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Argentine

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L’Argentine, qui s’étend sur quelque 4 000 kilomètres le long de la côte sud-est de l’Amérique du Sud, est un pays d’une très grande diversité. Le long de sa frontière se dressent les Andes, dont certains sommets dépassent les 6 000 mètres d’altitude. Dans le nord, des forêts tropicales abritent des jaguars et des tapirs. Au large de la Terre de Feu, au sud, les baleines et les pingouins jouent dans les eaux glacées, où des vagues de 30 mètres ne sont pas rares. Dans les plaines, les gauchos (les cow-boys argentins) surveillent, à cheval, d’immenses ranches.

Où que vous alliez, vous trouverez des Témoins de Jéhovah ; ils sont présents dans toutes les villes du pays. Plus de 120 000, ils prêchent dans les montagnes, dans la forêt, dans les plaines et le long de la côte. On les rencontre aussi bien dans les gratte-ciel de la capitale que dans les villages les plus reculés. La diversité géographique n’a pas gêné la prédication de la bonne nouvelle, pas plus que les barrières culturelles et linguistiques ou les difficultés économiques. La bonne nouvelle est prêchée, comme Jésus l’avait annoncé. — Marc 13:10.

Cela ne s’est pas fait par hasard. Des hommes et des femmes dévoués, pleins de zèle et de foi, ont fait preuve de détermination en annonçant le message de la Bible en toutes circonstances. Ils ont pris à cœur ce conseil de l’apôtre Paul à Timothée : “ Prêche la parole, fais-​le avec insistance en époque favorable, en époque difficile. ” (2 Tim. 4:2). Mais ils ne s’attribuent pas le mérite des résultats qui, reconnaissent-​ils, n’ont été obtenus que grâce à l’esprit de Jéhovah. — Zek. 4:6.

Un fondement est posé

Le fondement de l’œuvre dans ce pays a été posé il y a de nombreuses années. Le récit montrant comment la vérité a atteint les parties les plus reculées du pays fortifie vraiment la foi. En 1923, George Young est arrivé du Canada en Amérique du Sud. Après avoir donné un grand témoignage au Brésil, il a dirigé son attention vers l’Argentine. En quelques mois, il a distribué 1 480 livres et 300 000 autres écrits bibliques dans les 25 plus grandes villes du pays. Avant de poursuivre sa tournée de missionnaire dans d’autres pays d’Amérique du Sud, il a écrit : “ Le sourire approbateur de Dieu sur les efforts visant à répandre le message du Royaume est tout à fait manifeste. ”

En 1924, Joseph Rutherford, président de la Société Tour de Garde, a envoyé en Argentine un Espagnol du nom de Juan Muñiz. Deux ans plus tard, frère Muñiz ouvrait à Buenos Aires une filiale de la Société, qui allait diriger la prédication du Royaume en Argentine, au Chili, au Paraguay et en Uruguay.

Ayant constaté qu’il y avait en Argentine de nombreux habitants de langue allemande, frère Muñiz a demandé de l’aide pour qu’eux aussi entendent la bonne nouvelle. Frère Rutherford a donc envoyé Carlos Ott, un serviteur à plein temps allemand, pour qu’il apporte son aide à ce groupe germanophone.

Il y avait aussi de nombreux Grecs. Ayant appris le message de la Bible en 1930, Nicolás Argyrós, d’origine grecque, a commencé à prêcher aux centaines de Grecs qui vivaient dans la région de Buenos Aires. Plus tard, maîtrisant mieux l’espagnol, il a répandu les graines de la Parole de Dieu dans 14 des 22 provinces de l’Argentine, concentrant ses efforts sur la moitié nord du pays.

À cette même époque, Juan Rebacz, un Polonais devenu Témoin de Jéhovah, s’est engagé avec un autre Témoin polonais dans le ministère à plein temps. En compagnie de deux autres serviteurs à plein temps, ils ont parcouru le sud de l’Argentine.

Le rapport pour 1930 indique que des centaines de milliers d’imprimés bibliques ont été distribués non seulement en allemand, en espagnol et en grec, mais aussi en anglais, en arabe, en arménien, en croate, en français, en hongrois, en italien, en letton, en lituanien, en polonais, en portugais, en russe, en ukrainien et en yiddish.

Ainsi, en sept ans à peine, l’œuvre consistant à prêcher le Royaume et à faire des disciples était bien lancée parmi la population hispanophone et les autres groupes linguistiques. L’époque était favorable à une croissance régulière.

L’immensité du territoire n’est pas un obstacle

Le territoire à parcourir était immense, à peu près le tiers de celui des États-Unis. Mais cela n’a pas empêché les Témoins de diffuser le message du Royaume. Certains se déplaçaient à pied, d’autres à bicyclette, en train, à cheval ou en camion.

Au début des années 30, Armando Menazzi, originaire de la province de Córdoba, dans le centre du pays, a été convaincu d’avoir trouvé la vérité. Il a vendu son garage et a entrepris le service à plein temps. Plus tard, il a acheté un vieil autocar qu’il a transformé en camping-car, permettant ainsi à dix proclamateurs ou plus de se déplacer en groupe pour répandre la bonne nouvelle. Leurs voyages les ont conduits dans au moins une dizaine de provinces du nord de l’Argentine.

Dans les années 30, le pays disposait du réseau ferroviaire le plus complet de toute l’Amérique latine, soit quelque 40 000 kilomètres de voies ferrées. Ce réseau se révéla extrêmement utile pour étendre la prédication de la bonne nouvelle. Des pionniers se sont vu confier la prédication dans les camps situés le long d’une voie de chemin de fer. Par exemple, José Reindl avait pour territoire toute la ligne de l’Ouest, depuis Buenos Aires, sur la côte atlantique, jusqu’à la province de Mendoza, à la frontière chilienne, soit plus de 1 000 kilomètres.

Les Témoins de Jéhovah qui travaillaient dans les chemins de fer en ont profité pour communiquer le message de la Bible dans des parties reculées de l’Argentine. Quand Epifanio Aguiar, qui avait appris la vérité dans la province de Santa Fe, dans le nord-est, a été muté dans la province de Chaco, plus au nord, par la compagnie des chemins de fer, il a aussitôt commencé à y prêcher. Quand son travail l’a amené à se rendre dans la province de Chubut, à 2 000 kilomètres plus au sud, puis de nouveau dans le nord, à Santiago del Estero, il a diffusé le message du Royaume dans ces provinces.

Sœur Rina de Midolini, une pionnière zélée, a donné le témoignage à Médanos, à quelque 50 kilomètres de Bahía Blanca. Elle mettait dans le train sa bicyclette, qui lui était très utile une fois arrivée à destination. Les gens l’appelaient “ la dame de la Bible à bicyclette ”. Elle était si connue qu’un jour, ayant remarqué qu’elle était en retard pour son voyage de retour, le conducteur du train a retardé le départ pour elle.

Les missionnaires de Guiléad arrivent

Les premiers Témoins en Argentine ont beaucoup voyagé et distribué quantité de publications pour faire connaître aux gens l’espérance du Royaume de Dieu. Toutefois, il devenait manifeste qu’un enseignement systématique de la Bible et une meilleure organisation étaient nécessaires. En 1945, Nathan Knorr, président de la Société Tour de Garde, s’est rendu en Argentine et a demandé aux congrégations d’organiser le Cours pour le ministère théocratique (l’École du ministère théocratique) en espagnol. Il a également encouragé les frères d’Argentine à entreprendre le service de pionnier et à se fixer comme objectif d’aller à Guiléad, l’École biblique de la Société Watchtower.

Peu après, deux pionniers argentins ont suivi les cours de Guiléad, après quoi ils sont revenus en Argentine en 1946. Puis, en 1948, des missionnaires d’autres pays ont été nommés en Argentine : Charles et Lorene Eisenhower, Viola Eisenhower, Helen Nichols et Helen Wilson, de la première classe de Guiléad, ainsi que Roberta Miller, de la quatrième classe. Plus tard sont arrivés Sophie Soviak, Edith Morgan, Ethel Tischhauser, Mary Helmbrecht et beaucoup d’autres. Au cours des années, 78 missionnaires ont été envoyés en Argentine. Leur esprit d’évangélisation a encouragé les Témoins du pays à les imiter. De 20 en 1940, le nombre des pionniers dans tout le pays était passé à 382 en 1960. Aujourd’hui il y en a 15 000.

Des époques troublées

Pendant de nombreuses années, la situation a été très favorable à la prédication, mais, comme Jésus l’avait annoncé, tout le monde n’allait pas approuver l’activité de ses disciples (Jean 15:20). C’est ainsi qu’en 1949, lors d’une visite de frère Knorr en Argentine, la police a brusquement annulé l’autorisation de tenir une assemblée dans une très belle salle de Buenos Aires. L’assemblée a donc eu lieu dans une Salle du Royaume, mais pas sans ennui. Le dimanche, à 16 heures 40, la police a interrompu le discours de frère Knorr et l’a arrêté ainsi que les assistants. Sans fournir aucune explication, elle a retenu les frères, debout, dans une grande cour pendant des heures jusqu’au petit matin, après quoi elle les a relâchés.

À l’évidence, un vent d’opposition commençait à souffler sur les adorateurs de Jéhovah en Argentine. La même année, sous l’influence de l’Église catholique, une loi a été votée exigeant que tous les groupes religieux se fassent enregistrer au Bureau des cultes du ministère des Relations extérieures. L’année suivante, le gouvernement dirigé par Juan Domingo Perón a officiellement interdit l’œuvre des Témoins de Jéhovah en Argentine. Le décret interdisait les réunions publiques des Témoins de Jéhovah ainsi que leur activité de prédication. Toutefois, la filiale de la Société Tour de Garde n’a pas été fermée.

D’une façon générale, les autorités ont permis aux Témoins de poursuivre leur activité sans grande difficulté. Toutefois, des fonctionnaires appliquaient souvent l’interdiction en annulant une assemblée ou en fermant une Salle du Royaume. Il arrivait parfois que des Témoins réunis dans un foyer privé ou en train de prêcher soient arrêtés et l’objet de tracasseries.

Les Témoins s’efforçaient donc de ‘ se montrer prudents comme des serpents ’. (Mat. 10:16.) Pour donner le témoignage ils n’utilisaient que la Bible. Les congrégations étaient organisées en petits groupes de 8 à 12 proclamateurs et, pendant les premières années d’interdiction, les lieux de réunion changeaient régulièrement. Les frères se réunissaient dans des lieux discrets : une étable, une cabane au toit de chaume, une cuisine de ferme, et même sous un arbre. L’important était de se réunir. — Héb. 10:24, 25.

Pour encourager les frères, frère Knorr est revenu en Argentine, accompagné de frère Henschel, en 1953. Du fait de l’interdiction, ils n’ont pu prévoir une grande assemblée, car elle aurait attiré l’attention. Ils ont donc organisé ce qu’on a appelé une assemblée à l’échelle nationale. Frère Knorr a pris l’avion au Chili pour se rendre à Mendoza, et frère Henschel est arrivé du Paraguay. Voyageant séparément, ils ont pris la parole devant des “ assemblées ” en 56 endroits différents. Certains de ces rassemblements ont eu lieu sous la forme de pique-niques dans des fermes de Témoins. À Buenos Aires, les deux frères ont rendu visite à des groupes de Témoins auxquels ils se sont adressés chaque fois pendant deux heures. Neuf réunions de ce genre ont été organisées dans la même journée. Au total, on a compté 2 505 assistants à ces assemblées d’un genre très particulier.

Les conditions de l’interdiction sont adoucies

En 1955, après que le gouvernement de Juan Perón a été renversé, on a formé des groupes plus importants. Dans les congrégations disposant d’une Salle du Royaume, on a encouragé les frères à s’y réunir, mais en s’abstenant d’identifier la salle par une indication quelconque. En dépit de quelques tracasseries occasionnelles de la part des autorités, le nombre et la taille des congrégations ont régulièrement augmenté grâce à la bénédiction de Jéhovah.

En 1956, la filiale a décidé d’organiser de petites assemblées en divers endroits du pays, la première étant celle de La Plata, à environ 60 kilomètres de Buenos Aires. Les 300 assistants ont eu du mal à chanter le premier cantique ‘ Nations réjouissez-​vous avec son peuple ! ’ tant l’émotion les étouffait. C’était la première fois depuis six ans qu’ils pouvaient se réunir avec autant de frères et chanter ensemble.

Mais l’interdiction était toujours là. Quand, en décembre 1957, on a tenté de tenir une assemblée nationale dans la salle des Ambassadeurs, à Buenos Aires, la police a fermé la salle au moment où arrivaient les premiers assistants. Quatre frères ont été retenus par la police et accusés d’avoir organisé une réunion sans son autorisation.

Étant donné que la Constitution argentine garantit la liberté de religion et de réunion, les frères ont porté l’affaire devant les tribunaux. Le 14 mars 1958, un jugement favorable aux Témoins de Jéhovah a été rendu. C’était la première victoire juridique des Témoins de Jéhovah en Argentine.

Un nouveau changement de gouvernement a eu lieu en 1958. Il semblait alors possible d’obtenir la reconnaissance légale de l’œuvre des Témoins de Jéhovah en Argentine. On a donc envoyé une lettre spéciale, exposant les activités et la situation des Témoins de Jéhovah, à tous les hommes de loi, rédacteurs, députés et juges. Un excellent témoignage a été donné, mais pas de reconnaissance légale.

Les Témoins n’ont toutefois pas renoncé. L’année suivante, une pétition réclamant la liberté religieuse a été préparée et envoyée au gouvernement. Elle portait 322 636 signatures. Charles Eisenhower, qui représentait la filiale, a eu une entrevue avec les autorités politiques. Plus de 7 000 lettres réclamant la reconnaissance légale ont été envoyées de l’étranger. Mais elle n’a toujours pas été accordée. Toutefois, l’attitude du gouvernement envers les Témoins de Jéhovah s’est considérablement assouplie. Les frères ont donc profité de cette époque de plus en plus favorable pour affermir spirituellement les congrégations.

En 1961, on a organisé l’École du ministère du Royaume pour former les surveillants itinérants et les surveillants dans les congrégations. Au début, les cours étaient donnés pendant un mois dans une des Salles du Royaume du centre de Buenos Aires. Plus tard, cette école a été transférée dans les locaux de la filiale. Avec plus de surveillants qualifiés pour prendre soin du troupeau de Dieu, le nombre des proclamateurs et des pionniers a augmenté durant toutes les années 60 pour atteindre les chiffres de 18 763 proclamateurs et de 1 299 pionniers en 1970.

Agrandissement des locaux de la filiale

L’augmentation du nombre des proclamateurs rendait nécessaire l’agrandissement du bâtiment de la filiale. Depuis 1940, celle-ci avait son siège dans un bâtiment au 5646, rue du Honduras, à Buenos Aires. On a démoli ce bâtiment et, en octobre 1962, un nouveau bâtiment, plus grand, construit au même endroit était prêt à être occupé.

À la fin des années 60, ces locaux étaient de nouveau insuffisants pour faire face à l’accroissement. On a donc acheté un terrain derrière le bâtiment existant, et les Témoins du pays y ont construit une maison d’habitation et un bâtiment de bureaux. On a également acheté un bâtiment situé dans la rue Fitz Roy et contigu au vieux bâtiment de la filiale et au terrain nouvellement acquis. On a commencé à démolir le vieux bâtiment en octobre 1970, les ouvriers étant essentiellement des Témoins du pays qui avaient des compétences dans le domaine de la construction. Les frères servant à la filiale se sont eux aussi mis à la tâche en apportant leur aide en dehors des heures de travail. Les week-ends, des Témoins de Jéhovah venant des congrégations voisines se joignaient à eux.

Par la suite on a relié les trois bâtiments, qui constituaient dès lors un seul complexe. Frederick Franz, alors vice-président de la Société Tour de Garde, a donné le discours d’inauguration en octobre 1974. Les frères d’Argentine pensaient que ce complexe suffirait certainement pour les besoins du ministère jusqu’à Har-Maguédôn. Ils n’imaginaient guère que ce n’était là qu’un commencement.

