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République démocratique du Congo (Kinshasa)

République démocratique du Congo (Kinshasa)

République démocratique du Congo (Kinshasa)

‘ Nous sommes comme des grains de maïs dans un sac. Où que nous tombions, la pluie finit par arriver, et nous devenons nombreux. ’ Ces paroles ont été prononcées il y a plus de 50 ans par un Témoin de Jéhovah fidèle qui a beaucoup souffert à cause des autorités de l’ex-Congo belge. Dans les pages suivantes, vous découvrirez comment la bénédiction de Jéhovah, telle une pluie rafraîchissante, s’est traduite par un accroissement étonnant du nombre de proclamateurs du Royaume dans l’ensemble du Congo.

Ce pays, aujourd’hui la République démocratique du Congo, ou Congo-Kinshasa, se trouve au cœur de l’Afrique *. Situé de part et d’autre de l’équateur, il est couvert d’innombrables forêts luxuriantes. Ses forêts immenses et ses vastes savanes abritent une faune et une flore extrêmement variées. En raison de ses ressources naturelles abondantes, le monde entier s’intéresse depuis longtemps à ce pays, qui a subi bien des invasions et des guerres civiles !

En 1885, Léopold II, roi des Belges, a fondé l’État indépendant du Congo, dont il est devenu le souverain et le seul propriétaire. Toutefois, les Congolais étaient loin d’être indépendants. En recourant au travail forcé et en faisant preuve d’une brutalité extrême, les hommes de Léopold ont dépouillé le pays de son ivoire et de son caoutchouc. Face à la protestation de plus en plus énergique des pays européens voisins, Léopold a fini par s’incliner. En 1908, L’État indépendant du Congo a été aboli, pour devenir ainsi le Congo belge, une colonie placée sous le contrôle du Parlement belge. Le Congo a obtenu son indépendance en 1960.

Les habitants du Congo sont très croyants. Églises, séminaires et écoles de théologie ne manquent pas. Il n’est pas rare de rencontrer des personnes capables de citer de mémoire de nombreux versets bibliques. Cependant, comme ailleurs, il n’a pas été facile d’établir le véritable christianisme, d’autant plus que, à une certaine époque, les gens confondaient les Témoins de Jéhovah avec un mouvement religieux connu sous le nom de Kitawala.

Confusion d’identité

“ Kitawala ” vient d’un terme swahili qui signifie “ dominer, diriger, ou gouverner ”. Ainsi, l’objectif de ce mouvement était essentiellement politique : il s’agissait d’obtenir l’indépendance du pays. Certains pensaient que ce but serait d’autant mieux atteint sous le couvert de la religion. Malheureusement, les adeptes du mouvement Kitawala possédaient les publications des Témoins de Jéhovah. Ils les étudiaient et les faisaient circuler. Un panonceau sur lequel était écrit “ Watch Tower ” indiquait l’emplacement de leurs lieux de réunion. Bien avant que les Témoins de Jéhovah ne soient reconnus, ces “ mouvements Watch Tower ” ont pris de l’ampleur dans la province de Katanga, dans le sud-est du Congo. Pendant des dizaines d’années, les gens ont cru que les adeptes du Kitawala étaient Témoins de Jéhovah. Évidemment, ce n’était pas le cas.

Les partisans du Kitawala déformaient les enseignements de la Bible pour appuyer leurs opinions politiques et justifier leurs coutumes superstitieuses ainsi que leur mode de vie immoral. Ils refusaient de payer l’impôt et s’opposaient aux dirigeants coloniaux. Certains d’entre eux se sont même engagés dans une révolte armée contre les autorités. Il n’est donc pas étonnant que le gouvernement belge les ait déclarés hors-la-loi.

En 1956, un commissaire de district du Congo belge a rédigé un article de presse révélant l’origine du Kitawala. Cet article parlait de Tomo Nyirenda, originaire du Nyassaland (aujourd’hui le Malawi) et qui vivait en Rhodésie du Nord (aujourd’hui la Zambie). Manifestement, Nyirenda tenait son instruction religieuse d’une personne qui avait fréquenté les Étudiants de la Bible (connus aujourd’hui sous le nom de Témoins de Jéhovah) au Cap, en Afrique du Sud. Voici ce qu’on pouvait lire dans cet article : “ Nyirenda [...] pénètre, en 1925, au Katanga [Congo]. [...] Se proclamant Mwana Lesa, ‘ fils de Dieu ’, il exploite la terreur ancestrale que les envoûtements inspirent aux indigènes et promet à ceux qui le suivront la libération des sorciers et, conjointement, les moyens de se soustraire à l’impôt et aux ordres de toute autorité établie, gouvernement et Église. Ceux qui n’acceptent pas sa loi sont réputés sorciers et assommés et noyés au cours d’un baptême forcé. (D’une seule rivière, on retirera 55 cadavres.) Dénoncé par un sous-chef de village, Tomo parvint à s’enfuir et à regagner la Rhodésie. Recherché par les autorités de ce pays pour des meurtres qu’il a commis, il est arrêté, jugé et pendu. ”

D’après les autorités belges, le Kitawala a vu le jour au Congo après plusieurs incursions au Katanga, de 1923 à 1925, d’un certain Mwana Lesa. Plusieurs dizaines d’années s’écouleront avant que les Témoins de Jéhovah ne soient autorisés à entrer dans le pays et à y résider.

Pour bien comprendre pourquoi on confondait les Témoins de Jéhovah avec les adeptes du Kitawala, il faut savoir que les Églises indépendantes sont courantes en Afrique. Selon certaines estimations, il y en aurait des milliers. John Mbiti, spécialiste des religions africaines, a écrit : “ [Un des] problèmes majeurs que rencontre le christianisme en Afrique, c’est la présence d’un grand nombre de religions, de confessions, de groupes religieux et de sectes. Bon nombre d’entre eux ont été importés. Beaucoup d’autres ont été fondés par des chrétiens africains, en partie parce qu’ils n’avaient pas l’intention de rester indéfiniment sous le pouvoir de missionnaires étrangers, mais aussi parce qu’ils avaient soif de pouvoir ou voulaient que le christianisme reflète la culture et les difficultés propres à l’Afrique, et pour d’autres raisons encore. ”

La plupart de ces Églises indépendantes s’étaient soit inspirées, soit séparées d’une religion établie. Sous ce rapport, le mouvement Kitawala n’était pas unique. Cependant, la chrétienté a profité de la présence des adeptes du Kitawala pour s’opposer à l’entrée des Témoins de Jéhovah au Congo. Les chefs religieux faisaient très bien la distinction entre les partisans du Kitawala et les Témoins, mais cela ne les a pas empêchés de faire croire délibérément aux gens que le Kitawala et les Témoins de Jéhovah ne faisaient qu’un.

Les Églises étaient bien placées pour répandre ce mensonge. Au début du XXsiècle, les religions de la chrétienté, l’Église catholique en particulier, exerçaient une grande influence au Congo belge. En revanche, les Témoins de Jéhovah n’étaient pas reconnus dans le pays, et le clergé de la chrétienté tenait à ce que les choses restent ainsi. Il préservait jalousement ses convertis et refusait toute intrusion des Témoins de Jéhovah.

Les adeptes du Kitawala (que l’on appelait souvent le mouvement Watch Tower) ont été accusés à juste titre de susciter des soulèvements, des rébellions ainsi que des conflits tribaux parmi les autochtones. Les fonctionnaires et les autorités ont fini par avoir en horreur ce nom de Watch Tower, ce qui causait de grandes difficultés à ceux qui désiraient servir Jéhovah au Congo.

Durant les décennies qui ont précédé l’indépendance du Congo, les Témoins de Jéhovah d’autres pays n’ont cessé d’envoyer des lettres aux autorités congolaises et de leur expliquer que la Watch Tower Bible and Tract Society n’avait aucun rapport avec le mouvement Watch Tower. Pendant des années, les fonctionnaires ont néanmoins continué d’associer les activités de ce mouvement religieux indigène à l’œuvre des serviteurs de Jéhovah. Les efforts répétés pour envoyer des Témoins de Jéhovah au Congo n’aboutissaient pas.

Étant donné que les Témoins n’étaient pas autorisés à entrer au Congo, on sait peu de choses sur les Témoins authentiques qui vivaient dans ce pays. Cependant, des rapports en provenance de filiales voisines nous donnent un aperçu fascinant de ce qui s’est passé au Congo durant ces débuts difficiles. Examinons à présent quelques extraits de ces rapports retraçant 30 ans de l’histoire du Congo, auxquels nous ajouterons quelques commentaires.

Histoire du Congo : extraits de rapports (1930-​1960)

1930 : Des demandes de publications parviennent du [...] Congo belge.

1932 : Nous espérons que dans un avenir proche il sera possible de prêcher au Congo belge, ainsi que dans d’autres régions d’Afrique centrale, qui n’ont pas encore reçu le témoignage.

Depuis mai 1932, la filiale des Témoins de Jéhovah d’Afrique du Sud a demandé à maintes reprises aux autorités belges de laisser entrer des évangélisateurs à plein temps au Congo. En vain. Cependant, du fait des mouvements de populations entre le Congo et la Rhodésie du Nord, certains frères rhodésiens ont pu entrer au Congo, en général pour de courtes périodes.

1945 : Au [Congo belge], il faut être courageux pour prendre position pour Dieu et pour son Royaume. Non seulement l’œuvre et les publications sont totalement interdites, mais encore les Congolais qui reconnaissent nous fréquenter risquent d’être déportés dans un autre district et condamnés à une forme de captivité, parfois pendant plusieurs années. Les lettres qui nous sont envoyées du Congo arrivent rarement jusqu’ici [en Rhodésie du Nord], et il semble que le courrier renvoyé ne soit pas distribué. Néanmoins, [...] nous faisons tout notre possible pour aider nos compagnons qui œuvrent pour le Royaume dans ce pays où les prêtres sont si nombreux.

1948 : Deux proclamateurs du Royaume qui vivent actuellement dans ce pays ont envoyé quelques rapports au bureau de Bruxelles. Nous espérons qu’un jour l’évangile du Royaume pourra être prêché dans ce vaste territoire.

1949 : Depuis des années, l’œuvre de témoignage se poursuit très difficilement dans ce pays dominé par les catholiques. Jadis, en guise de punition, les prêtres allaient jusqu’à faire manger un bloc de sel, sans eau, à ceux qui étaient Témoins de Jéhovah. Maintenant, leurs méthodes ressemblent davantage à celles de l’Inquisition espagnole. Ils désirent que le gouvernement fasse à leur place ce travail inique et oppressif. Cela fait des années que des proclamateurs africains sont en prison, purgeant des peines d’une durée indéterminée à cause de leur œuvre de témoignage. Pire encore, ils sont envoyés dans un camp de concentration spécial à Kasaji, à environ [500] kilomètres d’Élisabethville [aujourd’hui Lubumbashi]. Ils doivent travailler sur de petits lopins de terre et rester isolés, avec ou sans leur famille, [...] parfois pendant dix ans. Bien souvent ils doivent endurer cette solitude de longues années durant, sans le moindre espoir de justice ou de libération, sauf au terrible prix de l’abandon de leur intégrité.

L’œuvre a donc dû se poursuivre dans la clandestinité. Les réunions sont tenues secrètement et on doit souvent changer de lieu, de peur d’être arrêté. On donne principalement le témoignage aux amis, et ensuite on l’étend aux connaissances de ceux-ci, mais en dépit de telles précautions, beaucoup de Témoins, les uns après les autres, s’attirent des ennuis. Ils sont arrêtés et conduits rapidement au camp de Kasaji.

À cette époque, Llewelyn Phillips, de la filiale de Rhodésie du Nord, est allé au Congo belge pour plaider la cause des Témoins persécutés dans ce pays. Il a expliqué au gouverneur général, ainsi qu’à d’autres membres du gouvernement, en quoi consistait l’œuvre de prédication du Royaume et a montré la différence entre nos croyances et celles des adeptes du Kitawala. À un moment donné, le gouverneur général lui a demandé d’un air songeur : “ Si je vous aide, que m’arrivera-​t-​il ? ” Il savait que l’Église catholique exerçait une grande influence dans le pays.

1950 : L’année qui vient de s’écouler a été la plus difficile de toutes ; particulièrement pour les frères et sœurs du Congo belge. Au début de l’année de service, toutes les publications et les lettres envoyées dans le pays n’étaient pas arrivées à destination, et nos moyens de communication étaient pour ainsi dire supprimés. Ensuite, le 12 janvier, le gouverneur général a interdit la Société et a imposé une peine de deux mois de prison et une amende de 2 000 francs à tous ceux qui se réunissaient avec la Société, la soutenaient ou en étaient membres. Cette décision a été accueillie avec joie par la presse catholique. Les arrestations se sont multipliées. Des listes confisquées il y a un an chez un ancien serviteur de [congrégation] à Élisabethville ont été employées pour rechercher des centaines d’hommes affiliés à la Société ; ils ont été arrêtés avec leurs femmes. Après être sortis de prison, les Témoins venus de la Rhodésie du Nord ont été expulsés, mais les citoyens du Congo ont été, dans beaucoup de cas, envoyés dans le camp de concentration de Kasaji ; beaucoup d’entre eux s’y trouvent encore. Certains parmi les frères et sœurs déportés ont reçu très peu de nourriture et ont été forcés de faire à pied les 30 derniers kilomètres séparant Sakania de la frontière rhodésienne.

La police secrète a été renforcée dernièrement et le fait de posséder une bible suffit pour être soupçonné d’être Témoin de Jéhovah.

On vient de nous informer que deux sœurs européennes du district d’Élisabethville ont été condamnées à 45 jours de prison, avec un sursis de trois ans à condition de se comporter correctement (ce qui signifie naturellement ne plus servir le Seigneur), pour avoir été trouvées en possession de La Tour de Garde et avoir rendu témoignage. Chaque jour, elles s’attendent à être expulsées du pays.

1951 : Les journaux et les périodiques belges ont publié de nombreux articles accusant les Témoins de Jéhovah et la Watch Tower Society d’être associés à un mouvement fanatique du Congo belge appelé le “ Kitawala ”. En Belgique, la loi exige que la réponse à un article publié par un journal ou par un périodique soit à son tour publiée par ce journal ou ce périodique. Nous avons fait usage de ce droit pour défendre l’œuvre du Royaume contre ces articles diffamatoires, et nos réponses ont été publiées.

Depuis [le 12] janvier 1949, l’œuvre de la Watch Tower Society est interdite au Congo belge et les fidèles Témoins de Jéhovah ont souffert à cause de ces rapports mensongers. Des protestations écrites ont été présentées au ministre des colonies et de nombreuses preuves ont établi que les Témoins de Jéhovah et la Watch Tower Society n’ont aucune relation avec le mouvement subversif “ Kitawala ”, mais ces protestations sont restées sans réponse.

Les armes que sont la désinformation, la persécution, les amendes, les coups, l’emprisonnement et la déportation ont été utilisées au Congo belge pour tenter de faire cesser définitivement la ‘ prédication de la parole ’ dans ce pays.

1952 : L’Afrique centrale a elle aussi son “ rideau de fer ”. Pour ce qui est des Témoins de Jéhovah, il entoure le Congo belge. L’interdiction de l’œuvre dans ce pays majoritairement catholique est toujours en vigueur.

Des rapports isolés nous informent que les proclamateurs africains endurent la déportation, l’emprisonnement, les coups et les privations. Il semble qu’en de nombreux endroits les Témoins doivent affronter une hostilité accrue. Les citoyens congolais surpris en train de prêcher ou simplement en possession de publications de la Watchtower sont déportés dans des camps de travail. Il suffit même qu’une personne ait une bible pour qu’elle soit soupçonnée d’être Témoin de Jéhovah.

Les maisons des frères sont sans cesse surveillées et souvent fouillées. Un frère qui nous a transmis ce rapport déclare : “ [La police du Congo belge] ne dort plus, tant elle est occupée à rechercher les Témoins de Jéhovah. La situation est plus difficile que jamais. ”

Un rapport sur l’activité de 30 proclamateurs durant le mois d’août est parvenu jusqu’à notre bureau avec, en note, ces paroles contenues en 1 Thessaloniciens 5:25, NW : “ Frères, continuez à prier pour nous. ”

Comme nous l’avons mentionné précédemment, des Témoins de Rhodésie du Nord sont allés au Congo. Mais quand ils se faisaient prendre, ils étaient jetés en prison, puis expulsés. Bien que la plupart de ces frères n’aient purgé que de courtes peines, certains ont été envoyés dans des camps de travail pour plusieurs années. Un frère a passé presque cinq ans dans différentes prisons du Congo. Il était souvent battu, et on lui disait qu’il ne serait pas relâché tant qu’il continuerait de prêcher.

C’est en 1952 que le frère fidèle cité en introduction a déclaré : ‘ Nous sommes comme des grains de maïs dans un sac. Où que nous tombions, la pluie finit par arriver, et nous devenons nombreux. ’ À ce sujet, voici ce que la filiale des Témoins de Jéhovah de Rhodésie du Nord a écrit : “ Le ‘ sac de maïs africain ’ est en train d’être répandu au Congo malgré, ou plutôt en raison de la persécution qu’endurent les frères. À un moment donné, la filiale de Lusaka a reçu des rapports précisant que plusieurs centaines de personnes fréquentaient les Témoins dans la région de Kolwezi. Toutefois, on nous informe aujourd’hui qu’un certain nombre d’entre elles ont été déplacées dans d’autres régions du Congo. ” La dispersion de ces frères a favorisé l’extension de l’œuvre qui consiste à faire des disciples.

Tandis que les frères poursuivaient leur activité dans le sud-est du pays, la vérité était introduite peu à peu à Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa). Les frères de Brazzaville avaient fait de rapides progrès spirituels et parlaient avec zèle de la vérité autour d’eux. Certains ont commencé à traverser le fleuve Congo en bateau pour aller prêcher à Léopoldville. En 1952, Victor Kubakani et sa femme ont été les premiers Témoins baptisés à Kinshasa. Une congrégation n’a pas tardé à être formée.

1953 : Des rapports montrent qu’il y aurait environ 250 frères qui participeraient à la prédication dans différentes régions du pays, mais il y en a sûrement beaucoup plus. Le témoignage se limite à de [nouvelles visites] et à des études bibliques à domicile et ce, avec très peu de publications, voire aucune, car les frères savent que leurs maisons peuvent être fouillées à tout moment. Un frère qui détenait deux brochures a été dénoncé par un soi-disant “ ami ”. Il a été condamné à deux mois de détention à la prison centrale d’Élisabethville.

