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Guyana

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Guyana

“ La terre aux nombreuses eaux ” : telle est la signification du mot “ Guyana ”, pays d’Amérique du Sud dont la frontière sud se situe à seulement 130 kilomètres au-dessus de l’équateur. Ce nom est des plus appropriés, car les forêts et les savanes qui couvrent une bonne partie du pays (215 000 km⁠2) sont irriguées par plus de 40 fleuves et d’innombrables affluents. Certains cours d’eau font office de frontière avec les pays voisins que sont le Brésil, le Suriname et le Venezuela. Ils font également vivre les villages et les fermes disséminés sur leurs rives. Aussi, le commerce et l’histoire de la Guyana, et notamment l’histoire du peuple de Jéhovah dans ce pays, sont étroitement liés à ses voies navigables.

D’ouest en est, les quatre fleuves principaux sont l’Essequibo, la Demerara, la Berbice et la Courantyne. Le plus long, l’Essequibo, court sur 1 000 kilomètres, mesure 30 kilomètres de large à son embouchure et relie 365 îles. L’une d’elles, Fort Island, a accueilli le siège du gouvernement durant la période où la Guyana était une colonie néerlandaise. Nés dans les montagnes au centre du pays qui s’étendent vers le sud, ces cours d’eau filent en direction du nord, serpentent à travers une étroite plaine côtière, puis se jettent dans l’Atlantique. En chemin, ils dévalent certaines des chutes les plus spectaculaires du monde, comme celles de Kaieteur. À cet endroit, la Potaro (large de 120 mètres), un affluent de l’Essequibo, effectue un plongeon de 225 mètres.

Avec ses nombreuses curiosités naturelles, la Guyana est le paradis des amoureux de la nature. Ses cours d’eau abritent des loutres de rivière replètes, des caïmans noirs et des arapaïmas (ou pirarucus), classés parmi les plus grands poissons d’eau douce jamais découverts. Ces carnivores géants, dotés de la respiration pulmonaire, peuvent atteindre 3 mètres de long et peser jusqu’à 220 kilos. Dans les forêts ombragées rôdent des jaguars tandis que des singes hurleurs font entendre leur voix dans les arbres, où nichent plus de 700 espèces d’oiseaux, dont des aigles harpies, ainsi que des aras et des toucans au plumage éclatant.

La population du pays s’élève à environ 770 000 habitants. Elle se compose d’Indiens, dont les ancêtres s’étaient installés en Guyana pour travailler sous contrat ; de Noirs, descendants d’esclaves africains ; d’Amérindiens (Arawak, Carib, Wapisiana et Warrau) ; et de métis. Même si on parle le créole dans tout le pays, la langue officielle est l’anglais. D’ailleurs, la Guyana est le seul pays anglophone de l’Amérique du Sud.

Les eaux de la vérité arrosent le pays

Vers 1900, une “ eau ” vivifiante, qui étanche la soif spirituelle, a commencé à ruisseler en Guyana (Jean 4:14). Peter Johassen, qui travaillait dans un camp de bûcherons sur les rives de la Courantyne, a reçu un exemplaire du Phare de la Tour de Sion et Messager de la Présence de Christ. Il en a fait connaître le contenu à un certain M. Elgin, qui a écrit à la Société Tour de Garde afin d’obtenir d’autres publications, notamment le livre Le divin Plan des Âges. Même si cet homme n’est pas resté attaché aux vérités qu’il avait apprises, il a amené d’autres personnes à s’y intéresser. C’est ainsi qu’un petit groupe s’est formé à New Amsterdam, ville située à l’embouchure de la Berbice.

Entre-temps, à Georgetown, la capitale, Edward Phillips s’était procuré des ouvrages publiés par les Étudiants internationaux de la Bible, comme on appelait alors les Témoins de Jéhovah. Enthousiasmé par ce qu’il apprenait, il a invité chez lui des membres de sa famille, ainsi que des amis, pour des discussions régulières basées sur la Bible. En 1908, il a écrit à la Société Tour de Garde pour lui demander d’envoyer un de ses représentants en Guyana (appelée Guyane britannique à l’époque *). Quatre ans plus tard, Evander Coward s’est rendu dans le pays et a prononcé des discours bibliques devant des centaines de personnes rassemblées dans les salles municipales de Georgetown et de New Amsterdam.

Frederick, le fils d’Edward Phillips, se souvient de la visite d’Evander Coward. Voici ce qu’il écrit : “ À Georgetown, frère Coward a bientôt fait l’objet de toutes les conversations. De nombreuses personnes ont été attirées par le message qu’il prêchait, et elles ont commencé à se joindre à notre groupe d’Étudiants de la Bible. À l’époque, nous examinions des livres tels que Le divin Plan des Âges ou La Nouvelle Création. Notre foyer est vite devenu trop exigu. Aussi, en 1913, nous avons loué une pièce à l’étage du Somerset House à Georgetown. Notre congrégation s’y est réunie jusqu’en 1958. ” En 1914, Edward Phillips a de nouveau ouvert les portes de son domicile, cette fois pour accueillir le premier bureau de la filiale. Il a été nommé surveillant, poste qu’il a occupé jusqu’à sa mort en 1924.

En 1916, l’activité de prédication a été stimulée grâce au “ Photo-Drame de la Création ”, un assemblage de films et de vues fixes. “ À cette époque, nous étions en paix et jouissions d’une prospérité spirituelle grandissante, écrit Frederick. La presse locale a même publié plusieurs sermons de Charles Russell, qui dirigeait l’œuvre des Étudiants de la Bible. ”

En 1917, l’atmosphère avait changé. L’hystérie de la guerre s’était emparée du pays. Un ecclésiastique éminent a encouragé la population à prier pour les Britanniques et leurs alliés. Dans une lettre adressée à la presse, frère Coward a expliqué les événements mondiaux à la lumière des prophéties bibliques. Il a également présenté, dans la salle municipale de Georgetown, un discours puissant intitulé “ La démolition des murs de Babylone ”.

Voici ce qu’indique La Tour de Garde du 1er janvier 1984 : “ Le clergé, hors de lui, persuada les autorités d’expulser frère Coward et d’interdire un certain nombre de nos publications, interdiction qui fut maintenue jusqu’en 1922. ” Cependant, frère Coward était respecté par beaucoup pour son témoignage courageux. D’ailleurs, lors de son départ, des gens se sont pressés le long du quai, en criant : “ C’était le seul qui prêchait la vérité. ” Les dockers ont même menacé de faire grève en signe de protestation, mais les frères les en ont dissuadés.