L’année où les nouveaux bâtiments de la filiale ont été inaugurés, le Collège central des Témoins de Jéhovah a décidé que les périodiques La Tour de Garde et Réveillez-vous ! seraient désormais imprimés dans le pays. Puisqu’à l’époque les Témoins de Jéhovah n’étaient pas légalement reconnus comme une religion en Argentine, en décembre 1974 on a formé l’Asociación Cultural Rioplatense (Association culturelle de River Plate), entité juridique ayant le droit d’importer du matériel d’imprimerie. De France est arrivée une presse, d’Allemagne un massicot et des États-Unis une encarteuse-piqueuse, autant de machines offertes.

Les frères affectés à l’atelier d’impression n’ont pas tardé à se rendre compte qu’autre chose est d’avoir des machines, autre chose est de les faire fonctionner. Après avoir surmonté bien des difficultés, quelle n’a pas été leur joie quand La Tour de Garde du 15 avril 1975 est sortie de la presse rotative offset, la première jamais utilisée par la Société Tour de Garde dans le monde. C’était un événement marquant dans l’histoire de l’imprimerie chez les Témoins de Jéhovah.

Les assemblées internationales “ La victoire divine ”

Au début de 1974, les Témoins de Jéhovah d’Argentine ont eu la joie d’assister à l’une des deux assemblées internationales organisées à Río Ceballos et à Buenos Aires, dont le thème était “ La victoire divine ”. On y a dénombré quelque 15 000 assistants.

Les préparatifs en vue d’offrir un logement convenable à tant de visiteurs avaient commencé des mois plus tôt. Beaucoup de non-Témoins ont hébergé des visiteurs, qui ont donné un excellent témoignage d’amour, pas seulement “ en parole ”, mais aussi “ en action ”. (1 Jean 3:18.) Les autorités ont permis l’utilisation d’un immense terrain, sur lequel a été érigé un village de tentes avec des rangées de tentes et de caravanes bien alignées et des rues portant des noms bibliques. Tout cela a eu un heureux impact sur les gens du voisinage.

Des nuages noirs à l’horizon

Les frères goûtaient une plus grande liberté de culte, mais des époques difficiles étaient en vue. En juin 1973, de retour en Argentine après 17 années d’exil, Juan Perón a repris la fonction de président. La guérilla entre les factions péronistes et non péronistes déchirait le pays. La violence politique s’est accrue et, le 24 mars 1976, les militaires ont pris le pouvoir.

Ils ont dissous le Parlement et déclenché une campagne visant à faire disparaître les militants de gauche. “ Au cours de ce processus, explique The World Book Encyclopedia, ils ont violé les droits civils de quantité de gens. Des milliers de personnes ont été emprisonnées sans jugement, torturées et tuées. Nombre de ces victimes n’ont jamais été retrouvées. On les appelle los desaparecidos (les disparus). ” La police exerçait une surveillance plus étroite sur les activités des citoyens. Alors que les Témoins de Jéhovah gardaient leur neutralité dans ce chaos politique, en juillet 1976 la revue Gente a publié un article avec des photos d’enfants, soi-disant Témoins de Jéhovah, tournant le dos au drapeau. C’était une déformation grossière de la vérité. Les quatre enfants de Témoins vivant dans cette région n’étaient même pas allés à l’école le jour où ces photographies étaient censées avoir été prises. D’autre part, les Témoins de Jéhovah n’adoptent pas une telle attitude irrespectueuse envers les emblèmes nationaux. Mais, à cause de ce genre de propagande, beaucoup de gens ont commencé à se montrer hostiles envers les Témoins de Jéhovah.

Les troubles sociaux ont à l’évidence rendu le gouvernement irritable face à tout ce qui semblait être un signe de dissension. C’est à cette époque-​là que Carlos Ferencia, un surveillant itinérant, a visité une congrégation située dans une région très dangereuse. Il venait juste de recevoir de la filiale une lettre qui l’informait que l’interdiction de l’œuvre des Témoins de Jéhovah en Argentine était imminente. Alors que Carlos marchait tout en pensant à la lettre, une voiture l’a dépassé, a fait demi-tour et est revenue droit sur lui. Trois hommes sont sortis de la voiture et ont pointé leurs armes sur lui. L’un d’eux lui a demandé d’un ton brusque sa carte d’identité. Carlos a eu beau leur dire qu’il était Témoin de Jéhovah, ils l’ont emmené au poste de police. Il a alors prié Jéhovah pour que la lettre ne tombe pas entre leurs mains.

Les policiers ont ensuite conduit Carlos dans une petite pièce faiblement éclairée et ont braqué une lampe éblouissante sur son visage ; l’un d’eux a alors crié : “ Qu’as-​tu dans ta sacoche ? ” Son contenu a été répandu sur la table : une bible, quelques périodiques... et la lettre.

Un des policiers s’est écrié : “ La Tour de Garde ! La Tour de Garde ! Subversif, subversif ! ”

Mais l’officier responsable l’a repris : “ Tu n’as jamais vu La Tour de Garde, idiot ? ”

Pendant ce temps, Carlos s’efforçait de rester calme et respectueux. Après avoir examiné les publications, les policiers lui ont dit de tout ramasser, mais l’un d’eux est intervenu, disant : “ Qu’est-​ce qu’il y a dans cette enveloppe ? ”

Carlos a alors tendu l’enveloppe contenant la lettre de la Société au policier et, après quelques secondes, a demandé : “ Excusez-​moi, mais puis-​je dire quelque chose ? ”

“ Bien sûr ”, lui a répondu le policier, tout en quittant l’enveloppe des yeux.

Carlos a ajouté : “ Je vois que vous veillez sur la sécurité du quartier. ” L’attention du policier ayant été éveillée, Carlos a ensuite montré dans la Bible que les actes de violence propres à l’époque accomplissaient les prophéties.

Quand Carlos a eu terminé, le policier lui a dit : “ Je suis de votre avis, mon ami. ” Et il lui a redonné la lettre sans l’avoir lue.

Interdiction d’une œuvre déjà interdite

Comment la filiale savait-​elle que l’interdiction était imminente ? À la fin d’août 1976, lors d’une perquisition dans ses locaux par la police fédérale, l’inspecteur qui la dirigeait avait déclaré qu’on disait que des armes y étaient stockées. Humberto Cairo, membre du Comité de la filiale à l’époque, avait alors conduit les policiers à l’endroit où étaient stockées les publications. Il n’y avait évidemment pas d’armes. Les seules armes étaient celles que les policiers braquaient sur Humberto. Les policiers l’ont ensuite escorté jusqu’au bureau de frère Eisenhower, le coordinateur du Comité de la filiale, au premier étage. Là, l’inspecteur a rédigé un rapport sur les résultats de ses investigations qu’il a fait signer par les frères, puis il leur a dit que le gouvernement préparait un décret au sujet des Témoins de Jéhovah. Le Comité de la filiale a aussitôt écrit la lettre à l’intention des surveillants de circonscription pour qu’ils se préparent en vue d’une interdiction.

Or l’œuvre des Témoins de Jéhovah en Argentine était interdite depuis 1950. Était-​il possible d’interdire une œuvre déjà interdite ? La réponse ne s’est pas fait attendre. Tomás Kardos, membre du Comité de la filiale, se souvient du 7 septembre 1976, jour où la nouvelle interdiction a pris effet. “ À cinq heures du matin, nous avons été réveillés par du bruit dans la rue. Une lumière rouge intermittente pénétrait à travers les volets. Ma femme s’est levée précipitamment, a regardé par la fenêtre et, se tournant vers moi, m’a dit simplement : ‘ Ils sont là. ’ ”

Quatre hommes armés ont sauté d’une camionnette de la police, et des agents ont été aussitôt postés dans les bureaux et à l’imprimerie. Frère Kardos poursuit : “ Nous nous demandions si nous allions pouvoir examiner le texte du jour et prendre notre petit-déjeuner. Les policiers nous y ont autorisés. Ce matin-​là, nous avons donc discuté d’un verset de la Bible avec un policier armé surveillant la porte et un autre assis respectueusement à table. Tous, nous nous demandions ce qui allait se passer ensuite. ”

Le décret daté du 31 août 1976 interdisait l’œuvre des Témoins de Jéhovah dans tout le pays, ce qui revenait en fait à interdire des activités déjà interdites depuis 1950. La police a fermé à clé les bureaux de la filiale ainsi que l’imprimerie, et peu après toutes les Salles du Royaume ont été fermées à leur tour.

Malgré cela, les frères étaient déterminés à imiter les apôtres de Jésus en obéissant à Dieu, en sa qualité de chef, plutôt qu’aux hommes (Actes 5:29). Les Témoins d’Argentine ont donc continué à prêcher le message de la Bible “ en époque difficile ”. — 2 Tim. 4:2.

Les difficultés sont surmontées

Puisque la filiale était officiellement fermée, le Comité de la filiale a décidé d’installer ailleurs les bureaux et l’imprimerie. Humberto Cairo a dû transférer fréquemment son bureau, à peu près chaque mois. Il a travaillé dans des appartements, des locaux commerciaux, des foyers ou dans les bureaux de ses frères. À un certain moment, Charles Eisenhower effectuait son service dans un dépôt de vin dont le propriétaire était un frère. Le Comité de la filiale tenait ses réunions dans des garages de Buenos Aires.

La maison où vivaient les membres de la famille du Béthel n’ayant pas été fermée, ceux-ci prenaient leurs repas et dormaient au Béthel ; ils examinaient aussi le texte du jour ensemble, en famille. Ensuite, ils se rendaient là où ils effectuaient leur service. Ceux dont le bureau n’était pas très loin revenaient au Béthel à midi pour y prendre leur repas avec les membres de la famille qui s’occupaient de la maison.

La police se montrait suspicieuse quant à l’activité des frères vivant au Béthel. À plusieurs reprises, la famille entière du Béthel, qui comptait dix membres, a été emmenée au siège de la police pour y être interrogée. Les policiers voulaient tout savoir sur l’œuvre des Témoins de Jéhovah en Argentine : qui s’occupaient des congrégations et où vivaient-​ils ? Frère Eisenhower se souvient fort bien de ces interrogatoires : “ Nous devions dire la vérité sans pour autant mettre en danger l’œuvre ou les frères. C’était assez difficile, car les autorités se montraient insistantes. ”

“ Suspendez le thé ”

Juste avant que l’interdiction n’entre en vigueur, en 1976, la Société avait prévu la diffusion dans le monde entier d’une édition spéciale des Nouvelles du Royaume. Qu’allait-​on faire si le gouvernement imposait de nouvelles restrictions à l’activité des Témoins de Jéhovah ? Pablo Giusti, alors surveillant itinérant, se souvient : “ Ne connaissant pas la réponse, nous avons dû consulter la filiale. Si celle-ci jugeait sage de différer cette campagne, elle enverrait aux anciens un télégramme portant le message ‘ Suspendez le thé ’. Nous étions loin d’imaginer le malentendu que cette instruction allait susciter. ”

Peu après l’entrée en vigueur du décret du gouvernement, frère et sœur Giusti ont visité pour la première fois la congrégation de Malargüe. C’était au sud de Mendoza, où se trouvait le siège de la police des frontières. Les Giusti n’avaient pour toute adresse que celle d’un ancien qui habitait et travaillait dans l’immeuble du Service des routes nationales, dans les faubourgs de la ville. L’ancien n’était pas là, mais un employé leur a dit qu’il était peut-être dans le bois voisin où il allait souvent faire de l’exercice. Alors qu’il descendait l’allée, remarquant que l’endroit était isolé et désert, frère Giusti s’est dit que c’était un endroit idéal pour se réunir sans susciter de soupçons. Comme on était dimanche, il s’est demandé s’il n’allait pas y trouver la congrégation réunie. Mais le frère était seul, en train de faire de l’exercice. Une surprise attendait les Giusti.

Après s’être présenté, Pablo a interrogé le frère sur la congrégation. Celui-ci lui a dit : “ Oh ! ici à Malargüe, on a tout suspendu. ”

“ Qu’entends-​tu par tout ? ”, lui a demandé Pablo.

La réponse a été simple et directe : “ Nous avons reçu un télégramme disant ‘ Suspendez le thé ’. Alors nous avons suspendu les réunions, la prédication, [...] tout. ” C’était, fort heureusement, la seule congrégation à avoir agi ainsi.

Des visites éclair

Après la fermeture de la filiale, les membres du Comité de la filiale se sont réunis avec les surveillants de circonscription pour les instruire sur la façon d’effectuer leur service. On leur a demandé de trouver un emploi à temps partiel et d’avoir une adresse permanente pour limiter les soupçons relatifs à leurs activités. La plupart d’entre eux vendaient toutes sortes de produits le matin et desservaient les congrégations l’après-midi.

Les surveillants de circonscription ont fait rapidement le tour de leur circonscription pour transmettre les instructions de la filiale. En l’espace d’une semaine, ils avaient rendu visite aux anciens de chaque circonscription, chacune comprenant environ 20 congrégations. Ils ont donné des instructions sur la façon de diriger les réunions et de donner le témoignage en tenant compte des conditions nouvelles. Ils ont aussi expliqué aux anciens que la visite du surveillant de circonscription ne durerait pas nécessairement une semaine, mais que cela dépendrait du nombre d’études de livre dans la congrégation. Les réunions auraient lieu dans des foyers privés, et le surveillant de circonscription ne passerait qu’une journée avec chaque groupe.

Durant l’interdiction, les surveillants de circonscription ont joué un rôle capital dans le maintien des contacts entre les proclamateurs et le Comité de la filiale. Mario Menna, qui était surveillant de circonscription durant l’interdiction, se souvient : “ Desservir les congrégations et encourager les frères pendant toutes ces années a été un réel privilège. Nous nous efforcions de les encourager en leur faisant écouter des enregistrements des discours prononcés aux assemblées, en leur montrant les nouvelles publications venant de pays voisins ou en leur relatant des faits stimulants. ”

Et les missionnaires ?

L’agitation sociale grandissait. Comme les étrangers n’étaient pas bien vus, on a proposé aux missionnaires de les nommer ailleurs. Certains ont accepté et ont poursuivi fidèlement leur service dans un autre pays.

Quelques-uns sont restés en Argentine. Mary Helmbrecht, de la 13classe de Guiléad, effectuait son service à Rosario (Santa Fe). Le matin où l’interdiction est entrée en vigueur, une chaude matinée d’été, elle a sonné à la porte grande ouverte d’une maison. La radio hurlait. Soudain, Mary a entendu l’annonce de l’interdiction de l’œuvre des Témoins de Jéhovah dans toute l’Argentine. “ Quand la maîtresse de maison est venue à la porte, dit Mary, j’ai repris mon calme et j’ai prêché comme d’habitude. Nous avons continué notre activité toute la matinée, comme prévu. Ayant le sentiment que là où nous étions il n’y avait pas de problème important, nous avons décidé de rester, et nous avons bien fait. Quand ils ont vu que nous n’avions pas d’ennuis, les membres de la congrégation qui, par peur, n’osaient pas prêcher n’ont pas tardé à se joindre à nous. ” — 1 Thess. 5:11.

Des trésors cachés

Les Témoins dans les congrégations ont fait preuve de courage et d’ingéniosité durant cette époque défavorable. Robert Nieto raconte : “ Un juge de paix bienveillant nous a avertis que les Salles du Royaume allaient être fermées et les publications confisquées. Nous sommes aussitôt partis avec deux voitures à la Salle du Royaume pour y prendre la grande quantité de publications que nous gardions à disposition. Alors que nous nous éloignions de la salle, nous avons vu arriver derrière nous les policiers et les soldats qui avaient été envoyés pour la fermer et confisquer les publications. Ils n’ont pu s’acquitter que de la première partie de leur mission, car les seuls livres encore dans la salle étaient ceux de la bibliothèque. ”

En un autre endroit, les anciens de la congrégation ont profité de la nuit pour pénétrer prudemment dans la Salle du Royaume et emporter tranquillement les publications. Plus tard, ils en ont fait de petits paquets qu’ils ont répartis entre les frères.

