui devaient être examinés. On a accordé une attention particulière à la façon dont les Témoins du pays pourraient poursuivre l’œuvre confiée par Dieu, compte tenu des circonstances. Des directives ont été données sur la manière de s’approvisionner en publications malgré la pénurie de papier. On a aussi parlé de la nécessité de disposer d’un plus grand nombre d’écrits bibliques dans les langues locales, mais, évidemment, trouver et former des traducteurs qualifiés demanderait du temps.

Frère Olih s’est également occupé des problèmes dans les congrégations. Il a insisté sur le fait que tous les chrétiens, y compris les anciens, doivent vivre en harmonie avec les principes bibliques. Personne ne devrait prétendre pouvoir se passer de conseils. Des réponses ont été apportées aux questions concernant les conditions requises pour être baptisé, l’enregistrement des mariages et les visites des congrégations par les surveillants de circonscription. Les frères angolais ont beaucoup apprécié les dispositions prises par la Société pour leur transmettre des instructions conformes aux Écritures, par l’intermédiaire d’un frère aussi expérimenté.

Pendant la visite de frère Olih, une réunion a été prévue avec les anciens de Luanda et ceux d’autres régions qui pourraient se déplacer. Ils ont échelonné leurs arrivées à partir de 10 heures, venant un par un, pour ne pas attirer l’attention sur le lieu de réunion. Néanmoins, avant que la réunion ne commence à 19 heures, on a changé d’endroit deux fois parce que les locaux semblaient être sous surveillance. Quand il est arrivé au troisième lieu de rendez-vous, frère Olih a trouvé 47 anciens assis dans la cour à l’attendre. Il leur a alors transmis les salutations de la famille du Béthel du Nigeria, et les frères ont agité silencieusement leurs mains en signe de remerciement. Son discours, qui a duré une heure, consistait en un examen de la Bible à propos de la fonction d’ancien ; il soulignait le besoin d’avoir davantage d’anciens dans les congrégations et décrivait les responsabilités liées à cette charge. Après le discours, les frères ont posé des questions pendant deux heures, jusqu’à ce qu’ils soient obligés de partir pour pouvoir rentrer chez eux sans encombre avant le couvre-feu.

Qu’a pensé frère Olih de la semaine qu’il a passée en compagnie des frères angolais ? “ Je dois reconnaître que j’en ai retiré de grands bienfaits. La ferme détermination des frères et sœurs à servir Jéhovah malgré leurs difficultés m’a énormément encouragé. C’est les larmes aux yeux que j’ai quitté l’Angola et, dans mon cœur, j’ai adressé à Jéhovah des prières en faveur de ces frères qui, en dépit de leurs souffrances, souriaient en pensant à leur magnifique espérance. ”

Une autre visite

L’année suivant la visite de frère Olih, le Collège central a envoyé Albert Olugbebi aider les frères d’Angola ; lui aussi venait de la filiale nigériane. Il leur a conseillé d’organiser une École pour les pionniers dont bénéficieraient les 50 pionniers permanents. De plus, il les a encouragés à essayer de tenir des assemblées de circonscription tous les six mois, mais en limitant le nombre d’assistants.

Au cours de la visite de frère Olugbebi, trois réunions ont été prévues avec des groupes d’anciens et de frères qui avaient des responsabilités dans des congrégations dépourvues d’anciens. Les 102 assistants ont reçu des conseils puisés dans les Écritures sur l’obligation faite aux anciens de respecter les principes bibliques et de devenir des exemples pour le troupeau, plutôt que des personnes qui commandent en maîtres (1 Pierre 5:3). Frère Olugbebi a répondu à leurs questions concernant la marche à suivre pour les recommandations en vue de nominations d’anciens dans les congrégations qui n’en comptaient encore aucun.

Silvestre Simão se trouvait parmi les assistants à cette réunion ; sa foi avait déjà été éprouvée au cours de quelque quatre années passées dans les prisons et les camps de travail. Après avoir servi comme ancien pendant plusieurs années, il s’était vu confier des responsabilités plus grandes en tant que surveillant de circonscription à l’époque où les frères européens avaient été obligés de quitter l’Angola, au milieu des années 70. Maintenant que des dispositions étaient prises pour organiser des assemblées de circonscription tous les six mois, on avait besoin d’un surveillant de district. Père de six enfants, frère Simão devait assumer des responsabilités profanes pour prendre soin de sa famille ; mais cela ne l’a pas empêché d’accepter cette nouvelle fonction, dont il s’acquitte d’une manière exemplaire depuis 20 ans. Il est aussi membre du Comité de la filiale.

Pour conclure sa visite, frère Olugbebi a rapporté un fait nouveau encourageant : alors que les Témoins devaient encore se montrer prudents quand ils se réunissaient ou allaient prêcher, la persécution brutale visant les hommes en âge d’être incorporés semblait se calmer. Le fait est que le nombre de frères encore en prison ou dans des camps de travail est passé de 150 ou 200, à ce moment-​là, à 30 en mars 1982.

La distribution de la nourriture spirituelle — un défi

Pendant toute la durée de l’interdiction, l’approvisionnement régulier en nourriture spirituelle a été un objectif prioritaire. Cela a souvent amené les frères à courir des risques considérables.

Tout d’abord, il s’avérait très difficile de se procurer du papier pour ronéotyper La Tour de Garde. Il fallait une autorisation du gouvernement pour en acheter. Alors qu’il y avait plus de 3 000 proclamateurs, pendant un temps les stocks de papier, en quantité limitée, ne permettaient de produire que de 800 à 1 000 exemplaires des articles d’étude. Mais en utilisant de petites presses, les frères ont quand même pu imprimer des livres en format de poche avec des couvertures souples, comme La vérité qui conduit à la vie éternelle.

Fernando Figueiredo et Francisco João Manuel ont accepté de se charger de reproduire les publications, avec tous les risques que cela impliquait. Ces frères énergiques ont trouvé de nouveaux locaux pour y développer leur activité de duplication. Ils devaient parfois changer d’emplacement pour des raisons de sécurité. Dans certains endroits, la ronéo était installée dans une pièce insonorisée, sans fenêtres ni ventilation, ce qui rendait les conditions de travail particulièrement pénibles. Dans une pièce voisine, d’autres volontaires assemblaient et agrafaient les périodiques. Ils devaient finir de trier, d’agrafer et d’emballer les magazines pour qu’ils puissent être livrés la nuit même. Il fallait ensuite faire disparaître toute trace d’activité pour que rien n’attire l’attention. Comme la production augmentait, deux ronéos ont été mises en service simultanément dans la “ cuisine ”, c’est-à-dire la pièce où les publications contenant la nourriture spirituelle étaient préparées. Une équipe de frères y travaillait tous les jours pour taper des stencils, corriger les épreuves, polycopier, assembler, agrafer et distribuer les périodiques aux congrégations.

Des messagers devaient se charger de la livraison des publications aux congrégations éparpillées en dehors de Luanda. Il s’agissait d’une mission dangereuse. L’anecdote suivante nous vient de l’un de ces messagers : “ Quelques mois après que l’interdiction a été officiellement prononcée, je me suis rendu dans la province de Benguela pour mon travail. Le bureau de la Société m’avait chargé d’une livraison pour les congrégations de Lobito et de Benguela. Je ne connaissais aucun frère dans ces villes. J’avais pour tout renseignement un numéro de téléphone me permettant de joindre l’un des anciens de Benguela. Par mesure de sécurité, le seul moyen de se reconnaître serait un mot de passe : Famille d’Isaïe.

“ À mon arrivée à Benguela, tout se présentait apparemment assez bien. À l’aéroport, personne ne m’attendait comme l’aurait voulu la coutume, à cause de la nature de mes activités. J’ai récupéré intact le paquet que je transportais. Une fois en ville, j’ai immédiatement téléphoné aux frères pour qu’ils viennent le chercher. Le frère que j’ai eu à l’appareil m’a dit qu’il ne se sentait pas très bien, mais il a promis d’envoyer quelqu’un prendre le colis à l’hôtel. Pour je ne sais quelle raison, pendant les quatre jours que j’ai passés à l’hôtel, personne n’est venu réclamer le colis, malgré mes coups de téléphone quotidiens au frère.

“ Le jour de mon départ, je n’avais pas d’autre choix que de remporter le colis à Luanda. À notre arrivée à l’aéroport, le chef de ma délégation a insisté pour que tous les membres de celle-ci soient fouillés ainsi que leurs bagages, afin de donner l’exemple aux autres voyageurs. Je ne voyais que deux solutions : 1) jeter le paquet dans une poubelle ou 2) le garder avec moi et être arrêté.

“ Après avoir prié Jéhovah, je me suis rappelé Proverbes 29:25 : ‘ Trembler devant les hommes, voilà qui tend un piège, mais celui qui met sa confiance en Jéhovah sera protégé. ’ J’ai donc décidé de faire face à la situation, car il aurait été dommage de gaspiller tant de nourriture spirituelle.

“ Je me suis mis en bout de queue pour éviter d’occasionner un gros tumulte au moment où la police trouverait les publications et les périodiques. Alors qu’il ne restait que deux personnes à fouiller, j’ai entendu quelqu’un dire : ‘ S’il vous plaît, il y a ici un monsieur qui veut rencontrer un membre de la délégation de Luanda à propos d’un colis. ’ En entendant cela, j’ai pensé : ‘ Jéhovah a écouté ma prière. Je suis en train de voir la réalisation d’Isaïe 59:1 : “ La main de Jéhovah n’est pas devenue trop courte pour sauver. ” ’ Je me suis précipité dehors. Quand j’ai trouvé le frère, j’ai eu à peine le temps de lui dire : ‘ Famille d’Isaïe ’. Il m’a répondu et je lui ai donné le paquet. J’ai dû repartir en toute hâte, car l’avion allait décoller ; je n’ai même pas eu le temps de parler au frère. Oui, vraiment, Jéhovah est ‘ notre salut au temps de la détresse ’. ” — Is. 33:2.

Ils prennent soin du troupeau au mépris du danger

La guerre — le cavalier du cheval couleur de feu de l’Apocalypse — continuait à bouleverser profondément la vie du peuple angolais (Rév. 6:4). Les villes et les usines étaient bombardées, les routes minées, les ponts dynamités, les réserves d’eau souillées et les villages assaillis. Le massacre de civils est devenu chose courante. Les récoltes étaient détruites, et les paysans fuyaient dans les villes. Les réfugiés de guerre arrivaient en masse à Luanda. En cette période de rationnement alimentaire et de marché noir, survivre relevait du défi quotidien. Mais la coopération empreinte d’amour qui caractérise les Témoins de Jéhovah en a aidé plus d’un à subsister dans des circonstances qui, autrement, ne leur auraient guère laissé d’espoir.