1954 : La Société ainsi que l’œuvre des Témoins de Jéhovah sont toujours interdites au Congo belge [...]. En prison, les Témoins fidèles continuent de prêcher aux autres détenus qui, munis de morceaux de papier et d’un bout de crayon, prennent des notes, qu’ils emportent dans leur cellule pour les comparer avec ce qui figure dans la bible que la prison leur fournit. C’est sans doute pour cette raison que, dans quelques prisons, les Témoins de Jéhovah sont isolés des autres prisonniers.

Les activités des Témoins de Jéhovah comme celles des adeptes du Kitawala ont été interdites. Des représentants de l’État ont confisqué des publications bibliques qui avaient été envoyées dans le pays. Quand celles-ci réussissaient à passer, il arrivait que les partisans du Kitawala les interceptent et les utilisent pour leur profit. Témoins de Jéhovah et adeptes du Kitawala ont été arrêtés, battus et déportés dans des camps de concentration. Jésus avait toutefois déclaré : “ C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. ” (Mat. 7:16). Les autorités coloniales ont remarqué la belle conduite des frères et ont commencé à faire la différence entre les Témoins et les Kitawala.

1955 : L’interdiction de l’œuvre est toujours en vigueur, et il y a peu d’espoir qu’elle soit levée dans un avenir proche. Mais cela n’a pas amoindri le zèle de ceux qui aiment Jéhovah et qui le servent. L’an dernier, de nombreux frères ont été emprisonnés et déportés, mais cela ne les a pas ralentis.

Étant donné les circonstances, il n’est pas possible de prêcher de maison en maison. Les frères font donc des [nouvelles visites] et dirigent des études bibliques à domicile. Comme le rapporte une congrégation, les proclamateurs aimeraient aussi participer à la proclamation de la bonne nouvelle, mais, déclarent les frères, “ nous ne savons pas si Jéhovah nous permettra de prêcher la bonne nouvelle de maison en maison dans ce pays avant la bataille d’Har-Maguédôn ”.

1957 : Assurément, l’an passé l’œuvre a été remarquée plus que jamais, particulièrement par des représentants de l’État et de la presse. En novembre, frère [Milton] Henschel s’est adressé directement au gouvernement du Congo belge à Léopoldville et a présenté une pétition demandant la levée de l’interdiction de la Société et de l’œuvre des Témoins de Jéhovah. Une autre visite à Léopoldville, puis des démarches à New York et à Bruxelles ont poursuivi le même but. Un spécialiste belge des affaires africaines s’est rendu à la filiale de Rhodésie du Nord, où des explications détaillées sur notre œuvre et sur notre message lui ont été données.

En attendant, l’interdiction n’est toujours pas levée, et les frères du Congo belge doivent surmonter de nombreuses difficultés. Deux cent soixante personnes réparties en petits groupes ont assisté au Mémorial.

1958 : L’an dernier, malgré l’interdiction de la prédication de la bonne nouvelle et l’emprisonnement des frères, le message du Royaume a retenti, avec des résultats sans précédent.

1959 : Pour la première fois, et bien que l’œuvre soit toujours interdite, les autorités locales ont autorisé verbalement les frères à tenir des réunions. Jusqu’alors, les frères n’avaient pu organiser aucune réunion au niveau des congrégations, et ils ne se réunissaient qu’en petits groupes pour étudier la Bible dans des foyers. Depuis, ils ont pris des dispositions pour tenir le Mémorial, la première réunion de la congrégation. Les cinq [congrégations] de Léopoldville ont accueilli 1 019 personnes. Les gens étaient stupéfaits, non seulement de constater que les réunions étaient autorisées, mais aussi de voir la joie et la fraternité chrétienne des frères. Plusieurs personnes ont tout de suite remarqué que les Témoins étaient différents des autres religions, car ils ‘ se témoignaient de l’amour entre eux ’.

Bien qu’il ne fût pas encore possible d’envoyer des missionnaires au Congo, un décret de tolérance, signé le 10 juin 1958, a permis aux Témoins de Jéhovah de “ s’assembler dans des lieux clos ”. Les frères étaient ravis de pouvoir se réunir librement. Des agents de la sécurité ont parfois assisté à ces réunions et ont félicité les frères pour leur ordre et leur belle conduite.

Citons d’autres changements positifs. Jusqu’en 1956, toutes les écoles étaient financées par des organismes religieux. C’est alors qu’un nouveau ministre colonial libéral a fondé des écoles publiques et prôné une attitude plus tolérante envers les minorités. À mesure que les représentants de l’État faisaient la distinction entre les adeptes du Kitawala et les Témoins de Jéhovah, les gens confondaient de moins en moins les deux mouvements. Une pluie fine et rafraîchissante était tombée sur les graines disséminées. Des gens, de toutes parts, prenaient position pour Jéhovah.

À cette époque, un chef a arrêté plusieurs Témoins et les a conduits devant l’administrateur de la région pour qu’ils soient jugés. Ce dernier lui a demandé quel mal ils avaient fait. Le chef l’ignorait. L’administrateur l’a réprimandé, a relâché les frères et a ordonné qu’ils soient reconduits à leur domicile.

1960 : Au cours de l’année qui vient de s’écouler, l’œuvre a fait de merveilleux progrès au Congo belge. Malgré les difficultés qui règnent dans ce pays et le fait que l’œuvre est toujours officiellement interdite, les frères ont pu se réunir régulièrement dans les Salles du Royaume.

Un événement remarquable a eu lieu à l’époque du Mémorial à Léopoldville, la capitale. Les six [congrégations] de cette ville ont pris des dispositions pour se réunir ensemble à l’occasion d’un discours public, le dimanche, et les frères ont été heureux d’enregistrer une assistance de 1 417 personnes. Voici ce que l’un des [surveillants] nous a écrit à ce moment-​là : “ Nous étions très heureux, parce que c’était la première fois que nous tentions une telle expérience ; les anges de Jéhovah campaient autour de nous. ”

Ces trente ans d’Histoire nous ont donné un aperçu de l’activité au Congo, telle que l’ont rapportée les filiales des pays voisins. Voyons maintenant ce qui s’est passé par la suite.

Vers l’indépendance

Vers la fin des années 50, la prédication du Royaume au Congo, supervisée par la filiale de Rhodésie du Nord, était tolérée officiellement mais pas reconnue légalement. Pendant ce temps, des difficultés et des incertitudes nouvelles faisaient leur apparition. Le nationalisme avait pris de l’ampleur, ce qui s’est traduit par une résistance à la puissance coloniale. En janvier 1959, des manifestants ont saccagé et brûlé des magasins à Léopoldville. Ils ont pillé des églises et jeté les idoles dans les rues. Une conférence a réuni les représentants de l’autorité belge et ceux des partis politiques congolais. C’est ainsi que la date de l’indépendance a été fixée au 30 juin 1960. Bien entendu, aucun Témoin de Jéhovah n’avait pris part aux émeutes.

Partout dans le pays, des partis politiques ont commencé à voir le jour. Leurs membres étaient souvent plus unis par les liens tribaux que par des convictions politiques. Ils ont harcelé les frères pour qu’ils achètent la carte d’un parti politique. Pierre Mafwa, qui s’était fait baptiser un an auparavant, raconte : “ C’était un samedi du mois de juin 1960. Il était midi, et je rentrais du travail. Tandis que je passais devant le vieil aéroport de Léopoldville, un homme armé d’une épée s’est approché de moi. ‘ Où est ta carte du parti ? ’, m’a-​t-​il demandé. Je n’ai pas répondu. Soudain, il m’a frappé au visage et m’a tranché le nez. Il a continué à me frapper avec son épée. J’ai essayé de fuir, mais je me suis écroulé sur le sol. J’ai prié Jéhovah pour lui demander de se souvenir de moi à la résurrection, pour que je puisse revoir ma femme et mes six enfants. Après cette courte prière, j’ai entendu des coups de feu. Des soldats avaient tiré dans les jambes de celui qui s’apprêtait à me tuer et l’avaient abattu. Un policier m’a emmené à l’hôpital pour que je reçoive des soins. Des versets de la Bible m’ont grandement encouragé. ”

Arrivée des premiers missionnaires et ouverture d’une filiale

Comme nous l’avons vu, les efforts répétés pour envoyer des représentants des Témoins de Jéhovah au Congo n’avaient pas abouti. Toutefois, grâce à des changements politiques, Ernest Heuse fils a pu entrer dans le pays.

Frère Heuse était Belge. C’était un homme grand, bien bâti, avec des cheveux bruns et ondulés. Quoique courageux, il savait que la vie au Congo ne serait pas facile, ni pour lui, ni pour sa femme, Hélène, ni pour Danielle, leur fille de 11 ans. L’expérience qu’il possédait déjà l’avait préparé à ce qui l’attendait. Frère Heuse était entré au Béthel de Bruxelles en 1947. Un an plus tard, après s’être marié, lui et sa femme avaient entrepris le service de pionnier. Puis Ernest s’était vu confier la responsabilité d’entrer en contact avec les avocats et les représentants de l’État, muni d’une brochure spéciale qui exposait les différences entre les adeptes du Kitawala et les Témoins de Jéhovah. Il était ensuite devenu surveillant de circonscription.

Ernest a essayé à plusieurs reprises d’obtenir des papiers pour entrer au Congo. Il a même adressé personnellement une requête au roi de Belgique. Sans succès. Au contraire, son nom a été ajouté à la liste de personnes jugées ‘ indésirables ’ au Congo.

Ernest n’a pas baissé les bras. Il est allé en Afrique et a essayé d’entrer au Congo en passant par des pays frontaliers. Toutes ses tentatives ont échoué. Il a fini par obtenir un visa pour se rendre à Brazzaville, la capitale de la République du Congo. Puis il a pris le bateau pour traverser le fleuve à destination de Léopoldville. Son arrivée a provoqué une vive discussion parmi les fonctionnaires de service. Certains disaient qu’on ne devait pas lui donner de visa parce que son nom figurait sur la liste des personnes indésirables. Finalement, l’un d’entre eux, Cyrille Adoula, qui deviendrait plus tard premier ministre, a déclaré qu’il était au courant des différentes tentatives d’Ernest pour entrer au Congo. Il a ajouté que, si les colonialistes n’aimaient pas Heuse, celui-ci devait être un ami du Congo. Ernest a pu obtenir un visa temporaire, et plus tard une carte de résident. C’est ainsi qu’en mai 1961, les Témoins de Jéhovah ont eu un représentant au Congo pour superviser l’œuvre qui consiste à faire des disciples.

Ernest a fait le nécessaire pour qu’Hélène et Danielle le rejoignent et, en septembre, Danielle allait à l’école de Léopoldville. Le 8 juin 1962, la première filiale a été ouverte dans la capitale. Les bureaux et les logements se trouvaient dans un bâtiment de deux étages situé Avenue van Eetvelde (aujourd’hui Avenue du Marché). Comme la place manquait, les publications étaient stockées à part, dans un entrepôt. Ce n’était pas idéal, mais cela restait la meilleure solution, car les logements étaient très rares.

Frère Heuse s’est tout de suite mis au travail. Il a emprunté à la filiale de Brazzaville un projecteur et un film intitulé Le bonheur de la société du Monde Nouveau qu’il a ensuite projeté aux congrégations de Léopoldville ainsi qu’à quelques représentants du gouvernement. Les frères et les personnes intéressées par le message ont découvert qu’il existait une famille internationale de Témoins vivant dans la paix et le bonheur ! Ils ont été stupéfaits de voir un frère noir baptiser par immersion des Européens ! Le maire de Léopoldville a tellement aimé le film qu’il a déclaré : “ Cette œuvre [des Témoins de Jéhovah] devrait être encouragée le plus possible. ” Pas moins de 1 294 personnes ont assisté aux quatre premières projections.

Après toutes ces années d’attente, les frères étaient très heureux d’avoir enfin quelqu’un pour les aider. Jusqu’alors, ils n’avaient jamais vu de frère européen. Certains se demandaient même s’il en existait, car les autorités belges avaient affirmé qu’il n’y avait pas de Témoins de Jéhovah en Belgique. Les frères étaient ravis d’avoir frère Heuse parmi eux.

La mise en pratique de la vérité : un défi à relever

Il y avait beaucoup de travail à faire pour aider les frères à mettre en pratique la vérité dans leur vie. Par exemple, les rivalités entre tribus persistaient, et certains surveillants de congrégation ne s’adressaient pas la parole entre eux. Si quelqu’un était exclu d’une congrégation et si la plupart des membres de cette congrégation appartenaient à une certaine tribu, l’exclu pouvait être accueilli par les anciens d’une autre congrégation composée essentiellement de frères de sa propre tribu. Les décisions prises dans une congrégation n’étaient pas toujours respectées dans une autre. Les coutumes tribales régissaient la vie quotidienne, et l’esprit tribal se retrouvait dans les congrégations.

Les coutumes tribales engendraient d’autres difficultés. Dans certaines tribus, les relations existant entre un mari et une femme reposaient sur la fidélité à la tribu. En général, il n’y avait pas de relations étroites entre les deux conjoints. Le mariage était souvent considéré comme un arrangement de la tribu. Si les membres de celle-ci n’approuvaient pas une certaine union, ils pouvaient obliger le mari à se séparer de sa femme et à en prendre une autre de leur choix.

La mort d’un mari pouvait avoir des conséquences désastreuses. Souvent, la famille du mari s’emparait de tout ce qu’il y avait chez lui, sans rien laisser à la femme et aux enfants. Dans certaines tribus, le mari était tenu pour responsable de la mort de sa femme, et la famille de la défunte lui faisait payer une amende.

Et ce n’est pas tout. Jusqu’à ce jour, beaucoup de Congolais croient que l’on ne meurt pas de causes naturelles. Par conséquent, au moment de l’enterrement, on procède à des cérémonies censées identifier la personne responsable de la mort. Parmi les nombreuses coutumes pratiquées, il y a celle qui consiste à raser la tête du présumé coupable. Dans certaines tribus, lorsque le mari meurt, sa femme est supposée se purifier en ayant des relations sexuelles avec un homme de la tribu. Lors des funérailles, on s’adresse souvent au défunt, ce qui illustre la croyance selon laquelle l’âme ou l’esprit survit à la mort du corps. Quand on considère à quel point toutes ces coutumes sont profondément enracinées, on imagine facilement les problèmes qu’ont dû rencontrer ceux qui désiraient pratiquer le culte pur. D’autres, qui se disaient chrétiens, n’avaient pas complètement abandonné ces coutumes, et ils essayaient même de les introduire dans la congrégation chrétienne.

Il fallait des anciens courageux et honnêtes pour redresser la situation. Ceux qui aimaient Jéhovah étaient disposés à apprendre de tels frères et à opérer les changements nécessaires. Il n’était pas facile de renverser les raisonnements profondément ancrés dans l’esprit de ceux qui pensaient, à tort, connaître la vérité. Mais le plus grave, c’était que les gens confondaient les Témoins de Jéhovah avec les adeptes du Kitawala.

Lorsque le pays a appris qu’une filiale avait été ouverte, de nombreux groupes de frères ont écrit pour demander le statut de congrégation. Les groupes du Kitawala ont fait de même. On lit dans un rapport : “ Certains ont parcouru pas moins de 2 300 kilomètres, avec de longues listes de noms de personnes qui voulaient être considérées comme des Témoins de Jéhovah. Ces listes étaient parfois écrites sur des feuilles de papier larges de 70 cm et longues de 90 cm, et il arrivait qu’elles comprennent les noms de tous les habitants de deux ou trois villages. ”

Avant de donner le nom de Témoin de Jéhovah à une personne ou à un groupe, il fallait distinguer les vrais chrétiens des adeptes du Kitawala. Frère Heuse a donc envoyé des frères expérimentés procéder à cette vérification, laquelle a duré plusieurs années. Examinons quelques faits vécus par ces frères fidèles.

Face au mouvement Kitawala

En 1960, Pontien Mukanga, un frère de petite taille, au tempérament doux, est devenu le premier surveillant de circonscription au Congo. Après avoir reçu une formation au Congo-Brazzaville, il a rendu visite aux congrégations de Léopoldville ainsi qu’à quelques groupes à proximité. Mais une mission beaucoup plus difficile l’attendait : faire face aux adeptes du Kitawala.

Un de ses premiers voyages a conduit frère Mukanga à Kisangani (anciennement Stanleyville), à plus de 1 600 kilomètres de la capitale. Pourquoi cette destination ? Frère Heuse avait rencontré en prédication un Européen qui lui avait montré une photo prise à Stanleyville juste après l’indépendance. Cette photo montrait un grand panneau devant la gare, avec la photo d’une Bible ouverte en dessous de laquelle était inscrit : “ Watch Tower Bible and Tract Society — Association internationale des Étudiants de la Bible — Religion congolaise du Kitawala — Longue vie à Patrice Lumumba — Longue vie à Antoine Gizenga — Longue vie au M.N.C. ” Manifestement, les partisans du Kitawala de Kisangani faisaient un mauvais usage des noms des associations des Témoins de Jéhovah.

Y avait-​il des Témoins de Jéhovah sincères à Kisangani ? Frère Mukanga a été envoyé là-bas pour le vérifier. Les seuls renseignements que détenait la filiale concernaient un certain Samuel Tshikaka, qui avait entendu parler de la vérité à Bumba avant de retourner à Kisangani en 1957. Samuel ne fréquentait aucun groupe des Kitawala, et il désirait vivement soutenir frère Mukanga, qui a écrit plus tard : “ Avec Samuel, nous nous sommes renseignés sur les personnes qui emploient le nom Watch Tower. Nous avons rencontré leur pasteur, qui nous a parlé de ses fidèles. Certes, quelques-uns d’entre eux se servaient de la Bible, mais tous croyaient en l’immortalité de l’âme. Ils enseignaient l’amour en s’échangeant leurs femmes.