À Tucumán, Nérida de Luna a caché des publications chez elle. Elle raconte : “ Nous avons caché les livres dans de gros pots de fleurs et des urnes énormes, sur lesquels nous avons arrangé des fleurs artificielles, et nous avons dissimulé les cartons dans la buanderie. Un matin, deux soldats ont fouillé toute la maison ainsi que la buanderie. Nous sommes restés là, priant avec ferveur. Ils n’ont rien trouvé. ”

La nourriture spirituelle est servie

Les publications que les frères avaient pu récupérer et cacher n’ont évidemment pas tardé à être épuisées. Toutefois, Jéhovah a continué de leur fournir la nourriture spirituelle. L’imprimerie de la rue Fitz Roy était fermée, mais on a continué à imprimer ailleurs, à Buenos Aires. Les pages des périodiques étaient également imprimées à Santa Fe et à Córdoba, après quoi elles étaient emportées dans d’autres endroits pour y être assemblées. Au début, les congrégations ne recevaient qu’un périodique par groupe d’étude, mais par la suite il y en a eu un par proclamateur. Une des imprimeries se trouvait dans la cave d’une maison située à deux pâtés seulement des bureaux présidentiels.

Rubén Carlucci, qui participait à l’impression et à la livraison des publications durant l’interdiction, se souvient qu’un jour le propriétaire de la maison où s’effectuait l’impression des publications est venu avertir les frères que la police militaire fouillait maison après maison. Les frères ont immédiatement arrêté leur travail et ont rapidement chargé dans un camion tout l’équipement, à l’exception de la presse. Rubén raconte : “ L’opération de la police avait une telle ampleur que nous étions encerclés et incapables de quitter le quartier. Ayant remarqué un restaurant non loin de là, nous y sommes entrés et nous avons attendu que les perquisitions soient terminées. Nous avons dû attendre quatre heures, mais cela en valait la peine, car nos frères ont reçu leurs précieuses publications. ”

“ Pepita la pistolera ”

Les pages de La Tour de Garde et de Réveillez-vous ! ont été pendant un temps secrètement assemblées dans un bâtiment en construction de la capitale, bâtiment qui, à l’origine, aurait dû devenir une Salle du Royaume. Luisa Fernández, au Béthel depuis longtemps, participait à cette activité. Un matin, alors que Luisa et ses compagnons commençaient leur travail, on a frappé à la porte. C’était un inspecteur de police. Il les a informés que les voisins avaient déposé une plainte à cause du bruit des machines. “ C’était tout à fait compréhensible, dit Luisa, car l’encarteuse-piqueuse était si bruyante que nous l’avions surnommée Pepita la pistolera. ”

Un membre du Comité de la filiale, qui arrivait à ce moment-​là, a expliqué ce que nous faisions. L’inspecteur a alors dit : “ S’il n’y a plus personne ici quand je reviendrai cet après-midi, alors je n’ai rien vu. ” Les frères ont aussitôt tout chargé dans des camions. Deux heures après, il n’y avait plus aucune trace du travail d’assemblage des périodiques.

Mais où les frères ont-​ils mis les machines ? L’imprimerie de la filiale avait été fermée, mais il était possible d’y pénétrer par la porte de derrière. Luisa et d’autres ont donc tout entreposé dans l’ancienne imprimerie du Béthel et, là, ils ont continué à assembler les périodiques sans être remarqués par personne.

Mieux qu’une fabrique de biscuits

Pour produire et livrer les périodiques dont avaient besoin tous les Témoins d’Argentine, il a fallu prévoir des ateliers d’assemblage dans d’autres parties du pays. Leonilda Martineli, pionnière spéciale depuis 1957, a participé à ce travail à Rosario. Quand arrivaient les pages imprimées pour être assemblées, les frères et les sœurs désignés pour cela les disposaient sur une longue table dans l’ordre numérique. Partant d’un bout de la table, chacun se déplaçait jusqu’à l’autre bout en assemblant les pages. Quand était constituée une pile de périodiques, il fallait la presser pour en extraire l’air de manière à mettre le maximum de périodiques dans un carton. Comme il n’y avait pas de presse hydraulique, une sœur bien en chair s’est proposée de faire ce travail. Quand une pile suffisamment importante était prête, elle s’asseyait dessus jusqu’à ce qu’elle soit bien aplatie. Ensuite, quelqu’un d’autre mettait soigneusement les périodiques dans un carton. Cela marchait tellement bien que les frères ont prié la sœur de ne pas se mettre au régime.

À Santa Fe, les Gaitán avaient proposé leur maison pour y assembler les périodiques. Malgré les précautions prises, les voisins voyaient des cartons entrer et sortir de la maison. Ils pensaient que cette famille fabriquait des gâteaux. Quand, en 1979, la filiale a transféré dans un autre lieu l’assemblage des périodiques, les voisins ont été perplexes. Plus tard, ils ont demandé si la fabrique de gâteaux avait été fermée. Sœur Gaitán se souvient : “ Les ‘ gâteaux ’ que nous fabriquions étaient délicieux et beaucoup plus nutritifs que les voisins ne l’imaginaient. ”

La livraison des publications

La livraison des périodiques et des autres publications était un autre défi à relever. Dans l’agglomération de Buenos Aires, on avait organisé un système qui prévoyait de livrer les périodiques dans des dépôts bien situés. Un jour que Rubén Carlucci livrait les périodiques et qu’il n’avait plus qu’un arrêt à faire, un agent de police lui a fait signe de se ranger derrière la camionnette de la police. Très inquiet, Rubén a obéi tout en priant Jéhovah de lui venir en aide. Rubén a donc rangé son camion derrière la camionnette, après quoi l’agent s’est approché et lui a demandé : “ Auriez-​vous l’amabilité de me pousser ? Mon véhicule n’arrive pas à démarrer. ” Rubén a alors laissé échapper un soupir de soulagement et s’est montré tout à fait disposé à lui rendre ce service. Puis il est reparti, tout heureux, terminer ses livraisons.

Dante Doboletta, qui était surveillant de circonscription dans la région de Rosario (Santa Fe), allait chercher les périodiques là où on les assemblait, après quoi il les livrait dans toutes les congrégations de sa circonscription. Cela représentait un circuit de 200 kilomètres au moins deux fois par mois. Pour éviter d’être remarqué, il faisait cela tard dans la nuit, après avoir terminé son service dans une congrégation, ce qui le faisait parfois rentrer au petit matin. Un jour, il a aperçu devant lui une longue file de voitures arrêtées à un poste de contrôle où plus de 30 soldats lourdement armés examinaient attentivement les papiers et les bagages de chacun. Un soldat a alors demandé à Dante : “ Qu’avez-​vous dans la voiture ? ”

“ Mes affaires ”, a répondu Dante.

Le soldat lui a dit : “ Allez ! Ouvrez le coffre. ”

Et Dante de répondre : “ Nous sommes Témoins de Jéhovah. Que pouvons-​nous donc bien transporter ? ”

Ayant entendu la conversation, un autre soldat a dit alors : “ Laisse-​les partir. Les Témoins de Jéhovah ne transportent ni armes ni contrebande. ” Pendant deux ans, Dante a pu livrer les publications sans jamais être fouillé.

Ils n’ont pas abandonné les réunions

Depuis la première semaine de l’interdiction, les Témoins de Jéhovah d’Argentine ‘ n’ont pas abandonné leur assemblée ’. (Héb. 10:25.) Ils se réunissaient en petits groupes et changeaient fréquemment le lieu et l’horaire des réunions. Cela compliquait la tâche des anciens, qui bien souvent dirigeaient la même réunion plusieurs fois dans différents foyers.

Dans la petite ville de Totoras, la seule maison disponible pour les réunions était en plein centre-ville. Les Témoins de l’endroit devaient donc redoubler de prudence. Le propriétaire, frère Reverberi, avait fabriqué une table apparemment ordinaire avec un tiroir pour recevoir des bricoles. Mais le dessus de la table pouvait être soulevé, laissant ainsi un espace où il était possible de dissimuler des livres et des périodiques. Lorsque quelqu’un frappait à la porte, toutes les publications étaient rapidement cachées dans la table.

Pour les réunions, les proclamateurs s’habillaient de façon peu cérémonielle. Parfois, les sœurs avaient des bigoudis dans les cheveux, étaient en pantalon ou portaient un sac à provisions. On qualifiait affectueusement les réunions de mateadas, le maté étant une boisson que l’on accompagne couramment de biscuits ou d’un gâteau. En Argentine, il est très courant de se retrouver pour boire du maté. Cette mise en scène constituait un camouflage idéal pour les réunions.

Il y a eu cependant des moments de grande tension. Teresa Spadini, une sœur fidèle et hospitalière, avait une excellente réputation dans son quartier. À l’occasion de la visite d’un surveillant de circonscription, un groupe de 35 personnes étaient réunies dans sa maison. Une voiture de police s’est soudain arrêtée juste devant la maison et un policier a frappé à la porte. Le frère qui donnait le discours s’est immédiatement assis au milieu du groupe. Teresa ayant ouvert la porte, le policier lui a demandé : “ Teresa, est-​ce que je peux téléphoner ? ”

Comme il regardait le groupe réuni, Teresa lui a expliqué : “ Nous avons une réunion de famille. ” Alors que le policier appelait le poste, tout le groupe retenait son souffle, pensant qu’il allait demander une camionnette pour emmener tout le monde. Mais au grand soulagement de tous, il a appelé pour autre chose. Quand il a eu terminé, il a remercié Teresa. Puis, se tournant vers le groupe, il a ajouté : “ Je suis désolé de vous avoir interrompus. Bonne réunion. ”

En cas de descente de police

Un jour qu’un groupe de Témoins s’étaient réunis pour procéder à un baptême, un voisin a averti la police. Comme les frères avaient de toute façon prévu un asado, ou barbecue, pour camoufler le but véritable de la réunion, ils ont fait comme prévu. Les grillades de viande étant le plat favori des Argentins, personne n’a trouvé à redire à ce délicieux camouflage. Quand les “ invités ” inattendus, des soldats, sont arrivés dans un camion de l’armée, les frères et les sœurs les ont invités à se joindre à leur réunion amicale. Les soldats ont décliné l’invitation et sont partis sans savoir ce qu’il y avait au “ dessert ”.

Parfois, les mots que les Témoins de Jéhovah utilisaient entre eux s’avéraient une protection. Un jour que des voisins avaient appelé les autorités pour leur signaler qu’une réunion avait lieu dans une maison privée, les policiers sont arrivés après que tous les assistants étaient partis, à l’exception des anciens. Quand ils ont frappé à la porte, la sœur qui habitait la maison leur a dit : “ Tout le monde est parti, sauf les ‘ serviteurs ’. ”

L’officier a répondu : “ Nous ne voulons pas les serviteurs ; nous voulons les responsables. ” Et ils sont repartis bredouilles.

La prédication sous l’interdiction

La prédication s’est poursuivie malgré les restrictions, mais, dans ces conditions difficiles, les frères se montraient prudents. Habituellement, deux proclamateurs au maximum prêchaient en même temps dans un territoire donné. Sara Schellenberg raconte de quelle façon elle rendait visite aux habitants de Buenos Aires : “ Nous avions dressé de toutes petites cartes de territoire qui tenaient dans la paume de la main. Au verso, il y avait une feuille de papier pliée en accordéon comportant tous les numéros d’habitation. Nous ne frappions qu’à une seule porte de chaque côté d’un pâté et en biffions le numéro, de sorte que le proclamateur qui venait après nous dans ce territoire se présente à une autre maison. Nous allions ensuite dans un autre pâté frapper à une autre porte. ”

Peu après l’adoption de cette stratégie, Cecilia Mastronardi, qui prêchait seule, allait frapper à une porte quand un agent de police à moto est arrivé. “ Il m’a demandé ce que je faisais là, dit Cecilia. Je n’ai pensé qu’à une chose : lui donner le témoignage et lui proposer le livre L’homme est-​il le produit de l’évolution ou de la création ? Il a accepté le livre, m’a donné la contribution et m’a saluée amicalement. J’ai alors réalisé qu’il n’avait pas stoppé pour m’arrêter, mais qu’il habitait dans la maison à laquelle je me présentais. ”

On a utilisé toutes sortes de méthodes pour camoufler l’activité de prédication. C’est dans ce but qu’une sœur s’est fait embaucher par une société de cosmétiques ; elle pouvait ainsi aller de maison en maison et parler à ses clientes. María Bruno, aujourd’hui âgée de 86 ans et pionnière depuis 29 ans, portait un sac d’où dépassaient des plantes, ce qui attirait l’attention des maîtresses de maison qui avaient envie de parler de jardinage. Elle arrivait ainsi à engager des conversations qui lui permettaient de semer des graines de vérité.

Juan Victor Buccheri, un commerçant qui avait été baptisé juste avant l’entrée en vigueur de l’interdiction, désirait lui aussi parler à autrui de la bonne nouvelle qu’il avait apprise. Il avait fixé sur les murs de son magasin des images religieuses ainsi que des posters de vedettes du sport et du spectacle. Il les a remplacés par des photos de paysages portant au-dessous un texte de la Bible. Quelle surprise pour les clients ! Frère Buccheri donnait le témoignage à ceux qui l’interrogeaient sur les photos ou sur les textes bibliques. Il a ainsi commencé plus de dix études bibliques. Certains de ces étudiants ont accepté la vérité et sont toujours des frères fidèles.

Les gens à la bible verte

Les difficultés résultant de l’interdiction ont contribué à faire des proclamateurs d’Argentine des ministres plus capables. Comme ils n’utilisaient que la Bible la première fois qu’ils rendaient visite à une personne, ils sont devenus très habiles pour trouver les textes bibliques permettant de surmonter une objection ou de réconforter quelqu’un.

Pour ne pas éveiller de soupçons, ils utilisaient parfois une autre bible que la Traduction du monde nouveau. Un jour qu’il prêchait en se servant de la version Torres Amat, une bible catholique en espagnol ancien, un frère s’est attiré une réponse inattendue. N’ayant pas compris les textes que le frère lui avait lus, la maîtresse de maison s’est proposée d’aller chercher sa bible, qui était beaucoup plus facile à comprendre. À la grande surprise du frère, elle est revenue avec la Traduction du monde nouveau !

À l’époque, la Traduction du monde nouveau avait une couverture verte. On avait donc averti les gens de ne pas écouter les gens à la bible verte. Mais comme peu d’Argentins étaient d’accord avec les restrictions imposées par le gouvernement, cette mise en garde ne faisait qu’exciter leur curiosité. Une dame a demandé à une sœur quelle était la couleur de sa bible. Celle-ci lui ayant répondu sans mentir qu’elle était verte, la dame lui a dit : “ Très bien, je désire entendre ce que ‘ les gens à la bible verte ’ ont à dire. ” Puis elle a invité la sœur à entrer, et une discussion animée a commencé.

Qui a les livres ?

Pendant un temps, les Témoins d’Argentine ont continué de prêcher en utilisant les publications qu’ils avaient cachées. Mais le stock en a finalement été épuisé, et il était impossible d’en importer de nouvelles. Or il y avait dans les entrepôts de la filiale 225 000 livres qui avaient été saisis.

La police fédérale a décidé de confisquer les livres saisis et de les vendre à une société qui recyclait le papier. Elle a donc passé un marché avec une société de transport pour qu’un de ses camions aille au Béthel, charge les livres et les emporte dans une usine de recyclage. Or le conducteur du camion avait étudié la Bible avec un voisin Témoin de Jéhovah. Quand il a vu ce qu’il transportait, il a demandé à son ancien voisin si les Témoins de Jéhovah désiraient lui acheter les livres. On a fait les démarches nécessaires et, avec l’autorisation de la police, les livres ont été transportés à un endroit indiqué par la filiale. C’est ainsi que, malgré l’interdiction, 225 000 livres ont été disponibles pour être recyclés d’une manière très différente de celle qu’avaient envisagée les autorités.