À cette époque dangereuse, Rui Gonçalves, Hélder Silva et d’autres encore ont risqué leur vie pour rendre visite aux congrégations éparpillées dans tout le pays. À propos de l’organisation qu’exigeaient de telles visites, frère Gonçalves a écrit : “ C’est en mai 1982 que la congrégation de Tombua a reçu pour la première fois la visite d’un surveillant de circonscription. Les 35 frères ont commencé à arriver au lieu de réunion à intervalles précis à partir de 10 heures, ce matin-​là. Ils attendaient en silence. L’ODP [Organisation pour la défense du peuple] contrôlait toutes les allées et venues dans la ville. Je suis arrivé à la faveur de l’obscurité 11 heures plus tard, soit à 21 heures. La réunion a commencé une demi-heure après et elle a duré jusqu’à 4 heures 40 du matin. ”

La plupart des frères qui participaient au service de la circonscription étaient mariés et pères de famille. Mais ils faisaient de leur mieux pour veiller aux intérêts spirituels des congrégations. L’un de ces frères, qui est maintenant membre du Comité de la filiale, a expliqué en quoi consistait la visite habituelle d’un surveillant itinérant : “ Un programme prévoyait la visite de chaque congrégation pendant une semaine. Toutefois, les visites débutaient le lundi et non le mardi. En effet, il n’était pas possible de réunir toute la congrégation en même temps. C’est donc dans le cadre de chaque étude de livre que nous nous retrouvions. Dans les congrégations importantes, il fallait voir plusieurs groupes au cours de la même soirée. Les heures des réunions étaient échelonnées pour permettre au surveillant de circonscription d’aller d’un groupe à l’autre. Il présentait plusieurs fois son programme de façon à en faire profiter chaque groupe. C’est ainsi que, durant la semaine, il prononçait chacun de ses discours de 7 à 21 fois. Une telle semaine était bien remplie et exigeait beaucoup d’énergie, mais les frères persévéraient dans cette activité destinée à prodiguer des encouragements aux congrégations. ”

Rui Gonçalves garde le souvenir très vif d’un voyage extrêmement pénible effectué pour se rendre dans la ville de Cubal, en janvier 1983. Il a failli lui coûter la vie. Rui raconte : “ Il n’y avait qu’une solution pour visiter cette congrégation : voyager avec une colonne militaire en guise de protection. Après avoir soigneusement étudié la situation, les militaires ont autorisé les 35 véhicules du convoi à démarrer. À bord de la voiture de frère Godinho, nous étions en troisième position dans une file de six véhicules. Nous étions partis depuis deux heures à peine quand un missile, lancé par des guérilleros, a détruit le premier camion militaire. Il a été suivi de peu par un autre missile, qui a détruit le second véhicule. Deux obus ont frappé notre voiture, mais n’ont pas explosé. Frère Godinho nous a alors crié à tous de sauter de la voiture en marche. Comme je me précipitais pour me mettre à l’abri dans la brousse, une balle m’a presque entièrement arraché l’oreille gauche, et je me suis évanoui. ”

Juste avant de défaillir, il a vu trois guérilleros se lancer à la poursuite des autres frères, mais ceux-ci se sont enfuis dans la jungle. Frère Gonçalves poursuit son récit : “ Quand je suis revenu à moi, j’avais la tête couverte de sang. Au bout de plusieurs heures, je suis retourné vers la route en rampant. J’ai été retrouvé par une unité militaire ; après m’avoir prodigué les soins d’urgence, les soldats m’ont emmené à l’hôpital de Benguela. ” Il a appris par la suite que tous les véhicules du convoi avaient été brûlés ou détruits d’une autre manière. Douze passagers avaient péri, et 11 autres avaient été gravement blessés par balles. Les frères qui voyageaient avec frère Gonçalves étaient les seuls à ne pas avoir été touchés. Quant à lui, même s’il avait perdu une partie de son oreille et des affaires personnelles, il conclut en ces termes : “ Nous avons remercié Jéhovah du plus profond de notre cœur. ”

On propose l’eau qui donne la vie

À une époque où la plupart des Angolais ne pensaient qu’à survivre, les Témoins de Jéhovah, eux, étaient animés de l’ardent désir de répandre “ des bonnes nouvelles de quelque chose de meilleur ” partout dans ce grand territoire (Is. 52:7). Comment se sont-​ils acquittés de cette tâche ?

Un pionnier de Luanda nous explique comment il s’y prenait pour prêcher en compagnie de sa femme et de leur petite fille. Après avoir salué le maître de maison, ils demandaient un verre d’eau pour la fillette. Si on le leur accordait, ils disaient à la personne qu’ils connaissaient une eau particulière qui faisait plus de bien encore que l’eau fraîche gentiment offerte à leur fille. Quand les gens étaient curieux, ils demandaient : ‘ De quelle sorte d’eau s’agit-​il ? ’ La famille décrivait alors les bénédictions que le Royaume de Dieu apportera, et parlait de l’espérance de vie éternelle. — Jean 4:7-15.

Ils n’emportaient en prédication ni sacoche, ni bible, ni autre publication. Mais si la personne possédait une bible et souhaitait vérifier leurs dires, ils utilisaient sa propre bible pour poursuivre la conversation. Chaque fois qu’une personne manifestait de l’intérêt, ils lui rendaient une nouvelle visite. En abordant les gens d’une manière prudente, comme dans l’exemple précité, les Témoins ont pu rencontrer des personnes bien disposées, si bien que les congrégations ont bénéficié d’un accroissement régulier.

Un homme de Dieu

La bonne nouvelle a atteint même les régions isolées. Elle a pénétré dans le territoire des Gambos, près de la frontière namibienne, grâce aux efforts de Tchande Cuituna. Il a entendu pour la première fois le message du Royaume dans ce qui était, à l’époque, la Rhodésie. Après avoir travaillé quelque temps dans les mines d’Afrique du Sud, il est rentré chez lui et s’est consacré à l’élevage. Il faisait régulièrement des allers et retours en Afrique du Sud pour se procurer les publications des Témoins de Jéhovah, et c’est au cours de l’un de ces voyages, en 1961, qu’il a été baptisé. Par la suite, il a propagé la bonne nouvelle avec zèle au sein de son propre peuple.

Il chargeait sa charrette d’eau, de nourriture et d’écrits bibliques et partait prêcher de quimbo en quimbo (d’un petit village à l’autre), pendant deux ou trois mois. Quand sa charrette a cassé, il a poursuivi son voyage, monté sur le dos de son bœuf. À 70 ans, il accompagnait encore à pied des proclamateurs sur des distances de plus de 200 kilomètres.

Tchande Cuituna a fini par avoir de grands troupeaux de bétail qui erraient dans les plaines. Dans cette société patriarcale, il était le chef incontesté. Les activités quotidiennes commençaient au son d’une cloche par un rassemblement au cours duquel chacun pouvait l’entendre examiner un texte de la Bible dans la langue locale. Les jours de réunion, le son familier d’un gong rappelait à une centaine de personnes qu’elles devaient se rassembler pour recevoir une instruction spirituelle.

D’un bout à l’autre du territoire des Gambos, Tchande Cuituna était connu comme “ l’homme de Dieu ”. Parce qu’il mettait en pratique ce qu’il avait appris grâce à son étude individuelle de la Bible et des précieuses publications de “ l’esclave fidèle et avisé ”, frère Cuituna a laissé un excellent exemple à suivre. Pour toucher autant de gens que possible, il a traduit la brochure “ Cette bonne nouvelle du Royaume ” en nyaneka et en kwanyama.

Le bureau de Luanda a eu connaissance du travail effectué par frère Cuituna par les rapports d’activité qu’il remettait de temps en temps aux frères de Windhoek, en Namibie. Pour permettre à frère Cuituna d’entretenir des relations plus étroites avec d’autres Témoins, le bureau de Luanda lui a envoyé Hélder Silva, un surveillant de circonscription, en 1979. Ce dernier se souvient très bien du voyage.

Frère Silva écrit : “ Nous avons parcouru en voiture 160 kilomètres, jusqu’à Chiange. Mais à partir de là, les 70 kilomètres restants se sont faits à pied. Une pluie torrentielle s’est abattue sur nous pendant près de six heures, si bien qu’il est devenu presque impossible d’avancer. De temps en temps, nous avions de l’eau jusqu’aux genoux, mais il était hors de question de nous arrêter parce que les bêtes sauvages dangereuses étaient nombreuses dans la région. À cause de la boue, nous avons trouvé plus pratique de marcher pieds nus, tenant nos affaires suspendues à un bâton sur l’épaule. Enfin, nous sommes arrivés dans la région de Liokafela et avons atteint notre destination, le quimbo (village) de Cuituna. Nous voyant affamés et épuisés, les femmes nous ont donné du lait suri, une boisson locale à base de maïs appelée bulunga (kissangua), du cacao et une purée faite avec de la farine de maïs, ou ihita (pirão de massango). Après avoir pris un peu de repos auprès d’un bon feu, nous étions prêts à reprendre les activités prévues. ” Avec cette visite, la prédication organisée a fait un pas en avant dans le territoire des Gambos.

Aucun de ceux qui étaient présents n’oubliera le baptême des 18 nouveaux frères et sœurs en août 1986, dans la rivière Caculuvar. C’étaient les premiers baptêmes dans la région des Gambos depuis que le message du Royaume y avait pénétré, 40 ans plus tôt. Les pionniers qui étaient venus là pour soutenir l’œuvre rayonnaient de joie. Les mots ne peuvent traduire le bonheur de frère Cuituna tandis qu’il assistait au baptême. Sautant de joie, il s’est écrié : “ J’éprouve les mêmes sentiments que le roi David quand il a accompagné l’arche de Jéhovah. ” (2 Sam. 6:11-15). Frère Cuituna persévère toujours dans le service de pionnier permanent.

L’œuvre dans le sud de l’Angola

En 1975, Tymoly, une jeune fille de grande taille de la région de Huíla, dans le sud de l’Angola, qui était âgée de 18 ans, a connu la vérité grâce aux efforts d’un pionnier du nom de José Tiakatandela. Tymoly était touchée par le message de la Bible, mais ses parents se sont vivement opposés à elle. Elle a été privée de nourriture pendant des jours et des jours, battue, et même criblée de pierres. Comme sa vie était en jeu, elle est partie à pied à Lubango, à 60 kilomètres. Là, elle a pu assister aux réunions. Grâce aux cours d’alphabétisation dispensés par la congrégation, elle a progressé au point de pouvoir s’inscrire à l’École du ministère théocratique. Elle s’est fait baptiser en 1981. Tymoly a aussi appris à coudre pour subvenir à ses besoins, et elle confectionne elle-​même ses tenues modestes. Trois hommes et quatre femmes appartenant au même groupe ethnique ont entendu le message du Royaume en 1978 et ont été baptisés en 1980.

Puis, en 1983, José Maria Muvindi, de Lubango, a entrepris de servir comme pionnier auxiliaire pendant trois mois. Il est parti vers le sud, prêchant dans les zones rurales aux alentours des villes de Jau et de Gambos. Il a pénétré dans la province de Namibe, répandant la bonne nouvelle parmi les Mukubais, la tribu prédominante. Constatant que ces territoires avaient grand besoin de prédicateurs, il est devenu pionnier permanent. D’autres pionniers ont suivi.