“ Peu de temps après mon arrivée, la police a tenté d’arrêter les adeptes du Kitawala présents dans la ville. Comme ces derniers ripostaient, la police a fait appel à des soldats en renfort. Beaucoup de partisans du Kitawala ont été tués. Le lendemain, un bateau transportant des morts et des blessés est arrivé. Le secrétaire du pasteur, qui était à bord, s’est rappelé que deux jours auparavant j’étais allé voir leur chef. Il m’a accusé de les avoir livrés aux autorités et a déclaré que j’étais responsable de la mort de ceux qui s’étaient fait tuer dans la lutte. Il a dit à ses amis du mouvement Kitawala de veiller à ce que je ne m’échappe pas. Mais j’ai réussi à m’enfuir avant qu’ils ne me tuent. ”

La presse belge a rapporté l’incident dans un article qu’elle a intitulé “ Lutte entre les Témoins de Jéhovah et la police ”. Cependant, les autorités congolaises, qui faisaient bien la différence entre les adeptes du Kitawala et les Témoins de Jéhovah, ont fait un rapport exact. Pas un seul journal congolais n’a accusé les Témoins d’avoir été impliqués dans cette affaire.

Qu’est-​il advenu de Samuel Tshikaka ? Il est toujours dans la vérité et sert comme ancien dans la congrégation de Tshopo Est, à Kisangani. Cette ville compte aujourd’hui 1 536 proclamateurs, répartis dans 22 congrégations. Lotomo, le fils de Samuel, est surveillant de circonscription, comme Pontien Mukanga il y a environ 40 ans.

Un surveillant de circonscription redresse les choses

François Danda, un autre surveillant de circonscription, s’est lui aussi beaucoup investi pour établir la différence entre les Témoins et les adeptes du Kitawala. “ C’était une période difficile, explique-​t-​il, et la confusion régnait. Devant les lieux de rassemblement des partisans du Kitawala, il y avait toujours un panonceau sur lequel on pouvait lire ‘ Watch Tower ’ en anglais. Dans toutes nos publications, quelle que soit la langue, les termes ‘ Watch Tower ’ apparaissaient sur la page des éditeurs. Maintenant, imaginez qu’une personne ayant lu nos publications se mette à rechercher les serviteurs de Dieu. Elle découvre un lieu de réunion avec un panneau sur lequel est écrit dans la langue locale ‘ Salle du Royaume des Témoins de Jéhovah ’, et un autre lieu de réunion dont le panonceau indique en anglais ‘ Watch Tower ’. Où va-​t-​elle se diriger ? Voyez comme il était difficile pour les gens de s’y retrouver !

“ Bon nombre de frères n’avaient pas la connaissance exacte et ils disposaient de peu de publications. Les congrégations mélangeaient souvent la vérité avec les enseignements du mouvement Kitawala, particulièrement au sujet du caractère sacré du mariage. Dans une ville, les frères à qui je rendais visite pensaient que, d’après 1 Pierre 2:17, qui dit d’‘ aimer toute la communauté des frères ’, une sœur pouvait avoir des relations sexuelles avec n’importe quel frère de la congrégation. Si elle tombait enceinte d’un autre frère que son mari, celui-ci considérait malgré tout l’enfant comme le sien. Tout comme au Ier siècle, ‘ les personnes sans instruction et instables ’ déformaient les Écritures. — 2 Pierre 3:16.

“ J’ai prononcé des discours bibliques très directs sur les normes de Jéhovah, y compris sur le mariage. J’ai expliqué aux frères qu’il nous fallait redresser certaines choses patiemment, progressivement, et que l’échangisme était proscrit. Heureusement, les frères ont compris et ont accepté le point de vue des Écritures. Même des adeptes du Kitawala de cette ville ont embrassé la vérité. ”

Les efforts fournis par frères Mukanga et Danda et par beaucoup d’autres ont permis aux gens de faire la distinction entre les Témoins de Jéhovah et les adeptes du Kitawala. Aujourd’hui, personne ne confond les termes “ Kitawala ” et “ Watch Tower ”. Les partisans du Kitawala existent toujours, bien qu’ils soient moins nombreux et moins puissants que par le passé. Dans beaucoup d’endroits, ils sont même totalement inconnus.

Accroissement grâce à une meilleure organisation

À la fin de l’année de service 1962, plus de 2 000 proclamateurs servaient Jéhovah avec zèle dans tout le Congo. Toutefois, peu de frères remplissaient les conditions bibliques requises pour être surveillants. L’illettrisme posait problème, surtout parmi les plus âgés. De plus, beaucoup tardaient à se conformer aux normes justes de Dieu à cause d’un obstacle majeur : les traditions. Enfin, quiconque avait fréquenté les adeptes du Kitawala devait attendre des années avant de se voir confier des privilèges de service.

Mais avec le temps, grâce à l’enseignement bénéfique des Écritures et à l’action de l’esprit de Jéhovah, des hommes se sont qualifiés pour devenir surveillants dans les congrégations. Partout dans le pays, des surveillants de circonscription et des pionniers courageux ont grandement contribué à fortifier et à former les frères. À cette époque, des surveillants de circonscription ainsi que des pionniers spéciaux formés en Zambie sont même entrés au Katanga et dans le sud du Kasaï, des régions qui avaient été touchées par la guerre civile.

Après l’indépendance, une période de tolérance religieuse

Rappelons qu’en 1958 le gouvernement avait émis un décret de tolérance qui accordait aux frères une liberté religieuse relative. Au début des années 60, les frères ont continué de demander à être enregistrés. Ils ne sollicitaient pas de subventions ou une quelconque aide financière de la part du gouvernement. Ce qu’ils voulaient, c’était être enregistrés. Cet enregistrement leur permettrait de prêcher la bonne nouvelle sans être harcelés. Ce besoin était urgent, car en de nombreux endroits les autorités locales organisaient des attaques contre les frères. Leurs lieux de réunion étaient incendiés ; des frères étaient battus, arrêtés et emprisonnés. Quand les frères adressaient leurs protestations au ministère de la Justice, on leur répondait invariablement : ‘ Nous sommes désolés, mais étant donné que vous n’êtes pas enregistrés, nous ne pouvons rien faire pour vous. ’

Qui plus est, le chaos régnait à l’intérieur du pays. L’autorité du gouvernement n’était pas reconnue partout. Dans certaines régions, une simple lettre de la filiale suffisait pour que les autorités locales libèrent les frères de prison. Par contre, là où l’opposition était bien ancrée, on ne pouvait pas faire grand-chose pour éviter aux frères la persécution et l’emprisonnement.

À Kinshasa, les frères ont rencontré peu d’opposition. Auparavant, ils n’organisaient de grands rassemblements dans cette ville qu’à l’occasion des mariages ou des obsèques. Mais en 1964, la filiale avait prévu de tenir deux assemblées de circonscription dans la capitale. Ce serait une nouveauté pour la plupart des frères. Lors de réunions spéciales, ces derniers ont été formés aussi bien pour présenter des exposés que pour s’occuper des différents services de l’assemblée.

Transportés d’enthousiasme, les frères ont parlé ouvertement de l’assemblée, ce qui est revenu aux oreilles du gouverneur de l’ancienne Province de Léopoldville. Comme il n’aimait pas les Témoins de Jéhovah, il a préparé un stencil pour imprimer une lettre à l’intention des autorités locales. La lettre ordonnait que tout Témoin surpris en train de prêcher ou de participer à une réunion pour le culte soit arrêté. Or, lorsque le texte de la lettre a été envoyé pour être dupliqué, c’est à un frère que l’on a confié cette tâche. Celui-ci avait très peu de papier en stock, et il savait que les magasins de Léopoldville étaient vides. Quand son responsable a réclamé les copies de la lettre, le frère lui a montré les étagères : plus de papier !

Pendant ce temps, les frères priaient Jéhovah avec ferveur au sujet de cette menace. Que s’est-​il passé ? Contre toute attente, le gouvernement a décidé de former de nouvelles provinces, et celle dont le gouverneur était l’opposant en question a été dissoute. Pendant des années, nombreux sont ceux qui ont essayé de tourmenter, voire d’éliminer, les serviteurs de Dieu. Mais leurs tentatives ont échoué. — Is. 54:17.

D’autres missionnaires arrivent

Au cours des années 60, l’organisation a profité des circonstances pour envoyer des missionnaires au Congo. Une petite maison de missionnaires a été ouverte à Kinshasa. En mars 1964, Julian et Madeleine Kissel, tous deux missionnaires, sont arrivés du Canada. Quarante ans après, ils continuent de servir fidèlement, en tant que membres de la famille du Béthel de Kinshasa.

Certains missionnaires arrivés à la fin des années 60 vivent aujourd’hui dans d’autres pays. En 1965, Stanley et Bertha Boggus ont été affectés au Congo après avoir servi en Haïti. En 1971, frère Boggus, qui était surveillant itinérant, est retourné aux États-Unis à cause d’ennuis de santé. Vers la fin de 1965, Michael et Barbara Pottage ont rejoint les missionnaires au Congo. Ils sont aujourd’hui au Béthel de Grande-Bretagne. En 1966, William et Ann Smith ont été affectés au Congo. Ils se sont principalement dépensés au Katanga. En 1986, à cause de l’interdiction, on les a envoyés au Kenya. Manfred Tonak, originaire d’Allemagne et diplômé de la 44classe de Guiléad, a servi comme surveillant itinérant au Congo. Lorsque l’œuvre a été interdite, il a été affecté au Kenya. Il est aujourd’hui le coordinateur du Comité de la filiale d’Éthiopie. En 1969, Dayrell et Susanne Sharp, diplômés de la 47classe de Guiléad, sont venus au Congo. Après leur expulsion, ils ont été envoyés en Zambie, où ils servent depuis au Béthel de Lusaka. D’autres missionnaires ont été par la suite nommés dans d’autres pays d’Afrique occidentale, tels que Reinhardt et Heidi Sperlich, qui ont trouvé la mort dans un accident d’avion. Ce drame a profondément affecté tous ceux qui les connaissaient.

En 1966, la première maison de missionnaires en dehors de Kinshasa a été ouverte à Lubumbashi, dans le sud-est du pays. D’autres ont été fondées un peu plus tard à Kolwezi, au nord-ouest de Lubumbashi, et à Kananga (alors Luluabourg), au Kasaï. La présence des missionnaires a exercé une influence stabilisatrice sur les frères, ce qui les a aidés à vivre en accord avec la vérité. Au Kasaï, par exemple, les rivalités entre tribus sévissaient toujours parmi les frères. N’appartenant à aucune tribu, les missionnaires étaient bien placés pour jouer le rôle de médiateurs et agir avec impartialité dans les affaires judiciaires.

De 1968 à 1986, plus de 60 missionnaires ont servi dans différentes régions du pays. Certains avaient suivi les cours de Guiléad, l’École biblique de la Société Tour de Garde, aux États-Unis ; d’autres, ceux de l’annexe de l’École de Guiléad, en Allemagne. De plus, des pionniers parlant le français sont venus directement au Congo en tant que missionnaires. Beaucoup d’entre eux ont appris les langues locales, et tous se sont beaucoup dépensés pour réconforter les Congolais au moyen de la bonne nouvelle du Royaume.

Les Salles du Royaume au cours des années 60

Dans les grandes villes, les lieux de réunion étaient généralement des structures à ciel ouvert. La chaleur et l’extrême humidité plaidaient en faveur de ce genre de structure. Les réunions se tenaient pour la plupart le soir ou tôt le matin, à la fraîche. C’était très bien quand il ne pleuvait pas, mais pendant la saison des pluies, il fallait souvent reporter les réunions à un autre jour.

La première Salle du Royaume a été inaugurée en 1962. Elle se situait dans la commune de Kimbanseke, à Kinshasa, et appartenait à l’une des six congrégations qui existaient alors. Depuis, les congrégations ont fait preuve de beaucoup d’initiative dans la construction de Salles du Royaume. Toutefois, des problèmes juridiques surgissaient de temps à autre. Par exemple, il arrivait qu’un frère permette à la congrégation d’utiliser son terrain pour construire une salle, mais sans avoir rempli de documents administratifs au préalable. Quand le frère mourait, sa famille venait pour saisir la salle et tout ce qui s’y trouvait. On ne pouvait pas faire grand-chose pour éviter cela. Plus tard, durant l’interdiction, de nombreuses salles ont été saisies puis utilisées par les autorités locales. Ces difficultés ont freiné les constructions de Salles du Royaume.

Néanmoins, cela n’a pas empêché la construction de Salles du Royaume dans l’ensemble du pays. Quoique simples pour la plupart, toutes témoignaient de la foi de ceux qui les avaient bâties. Voyez comment un missionnaire a décrit ces lieux de réunion à la fin des années 60.

“ Pour aller à la Salle du Royaume de Léopoldville, nous devons descendre une ruelle bordée de maisons en béton. Un cortège d’enfants nous suit. Nous entrons dans une cour entourée d’un mur en ciment. La Salle du Royaume, ouverte sur les côtés, se trouve derrière une maison occupée par des frères. Les frères s’entraînent à chanter des cantiques du Royaume. Quelle émotion de les entendre chanter de tout cœur ! Nous sommes bien contents que les arbres ombragent la salle et nous protègent ainsi du soleil. La salle comporte environ 200 places assises. L’estrade, en béton, est surmontée d’un toit en tôle ondulée. Si l’orateur est grand, il lui faudra peut-être se pencher légèrement ! Sur un panneau sont affichées les lettres envoyées par la filiale ainsi que les différentes attributions dans la congrégation. Il y a une table pour les publications. Les frères ont disposé des plantes à côté de l’estrade. Ils s’éclairent au moyen de lampes à pétrole, ce qui leur permet de tenir leurs réunions le soir. Lorsque nous repartons, les enfants sont encore dehors pour nous escorter jusqu’à la route principale.

“ Nous nous enfonçons maintenant à l’intérieur du pays. Tandis que nous entrons dans un village composé de huttes, notre regard est attiré vers la Salle du Royaume, un édifice soutenu par neuf poteaux, couvert d’un toit épais de feuilles. De petites tranchées ont été creusées dans le sol, traversant la salle. Chose surprenante, quand nous nous asseyons sur le sol et que nous mettons les pieds dans la tranchée, nous ne sommes pas si mal installés que cela ! Au-dessus du frère qui dirige la réunion est suspendu un panneau sur lequel on peut lire, écrit à la main et en dialecte local, ‘ Salle du Royaume ’. Il y a une trentaine d’assistants. Peut-être la moitié d’entre eux seulement sont-​ils proclamateurs. Ils connaissent quelques cantiques. Là où la connaissance musicale fait défaut, l’enthousiasme compense, et nous chantons de tout cœur.

“ Nous nous rendons maintenant dans le nord du pays. Nous arrêtons notre Land Rover et regardons en direction du village. Nous apercevons un groupe de huttes, dominé par une structure plus importante. Elle est construite à l’aide de gros bambous solidement fixés entre eux. Des fenêtres et une porte ont été découpées. Le toit est en paille. Devant l’édifice, il y a une pelouse bien entretenue avec une allée étroite. Sur la pelouse, il y a une petite pancarte : ‘ Les Témoins de Jéhovah ’. Nous empruntons l’allée qui mène à la Salle du Royaume, et nos frères nous accueillent avec joie. En entrant, nous remarquons que les bancs sont faits à partir de tiges de bambous, couchées sur des bambous plus gros dressés à la verticale. Heureusement, le toit de la Salle du Royaume est étanche. Car si les bambous prenaient l’eau, ils s’enracineraient et pousseraient très vite. Et les bancs ne seraient plus à 30 cm du sol, mais beaucoup plus haut ! Un tableau d’information affiche les horaires des réunions et les lettres de la filiale. Les publications sont disposées sur une table faite de tiges de bambous fendues et nouées avec des roseaux.

“ Nous nous dirigeons vers le sud, en direction du Katanga, où le soleil est en train de se coucher. Ici, il fait beaucoup plus frais et nous devons porter des vêtements plus chauds. Nous arrivons dans un village. Tandis que nous approchons de la Salle du Royaume, nous entendons les frères chanter. Dans les villages, les frères ne possèdent généralement pas de montre. Ils déterminent l’heure des réunions en fonction de la position du soleil. En général, les premiers arrivés à la salle commencent à chanter jusqu’à ce que la plupart des frères soient présents, après quoi la réunion peut débuter. Nous nous asseyons, serrés les uns contre les autres sur un siège fabriqué à partir d’un tronc d’arbre scié en deux, qui repose sur deux supports. Les publications sont rangées dans un vieux placard, mais elles ne peuvent pas y être stockées longtemps à cause des cafards et des termites, en très grand nombre, qui saccagent le papier. À la fin de la réunion, les frères nous invitent à faire le tour de leur salle. Les murs sont faits de petites branches nouées avec des roseaux et recouvertes d’argile. Le toit, étanche, est constitué d’herbes tressées. ”

Jéhovah protège ses serviteurs

Au cours des années 60, la guerre civile et la violence étaient monnaie courante. De nombreuses personnes ont perdu la vie, dont des serviteurs de Jéhovah. Les frères ont dû faire preuve de foi et de courage pour tenir leurs réunions, car celles-ci étaient parfois confondues avec des rassemblements politiques. Dans la région de l’Équateur, des soldats armés se sont approchés d’une Salle du Royaume alors qu’il s’y tenait une réunion. Ils se sont vite rendu compte que les frères étaient là pour adorer Dieu, et non pour faire de la politique. Les soldats sont donc partis en disant qu’ils n’avaient rien contre la religion ni contre Dieu.

En une autre occasion, à Kisangani, Bernard Mayunga et quelques proclamateurs ont été encerclés par des rebelles qui recherchaient des responsables de l’administration locale pour les exécuter. Lorsqu’on lui a demandé à quelle tribu il appartenait, Bernard a répondu : “ Je suis Témoin de Jéhovah. ” Surpris par cette réponse, le chef des rebelles lui a demandé de s’expliquer. Bernard a donné le témoignage à l’aide des Écritures, après quoi le chef a déclaré : “ Si tout le monde était comme vous, il n’y aurait pas de guerres. ” Bernard, ainsi que d’autres Témoins, ont été relâchés.

Enfin enregistrés !

Jusqu’en 1965, le Béthel du Congo consistait en un appartement situé dans le centre de Kinshasa. L’espace était vraiment réduit. Le pays comptait près de 4 000 proclamateurs du Royaume, et il fallait des locaux plus grands. Après avoir cherché sérieusement, les frères ont fait l’acquisition d’une maison construite depuis six ans seulement, au 764 avenue des Éléphants, dans la commune de Limete, à Kinshasa. Elle comportait un étage et quatre chambres. Les frères se sont mis au travail et ont transformé le grand espace salon-salle à manger du rez-de-chaussée en un bureau. Dans le garage, ils ont installé le service de l’expédition ainsi que la ronéo. En 1972, la maison a été agrandie.