Jéhovah a également fourni à son peuple d’autres livres de la Société que des frères courageux, des volontaires, faisaient entrer de pays voisins. Norberto González, un pionnier permanent, raconte : “ Un jour, un membre du Comité de la filiale d’Uruguay nous a confié 100 manuels pour l’École du ministère du Royaume afin que nous les fassions parvenir aux frères responsables d’Argentine. Nous avons réussi à faire entrer dans le pays cet enseignement précieux. Une fois la frontière passée, sains et saufs, nous avons tous bondi de joie. ” Un frère n’a peut-être pas sauté de joie aussi haut, celui qui avait caché des imprimés dans sa jambe de bois !

Les Témoins d’Argentine ont appris à apprécier plus que jamais la valeur des publications de la Société Tour de Garde. Au début de l’interdiction, chaque groupe d’étude ne recevait qu’un exemplaire de La Tour de Garde. On le faisait circuler parmi les proclamateurs, qui copiaient les questions et les réponses pour l’étude afin de pouvoir y participer (Phil. 4:12). Pour ne pas révéler le contenu du périodique, la couverture était entièrement blanche, mais à l’intérieur la nourriture spirituelle était délicieuse. Grâce à ces provisions spéciales, les frères ont pu être nourris et rester unis.

Comment camoufler une assemblée

Les frères d’Argentine étaient nourris spirituellement lors des réunions en petits groupes dans lesquelles ils utilisaient les publications disponibles, mais comment pouvaient-​ils bénéficier des trois assemblées annuelles auxquelles goûtaient les Témoins de Jéhovah des autres pays ? Les premières assemblées organisées après l’entrée en vigueur de l’interdiction ont été qualifiées de pilotes. Seuls les anciens et leurs familles y ont assisté. Ils ont ensuite exposé les matières dans leurs congrégations. Héctor Chap, qui a été un surveillant itinérant infatigable pendant de nombreuses années, dit : “ Parfois, nous organisions l’assemblée dans les champs. À la campagne, nous étions entourés d’animaux de ferme. Nous n’y prêtions guère attention, occupés que nous étions à écouter les exposés. Bon nombre de frères enregistraient le programme pour ceux qui ne pouvaient être présents. Cela suscitait par la suite bien des éclats de rire, car les discours étaient accompagnés du meuglement des vaches, des cris des coqs et du braiment des ânes. ”

Les frères parlaient affectueusement de ces assemblées comme de “ pique-niques ”, car elles avaient souvent lieu à la campagne. Dans la province de Buenos Aires, les frères aimaient tout particulièrement un coin de campagne, Strago Murd, près de la frontière avec la province de Santa Fe. Cet endroit était idéal parce qu’il était entouré d’arbres, un excellent camouflage. Mais un jour les assistants à ce “ pique-nique ” ont constaté avec surprise que les beaux arbres avaient été abattus. Bien que n’étant plus dissimulés, ils ont quand même fait leur “ pique-nique ”. Un tronc a servi d’estrade pour les orateurs, et les autres de bancs pour les assistants.

Les frères ont aussi tenu des assemblées dans une usine dont le propriétaire était Témoin de Jéhovah. Celui-ci avait une grosse camionnette avec laquelle il allait chercher ceux qui voulaient assister à l’assemblée. Il allait d’un endroit à un autre, entassait 10 à 15 frères dans la camionnette et revenait à l’usine où il les déposait derrière la porte fermée du garage. Une centaine de personnes pouvaient ainsi se réunir sans être vues par les voisins ou la police. Pendant toutes ces années, d’autres Témoins d’Argentine se sont rendus au Brésil ou en Uruguay pour recevoir la nourriture spirituelle présentée aux assemblées.

Les réunions en prison

Déjà avant l’interdiction de l’œuvre en 1976, un grand nombre de nos jeunes frères ont vu leur fidélité mise à l’épreuve en raison de leur neutralité chrétienne. Déterminés à suivre le principe de la Bible consigné en Isaïe 2:4 selon lequel “ ils n’apprendront plus la guerre ”, beaucoup ont été condamnés à des peines de prison de trois à six ans.

Cependant, même en prison, ils ont trouvé des moyens astucieux d’étudier la Bible et de tenir les réunions. Ils y ont également annoncé le message du Royaume avec zèle. Des anciens des congrégations voisines sont spontanément venus rendre visite à ces jeunes hommes fidèles pour les encourager et leur fournir la nourriture spirituelle indispensable.

Omar Tschieder, qui sert au Béthel depuis 1982, a été incarcéré de 1978 à 1981 dans la prison militaire de Magdalena, dans la province de Buenos Aires, parce qu’il avait refusé de porter l’uniforme militaire. Cette prison était constituée de plusieurs corps de bâtiment de 20 cellules donnant sur le même couloir et mesurant environ 6 m2 chacune. Pour leurs réunions, les Témoins détenus utilisaient les trois cellules situées au fond du couloir. Comme seulement 10 ou 12 frères pouvaient se réunir à la fois, il y avait souvent entre 8 et 14 réunions chaque semaine.

Les frères désignaient l’un d’eux pour qu’il fasse le guet par le judas de la porte et donne l’alerte si quelqu’un arrivait. Ils avaient mis au point plusieurs codes. Parfois, le guetteur frappait simplement au mur. D’autres fois, il avait à la main une ficelle dont l’autre extrémité était tenue par un des assistants dans la pièce. Au moindre danger, le guetteur tirait la ficelle, et celui qui était à l’autre extrémité avertissait le groupe. Une autre méthode consistait à prononcer une phrase qui comportait un mot de passe. Par exemple, le guetteur pouvait crier : “ Est-​ce que quelqu’un a une enveloppe ? ” En entendant le mot de passe “ enveloppe ”, chacun des frères se cachait à un endroit prévu à l’avance : sous le lit, derrière la porte, là où le gardien ne le verrait pas s’il regardait par le judas. Tout cela s’effectuait en quelques secondes et en silence. Il leur fallait une bonne organisation !

Un jour, lors d’une réunion, après qu’on les a avertis qu’un inconnu pénétrait dans le corps de bâtiment, les frères se sont rapidement cachés. Un prisonnier qui n’était pas Témoin de Jéhovah a ouvert la porte et a déposé quelque chose sur la table. Alors qu’il était sur le point de sortir, il s’est retourné et a demandé : “ Pourquoi êtes-​vous tous cachés ? ” Au même moment, un gardien a donné un coup de sifflet afin de réclamer des volontaires pour faire du ménage. Les frères ont donc répondu : “ Nous ne voulons pas qu’il nous voie. ” Le visiteur a très bien compris et est vite reparti. Les frères ont terminé leur réunion sans d’autres interruptions.

Une bibliothèque secrète dans la prison

Grâce à leur bonne conduite, les Témoins se sont vu confier des responsabilités au sein de la prison. Certains faisaient fonctionner l’imprimerie, d’autres étaient responsables du théâtre, de l’infirmerie ou du salon de coiffure. Pour servir les intérêts du Royaume, ils ont pleinement tiré profit des nombreux privilèges qu’ils avaient obtenus. Par exemple, d’après le plan de la prison de Magdalena, le théâtre était de forme rectangulaire. Or, les angles de la salle étaient arrondis. Il y avait donc derrière les murs d’angle un espace d’environ 2,40 mètres de haut, 1,80 mètre de large et 1,20 mètre de profondeur. C’était l’endroit idéal pour aménager une bibliothèque approvisionnée en bibles et en publications de la Société.

Héctor Varela, qui a passé trois ans dans cette prison, explique que les frères pouvaient pénétrer dans cet espace en enlevant une cloison dans la salle de projection et en escaladant ensuite un établi. Ils cachaient également des livres dans les placards des salles à manger.

De temps à autre, les frères avaient la permission de sortir de la prison pour rendre une brève visite aux membres de leur famille. Ils profitaient souvent de cette sortie pour rapporter les derniers numéros de La Tour de Garde et de Réveillez-vous ! Rodolfo Domínguez, qui est maintenant surveillant itinérant, raconte ce qui s’est passé en une telle circonstance : “ Nous avions dissimulé La Tour de Garde et Réveillez-vous ! sous nos vêtements. Quand nous sommes arrivés à la prison, il y avait une longue file d’attente, car les gardiens procédaient à une fouille minutieuse des prisonniers. Petit à petit, nous avons avancé vers le lieu d’inspection. Puis, juste quand notre tour est arrivé, les gardiens ont été remplacés et la fouille a été interrompue. ”

“ Nous avons tenu toutes les réunions de la congrégation en prison, poursuit frère Domínguez. En fait, c’est là que j’ai donné mon premier discours public. ” Les Témoins emprisonnés jouaient même les drames bibliques en utilisant des costumes qu’ils rapportaient dans leurs effets personnels lorsqu’ils rendaient visite à leur famille. Les gardiens étaient loin de se douter de la manière dont les sandales, les toges et autres choses de ce genre seraient utilisées.

Ils ont fait des disciples derrière les barreaux

Même derrière les barreaux, la prédication et l’œuvre consistant à faire des disciples avaient du succès. Norberto Hein a été l’un de ceux qui ont été touchés par le zèle et la bonne conduite des frères en prison. Il était dans l’armée argentine quand on l’a envoyé en prison pour trafic de drogue. Dans plusieurs prisons, il a rencontré des jeunes Témoins détenus parce qu’ils étaient objecteurs de conscience. Impressionné par leur conduite, durant son incarcération dans la prison de Puerto Belgrano il a demandé une étude de la Bible. Au bout d’un mois, il avait fini d’étudier le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle. Par la suite, on l’a transféré à la prison de Magdalena, où il s’est fait baptiser en 1979.

“ Le discours du baptême a été donné un dimanche vers 21 heures, se souvient Norberto. L’assistance comptait environ dix personnes, mais d’autres frères se trouvaient à l’extérieur de la cellule pour faire le guet. Après le discours, je suis allé avec deux frères dans la salle à manger, où il y avait un énorme bac qui servait à laver les marmites et les casseroles. ” Ce “ bac baptismal ” était rempli d’eau froide. Norberto s’en rappelle très bien, car c’était l’hiver !

Bien qu’on l’ait persécuté parce qu’il s’était associé aux Témoins de Jéhovah, il est resté ferme dans le service divin (Héb. 11:27). Lui et sa femme, María Esther, servent fidèlement au Béthel depuis plus de 15 ans.

‘ Ne demandez pas à Dieu de me punir ’

Un grand nombre de gardiens de prison étaient tolérants à l’égard des Témoins, mais certains ne l’étaient pas. Dans une prison militaire, un gardien en chef privait les frères de nourriture et de couvertures à chaque fois qu’il était de service. Ce gardien était vraiment méchant. À ce propos, Hugo Coronel raconte : “ Un matin avant l’aube, ce gardien a ouvert d’un coup de pied la porte de ma cellule, m’a traîné dehors, et, me montrant cinq soldats armés, m’a déclaré que mon heure avait sonné. Il a essayé de me faire signer un papier laissant entendre que je renonçais à ma foi. Comme j’ai refusé, il m’a dit d’écrire une lettre à ma mère, car j’allais mourir. Exaspéré, il m’a ensuite poussé contre un mur de briques, a demandé au peloton d’exécution de mettre ses armes en joue et a donné l’ordre de tirer. J’ai seulement entendu le déclic des percuteurs. Les fusils n’étaient pas chargés. Il s’agissait simplement d’un piège destiné à briser mon intégrité. Ce gardien, persuadé que je serais mort de peur, est venu vers moi. Voyant que je restais calme, il a perdu son sang-froid et s’est mis à crier. On m’a ramené dans ma cellule, un peu secoué, mais heureux que Jéhovah ait répondu à mes prières dans lesquelles je lui demandais de rester ferme. ”

Quelques jours avant que l’on transfère Hugo dans une autre prison, le gardien en chef a annoncé dans tous les corps de bâtiment que le lendemain il allait l’obliger à porter un uniforme. “ Même Jéhovah ne pourra pas empêcher ça ”, a-​t-​il dit. Que s’est-​il passé ? “ Le lendemain, poursuit Hugo, nous avons appris que ce gardien avait été décapité dans un terrible accident de voiture. Cet événement a marqué profondément tous les gens de la prison. La plupart ont pensé que c’était Dieu qui l’avait puni à cause de son orgueil et de ses menaces. D’ailleurs, le gardien qui m’a reconduit à ma cellule ce soir-​là m’a supplié de ne pas demander à Dieu de le punir lui aussi ! ” Hugo sert aujourd’hui comme ancien à Villa Urquiza, dans la province de Misiones.

Une chose est sûre : tous ces jeunes gens qui ont refusé de faire le service militaire ont gardé leur intégrité en dépit de conditions très difficiles. Les autorités de la prison en ont menacé quelques-uns de mort. D’autres ont été battus, privés de nourriture ou mis au régime cellulaire. Malgré les mauvais traitements que ces frères ont subis, leur foi et leur fidélité ont donné un puissant témoignage au personnel des prisons et par la même occasion aux autres prisonniers.

Aidés par une étude familiale régulière

Les enfants également ont été appelés à ‘ présenter une défense devant tout homme qui leur demandait la raison de l’espérance qui était en eux ’. (1 Pierre 3:15.) Quand les fils de Juan Carlos Barros, âgés de sept et huit ans à l’époque, étaient à l’école primaire, la directrice a demandé à l’aîné de saluer le drapeau devant toute la classe. Comme il a refusé, elle s’est mise à crier, à le frapper et elle l’a poussé vers le drapeau. Malgré tout, il a refusé de le saluer. Elle a ensuite emmené les deux garçons dans son bureau et pendant une heure elle a tenté de les obliger à chanter des chants patriotiques. Voyant que ses efforts n’aboutissaient pas, elle a décidé de les renvoyer.

Cette affaire a été portée devant un tribunal administratif. Durant l’audience, le juge a pris les deux garçons à part pour les questionner. Leurs réponses instantanées l’ont tellement troublé qu’il s’est mis à trembler ; il a cogné du poing sur la table et a quitté la pièce. Il est revenu 15 minutes plus tard, mais encore visiblement secoué. Néanmoins, la décision a été en faveur des Témoins ! Après avoir rendu un jugement favorable, le juge a dit à frère Barros : “ Quelle belle famille vous avez ! Si toutes les familles avaient des principes aussi élevés, le pays se porterait mieux. ” Frère Barros a déclaré : “ Cette expérience m’a montré combien il est utile d’avoir une étude familiale régulière pour préparer nos enfants à rester fermes dans la foi. ” Finalement, en 1979, la Cour suprême d’Argentine a statué que les enfants avaient droit à l’enseignement.

Une époque de nouveau favorable

Depuis 1950, la filiale demandait à chaque nouveau gouvernement de reconnaître légalement les Témoins de Jéhovah en tant que religion. Pour ce faire, plusieurs étapes devaient être franchies. Dans un premier temps, il fallait créer une association légale, composée d’un certain nombre de membres et ayant des buts sociaux et religieux, comme enseigner la Bible. Ensuite, cette association devait être enregistrée, et le gouvernement devait reconnaître la légalité de ses buts. Si tel était le cas, il lui attribuait un numéro d’enregistrement qui lui permettait de faire une demande pour être reconnue en tant qu’organisation religieuse. Jusqu’en 1981, la demande des Témoins de Jéhovah a été rejetée sous prétexte que leurs buts sociaux et religieux étaient contraires à la loi du fait de l’interdiction de leur œuvre.