Bon nombre des habitants de cette région ont eu le cœur touché par les vérités bibliques que prêchait frère Muvindi. Ils se sont mis à opérer dans leur vie les changements qui s’imposaient. Pour rendre à Jéhovah un culte qu’il agrée, ils ont dû se défaire de pratiques contraires aux Écritures telles que la polygamie, l’immoralité, l’ivrognerie et la superstition. Ils ont commencé à porter autre chose que le traditionnel tchinkuani, ou pagne. On a aussi assisté à un défilé ininterrompu de couples qui allaient jusqu’à Lubango pour légaliser leur union. Pour certains, cela signifiait quitter le village pour la première fois de leur vie ! Un bureau d’état civil fermé depuis dix ans a été rouvert à Chiange pour faire face à l’afflux soudain de personnes de la région des Gambos, qui avaient besoin d’extraits d’actes de naissance et de cartes d’identité afin de faire enregistrer leur mariage.

Hélas ! frère Muvindi est décédé à la suite d’une hépatite en 1986, mais son ministère zélé a porté de bons fruits. Grâce à ses efforts et à ceux d’autres frères qui ont prêché dans ces territoires, beaucoup de gens ont reçu un témoignage. Aujourd’hui, il y a dans cette région, servant la cause du vrai culte, neuf congrégations et dix groupes qui attendent d’être organisés en congrégations.

Une surveillance renforcée

Avec la formation des Brigades populaires de vigiles (BPV) en 1984, la pression qui pesait sur nos frères s’est renforcée. Les BPV avaient pour fonction de s’assurer que les personnes qui ne s’intégraient pas dans le processus révolutionnaire soient surveillées de près. Comment les BPV se sont-​elles acquittées de leur mission ? Domingos Mateus, qui était à l’époque surveillant de circonscription, se rappelle très bien : “ À chaque coin de rue de Luanda, on pouvait voir un vigile des brigades populaires, identifiable à son brassard bleu portant les initiales BPV. Il avait le droit de fouiller n’importe quel passant. Il est donc devenu de plus en plus difficile pour les frères d’emporter des publications aux réunions. En décembre 1985, 800 brigades au total étaient mobilisées à Luanda ; autant dire qu’il n’était même plus possible de tenir des réunions.

“ Autour de la place ex-Largo Serpa Pinto, une quarantaine de membres des brigades patrouillaient dans tout le quartier. Ils avaient pour les escorter des membres des Forces armées populaires pour la libération de l’Angola, un groupe armé de mitrailleuses. Il n’était pas rare de les entendre ouvrir le feu quand ils pourchassaient quelqu’un ou quand ils voulaient arrêter une personne pour l’interroger.

“ Dans l’une des congrégations, une grande réunion devait avoir lieu chez un frère. Juste avant que le programme ne commence, nous nous sommes rendu compte qu’un membre des BPV était en train d’observer les frères qui entraient et de noter leurs noms dans un carnet. En dépit du danger, le frère qui habitait là ne s’est pas affolé. Il lui est venu une idée. Il est allé tranquillement se placer derrière cet homme, et quand il a été tout près de lui, il s’est mis à crier : ‘ À moi, mes voisins ! Un voleur ! Au voleur ! ’

“ Pris de court, le vigile est parti en courant, après avoir lâché tout ce qu’il avait dans les mains. Comme des voisins sortaient de l’immeuble et que d’autres se penchaient aux fenêtres pour voir ce qui se passait, le frère est rentré chez lui et a dit à l’ancien : ‘ Frère, tu peux commencer la réunion maintenant ; nous avons la situation bien en main. ’ Toutes les réunions prévues dans ce foyer pendant la semaine de visite ont pu se dérouler sans le moindre problème ni la moindre perturbation. ”

“ On a découvert le pot aux roses ”

Il s’avérait de plus en plus difficile pour les frères d’avoir des contacts avec les Témoins de Jéhovah d’autres pays. Toutefois, António Alberto travaillait pour une compagnie pétrolière étrangère. Il apportait donc son aide en se chargeant du courrier important entre les frères d’Angola et la filiale portugaise.

Mais un jour de 1987, la police de l’aéroport a intercepté un paquet qui contenait de la correspondance concernant les visites des surveillants de circonscription et d’autres sujets confidentiels. La mort dans l’âme, frère Alberto est rentré chez lui à midi pour voir sa famille ; il était certain d’être arrêté sous peu. Il a téléphoné au frère qui supervisait l’affaire et lui a simplement dit : “ Grand-père, on a découvert le pot aux roses. ”

Ensuite, frère Alberto s’est courageusement rendu chez le responsable du service de la sécurité de l’aéroport. Le frère a expliqué que, sous la domination coloniale, il avait fait de la prison en même temps que des jeunes gens portugais, avec lesquels il était resté en relation par courrier, et qu’un paquet contenant leur correspondance avait été confisqué à l’aéroport. Le chef de la sécurité lui a donné une carte à présenter à l’homme qui avait retenu le colis ; dans ce mot, il demandait qu’on envoie l’objet saisi à son bureau. Quand le frère lui a remis ce message, le policier de l’aéroport a paru complètement affolé. Pour quelle raison ? Parce qu’il ne pouvait plus faire parvenir la correspondance au chef de la sécurité, étant donné qu’elle avait été brûlée ! On s’en tirait à bon compte, au grand soulagement de frère Alberto.

Déterminés à marcher dans les voies de Jéhovah

La guerre continuelle poussait nos opposants à exercer des pressions accrues sur les Témoins de Jéhovah, afin de briser leur neutralité chrétienne. En février 1984, 13 jeunes hommes ont été arrêtés pour avoir refusé de prendre les armes. Seuls trois d’entre eux étaient des Témoins baptisés ; les autres étaient des proclamateurs non baptisés ou des étudiants de la Bible. En dépit des menaces et des mauvais traitements, ils se sont montrés inébranlables dans leur décision de marcher dans les voies de Jéhovah (Is. 2:3, 4). Malheureusement, lors d’un transfert à Luanda, l’avion qui les transportait s’est écrasé au décollage ; il n’y a pas eu de survivant.

En avril 1985, neuf personnes comptant des Témoins baptisés, des proclamateurs non baptisés et des amis de la vérité, ont refusé de violer leur neutralité (Jean 17:16). Ils ont été transférés en train, puis en hélicoptère, jusque dans une zone de combat intense. Quand les soldats ont voulu les forcer à se battre à leurs côtés, Manual Morais de Lima a refusé ; il a été abattu. Un autre frère a été touché par un obus de mortier qui l’a gravement blessé à la jambe ; on l’a donc évacué de la zone de combat et emmené dans un hôpital. Deux autres encore se sont entendu dire : “ Les hélicoptères qui vous ont amenés ici n’appartiennent pas à Jéhovah. ” Autrement dit, ils ne pouvaient compter que sur leurs jambes pour s’en sortir — 200 kilomètres à pied à travers une région rendue peu sûre par les troupes de guérilleros et les bêtes sauvages. Sitôt arrivés à Luanda, ils ont été remis en prison ! Néanmoins, ils étaient toujours convaincus que le meilleur mode de vie consiste à se laisser guider par l’amour pour Jéhovah Dieu et pour son prochain. — Luc 10:25-28.

En une autre circonstance, quatre Témoins ont été envoyés dans un camp militaire perdu au fin fond du sud de l’Angola. Les soldats étaient certains que la violence des combats obligerait les Témoins à prendre les armes pour se protéger eux-​mêmes. Au lieu de cela, comme le raconte Miguel Quiambata, certains officiers, impressionnés par la fermeté de ces hommes et comprenant qu’ils étaient inoffensifs, leur ont accordé une grande liberté de mouvement dans le secteur. Les frères en ont profité pour parler autour d’eux des dispositions prises par Jéhovah en vue de la vie éternelle par l’intermédiaire de son Fils, Jésus Christ. En 1987, lors de la célébration du Mémorial de la mort du Christ, 47 personnes étaient présentes, et l’assistance aux réunions s’est rapidement élevée à 58 personnes.

Près de 300 Témoins de Jéhovah se trouvaient encore en prison en 1990, à cause de leur neutralité chrétienne. Quelques-uns avaient déjà purgé plusieurs peines de plus de cinq ans chacune. D’autres ont été détenus pendant quatre années sans passer en jugement. Même après qu’une amnistie a été accordée, certaines autorités pénitentiaires l’ont cachée aux frères et les ont gardés en prison. Il en est qui ont tardé à les remettre en liberté, car les Témoins étaient considérés comme leurs meilleurs ouvriers ; en outre, on pouvait leur confier des travaux à l’extérieur des prisons sans qu’ils tentent de s’échapper. Enfin, cette amnistie n’a pas empêché l’arrestation et l’exécution de deux autres Témoins en 1994.

Par la suite, pendant la distribution des Nouvelles du Royaume n35, une pionnière a rencontré un ancien militaire qui lui a déclaré avoir assisté à l’exécution de trois Témoins pour refus de prendre les armes. La sœur lui a demandé si, à son avis, le monde ne se porterait pas mieux si tous les hommes étaient Témoins de Jéhovah ; il a reconnu que, si les Témoins sont capables d’affronter la mort à cause de leur refus de tuer, le monde serait certainement en paix si tous les humains leur ressemblaient. Cet homme a bien voulu la brochure Ce que Dieu attend de nous, a accepté une étude biblique à domicile et a commencé à assister aux réunions.

Les eaux de la vérité ne cessent de couler

Jéhovah a donné au prophète Ézékiel une vision de l’eau de la vie qui sortait du grand temple spirituel de Dieu. Elle passait sous les obstacles ou les contournait, traversait des terrains accidentés, communiquant la vie là où il n’y avait auparavant qu’un paysage de mort (Ézék. 47:1-9). Les difficultés n’ont pas empêché l’eau vivifiante de la vérité de couler aujourd’hui dans plus de 230 pays, y compris en Angola.

Parfois, les obstacles ont semblé énormes, mais l’eau de la vie qui vient de Dieu a trouvé le moyen de les contourner. Au cours des années 80, la censure était si rigoureuse que le bureau de Luanda ne recevait que de rares courriers de l’étranger, transmis par des messagers. Cependant, des écrits bibliques contenant des vérités rafraîchissantes ont pu traverser la frontière entre l’Angola et la Namibie, où il était relativement facile de se rendre. C’est ainsi qu’on s’est procuré des publications en portugais et dans les langues locales. Cette disposition a fonctionné dans la région pendant plusieurs années.

L’aide a revêtu de multiples aspects. Un certain nombre de personnes ayant une bonne situation professionnelle ont aidé les frères à obtenir des bibles. Même des militaires qui avaient des parents Témoins ont pris de grands risques pour soutenir les frères d’Angola. Plusieurs chargements de matériel de bureau, incluant notamment une machine à polycopier de valeur, ont été expédiés en utilisant le nom de personnes influentes. L’une d’elles a décidé par la suite de rejoindre les rangs des serviteurs de Jéhovah sous la direction du “ Prince de paix ” nommé par Dieu. — Is. 9:6.