Après la Première Guerre mondiale, les Étudiants de la Bible ont eu à affronter une épreuve plus insidieuse qui, pendant quelque temps, a entravé la diffusion de la vérité relative au Royaume. Un ancien membre du siège mondial de la Société à Brooklyn, qui était devenu apostat, a séjourné plusieurs fois en Guyana afin de détourner les frères de l’organisation.

“ À un moment donné, poursuit La Tour de Garde précitée, les Étudiants de la Bible se scindèrent en trois groupes : le premier groupe restait fidèle à l’organisation, le deuxième la contestait et le troisième se tenait dans l’expectative. Cependant, Jéhovah n’a béni que le groupe de frères fidèles qui, par la suite, a prospéré. ” Parmi eux figuraient Malcolm Hall et Felix Powlett, qui s’étaient fait baptiser respectivement en 1915 et en 1916. Tous deux sont restés des serviteurs de Jéhovah zélés et ont vécu plus de 90 ans.

En 1922, afin d’encourager les frères fidèles, George Young, alors membre du siège mondial, s’est rendu en Guyana et y est resté environ trois mois. D’après Felix Powlett, “ c’était un travailleur infatigable ”. Par sa connaissance des Écritures, sa voix retentissante, ses gestes spontanés et son art d’utiliser des supports visuels, il en a incité plus d’un à scruter davantage la Parole de Dieu. S’appuyant sur des rapports de frère Young, La Tour de Garde de juin 1923 parlait d’“ un intérêt toujours grandissant pour la Vérité dans cette partie du monde, d’une grande affluence à toutes les conférences publiques, et d’une augmentation correspondante de zèle et de dévouement de la part des frères ”. Au Somerset House, par exemple, 100 personnes en moyenne assistaient aux réunions, alors qu’il n’y avait qu’environ 25 proclamateurs du Royaume.

Vers 1923, les frères se sont efforcés de prêcher à ceux qui vivaient plus à l’intérieur des terres. Généralement, ils n’emportaient que des hamacs et des publications. Pour manger, ils comptaient sur l’hospitalité des habitants. Si on leur proposait de les héberger, ils acceptaient volontiers. Sinon ils suspendaient leur hamac entre deux arbres, au risque de devoir supporter des nuées de moustiques. Le lendemain matin, ils examinaient un texte des Écritures tiré de La Manne céleste quotidienne (angl.), ouvrage publié par l’organisation de Jéhovah, puis ils se rendaient au prochain village en empruntant une piste ou en faisant du “ bateau-stop ”.

Les frères ont continué de répandre le message dans les régions reculées jusqu’au jour où la Deuxième Guerre mondiale a éclaté. Le rationnement de l’essence limitait les possibilités de se déplacer. Entre-temps, en 1931, les Étudiants de la Bible avaient adopté le nom de Témoins de Jéhovah. Les petits groupes d’Étudiants de la Bible disséminés sur le littoral ont démontré, par leur zèle dans le ministère, combien ils étaient heureux de porter ce nouveau nom. Dans les années 30, les proclamateurs ont commencé à utiliser des phonographes pour diffuser des discours bibliques enregistrés. Frederick Phillips, à l’époque surveillant de la filiale, écrit : “ Il n’y avait pas de radio dans les villages. C’était la musique que nos haut-parleurs faisaient retentir dans le calme de l’air tropical qui signalait en premier notre arrivée. Ensuite, nous diffusions des discours enregistrés. Presque tous les villageois, certains étant même en pyjama, se rassemblaient autour de nous. ”

Les stations de radio, aussi, ont contribué à la propagation de la bonne nouvelle. L’une d’elles, par exemple, diffusait le message du Royaume chaque dimanche et chaque mercredi. Évidemment, tout cela n’a pas échappé à Satan, qui s’est servi de la ferveur nationaliste de la Deuxième Guerre mondiale pour entraver l’œuvre de témoignage.

La Deuxième Guerre mondiale et l’activité d’après-guerre

En 1941, pendant la Deuxième Guerre mondiale, la Guyana comptait 52 proclamateurs du Royaume. Cette année-​là, La Tour de Garde et Consolation (aujourd’hui Réveillez-vous !) ont été interdits. En 1944, l’interdiction s’est étendue à toutes les autres publications des Témoins de Jéhovah. “ Même des exemplaires de la Sainte Bible ne contenant aucun commentaire de la Watch Tower, des versions publiées par d’autres sociétés bibliques, ont été interdites aux Témoins de Jéhovah ”, expliquait La Tour de Garde du 1er juillet 1946 en anglais.

En avril 1946, Nathan Knorr, un représentant du siège mondial, s’est rendu en Guyana, accompagné de William Tracy, récemment diplômé de l’École de Guiléad. Leur objectif était d’encourager les frères et de demander au gouvernement de lever l’interdiction. Au cours d’une réunion à Georgetown, frère Knorr a expliqué aux 180 frères et sympathisants réunis que les premiers disciples de Jésus ne disposaient pas de bibles ni de publications pour leur ministère. Cela n’a pourtant pas empêché Jéhovah de les bénir par un accroissement remarquable. Pourquoi ? Parce qu’ils continuaient de prêcher. Alors, Dieu n’agirait-​il pas de même en faveur de ses serviteurs des temps modernes s’ils persévéraient dans leur œuvre ? Bien sûr que si !

Dans l’intervalle, les frères avaient continué à chercher des moyens juridiques de faire lever l’interdiction. Par exemple, moins d’un an après la fin de la guerre, ils ont recueilli 31 370 signatures sur une pétition qu’ils ont ensuite présentée au gouvernement. De plus, pour tenir la population informée, l’organisation de Jéhovah a publié un tract. On pouvait lire en titre : “ LA SAINTE BIBLE INTERDITE EN GUYANE BRITANNIQUE — 31 000 PERSONNES SIGNENT UNE PÉTITION POUR QUE LE GOUVERNEUR rétablisse la liberté de culte en faveur de tous les habitants de la colonie, quelle que soit leur confession. ”

En outre, Frère Knorr a rencontré le secrétaire de la colonie, William Heape, pour tenter de faire lever l’interdiction. Au bout de 30 minutes de discussion, frère Knorr lui a remis un exemplaire du livre “ La vérité vous affranchira ” et lui a demandé de le lire très attentivement. M. Heape a accepté. De surcroît, il a avisé frère Knorr que l’interdiction de nos publications était justement en train d’être reconsidérée par les neuf membres du comité exécutif. C’était vrai, puisqu’en juin 1946 le gouverneur a annoncé officiellement que l’interdiction était levée.