En novembre 1976, juste deux mois après que l’œuvre des Témoins de Jéhovah a été de nouveau interdite, le bureau de la filiale a adressé une requête à la Cour nationale d’Argentine pour qu’elle lève l’interdiction. D’autre part, la filiale a fait appel de certains jugements relatifs au renvoi d’enfants Témoins de Jéhovah de leur école parce qu’ils avaient refusé de participer à des cérémonies patriotiques, à l’emprisonnement de frères à cause de leur objection de conscience et à la saisie des publications de la Société.

Le 10 octobre 1978, ces requêtes ont été également présentées devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Cette commission a estimé que le gouvernement avait en la matière violé les droits des Témoins de Jéhovah et lui a recommandé de lever l’interdiction.

Le 12 décembre 1980, le régime militaire a accepté cette recommandation et a levé l’interdiction. Le peuple de Jéhovah en Argentine pouvait ainsi se réunir librement. Quelle joie les frères ont éprouvée ! Les activités des Témoins de Jéhovah n’étaient plus interdites. Cependant, leur organisation religieuse n’était toujours pas reconnue légalement.

Finalement, le 9 mars 1984, le gouvernement a reconnu l’Association des Témoins de Jéhovah comme une religion. Les longues années de combat pour la reconnaissance légale s’achevaient. Enfin, on pouvait identifier les Salles du Royaume par des enseignes. Combien nos frères d’Argentine s’en sont réjouis ! Tous se rappelaient ces paroles du psalmiste : “ Jéhovah a fait une grande chose en ce qu’il a fait avec nous. ” — Ps. 126:3.

Mais cette reconnaissance légale allait leur permettre d’avoir bien plus qu’une enseigne sur une Salle du Royaume. Ciríaco Spina, ancien à Buenos Aires, a déclaré : “ Quand l’interdiction a été levée et que nous avons pu organiser de nouveau de grands rassemblements, nous avons voulu utiliser les meilleurs lieux qui soient pour honorer notre Dieu, Jéhovah. Nous avions, à plusieurs reprises, tenté d’utiliser le nouveau stade de Mar del Plata, mais comme nous n’étions pas reconnus légalement, on ne nous en avait jamais donné l’autorisation. Puis, en 1984, grâce à Jéhovah, les Témoins ont été légalement reconnus. Maintenant, pour nos assemblées, nous pouvons utiliser et ce stade et, depuis quelques années, le nouveau Centre sportif. ”

Cela faisait des années que les frères n’avaient pas eu la joie de goûter à l’atmosphère stimulante d’un grand rassemblement. La filiale a donc décidé de profiter de la visite imminente du surveillant de zone, Fred Wilson, pour en organiser un. En moins de deux semaines, des dispositions ont été prises pour que les frères du Grand Buenos Aires puissent se réunir dans le stade Vélez Sarsfield. Il s’agissait du premier grand rassemblement depuis que l’interdiction avait été levée. Malgré ce court délai, une foule d’environ 30 000 personnes a assisté à la joyeuse “ fête ” spirituelle le 15 février 1984. — Ps. 42:4.

Les conséquences de l’interdiction

Sous le régime militaire, des milliers de personnes ont disparu ou ont été exécutées. Ce qui est surprenant, c’est que malgré la forte opposition du gouvernement envers les Témoins de Jéhovah, pas un seul d’entre eux ne s’est trouvé parmi les disparus.

Non seulement leurs vies ont été épargnées, mais grâce à l’interdiction ils ont fait parler d’eux. Avant celle-ci, les personnes qui demandaient aux Témoins quelle était leur religion restaient perplexes en les entendant leur répondre : “ Témoins de Jéhovah. ” Cela n’était plus le cas après la levée de l’interdiction. Susana de Puchetti, évangélisatrice à plein temps depuis 37 ans, a dit : “ Lorsque l’interdiction a été levée, on ne nous a plus appelés ‘ Fils de Jéhovah ’ ou ‘ Les Jéhovah ’ ; on ne nous a également plus confondus avec les évangélistes. Sous l’interdiction, notre véritable nom a été fréquemment mentionné à la radio ou dans les journaux. Cela a donné un bon résultat : les gens ont finalement appris le nom de Témoins de Jéhovah. ”

L’exemption du service militaire

À peu près à la même époque, Madame María T. de Morini, sous-secrétaire au Bureau des cultes, qui avait tenté de faire reconnaître l’Association des Témoins de Jéhovah comme une religion, a organisé une importante réunion rassemblant des représentants de cette association, le secrétaire du Bureau des cultes et le ministre de la Défense. Le but de cette réunion était de discuter de l’exemption du service militaire pour les Témoins de Jéhovah. Le Comité de la filiale espérait l’exemption du service militaire pour les pionniers permanents, mais les autorités étaient disposées à aller au-delà.

Elles étaient prêtes à accorder l’exemption du service militaire à quiconque était considéré comme étudiant. Or, tous ceux qui étaient inscrits à l’École du ministère théocratique étaient considérés comme des étudiants en théologie. Lorsqu’un frère baptisé atteignait l’âge de 18 ans et qu’il devait se présenter pour le service militaire, les anciens de sa congrégation remplissaient et signaient un formulaire qui attestait sa bonne conduite. Ce formulaire était envoyé au bureau de la filiale pour qu’il soit signé, après quoi il était adressé au Bureau d’enregistrement des cultes. En retour, ce bureau émettait un certificat que le frère devait présenter aux autorités militaires pour être exempté. Ce système efficace a été employé jusqu’à ce que le service militaire ne soit plus obligatoire, dans les années 90.

Un accroissement surprenant en tous lieux

Entre 1950 et 1980, alors que le gouvernement avait interdit l’œuvre des Témoins de Jéhovah, les frères ont continué de prêcher la bonne nouvelle avec zèle malgré les difficultés. Jéhovah les a donc récompensés en favorisant l’accroissement. En 1950, l’Argentine comptait 1 416 proclamateurs. En 1980, il y en avait 36 050 !

Lorsqu’ils ont été légalement reconnus, les Témoins sont devenus plus nombreux, conformément à la prophétie d’Isaïe 60:22, qui déclare : “ Le petit deviendra un millier et l’infime une nation forte. Moi, Jéhovah, j’accélérerai cela en son temps. ” Un simple coup d’œil sur les rapports provenant de tout le pays prouve la véracité de ces paroles. Par exemple, depuis la levée de l’interdiction, les 70 proclamateurs de l’unique congrégation de Francisco Solano, dans le Grand Buenos Aires, ont connu un accroissement tel qu’ils sont aujourd’hui 700 répartis dans sept congrégations.

Alberto Pardo, qui est ancien à Cinco Saltos, dans la région du Rio Negro, se rappelle l’époque où il n’y avait que 15 proclamateurs dans cette ville. Aujourd’hui il y a trois congrégations et 272 proclamateurs au total, soit 1 Témoin pour 100 habitants. Marta Toloza, qui fait partie de la congrégation de Carmen de Patagones, à Buenos Aires, déclare : “ C’est merveilleux de repenser au petit groupe qui se réunissait dans une pièce minuscule en 1964 et de le comparer aux 250 frères et sœurs qui se réunissent à présent dans trois Salles du Royaume. ”

En raison de l’accroissement rapide enregistré à Palmira et dans les villes voisines, le discours public et l’étude de La Tour de Garde devaient avoir lieu deux fois chaque week-end. Les frères et sœurs se sentaient ainsi plus à leur aise dans la Salle du Royaume. Pour le Mémorial, ils louaient une plus grande salle étant donné que l’assistance s’élevait régulièrement à plus de 250 personnes. Depuis 1986, des congrégations ont été formées dans quatre villes qui étaient à l’origine dans le territoire de la congrégation de Palmira.

La congrégation de José León Suárez, située dans le Grand Buenos Aires, qui comptait 33 proclamateurs, a donné naissance à cinq congrégations. Juan Schellenberg, ancien dans cette congrégation, explique : “ Chaque fois que l’on formait une nouvelle congrégation, le territoire rapetissait. Maintenant nous n’avons qu’un quartier limité qui comprend 16 pâtés de maisons en longueur et 8 en largeur. Nous le couvrons une ou deux fois par semaine. Beaucoup de personnes que nous rencontrons sont indifférentes à notre message, mais nous avons encore de bonnes discussions et pouvons commencer des études bibliques. Étant donné que la Salle du Royaume se situe au centre de notre territoire, la plupart des 100 proclamateurs peuvent se rendre aux réunions à pied. ”

L’esprit pionnier se développe

Quand l’interdiction a été levée, on a pu entreprendre une vaste activité de prédication. Beaucoup de territoires avaient grand besoin de proclamateurs.

Au mois de décembre 1983, dix couples de pionniers spéciaux temporaires ont été envoyés trois mois dans des territoires rarement parcourus par les Témoins de Jéhovah afin d’y lancer l’activité de prédication. Les couples choisis étaient déjà pionniers permanents ou auxiliaires et avaient été recommandés par les surveillants de circonscription. Leur objectif était de rendre un vaste témoignage en diffusant des publications et en s’efforçant de commencer des études bibliques. Les personnes ayant manifesté de l’intérêt étaient suivies soit par les proclamateurs des congrégations voisines, soit par lettres. Cette campagne de prédication a produit d’excellents résultats. À présent, il existe des congrégations dans neuf des dix villes dans lesquelles ces pionniers ont prêché.

Argentina de González faisait partie de ces pionniers spéciaux temporaires. Elle et son mari ont été envoyés dans la ville d’Esquina. Ils sont arrivés là-bas avec leurs quatre enfants. Trois fois par semaine, ils transformaient une des chambres de leur maison en salle de réunion. Quand ils prêchaient de maison en maison, presque tous les habitants les invitaient à entrer chez eux. Tout d’abord, ils désiraient savoir d’où ils venaient, combien d’enfants ils avaient et où ils habitaient. “ Une fois leur curiosité satisfaite, explique Argentina, ils étaient tout à fait disposés à écouter notre message. J’ai commencé sept études bibliques dont une avec une mère et ses quatre enfants. Ils ont tout de suite assisté aux réunions et n’en ont jamais manqué une seule. Après quelques mois seulement, la maman s’est fait baptiser en compagnie de sa fille, qui est devenue plus tard pionnière. Je suis heureuse de savoir que toute cette famille sert toujours fidèlement Jéhovah. ”

Se suffire à soi-​même en quelque situation que ce soit

Des chrétiens ayant l’esprit pionnier étaient disposés à supporter le mauvais temps, l’isolement et des conditions de vie rudimentaires. Quand José et Estela Forte ont été envoyés à Río Turbio, dans la province de Santa Cruz, pour y servir comme pionniers spéciaux, il n’y avait ni Témoin ni étudiant de la Bible. De plus, Río Turbio se trouve à l’extrême sud de l’Argentine, où la température est souvent inférieure à − 15 °C.

Les Forte habitaient dans une petite pièce d’une maison appartenant à des parents de Témoins de Jéhovah. La congrégation la plus proche, à Río Gallegos, était à quelque 300 kilomètres. Un jour qu’ils revenaient d’une réunion, alors qu’ils étaient sur une route déserte, le moteur de leur voiture s’est mis à chauffer à cause d’une fuite d’eau dans le radiateur. Comme la température extérieure était dangereusement basse, ils ont commencé à ressentir ce que les gens de l’endroit appellent el sueño blanco, une somnolence envahissante qui mène à la mort. Ils ont prié Jéhovah pour ne pas s’endormir. Quelle n’a pas été leur gratitude quand ils sont arrivés dans un ranch où ils ont pu se réchauffer et remplir le radiateur de la voiture !

Après avoir, au début, concentré leur activité dans la partie la plus peuplée de l’endroit, les Forte n’ont pas tardé à diriger plus de 30 études bibliques productives. Un groupe a bientôt été formé en ville. Ensuite, ils se sont efforcés de rendre visite aux habitants de la campagne et des montagnes. Une fois par an, José faisait une tournée de prédication de six ou sept jours à cheval. Un jour, José et son compagnon se sont présentés à un ranch où ils ont été accueillis par une femme et un chien de garde agressif. Quand ils ont dit qu’ils étaient Témoins de Jéhovah, la femme les a regardés et a éclaté de rire. “ Non, pas ici ! ” s’est-​elle exclamée. Les deux frères lui ayant demandé la raison de sa réaction, elle leur a expliqué qu’elle avait habité juste à côté du Béthel de Buenos Aires. Et elle a ajouté : “ Je n’aurais jamais pensé que des Témoins de Jéhovah viendraient dans un coin aussi perdu et, en plus, habillés comme des gauchos. ” Elle les a invités à entrer et à manger un morceau, et ils ont eu une discussion biblique très animée. La persévérance des Forte a porté du fruit puisqu’il y a maintenant une congrégation prospère de 31 proclamateurs à Río Turbio.

Une Salle du Royaume florissante

Déterminés à profiter de la saison favorable à la prédication, quelques proclamateurs ont entrepris de prêcher aux habitants des îles du delta du Paraná, non loin de Buenos Aires. Du fait de l’éloignement des îles l’une de l’autre, du peu de moyens de transport disponibles et du temps imprévisible, prêcher dans le delta n’est pas une mince affaire. Le voyage en bateau privé est très onéreux et dangereux. Mais la persévérance a payé. En 1982, un groupe de proclamateurs isolés, rattaché à la congrégation de Tigre, a été formé.

Pour limiter les dépenses, Alejandro Gastaldini, de la congrégation de Tigre, a construit El Carpincho, un bateau en plastique de sept mètres doté d’un moteur à gaz. À peu près à la même époque, Ramón Antúnez et sa famille, de Buenos Aires, ont proposé leur voilier pour faire fructifier les intérêts du Royaume dans le delta. Avec enthousiasme, ces frères zélés ont montré l’exemple et ont invité des proclamateurs d’autres congrégations à soutenir leur activité durant les week-ends. Des études bibliques ont prospéré et donné de bons résultats, si bien que des familles entières ont accepté la vérité.

Comme la plupart des habitants de ces îles n’avaient pas de bateau et que les transports publics étaient très limités, beaucoup de ceux qui s’intéressaient à la vérité avaient bien du mal à assister aux réunions. Les frères se sont donc entraidés pour se réunir et se fortifier les uns les autres. Par exemple, pour que tous puissent assister au Mémorial, un bateau faisait le tour des îles pour embarquer les Témoins baptisés et les personnes bien disposées, et ils célébraient le Mémorial à bord.

Plus tard, Carlos Bustos, sa femme Ana et leur fille Mariana ont été nommés pionniers dans le delta. Pour les aider, la filiale a acheté un bateau à moteur baptisé Precursor I, comprenant une cuisine, un cabinet de toilette et une pièce pour dormir à trois. Le lit de Mariana, à l’arrière, était si étroit qu’ils l’appelaient el sarcófago, le cercueil.

Dans le delta, 20 proclamateurs, dépendant de la congrégation de Tigre, servent aujourd’hui Jéhovah. La plupart des frères possédant maintenant un bateau, ils sont mieux équipés pour s’acquitter de leurs responsabilités théocratiques. Cependant, construire leur propre Salle du Royaume leur semblait être un rêve irréalisable.

En effet, en raison des fréquentes inondations dans la région, les terrains constructibles sont très chers. Pour un petit groupe aux ressources limitées, l’obstacle paraissait insurmontable. Mais si les terrains étaient rares, l’eau, elle, était abondante. Pourquoi donc ne pas construire une Salle du Royaume flottante ? La filiale a fait construire une telle salle, qui a été achevée en juin 1999. Maintenant les anciens de la congrégation de Tigre viennent à tour de rôle dans cette Salle du Royaume pour y diriger les réunions à l’intention du groupe.

Prédication parmi la population coréenne

Les Témoins de Jéhovah d’Argentine s’efforcent de prêcher non seulement dans toutes les régions géographiques du pays, mais aussi aux gens de différentes nationalités. En 1971, avant la seconde interdiction, un frère coréen, Hwang Yong Keun, et sa famille, qui avaient immigré en Argentine, se sont d’abord joints à une congrégation de langue espagnole. Mais les résultats obtenus dans l’œuvre consistant à faire des disciples parmi la population coréenne et l’immigration d’autres Témoins venant de Corée ont rendu possible la formation d’un groupe coréen à Morón, dans la province de Buenos Aires. Peu après, le groupe organisait les cinq réunions hebdomadaires, ce qui a abouti à la formation, en 1975, de la première congrégation coréenne d’Argentine. Un an plus tard, elle dédiait sa première Salle du Royaume à Jéhovah.