En novembre 1965, à la suite d’un coup d’État, Joseph-Désiré Mobutu a pris le pouvoir. De nouveau, la filiale a demandé à ce que les Témoins soient enregistrés. Le 9 juin 1966, le président Mobutu a signé une ordonnance accordant cet enregistrement. Désormais, les serviteurs de Jéhovah bénéficieraient des mêmes droits et des mêmes avantages que toutes les autres religions enregistrées au Congo. Ce pour quoi les frères se dépensaient et priaient depuis 1932 se réalisait enfin. Ils étaient libres de prêcher en public, de tenir de grandes assemblées et d’être propriétaires. Mais cette liberté n’allait durer que six ans.

Un beau témoignage grâce aux assemblées

Les frères étaient vraiment heureux d’organiser des assemblées de circonscription, en toute légalité ! Pour les 11 premières assemblées, l’assistance totale s’est élevée à 11 214 personnes, parmi lesquelles 465 se sont fait baptiser.

Les assemblées ont suscité une vive réaction de la part des Églises locales. Le clergé s’était battu pour que les Témoins de Jéhovah ne soient pas enregistrés dans ce territoire productif qu’il considérait comme son domaine. À Gandajika, dans la province du Kasaï, les chefs religieux ont protesté auprès du maire. Celui-ci n’ayant pas cédé, ils ont envoyé des jeunes sur les lieux de l’assemblée pour perturber le programme. Or, un film biblique était projeté à ce moment-​là, et de nombreuses personnes étaient venues le voir. Les perturbateurs n’ont pas tardé à se calmer et à regarder le film avec les autres. Ils ont été impressionnés par ce qu’ils ont vu. Toutes les fois qu’on changeait de pellicule, la foule, qui s’élevait à plusieurs milliers de personnes, criait : “ Longue vie aux Témoins de Jéhovah ! ”

Les Témoins de Jéhovah avaient maintenant l’autorisation de tenir de grandes assemblées, mais cela réclamait beaucoup d’organisation. Ils devaient notamment préparer les drames bibliques, et donc fabriquer des costumes. Les frères devaient installer une sonorisation et la faire fonctionner. Tout cela, ils l’ont fait parce qu’ils étaient à la fois volontaires et désireux d’apprendre.

Ils se déplacent pour desservir les assemblées de circonscription

En 1964, il y avait suffisamment de circonscriptions au Congo pour constituer deux districts. Un troisième a été formé en 1969, au Kasaï, puis un quatrième en 1970. Étant donné l’état déplorable des routes, il était souvent difficile aux surveillants de district et à d’autres frères de se rendre aux assemblées. Pour preuve, accompagnons William Smith, surveillant de district, dans son voyage pour se rendre à une assemblée de circonscription.

“ La pluie avait inondé la campagne et grossi les rivières. Nous nous dirigions vers Kamina, où une assemblée de circonscription devait avoir lieu. Nous avions plus de 300 kilomètres à parcourir. Les pluies torrentielles avaient transformé certaines routes en bourbiers. En d’autres endroits, on ne distinguait même plus la route. Une vallée s’était changée en lac. Voitures, camions et véhicules du gouvernement étaient garés un peu partout : les conducteurs attendaient que les eaux baissent. Beaucoup pensaient qu’ils seraient retardés de deux semaines.

“ Je savais que les frères attendaient l’assemblée avec impatience. Certains auraient marché des jours entiers pour y assister. J’ai demandé s’il y avait un moyen de contourner la vallée. À ma grande surprise, on m’a dit que les Témoins de Jéhovah avaient construit une petite route de contournement, mais que, le sol étant trop mou, les Témoins ne laissaient personne l’emprunter tant que le surveillant de district ne serait pas passé par là pour se rendre à Kamina.

“ Des frères de deux villages avaient travaillé toute la journée, toute la nuit et le lendemain pour ouvrir un autre chemin qui contournerait la route infranchissable. Très vite, j’ai retrouvé les frères, et je me suis apprêté à emprunter avec la jeep le chemin qu’ils avaient construit. Plusieurs personnes s’étaient rassemblées pour voir si la jeep arriverait à passer. Quelle déception quand nous avons vu, au bout de quelques mètres, la jeep s’enfoncer dans la terre molle !

“ Les frères ont bien essayé de pousser le véhicule, mais celui-ci n’avançait pas. Le découragement se lisait sur leur visage : ils avaient travaillé si dur ! Ils restaient néanmoins déterminés à amener le surveillant de district à l’assemblée. Comme il leur semblait que la nouvelle route était plus dangereuse qu’avantageuse, les gens sont retournés à leur véhicule. Mais les frères ont décidé d’essayer encore. Cette fois, ils ont déchargé entièrement la jeep, qui était alourdie par les publications, la sonorisation, un groupe électrogène et bien d’autres choses. Ils ont creusé et poussé, et finalement la jeep a commencé à avancer tout doucement.

“ Une heure après, nous poussions des cris de joie et nous chantions des cantiques du Royaume, heureux d’avoir réussi à passer malgré la boue. Les frères avaient accompli ce que les personnes assises dans leur véhicule jugeaient impossible. L’assemblée fut une belle réussite, grâce au dur travail des frères. Jéhovah a soutenu ses serviteurs et les a aidés à faire sa volonté. ”

Un nouveau régime politique apporte des changements

Il n’était pas simple d’atteindre les personnes dispersées dans la forêt équatoriale et la savane, qui s’étendaient sur des milliers de kilomètres carrés. Tandis que les missionnaires prêchaient dans les grandes villes, les frères et sœurs africains qui étaient pionniers spéciaux ouvraient des territoires ruraux. Cependant, beaucoup de villageois étaient analphabètes. Il était donc difficile de former des congrégations fortes. De plus, des changements politiques allaient avoir une incidence sur la vie des frères.

L’année 1970 a marqué le début d’un régime politique de parti unique. Ce parti était connu sous le nom de Mouvement Populaire de la Révolution, ou M.P.R. Il prônait le retour aux valeurs traditionnelles, et prévoyait notamment de rebaptiser les villes. Stanleyville s’appelait déjà Kisangani, et Élisabethville était devenue Lubumbashi. En 1971, le gouvernement a changé le nom du pays et de son fleuve principal, Congo, en celui de Zaïre. La monnaie n’était plus le franc, mais le zaïre. Le gouvernement a également demandé aux gens de changer de nom : les noms considérés comme chrétiens devaient être remplacés par des noms africains authentiques. Le port de la cravate était interdit, car il évoquait les Européens. Dans tous ces domaines, les frères ont obéi avec respect. — Mat. 22:21.

Selon l’idéologie politique, toute personne née au Congo était automatiquement un membre actif du M.P.R. Pour garder son emploi, aller à l’école ou vendre des produits sur le marché, les gens étaient obligés de posséder la carte du parti. Qui plus est, ils étaient censés porter l’insigne du parti, surtout lorsqu’ils entraient dans l’administration. Cette période a été difficile pour le peuple de Jéhovah. Des frères ont perdu leur emploi, et des enfants ont été renvoyés de l’école.

Toutefois, certains membres du gouvernement ont compris la position des Témoins de Jéhovah. Le ministre de l’Intérieur a demandé à un frère qui travaillait pour lui pourquoi il ne portait pas l’insigne du parti. Le frère lui a exposé ses raisons, qui étaient bibliques. Le ministre lui a répondu : “ Nous vous connaissons, et nous ne vous causerons pas d’ennuis, mais le mouvement de la jeunesse, lui, ne vous épargnera pas. ”

On a rapporté que, lors d’une réunion, alors qu’il avait reçu de nombreuses plaintes contre les Témoins de Jéhovah, le président Mobutu en personne a répondu aux membres de son parti : ‘ Si je dois un jour être confronté à des problèmes, ils ne viendront pas des Témoins de Jéhovah. Rappelez-​vous qui a trahi Jésus. C’est Judas, l’un de ses apôtres. Si je dois être trahi, ce sera par quelqu’un qui mange en ce moment avec moi. ’

Le Béthel s’agrandit pour répondre aux besoins

En janvier 1971, Nathan Knorr, du siège mondial à Brooklyn, est venu au Congo. À cette occasion, la question de l’agrandissement du Béthel et des bureaux a été abordée. En 1970, il y avait près de 14 000 proclamateurs répartis dans 194 congrégations et plus de 200 groupes isolés. En raison du besoin croissant en publications, le dépôt du Béthel était devenu trop petit. Quelle joie les frères ont ressentie lorsque frère Knorr a annoncé que les locaux allaient être agrandis ! Un architecte a dessiné les plans d’un bâtiment moderne d’un étage, deux fois plus grand que celui d’alors. Il comprendrait un grand bureau, un dépôt spacieux et des chambres supplémentaires.

En juin 1971, les plans ont été approuvés, et les travaux ont commencé. Don Ward a été envoyé du Dahomey (aujourd’hui le Bénin) pour diriger la construction. De nombreux volontaires venus de 39 congrégations de Kinshasa ont apporté leur aide et, tous ensemble, ils ont mené le projet à terme. Comme nous allons le voir, l’accroissement de l’œuvre et l’extension du Béthel contrariaient d’autant plus les religions de la chrétienté.

Courage et prudence s’imposent dans les années 70

En décembre 1971 le gouvernement a fait voter une loi pour réguler les nouveaux groupes de prière et les différentes religions qui se formaient partout dans le pays. D’après cette loi, seules trois religions étaient enregistrées : le catholicisme, le protestantisme et le kimbanguisme, une religion du pays. En 1972, trois autres religions ont été enregistrées : l’islam, l’Église orthodoxe grecque et le judaïsme. Beaucoup d’autres religions, plus petites, étaient regroupées dans le protestantisme.

Ainsi, de 1971 à 1980, le peuple de Dieu n’a plus été enregistré ; il s’est trouvé dans une semi-interdiction, ce qui d’une certaine façon a limité ses activités. Si les Témoins de Jéhovah n’étaient pas enregistrés, en revanche l’ordre n’avait pas été donné d’expulser les missionnaires, et le Béthel n’a pas rencontré de difficultés. En ce qui concerne les maisons de missionnaires, l’une d’elles a été fermée à Kananga, mais pas celles de Bukavu, de Kisangani, de Kolwezi et de Lubumbashi. Les frères ne pouvaient plus organiser de grandes assemblées de district. Cependant, en de nombreux endroits, les frères se réunissaient dans leurs Salles du Royaume. Ils tenaient de petites assemblées de circonscription dans des salles plus grandes. Tout dépendait des autorités locales. Là où l’opposition était forte, les frères savaient qu’ils pouvaient être persécutés et arrêtés. Des centaines de frères ont été emprisonnés. Là où les autorités locales étaient favorables, les frères pouvaient poursuivre leurs activités en toute liberté.

Malgré ces restrictions, les Témoins ont continué de prêcher avec hardiesse. Trois frères et une sœur sont allés au marché pour donner le témoignage. Deux hommes se sont approchés et ont arrêté l’un des frères parce qu’il avait laissé un livre à une personne intéressée par la bonne nouvelle. Ils l’ont emmené au quartier général du parti et l’ont mis dans une pièce en attendant le retour du chef du parti. Lorsque celui-ci est arrivé, il a trouvé le frère en train de proposer à un homme le livre L’homme est-​il le produit de l’évolution ou de la création ?

“ Seriez-​vous en train de répandre votre propagande ici ? ”, lui a demandé le chef.

Le frère a répondu : “ Si quelqu’un vous demandait : ‘ L’homme est-​il le produit de l’évolution ou de la création ? ’, que répondriez-​vous ? ”

Le chef n’a rien dit. S’adressant aux hommes qui avaient arrêté le frère, il a déclaré : “ Laissez-​le aller. Il ne fait rien d’illégal. ”

Le frère est retourné au marché et a continué de donner le témoignage. Plus tard, le chef est passé à proximité et l’a aperçu. Le montrant du doigt, il a dit aux hommes qui l’accompagnaient : “ Voilà quelqu’un de courageux, vous ne trouvez pas ? ”

En 1974, Ernest Heuse, le surveillant de la filiale, a dû retourner en Belgique sur le conseil de ses médecins. Il souffrait d’emphysème depuis quelque temps, et ses fréquentes crises de paludisme aggravaient son état. Les frères aimaient beaucoup la famille Heuse. Ernest et Hélène avaient fait avancer l’œuvre de manière considérable. De retour en Belgique, ils ont continué à servir Jéhovah avec zèle. Ernest est décédé en 1986 et sa femme, huit ans plus tard. À Kinshasa, la surveillance de la filiale a été confiée à Timothy Holmes, qui était missionnaire depuis 1966.

1980 : De nouveau enregistrés

Le 30 avril 1980, le président de la République a signé une ordonnance accordant l’enregistrement de l’Association des Témoins de Jéhovah. Plus que jamais, les gens s’intéressaient à la vérité. L’assistance au Mémorial s’est élevée à 90 226 personnes, et environ 35 000 études bibliques à domicile étaient dirigées. On a enregistré des chiffres records de proclamateurs et de pionniers. Il fallait de meilleures installations pour répondre plus efficacement aux besoins du territoire. Aussi les frères se sont-​ils réjouis lorsque le Collège central a approuvé l’achat d’un terrain deux fois et demi plus grand que celui que le Béthel du Congo possédait déjà. Toutefois, comme nous allons le voir, des difficultés ont surgi.

Pendant des années, les frères n’avaient pas pu organiser de grandes assemblées de district. À présent, ils étaient libres de le faire. En 1980, cinq assemblées de district “ L’amour divin ” se sont tenues en divers endroits du pays. Certains frères avaient un long voyage à faire. De nombreuses familles ont parcouru plus de 400 kilomètres à pied. Deux pionniers spéciaux qui vivaient dans une région très isolée ont fait plus de 700 kilomètres à vélo. Pendant deux semaines, ils ont roulé sur le sable et à travers la forêt tropicale. D’autres encore sont venus du Congo-Brazzaville, du Burundi et du Rwanda.

Dans les années qui ont suivi, il est devenu nécessaire d’organiser des assemblées de district dans plus d’endroits encore. Certes, les frères bénéficiaient de la liberté religieuse, mais la situation économique devenait de plus en plus critique. Beaucoup d’entre eux avaient du mal, ne serait-​ce qu’à survivre. Les prix montaient en flèche, mais pas les salaires. Le coût des transports étant trop élevé, la majorité des frères ne pouvaient faire de longs voyages. Avec amour, le Béthel a donc organisé d’autres assemblées, plus près des lieux d’habitation de la plupart des frères.

Au Congo, les routes ressemblent parfois à de véritables parcours du combattant. On y rencontre toutes sortes d’obstacles : arbres tombés, ponts endommagés, sable et ornières. Les représentants de la filiale et leurs femmes ont toujours manifesté un bel esprit de sacrifice en desservant les assemblées. Mais leur sacrifice est petit, comparé à celui des frères et des sœurs fidèles qui, souvent, doivent marcher des jours entiers et dormir à la belle étoile. Aujourd’hui encore, il est courant de voir des frères parcourir entre 50 et 150 kilomètres à pied pour assister aux assemblées de district.

Des maisons de missionnaires supplémentaires

L’enregistrement obtenu en 1980 a permis à d’autres missionnaires de venir au Congo. En 1981, une nouvelle maison de missionnaires a été ouverte à Goma (région du Kivu). Au cours des deux années qui ont suivi, d’autres maisons ont été ouvertes à Likasi (au Katanga), à Mbuji-Mayi (au Kasaï), à Kikwit (en Bandundu), ainsi que dans la ville portuaire de Matadi (Bas-Congo). Des maisons de missionnaires autrefois fermées ont été rouvertes. Enfin, en 1986, une maison s’est ouverte à Isiro (Province Orientale), ce qui fait un total de 11 maisons de missionnaires. Elles étaient également utilisées comme dépôts pour les publications. Les missionnaires servaient d’intermédiaires entre la filiale et le territoire. Les frères et sœurs de ces régions appréciaient beaucoup les encouragements et la formation qu’ils leur donnaient. L’année de service 1981 s’est achevée sur un nouveau maximum de 25 753 proclamateurs, ce qui laissait entrevoir de belles perspectives d’accroissement.

Ils n’ont pas peur de Kimbilikiti

Kimbilikiti est le nom d’un esprit. Il est adoré par la tribu Rega, qui vit dans la forêt dense, au centre-est du pays. Ces Africains, en majorité des chasseurs, des cultivateurs et des pêcheurs, sont imprégnés des croyances religieuses en rapport avec Kimbilikiti. Les prêtres de cette secte (qui s’entoure de mystère) exercent une influence considérable sur ceux qui redoutent cet esprit.

Les Témoins de Jéhovah de cette région ne craignent pas Kimbilikiti, car ils savent que Jéhovah est le seul vrai Dieu. Ils sont les seuls à ne pas satisfaire aux exigences des prêtres de Kimbilikiti, qui réclament, par exemple, des chèvres ou des poulets.

Au début de 1978, des membres de la secte ont commencé à persécuter ouvertement les Témoins de Jéhovah. Ils ont incendié plusieurs Salles du Royaume, chassé des frères de leur domicile et confisqué leurs biens. Ils ont eu également recours à la sorcellerie et aux sorts pour nuire aux frères, mais leurs tentatives ont été vaines. C’est alors qu’en août 1983, certains d’entre eux ont commis un acte abominable en tuant sauvagement huit frères près du village de Pangi.

Ce drame a bouleversé la congrégation, en particulier celles et ceux qui ont perdu un mari ou un père aimé. Les frères de la filiale et de cette région se sont unis pour apporter un soutien, tant spirituel que matériel, aux familles endeuillées.