Peu après, les frères ont reçu 130 cartons poussiéreux contenant 11 798 livres et brochures. Heureux de pouvoir à nouveau diffuser les publications, les proclamateurs (qui étaient maintenant au nombre de 70) ont tout distribué en 10 semaines seulement. En août, ils ont également commencé à prêcher dans les rues et ont obtenu d’excellents résultats. “ Les périodiques étaient distribués presque aussi vite que les journaux locaux étaient vendus ”, rapporte la filiale.

Même sous l’interdiction, les frères ont toujours reçu une nourriture spirituelle de qualité, notamment grâce à un frère qui travaillait à la poste centrale de Georgetown. Il écrit : “ Je me sentais dans l’obligation de faire parvenir des exemplaires de La Tour de Garde à la filiale. Des sœurs tapaient à la machine ou polycopiaient les articles d’étude, qui étaient par la suite transmis aux familles en vue des réunions. ”

Des missionnaires donnent un coup de fouet à l’œuvre

En voiture, quand on accélère et qu’on change de vitesse, on va plus vite. C’est ce qui s’est passé en Guyana en rapport avec l’œuvre de prédication, lorsque des missionnaires formés à l’École de Guiléad sont arrivés vers le milieu des années 40. Parmi eux se trouvaient William Tracy, diplômé de la troisième classe, John et Daisy Hemmaway ainsi que Ruth et Alice Miller, diplômés de la cinquième classe. Ces Témoins zélés ont partagé avec les frères et sœurs du pays le trésor de connaissance qu’ils avaient acquis à Guiléad, et ont montré un bel exemple dans le ministère.

Frère Tracy se souciait de ceux qui habitaient dans des régions reculées. “ J’ai parcouru tout le pays, écrira-​t-​il, sillonnant la côte, remontant les cours d’eau pour contacter les personnes isolées qui avaient manifesté de l’intérêt et pour en trouver d’autres. Je voyageais le long du littoral, en train, en autocar, à bicyclette, par bateau — des bateaux plus ou moins grands — et même en canoë. ”

Les missionnaires ont également appris aux pionniers à couvrir le territoire de manière méthodique et à étendre leur ministère, quand cela leur était possible, à des territoires vierges. Il ne faut pas oublier qu’en 1946 la Guyana ne comptait que cinq congrégations et un maximum de 91 proclamateurs du Royaume. Mais rien n’est insurmontable pour ceux qui sont fortifiés par l’esprit de Dieu ! — Zek. 4:6.

Au départ, nombre des pionniers qui collaboraient avec les missionnaires ont, malgré leur âge, manifesté un bel état d’esprit. Parmi les frères figuraient Isaac Graves, George Headley, Leslie Mayers, Rockliffe Pollard et George Yearwood ; et parmi les sœurs, Margaret Dooknie, Ivy Hinds, Frances Jordan, Florence Thom, Atalanta Williams et Princess Williams (aucun lien de parenté entre elles). Armés de livres, de brochures et de périodiques, tous ont porté le message du Royaume dans des contrées éloignées.

Ivy Hinds (maintenant Wyatt) et Florence Thom (maintenant Brissett) ont été envoyées à Bartica, au bord de l’Essequibo, à environ 80 kilomètres des côtes. Cette ville se trouve au seuil des zones aurifères et diamantifères du pays. Un seul frère y habitait. John Ponting, qui était surveillant de filiale et surveillant de circonscription à cette époque, raconte : “ En l’espace de deux mois, 20 personnes assistaient aux réunions, et 50 étaient présentes au Mémorial. ” Jerome Flavius, atteint de cécité, était l’un de ceux qui avaient accepté la vérité. “ Il n’a pas tardé à présenter des discours sans aucun support, ajoute John. Ivy Hinds lui lisait simplement le plan du discours autant de fois qu’il le fallait. ”

Bien qu’approchant des 70 ans, Esther Richmond et Frances Jordan, toutes deux pionnières, ont appris à faire du vélo pour couvrir davantage de territoire. “ Margaret Dooknie, qui ne savait même plus combien d’années au juste elle avait passées dans le service de pionnier, marchait jusqu’à tomber de fatigue. Parfois, nous la retrouvions endormie sur un banc, dans un parc, déclare frère Ponting. Jamais nous n’oublierons des sœurs comme celles-là ! ”

Stimulés par l’exemple des missionnaires et des pionniers âgés, beaucoup de jeunes ont rejoint les rangs des pionniers. Grâce à cette activité florissante, de plus en plus de gens sont venus à la vérité. Des groupes et des congrégations se sont formés dans différents endroits du pays. En 1948, il y avait 220 proclamateurs. En 1954, ce chiffre est passé à 434. Dans l’intervalle, le groupe de Kitty-Newtown, qui tenait ses réunions au Somerset House, a grossi au point d’être scindé en deux congrégations : l’une se réunissant à Newton et l’autre dans la capitale. Aujourd’hui, Georgetown compte neuf congrégations.

Des charrettes, des cyclistes et des ânes

À l’aube des années 50, sous la supervision de la filiale, les frères ont prononcé des discours publics en plein air, dans Georgetown, généralement le samedi soir et le dimanche après-midi. Ils utilisaient une charrette qu’ils avaient eux-​mêmes fabriquée. Elle transportait un amplificateur puissant, deux gros haut-parleurs avec leurs mâts, et des câbles. Albert Small, baptisé en 1949, explique : “ La journée, un panneau était placé à l’endroit où aurait lieu la réunion. On y indiquait : ‘ Les réponses à vos questions bibliques ’, ainsi que l’horaire de la réunion. Un grand nombre de personnes assistaient à ces discours, et certaines sont venues à la vérité par la suite. ”

Au début de l’année 1954, les discours que Nathan Knorr et son secrétaire, Milton Henschel, ont présenté au Globe Cinema, à Georgetown, ont montré que l’accroissement était loin d’avoir cessé. John Ponting était présent. Il raconte : “ Les 1 400 sièges étaient occupés et, dehors, 700 personnes écoutaient les discours retransmis par haut-parleur jusqu’à ce qu’une averse les oblige à se précipiter à l’intérieur. Nous avions annoncé le programme au moyen d’une parade de cyclistes portant des pancartes. À la tombée de la nuit, nous avions utilisé un grand panneau illuminé tiré par un âne, et un frère faisait l’annonce avec un haut-parleur. ”

Davantage de déplacements dans les terres

Alors qu’il était surveillant de la filiale, William Tracy a encouragé les frères à prêcher le message du Royaume dans les endroits reculés. Lui-​même s’est rendu dans des localités isolées le long de l’Essequibo et de la Berbice afin d’y organiser des assemblées de circonscription avec les groupes et les petites congrégations qui s’y trouvaient. Ces assemblées se tenaient généralement dans des écoles publiques ou des cinémas, ces derniers étant souvent les seuls lieux assez grands. En 1949, lors d’une assemblée organisée dans le cinéma de Suddie, à l’embouchure de l’Essequibo, le discours public intitulé “ L’enfer, moyen d’épouvante ” a fait forte impression. Certains se sont mis à appeler les Témoins de Jéhovah “ la religion sans enfer ”.