Durant l’interdiction, la congrégation coréenne a été divisée en petits groupes. Comme les frères coréens désiraient vivement se réunir tous ensemble, toute la congrégation, ils ont organisé un discours public suivi de l’étude de La Tour de Garde une fois par mois, dans un parc. Les agents de police ne comprenant pas un traître mot de coréen, ils ne se rendaient pas compte qu’il s’agissait d’une réunion religieuse.

Après la levée de l’interdiction, l’œuvre parmi les Coréens n’a cessé de progresser. Comme ils sont disséminés dans tout le pays, il faut souvent parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour leur donner le témoignage et rechercher les personnes qui sont dans la bonne disposition. Deux ou trois fois dans l’année, les Témoins coréens se rendent dans les provinces éloignées à la recherche de commerçants coréens. Jéhovah a béni leurs efforts, car aujourd’hui 288 proclamateurs coréens en moyenne, dans quatre congrégations, prêchent la parole avec zèle.

Jusqu’à ces dernières années, les congrégations coréennes étaient visitées par un surveillant de circonscription de langue espagnole, qui avait besoin d’un interprète pour les réunions, la prédication et les visites pastorales. Mais en 1997 Steven et June Lee (Yi Sung Ho et Kim Yun Kyeong), diplômés de la 102classe de Guiléad, ont été désignés pour rendre visite aux congrégations coréennes en Argentine, au Brésil et au Paraguay. Les Lee étant d’origine coréenne et parlant couramment le coréen, les frères profitent beaucoup de leurs visites. Tous sont reconnaissants à Jéhovah, le Dieu impartial, de cette disposition pleine d’amour. — Actes 10:34, 35.

Les Lee doivent constamment s’adapter au climat, à l’eau et à la nourriture de ces trois pays. Au cours d’une période de six mois, ils en passent trois en Argentine, deux au Brésil et un au Paraguay. Il est vrai qu’ils desservent des congrégations coréennes, cependant il leur faut également s’exprimer dans la langue de ces pays. Ils doivent parler le portugais au Brésil, mais aussi se familiariser avec deux accents espagnols différents. Néanmoins ils aiment beaucoup cette circonscription vraiment internationale. En deux ans, le nombre des pionniers de cette circonscription est passé de 10 à 60.

Les sourds louent Jéhovah

Dans les années 70, on a pris conscience de l’existence d’un autre groupe aux besoins particuliers quand quelques sourds ont commencé à assister aux réunions. Pour qu’ils tirent profit des réunions, il fallait disposer d’interprètes en langue des signes. En 1979, un groupe de sourds se réunissait chez Coco et Coca Yanzon, un couple de sourds, à Villa Devoto (Buenos Aires). Ce n’était qu’un commencement.

Le nombre des sourds qui acceptaient la vérité n’a cessé de croître durant l’interdiction ainsi que dans les années 80 et 90. Dans les années 80, les frères et les sœurs sourds, ainsi que leurs interprètes, étaient associés à plusieurs congrégations du Grand Buenos Aires. Les différentes parties des réunions étaient interprétées à leur intention.

Mais les sourds désiraient vivement participer davantage aux activités de la congrégation. C’est pourquoi, en 1992, la filiale a décidé de les rassembler, eux et les interprètes, dans une seule et même congrégation utilisant la langue des signes. Les proclamateurs sourds ont ainsi pu participer à l’enseignement, donner des commentaires et prêcher dans leur langue.

“ La congrégation dans la langue des signes est la réponse à mes prières, dit Silvia Mori, une sœur sourde qui élève seule son enfant. Je suis heureuse de rencontrer plus souvent mes frères et sœurs sourds. Avant, nous étions disséminés dans plusieurs congrégations de frères entendants et nous ne nous voyions qu’une fois par semaine. ”

Elba Basani, une autre sœur sourde, déclare : “ Quand il n’y avait pas de congrégation en langue des signes, j’avais tendance à me décourager, mais maintenant je suis très heureuse. En effet, je peux être pionnière auxiliaire et servir Jéhovah avec zèle. J’ai aussi davantage de contacts avec mes frères. Je suis très reconnaissante à Jéhovah. ”

La langue des signes étant un moyen de communication visuel, les vidéos de la Société sont particulièrement utiles. La vidéo Les Témoins de Jéhovah : un nom, une organisation existe déjà dans la langue des signes argentine, et la brochure Ce que Dieu attend de nous ainsi que d’autres publications sont en préparation. En Argentine, il y a aujourd’hui quatre congrégations en langue des signes, qui comptent au total 200 proclamateurs, dont 38 anciens et assistants ministériels sourds.

De l’aide pour les anglophones

Vers la fin de 1993, des sociétés étrangères ont commencé à s’installer en Argentine. Quelques-uns de leurs employés étaient des Témoins baptisés qui parlaient très peu l’espagnol mais comprenaient l’anglais. Pour pourvoir à leurs besoins spirituels et toucher les anglophones de plus en plus nombreux, on a formé à Buenos Aires la première congrégation anglaise du pays. Des Argentins, qui avaient appris l’anglais, se sont montrés disposés à soutenir cette nouvelle congrégation.

Depuis la formation de cette congrégation, en juin 1994, dix personnes se sont fait baptiser. Beaucoup d’autres, qui résident temporairement en Argentine, peuvent bénéficier de réunions dans une langue qu’elles comprennent.

Une jeune Mapuche ouvre la porte

Pour aider ‘ toutes sortes d’hommes à parvenir à une connaissance exacte de la vérité ’, il faut aussi prêcher aux Indiens vivant dans les réserves (1 Tim. 2:4). Dans la province de Neuquén, dans le sud-ouest du pays, il y a une réserve de Mapuches dont le chef interdisait l’entrée aux Témoins à cause de la conduite passée d’autres groupes religieux. Patricia Sabina Guayquimil, une jeune Mapuche, avait reçu de sa mère quelques publications que celle-ci s’était procurées alors qu’elle travaillait en dehors de la réserve. Patricia a écrit à la filiale pour obtenir des renseignements complémentaires. Mónica López, la sœur que l’on avait chargée de répondre à Patricia, lui a envoyé le livre Vous pouvez vivre éternellement sur une terre qui deviendra un paradis et lui a expliqué comment se déroulait une étude biblique. Patricia a accepté l’étude, qui s’est faite par correspondance sans que les deux femmes se rencontrent.

Un jour, on a frappé à la porte de Mónica, qui a été heureuse de voir Patricia. Celle-ci était venue en ville en ambulance pour accompagner sa sœur qui était sur le point d’accoucher. Durant le peu de temps qu’elles ont pu passer ensemble, Mónica a montré la Salle du Royaume à Patricia, lui a expliqué comment se déroulaient les réunions et l’a invitée à venir lors de la visite du surveillant de circonscription qui devait avoir lieu sous peu.

Une fois rentrée chez elle, Patricia a continué à faire de bons progrès, si bien qu’un matin, le texte du jour ayant mis l’accent sur l’importance de la prédication, elle a sellé sa jument et est allée donner le témoignage à ses voisins de sept heures du matin jusqu’aux premières heures de la soirée. Son activité a ouvert la voie aux Témoins de Jéhovah de l’extérieur, qui ont pu ainsi prêcher dans la réserve. Patricia, baptisée en 1996, continue d’annoncer la ‘ bonne nouvelle du salut ’ à la communauté indienne (Ps. 96:2). Les Témoins se rendent régulièrement dans d’autres réserves indiennes pour y prêcher.

Des Salles du Royaume nécessaires

Comme les Témoins de Jéhovah d’Argentine avaient intensifié avec zèle leur prédication durant l’époque favorable qui avait suivi l’interdiction, des Salles du Royaume convenables devenaient nécessaires. Certaines étaient vétustes. Par exemple, dans la province de Santiago del Estero, dans le nord, les murs d’une salle étaient en plastique. Luis Benitez, qui a participé au programme de construction de Salles du Royaume pendant de nombreuses années, raconte : “ Lors d’un voyage à Formosa, frère Eisenhower et moi avons rencontré des frères qui se réunissaient dans un bâtiment dont la hauteur des murs n’excédait pas 1,20 mètre, sans toit, ni portes ni fenêtres. En guise de sièges, ils utilisaient des planches posées sur des briques. Quand nous leur avons demandé ce qu’ils faisaient quand il pleuvait, ils ont répondu : ‘ Quelques-uns apportent des parapluies, les autres se font tremper. ’ ”

Après la levée de l’interdiction en 1980, les anciens de la congrégation de Trelew, dans la province de Chubut, n’ont pas tardé à s’apercevoir qu’ils ne disposaient pas d’un lieu suffisamment grand pour accueillir les nombreuses personnes qui venaient profiter de l’instruction spirituelle. Une sœur a demandé à ses patrons, qui possédaient une salle de réunion, l’autorisation de l’utiliser. Ils ont accepté, et la congrégation s’est réunie dans cette salle gratuitement pendant sept ou huit mois. Après cela, elle s’est réunie dans l’atelier d’un frère tapissier, mais elle ne pouvait pas toujours en disposer. Les frères devaient alors se retrouver en petits groupes dans des foyers. Ils avaient à l’évidence besoin d’un lieu de réunion plus stable. Les membres de la congrégation étaient déterminés à construire leur première Salle du Royaume. Après avoir cherché pendant cinq ans un lieu de réunion, les Témoins de Jéhovah de Trelew ont finalement eu une Salle du Royaume qu’ils ont dédiée à Jéhovah. Mais peu de temps après, l’accroissement du nombre des proclamateurs a rendu nécessaire la construction d’une autre Salle du Royaume.

Dans tout le pays, des congrégations avaient besoin d’une Salle du Royaume. Il fallait faire quelque chose pour disposer de bâtiments convenant au vrai culte.

La filiale apporte son aide

Pour répondre à ce besoin, la filiale a mis en place un programme de construction de Salles du Royaume. Elle a accordé des prêts pour financer la construction et a fourni les plans pour des salles modestes, mais confortables et pratiques. Elle a donné aussi des suggestions pour l’organisation du travail de construction. Des frères capables étaient nommés pour apporter une aide technique. Grâce à ce programme, on a construit des Salles du Royaume en deux mois et, plus tard, en 30 jours seulement.

Les congrégations de Trelew, qui avaient besoin d’une deuxième Salle du Royaume, ont bénéficié de ce programme de construction simplifié. À peine 60 jours après le début des travaux, les frères se réunissaient dans leur nouvelle salle. Cela a donné un grand témoignage aux habitants de la ville, qui ont vu un terrain vide, guère plus reluisant qu’un dépotoir, donner soudainement naissance à une belle Salle du Royaume. Les entrepreneurs de l’endroit ont été si impressionnés qu’ils ont voulu embaucher les frères.

Des Salles d’assemblées pour de plus grands rassemblements

Les frères d’Argentine étaient également conscients du besoin de Salles d’assemblées pour les rassemblements plus importants. À Oberá, dans la province de Misiones, dans le nord, une famille ayant fait don d’un terrain, les frères de la région ont construit un abri avec un toit, mais ouvert sur les côtés. En 1981, on y a tenu une assemblée à laquelle ont assisté 300 personnes. Sur ce terrain, il y a aujourd’hui un bâtiment en dur, qui peut recevoir 2 200 assistants.

Après l’enregistrement officiel de l’Association des Témoins de Jéhovah en 1984, deux Salles d’assemblées ont été inaugurées dans la région de Buenos Aires : une à Moreno, en 1986, et une autre à Lomas de Zamora, en 1988. Celle-ci a été réalisée à partir d’une usine et d’un entrepôt désaffectés. Le 9 juillet 1985, environ 1 500 volontaires se sont présentés pour commencer de durs travaux qui allaient durer 18 jours sans interruption. Ils ont nettoyé le bâtiment et transformé une partie de l’usine en une salle pouvant accueillir 1 500 personnes. Des volontaires ont travaillé toute une nuit afin que la salle soit prête pour la première assemblée prévue le 27 juillet 1985. Aujourd’hui il y a quatre Salles d’assemblées, dont celle de Córdoba, inaugurée en 1993.

Où tenir les assemblées de district ?

Du fait de l’accroissement régulier, il devenait de plus en plus difficile de louer des lieux adaptés aux besoins d’une assemblée de district. Les locations de salles étaient chères, et les administrateurs de celles-ci ne respectaient pas souvent les clauses des contrats. Il n’était ni pratique ni facile de transporter et d’installer le matériel de sonorisation et les autres choses nécessaires. D’autre part, dans les grands stades non couverts, les assistants étant exposés aux intempéries, il leur était difficile de bien profiter du programme.

Pour résoudre ce problème, on a acheté un terrain à Cañuelas, une zone rurale au sud-ouest de la capitale, pour y construire une grande salle en vue des assemblées de district et d’autres rassemblements. Elle allait s’ajouter aux quatre Salles d’assemblées déjà utilisées dans le pays.

Cette vaste salle de 9 400 sièges a été terminée pour la première assemblée de district d’octobre 1995, six mois après le début des travaux (Yoël 2:26, 27). Elle a été dédiée à Jéhovah en mars 1997. Carey Barber, membre du Collège central, a prononcé un discours d’inauguration enthousiaste et, le lendemain, a participé au programme d’une réunion spéciale organisée dans le grand stade de River Plate, comble pour la circonstance. On a dénombré 71 800 assistants venus de tout le pays, dont 1 900 de Patagonie.

De nouveaux locaux pour la filiale

Au mois de décembre 1984, un nouveau maximum de 51 962 prédicateurs du Royaume a été atteint. Pour répondre aux besoins dus à l’accroissement, il fallait davantage de publications et, par conséquent, une plus grande imprimerie. La filiale a donc décidé d’acheter et de rénover un ensemble de bâtiments situés au 1551, rue Caldas, à Buenos Aires. Elle disposerait ainsi d’une surface plus vaste pour son imprimerie et ses bureaux. Elle a également fait l’acquisition d’une ancienne fabrique de céramiques au 3850, avenue Elcano. Celle-ci a été démolie et remplacée par de beaux bâtiments d’habitation.

Au total, 640 travailleurs à plein temps, dont 259 dans le cadre du Programme international de construction, ont participé à ces travaux. De plus, des centaines d’autres frères et sœurs venaient leur prêter main-forte durant les week-ends. La présence sur le chantier de plus de 200 volontaires étrangers a provoqué quelques situations amusantes. Un frère, par exemple, a passé commande de 12 palomos blancs, c’est-à-dire 12 pigeons blancs. Le surveillant du Service achats s’est demandé pourquoi commander ces oiseaux. En fin de compte, le frère avait besoin de 12 pomos, soit 12 tubes de peinture blanche !

À l’époque des travaux, l’Argentine était en pleine crise d’inflation. Au cours d’une même journée, le prix des matériaux de construction était parfois multiplié par trois, ce qui donnait du fil à retordre aux frères chargés des achats. Durant cette période, les frères qui se trouvaient sur le chantier n’ont jamais oublié l’œuvre la plus importante : prêcher la bonne nouvelle du Royaume. Un des fournisseurs envoyait régulièrement sur le terrain des représentants. Ils repartaient toujours après avoir reçu, en plus de la commande de matériaux, un témoignage complet. Au total, ils ont accepté 5 livres et 20 périodiques ; ils en ont d’ailleurs mis quelques exemplaires en vue au siège de leur société.