Pendant ce temps, les meurtriers se sentaient en sécurité dans cette région forestière isolée. Toutefois, les coupables ont fini par être arrêtés. Le procès a eu lieu devant le tribunal de Kindu. Les accusés ont affirmé que l’esprit Kimbilikiti les avait poussés au meurtre. Mais le procureur leur a expliqué ce qu’on leur reprochait véritablement. Il a déclaré : “ Certains [membres de la tribu Rega] qui participaient par le passé aux rites de Kimbilikiti et qui en connaissent les secrets sont aujourd’hui Témoins de Jéhovah. Ils ont dévoilé ces secrets, en particulier ceux qui établissent la non-existence de l’esprit appelé Kimbilikiti. En conséquence, ils ont révélé que les offrandes réclamées par ledit esprit ne sont qu’une vaste supercherie montée par les anciens qui président aux cérémonies. ”

Les accusés, et non l’esprit Kimbilikiti, ont été reconnus coupables. Lorsque l’affaire a été jugée en appel, la cour de Bukavu a confirmé la peine de mort pour les meurtriers. Les procureurs ont énoncé les conséquences auxquelles s’exposeraient les adorateurs de Kimbilikiti s’ils renouvelaient leurs attaques contre les Témoins de Jéhovah *.

Depuis, d’autres incidents se sont produits, mais les adeptes de cette religion sont aujourd’hui conscients qu’ils ne peuvent plus garder ces choses secrètes dans la forêt ni compter sur un Kimbilikiti imaginaire pour les protéger. Dans le même temps, les Témoins de Jéhovah continuent avec fidélité d’aider autrui à se libérer de cette secte. Dans son amour, Jéhovah a béni leurs efforts. À présent, plus de 300 proclamateurs zélés se dépensent dans les congrégations de cette région. Ils aiment Jéhovah et ne redoutent pas Kimbilikiti.

Interdiction de l’œuvre

En 1985, l’œuvre du Royaume était prospère au Congo. La construction d’un nouveau Béthel avait commencé, sur le terrain acheté en 1980. Environ 60 volontaires étrangers travaillaient au chantier. À la fin de l’année de service, on avait enregistré près de 35 000 proclamateurs ainsi qu’un nouveau maximum de pionniers. Soixante missionnaires prêchaient avec zèle dans l’ensemble du pays. Les surveillants de circonscription formaient les anciens et les pionniers. Tout semblait annoncer un accroissement remarquable.

Cependant, tout le monde ne se réjouissait pas de la prospérité spirituelle et matérielle des serviteurs de Dieu. Par l’entremise des hommes politiques, le clergé s’efforçait d’entraver l’activité des frères. Le 12 mars 1986, le président Mobutu a signé un décret interdisant l’œuvre des Témoins de Jéhovah. Le lendemain, la radio nationale a annoncé la nouvelle. Un journaliste a déclaré : “ Maintenant, nous n’entendrons plus jamais parler des Témoins de Jéhovah au [Congo]. ” Comme il se trompait !

Le Béthel a rapatrié quatre missionnaires qui étaient alors surveillants de district, et a désigné des frères du pays pour poursuivre le service qu’ils effectuaient. Ne pouvant plus prêcher ouvertement, les missionnaires étaient comme en résidence surveillée. Les frères africains étaient très prudents quand ils prêchaient (Mat. 10:16). Malheureusement, de nombreuses personnes qui s’intéressaient à la vérité ont pris peur et ont arrêté d’étudier la Bible. Des Salles du Royaume ont été fermées, voire détruites. D’autres ont été saisies par des représentants du parti. Les frères ont dû se réunir par petits groupes. Certains ont été arrêtés chez eux en pleine nuit, et leurs biens ont été volés.

Dans la région de l’Équateur, beaucoup de frères ont été battus et jetés en prison. Un pionnier spécial a été frappé violemment, puis il a été emprisonné trois mois. Tout cela à cause de la nouvelle diffusée à la radio ! Jusqu’alors, aucune loi n’avait été votée pour faire appliquer l’interdiction. Peu après la nouvelle annonçant l’interdiction de l’œuvre, les frères ont fait appel, mais ils n’ont reçu aucune réponse. C’est alors qu’en juin 1986, le président a prononcé un discours public dans lequel il présentait les Témoins comme des ennemis de la patrie et des gens irrespectueux envers l’autorité.

Ces changements avaient été si soudains ! Du jour au lendemain, un groupe de personnes auparavant respectées ne l’étaient plus. La construction du Béthel a été interrompue, et le silence a commencé à régner sur ce chantier autrefois animé et joyeux. Tous les volontaires venus de l’étranger ont dû quitter le pays, et le matériel pour la construction a été vendu. Une vingtaine de frères de la région sont restés pour garder les lieux.

C’est alors que, produisant autant d’effet qu’un coup de tonnerre, une lettre du chef de la sécurité est arrivée, datée du 26 juin 1986, qui disait que tous les missionnaires devaient quitter le pays. Cette nouvelle interdiction était très différente de celle qui avait été prononcée en 1972, car à cette époque les missionnaires avaient pu rester. Quelle tristesse de voir le service des expéditions déborder d’affaires personnelles, celles des missionnaires qui faisaient leurs valises ! En juillet, 23 missionnaires sont partis dans d’autres pays. Ceux qui, entre-temps, étaient allés en vacances à l’étranger ne sont jamais revenus. Le Congo allait connaître une nouvelle période d’affinage.

Réorganisation en vue de l’activité clandestine

Si les opposants pensaient décourager, voire éliminer les serviteurs de Jéhovah, ils se trompaient lourdement. Ils ne connaissaient pas le pouvoir de l’esprit saint de Jéhovah et la détermination des serviteurs de Dieu. Un petit noyau de missionnaires expérimentés a réussi à rester dans le pays. Les membres du Béthel ont continué à superviser la prédication du Royaume depuis différents foyers privés. Les frères dirigeaient l’École des pionniers dans des foyers, partout dans le pays.

La nourriture spirituelle ne manquait pas. Les frères continuaient à imprimer et à diffuser des publications bibliques. La filiale envoyait les plans des discours prévus pour les assemblées de district et de circonscription aux congrégations, pour qu’ils soient présentés sous forme d’exposés. Lors de leur passage dans les congrégations, les surveillants de circonscription faisaient écouter les drames bibliques enregistrés dans les langues du pays. Il en a été ainsi chaque année, jusqu’à ce que l’interdiction soit levée. Cela représentait beaucoup de travail, mais les frères en ont retiré de grands bienfaits.

Pendant ce temps, les anciens sont entrés en contact avec les autorités pour leur expliquer en quoi consistait notre neutralité politique et pour leur faire comprendre que cette neutralité n’était pas synonyme de subversion. C’est ainsi que le nom et le dessein de Jéhovah sont devenus connus de tous, y compris des autorités les plus haut placées. Les serviteurs de Jéhovah ont démontré qu’ils formaient un peuple particulier : ils respectaient une stricte neutralité, mais ils étaient paisibles et non subversifs.

Diminution, puis accroissement du nombre de proclamateurs

Le rapport d’activité de 1987 montrait que le nombre de proclamateurs avait chuté de 6 %. Certains avaient peur et ne voulaient pas s’identifier à une organisation interdite. Une vague de persécutions cruelles a déferlé dans plusieurs régions.

Il arrivait toutefois que l’opposition ait l’effet inverse de celui qui était escompté. Par exemple, un chef local a tenu une réunion spéciale pour parler en mal des Témoins de Jéhovah. Brandissant un exemplaire du Recueil d’histoires bibliques, il a demandé aux personnes présentes d’arrêter quiconque distribuerait ce livre. Elles ont répondu qu’elles aimeraient examiner cet ouvrage, afin d’être en mesure de le reconnaître. Le chef a accepté. Ce qu’elles y ont vu leur a plu, si bien que certaines d’entre elles ont demandé un exemplaire de ce livre à un pionnier spécial qui habitait dans un autre village. Ce pionnier se souvient : “ J’ai commencé dix études bibliques. Je n’avais jamais prêché dans le village du chef. S’il n’avait pas parlé en mal de nous, ces personnes n’auraient peut-être pas eu l’occasion de connaître la vérité. ”

Les frères se sont adaptés à la situation. Bien que limités dans de nombreux domaines, ils n’étaient pas “ à l’étroit ”. (2 Cor. 4:8.) À la fin de l’année de service 1988, le nombre de proclamateurs avait augmenté de 7 % et il y avait environ 60 000 études bibliques. Au Béthel, les frères du Bureau du service se sont rendus dans les villes principales pour encourager leurs compagnons et rencontrer les anciens, ainsi que les surveillants itinérants. Pendant ce temps, la filiale continuait de superviser le Congo-Brazzaville, où l’œuvre était également interdite, et le Burundi.

Un frère qui était directeur d’une école à Kolwezi a refusé de prononcer un serment politique. On l’a roué de coups, puis on l’a envoyé à Lubumbashi, où ses ennemis pensaient qu’il serait tué. Le frère a expliqué calmement la raison de sa neutralité. Il a été acquitté, puis il est retourné à Kolwezi. Ceux qui l’avaient battu ont été contraints à s’excuser. Le frère a de nouveau été admis dans l’enseignement, et a même été nommé inspecteur.

En octobre 1988, les chefs locaux ont saisi le chantier de construction du Béthel à Kinshasa et ont confisqué des tonnes de publications bibliques. Les soldats volaient régulièrement des livres et des bibles, qu’ils trouvaient dans les cartons, et ils les vendaient ensuite sur le marché. Les gens qui les achetaient étaient ainsi prêts à commencer une étude biblique *.

En 1989, malgré l’interdiction, le nombre de proclamateurs du Royaume est passé à 40 707. Les ennemis religieux des Témoins de Jéhovah étaient furieux. Le ministre de la Justice, bien connu pour son attachement à l’Église catholique, a envoyé à tous les procureurs du Congo une lettre dans laquelle il exprimait sa consternation de voir que les serviteurs de Jéhovah étaient toujours actifs. Il a encouragé les procureurs à poursuivre les Témoins de Jéhovah et à fermer les Salles du Royaume. Plus tard, dans un discours adressé à des chefs religieux, il a qualifié les serviteurs de Jéhovah de “ véritables démons ”, ce qui a déclenché une vague de persécutions dans Bandundu, la province où résidait le ministre.

Des enfants sont envoyés en prison

À cette époque, les enfants de certains Témoins de Jéhovah ont été arrêtés dans les écoles, parce qu’ils avaient refusé de participer à des cérémonies politiques. Le père de deux enfants a lui aussi été arrêté et jeté en prison avec ses deux jeunes fils. Les gardiens de la prison avaient reçu l’ordre de ne pas les nourrir. Perplexe, un gardien a demandé : “ Dans cette prison, nous avons des meurtriers et des voleurs, et nous leur donnons à manger. Pourquoi devrait-​on priver de nourriture cet homme et ses deux fils ? ” N’ayant pas reçu de réponse satisfaisante, le gardien leur a donné lui-​même à manger. Les garçons ont passé 11 jours en prison, et leur père, un pionnier spécial, 7 jours. Cette épreuve ne les a nullement découragés.

À Kikwit, un homme, qui n’était pas Témoin de Jéhovah, a été arrêté après que sa femme, qui était Témoin, et deux de leurs filles, ont été jetées en prison. Lorsqu’on a découvert que cet homme ne partageait pas les croyances de sa femme, on lui a ordonné de quitter la prison. Mais il a refusé de partir, déclarant qu’il n’abandonnerait pas sa femme et ses enfants. Lorsque lui et sa famille ont fini par être libérés, il a étudié la Bible et s’est fait baptiser. Il est aujourd’hui ancien dans une congrégation.

Agitation dans le pays

En septembre 1991, une révolte militaire ainsi que de nombreux pillages ont eu lieu à Kinshasa, avec pour conséquences de graves pénuries de nourriture et de carburant, le chômage et l’inflation. Les filiales des Témoins de Jéhovah d’Afrique du Sud et de France ont envoyé du ravitaillement.

Tout en se débattant avec ses propres problèmes, la filiale du Congo s’est occupée de réfugiés de deux pays limitrophes : l’Angola et le Soudan. Dans le nord-est du Congo, Zekaria Belemo, alors surveillant itinérant, a rendu visite à un groupe de frères, des réfugiés originaires du Soudan. Il s’est adressé à l’assistance dans son anglais limité, qui a été traduit en arabe. Zekaria se demandait si les frères comprenaient quelque chose du discours qu’il prononçait. Environ cinq ans plus tard, deux jeunes hommes qui visitaient le Béthel se sont approchés de lui et lui ont demandé : “ Est-​ce que tu te souviens de nous ? Nous étions là quand tu as prononcé ton discours dans le camp de réfugiés. Nous avons pris à cœur tous tes encouragements et nous nous sommes mis à étudier la Bible. ” Quelque temps plus tard, tous deux avaient voué leur vie à Jéhovah.

Les conflits ethniques constituaient un autre problème majeur. Beaucoup d’habitants du Kasaï avaient émigré vers le sud, au Katanga. En 1992 et en 1993, les habitants du Katanga les ont chassés de leur province. La plupart de ceux qui venaient du Kasaï ont dû abandonner leur emploi, leurs biens et leur maison. Pour sauver leur vie, ils se sont enfuis dans des camps ou dans d’autres endroits, où ils pouvaient rester ensemble, pour leur sécurité. Plus de 100 000 d’entre eux sont retournés au Kasaï. Parmi eux se trouvaient quelque 4 000 Témoins de Jéhovah. En dépit de leurs faibles revenus et du manque de nourriture, les frères qui vivaient dans les environs ont fait tout leur possible pour leur apporter de l’aide. Une congrégation, sur la route principale, au nord du Katanga, a envoyé des frères à la rencontre de chaque camion qui arrivait, pour savoir s’il y avait des Témoins à bord. Une fois identifiés, les frères recevaient le soutien nécessaire.

La filiale d’Afrique du Sud a envoyé plusieurs camions remplis de nourriture et de médicaments destinés à être distribués aux frères réfugiés dans les camps. Ce soutien matériel a sauvé des vies. Le Collège central a également donné des instructions aux frères de Kinshasa pour qu’ils achètent de la nourriture, des médicaments, des pioches et des pelles, afin que les familles puissent se réinstaller au Kasaï et cultiver leurs champs.

D’autres signes annoncent un changement

Le 24 avril 1990, un discours du président ainsi que des conférences de presse ont indiqué un changement dans l’attitude des autorités envers les Témoins de Jéhovah. Lors de sa conférence de presse, qui réunissait des journalistes nationaux et internationaux, le président a garanti que le gouvernement soutenait toutes les libertés fondamentales, dont la liberté de la presse et la liberté religieuse. Cela a permis aux frères de prêcher et de se réunir plus ouvertement. Ceux qui étaient emprisonnés ont été relâchés.

Vous souvenez-​vous de cet animateur de radio qui, en 1986, avait affirmé que l’on n’entendrait plus jamais parler des Témoins de Jéhovah au Congo ? Sa prédiction a été démentie. Lorsque l’interdiction a débuté en 1986, le Congo comptait 34 207 proclamateurs. À la fin de l’année de service 1990, il y en avait 50 677, et 156 590 personnes avaient assisté au Mémorial. Les grains de maïs tombés de notre sac étaient devenus nombreux malgré l’opposition, la diffamation, la persécution et la colère des chefs religieux et politiques. En 1997, lorsque le régime du président Mobutu a été renversé, c’est l’animateur de radio, et non les Témoins de Jéhovah, qui a dû s’enfuir du pays !

De nouveau la liberté

L’ordonnance de 1986 avait interdit toutes les activités des Témoins de Jéhovah et avait dissous leur association dans le pays. Cependant, le 8 janvier 1993, la Cour suprême du Zaïre (Congo) a rendu un arrêt dans l’affaire Les Témoins de Jéhovah contre la République du Zaïre. Elle a estimé que l’ordonnance du président n’était pas justifiée, et elle l’a donc annulée. Quelle joie pour les frères !

Cette décision de la Cour suprême a fait du bruit, car elle avait appliqué une nouvelle constitution transitoire, ce que le président et ses partisans n’acceptaient pas. D’autres considéraient que cette décision faisait jurisprudence. Les Témoins se trouvaient au centre du débat, mais un témoignage remarquable a été rendu à la gloire de Jéhovah. Des dizaines d’articles de presse ont parlé de cette affaire historique. Le ministère de la Justice a ensuite informé les gouverneurs des différentes provinces que les Témoins de Jéhovah étaient de nouveau autorisés à poursuivre leurs activités religieuses. Quelle victoire pour les serviteurs de Jéhovah et pour le vrai culte !

Problèmes d’expédition à l’intérieur du Congo

Le Congo est un pays très vaste. Mais, mis à part quelques kilomètres de littoral au Bas-Congo, le pays est enclavé dans les terres. La plupart des gros conteneurs arrivent au port de Matadi. Il y a une seule ligne de chemin de fer et une seule route pavée entre Matadi et la capitale, qui est située à 300 kilomètres.

Des filiales européennes ont envoyé au Béthel du Congo des camions à quatre roues motrices : ils sont très utiles pour l’expédition et les travaux de construction. Depuis 1999, le Béthel dispose d’un entrepôt à Matadi, ce qui est très pratique, car les publications peuvent ainsi être déchargées directement des bateaux, puis stockées dans l’entrepôt, jusqu’à ce qu’un camion du Béthel vienne les chercher pour les transporter à Kinshasa.

Dans les années 80, il était encore possible de traverser le pays, de Kinshasa à Lubumbashi, en s’arrêtant aux entrepôts des maisons de missionnaires de Kananga et de Mbuji-Mayi. Alors qu’un avion à réaction mettait environ deux heures pour aller de Kinshasa à Lubumbashi, un camion chargé, lui, mettait deux semaines ! Malheureusement, au fil des années, les routes se sont détériorées, au point de devenir impraticables. Bien qu’on puisse naviguer des milliers de kilomètres sur certains fleuves, les bateaux qui partent de Kinshasa vers l’intérieur du pays ne sont pas sûrs. Qui plus est, les troubles politiques persistent dans certaines régions, ce qui réduit encore plus le périmètre autour de Kinshasa, à l’intérieur duquel les véhicules du Béthel peuvent circuler. L’avion est donc le moyen le plus approprié pour expédier les publications depuis la filiale jusqu’aux endroits éloignés.

D’autres filiales apportent leur concours pour approvisionner les frères en publications. Le Béthel du Cameroun achemine par camions les publications dans le nord du Congo, en passant par la République centrafricaine. Les filiales du Rwanda et du Kenya desservent l’est du pays. Les congrégations de certaines régions du sud reçoivent leurs publications d’Afrique du Sud et de Zambie.