En 1984, Thierry Duthoit et sa femme Manuela ont quitté le Zaïre (l’actuelle République démocratique du Congo) pour s’installer en Angola. Ils sont devenus particulièrement chers aux frères locaux. Comme frère Duthoit était grand, on le prenait souvent pour un Russe. Or, sous le gouvernement de l’époque, tous les Russes vivant en Angola jouissaient d’une complète liberté de mouvement.

Grâce à ce quiproquo, on a pu introduire dans ce pays ruiné par la guerre des publications expliquant comment Jéhovah Dieu, par l’intermédiaire du Royaume messianique, établira en faveur de l’humanité une paix authentique qui fleurira jusqu’aux extrémités de la terre (Ps. 72:7, 8). Frère Duthoit a constitué un véritable réseau de pilotes de ligne qui acceptaient de faire entrer en Angola des cartons de publications bibliques. Il allait ensuite les récupérer à l’aéroport et les remettait aux frères. Il a également pu faire venir des médicaments de première nécessité pour les frères malades.

Par son entremise, les frères responsables ont fait la connaissance de M. Ilídio Silva, un homme d’affaires qui leur a fait don de deux machines à polycopier. Or, il était très difficile pour les frères de s’en procurer, car le gouvernement gardait un inventaire de tout le matériel de bureau du pays. M. Silva en a d’ailleurs été récompensé puisqu’il est finalement devenu un serviteur de Jéhovah baptisé.

Grâce aux polycopieuses électroniques, on a pu faire paraître une édition de 20 pages de La Tour de Garde. Elle incluait des articles secondaires importants dont les frères angolais avaient été privés jusque-​là. Très vite, on a diffusé en moyenne 10 000 exemplaires de chaque numéro. On a également ronéotypé la brochure Examinons les Écritures, qui a reçu un excellent accueil. Des extraits choisis du livre “ Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile ” ont été envoyés du Portugal pour être, eux aussi, ronéotypés. Plus tard, il a été possible de disposer de ces matières sous forme de brochure. Cette mesure a permis d’enrichir le programme de l’École du ministère théocratique. Quel rafraîchissement spirituel ont apporté toutes ces dispositions !

La bénédiction divine s’est clairement vue dans l’augmentation du nombre de chanteurs de louanges à Jéhovah dans ce pays. À la fin de l’année de service 1987, le nombre de Témoins ayant rapporté leur activité s’est élevé à 8 388, soit un accroissement de 150 % depuis l’interdiction en 1978. Le nombre de congrégations s’est aussi multiplié, passant de 33 à 89. Bien que de grandes précautions aient été prises avant d’inviter aux réunions les personnes nouvellement intéressées par la vérité, l’assistance équivalait à peu près à 150 % du nombre des proclamateurs. Ceux-ci passaient en moyenne 18 heures par mois dans la prédication ; quant au nombre d’études bibliques à domicile, il a atteint 23 665 ! Certes, les problèmes économiques étaient là, et il y avait pénurie de nourriture. Mais la confiance de nos frères dans les promesses de Jéhovah leur a permis de garder la tête haute. Ils étaient déterminés à continuer de ‘ dire la parole de Dieu avec hardiesse ’. — Actes 4:31.

Une formation spéciale pour les surveillants de circonscription

Les surveillants itinérants, qui donnaient constamment d’eux-​mêmes en faveur des congrégations, avaient eux aussi besoin d’encouragement. Quelle n’a pas été leur émotion d’apprendre que des dispositions avaient été prises pour qu’ils assistent à un séminaire spécialement organisé pour les surveillants itinérants à Lisbonne, en novembre 1988 !

Imaginez leur joie de goûter chaque jour la compagnie de la famille du Béthel du Portugal ! Luis Cardoso, l’un des assistants au séminaire, a bien résumé leurs sentiments : “ Cela a été pour moi une époque particulièrement exaltante. Nous avons été accueillis si chaleureusement par la famille du Béthel du Portugal ! Les frères donnaient l’impression de ne jamais en faire assez pour nous. Les 34 jours que nous avons eu la joie de passer là-bas ont été bien remplis et riches d’enseignement. ”

Les frères angolais ont commencé par accompagner pendant deux semaines des surveillants itinérants du Portugal dans leurs circonscriptions ; ils ont ainsi pu apprendre en observant. Au cours des deux semaines suivantes ils ont assisté au séminaire, dont les matières étaient spécialement adaptées à leur champ d’activité théocratique ; ils ont aussi été formés pour être instructeurs à l’École du ministère du Royaume. La dernière semaine, ils ont assisté à des cours donnés dans le cadre de cette école à des anciens et à des assistants ministériels du Portugal. C’était, pour les frères angolais, l’occasion de voir comment les surveillants itinérants du Portugal transmettaient aux anciens locaux ce qu’ils avaient eux-​mêmes appris durant le séminaire.

“ Ce séminaire m’a fait comprendre ce que signifie être un bon étudiant, explique frère Cardoso. J’ai appris à étudier et à faire des recherches comme jamais auparavant. Par leur exemple, les frères nous ont montré comment témoigner de la considération à nos épouses, afin d’œuvrer avec elles dans l’unité. Le point d’orgue de cette époque inoubliable a été la projection du ‘ Photo-Drame de la Création ’. J’en avais entendu parler bien des fois, mais le voir maintenant de mes propres yeux, c’était fascinant ! ”

Dans la continuité de cette période de formation, en octobre 1990, un surveillant de circonscription du Portugal du nom de Mário Nobre a été désigné pour collaborer avec les surveillants de circonscription angolais tandis qu’ils desservaient les congrégations de leur propre pays. Il a passé deux mois à former les frères, qui ont grandement apprécié son abord aimable et sa patience.

Frère Nobre prend un plaisir particulier à raconter cette anecdote survenue quelques jours après son arrivée en Angola : “ Des dispositions avaient été prises pour que je prononce un discours public dans une congrégation de 198 proclamateurs. J’ai été stupéfait de me retrouver devant une assistance de 487 personnes. À ma grande surprise, le surveillant-président m’a demandé de le présenter encore une fois : c’est qu’il n’y avait là que la moitié de la congrégation ! Bien entendu, j’ai accepté, et 461 personnes ont écouté le second discours, soit un total de 948 assistants ! ”

Pendant son séjour, frère Nobre a appris beaucoup de choses sur la vie quotidienne des frères en Angola. Il a constaté que les fusillades rendaient les rues de Luanda dangereuses, mais il s’est rapidement adapté à la situation et a fixé son attention sur l’intérêt extraordinaire manifesté par les gens à l’égard du message du Royaume. À propos du logement, il précise : “ Les frères me donnaient ce qu’ils avaient de mieux. Nous n’avions que le strict minimum, mais c’était suffisant. ”

Une terrible sécheresse

Au début de 1990, le cavalier monté sur le cheval noir de l’Apocalypse — la famine — a laissé son empreinte dans le sud de l’Angola, quand une terrible sécheresse de trois mois a prélevé un lourd tribut (Rév. 6:5, 6). Les cultures ont été détruites. La population a beaucoup souffert. Selon le Diário de Notícias de Lisbonne, au moins 10 000 personnes sont mortes des conséquences de la sécheresse.

Quand la situation a été connue de la filiale du Portugal, les frères ont immédiatement expédié deux grands conteneurs par l’intermédiaire de frères ou d’hommes d’affaires sympathisants. L’un des conteneurs est parti vers Benguela, l’autre vers Luanda.

La filiale d’Afrique du Sud a envoyé 25 tonnes de secours par camion, à travers la Namibie. En arrivant à Windhoek, les frères ont demandé au consulat angolais l’autorisation d’entrer en Angola pour distribuer des secours à leurs frères chrétiens. Le représentant officiel savait bien que les Témoins n’étaient pas reconnus dans son pays ; il a cependant volontiers délivré les papiers nécessaires pour que les secours puissent parvenir à ces gens accablés. Il a même fourni à nos frères une escorte militaire pour veiller à ce qu’ils arrivent à bon port.

Quand le camion a atteint le pont de fortune bâti sur la rivière Cunene, les frères ont dû charger toute la marchandise sur un camion plus petit, puis, une fois en sécurité sur l’autre rive, ils ont opéré la manœuvre inverse. Après avoir passé plus de 30 postes de contrôle militaire, le camion a enfin atteint Lubango. Cette mission couronnée de succès a ouvert la voie à trois autres expéditions, transportant chacune des tonnes de précieux secours.

Flávio Teixeira Quental, qui se trouvait à Lubango au moment où le premier camion est arrivé, se souvient : “ Quand nous avons vu arriver le camion, vers 15 heures, nous avons ressenti une joie immense et un grand réconfort, en même temps que de la surprise et une certaine inquiétude. Où allions-​nous entreposer 25 tonnes de publications, de vêtements et de nourriture ? Notre Salle du Royaume n’avait ni portes ni fenêtres, et nos maisons étaient trop petites pour tous ces cartons. Nous avons rapidement organisé des équipes de frères pour monter la garde toute la journée et toute la nuit, et nous avons tout entreposé dans la Salle du Royaume. ”

Tous les secours ont été distribués sans tarder. Frère Quental ajoute : “ C’était un temps de guerre. [...] À l’époque, il n’était pas rare que nous n’ayons qu’un seul périodique pour toute la congrégation. Comme nous étions reconnaissants à Jéhovah, à son organisation et à nos frères bien-aimés qui risquaient leur vie pour d’autres chrétiens qu’ils ne connaissaient même pas ! Cela nous a rappelé le genre d’amour que Jésus a manifesté à l’égard de l’humanité quand il a offert sa vie humaine pour sauver celle des autres. ” — Jean 3:16.

Une lettre de remerciement émanant des anciens de Benguela disait ceci : “ Le week-end dernier a été très chargé. Trente-deux volontaires ont distribué les secours qui nous sont parvenus. Nous remercions tous ceux dont le cœur généreux les a poussés à nous faire ce don. ” Malgré la famine, aucun des frères de la région n’est mort de faim.

Une promesse de respect des droits de l’homme

Le 31 mai 1991, un accord de cessez-le-feu a été signé entre les factions rivales d’Angola, inaugurant une période de paix relative. Une nouvelle constitution, promettant le respect des droits de l’homme et des droits politiques, a rallié tous les suffrages. La guerre civile, qui avait duré 16 années, laissait le pays dévasté. Près de 300 000 personnes avaient été tuées. L’espérance de vie était de 43 ans pour un homme et de 46 ans pour une femme. Le chômage et l’inflation étaient en hausse. Le système éducatif était en pleine confusion. Une réorganisation très importante s’imposait. Apporterait-​elle du soulagement aux Témoins de Jéhovah frappés d’interdiction depuis 1978 ?

Le 22 octobre 1991, une demande d’enregistrement de l’association religieuse des Témoins de Jéhovah d’Angola a été présentée au ministre de la Justice. Parallèlement, on a fait paraître un communiqué de presse afin de porter cette requête à la connaissance du public.

Dès le lendemain, le Jornal de Angola publiait un article dont voici un extrait : “ Selon le porte-parole des Témoins d’Angola, la reconnaissance légale de l’association est en bonne voie, et l’entretien préliminaire accordé par le ministre de la Justice s’est révélé satisfaisant. ” L’article retraçait aussi l’histoire des Témoins de Jéhovah en Angola et incluait un compte rendu de leur activité dans des pays comme le Portugal et le Mozambique, où l’interdiction qui pesait sur eux avait été levée.