Le bâtiment était en lui-​même un témoignage. En effet, les frères ont utilisé la technique dite du tilt-up qui consiste à couler sur place des murs en béton armé et, par la suite, à les dresser et à les positionner au moyen d’une grue. Cette technique inhabituelle a intrigué les constructeurs locaux. Tous les samedis matin, des étudiants de l’école d’architecture venaient observer les travaux et on leur faisait visiter le chantier.

En octobre 1990, ce magnifique complexe a été dédié à Jéhovah. Theodore Jaracz, membre du Collège central, a donné un discours d’inauguration captivant basé sur Isaïe 2:2-4. Beaucoup de ceux qui avaient semé les premières graines de vérité en Argentine ainsi que des invités venus d’autres filiales assistaient à cet événement joyeux.

Nouvelle expansion

À peine les nouvelles installations de la filiale étaient-​elles inaugurées qu’on a commencé à agrandir l’imprimerie de la rue Caldas. Un bâtiment de deux étages avec un sous-sol a été construit sur le terrain d’à côté pour entreposer les publications. Une équipe de 25 volontaires ont terminé les travaux en huit mois.

Juste au moment où la filiale avait besoin de davantage d’espace pour ses bureaux, un bâtiment proche du Béthel a été mis en vente. Comme il devenait de plus en plus difficile d’obtenir des permis de construire, la bonne solution consistait à acheter un terrain avec un immeuble déjà bâti. Bien que datant de plus de 30 ans, ce bâtiment avait été construit avec des matériaux de bonne qualité. L’intérieur était en bois dur et l’extérieur était recouvert de marbre. La filiale l’a donc acheté et rénové. Il abrite à présent tous les bureaux administratifs, ainsi que les Services achats, construction et comptabilité. Il a été inauguré en 1997, en même temps que la Salle d’assemblées de Cañuelas.

L’aide apportée à un pays voisin

Quand l’œuvre était interdite en Argentine, les Témoins des pays limitrophes, comme le Brésil ou l’Uruguay, ont fourni aux frères la nourriture spirituelle. Aujourd’hui, c’est la filiale d’Argentine qui pourvoit aux besoins du Chili. Depuis janvier 1987, elle y envoie des périodiques. Dans un premier temps, elle a fait appel à une entreprise commerciale, mais depuis 1992 elle utilise ses camions.

Pour gagner le Chili, il faut traverser la cordillère des Andes, à une altitude d’environ 3 100 mètres. Le chauffeur doit posséder une grande dextérité pour conduire un semi-remorque dans les montagnes enneigées, sur une route sinueuse ; un des tronçons comporte 31 virages en épingle dangereux. Cependant, ce long périple en vaut vraiment la peine, car les frères chiliens reçoivent ainsi leurs périodiques en temps voulu.

Des périodiques plus attrayants grâce à l’impression en quatre couleurs

Comme le monde entrait dans l’ère de l’image, la Société a envisagé d’imprimer La Tour de Garde et Réveillez-vous ! en couleurs. Son objectif était de produire des périodiques attrayants, à un coût raisonnable. Depuis les États-Unis, elle a envoyé à la filiale d’Argentine une rotative offset Harris quatre couleurs. Pour ce faire, la presse a été démontée, conditionnée et expédiée par bateau depuis Wallkill (État de New York). Lorsque la précieuse cargaison est arrivée à Buenos Aires le 10 octobre 1989, la machine a dû être remontée. Des frères qualifiés du siège mondial se sont donc déplacés pour diriger le travail et former des conducteurs de presse.

Grâce à l’impression en quatre couleurs, la diffusion des périodiques a connu un essor considérable. En effet, en 1991, un an après la mise en service du procédé, on a distribué près de un million de périodiques supplémentaires, passant de 6 284 504 à 7 248 955 !

Des assemblées internationales encourageantes

Après avoir connu l’interdiction pendant tant d’années, les Témoins argentins désiraient ardemment avoir de nouveau une assemblée internationale. Finalement, en décembre 1990, ils ont accueilli à Buenos Aires les quelque 6 000 délégués étrangers, originaires de 20 pays, qui étaient venus assister à l’assemblée internationale “ La langue pure ”. John Barr et Lyman Swingle, membres du Collège central, étaient présents et ont prononcé des discours stimulants. Le programme, qui a duré quatre jours, a été donné simultanément dans les stades River Plate et Vélez Sarsfield, réunissant au total plus de 67 000 personnes.

Toutes étaient unies dans le culte, mais la diversité de leurs cultures ressortait nettement. On pouvait reconnaître les sœurs d’Espagne grâce à leurs magnifiques robes nationales, les Japonaises grâce à leurs traditionnels kimonos et les délégués mexicains grâce à leurs costumes noirs et à leurs larges sombreros.

À la fin de l’assemblée, personne ne voulait quitter les lieux. Les différents groupes nationaux se sont spontanément mis à chanter des cantiques dans leurs langues tout en agitant leurs mouchoirs. Cela a duré presque une heure, puis les assistants sont rentrés chez eux. Un reporter photographe a déclaré : “ On n’a jamais vu une chose pareille en Argentine [...], une telle émotion et une telle chaleur humaine ! ”

Imaginez l’excitation qu’ont éprouvée nos frères d’Argentine en 1993, quand ils ont appris qu’ils étaient invités à une assemblée internationale organisée dans un autre pays que le leur. La destination ? Santiago, au Chili. Plus de 1 000 Témoins ont fait le déplacement pour y assister. Quatorze bus ont été affrétés pour effectuer les 1 400 kilomètres qui séparent Buenos Aires de Santiago. Lors du voyage, qui a duré 26 heures, les délégués ont pu admirer le magnifique paysage de la cordillère des Andes. Mais ce n’était rien comparé à la joie de se réunir avec quelque 80 000 compagnons chrétiens, venus de 24 pays pour assister à l’assemblée de district de quatre jours “ L’enseignement divin ”.

Plus tard, en 1998, la filiale d’Argentine a été invitée à envoyer des délégués aux assemblées internationales de São Paulo, au Brésil, et de San Diego, en Californie, placées sous le thème “ La voie de Dieu mène à la vie ”. Sara Bujdud, pionnière spéciale de longue date, a pleinement apprécié l’assemblée tenue à San Diego, aux côtés des plus de 400 délégués argentins. Voici ce qu’elle a ressenti : “ La disposition prise par le Collège central de nous loger dans les familles de frères était vraiment empreinte d’amour. Cela nous a donné un aperçu de ce que sera la vie dans le monde nouveau lorsque les barrières raciales et linguistiques n’existeront plus. ”

“ La langue des enseignés ”

Grâce à la prédication zélée des frères et à de riches programmes spirituels, dont les assemblées internationales, beaucoup ont accepté la vérité et rejoint les rangs grandissants des proclamateurs. En 1992, on a atteint un maximum de 96 780 prédicateurs. En fait, le nombre de Témoins avait doublé depuis qu’ils avaient été légalement reconnus en 1984.

Manifestement, il fallait des bergers supplémentaires pour prendre soin des brebis de Jéhovah de plus en plus nombreuses (Is. 32:1, 2 ; Jean 21:16). Jéhovah a donc mis en place un programme d’enseignement visant à former des anciens et des assistants ministériels célibataires, dans le but de s’occuper des congrégations. Il s’agissait de l’École de formation ministérielle, qui a été inaugurée en 1987 aux États-Unis, et en novembre 1992 en Argentine. L’ancien bâtiment du Béthel était l’endroit idéal pour accueillir cette école.

Les 375 élèves qui ont assisté à l’École de formation ministérielle, dont 91 venus de pays voisins, ont démontré une profonde gratitude pour ce merveilleux privilège. Obtenir un congé de deux mois pour venir à cette école constituait un véritable défi. Certains ont dû abandonner leur emploi ou l’ont perdu. Cependant, Jéhovah pourvoit aux besoins de ceux qui mettent les intérêts du Royaume à la première place dans leur vie. Beaucoup de frères ont été récompensés en retrouvant un travail mieux rémunéré et avec de meilleures conditions. — Mat. 6:33.

Hugo Careño travaillait dans une banque quand il a été invité à assister à la première classe. Il était bien payé et son emploi du temps lui permettait d’être pionnier. Il a prié ardemment Jéhovah, puis il est allé voir son patron qui lui a dit qu’il ne pouvait pas lui accorder de congé pour assister à cette école. Hugo a répondu : “ Je dois absolument y aller et je vous serais très reconnaissant si vous pouviez garder mon poste jusqu’à la fin de mes cours. ”

Le conseil d’administration a examiné la question et sa demande de congé lui a été accordée. À la remise des diplômes, cependant, Hugo a été nommé pionnier spécial ; il consacrerait désormais 140 heures par mois au ministère. Une fois de plus, il a prié intensément avant d’avertir son patron qu’il allait quitter son emploi. Comment son patron a-​t-​il réagi ? “ Nous sommes vraiment désolés de vous perdre, lui a-​t-​il dit, mais nous vous souhaitons de réussir dans votre nouvelle activité. ” Hugo, qui est aujourd’hui surveillant itinérant, a déclaré : “ J’ai constaté à maintes reprises que Jéhovah nous soutient lorsque nous choisissons de mettre son service à la première place dans notre vie. ”

Les diplômés de l’école bâtissent les congrégations auxquelles ils sont affectés et démontrent la véracité des paroles de Jésus : “ La sagesse se révèle juste par ses œuvres. ” (Mat. 11:19). Ils contribuent également à l’amélioration de la qualité des réunions qui, de ce fait, sont davantage soutenues. Utilisant la formation qu’ils ont reçue, ces frères font paître le troupeau de Dieu en s’efforçant de discerner comment ils peuvent “ répondre par une parole à l’épuisé ”. (Is. 50:4.) Certains diplômés de l’école sont aujourd’hui surveillants de circonscription, et beaucoup d’autres surveillants de circonscription suppléants.

De l’aide pour ‘ s’abstenir du sang ’

Avec l’accroissement du nombre des proclamateurs, augmentait également le nombre de Témoins ayant besoin de soins médicaux. Comme ils s’efforcent d’obéir au commandement biblique de ‘ s’abstenir du sang ’, il s’est révélé judicieux de mettre en place un réseau de services afin de les aider. — Actes 15:29.

L’ensemble des médecins se montraient peu disposés à s’abstenir d’administrer du sang quand ils le jugeaient nécessaire. D’autre part, la plupart des juges autorisaient promptement les médecins à transfuser de force les patients Témoins de Jéhovah. Ainsi, un juge a ordonné de transfuser un patient qui possédait un document légal dans lequel il exprimait son refus des transfusions sanguines dans quelque situation que ce soit.

En février 1991, à Buenos Aires, un séminaire international a inauguré la mise en place des comités de liaison hospitaliers (CLH). Trois instructeurs, du Service d’information hospitalier à Brooklyn, ont formé 230 frères venus d’Argentine, de Bolivie, du Chili, du Paraguay et d’Uruguay. Ils leur ont appris à discerner les besoins des patients Témoins de Jéhovah et comment aider les médecins en leur fournissant des renseignements sur les traitements non sanguins.

Aujourd’hui, 17 CLH, soit 98 anciens, présents dans les villes les plus importantes d’Argentine, transmettent des informations très précieuses aux médecins et apportent une aide pleine d’amour aux Témoins de Jéhovah. À cela vient s’ajouter l’aide de centaines d’autres anciens dévoués constituant les groupes de visites aux Témoins malades pour les aider et les encourager. Actuellement, il y a en Argentine 3 600 médecins coopératifs disposés à soigner les Témoins de Jéhovah sans recourir aux transfusions de sang.

Secours motivés par l’amour

L’Argentine n’est évidemment pas à l’abri des catastrophes. Comment les Témoins de Jéhovah réagissent-​ils quand elles surviennent ? Le 23 novembre 1977, un tremblement de terre de 7,4 sur l’échelle de Richter a provoqué de graves dommages dans le centre-ouest du pays. Bien que frappés d’interdiction à l’époque, les Témoins de Jéhovah ont immédiatement organisé des secours. Mus par l’amour, les Témoins des régions voisines ont participé aux opérations en dépit des difficultés. — 1 Thess. 4:9.

Le jour même du tremblement de terre, des Témoins des provinces voisines de Mendoza et de San Luis se sont dirigés vers les lieux de la catastrophe par toutes sortes de moyens de transport. En raison des énormes dégâts causés par le séisme, les autorités avaient fermé presque toutes les routes menant à la ville de Caucete, dévastée. En empruntant d’autres voies de communication et en passant par des villes voisines, les Témoins ont apporté de la nourriture, des vêtements et du matériel de premiers secours. Arrivés à proximité de la ville, ils ont aperçu ce qu’ils croyaient être de la fumée montant du sol, mais qui était en réalité la poussière soulevée par le séisme. En un instant, des gens avaient perdu leur maison et leurs biens, et certains la vie. Ce n’étaient que lamentations. À Caucete, plus d’un millier de maisons étaient complètement détruites, y compris toutes celles des frères. Les Témoins de l’équipe de secours, une centaine environ, ont rapidement dressé des abris temporaires.

María de Heredia, une pionnière permanente de la congrégation de Caucete, raconte : “ Sur le point d’accoucher, la fille de ma voisine commençait à avoir des contractions. Les frères ont dressé une grande tente sur le terrain de ma voisine pour y abriter sa fille. Cette nuit-​là il y a eu une grosse tempête. Avec reconnaissance, ma voisine s’est exclamée : ‘ C’est incroyable, aucun membre de mon église n’est venu voir si nous étions morts ou vivants. Quand nous avons eu besoin d’un abri, ce sont les Témoins de Jéhovah qui sont venus à notre aide. ’ ”

Les Témoins ont organisé une autre opération de secours en avril 1998, quand des pluies torrentielles ont provoqué de graves inondations dans le nord de l’Argentine, plus particulièrement dans les provinces de Corrientes, de Formosa, de Chaco et de Santa Fe. À Goya (Corrientes), en 72 heures il est tombé 60 centimètres d’eau. Les eaux ont envahi les habitations et détruit les biens de 80 % des Témoins de Jéhovah de cette région. Elles ont tué des animaux, saccagé les récoltes, emporté les ponts et coupé les routes, empêchant ainsi l’accès à la ville. Heriberto Dip, le surveillant de circonscription, et les anciens de la région sinistrée ont divisé le territoire en plusieurs sections et sont allés prendre des nouvelles des frères chez eux. Ils ont évacué certains sur des canots jusqu’à la Salle du Royaume. Tous ont reçu de la nourriture, des vêtements et des fournitures médicales.

Quand les Témoins de Jéhovah de la province voisine d’Entre Ríos ont appris dans quelle situation critique se trouvaient leurs frères de Goya, ils ont aussitôt réagi. En l’espace de deux jours, les 12 congrégations de Paraná (Entre Ríos) ont collecté près de quatre tonnes de denrées non périssables et de vêtements qu’ils ont chargés dans un camion emprunté au Service des routes.

La livraison des secours n’a pas été facile. Deux ponts avaient été emportés. Pour effectuer la première traversée, là où il y avait auparavant un des ponts, les frères ont aidé les ouvriers à mettre en place des centaines de sacs de sable. Après cela, ils ont déchargé leur camion et transporté de l’autre côté de la rivière le chargement qu’ils ont ensuite rechargé sur d’autres camions qui les attendaient.

Dans la seconde partie du voyage, les frères ont dû rouler sur une route tellement inondée par les eaux tumultueuses qu’il était très difficile de conduire les camions. Au crépuscule, ils sont arrivés à l’endroit où ils devaient traverser la deuxième rivière. Des militaires disposant d’un canot assez grand ont accepté de faire plusieurs voyages pour transporter le chargement de l’autre côté de la rivière.

Là, ils ont finalement rencontré les frères venus de Goya, avec qui ils ont poursuivi le voyage. Ceux-ci étaient très touchés par l’amour et la détermination de leurs frères, et les Témoins de Paraná ont été encouragés par l’endurance des victimes des inondations.