L’École de formation ministérielle : une bénédiction

En 1995, la première classe de l’École de formation ministérielle a été organisée à Kinshasa. En avril 2003, plus de 400 frères, soit 16 classes, avaient reçu cette formation. Cinq de ces élèves sont devenus surveillants de district, et plus de 60 servent actuellement comme surveillants de circonscription. Cinquante autres ont été nommés pionniers spéciaux. Ces frères contribuent grandement à développer l’enthousiasme pour la prédication.

Pour certains, il n’a pas été facile d’assister à cette école. Quand Georges Mutombo a reçu son invitation, il vivait dans une région contrôlée par les armées en guerre contre le gouvernement. Il a dû parcourir 400 kilomètres à vélo jusqu’à Kamina avant de pouvoir prendre un avion à destination de Kinshasa, où devait se tenir l’école. Il a voyagé sous la pluie pendant trois jours et passé 16 postes militaires de contrôle. Il a également traversé des régions où la criminalité était très répandue. Un jour, il a été poursuivi par des bandits, eux aussi à vélo. Ils ont abandonné la poursuite lorsqu’un des pneus du vélo de tête a éclaté. Manifestement, les bandits ont compris, rien qu’à sa tenue, que Georges était Témoin. Ils lui ont crié qu’ils ne le poursuivraient plus, parce qu’ils avaient constaté que son Dieu, Jéhovah, était avec lui.

Accroissement et nouvelles installations

Depuis 1965, le Béthel se trouvait à Kinshasa, dans la commune de Limete, 764 avenue des Éléphants. En 1991, un terrain a été acheté dans la zone industrielle de la ville. Les trois grands bâtiments construits sur ce terrain avaient abrité une usine de tissus, puis des ateliers de réparations. Les frères les ont rénovés, ce qui a permis de centraliser les activités de la filiale. Bien que l’insécurité et l’instabilité politiques aient retardé le projet, les travaux ont commencé en 1993 avec l’arrivée de serviteurs internationaux. En avril 1996, les membres du Béthel ont emménagé dans les nouvelles installations. Un ancien du Béthel a déclaré après avoir emménagé : “ Le fait de voir toute la famille de nouveau réunie nous rappelle ce qui s’est passé il y a dix ans, quand notre œuvre a été interdite. Nous sommes infiniment reconnaissants à Jéhovah Dieu et à son organisation visible de pouvoir bénéficier de ces magnifiques bâtiments. ” En octobre 1996, le nombre de proclamateurs est passé à 100 000. Les frères se réjouissaient des perspectives d’accroissement.

Des missionnaires apportent leur soutien

Dans les années 90, il a de nouveau été possible d’envoyer des missionnaires au Congo. Ils allaient rejoindre les sept missionnaires qui avaient réussi à rester dans le pays durant l’interdiction. En juillet 1995, Sébastien Johnson et sa femme Gisela, qui servaient au Sénégal, ont été affectés au Congo. D’autres missionnaires allaient suivre. Certains sont venus des États-Unis après avoir été diplômés de l’École de Guiléad, d’autres de Belgique, de Grande-Bretagne et de France. En mars 1998, Christian et Juliette Belotti sont arrivés de Guyane. En janvier 1999, Peter Wilhjelm et sa femme Anna-Lise ont eux aussi quitté le Sénégal pour le Congo. Plus tard, d’autres missionnaires sont venus du Cameroun, du Mali et du Sénégal.

En décembre 1999, une nouvelle maison de missionnaires a été ouverte dans un quartier résidentiel de Kinshasa. Douze missionnaires y vivent. À Lubumbashi, une maison de missionnaires est restée en fonction, sans interruption, depuis 1965. Une deuxième maison a été fondée dans cette ville en 2003, dans laquelle quatre couples servent actuellement. Une autre a ouvert ses portes en mai 2002 à Goma, dans l’est du pays ; quatre missionnaires y ont été affectés. Les missionnaires continuent d’être une bénédiction dans ce territoire à la fois vaste et productif.

Guerre et neutralité chrétienne

La plupart de ces missionnaires sont arrivés en pleine période de bouleversements violents. En octobre 1996, la guerre a éclaté dans l’est du pays et a rapidement gagné d’autres régions. Le but de cette guerre était de renverser le président Mobutu. Le 17 mai 1997, les forces de Laurent-Désiré Kabila sont entrées à Kinshasa, et celui-ci est devenu président.

Alors que, dans le monde entier, la télévision transmettait des images terrifiantes de réfugiés démunis, affamés et malades, les serviteurs de Jéhovah continuaient d’annoncer le message d’espoir et de réconfort contenu dans la Bible. Malheureusement, des milliers de personnes, dont une cinquantaine de Témoins, ont péri dans cette guerre. Beaucoup d’autres sont mortes du choléra ou de différentes maladies.

À cause de la guerre, la majorité des gens ne possèdent pas de carte d’identité. Cela pose un problème aux frères qui se déplacent pour effectuer l’œuvre de prédication, car il y a de nombreux postes militaires de contrôle sur les routes. Les proclamateurs d’une congrégation n’avaient pas de carte d’identité. Un ancien leur a donc suggéré de présenter à la place leur carte “ Instructions médicales/Attestation prévisionnelle ”, ce qu’ils ont fait. À un poste de contrôle, les soldats leur ont dit : “ Ce n’est pas ça que nous voulons. Nous voulons la carte d’identité de chaque citoyen ! ”

Les frères ont répondu : “ C’est la carte qui atteste que nous sommes Témoins de Jéhovah. ” Les soldats les ont laissés passer.

À Kisangani, des mercenaires étrangers qui combattaient pour les forces gouvernementales ont emprisonné quatre jeunes frères. Ces derniers étaient accusés mensongèrement de livrer des renseignements à l’ennemi. Chaque matin, les mercenaires choisissaient dix prisonniers, les conduisaient dans la brousse, puis les tuaient. Un jour, le sort est tombé sur deux frères et huit autres prisonniers. Ils sont montés à bord d’un camion, qui est parti en direction de la brousse. À un moment donné, le véhicule s’est arrêté, car il y avait un cadavre en travers de la route. Les mercenaires ont donné ordre aux deux frères de l’enterrer. Après avoir accompli leur tâche, les frères ont attendu le retour du camion, qui avait continué sa route. Ils auraient pu en profiter pour s’enfuir, mais ils ne l’ont pas fait, car ils ne voulaient pas mettre en danger la vie de leurs deux autres compagnons qui étaient restés en prison. Le camion est repassé... sans les huit prisonniers. Lorsque les deux frères sont arrivés à la prison, tout le monde était stupéfait de les voir en vie. Peu de temps après, quand les soldats de l’opposition se sont emparés de la ville, ils ont fait sauter la porte de la prison. Les mercenaires ont pris la fuite, et les frères ont été libérés.

Des filiales européennes apportent leur soutien en époque difficile

Depuis 1996, une grande partie du Congo a été touchée par la guerre et de nombreuses personnes ont été déplacées. Plusieurs milliers de frères congolais ont fui dans des camps de réfugiés en Tanzanie et en Zambie. Étant donné que de plus en plus de régions tombaient sous le pouvoir des forces rebelles, il est devenu plus difficile pour la filiale de rester en contact avec les frères qui se trouvaient dans les territoires occupés et de superviser leur œuvre. Des comités de secours ont été mis sur pied dans les grandes villes pour dispenser une aide matérielle. La famille du Béthel a manifesté un bel esprit de volontariat et de sacrifice, en organisant, tard dans la soirée, la distribution des secours. Des Témoins de Jéhovah de Belgique, de France et de Suisse ont amené par pont aérien des tonnes de nourriture, de vêtements et de médicaments, ainsi que 18 500 paires de chaussures et 1 000 couvertures. Les secours se poursuivent. Les souffrances des Témoins de Jéhovah, mais aussi d’autres personnes, sont ainsi allégées.

En octobre 1998, un article paru dans un journal de Kinshasa disait : “ Les congrégations chrétiennes des Témoins de Jéhovah de plusieurs pays d’Europe viennent d’unir leurs efforts pour rassembler plus de 400 tonnes d’aide humanitaire à destination du Congo-Kinshasa et du Congo-Brazzaville. Du siège belge (Ostende) où cette action est coordonnée avec l’aide de bénévoles anglais, français, et suisses, plus de 37 tonnes de riz, de lait en poudre, de haricots et de biscuits protéinés ont déjà été acheminées vers la capitale congolaise (Kinshasa) et réceptionnées par le siège national des Témoins de Jéhovah [à Kinshasa]. [...] Trente-huit autres tonnes d’aide alimentaire ont été à nouveau expédiées.

“ Il convient de signaler que, dès le début du génocide rwandais, les Témoins de Jéhovah [...] s’étaient portés au secours des réfugiés de l’Afrique de l’Est. À ce sujet, [le] porte-parole des Témoins de Jéhovah a déclaré qu’à cette époque, les offrandes bénévoles faites par les Témoins de Jéhovah avaient permis de rassembler plus de 200 tonnes d’aide alimentaire et médicale pour combattre le choléra. Les Témoins de Jéhovah de France et de Belgique avaient plusieurs équipes à pied d’œuvre pour organiser des camps d’accueil de réfugiés [...]. Il a, entre autres éléments, évoqué la contribution des Témoins de Jéhovah aux sinistrés de l’Europe de l’Est ainsi que de Bosnie. ”

La guerre n’entrave pas les progrès spirituels

En septembre 1998, les rebelles ont attaqué Ndjili, un quartier de Kinshasa. Pris dans l’agitation, un groupe de frères s’est réfugié dans une maison où logeait un surveillant de circonscription. Après avoir prié en leur faveur, il leur a lu Isaïe 28:16, qui déclare : “ Celui qui exerce la foi ne sera pas pris d’affolement. ” Il les a tous encouragés à rester calmes et à compter sur la direction de Jéhovah.

Certains ont proposé de traverser le pont pour sortir de Ndjili, et d’autres de longer la voie ferrée. Finalement, les frères ont décidé de rester où ils étaient. Trois jours après, les troupes gouvernementales ont repris le contrôle de Ndjili. Les frères ont appris par la suite que, s’ils avaient emprunté l’un ou l’autre des chemins auxquels ils avaient pensé, ils auraient été pris dans les affrontements.

Au Katanga, un frère de la congrégation de Museka Kipuzi vendait du poisson à des soldats. Après avoir discuté avec eux, il a été accusé par l’un des soldats d’être un espion du parti adverse. Le frère a été ligoté, roué de coups, puis emmené au quartier général de la région. Quand il est arrivé, la nuit était tombée. Les soldats lui ont ordonné de danser devant eux. Le frère leur a répondu : “ Mais il fait nuit ! Vous n’allez rien voir ! ”

“ Alors, tu peux chanter ”, lui ont-​ils dit. Le frère a chanté de tout cœur le cantique “ Décharge-​toi de ton fardeau sur Jéhovah ”. Émus par les paroles, les soldats lui ont demandé de le chanter une seconde fois, ce qu’il a fait. Puis l’un d’entre eux lui a demandé de chanter un autre chant. Cette fois, le frère a chanté “ Merci, ô Jéhovah ! ”, en kiluba, sa langue natale. À la fin, ses ravisseurs l’ont détaché. Le lendemain matin, les soldats l’ont ramené en ville et ont enquêté dans son quartier pour s’assurer qu’il n’était pas un espion. Avant de partir, ils lui ont dit : “ Tu as failli mourir, mais maintenant tu ne mourras pas. C’est ta religion qui t’a sauvé la vie. Nous avons été très touchés par les paroles des deux cantiques que tu as chantés. Ne cesse pas de servir ton Dieu ! ”

La construction de Salles du Royaume rend gloire à Jéhovah

Ces dernières années, le Collège central des Témoins de Jéhovah a fait un effort spécial pour soutenir la construction de Salles du Royaume dans les pays aux ressources limitées. Les frères congolais ont accueilli ces mesures avec joie, car il y avait un besoin urgent de Salles du Royaume. À Kinshasa, par exemple, on comptait 298 congrégations pour moins de 20 salles décentes. Il était nécessaire de construire des centaines de salles dans tout le pays. En avril 1999, le programme de construction a débuté à Kinshasa. Plus tard, il a été étendu aux autres provinces du Congo. Début 2003, près de 175 Salles du Royaume étaient construites dans les deux Congo.

Un homme, dont le premier contact avec la vérité remontait aux années 50, a été très impressionné par la construction d’une Salle du Royaume en face de sa propriété. “ Je ne me suis jamais vraiment intéressé aux Témoins, a-​t-​il confié. Maintenant, je vois le résultat de leur dur travail. Ils ont construit une Salle du Royaume à côté de chez mon frère, et maintenant, il y en a une autre en face de chez moi. C’est à croire que les Témoins me suivent partout ! ” Cet homme a accepté de venir au Mémorial de la mort du Christ ainsi qu’à l’inauguration de la Salle du Royaume. Il assiste aujourd’hui aux réunions régulièrement.

À Matete, trois congrégations tenaient leurs réunions dans un bâtiment délabré qu’elles avaient acheté en 1994. Les frères n’avaient pas d’argent pour le rénover, aussi l’ont-​ils laissé dans cet état pendant six ans. En face de ce bâtiment il y avait une grande église. Quand elle a été construite, le pasteur a déclaré que les Témoins de Jéhovah ne tarderaient pas à s’en aller. Les voisins se moquaient des frères parce que leur lieu de réunion n’était pas attrayant. Même lorsque la congrégation a commencé à fabriquer des parpaings pour la construction d’une nouvelle Salle du Royaume, certains voisins ont continué à se moquer. Ils ont été vraiment surpris en voyant les résultats ! Maintenant, ils disent que les Témoins de Jéhovah ont le plus bel édifice du quartier. Une voisine qui n’avait jamais voulu discuter avec les Témoins a été impressionnée par le travail des frères. Elle est venue sur le chantier et a promis d’écouter les Témoins la prochaine fois qu’ils lui rendraient visite.

Sur un autre chantier, une femme a abordé une sœur qui cuisinait pour les volontaires. “ Vous construisez une église ? lui a-​t-​elle demandé.

— Nous construisons notre Salle du Royaume, lui a répondu la sœur.

— Cet édifice sera exactement à votre image, a déclaré la femme. Vous êtes toujours propres et nets. Votre église vous ressemblera. ”

Modification dans l’administration de la filiale

Afin de pourvoir aux besoins du territoire, il est devenu nécessaire de réorganiser le Comité de la filiale. En mai 1996, le Collège central a apporté des modifications. Le 20 mai 1996, Sébastien Johnson a été nommé coordinateur du Comité de la filiale. Lui ainsi que Peter Ludwig, qui avait été nommé au comité deux mois auparavant, ont formé un comité de filiale restreint pour superviser l’œuvre. Dans les années qui ont suivi, d’autres frères ont été nommés : David Nawej, Christian Belotti, Benjamin Bandiwila, Peter Wilhjelm, Robert Elongo, Delphin Kavusa et Uno Nilsson. Pour des raisons de santé, Peter Ludwig et sa femme Petra ont dû retourner en Allemagne, où ils sont aujourd’hui Béthélites.

Les frères du Comité de la filiale travaillent dur pour assurer une direction théocratique dans l’ensemble du pays. De plus, des serviteurs de Jéhovah sont venus d’Amérique du Nord, d’Europe et du Japon pour se dépenser au Congo comme serviteurs internationaux, Béthélites à l’étranger ou missionnaires. Au cours de l’année de service 2003, le Béthel de Kinshasa comptait plus de 250 membres, dont la moyenne d’âge était de 34 ans.

Encore beaucoup de travail en perspective

Un prophète des temps anciens a écrit : “ Béni est l’homme robuste qui place sa confiance en Jéhovah, et dont Jéhovah est devenu l’assurance. ” (Jér. 17:7). Malgré les guerres qui persistent dans plusieurs régions du Congo, les frères continuent à faire connaître la bonne nouvelle du Royaume à autrui. Bien que la guerre civile entrave les efforts de la filiale pour apporter un soutien spirituel dans l’ensemble du pays, il est encourageant de constater un nouveau chiffre record de 122 857 proclamateurs.

Dans ce récit, nous avons relaté des faits vécus par des serviteurs fidèles au Congo. Il est impossible de mentionner le nom de tous les frères et de toutes les sœurs qui, au Congo, ont contribué à défendre la bonne nouvelle et à la faire reconnaître en justice. Mais tous peuvent être assurés de l’approbation de Jéhovah. L’apôtre Paul a écrit à ses compagnons chrétiens : “ Dieu n’est pas injuste pour oublier votre œuvre et l’amour que vous avez montré pour son nom, en ce que vous avez servi les saints et que vous continuez à les servir. ” — Héb. 6:10.

Il y a encore beaucoup de travail à faire. Il reste de nouveaux territoires à ouvrir, des Salles du Royaume à construire et la filiale à agrandir. Mais si nous faisons le point sur les plus de 50 ans d’activité théocratique au Congo, nous partageons l’avis de ce frère qui avait déclaré en 1952 : ‘ Nous sommes comme des grains de maïs dans un sac. Où que nous tombions, la pluie finit par arriver, et nous devenons nombreux. ’ Nous attendons avec impatience de voir dans quelle mesure notre Père céleste, Jéhovah Dieu, fera croître les graines du Royaume. — 1 Cor. 3:6.

[Notes]

^ § 3 Au cours des années, ce pays a reçu plusieurs noms : État indépendant du Congo, Congo belge, Congo, Zaïre et, depuis 1997, République démocratique du Congo. Officieusement, il est couramment appelé Congo-Kinshasa, pour le différencier de son pays voisin, le Congo-Brazzaville. Tout au long de ce récit, nous emploierons le nom Congo.

^ § 155 Voir La Tour de Garde du 1er mars 1985, pages 3-10.

^ § 173 La Cour suprême a finalement décidé de rendre aux frères la propriété qui avait été saisie et sur laquelle la construction du Béthel avait commencé au début des années 80. Des soldats ont ensuite occupé les lieux et, en 2000, lorsqu’ils ont fini par s’en aller, des chefs coutumiers ont divisé l’ensemble de la propriété en plusieurs petits terrains qu’ils ont vendus à des sans-logis. Ils sont aujourd’hui des centaines à occuper cette zone. Ce problème n’est toujours pas résolu.