C’était bien la première fois, en Angola, qu’une publicité favorable était faite aux Témoins de Jéhovah ! Quelques jours plus tard, le directeur du journal a fait savoir qu’il avait reçu de nombreux appels téléphoniques, émanant même de personnes haut placées, qui le félicitaient pour la parution de l’article.

“ Des moments que je n’oublierai jamais ”

Les Témoins de Jéhovah commençaient déjà à se réunir plus librement. Des congrégations comptant une centaine de proclamateurs se retrouvaient avec une assistance de 300 à 500 personnes aux réunions ! Mais comment les Témoins, qui jusque-​là avaient été contraints de se réunir par petits groupes dans des foyers privés, pouvaient-​ils accueillir de telles foules ? Certains frères disposant d’arrière-cours les couvraient d’un toit en tôle ondulée et les mettaient à la disposition des congrégations. De nombreuses congrégations se réunissaient tout simplement en plein air. Les proclamateurs étaient encouragés à limiter leurs invitations, pour les réunions et les assemblées, aux seuls étudiants de la Bible déjà bien avancés, faute de place. Il y avait un besoin urgent de lieux de culte.

Douglas Guest et Mário P. Oliveira sont venus du Portugal pour aider les frères à évaluer le travail à faire tout de suite et à réfléchir aux besoins futurs. Durant leur séjour, des réunions spéciales avec les anciens et les pionniers des 127 congrégations de Luanda ont été organisées. Les visiteurs ont également eu la possibilité de se réunir avec des anciens venus de 30 congrégations extérieures à la capitale. Toutes les régions du pays étaient représentées. Quel encouragement pour chacun !

Ce que vivait frère Guest était aussi extrêmement émouvant. Il avait étroitement collaboré avec ces frères, par correspondance, pendant plus de 30 années. Écoutons-​le se remémorer cette visite : “ L’absence de toute plainte concernant leur sort était absolument remarquable. Il émanait de leurs visages souriants une paix intérieure qui révélait qu’ils étaient spirituellement bien vivants et en bonne santé. Leurs conversations tournaient toujours autour des perspectives de développement de l’œuvre de prédication dans leur pays. Ce sont des moments que je n’oublierai jamais. ”

De nouveau officiellement enregistrés

Le 10 avril 1992, le Diário da República, l’organe officiel du gouvernement, déclarait que l’association des Témoins de Jéhovah avait été légalement reconnue. Cette nouvelle a galvanisé les Témoins, bien décidés à tirer le meilleur parti possible de la situation. En un rien de temps, un nouveau maximum de 18 911 proclamateurs a été atteint, soit un accroissement de 30 % par rapport à la moyenne de l’année écoulée. Les 56 075 études bibliques à domicile — trois par proclamateur en moyenne — annonçaient une moisson abondante pour l’époque à venir.

La filiale sud-africaine a été informée qu’elle pouvait désormais commencer à expédier La Tour de Garde, Réveillez-vous ! et d’autres publications en Angola. On a fait l’achat de deux camions pour faciliter la livraison dans les congrégations. Quel enthousiasme chez les frères quand ils ont vu arriver 24 000 exemplaires de La Tour de Garde du 1er mai 1992 et 12 000 de Réveillez-vous ! du 8 mai 1992 ! Bientôt, le stock de livres a été suffisant pour qu’on les utilise dans les études bibliques à domicile. Jusque-​là, pour diriger des études bibliques, certains proclamateurs apprenaient par cœur toutes les questions et toutes les réponses du manuel d’étude.

Les temps difficiles reviennent !

Mais la violence n’avait pas complètement disparu. Après les élections de septembre 1992, le pays a encore été déchiré par la guerre civile. De violents combats ont éclaté le 30 octobre dans cinq villes importantes : Lubango, Benguela, Huambo, Lobito et surtout Luanda, où on a rapporté que 1 000 personnes avaient été tuées dès le déclenchement des hostilités.

Les hôpitaux étaient surchargés bien au-delà de leur capacité d’accueil. Des cadavres jonchaient les rues. Des épidémies se propageaient. Pendant plusieurs semaines, la population a été privée d’électricité, de nourriture et d’eau. Les vols et les pillages se sont multipliés. Une grande partie de la population civile était traumatisée.

Plusieurs Témoins de Jéhovah de Luanda ont été tués ; d’autres ont été portés disparus. Quand des rapports décrivant la situation désespérée de nos frères sont parvenus au Portugal, la filiale a immédiatement envoyé des secours sous forme de nourriture et de médicaments.

Pendant cette période de combat entre factions politiques rivales, le public a pu remarquer la position de stricte neutralité des Témoins de Jéhovah. Le fait qu’ils étaient les seuls à ne pas être impliqués dans la politique et à ne pas prendre parti dans la lutte pour le pouvoir a suscité des commentaires favorables. Des personnes désireuses d’en savoir plus se sont mises à aborder les Témoins dans la rue pour leur demander une étude biblique.

Au vu de la situation, les Témoins étaient convaincus de vivre l’accomplissement des prophéties bibliques, et cela a encore renforcé leur confiance dans le Royaume de Dieu. L’étude du livre La Révélation : le grand dénouement est proche ! tombait à point ; les frères ont été particulièrement sensibles aux passages décrivant les activités de la bête sauvage dans ces derniers jours.

Un message du Collège central

Peu après cette nouvelle éruption de violence, le Collège central a envoyé à la filiale du Portugal une lettre chaleureuse qui exprimait son inquiétude pour les frères d’Angola. La lettre prenait en considération, entre autres choses, les besoins immédiats des frères angolais. En conclusion, le Collège central demandait de leur transmettre son profond amour.

En recevant ce message à Luanda, les frères ont sincèrement remercié Jéhovah pour son organisation si bienveillante, qui prend si tendrement soin de ses serviteurs en temps de détresse. Cette manifestation d’amour a particulièrement réconforté les familles des frères qui avaient perdu la vie dans cette période de violence.

Une assemblée de district mémorable

En janvier 1993, la situation étant un peu plus calme à Luanda, il a été possible à un grand nombre de proclamateurs venus de différentes régions du pays d’assister aux assemblées de district “ Porteurs de lumière ” organisées dans la capitale. Certains avaient parcouru de longues distances à pied. Une sœur de la province de Huambo a marché pendant sept jours avec ses quatre enfants en bas âge ; l’aîné avait à peine six ans. Elle est arrivée épuisée, mais réjouie d’avance à l’idée de la fête spirituelle qui les attendait.

On a loué le Pavillon de la foire industrielle pour deux semaines consécutives. Des groupes électrogènes et du matériel de sonorisation ont été envoyés du Portugal. Bien que les frères n’aient invité que les personnes qui assistaient régulièrement aux réunions, le pavillon était plein à craquer pour les deux assemblées, qui ont totalisé une assistance de 24 491 personnes. Pour la première fois, les frères d’Angola pouvaient profiter du programme intégral d’une assemblée de district de trois jours, y compris le drame biblique. Il y a eu 629 nouveaux ministres baptisés à ces assemblées, et les assistants ont été ravis de recevoir la brochure Vivez éternellement heureux sur la terre ! en kikongo, en kimbundu et en umbundu, ainsi que la brochure Dieu se soucie-​t-​il vraiment de nous ? en portugais.

Des fonctionnaires du gouvernement observaient avec attention la bonne conduite des Témoins réunis en assemblée. Le contraste avec ce qui se passait à Luanda était des plus saisissant. Le jour de l’ouverture de la première assemblée, la violence, due au retour des réfugiés, a éclaté dans différents quartiers de la ville. Il y a eu des tués en quantité et des blessés par centaines. Le pillage sévissait partout. Des maisons ont été détruites, dont celles de certains frères. Les nuages noirs du regain de violence rendaient d’autant plus frappant le contraste avec la lumière spirituelle dont jouissaient les serviteurs de Jéhovah. — Is. 60:2.

La communication avec le bureau est coupée

Les combats ayant repris, la plupart des congrégations situées dans les provinces se sont retrouvées petit à petit privées de tout contact avec le bureau de Luanda. L’armée de la résistance a établi son quartier général à Huambo en janvier 1993, ce qui a donné lieu à une lutte acharnée. Les frères ont fui en masse dans la brousse tandis que cette belle cité était pratiquement détruite. Pendant quatre mois, on n’a eu absolument aucune nouvelle des 11 congrégations qu’avait comptées la ville. Enfin, en avril, un bref message nous est parvenu : “ Assistance au Mémorial pour les 11 congrégations de Huambo : 3 505 personnes. À ce jour, nous ne déplorons aucune perte. ” Quel soulagement d’apprendre qu’aucun de nos frères n’avait été tué !

Dans les mois et les années qui ont suivi, les rapports reçus se sont étoffés, révélant des actes de foi et d’endurance. Ce récit nous est parvenu d’une congrégation : “ Le pire a été une période de deux mois pendant lesquels les combats étaient si acharnés que personne n’osait s’aventurer dans les rues en plein jour. Les frères se sont regroupés au sous-sol d’un immeuble. Ils sortaient la nuit pour aller chercher de l’eau à faire bouillir, de façon à avoir quelque chose à boire le lendemain. Les personnes qui tentaient de traverser la rue pour aller d’un bâtiment à un autre étaient souvent prises pour cibles par des tireurs isolés. Comment les frères se procuraient-​ils de la nourriture ? Ils mettaient leurs ressources en commun pour acheter du riz aux soldats, à un prix exorbitant. La ration quotidienne était d’une tasse par personne. Quand il leur était impossible d’obtenir de la nourriture, ils essayaient de calmer leurs tiraillements d’estomac en buvant de l’eau bouillie. Ils ne pouvaient pas recevoir de publications, mais pour rester spirituellement forts ils lisaient et relisaient sans cesse les périodiques et les livres en leur possession. Au bout du compte, les frères se sentent maintenant encore plus proches de Jéhovah. ”

L’une des congrégations de la province de Cuanza Norte est restée coupée du bureau de Luanda pendant deux ans. Bien qu’isolés, les Témoins de cette région ont scrupuleusement gardé un rapport de leur activité ainsi qu’un relevé des offrandes volontaires qu’ils recevaient. Leurs propres conditions de vie étaient très dures, pourtant ils n’ont jamais utilisé cet argent à des fins personnelles. Au contraire, ils ont continué à offrir de petites contributions pour l’œuvre mondiale. Ces fonds ont été envoyés au bureau quand ils ont finalement pu reprendre contact avec lui. Quel bel exemple de reconnaissance pour l’organisation visible de Jéhovah !

Le Béthel s’agrandit

Fin 1992, l’association des Témoins de Jéhovah a été en mesure d’acheter le bâtiment de deux étages qui avait été loué comme bureau pour le comité. La même année, il a également été possible de louer un entrepôt très pratique pour le stockage des publications ; il a ensuite été utilisé pour de petits travaux d’imprimerie. Deux ans plus tard, on a élaboré un projet de rénovation de l’immeuble de deux étages et de construction d’une annexe de même hauteur.