En 1950, William Tracy, alors jeune marié, a été réaffecté aux États-Unis. Il a été remplacé par John Ponting, qui est ainsi devenu surveillant de la filiale et surveillant itinérant. Frère Ponting a également participé à la prédication sur les rives des fleuves. Les proclamateurs montaient à bord des bateaux de commerce réguliers. Lorsque les villageois résidant le long des berges venaient en canoë jusqu’aux postes ambulantes pour donner et recevoir du courrier, les frères leur demandaient de les emmener sur la rive, tout en espérant qu’on leur offre le gîte et le couvert. Ils donnaient le témoignage dans le village et, la nuit venue, bénéficiaient de l’hospitalité d’une famille. Le lendemain, quelqu’un les conduisait en canoë au prochain village. Un après-midi, ils ont prêché dans une scierie. Le responsable a fait arrêter le travail pour que les ouvriers puissent écouter un exposé de quinze minutes, après quoi tous ont accepté des publications.

Thomas Markevich, diplômé de la 19classe de l’École de Guiléad, a été envoyé en Guyana en juillet 1952. Lui aussi s’est aventuré dans des territoires où la bonne nouvelle n’avait pas encore été diffusée. Il raconte : “ On ressent une joie particulière lorsqu’on communique le message du Royaume à quelqu’un qui ne l’a jamais entendu. Mais, parfois, on a des surprises ! Un jour, par exemple, je suis parti en bateau sur la Demerara ; puis, à pied, je me suis enfoncé dans la jungle. Je me suis alors retrouvé devant une petite hutte. Son occupant m’a salué, m’a invité à m’asseoir à l’intérieur et m’a écouté. En jetant un coup d’œil autour de moi, j’ai remarqué à mon grand étonnement que les murs étaient tapissés de pages de La Tour de Garde, datant toutes des années 40 ! De toute évidence, mon hôte était déjà entré en contact avec le message du Royaume, peut-être sur un bateau, ou à Georgetown, ou encore à Mackenzie. ”

Donald Bolinger, un autre missionnaire, a été le premier à entreprendre le laborieux périple jusqu’aux chutes de Kaieteur. Alors qu’il donnait le témoignage à des Amérindiens, il a rencontré un représentant du gouvernement qui travaillait avec eux. Cet homme a fini par se vouer à Jéhovah et s’est occupé du groupe qui s’est par la suite formé dans cette région. En raison de leur travail, certains proclamateurs ont dû déménager dans des endroits reculés, telles que les régions diamantifères ou aurifères. Malgré leur isolement, ils prêchaient souvent de hutte en hutte dans les camps. Qu’est-​ce qui les a aidés à rester forts spirituellement ? Ils ont conservé un bon programme d’étude et de prédication.

Un service ‘ passionnant et joyeux ’

John et Daisy Hemmaway, des missionnaires, ont servi en Guyana de 1946 à 1961. Parfois, ils partaient deux semaines en vacances dans le nord-ouest du pays, près du Venezuela, où vivaient des Carib, des Arawak et d’autres tribus indigènes. Un jour, ils ont distribué une grande quantité de publications à des Arawak. Cela n’a pas plu aux religieuses catholiques qui dirigeaient l’école du village. Elles ont demandé aux élèves si leurs parents avaient accepté des ouvrages. Quand les parents ont su que leurs enfants avaient été ainsi questionnés, ils se sont indignés et ont informé le prêtre qu’ils décideraient eux-​mêmes de leurs lectures. Loin de se démonter, le prêtre, lors d’un office du dimanche, a critiqué la brochure Pouvez-​vous vivre à jamais dans le bonheur sur la terre ? que beaucoup avaient acceptée. Mais sa tactique n’a pas fonctionné. En effet, le jour où les Hemmaway sont partis, nombre de villageois sont venus leur réclamer un exemplaire de la brochure.

Pour atteindre cette région du nord-ouest, située à quelque 300 kilomètres des côtes, John et Daisy prenaient un ferry, un train et un camion. Ils emportaient des provisions, des publications et un vélo, lequel était indispensable pour parcourir les routes poussiéreuses qui les conduiraient jusqu’aux pistes indiennes. “ Ces pistes, explique John, partent dans toutes les directions. Il faut avoir une bonne mémoire ou mettre des petites branches à chaque croisement si on veut être sûr de retrouver son chemin. Lorsqu’on rencontre un félin, mieux vaut rester parfaitement immobile et le fixer. L’animal partira tranquillement. À la cime des arbres, des singes invectivent les intrus, tandis que le paresseux, suspendu la tête en bas, jette un coup d’œil nonchalant sur les voyageurs. Ça et là dans les clairières, on peut apercevoir des toucans multicolores qui se délectent de papayes. ”

Après 15 ans de service missionnaire en Guyana, frère Hemmaway résume ses sentiments par ces mots : “ Quelle expérience passionnante ! Quelle joie ! Quand on s’assied sur le sol en terre battue d’une case couverte de palmes pour parler du Royaume de Dieu avec des Amérindiens et qu’on leur enseigne un nouveau mode de vie, on éprouve une satisfaction incomparable. Voir ces personnes humbles réagir aux enseignements de la Bible et se vouer ensuite à Dieu est une chose qui ne s’effacera jamais de notre mémoire. ”

Des pionniers vont à Guiléad

Plusieurs pionniers du pays ont eu le privilège d’assister à l’École de Guiléad. Certains ont été réaffectés en Guyana. Parmi eux figuraient Florence Thom (maintenant Brissett) de la 21classe (en 1953) ; Albert et Sheila Small, de la 31classe (en 1958) ; et Frederick McAlman, de la 48classe (en 1970).