[Entrefilet, page 229]

“ Maintenant, nous n’entendrons plus jamais parler des Témoins de Jéhovah au [Congo]. ”

[Entrefilet, page 249]

“ Tu as failli mourir, mais maintenant tu ne mourras pas. C’est ta religion qui t’a sauvé la vie. ”

[Encadré, page 168]

Données générales

Le pays : Située de part et d’autre de l’équateur, la République démocratique du Congo est au moins six fois plus vaste que son voisin, le Congo-Brazzaville. Le nord du pays est en majeure partie couvert de forêts tropicales humides. Ces forêts sont si denses que la lumière du soleil filtre avec peine jusqu’au sol. À l’est s’élèvent des montagnes et des volcans actifs. À l’ouest, l’océan Atlantique borde le pays sur quelque 40 kilomètres.

La population : Le Congo-Kinshasa compte 55 millions d’habitants, soit plus de 200 groupes ethniques. La moitié de la population se dit catholique, 20 % protestante, 10 % kimbanguiste, et 10 % musulmane.

Les langues : Elles sont nombreuses. Bien que le français soit la langue officielle, les langues les plus parlées sont le lingala, le kingwana, le swahili, le kongo et le tshiluba.

Les sources de revenus : Le Congo-Kinshasa regorge de ressources naturelles : pétrole, diamants, or, argent et uranium. Toutefois, les combats récents ont considérablement freiné les exportations, ce qui a alourdi la dette extérieure. Dans les campagnes, les familles cultivent la plupart des aliments qu’elles consomment, dont le manioc, le maïs et le riz.

La faune : Les animaux sauvages abondent. Les forêts abritent quantité de babouins, de gorilles et d’autres singes. Dans la savane vivent des antilopes, des léopards, des lions, des rhinocéros et des zèbres. On rencontre également des crocodiles et des hippopotames dans les rivières.

[Encadré/Illustration, pages 173, 174]

Il a trouvé la vérité

Henry Kanama appartenait à l’Église évangélique de Luena. Mais il a fini par comprendre que cette religion ne détenait pas la vérité. Il allait souvent dans la montagne pour prier et méditer. Il y a rencontré un groupe de personnes qui affirmaient communiquer avec des esprits. Des membres de ce groupe ont expliqué à Henry que, selon eux, Dieu était quelque part très loin, mais ils ne savaient pas où.

Henry s’est mis à rechercher le vrai Dieu. Un jour, il a rencontré un homme qui lui a laissé un exemplaire de Réveillez-vous ! en français. Il n’a pas tardé à comprendre que c’était la vérité biblique, ce qu’il recherchait depuis si longtemps. Il a écrit aux Témoins de Jéhovah à l’adresse indiquée dans la revue et, très rapidement, il a commencé à étudier la Bible par correspondance. Quelque temps plus tard, Henry, sa femme Élisabeth, et certaines de leurs connaissances ont écrit pour savoir comment se faire baptiser. Ils ont reçu une lettre qui les a invités à se tourner vers les filiales des pays voisins. Or, la plupart d’entre elles étaient loin.

Henry et Élisabeth, ainsi qu’Hyppolite Banza et sa femme Julienne ont décidé de se rendre en Rhodésie du Nord. Tous les quatre ont pris conscience qu’ils allaient devoir apprendre le kibemba pour approfondir leur connaissance de la vérité. Après avoir calculé la dépense, ils se sont rendus dans ce pays. Six mois plus tard, ils se sont fait baptiser. C’était en 1956.

La même année, ils sont retournés au Congo belge, où ils ont annoncé la bonne nouvelle avec zèle. En 1961, Henry et quelques-uns de ses compagnons ont été arrêtés, puis jetés en prison. On les a accusés d’être des adeptes du mouvement Kitawala et d’avoir tué un chef local qui lui-​même avait comploté d’assassiner un autre chef. Bien évidemment, ces accusations n’étaient pas fondées. Aussi a-​t-​on relâché ultérieurement Henry et ses compagnons.

Par la suite, Henry et Élisabeth ont entrepris le service de pionnier avant de devenir pionniers spéciaux. Plus tard, ils se sont dépensés dans le service de la circonscription. Malgré la mort de son mari survenue en 1991, Élisabeth est toujours pionnière permanente. Un de leurs fils, Ilunga, est surveillant de circonscription.

[Encadré/Illustrations, page 178]

Albert Luyinu : un Témoin fidèle

Albert a découvert la vérité en 1951, grâce à Simon Mampouya, un collègue de travail originaire du Congo-Brazzaville. Albert a été le premier Congolais à devenir dentiste. En raison de son statut social, il ne lui a pas été facile de prendre position pour la vérité. Sa femme et lui se sont fait baptiser en 1954, après le Mémorial. L’œuvre étant interdite à cette époque, leur baptême a eu lieu de nuit.

De 1958 à 1996, Albert a été le représentant légal de l’association des Témoins de Jéhovah. Il se rappelle qu’il a interprété un discours de mariage prononcé par frère Heuse devant 1 800 personnes. Le discours exposait tout d’abord les responsabilités de l’épouse chrétienne. Albert se souvient d’avoir éprouvé une certaine supériorité en regardant sa femme et les autres sœurs dans l’assistance. Mais lorsque l’orateur a parlé des responsabilités du mari chrétien, Albert s’est senti bien petit... Parvenu à la fin du discours, il était pleinement convaincu de son insignifiance !

[Illustration]

Albert et Emilie Luyinu.

[Encadré/Illustration, pages 191-193]

Entretien avec Pontien Mukanga

Naissance : 1929

Baptême : 1955

Parcours : A été le premier surveillant de circonscription du Congo-Kinshasa.

En 1955, je suis allé à l’hôpital à cause d’une rage de dents. Albert Luyinu, le dentiste, m’a soigné, puis m’a montré Révélation 21:3, 4, qui parle de l’époque où la souffrance aura disparu. Je lui ai laissé mon adresse, et le soir même Albert m’a rendu visite. Après avoir fait de rapides progrès spirituels, je me suis fait baptiser au cours de la même année.

En 1960, j’ai été nommé surveillant de circonscription pour l’ensemble du pays. Ce service n’était pas facile. Je voyageais des jours entiers, voire des semaines, à l’arrière de camions surchargés, sous un soleil de plomb. Les routes étaient défoncées. La nuit, j’étais harcelé par les moustiques. Souvent, le camion qui me transportait tombait en panne. Je devais alors attendre qu’il soit réparé. Je marchais seul sur des chemins non balisés, et il m’arrivait de me perdre.

Un jour, je suis allé dans une ville située dans le nord du pays. Léon Anzapa m’accompagnait. Nous nous sommes ensuite rendus à vélo dans une autre ville, distante d’environ 120 kilomètres. Comme nous nous sommes égarés, nous avons dû passer la nuit dans un poulailler. Or, les poulets étaient infestés d’insectes qui n’arrêtaient pas de nous piquer. Le propriétaire a donc allumé un petit feu à même le sol, au milieu de la pièce qui n’avait aucune fenêtre.

Cette nuit-​là, le fils du propriétaire s’est battu avec d’autres villageois. Le propriétaire n’a pas tardé à se mêler à la bagarre. Nous savions que, s’il n’avait pas le dessus, nous aurions de gros problèmes. Entre les insectes, la fumée et cette bagarre, nous n’avons pas fermé l’œil de la nuit.

Alors que le soleil n’était pas encore levé, nous avons enfourché nos vélos et nous sommes partis. Seulement, au bout de quelques kilomètres, nous nous sommes de nouveau perdus. Nous avons continué à pédaler toute la journée sur une route abandonnée. Le soir, affamé et exténué, Léon est tombé de sa bicyclette. Dans sa chute, il s’est ouvert la lèvre supérieure contre une pierre. Il saignait beaucoup. Nous avons toutefois poursuivi notre chemin jusqu’au prochain village. Lorsqu’ils ont vu Léon, les villageois ont voulu savoir qui lui avait fait cela. Nous leur avons expliqué qu’il était tombé de son vélo. Ils ne nous ont pas crus et m’ont même accusé de l’avoir blessé. Cette nuit-​là non plus nous n’avons pas dormi. Léon souffrait terriblement, et les villageois voulaient s’en prendre à moi. Le lendemain matin, nous avons repris la route jusqu’à un village où l’on pouvait trouver des médicaments. On a mis du mercurochrome sur la lèvre de Léon et on a refermé la plaie avec six clamps. Ensuite, nous avons encore fait environ 80 kilomètres jusqu’à Gemena, où j’ai laissé Léon dans un petit hôpital. Je suis reparti tout seul rejoindre ma femme, après quoi nous avons poursuivi notre activité le long du fleuve jusqu’à Kinshasa.

Marie, la femme de Pontien, a souvent accompagné son mari dans ce genre de voyages. Elle est décédée en 1963. En 1966, Pontien s’est remarié et a continué dans le service de la circonscription, jusqu’en 1969. Aujourd’hui, il est toujours dans le service à plein temps en qualité de pionnier permanent.

[Encadré/Illustration, pages 195, 196]

Entretien avec François Danda

Naissance : 1935

Baptême : 1959

Parcours : Surveillant de circonscription de 1963 à 1986. A servi au Béthel du Congo-Kinshasa de 1986 à 1996. Est aujourd’hui ancien et pionnier spécial.

En 1974, je rendais visite à une congrégation de Kenge, dans la province de Bandundu, quand des militants du parti au pouvoir ont arrêté sept d’entre nous. On nous reprochait principalement notre refus de participer aux cérémonies politiques en l’honneur du chef de l’État. On nous a mis dans une cellule de deux mètres sur deux, sans fenêtre. Nous ne pouvions ni nous asseoir ni nous allonger, seulement nous adosser les uns contre les autres. Nous n’étions autorisés à sortir que deux fois par jour. Nous avons passé 45 jours dans cette cellule. Quand ma femme, Henriette, a appris ce qui s’était passé, elle a parcouru près de 300 kilomètres depuis Kinshasa pour me voir, mais on ne lui permettait de me rendre visite qu’une fois par semaine.

Un jour, le procureur de l’État est venu visiter la prison. Une cérémonie politique a eu lieu en son honneur. Tout le monde, excepté nous, a chanté des hymnes et répété des slogans du parti. Furieux, le procureur m’a sommé d’ordonner aux six autres frères de chanter. Je lui ai répondu que je n’avais aucune autorité sur eux et que la décision de chanter ou pas leur appartenait. J’ai été battu pour avoir dit cela.

Plus tard, on nous a fait monter à l’arrière d’un quatre-quatre. Deux soldats nous accompagnaient, ainsi que le procureur, qui était assis à côté du chauffeur. Nous nous dirigions vers Bandundu, la capitale de la province du même nom. Le véhicule roulait très vite. J’ai dit aux frères de se cramponner, et j’ai commencé à prier. Au moment où je terminais ma prière, le véhicule a pris un virage trop rapidement et a fait un tonneau. Chose incroyable, personne n’a été tué ni même blessé ! Nous avons eu le sentiment que Jéhovah nous avait protégés. Une fois le véhicule remis sur ses roues, le procureur a ordonné aux deux soldats de nous ramener à pied à la prison. Le quatre-quatre, quant à lui, a continué sa route jusqu’à Bandundu.

De retour à la prison, les soldats ont raconté aux autorités ce qui s’était passé et les ont suppliées de nous relâcher. Le directeur de la prison était très impressionné. Il pensait, comme nous, que Dieu nous avait protégés. Nous avons passé les quelques jours suivants dans une cellule classique et on nous a autorisés à circuler dans la cour avec les autres prisonniers. Puis nous avons été relâchés.

Après s’être dépensés 24 ans dans le service de la circonscription, François et Henriette ont été invités à venir au Béthel. Dix ans plus tard, ils ont été nommés pionniers spéciaux. Henriette est décédée le 16 août 1998.

[Encadré/Illustration, pages 200-202]

Entretien avec Michael Pottage

Naissance : 1939

Baptême : 1956

Parcours : Michael et sa femme, Barbara, ont servi au Congo pendant 29 ans. Aujourd’hui au Béthel d’Angleterre, Michael est ancien dans une congrégation londonienne d’expression lingala.

Notre première difficulté a été d’apprendre à communiquer. Pour commencer, nous devions parler couramment le français, la langue officielle du Congo. Mais ce n’était qu’un début ! Au Katanga, nous avons appris le swahili. À Kananga, nous devions maîtriser le tshiluba. Enfin, lorsque nous avons été affectés à Kinshasa, nous nous sommes mis à l’apprentissage du lingala.

Tous ces efforts se sont avérés extrêmement profitables. Tout d’abord, nos frères se sont montrés d’autant plus amicaux qu’ils ont vu que nous essayions tant bien que mal de communiquer avec eux. Nos efforts pour parler leur langue étaient à leurs yeux une preuve de l’amour sincère et de l’intérêt que nous leur portions. De plus, notre ministère est ainsi devenu plus productif. Lorsqu’ils nous entendaient parler leur langue, nos interlocuteurs étaient tout d’abord stupéfaits, puis ravis. Ils éprouvaient un certain respect qui les incitait à écouter ce que nous avions à leur dire.

Lors de nos déplacements dans le service du district, notre connaissance des langues locales nous a sauvés de situations parfois périlleuses. En périodes de crise, les barrages routiers, militaires et politiques, n’étaient pas rares. C’était un bon moyen pour soutirer de l’argent. Les étrangers en particulier étaient considérés comme une cible facile et lucrative. Quand on nous arrêtait à un barrage routier, nous saluions les soldats dans leur langue. Surpris, ils nous demandaient qui nous étions. Quand nous en avons su assez pour dire autre chose qu’un simple bonjour et que nous avons pu leur expliquer, dans leur langue, ce que nous faisions précisément, leur réaction a été généralement favorable. Ils nous réclamaient des publications et nous souhaitaient un bon voyage, ainsi que la bénédiction de Dieu.

Nous avons souvent été très émus par l’amour empreint d’abnégation que manifestaient nos frères africains. Pendant des années, le système du parti unique du Congo a suscité une opposition parfois violente envers les personnes neutres sur le plan politique, telles que les Témoins de Jéhovah. C’est dans ce contexte que nous nous déplacions en jeep dans le district et pour servir nos frères aux assemblées.

Je me souviens d’une assemblée en particulier. Le dernier jour, durant la session du soir, le responsable local du parti politique est venu derrière l’estrade. Il était ivre et tenait des propos injurieux, demandant avec insistance qu’on le laisse monter pour dire à tous ceux qui étaient présents qu’ils devaient acheter la carte du parti. Devant notre refus, il est entré dans une colère extrême et nous a insultés, disant que les Témoins de Jéhovah s’opposaient au gouvernement et qu’ils devraient être emprisonnés. Des frères ont réussi à le convaincre de s’en aller. Il est parti en criant qu’il allait nous dénoncer à l’administrateur, puis qu’il reviendrait brûler notre jeep et mettre le feu à notre hutte. Nous savions que ce n’étaient pas des paroles en l’air.

Les frères ont été extraordinaires. Au lieu de fuir à cause de la peur, ils se sont rassemblés autour de nous et nous ont encouragés à mettre notre confiance en Jéhovah et à nous en remettre à lui. À tour de rôle, ils ont surveillé notre hutte et notre jeep, durant toute la nuit. Cela nous a beaucoup touchés. Non seulement les frères étaient prêts à donner leur vie pour nous protéger, mais ils étaient disposés à courir le risque d’être maltraités, après notre départ, pour avoir refusé de soutenir le parti politique. Nous n’oublierons jamais l’amour chrétien plein d’abnégation ainsi que tous les autres témoignages d’amour stimulants dont nous avons été l’objet durant ces années passées au Congo.

[Encadré/Illustration, pages 211-213]

Entretien avec Terence Latham

Naissance : 1945

Baptême : 1964

Parcours : Missionnaire pendant 12 ans. A appris le français, le lingala et le swahili. Sert aujourd’hui en Espagne avec sa femme et ses deux enfants.

En 1969, Raymond Knowles et moi avons pris l’avion pour Kisangani, la capitale de la province nord-est du Congo. Cette ville comptait alors 230 000 habitants.

Les quelques proclamateurs ainsi que les nombreux amis de la vérité du territoire nous ont réservé un accueil des plus chaleureux. Ils nous ont couverts de cadeaux : papayes, bananes, ananas et autres fruits tropicaux que nous n’avions jamais vus. Certains nous ont apporté des tortues et des poulets vivants. Samuel Tshikaka nous a gentiment hébergés chez lui. Mais très vite, nous avons trouvé un bungalow à louer. Nicholas et Mary Fone, ainsi que Paul et Marilyn Evans nous ont ensuite rejoints. Comme nous étions heureux ! Ensemble, nous avons réparé et repeint la première maison de missionnaires à Kisangani. Des lianes et des mauvaises herbes avaient tout envahi. Au cours du nettoyage, nous avons délogé deux civettes du grenier. Plus tard, Peter et Ann Barnes nous ont rejoints dans la maison de missionnaires, ainsi qu’Ann Harkness, qui est devenue ma femme.

Durant nos quatre premières années de prédication à Kisangani, nous avons appris le lingala et le swahili, et nous avons noué des liens étroits avec les habitants, qui étaient hospitaliers et amicaux. Nous avions tant d’études bibliques que nous devions commencer tôt le matin et finir tard le soir pour pouvoir toutes les diriger. Au cours de ces années passées à Kisangani, nous avons vu un groupe de moins de dix proclamateurs croître jusqu’à former huit congrégations.

Un jour que nous roulions sur une route qui longeait l’Ituri, plusieurs d’entre nous ont remarqué un village de Pygmées. Nous avions très envie de prêcher aux habitants. Selon les propos des spécialistes, les Pygmées considèrent la forêt comme leur mère (ou leur père) parce qu’elle leur fournit nourriture, vêtements et toit. Par conséquent, ils tiennent la forêt pour sacrée et ils croient qu’ils peuvent entrer en communion avec elle au moyen d’une cérémonie appelée molimo. Lors de cette cérémonie, on danse et on chante autour d’un feu. La trompette molimo accompagne la danse. Il s’agit d’un long tube de bois dans lequel les hommes soufflent pour faire de la musique et reproduire des cris d’animaux.