L’achat des matériaux nécessaires se révélant impossible sur place, l’immeuble en question a été préfabriqué au Portugal et expédié en Angola dans des conteneurs. Carlos Cunha, Jorge Pegado et Noé Nunes sont venus du Portugal pour offrir leurs compétences dans le domaine de la construction. Le responsable des travaux, Mário P. Oliveira, du Portugal lui aussi, raconte : “ Quand les travaux ont débuté en juillet 1994, le Béthel s’est transformé en ruche au fur et à mesure que les conteneurs arrivaient. Pratiquement tous les membres de la famille ont aidé à décharger les conteneurs qui apportaient tous les outils et les matériaux de construction, y compris la peinture, les tuiles, les portes, les encadrements de fenêtres, etc. Les membres de la famille du Béthel avaient lu des articles sur les procédés de construction rapide, mais là, en voyant à quelle vitesse était monté le bâtiment de deux étages, ils pouvaient à peine en croire leurs yeux. ”

Une fois le chantier terminé, un frère local a envoyé une lettre de reconnaissance dont voici un extrait : “ Je remercie Jéhovah de m’avoir permis de participer à la construction du nouveau Béthel. Ce qui ressemblait au début à un rêve est devenu réalité. J’ai ressenti comme un immense privilège la possibilité d’assister à l’examen du texte du jour, et cela m’a beaucoup encouragé. De plus, j’en suis venu à connaître tous les membres de la famille du Béthel par leur nom, alors que je n’avais vu certains d’entre eux qu’en tant qu’orateurs aux assemblées. Je demande à Jéhovah, au cas où un nouveau Béthel ou quelque autre construction serait entreprise dans l’avenir, de m’accorder le grand bonheur de prendre part aux travaux. ”

Depuis lors, afin de faire face aux besoins croissants, on a fait l’acquisition d’un terrain de 4,5 hectares situé à 10 kilomètres de Luanda. Nous espérons qu’il deviendra le siège d’un nouveau bureau et d’un nouveau Béthel.

Des frères et sœurs de l’étranger, mus par le désir de se rendre plus utiles, sont venus en Angola. Huit missionnaires sont arrivés en mai et en juin 1994. Des frères ont fait plusieurs fois le voyage depuis l’Afrique du Sud pour aider les frères locaux à installer une nouvelle presse et leur apprendre à s’en servir. D’autres sont venus du Portugal pour prêter leur concours au bureau dans le domaine de l’informatique, de la comptabilité et de certaines questions d’organisation. Des Béthélites originaires du Canada et du Brésil, mais servant à l’étranger, ont offert leurs compétences. Les frères angolais sont profondément reconnaissants à tous ces volontaires venus les épauler dans l’activité ou les former dans des corps de métiers très utiles.

Les assemblées donnent un bon témoignage

Des dispositions ont été prises en 1994 pour que des assemblées de district se tiennent en un plus grand nombre d’endroits. Pour la première fois, on en a organisé deux dans les provinces : l’une à Benguela, qui a réuni une assistance de 2 043 personnes, et l’autre à Namibe, avec un chiffre record de 4 088 assistants. Au total, l’assistance s’est élevée à 67 278 personnes et 962 d’entre elles ont été baptisées.

Le directeur de certaines arènes a été si impressionné par ce qu’il a vu qu’il a mis ses installations à notre disposition pendant deux semaines, gratuitement. Une personne sympathisante s’est exprimée ainsi : “ Quel plaisir d’observer vos bonnes manières ! Je ne suis pas venu vous espionner ; j’ai envie d’être l’un des vôtres. Auriez-​vous la gentillesse de m’envoyer un instructeur le plus tôt possible pour que je puisse suivre au mieux votre exemple ? ”

Pour l’assemblée de district “ Louons Dieu dans la joie ”, organisée en août 1995, les Témoins ont loué un grand stade situé au cœur de Luanda. Les frères ont remplacé et repeint une bonne partie des sièges en bois, et ils ont effectué des réparations sur le système d’alimentation en eau. Quelle a été la réaction du public invité à assister à ce rassemblement ? La réponse a dépassé tous nos espoirs. Le premier week-end, la foule a envahi le terrain de football et rempli tout l’espace sous les gradins. Les assistants ont été aux anges quand on leur a annoncé le chiffre de 40 035 personnes. Le week-end suivant, 33 119 autres personnes étaient là. En tout, 1 089 personnes ont été baptisées.

Étant donné qu’il y avait moins de 26 000 Témoins de Jéhovah dans l’ensemble du pays, d’où étaient venus tous ces gens-​là ? Il s’agissait d’Angolais que le message biblique enseigné par les Témoins de Jéhovah intéressait. Un journaliste d’une agence de presse de Luanda les a décrits ainsi : “ Du jamais vu au stade Coqueiros ! Près de 60 000 personnes de toutes catégories sociales sont ici pour assister à l’assemblée de district des Témoins de Jéhovah. C’est vraiment remarquable ; hommes, femmes, enfants et vieillards, tous réunis [...] écoutant des encouragements à louer leur Dieu, Jéhovah. ”

Les observateurs ont été impressionnés, à l’arrivée des frères, en constatant que, malgré la modestie de leurs ressources, ils étaient tous propres et soignés. Pendant les sessions, tous étaient attentifs. Apparemment, les seules personnes qui circulaient étaient les responsables du comptage. Un vice-ministre du gouvernement qui a assisté à toute la session du dimanche matin a fait cette remarque : “ Je suis stupéfaite ! Quelle différence entre les gens qui sont dans le stade et ceux qui sont à l’extérieur ! Je suis impressionnée par la valeur pratique de votre programme. Mes félicitations ! ”

Les Témoins angolais avaient lu des rapports sur de grandes assemblées du peuple de Jéhovah tenues dans d’autres parties du monde. Mais celle à laquelle ils assistaient avait lieu dans leur propre pays. C’était une véritable bénédiction après des années de persévérance dans des circonstances très pénibles. Ils n’en revenaient pas. Leurs cœurs débordaient de reconnaissance envers Jéhovah qui leur donnait la possibilité de faire partie de sa famille attitrée sur la terre, à cette époque capitale de l’histoire humaine.

Une filiale est établie en Angola

La prédication de la bonne nouvelle a connu une expansion rapide. Au cours des années 1994 à 1996, le nombre des proclamateurs s’est accru en moyenne de 14 % chaque année. Il a atteint un maximum de 28 969 proclamateurs, et le nombre d’études bibliques à domicile a dépassé les 61 000. Au moment où l’association des Témoins de Jéhovah a été enregistrée en 1992, il y avait 213 congrégations ; en 1996, ce chiffre était passé à 405. L’assistance au Mémorial de cette année-​là, 108 394 personnes, laissait présager une récolte abondante.

La transformation du bureau de Luanda en filiale allait permettre de traiter plus rapidement les besoins locaux. Donc, le 1er septembre 1996, une filiale a été ouverte en Angola. Pour former le Comité de la filiale, le Collège central a nommé trois frères qui s’étaient déjà fidèlement acquittés de leurs fonctions de membres du comité du pays : João Mancoca, Domingos Mateus et Silvestre Simão. Deux autres frères, missionnaires, leur ont été adjoints : José Casimiro et Steve Starycki.

Pour rendre la transition plus facile, Douglas Guest, de la filiale du Portugal, s’est rendu en Angola en juin 1996. Il a évoqué devant les 56 membres de la famille du Béthel l’obligation qui leur était faite de donner en tout un bon exemple. Un programme spécial a été présenté à l’intention des 5 260 anciens et pionniers venus, accompagnés de leurs femmes, de l’agglomération de Luanda ; il comprenait des interviews des membres du Comité de la filiale ainsi que d’autres frères âgés, permettant de retracer les événements marquants de l’histoire du peuple de Jéhovah en Angola. Frère Guest leur a parlé du courage qui résulte de la confiance en Jéhovah et de l’habitude de se tourner vers lui pour recevoir de la force.

La vérité dans leur propre langue

Révélation 7:9 dit qu’“ une grande foule ” de gens “ de toutes nations et tribus et peuples et langues ” s’assembleraient pour adorer Jéhovah. Cette prophétie vaut assurément aussi pour l’Angola. Quarante-deux langues sont parlées dans ce pays, et bien plus de dialectes encore. L’umbundu, le kimbundu et le kikongo sont les langues locales les plus répandues.

Des années durant, il avait régulièrement fallu traduire les matières étudiées aux réunions du portugais en au moins une langue locale. S’ils voulaient avoir leurs propres manuels d’étude, les gens devaient apprendre le portugais ; mais les possibilités de s’instruire étaient très restreintes. L’une des premières publications disponibles en umbundu a été la brochure “ Cette bonne nouvelle du royaume ”. En 1978, quand il en a reçu un exemplaire, un ancien a fait ce commentaire : “ Avec cette brochure en umbundu, Moçâmedes (aujourd’hui Namibe) comptera plus de 300 proclamateurs. La plupart des gens de cette région parlent et lisent cette langue. C’est une véritable bénédiction ! ” De fait, cette bénédiction a été si grande qu’il y a maintenant à Namibe 1 362 proclamateurs répartis dans 21 congrégations.

Mais il restait beaucoup à faire pour toucher le cœur des Angolais en leur faisant connaître la bonne nouvelle dans leurs propres langues. Il fallait jeter les bases d’un véritable service de la traduction. Peu après que les Témoins de Jéhovah ont été officiellement reconnus en 1992, trois traducteurs en herbe ont été envoyés au Béthel d’Afrique du Sud pour y recevoir une formation préliminaire. On a fait l’acquisition d’ordinateurs. Puis, Keith Wiggill et sa femme Evelyn sont venus d’Afrique du Sud pour collaborer à la mise en place du nouveau service et aider les frères à utiliser le programme de traduction assistée par ordinateur mis au point par la Société.

On s’est mis à produire de plus en plus de publications dans les langues locales. Des brochures telles que Vivez éternellement heureux sur la terre ! et Dieu se soucie-​t-​il vraiment de nous ? ont été publiées en umbundu. Elles ont ensuite été disponibles en kikongo et en kimbundu, en même temps qu’un certain nombre de tracts. En 1996, on a fait paraître dans les trois langues le livre La connaissance qui mène à la vie éternelle et la brochure Ce que Dieu attend de nous. Un surveillant de district a rapporté que, dans l’une des congrégations qu’il desservait, il a pu commencer 90 études bibliques au cours de la même semaine en utilisant une présentation très simple et directe ! L’année suivante a vu le nombre de congrégations grimper de 478 à 606.

Quel bonheur pour les frères de pouvoir entendre et lire les vérités bibliques dans leur propre langue ! En 1998, la première assemblée de district présentée entièrement en umbundu s’est tenue à Huambo. L’assistance a dépassé les 3 600 personnes. On a entendu des frères, le cœur rempli de gratitude, s’exclamer : “ Jéhovah ne nous a pas oubliés ! ” L’intérêt bienveillant du Créateur à leur égard a été rendu plus manifeste encore lorsqu’ils ont disposé de La Tour de Garde en umbundu, à partir du numéro du 1er janvier 1999.