Florence Brissett déclare : “ J’aurais aimé partir à l’étranger, mais mon affectation en Guyana, à Skeldon, s’est avérée une bénédiction de la part de Jéhovah. Un grand nombre de mes anciens camarades de classe, de mes professeurs, de mes amis et de mes connaissances ont accepté une étude de la Bible parce qu’ils me connaissaient. Certains m’en ont même réclamé une ! Parmi eux se trouvait Edward King, dont la femme étudiait déjà avec moi. Histoire amusante : ayant appris que la femme d’Edward étudiait, le prêtre anglican avait demandé à Edward de mettre un terme à l’étude. Mais, au lieu d’obtempérer, Edward s’est mis à étudier lui aussi. ”

Quand frère et sœur Small sont revenus de Guiléad, Albert a été nommé membre du Comité de la filiale et a servi comme surveillant de circonscription pendant de nombreuses années. Actuellement, lui et Sheila, malgré des ennuis de santé, sont pionniers spéciaux dans une congrégation. Albert y est ancien. Évidemment, ceux qui venaient de Guyana n’ont pas tous été renvoyés dans ce pays. Par exemple, Lynette Peters, diplômée de la 48classe, a été affectée en Sierra Leone, où elle sert toujours fidèlement.

Un film qui a éveillé l’intérêt

Dans les années 50, les Témoins de Jéhovah ont largement projeté un film intitulé La Société du Monde Nouveau en action. Il donnait un aperçu du siège mondial des Témoins de Jéhovah à Brooklyn, ainsi que de la grande assemblée organisée dans le Yankee Stadium à New York en 1953. Grâce à ce film, autant les Témoins que les personnes intéressées par le message biblique ont mieux compris l’organisation de Jéhovah et son envergure. Ce film a vraiment fait forte impression sur les gens qui vivaient au cœur de la forêt tropicale ; nombre d’entre eux n’avaient d’ailleurs jamais vu un film de leur vie !

Souvent, le film était diffusé en plein air, dans une grande enceinte. Les gens parcouraient des kilomètres pour le voir. ‘ Mais comment les frères parvenaient-​ils à le projeter dans les endroits privés d’électricité ? ’ demanderez-​vous peut-être. Alan Johnstone, diplômé de Guiléad arrivé en Guyana en 1957 et surveillant de circonscription, s’est occupé de la projection du film à plusieurs reprises. Il explique : “ Quand il n’y avait pas d’électricité, nous utilisions des groupes électrogènes ; les commerçants du quartier s’en servaient pour éclairer, la nuit, les devantures de leurs magasins et ils nous les prêtaient gentiment. En guise d’écran, nous tendions un grand drap entre deux arbres. ”

Un jour, après avoir projeté le film, John et Daisy Hemmaway sont montés à bord d’un bateau à vapeur pour rentrer chez eux. Beaucoup de passagers avaient entendu parler du film et désiraient le voir. Alors, avec l’autorisation du capitaine, les Hemmaway ont installé un drap sur le pont et le projecteur dans une cabine dont la fenêtre était favorablement orientée. “ Des prêtres catholiques et anglicans étaient présents, écrit John. Bien qu’ils n’aient pas daigné regarder le film auparavant, ils étaient maintenant spectateurs, peut-être même malgré eux. En fait, c’est de leur cabine que nous avons projeté le film. Les passagers les ont ensuite assaillis de questions auxquelles seul un Témoin de Jéhovah pouvait répondre ! ”

Au sujet de l’effet qu’a produit ce film, John Ponting déclare : “ La projection du film durant ces années a particulièrement été efficace là où les Témoins étaient peu nombreux et considérés comme un groupe insignifiant. Les sceptiques ont ainsi pu découvrir une organisation extraordinaire, multiraciale et internationale ; ils ont alors éprouvé davantage de respect pour nous. Ce film a été déterminant pour beaucoup de gens qui ont ensuite accepté une étude biblique. Plus tard, certains d’entre eux sont devenus des anciens. En deux semaines, un surveillant de circonscription a projeté 17 fois le film, la plupart du temps en plein air. L’assistance s’est élevée à 5 000 personnes. ”

“ En une autre occasion, après avoir navigué pendant deux jours sur un fleuve entrecoupé de rapides, un surveillant de circonscription a battu les pistes dans la jungle. Ses efforts ont été plus que récompensés lorsque de nombreux Amérindiens ont réservé un très bon accueil au film, le premier qu’ils voyaient. Le lendemain, quantité de villageois, dont la plupart étaient presbytériens, ont accepté nos publications. Grâce à la visite de ce surveillant, le village entier a changé d’attitude à l’égard des Témoins de Jéhovah. ”

De 1953 à 1966, la Guyana a connu des troubles politiques et raciaux. Les années 1961-​1964 ont été les pires : émeutes, pillages, tueries et grève générale faisaient partie du quotidien. Les transports publics ont été interrompus ; tout le monde avait peur. Les frères n’ont pas fait l’objet d’une persécution directe, mais certains ont souffert des conséquences de cette crise. Par exemple, deux frères ont été battus, et deux autres, dont Albert Small, ont été touchés par des balles ; ils ont dû être hospitalisés. La situation dans le pays était tellement grave que les troupes britanniques sont intervenues.

Durant cette période houleuse, combien il était approprié de diffuser le film La Société du Monde Nouveau en action qui montrait un peuple international, en paix et uni ! En outre, malgré l’arrêt des transports publics, les frères ont continué d’assister aux réunions et de prêcher. Ils marchaient simplement un peu plus que d’habitude ou utilisaient des vélos. Par-dessus tout, ils se sont manifesté un véritable amour chrétien. “ Ils se souciaient les uns des autres et partageaient tout ”, a raconté Albert Small.

Les sœurs : fer de lance de l’activité

Les sœurs aussi ont porté le message du Royaume dans des endroits reculés. Ivy Hinds et Florence Thom, par exemple, ont été nommées pionnières spéciales à Bartica, à l’orée de la jungle. Mahadeo, un proclamateur isolé, ainsi que sa femme, Jamela, habitaient dans cette ville. Comme la majorité des Indiennes à cette époque, Jamela n’avait pas eu le droit d’aller à l’école ; elle ne savait donc ni lire ni écrire. Elle désirait pourtant lire la Bible et enseigner ses deux petits garçons. “ Avec la bénédiction de Jéhovah, explique Florence, elle a su tirer profit de l’aide que je lui ai apportée et a vite appris à lire, à écrire et à donner le témoignage. ”

Deux mois après leur arrivée, Florence et Ivy n’avaient toujours pas trouvé de logement. Elles avaient également besoin d’un lieu de réunion, car elles dirigeaient déjà plus de dix études bibliques. La situation est devenue critique lorsqu’elles ont su qu’un surveillant de circonscription allait les visiter prochainement. De surcroît, cette visite tombait justement la semaine où des travailleurs de l’intérieur des terres et un grand nombre de prostituées de Georgetown affluaient à Bartica, triplant ainsi la population.