Nous avons été fascinés par le village de ces nomades, qui généralement ne restent qu’un mois environ au même endroit. Leur camp était composé de chambres en forme de ruches, construites avec de jeunes arbres et des feuillages. Ces abris n’avaient qu’une ouverture et pouvaient être bâtis en deux heures, voire moins. Chaque chambre était suffisamment grande pour que plusieurs personnes y dorment, couchées en chien de fusil. Des enfants se sont approchés de nous pour nous toucher la peau et les cheveux : ils n’avaient jamais vu de Blancs auparavant ! Quel bonheur d’avoir pu rencontrer ces personnes amicales et de leur prêcher la bonne nouvelle ! Elles nous ont dit qu’elles avaient déjà eu la visite de Témoins qui habitaient dans des villages voisins.

[Encadré/Illustration, pages 215, 216]

Entretien avec David Nawej

Naissance : 1955

Baptême : 1974

Parcours : De tous les Congolais membres de la famille du Béthel du Congo, il est celui qui a servi le plus longtemps. Il fait également partie du Comité de la filiale.

En 1976, j’ai eu la surprise de recevoir une lettre m’invitant à venir servir au Béthel. Les mots “ urgent ” et “ immédiatement ” étaient soulignés. Je vivais à Kolwezi, à environ 2 400 kilomètres de Kinshasa. Il ne m’était pas facile de quitter ma maison, mais je voulais répondre comme Isaïe : “ Me voici ! Envoie-​moi. ” — Is. 6:8.

Lorsque je suis arrivé au Béthel, les frères m’ont montré une machine à écrire et m’ont demandé si je savais m’en servir. Je leur ai répondu que j’étais tailleur et donc que je savais utiliser une machine à coudre, mais pas une machine à écrire. Je me suis néanmoins attelé au travail et j’ai appris à taper à la machine. À l’époque, je travaillais au service de la traduction et au Bureau du service.

J’ai ensuite travaillé à la correspondance. Je devais notamment traiter les coupons que les gens avaient découpés dans les publications et qu’ils avaient envoyés à la filiale. En général, ils demandaient à recevoir d’autres publications. J’étais curieux de savoir comment les personnes réagissaient aux publications qu’elles recevaient. En tout cas, je sais bien ce qui s’est passé pour deux d’entre elles. Deux jeunes hommes ont fait de rapides progrès. Ils sont devenus pionniers permanents, puis pionniers spéciaux. Lorsqu’on les a invités à venir servir au Béthel, l’un des deux est devenu mon compagnon de chambre.

Des personnes écrivaient parfois au Béthel pour demander de l’argent. On leur envoyait alors une lettre-type, pleine de tact, leur expliquant que notre œuvre était accomplie par des bénévoles, et nous les encouragions à étudier la Bible. Un jour, un frère m’a dit qu’il était venu à la vérité grâce à cette lettre. Il me l’a montrée. Quelques années auparavant, il avait écrit au Béthel pour réclamer de l’argent. Il avait réagi favorablement à l’encouragement qu’on lui avait donné et avait accepté la vérité.

Plus tard, je me suis occupé de questions juridiques. Une fois, j’ai apporté mon aide à des frères à qui l’on reprochait de ne pas porter l’insigne du parti. Ayant rassemblé mon courage, j’ai déclaré aux autorités : “ Que prouve cet insigne ? Nous sortons d’une guerre civile, et tous ceux contre qui vous vous êtes battus portaient des insignes. Cet insigne ne veut rien dire. Cela ne nous révèle pas ce qu’une personne pense réellement. Ce qui compte vraiment, c’est ce que l’on est intérieurement. Les citoyens que sont les Témoins de Jéhovah ne déclencheront jamais une guerre civile. Ce respect de la loi a beaucoup plus de valeur qu’un insigne. ” Les frères ont été relâchés. Jéhovah nous a toujours soutenus dans ce genre de situations.

Cela fait maintenant plus de 27 ans que je sers au Béthel. Bien que je sois limité physiquement et que je n’aie pas fait beaucoup d’études, je continue de m’appliquer dans mon travail pour que Jéhovah puisse m’utiliser. Il y a encore des besoins urgents au Béthel, qui doivent être comblés immédiatement.

[Encadré/Illustration, pages 219, 220]

Entretien avec Godfrey Bint

Naissance : 1945

Baptême : 1956

Parcours : Diplômé de la 47classe de Guiléad. A servi au Congo pendant 17 ans. Est aujourd’hui membre du Comité de la filiale du Rwanda. Parle l’anglais, le français, le lingala, le swahili et le tshiluba.

En 1973, alors que je prêchais à Kananga avec un frère du pays, les autorités ont fait irruption dans une maison où nous dirigions une étude biblique et nous ont arrêtés. Nous avons passé les deux semaines qui ont suivi en prison. Durant notre détention, mon compagnon de service, Mike Gates, nous a apporté de la nourriture, car la prison n’en dispensait pas. Puis nous avons été libérés. Trois mois plus tard, le jour où Mike et moi devions prendre l’avion pour nous rendre à une assemblée internationale en Angleterre, nous avons appris que tous les frères d’une congrégation voisine avaient été arrêtés. Nous voulions aller les voir et leur apporter de la nourriture. Lorsque nous avons demandé à voir les frères, à notre grande surprise, un magistrat nous a fait arrêter ! Nous attendions le bus qui devait nous conduire à la prison quand nous avons entendu notre avion décoller. Imaginez la tristesse qui nous a envahis à cet instant !

En arrivant à la prison, j’ai remarqué que de nombreux détenus déjà emprisonnés lors de mon premier séjour, trois mois plus tôt, étaient toujours là. Voyant que mon compagnon de service, qui m’avait apporté de la nourriture à l’époque, se retrouvait lui aussi en prison, les autres détenus nous ont demandé : “ Qui va vous apporter de quoi manger, cette fois-​ci ? ”

Nous leur avons répondu que nos frères s’en chargeraient, mais les prisonniers ont hoché la tête, incrédules. Ils savaient qu’il n’y avait pas d’autres Témoins européens dans la région. Quelle surprise quand, le lendemain, ils ont vu nos frères congolais arriver, avec tellement de nourriture que nous avons pu la partager avec les autres prisonniers ! C’était un magnifique témoignage de notre fraternité internationale et de l’amour qui nous unit. En nous apportant de la nourriture, ces chers frères risquaient la prison. Cinq jours plus tard, nous avons été libérés. Nous avons ensuite pris l’avion pour l’Angleterre, et nous sommes arrivés juste à temps pour l’assemblée.

[Encadré/Illustration, pages 224-226]

Entretien avec Nzey Katasi Pandi

Naissance : 1945

Baptême : 1971

Parcours : Alors qu’elle était célibataire, elle a servi courageusement dans des territoires difficiles. Plus tard, elle a accompagné son mari dans le service de la circonscription, de 1988 à 1996. Elle est aujourd’hui dans le service à plein temps à Kinshasa.

En 1970, à Kinshasa, alors que je lisais la Bible, un homme et son fils, un petit garçon, ont frappé à ma porte. L’enfant a commencé à me parler de la Bible et m’a demandé d’ouvrir la mienne à Matthieu 24:14. J’avais toujours considéré que j’étais une personne très croyante. Pourtant, je n’arrivais pas à trouver le verset. Le petit garçon m’a aidée à le trouver, et nous avons enchaîné sur une discussion agréable.

Voyant que le sujet m’intéressait, le frère m’a invitée à une réunion le dimanche suivant. Elle avait lieu derrière la maison d’un frère, car la prédication était interdite. Comme le discours m’avait plu, je suis restée pour l’étude de La Tour de Garde. Le soir-​même, les frères sont venus chez moi et une étude biblique a débuté.

Quelque temps plus tard, je me suis fait baptiser et j’ai entrepris le service à plein temps. Ayant lu dans Le ministère du Royaume qu’il y avait un grand besoin de proclamateurs dans d’autres régions du pays, j’ai demandé aux frères si je pouvais aller à Kenge, dans la province de Bandundu. Ils ont accepté, mais m’ont prévenue que certains avaient été arrêtés dans cette région. Je me suis dit qu’ils ne pouvaient pas arrêter tout le monde ! J’ai donc pris la décision d’y aller.

Je suis arrivée dans la soirée et j’ai découvert avec joie que François Danda, le surveillant de circonscription, visitait la congrégation. Le lendemain matin, lorsque je suis allée au rendez-vous pour la prédication, j’ai appris que François et d’autres frères avaient été arrêtés. Le chef de la sécurité voulait me parler. Il m’a dit : “ Nous savons que vous êtes Témoin de Jéhovah. Vous pouvez rester à Kenge si vous voulez, mais si nous vous apercevons dans les parages avec votre sacoche, nous vous arrêterons. ”

Les gens étaient mécontents de l’attitude du chef de la sécurité et de ses agents. Ils savaient que les Témoins de Jéhovah ne faisaient de mal à personne. Ils ont déclaré que les agents de la sécurité feraient mieux de combattre la délinquance, car les délinquants ne manquaient pas, au lieu de perdre leur temps avec les Témoins de Jéhovah. Les frères ont fini par être relâchés.

En 1975, j’ai été nommée pionnière spéciale. J’ai parcouru beaucoup de villes et de villages, où je séjournais pendant deux ou trois semaines. En peu de temps, six groupes de personnes intéressées par la vérité ont été formés. J’ai écrit à la filiale pour lui demander d’envoyer des frères afin que, tels des bergers, ils s’occupent de ces personnes.

J’ai rencontré Jean-Baptiste Pandi, lui aussi pionnier spécial. Auparavant, j’avais parlé avec des missionnaires du mariage et du service à plein temps. Ils m’ont dit que, si je voulais continuer longtemps dans le service, cela me serait plus facile si je n’avais pas d’enfants. Jean-Baptiste étant d’accord à ce sujet, nous nous sommes mariés. Les gens pensent que leurs enfants assureront leur sécurité matérielle quand ils seront âgés. Mais les temps ont changé, et je connais beaucoup de parents qui ont été très déçus. Jean-Baptiste et moi n’avons jamais été déçus en quoi que ce soit.

Au fil des années, nous avons vu de nombreuses personnes venir à la vérité. C’est ce qui s’est passé pour ma famille, à ma plus grande joie. J’ai aidé non seulement mon père et ma mère, mais aussi mes quatre frères et une de mes sœurs à accepter la vérité.

Psaume 68:11 déclare : “ Les femmes annonçant la bonne nouvelle sont une grande armée. ” Cela signifie que nous, les sœurs, avons une grande responsabilité, et que nous devons donner le meilleur de nous-​mêmes. Je suis infiniment reconnaissante à Jéhovah de m’avoir permis de participer à cette œuvre.

[Encadré, page 240]

Traduction de la nourriture spirituelle

Bien que le français soit la langue officielle du Congo, c’est le lingala qui est le plus couramment parlé à Kinshasa et le long du fleuve Congo. Malgré son vocabulaire restreint, cette langue possède quelques expressions très riches de sens. Par exemple, le verbe “ se repentir ” a pour équivalent kobongola motema, qui signifie littéralement “ retourner le cœur ”. Une autre expression en rapport avec le cœur et les sentiments est kokitisa motema, qui signifie littéralement “ apaiser le cœur ”, autrement dit, “ se calmer ”.

Cela fait plusieurs dizaines d’années que La Tour de Garde est traduite en lingala. Voici dans quelles langues, parlées au Congo, les publications actuelles sont traduites : kiluba, kinande, kipende, kisonge, kituba, lingala, lingombe, loMongo, mashi, monokotuba, ngbaka, otètèla, swahili, tshiluba et uruund.

[Encadré, page 247]

Zélé malgré son handicap

Richard, 20 ans, est paralysé. Cela fait 15 ans qu’il est alité. Il ne peut bouger que la tête. Pourtant, en janvier 1997, il est devenu proclamateur non baptisé. Il prêche à tous ceux qui lui rendent visite dans sa chambre. Il parle d’une voix pleinement convaincue. Il prêche en moyenne dix heures par mois. Le 12 avril 1998, on l’a transporté sur une civière pour qu’il puisse se faire baptiser dans un ruisseau près de chez lui. Aujourd’hui, il est en mesure d’assister aux réunions régulièrement. Il enseigne également la vérité à une de ses connaissances qui assiste aux réunions chrétiennes et qui fait de bons progrès. Bien que faible physiquement, ce frère a été rendu puissant par l’esprit de Dieu.

[Encadré, page 248]

“ Ils ne font pas partie du monde ”

Esther a 12 ans. Un jour, à sa grande surprise, son professeur a demandé à chaque élève de venir devant la classe pour chanter l’hymne national. Lorsque son tour est venu, Esther a dit poliment à son professeur qu’elle ne chanterait pas. Elle raconte ce qui s’est passé ensuite :

“ Mon professeur n’était pas content. Je lui ai alors demandé si je pouvais chanter autre chose. Il a accepté. J’ai chanté le cantique ‘ Ils ne font pas partie du monde ’. À la fin, le professeur a dit à tous les élèves d’applaudir, ce qu’ils ont fait.

“ Le cours terminé, mon professeur m’a prise à part et m’a dit qu’il avait beaucoup aimé le cantique, les paroles en particulier. Il a ajouté : ‘ Je constate que les Témoins de Jéhovah sont vraiment séparés du monde. D’ailleurs, votre conduite en cours le montre. ’

“ Une de mes camarades a été très impressionnée, elle aussi. Elle a commencé à me poser des questions, et je lui ai répondu. À la fin de l’année, nous avons dû nous séparer. Je l’ai néanmoins encouragée à rechercher les Témoins de Jéhovah de la localité où elle allait emménager. C’est ce qu’elle a fait. Aujourd’hui, c’est une sœur. ”

[Encadré, page 251]

L’honnêteté honore Dieu

Un frère travaillait dans une usine. Un jour, en raison d’une erreur commise par l’équipe à laquelle il appartenait, le matériel a, en partie, été sérieusement endommagé. Le directeur a décidé de licencier tous les ouvriers. Il leur a distribué leur salaire, puis les a renvoyés chez eux. En arrivant chez lui, le frère a remarqué qu’il avait reçu 500 francs (un peu plus d’un euro) de trop. Il a donc fait demi-tour pour rendre cet argent, et a saisi l’occasion de donner le témoignage. Le directeur a été tellement impressionné par l’honnêteté du frère qu’il lui a demandé de continuer à travailler pour lui.

[Tableau/Graphique, pages 176, 177]

CONGO-KINSHASA — REPÈRES HISTORIQUES

1932 : Des efforts sont faits pour envoyer des Témoins de Jéhovah au Congo.

1940

1949 : Un décret renforce l’interdiction officieuse de l’œuvre des Témoins de Jéhovah.

1960

1960 : Le Congo belge obtient son indépendance. Début d’une période de tolérance religieuse.

1962 : Ouverture d’une filiale à Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa). Arrivée des premiers missionnaires.

1966 : Enregistrement des Témoins de Jéhovah.

1971 : Révocation de l’enregistrement.

1980

1980 : Enregistrement de nouveau accordé.

1986 : Interdiction de l’œuvre des Témoins de Jéhovah.

1990 : Reconnaissance officieuse de la liberté religieuse.

1993 : La Cour suprême annule l’interdiction. L’œuvre prend de nouveau son essor, sous la direction d’une nouvelle filiale.

2000

2003 : 122 857 proclamateurs actifs au Congo-Kinshasa.

[Graphique]

(Voir la publication)

Nombre total de proclamateurs

Nombre total de pionniers

120 000

80 000

40 000

1940 1960 1980 2000

[Cartes, page 169]

(Voir la publication)

SOUDAN

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

RÉPUBLIQUE DU CONGO

BRAZZAVILLE

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Isiro

Bumba

Congo

Kisangani

Goma

Bukavu

Bandundu

KINSHASA

KASAÏ

Kenge

Kikwit

Matadi

Kananga

Mbuji-Mayi

KATANGA

Kamina

Luena

Kolwezi

Likasi

Lubumbashi

ANGOLA

ZAMBIE

[Illustrations pleine page, page 162]

[Illustration, page 185]

Hélène, Ernest et Danielle Heuse à Kinshasa, dans les années 60.

[Illustrations, page 186]

De nombreux Congolais ont été touchés par les scènes de baptêmes lors des assemblées internationales présentées dans le film “ Le bonheur de la société du Monde Nouveau ”.

[Illustration, page 199]

Madeleine et Julian Kissel.

[Illustration, page 205]

Des lieux de réunion modestes ont été construits dans tout le pays.

[Illustration, page 207]

Le Béthel de Kinshasa en 1965.

[Illustration, page 208]

Assemblée à Kolwezi, en 1967.

[Illustration, page 209]

Le mauvais état des routes rendait les voyages difficiles.

[Illustration, page 221]

Kinshasa, 1980. Assemblée de district “ L’amour divin ”, la première grande assemblée tenue dans cette ville en huit ans.

[Illustration, page 223]

Beaucoup marchent des journées entières, portant nourriture et autres affaires, pour assister aux assemblées.

[Illustration, page 228]

En décembre 1985, tout juste trois mois avant l’interdiction, l’assemblée “ Les hommes d’intégrité ” a eu lieu à Kinshasa.

[Illustration, page 230]

Durant l’interdiction, nos frères ont été emprisonnés et battus.

[Illustration, page 235]

Zekaria Belemo, surveillant itinérant, rend visite à un groupe de frères, des réfugiés venus du Soudan.

[Illustrations, page 237]

Des véhicules robustes sont utilisés pour transporter les publications sur les routes du pays, difficilement praticables.

[Illustration, page 238]

1995 : La première classe de l’École de formation ministérielle au Congo-Kinshasa.

[Illustration, page 241]

Gisela et Sébastien Johnson.

[Illustration, page 243]

Douze missionnaires vivent dans cette maison à Kinshasa.

[Illustrations, pages 244, 245]

1998 : Des secours arrivés d’Europe ont été distribués aux démunis.

[Illustrations, page 246]

Les surveillants itinérants, comme Ilunga Kanama (en bas à gauche) et Mazela Mitelezi (à gauche sur la vignette), rencontrent de nombreuses difficultés dans les régions déchirées par la guerre.

[Illustrations, pages 252, 253]

(1) Béthel de Kinshasa.

(2-4) Salles du Royaume construites récemment.

(5) Un frère participant à la construction d’une Salle du Royaume.

[Illustration, page 254]

Le Comité de la filiale, de gauche à droite : Peter Wilhjelm, Benjamin Bandiwila, Christian Belotti, David Nawej, Delphin Kavusa, Robert Elongo, Sébastien Johnson et Uno Nilsson.