Un besoin urgent de Salles du Royaume

Pendant des années, à cause de l’interdiction qui pesait sur leurs activités, les Témoins de Jéhovah d’Angola ont été dans l’impossibilité d’avoir des Salles du Royaume. Mais depuis 1992, dans la seule ville de Luanda, le nombre des congrégations est passé de 147 à 514. En ce qui concerne l’ensemble du pays, ce nombre a connu un accroissement de l’ordre de 200 %, pour atteindre 696. Dans maintes congrégations, l’assistance moyenne aux réunions oscille entre 200 et 400 personnes. Aux assemblées de 1998, l’assistance équivalait à quatre fois le nombre des proclamateurs ! La nécessité de disposer sans délai de lieux de réunion convenables se fait donc sentir.

La première Salle du Royaume construite à Lubango date de 1997, celle de Lobito de juillet 1998 et celle de Viana (juste au sud de Luanda) de décembre 1999. Grâce à l’actuel programme international de construction de Salles du Royaume, la situation commence maintenant à s’améliorer.

On a mis au point pour l’Angola une Salle du Royaume à charpente métallique, ouverte sur les côtés et transportable. Pourquoi transportable ? Malgré les efforts déployés pour obtenir un titre de propriété incontestable sur une parcelle de terrain, n’importe quel individu peut se présenter, même après la construction d’un bâtiment, et prétendre être le propriétaire légitime des lieux. La Salle du Royaume est donc conçue de façon à pouvoir être déplacée si nécessaire. Pour ce qui est des ouvertures latérales, elles apportent un plus en matière de confort sous ce climat chaud. En mai 2000 sont arrivés les éléments nécessaires à la construction du premier préfabriqué. Le pays ne compte que 24 Salles du Royaume, de différents styles, et 355 salles supplémentaires seront nécessaires dans les cinq années à venir. Nous espérons que les travaux en cours de réalisation répondront à ces besoins cruciaux.

Outre la construction de Salles du Royaume, une Salle d’assemblées de 12 000 places, avec une charpente métallique et des ouvertures latérales, est en projet.

Le respect du caractère sacré du sang

Pour combler un autre besoin encore, en octobre 1996 a commencé à fonctionner un comité de liaison hospitalier (CLH) composé de dix anciens dévoués qui apportent leur assistance aux centaines de congrégations de l’agglomération de Luanda. Les Témoins locaux ont été très heureux de pouvoir compter sur des frères qui ont reçu une formation appropriée afin de les aider à bénéficier de traitements médicaux qui prennent en considération leur volonté de ‘ s’abstenir du sang ’. — Actes 15:28, 29.

Les hôpitaux épargnés par la guerre n’avaient été que très peu entretenus depuis le milieu des années 70. Les médicaments étaient rares. Dans ce contexte difficile, les médecins seraient-​ils disposés à coopérer avec les Témoins de Jéhovah pour élaborer un programme de médecine et de chirurgie sans transfusion ? Dans un premier temps, la plupart des praticiens et des responsables d’établissements hospitaliers ont répondu par la négative ou ont ajourné des rendez-vous. C’est alors qu’est apparue une situation d’urgence médicale.

Un frère de la province de Malanje a été emmené à l’hôpital Américo Boavida de Luanda pour être opéré d’une tumeur à l’estomac. Un membre du CLH a accompagné sa femme dans sa visite au chirurgien. Le Dr Jaime de Abreu, responsable de la chirurgie dans cet hôpital, a reçu les deux Témoins. À leur grande surprise, il connaissait les Témoins de Jéhovah et leur position sur le sang, et il avait entendu parler du programme de thérapie non sanguine alors qu’il était en vacances au Portugal.

Grâce à la coopération du Dr de Abreu, l’opération a été tentée avec succès sans recours à la transfusion. Par la suite, les frères du CLH ont rencontré le Dr de Abreu et son équipe pour leur fournir de plus amples renseignements. Actuellement, cinq médecins collaborent avec les Témoins en respectant leur position sur le sang.

Plus d’ouvriers pour la moisson

Après s’être attelé à satisfaire les nombreux besoins dans le domaine de l’organisation et des publications, on a accordé davantage d’attention au grand intérêt manifesté dans le territoire. Comme les paroles suivantes de Jésus s’appliquent bien à l’Angola : “ Oui, la moisson est grande, mais les ouvriers sont peu nombreux. ” (Mat. 9:37). Des rapports ont révélé que, dans des dizaines de villes, les frères ont besoin d’aide pour s’occuper des personnes qui s’intéressent à la vérité.

Pour répondre à cette demande, la Société a envoyé 11 missionnaires de plus participer à “ la moisson ”. Certains ont été affectés dans les villes côtières de Benguela et Namibe. Mais Jéhovah a recruté la majeure partie des ouvriers au sein même du peuple angolais. Rien que dans les cinq dernières années, 21 839 personnes ont été baptisées et sont ainsi venues grossir la foule des chanteurs de louanges voués à Jéhovah dans ce pays.

Les yeux de Jéhovah sont sur eux

Il n’a pas été possible d’envoyer des frères expérimentés partout où surgit de l’intérêt pour la Parole de Dieu. Quelles en ont été les conséquences ? La preuve a été faite que l’œuvre est dirigée non par un homme, mais par l’esprit de Dieu (Zek. 4:6). Les yeux de Jéhovah sont sur tous ses serviteurs, et aussi sur les humains qui veulent sincèrement connaître et servir le vrai Dieu. — Ps. 65:2 ; Prov. 15:3.

Des villageois de la province de Cuanza Norte, de passage à Luanda, ont accepté des périodiques que des Témoins distribuaient dans la rue. Après avoir découvert la bonne nouvelle qu’ils contenaient, les villageois ont décidé de suivre l’exemple des Témoins de Luanda en diffusant à leur tour les périodiques. Ils ont également compris la nécessité de se rassembler ; aussi l’un d’entre eux a-​t-​il fait de son mieux pour diriger des réunions. Cependant, comme leur village est isolé, les autorités locales n’étaient pas au courant de l’enregistrement légal des Témoins de Jéhovah, qui avait eu lieu trois années auparavant. De ce fait, les villageois n’ont pas été autorisés à tenir des réunions publiques. Nullement découragés, ils se sont réunis en brousse.

Le bureau de Luanda a quand même fini par apprendre que des habitants de Quilombo dos Dembos voulaient de l’aide pour s’organiser en congrégation. Un surveillant de circonscription a été envoyé au village en octobre 1997, et 140 personnes étaient présentes à la réunion organisée à l’occasion de sa visite. Il emportait toujours dans ses affaires une copie des statuts de l’association des Témoins de Jéhovah, de sorte qu’il a été en mesure de fournir aux autorités locales la preuve que les Témoins de Jéhovah constituent une organisation légalement reconnue. Le groupe a maintenant la joie de tenir des réunions publiques et d’avoir en son sein des pionniers qui s’occupent des nombreuses personnes bien disposées.

En 1996, Ana Maria Filomena s’est retrouvée dans une bourgade de la province de Bié. Elle a fait de son mieux pour répandre la bonne nouvelle, si bien qu’en un rien de temps s’est constitué un groupe de personnes intéressées par le message biblique, qui se réunissait chaque semaine pour l’étude d’un livre et celle de La Tour de Garde. Ana Maria dirigeait les réunions puisqu’il n’y avait sur place aucun frère baptisé. Un jour, on l’a informée qu’un officier militaire de haut rang, qui vivait dans la région, assisterait à leur réunion du dimanche pour voir ce qu’on y enseignait. Il est effectivement venu, escorté par deux soldats. De toute évidence, ce qu’il a entendu lui a plu, car il a déclaré avant de partir : “ Poursuivez votre œuvre sans crainte dans ce territoire. ” Ce petit groupe est devenu la congrégation d’expression umbundu de Kuito-Bié sud, qui comprend 40 proclamateurs ; et 150 personnes assistent aux réunions du dimanche.

Étant donné qu’elles sont restées isolées pendant près de deux années, des congrégations de la province de Uíge n’avaient pas reçu la nourriture spirituelle nécessaire. Un Témoin de l’endroit s’est ouvert du problème à un parent qui travaillait dans l’affrètement d’avions pour le transport de marchandises. Cet homme a gentiment proposé de faire venir le surveillant de circonscription, un pionnier spécial et 400 kilos de publications par le prochain vol, et cela gratuitement. À leur arrivée, les frères ont trouvé une congrégation qui s’occupait de cinq groupes isolés. Chacun de ces groupes tenait des réunions auxquelles assistaient 50 à 60 personnes bien disposées.

Début 1996, dans la même province, un surveillant de circonscription a visité une congrégation qui avait été coupée du reste de l’organisation pendant plus de quatre années. Qu’a-​t-​il trouvé ? Il n’y avait que 75 proclamateurs, mais 794 personnes ont écouté son discours public ! Manifestement, vivre dans une région isolée n’avait pas refroidi le zèle de ces frères pour prêcher la bonne nouvelle autour d’eux.

D’autres rapports de ce genre, témoignant d’un grand intérêt pour la vérité, nous sont parvenus de la région de Gabela, au sud de Luanda. Un pionnier de l’endroit dirige cinq études de livre — une chaque soir de la semaine. Lui aussi ‘ prie le Maître de la moisson d’envoyer plus d’ouvriers ’. — Mat. 9:37, 38.

“ Le conflit le plus tragique de notre temps ”

La proclamation de la bonne nouvelle effectuée par les Témoins de Jéhovah en Angola ne manque pas d’étonner quand on pense à la situation dans laquelle se trouve ce pays. Un rapport des Nations unies a parlé de la guerre civile en Angola comme du “ conflit le plus tragique de notre temps ”. Si l’on considère le lot de souffrances humaines qu’elle a engendrées, on ne peut que souscrire à cette définition. Même après le cessez-le-feu, on a enregistré la mort d’un millier de personnes par jour. En mars 2000, on a pu lire dans le New York Times : “ En Angola, nation de 12 millions d’habitants, la guerre a provoqué la mort d’un million d’entre eux et le déplacement de trois millions d’autres. ”

Même si toutes les armes se taisaient, les séquelles de la guerre persisteraient. L’Angola présente l’une des plus importantes concentrations au monde de mines antipersonnel, et on estime qu’il y a dans ce pays 70 000 amputés victimes de mines — le chiffre le plus élevé de la planète. Aussi incroyable que cela paraisse, des mines continuent d’être posées par les factions belligérantes. Les paysans sont donc obligés d’abandonner leurs champs, et la grave pénurie de vivres qui touche la population s’accentue.

Les Témoins de Jéhovah ne sont évidemment pas sortis indemnes de toute cette violence. Dans la province de Cuanza Norte, quatre Témoins et un ami de la vérité ont été tués sous les feux croisés des troupes gouvernementales et de l’armée de la résistance. D’autres l’ont été par des mines antipersonnel ou des bombes lâchées au hasard qui ont explosé en plein marché. En 1999, quatre Témoins ont perdu la vie en tentant d’apporter des vivres et d’autres secours à leurs compagnons chrétiens de Huambo. Heureusement, de tels drames ont été rares.