Mais le bras de Jéhovah n’est pas trop court. Florence se rappelle : “ La veille de l’arrivée du surveillant de circonscription, tard dans l’après-midi, un propriétaire a accepté de nous louer un petit deux-pièces dans le centre de la ville. Nous avons travaillé d’arrache-pied pour nettoyer les murs et les peindre, et pour astiquer le sol. Nous avons accroché des rideaux et installé des meubles. Au petit matin, c’était fini. Quelle nuit nous avions passée ! John Ponting, le surveillant de circonscription, a eu du mal à croire à notre histoire. Le premier soir de sa visite, 22 personnes étaient présentes à la réunion, un noyau qui allait donner naissance à la congrégation de Bartica. ”

À bord des Prédicateurs du Royaume

Au début de l’œuvre, les frères utilisaient toutes les embarcations disponibles pour se rendre dans les villages le long des cours d’eau. Par la suite, ils ont acheté cinq bateaux qu’ils ont baptisés respectivement Prédicateur du Royaume I, Prédicateur du Royaume II, etc. (les deux premiers sont aujourd’hui hors d’usage).

“ Lorsque nous ramions dans le sens du courant, raconte Frederick McAlman, nous prêchions sur la rive droite du Pomeroon, jusqu’à Hackney, à 11 kilomètres de l’embouchure. Là, nous prenions une bonne nuit de repos chez sœur DeCambra, la sage-femme de la région à l’époque. Tôt le lendemain matin, nous nous remettions à descendre le fleuve jusqu’à l’estuaire, puis nous passions sur la rive gauche. Nous remontions alors la rivière sur 34 kilomètres jusqu’à Charity. ” Pendant cinq ans, les frères ont ainsi descendu et remonté le Pomeroon à la rame jusqu’à ce qu’ils obtiennent un moteur d’occasion de six chevaux.

Généralement, emprunter les voies navigables ne présentait aucun risque. Les frères devaient toutefois se montrer prudents, car ils n’étaient pas les seuls à circuler sur le fleuve. En plus, leurs bateaux, Prédicateur du Royaume I et II, étaient des petits bateaux ; ils n’allaient donc pas vite. “ Un samedi après-midi, relate frère McAlman, alors que je venais de prêcher le long du Pomeroon, j’ai été violemment heurté par un cargo lancé à pleine vitesse, dont le capitaine et l’équipage étaient trop occupés à boire du rhum. J’ai été projeté par-dessus bord et je me suis retrouvé sous le cargo. J’ai commencé à couler, alors j’ai lutté dans l’obscurité pour échapper à la mort, mais ma tête cognait sans cesse contre le fond du bateau, à deux doigts de la puissante hélice. Ayant compris ma situation critique, un jeune homme sur le cargo a plongé et m’a sauvé la vie. J’ai souffert de mes blessures pendant plusieurs semaines, mais j’étais heureux d’être vivant ! ”

Cette mésaventure n’a pas découragé frère McAlman. “ J’étais déterminé à persévérer, explique-​t-​il, car les personnes qui résidaient le long du fleuve manifestaient de l’intérêt pour la Bible. En outre, à 11 kilomètres de Charity, à Sirikie, il y avait une étude de livre, et les frères comptaient sur moi. ”

Une semaine avec un surveillant de circonscription

Être surveillant de circonscription dans les zones rurales guyaniennes est une véritable mise à l’épreuve. En plus des fleuves, des pistes poussiéreuses et de la jungle, les surveillants et leurs femmes doivent parfois affronter des moustiques et autres insectes, des félins, des pluies battantes et, dans certains endroits, des voleurs. Ils risquent également de contracter le paludisme, la typhoïde ou d’autres maladies tropicales.

L’un d’eux a rendu visite à des proclamateurs isolés qui habitaient le long de la Demerara. Il explique comment son voyage s’est déroulé : “ Le lundi, nous sommes partis en vedette voir un frère qui habitait à Yaruni, sur les rives de la Demerara, à une quarantaine de kilomètres de Mackenzie, où se trouve une congrégation que nous venions de visiter. Là, nous avons prêché en canoë de part et d’autre du fleuve, en descendant vers l’aval en direction de Mackenzie.

“ Les gens se sont montrés hospitaliers ; ils nous ont offert des fruits et nous ont même invités à manger. Le vendredi, nous sommes repartis en canoë, puis nous sommes montés à bord d’un vapeur. À Soesdyke, nous avons regagné le rivage en canoë ; de là, un frère nous a emmenés en bateau jusqu’à chez lui, à Georgia. Le soir venu, nous avons tenu une réunion avec sa famille.

“ Le lendemain, nous avons tous voyagé sur la Demerara pour retourner à Soesdyke. Là, nous avons prêché dans le territoire ainsi que dans la zone habitée près de l’aéroport de Timehri. Nous sommes également allés aux carrières de sable, où l’on charge des camions à destination de Georgetown. Le samedi soir, nous avons de nouveau organisé une réunion à Georgia avec la même famille. Le jour suivant, tous ensemble, nous avons traversé le fleuve jusqu’à Soesdyke. Nous avons prêché le matin, et l’après-midi un discours public a été donné sur la terrasse du bureau de poste. Et c’est ainsi que notre semaine s’est terminée. ” Le dur labeur de tels surveillants de circonscription dévoués ainsi que celui de leurs épouses a porté ses fruits. En effet, Soesdyke compte à présent une congrégation florissante. Les frères se réunissent dans leur Salle du Royaume, achevée en 1997.

Les surveillants de circonscription ont eu, eux aussi, leur lot de mésaventures. Alors qu’ils roulaient en cyclomoteur, Jerry et Delma Murray se sont retrouvés devant un canal ; un pont, constitué de quelques planches de bois reliées par des cordes, le franchissait. Delma attendait que son mari traverse le pont en moto lorsque, à mi-parcours, Jerry, la moto et la valise sont tombés et ont disparu dans les profondeurs boueuses. Comme Delma s’est mise à crier, des villageois sont venus à la rescousse. Quelques instants plus tard, l’angoisse a cédé la place aux rires quand, pour reprendre les propos d’un frère, “ cet homme blanc a regagné la rive, recouvert de plantes aquatiques et les chaussures pleines de boue ”.