Par leurs démonstrations d’amour, les congrégations touchées par l’inondation ont donné un excellent témoignage. Par exemple, le mari non croyant d’une sœur se lamentait beaucoup à cause des difficultés économiques causées par les pluies. Sa femme l’a assuré que la congrégation les aiderait. Le lendemain, les lamentations de cet homme ont cédé la place à la surprise joyeuse quand les anciens sont arrivés chez eux avec quantité de provisions. Lorsque les habitants ont enfin reçu des secours envoyés par le gouvernement et les organismes civils, les Témoins avaient déjà reçu une aide à quatre ou cinq reprises.

L’esprit pionnier ne faiblit pas

Bien que les frères touchés par les inondations aient perdu des biens matériels, ils étaient déterminés à prêcher la Parole. Un certain nombre de proclamateurs de cette région ont même augmenté leur participation à la prédication. Dans une congrégation, beaucoup se sont engagés dans le service de pionnier auxiliaire alors que 80 % du territoire était inondé.

Des congrégations se sont organisées pour prêcher au centre-ville, dans les quartiers d’affaires, les hôpitaux, les gares routières et les tours d’habitation. Alors qu’il pleuvait toujours, les pionniers pouvaient prêcher dans ces endroits tout en étant relativement au sec. Les pionniers auxiliaires ont appris à s’organiser en groupe, en soutenant les dispositions prises pour la prédication et en manifestant un état d’esprit positif. Ayant ainsi constaté la sollicitude pleine d’amour de Jéhovah dans ces circonstances pénibles, bon nombre d’entre eux sont aujourd’hui pionniers permanents.

La scène de ce monde est en train de changer

Consciente que “ la scène de ce monde est en train de changer ”, la filiale d’Argentine a encouragé les surveillants de circonscription à modifier leur programme d’activité de manière à rencontrer davantage de personnes (1 Cor. 7:31). Dans certains endroits, il est difficile de trouver les gens chez eux parce que la plupart travaillent toute la journée. Il a donc été suggéré de prêcher dans les rues et dans les quartiers d’affaires plus tôt dans la journée, et de réserver les soirées au porte-à-porte. On a également mis l’accent sur le témoignage informel et par téléphone. Les proclamateurs sont encouragés à saisir toutes les occasions de parler aux gens.

Alors qu’elle prêchait de maison en maison, une sœur a remarqué un homme qui jouait avec ses enfants dans un parc, de l’autre côté de la rue. Avec un peu d’hésitation, la sœur et la chrétienne qui l’accompagnait l’ont abordé et ont engagé la conversation avec lui. Elles ont été surprises par sa réaction positive ; il leur a même donné son adresse. La sœur et son mari se sont rendus à son domicile, où sa femme et lui les attendaient avec impatience. Après plusieurs conversations, une étude biblique a été commencée. Les Témoins de Jéhovah avaient souvent frappé à leur porte, mais la dame n’avait jamais manifesté le moindre intérêt. Cette famille, qui fait de bons progrès, assiste et participe maintenant aux réunions.

Dans la province méridionale de Santa Cruz, Claudio Julian Bórquez, qui est guide touristique, profite de son emploi pour donner un témoignage informel aux touristes qui visitent le Parc national des glaciers. Ce parc renferme 13 glaciers importants, dont le Perito Moreno, de cinq kilomètres de large, qui attire des touristes du monde entier. Quand ceux-ci s’émerveillent de la beauté du glacier, ce frère parle du Créateur et distribue des brochures en différentes langues. Les Témoins de Jéhovah d’Argentine saisissent vraiment toutes les occasions de prêcher la Parole à “ toutes sortes d’hommes ”. — 1 Tim. 2:4.

Le témoignage dans les rues est un autre moyen de communiquer le message de la Bible aux gens. Victor Buccheer, très actif dans ce domaine, a invité un proclamateur irrégulier à l’accompagner. Comme celui-ci devait commencer son travail à 8 h 30, ils ont décidé de commencer à prêcher dans la rue à 5 h 30. Cette activité matinale a aidé ce proclamateur et sa famille de neuf personnes à participer de nouveau régulièrement à la prédication. Ils ont commencé des études bibliques et ont diffusé jusqu’à 176 périodiques au cours d’un même mois. Cela a également incité d’autres proclamateurs à participer à cette activité matinale dans les rues.

Missionnaires de longue date, ministres toujours actifs

Au cours des années, de nombreux missionnaires ont effectué leur activité en Argentine. Ils ont appris une autre langue, se sont adaptés à des coutumes différentes, ont enduré la maladie et affronté bien des difficultés durant les interdictions. Certains ont dû quitter le pays en raison d’un changement d’affectation, de problèmes de santé ou de responsabilités familiales. Gwaenydd Hughes, de la sixième classe de Guiléad, s’est par la suite marié et a élevé deux fils ; il a néanmoins continué à servir fidèlement Jéhovah jusqu’à sa mort. D’autres, comme Ofelia Estrada et Lorene Eisenhower, sont restés dans leur affectation jusqu’à leur mort. Un certain nombre de missionnaires zélés ayant suivi les cours des toutes premières classes de Guiléad sont toujours actifs dans leur affectation.

Helen Nichols et Helen Wilson, de la première classe de Guiléad, ont été nommées en Argentine en 1948. En 1961, elles ont été envoyées dans la province de Tucumán, dans le nord-ouest du pays. Il n’y avait alors qu’une seule petite congrégation dans la ville de San Miguel de Tucumán. Aujourd’hui il y a treize congrégations et sept Salles du Royaume dans cette ville, et cinq autres congrégations dans la région. Quelle joie pour ces missionnaires d’avoir contribué à un tel accroissement !

Charles Eisenhower, de la première classe de Guiléad, a commencé son activité de missionnaire à Cuba, où il est resté de 1943 à 1948, et a vu le nombre des proclamateurs passer de 500 à 5 000. Il a ensuite été affecté en Argentine, où il a servi comme missionnaire, surveillant de circonscription puis surveillant de district jusqu’en avril 1953, date à laquelle il a été nommé surveillant de la filiale. Il a eu le bonheur de voir le nombre des proclamateurs passer de 900 à plus de 120 000. Frère Eisenhower, coordinateur du Comité de la filiale, déclare : “ Rien ne peut procurer plus de bonheur à des jeunes gens que consacrer sa vie entière au service de Jéhovah. ”

La joie de servir Jéhovah

Les Témoins de Jéhovah argentins qui ont entrepris de faire carrière dans le ministère à plein temps sont également très heureux de mettre leur vie au service de Jéhovah. Marcelo et María Oliva Popiel, baptisés respectivement en 1942 et en 1946, sont pionniers spéciaux depuis 44 ans. Pour les Popiel, l’interdiction de 1976 n’a pas été une expérience nouvelle, car ils avaient connu les restrictions imposées à l’œuvre après l’interdiction de 1950. Ils ont aidé les nouveaux à endurer les restrictions résultant de la nouvelle interdiction et les ont encouragés à poursuivre leur service fidèlement. Marcelo tient pour précieuses toutes ces années passées au service de Jéhovah. Il dit : “ Quelle joie d’avoir servi Jéhovah fidèlement ! Nous sommes très reconnaissants à Jéhovah de nous avoir accordé le privilège de le servir et de consacrer nos meilleures années à une œuvre qui en vaut vraiment la peine. ”

Pietro Brandolini, baptisé en 1957, qui est pionnier spécial depuis près de 40 ans, partage ce sentiment. Il est heureux d’avoir consacré sa vie au service à plein temps, car il a goûté à des bénédictions beaucoup plus nombreuses que ce qu’il aurait pu espérer. Il affirme avec enthousiasme que Jéhovah a toujours pris soin de lui, spirituellement et matériellement.

Pietro, qui, à plus de 70 ans, a parfois des problèmes de santé, est toujours un pionnier spécial actif. Récemment, il a rencontré un homme enseignant dans une école catholique. Pietro lui a proposé une étude biblique, qu’il a acceptée avec joie. Après quatre visites, ce professeur a dit à Pietro qu’il était convaincu d’apprendre la vérité. Pietro l’a averti que lorsque les prêtres de l’école apprendraient qu’il étudiait avec les Témoins de Jéhovah, il pourrait perdre son emploi. L’homme lui a répondu que cela ne l’inquiétait pas parce qu’il pourrait trouver un autre emploi. Quel bonheur pour Pietro de constater que pour ce professeur la vérité de la Parole de Dieu était quelque chose d’aussi précieux !

Zélés pour les belles œuvres

Beaucoup d’autres chrétiens ont pris conscience de l’urgence de l’époque et se sont montrés ‘ zélés pour les belles œuvres ’. (Tite 2:14.) Il y a aujourd’hui plus de 120 000 proclamateurs en Argentine, dont 7 000 et plus ont organisé leur vie pour être pionniers permanents. Hernán Torres est l’un d’eux. Âgé de près de 70 ans, aveugle et sur un fauteuil roulant, il doit faire de grands efforts pour prêcher le nombre d’heures requis des pionniers. Certains jours, il se lève tôt et se rend à un endroit particulier de la maison de retraite où il vit. Là, il parle de la Bible à d’autres pensionnaires, fait des nouvelles visites et donne les périodiques à ceux qui font partie de sa tournée de distribution. S’il fait beau, il se tient assis dehors et prêche aux passants. D’autres jours, un frère ou une sœur l’emmène de maison en maison. Comme il est aveugle, celui ou celle qui l’accompagne lui indique quel genre de personne est à la porte en lui tapant sur l’épaule : une fois si c’est un homme, deux fois si c’est une femme, et trois fois si c’est une jeune personne.

Rolando Leiva, un autre pionnier, est coiffeur. Dans son salon, il met à disposition les publications des Témoins de Jéhovah. Les derniers numéros de La Tour de Garde et de Réveillez-vous ! sont toujours bien en vue. Les clients sont habitués à n’avoir pour lecture que les publications de la Société. “ Comme mes tarifs sont peu élevés, dit Rolando, mes clients sont disposés à accepter mes conditions. ” Pendant qu’il coupe les cheveux à un client, il observe à l’aide du miroir ceux qui attendent leur tour. “ Quand je remarque qu’un client lit un périodique avec intérêt, ajoute-​t-​il, j’entame une conversation avec lui pendant que je lui coupe les cheveux. ” Par cette méthode, Rolando a obtenu 163 abonnements au cours d’une seule année de service. Il a également commencé de nombreuses études bibliques avec des clients. Huit de celles qu’il dirige actuellement sont le résultat de sa prédication informelle dans son salon de coiffure.

Des jeunes aussi font preuve de zèle dans la prédication de la Parole. Elber Heguía, un jeune frère de 13 ans, est pionnier depuis deux ans dans la congrégation de San Pedro Centre, dans la province de Jujuy. Une sœur lui ayant donné l’adresse d’un homme qu’elle avait rencontré au cours de sa prédication dans les rues, Elber est allé lui rendre visite. Il a été surpris d’apprendre qu’il enseignait les arts martiaux. Il l’a abordé et lui a expliqué le motif de sa visite, après quoi l’homme a accepté le livre La connaissance qui mène à la vie éternelle. Sa lecture l’ayant intéressé, il a demandé des exemplaires de ce livre pour ses élèves. Elber a donc distribué 50 livres, 40 brochures et quelques périodiques. Il a commencé une étude biblique avec l’enseignant et 25 de ses élèves. Quelques-uns progressent très bien.

Des témoins se déplacent de ou vers la partie la plus lointaine de la terre

À l’exemple des proclamateurs venus d’autres pays pour apporter la bonne nouvelle en Argentine, les frères d’Argentine manifestent à leur tour l’esprit de sacrifice. La famille du Béthel s’est agrandie et compte aujourd’hui 286 membres, et 300 autres frères et sœurs participent à divers aspects du service spécial à plein temps.

D’autres encore se sont rendus disponibles pour servir dans des pays où le besoin en proclamateurs est grand (Is. 6:8). Par exemple, dans les années 80, le Collège central a pris des dispositions pour que 20 frères d’Argentine servent comme missionnaires au Paraguay sans passer par l’École de Guiléad. Plus récemment, un nombre important de sœurs célibataires, ainsi que d’autres proclamateurs, se sont déplacées là où le besoin était grand. Elles se sont volontiers adaptées au climat chaud et humide de ces régions pour y annoncer la bonne nouvelle. Bon nombre des 73 frères et sœurs argentins qui servent aujourd’hui au Paraguay s’efforcent d’apprendre le guarani, la langue indigène, pour toucher un plus grand nombre de gens.

Au cours des années, beaucoup se sont rendus en Bolivie et au Chili pour y servir comme pionniers ou surveillants itinérants. Quand l’œuvre a été rendue possible en Europe de l’Est, un frère d’Argentine parlant le hongrois a arrangé ses affaires pour aller en Hongrie, où il sert maintenant en qualité de surveillant de circonscription. Un frère et sa femme, qui s’étaient renseignés sur la possibilité d’offrir leur aide dans la prédication en Afrique, au Bénin, ont été envoyés dans ce pays où ils sont aujourd’hui missionnaires. Leur amour reflète l’état d’esprit de tout le peuple de Jéhovah, qui jouit d’un paradis spirituel dans lequel il n’y a pas de frontière nationale.

En Argentine, les proclamateurs zélés de la bonne nouvelle du Royaume se sont montrés disposés ‘ à prêcher la parole avec insistance ’ aussi bien “ en époque favorable ” qu’“ en époque difficile ”. (2 Tim. 4:2.) Grâce à leurs efforts persistants, aujourd’hui plus de 120 000 habitants d’Argentine louent Jéhovah, qui les bénit abondamment. — Prov. 10:22.

[Graphique/Illustration, page 186]

(Voir la publication)

ACCROISSEMENT DU NOMBRE DES TÉMOINS DURANT LES ANNÉES D’INTERDICTION

1950 1960 1970 1980

1 416 7 204 18 763 36 050

[Illustrations pleine page, page 148]

[Illustrations, page 150]

Ils ont contribué à poser le fondement de la prédication de la bonne nouvelle en Argentine : 1) George Young ; 2) Juan Muñiz ; 3) Carlos Ott ; 4) Nicolás Argyrós.

[Illustration, page 152]

C’est avec cet autocar qu’Armando Menazzi et d’autres Témoins zélés ont prêché dans au moins dix provinces.

[Illustration, page 156]

Frère Knorr (à droite) à l’une des assemblées organisées en 1953, durant l’interdiction.

[Illustration, page 161]

La première presse rotative offset utilisée par les Témoins de Jéhovah.

[Illustration, page 162]

L’assemblée “ La victoire divine ” à Río Ceballos, en 1974.

[Illustration, page 178]

Une assemblée dans les bois.

[Illustration, page 193]

Une Salle du Royaume flottante dans le delta du Paraná.

[Illustration, page 194]

Avec sa femme June, Steve Lee dessert une circonscription internationale pour les Coréens.

[Illustration, page 200]

Ushuaia, Terre de feu : cette Salle du Royaume construite selon le procédé rapide est l’une des plus proches du pôle Sud.

[Illustrations, page 202]

Salles d’assemblées en Argentine : 1) Moreno ; 2) Córdoba ; 3) Lomas de Zamora ; 4) Misiones.

[Illustration, page 204]

Salle pour les assemblées de district à Cañuelas.

[Illustrations, pages 208, 209]

Assemblée internationale en 1990.

[Illustration, page 215]

Dans le nord de l’Argentine, de graves inondations ont fait de nombreux sans-abri.

[Illustrations, page 218]

Certains des premiers missionnaires servent toujours en Argentine : 1) Filia Spacil ; 2) Edith Morgan ; 3) Sophie Soviak ; 4) Helen Wilson ; 5) Mary Helmbrecht ; 6) Charles Eisenhower.

[Illustrations, page 223]

1) Le Comité de la filiale (de gauche à droite) : M. Puchetti ; N. Cavalieri ; P. Giusti ; T. Kardos ; R. Vázquez ; C. Eisenhower.

Locaux de la filiale : 2) bureaux ; 3) imprimerie ; 4) bâtiments d’habitation du Béthel.