Comme bien d’autres Angolais, les Témoins de Jéhovah ont beaucoup souffert du manque de nourriture, de vêtements et d’abris. Quand la guerre civile s’est intensifiée en 1999, on a estimé à 1 700 000 le nombre de personnes, parmi lesquelles de nombreux Témoins de Jéhovah, qui ont été contraintes de fuir en abandonnant leurs maisons. Dans la plupart des cas, ces réfugiés sont hébergés par des parents qui vivent dans des logements déjà surpeuplés. Les anciens ont beau avoir le plus grand mal à subvenir aux besoins de leurs familles, cela ne les empêche pas de continuer à veiller sur la spiritualité des frères. Les mots ne peuvent vraiment traduire la profondeur de la reconnaissance de ces Témoins à l’égard de leurs compagnons chrétiens d’Italie, du Portugal et d’Afrique du Sud qui ont répondu à leur détresse en leur faisant parvenir de nombreux conteneurs de vivres, de vêtements et de fournitures médicales qui leur faisaient cruellement défaut.

Des exemples vivants de foi

À l’image de la chaleur intense qui servait autrefois à purifier l’or, les épreuves subies par les serviteurs de Jéhovah affinent leur foi, lui donnant une qualité éprouvée (Prov. 17:3 ; 1 Pierre 1:6, 7). Des milliers de Témoins de Jéhovah d’Angola, jeunes et vieux, possèdent ce genre de foi de grande valeur.

Carlos Cadi, un ministre chrétien de longue date qui a découvert les précieuses vérités bibliques voilà plus d’un demi-siècle, en même temps que João Mancoca, au Congo belge, fait cette remarque : “ L’attitude courageuse et déterminée de nos frères, y compris de beaucoup qui ont fait don de leur vie, a fourni un puissant témoignage. Ce dernier n’a pas été rendu par leurs seules actions, mais aussi par leur hardiesse et leur franchise quand ils s’adressaient à des personnes revêtues d’autorité. ”

Antunes Tiago Paulo est l’un de ceux qui ont contribué à ce genre de témoignage. Il a été brutalisé par des hommes qui cherchaient à briser sa neutralité chrétienne. Il est aujourd’hui membre de la famille du Béthel d’Angola, aux côtés d’autres qui ont subi les mêmes tortures : Justino César, Domingos Kambongolo, António Mufuma, David Missi et Miguel Neto. Alfredo Chimbaia, qui a passé plus de six ans en prison, se dépense maintenant dans le service de la circonscription en compagnie de sa femme.

Une sœur a vu son mari arraché à sa famille et tué par une tribu rivale. On l’a avertie que, pour rester en vie, elle devait fuir en République démocratique du Congo. Mais pour s’y rendre, elle a dû marcher avec ses quatre enfants. Il leur a fallu dix mois. Elle ne s’était pas rendu compte qu’elle était enceinte avant d’entreprendre le voyage ; l’enfant est né avant qu’ils n’atteignent le Congo. Malheureusement, il est mort par la suite. Elle priait constamment. Elle a expliqué que dans une telle situation, quand on n’a pas le choix, il faut absolument jeter son fardeau sur Jéhovah (Ps. 55:22). Sinon, on risque de s’apitoyer sur soi-​même et de demander : “ Pourquoi moi, Jéhovah ? ” Cette sœur éprouvait tellement de gratitude pour le seul fait d’être encore en vie qu’en arrivant à Kinshasa elle a consacré son premier mois dans le pays au service de pionnier auxiliaire.

“ Dieu n’a pas honte d’eux ”

Ce que l’apôtre Paul a écrit à propos des hommes et des femmes de foi des temps passés s’applique bien aux serviteurs de Jéhovah d’Angola. On pourrait paraphraser ses paroles comme suit : ‘ Que dirons-​nous encore ? Car le temps nous manquera si nous poursuivons en racontant tous les exemples de foi de ceux qui ont échappé au tranchant de l’épée, eux qui de faibles qu’ils étaient ont été rendus puissants, et qui ont été torturés parce qu’ils n’acceptaient pas de libération par quelque compromis. Ils ont reçu leur épreuve par des moqueries et des coups de fouet, et même plus que cela : par des liens et des prisons. Ils ont été éprouvés, ils étaient dans le besoin, dans la tribulation, en butte aux mauvais traitements ; et le monde n’était pas digne d’eux. ’ (Héb. 11:32-38). Bien qu’ils aient été méprisés par leurs persécuteurs, bien que nombre d’entre eux vivent dans le besoin à cause de la guerre et de l’anarchie, “ Dieu n’a pas honte d’eux, d’être invoqué comme leur Dieu ”, parce qu’ils gardent les yeux résolument fixés sur l’accomplissement de ses promesses. — Héb. 11:16.

Quoiqu’ils continuent à ressentir les effets cruels de la folle chevauchée des cavaliers de l’Apocalypse, les Témoins de Jéhovah d’Angola sont tout à fait conscients de la bénédiction de Dieu. Au cours de l’année écoulée, les plus de 40 000 proclamateurs du pays ont consacré plus de 10 000 000 d’heures à parler de la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. Ils ont été très occupés à diriger en moyenne chaque mois plus de 83 000 études bibliques au domicile de personnes bien disposées. Le plus cher désir des proclamateurs du Royaume en Angola est d’aider autant de gens que possible à opter pour la vie véritable prévue par Dieu, grâce à Jésus Christ. Et comme ils se sont réjouis lorsqu’en dépit des conditions instables qui règnent dans le pays, plus de 181 000 personnes se sont rassemblées pour la célébration annuelle du Repas du Seigneur ! Ils ont sous les yeux la preuve évidente que les champs sont encore blancs pour la moisson. — Jean 4:35.

Tout comme leurs frères chrétiens à travers le monde, les Témoins de Jéhovah d’Angola ont une confiance absolue dans la victoire finale de leur Roi et Conducteur céleste, Jésus Christ (Ps. 45:1-4 ; Rév. 6:2). Quelles que soient les épreuves qu’ils traversent, ils sont déterminés à demeurer les fidèles serviteurs et Témoins de leur Dieu d’amour, Jéhovah. — Ps. 45:17.

[Entrefilet, page 68]

‘ Même si notre condition physique est alarmante, nous sommes en bonne santé sur le plan spirituel. Ce qui arrive correspond tout à fait à ce qui était annoncé dans la Bible. ’

[Entrefilet, page 73]

Ils ont étudié la Bible et ont commencé à prêcher. Peu après, ils ont été expulsés en Angola.

[Entrefilet, page 78]

“ Le pire que vous puissiez me faire, c’est de me tuer. Que pouvez-​vous me faire de plus ? De toute façon, je ne renoncerai pas à ma foi. ”

[Entrefilet, page 82]

Il était convaincu d’avoir trouvé la vérité. Mais quelle valeur lui accordait-​il ?

[Entrefilet, page 85]

En prison, ils prêchaient aux murs, abordant n’importe quel sujet biblique qui leur venait à l’esprit.

[Entrefilet, page 89]

Les stigmates de la guerre se voyaient partout, mais ils persévéraient dans leur ministère.

[Entrefilet, page 91]

Les bergers spirituels faisaient régulièrement de brèves visites en partant au travail ou en en revenant. Généralement, ils lisaient quelques versets bibliques avec les familles.

[Entrefilet, page 96]

“ D’accord, je vais dire ‘ Viva ! ’ ” Tout le monde attendait. Finalement, le jeune garçon a crié “ Viva Jéhovah ! ”

[Entrefilet, page 103]

“ J’ai quitté l’Angola les larmes aux yeux, et, dans mon cœur, j’ai adressé à Jéhovah des prières en faveur de ces frères qui, en dépit de leurs souffrances, souriaient en pensant à leur magnifique espérance. ”

[Entrefilet, page 108]

“ Il prononçait chacun de ses discours de 7 à 21 fois. Une telle semaine était bien remplie et exigeait beaucoup d’énergie. ”

[Entrefilet, page 111]

Dans cette société patriarcale, il était le chef incontesté. Il en est venu à être connu comme “ l’homme de Dieu ”.

[Entrefilet, page 116]

Sous la pression visant à briser leur neutralité chrétienne, ils se sont montrés inébranlables dans leur décision de marcher dans les voies de Jéhovah.

[Entrefilet, page 124]

“ Comme nous étions reconnaissants à Jéhovah, à son organisation et à nos frères bien-aimés qui risquaient leur vie pour d’autres chrétiens qu’ils ne connaissaient même pas ! ”

[Entrefilet, page 128]

La stricte neutralité des Témoins de Jéhovah a été remarquée par le public.

[Entrefilet, page 138]

Il y a 696 congrégations, mais seulement 24 Salles du Royaume.

[Carte/Illustrations, page 81]

(Voir la publication)

Océan Atlantique

RÉP. DÉM. DU CONGO

ANGOLA

Luanda

Malanje

Lobito

Benguela

Huambo

Lubango

Namibe

Baía dos Tigres

NAMIBIE

[Illustrations pleine page, page 66]

[Illustrations, page 71]

Gray et Olga Smith.

[Illustration, page 74]

John Cooke (au centre) en compagnie de João Mancoca (à droite) et de Sala Filemon (à gauche) ; ils ont été parmi les premiers à prendre fermement position en faveur du vrai culte en Angola.

[Illustration, page 87]

Une assemblée enthousiaste pendant un moment de liberté, en 1975.

[Illustration, page 90]

Un pays ravagé par la guerre.

[Illustrations, page 102]

La “ cuisine ” où la nourriture spirituelle était préparée.

[Illustration, page 104]

Silvestre Simão.

[Illustrations, page 123]

En Afrique du Sud, on charge des secours à destination de l’Angola.

[Illustration, page 126]

Ci-dessus : une réunion spéciale avec les anciens et les pionniers permanents de Luanda.

[Illustration, page 126]

Douglas Guest (à gauche) en Angola en 1991, avec João et Maria Mancoca ainsi que Mário Oliveira.

[Illustration, page 131]

Le premier bureau utilisé par les Témoins de Jéhovah à Luanda.

[Illustrations, page 134]

L’assemblée de district “ Louons Dieu dans la joie ”, à Luanda, à laquelle ont assisté 73 154 personnes.

[Illustration, page 139]

Un bâtiment couvert de tôle ondulée qui sert de Salle du Royaume, l’une des 24 que compte le pays.

[Illustration, page 140]

Le Comité de la filiale (de gauche à droite) : João Mancoca ; Steve Starycki ; Silvestre Simão ; Domingos Mateus ; José Casimiro.

[Illustration, pages 140, 141]

La famille du Béthel d’Angola en 1996, lors de la création de la filiale.

[Illustrations, page 142]

Quelques-uns des nombreux membres de la famille du Béthel qui ont démontré leur foi à travers de cruelles épreuves : 1) Antunes Tiago Paulo ; 2) Domingos Kambongolo ; 3) Justino César.

[Illustration, page 147]

Carlos Cadi.