Des Amérindiens réagissent favorablement à la bonne nouvelle

Au début des années 70, alors qu’il donnait le témoignage sur le marché de Charity, Frederick McAlman a remis La Tour de Garde et Réveillez-vous ! à une Amérindienne du nom de Monica Fitzallen (voir l’encadré de la page 176). Monica, qui vivait dans une réserve, a rapporté les périodiques chez elle. Un jour qu’elle était malade, elle les a lus et a perçu l’accent de la vérité. Elle n’a pas tardé à devenir proclamatrice de la bonne nouvelle, la seule dans la réserve, et elle s’est fait baptiser en 1974.

“ Je me suis lancée à fond dans le témoignage de maison en maison, explique Monica. J’étais heureuse de faire part de ce que je découvrais aux membres de ma communauté. Pour me rendre chez eux, cependant, je devais traverser des fleuves et des ruisseaux à la rame. Comme de plus en plus de personnes s’intéressaient à la vérité, j’ai commencé à organiser des réunions au cours desquelles nous lisions et examinions des matières de l’auxiliaire biblique La vérité qui conduit à la vie éternelle. ”

Les efforts de Monica ont-​ils porté du fruit ? À n’en pas douter ! Aujourd’hui, elle bénéficie de la compagnie de 13 autres proclamateurs, dont son mari, son fils et sa belle-fille, ainsi que sa petite-fille. Jusqu’à récemment, ils devaient effectuer un voyage de 12 heures en canoë pour se rendre à Charity, où se trouvait la congrégation la plus proche. Mais à présent ils tiennent les réunions dans leur village, et le nombre d’assistants est trois fois supérieur à celui des proclamateurs.

La congrégation de Charity s’est elle aussi agrandie. Elle compte actuellement 50 proclamateurs, dont beaucoup naviguent sur le Pomeroon pour se rendre aux réunions. En moyenne, l’assistance est de plus de 60 personnes. En 2004, le Mémorial a réuni 301 personnes. Cette congrégation dispose également d’une nouvelle Salle du Royaume.

Un accroissement remarquable à Baramita

À Baramita aussi, un grand nombre d’indigènes ont réagi favorablement au message du Royaume. Située dans le nord-ouest du pays, cette ville accueille une communauté d’Indiens carib. Les Carib étaient parmi les premiers habitants des Caraïbes, région tirant d’ailleurs son nom de ce peuple. Leur langue également s’appelle le carib.

Ruby Smith, d’origine carib, s’est intéressée à la vérité en 1975, lorsqu’elle a reçu un tract de sa grand-mère (voir l’encadré de la page 181). Elle avait alors 16 ans. Après avoir progressé spirituellement, elle s’est fait baptiser en 1978 lors de l’assemblée de district “ La foi victorieuse ”. Peu après, sa famille a déménagé à Georgetown pour le travail. C’est là qu’elle a épousé Eustace Smith. Il ne savait pas parler le carib, mais tous deux désiraient vivement s’installer à Baramita pour communiquer le message du Royaume aux proches de Ruby et aux autres membres de la communauté. Ruby raconte : “ Jéhovah a su lire dans nos cœurs et a répondu à nos prières parce qu’en 1992 nous sommes allés à Baramita. ”

“ À notre arrivée, poursuit-​elle, j’ai immédiatement donné le témoignage aux habitants. Nous tenions les réunions sous notre petite maison, construite à environ 1,50 mètre du sol. Rapidement, l’endroit est devenu trop exigu ; nous avons donc emprunté des tentes. À mesure que la population entendait parler des réunions, l’assistance grossissait, jusqu’à atteindre finalement 300 personnes ! Comme je parlais couramment le carib, c’est moi qui traduisais La Tour de Garde. Comment tout le monde pouvait-​il entendre ? Nous utilisions un microphone sans fil bon marché, et nombre d’assistants apportaient leur radio qu’ils réglaient sur la bonne fréquence.

“ Eustace et moi étions bien conscients que notre groupe avait besoin d’une Salle du Royaume. Alors, après avoir calculé la dépense et discuté du projet avec les autres membres du groupe, nous nous sommes lancés dans la construction d’une salle. Mon frère, Cecil Baird, nous a fourni une grande partie des matériaux, et beaucoup ont mis la main à la pâte. Les travaux ont commencé en juin 1992 et se sont achevés au début de l’année suivante, juste à temps pour le Mémorial. Nous avons été ébahis de constater le nombre d’assistants : 800 ! Le discours a été prononcé par Gordon Daniels, un surveillant itinérant.

“ Le groupe de Baramita est devenu une congrégation le 1er avril 1996, et la Salle du Royaume a été inaugurée le 25 mai. Depuis, elle a été agrandie et permet d’accueillir désormais plus de 500 personnes. Les frères se servent de cette salle confortable pour les assemblées de circonscription et pour les assemblées spéciales d’un jour. Eh oui ! Le petit groupe a donné naissance à une congrégation de près de 100 proclamateurs. Le discours public réunit en moyenne 300 assistants. En outre, plus de 1 416 personnes ont assisté au Mémorial ! ”

Un grand mariage !

Dans la région de Baramita, des dizaines de couples qui vivaient en concubinage ont légalisé leur union pour se conformer aux principes de la Bible. Certains, cependant, ont eu du mal à obtenir les documents nécessaires, comme par exemple un certificat de naissance. Néanmoins, en fournissant de nombreux efforts et avec l’aide de frères qui les ont soutenus dans leurs démarches, ces couples ont enfin pu se marier.

C’est ainsi que 79 couples se sont mariés le même jour. Adin Sills, membre du Comité de la filiale, a prononcé le discours de mariage. Trois jours plus tard, 41 personnes, dont la plupart venaient de se marier, ont exprimé le désir de devenir des proclamateurs non baptisés.

Les habitants de Baramita ont été si nombreux à s’intéresser à la Parole de Dieu que toute la population en a ressenti les bienfaits. Lors de l’inauguration de la Salle du Royaume, l’un des anciens a déclaré : “ Baramita est désormais un endroit tranquille, paisible. Cela parce que plus de 90 % de la population assiste régulièrement aux réunions. ”

En 1995, la région de Baramita a été frappée par une terrible sécheresse. Comment le peuple de Jéhovah y a-​t-​il fait face ? Un jour, Gillian Persaud, qui était institutrice à Baramita, a entendu un petit avion atterrir à l’aérodrome, non loin d’où elle était. Elle a couru aussi vite que possible pour pouvoir parler au pilote avant que l’avion ne reparte. Elle l’a persuadé de l’emmener à Georgetown. À son arrivée, elle s’est rendue directement à la filiale pour faire connaître la situation des frères de Baramita.

James Thompson, qui était alors membre du Comité de la filiale, raconte : “ Le Collège central nous a autorisés à acheminer par avion de la nourriture et d’autres provisions. Nous avons également pris des dispositions pour que 36 proclamateurs de Baramita viennent à Georgetown afin d’assister à l’assemblée de district. Pour beaucoup, il s’agissait de leur première assemblée. ”

L’École de formation ministérielle

Depuis la création de l’École de formation ministérielle (EFM) en 1987, nombre de pays ont bénéficié de l’aide d’anciens ou d’assistants ministériels célibataires ayant suivi les cours de cette école. Et la Guyana ne fait pas exception. Après avoir assisté à cette école, organisée à la Trinité, une île proche, beaucoup de frères de Guyana ont pu soutenir plus pleinement l’œuvre de prédication dans le pays. Certains sont actuellement pionniers permanents, pionniers spéciaux ou anciens. Ceux qui ont été renvoyés dans leur congrégation d’origine font un excellent travail pour s’occuper des brebis de Jéhovah.

Plusieurs diplômés de l’EFM ont accepté d’assumer des responsabilités supplémentaires. Par exemple, les deux frères charnels Floyd et Lawani Daniels ont été nommés pionniers spéciaux dans des congrégations qui avaient grand besoin d’anciens. David Persaud a eu le privilège de devenir surveillant de circonscription. Un autre élève, Edsel Hazel, a été nommé au Comité de la filiale de Guyana. Un surveillant de circonscription a déclaré au sujet de certains élèves : “ J’ai vu tous ces frères grandir sur le plan spirituel, surtout après leur retour de l’École de formation ministérielle. ”

Servir là où il y a du besoin

Vers la fin des années 70, sur les quelque 30 000 habitants de la côte atlantique, à l’ouest de l’Essequibo, il y avait seulement 30 proclamateurs. Aussi la filiale envoyait-​elle de temps à autre des pionniers spéciaux prêcher dans une partie du territoire pour une période d’un mois. Le responsable d’un de ces groupes de prédicateurs a déclaré : “ Les frères ont couvert tout le territoire. Ils ont laissé 1 835 livres, effectué de nombreuses nouvelles visites et commencé plusieurs études bibliques. ”

Un autre frère a rapporté : “ À bord de notre petite embarcation, nous avons pagayé sur 27 kilomètres pendant deux heures. Par moments, nous devions tirer ou pousser le bateau dans de la boue qui nous arrivait aux genoux, mais nos efforts ont été récompensés parce que les habitants se sont montrés hospitaliers. L’un d’eux, un professeur de musique, enseignait à l’aide de notre recueil de cantiques. ‘ J’aime vraiment vos arrangements musicaux ’, nous a-​t-​il dit. Il nous a ensuite joué deux cantiques et a accepté six livres. ”

D’autres frères et sœurs, comme Sherlock et Juliet Pahalan, se sont portés volontaires pour servir là où le besoin était grand. “ En 1970, écrit Sherlock, Juliet et moi avons été invités à soutenir la congrégation d’Eccles, à 13 kilomètres au sud de Georgetown, sur les rives de la Demerara. Cette congrégation avait des problèmes, et certains de ses membres avaient dû en être exclus. Il ne restait donc plus que 12 proclamateurs et des enfants non baptisés. Pendant quelque temps, j’ai été le seul ancien. De plus, la congrégation s’occupait du petit groupe de Mocha, un village isolé. Tous les lundis soir, je dirigeais l’étude de livre à Mocha, puis à Eccles.

“ Je devais également diriger l’étude de La Tour de Garde. Comme généralement nous n’en avions pas assez d’exemplaires, nous procédions contrairement à ce qui se faisait d’habitude à l’époque : nous lisions d’abord chaque paragraphe et posions ensuite la question. Nous emportions des bougies aux réunions pour parer aux fréquentes coupures d’électricité. Durant la saison des pluies, nous étions envahis par des nuées de moustiques. La plupart des frères allaient prêcher ou venaient aux réunions à pied ou à vélo. Les proclamateurs de Mocha venaient à Eccles de la même façon. Après les réunions, j’en entassais le plus possible dans ma petite Austin et je les ramenais à Mocha. ”

Valait-​il la peine de faire tous ces efforts ? En repensant à cette époque, frère Pahalan écrit : “ Quand nous étions à Eccles, ma femme et moi avons étudié avec bon nombre de personnes, dont la plupart sont toujours dans la vérité, avec leur famille. Et parmi les hommes, certains sont aujourd’hui anciens dans leur congrégation. Rien ne peut égaler de telles bénédictions ! ”

Le “ paradis des pionniers ”

Ces dernières années, une cinquantaine de frères et sœurs, des pionniers pour la plupart venant du Canada, des États-Unis, de France, de Grande-Bretagne et d’Irlande, se sont rendus sur cette “ terre aux nombreuses eaux ” afin de joindre leur voix à cet appel : “ Viens ! [...] Que quiconque le veut prenne l’eau de la vie gratuitement. ” (Rév. 22:17). Certains y restent quelques mois, d’autres des années. Lorsqu’ils sont à court d’argent, beaucoup rentrent dans leur pays pour travailler un peu, puis retournent en Guyana. Nombre d’entre eux vous diront qu’ils ont été bénis dans leur service. Ce qu’ils apprécient surtout, c’est de parler de questions spirituelles avec des gens qui, en général, tiennent la Bible en haute estime. Même ceux qui ne sont pas de confession chrétienne aiment converser avec les Témoins de Jéhovah. Qui plus est, les habitants invitent même parfois les frères à partager un repas ! “ On peut dire sans exagérer que la Guyana est ‘ le paradis des pionniers ’ ! ” déclare Ricardo Hinds, coordinateur du Comité de la filiale.

Arlene Hazel, qui sert aujourd’hui à la filiale avec son mari, Edsel, se souvient de quelques faits de prédication survenus dans les zones rurales guyaniennes. “ En 1997, raconte-​t-​elle, après être entrés en contact avec la filiale, nous avons été affectés à Lethem, une ville au cœur des terres, près de la frontière brésilienne. Nos compagnons de service étaient Robert et Joanna Welch, des Canadiens, et Sarah Dionne, une sœur américaine qui était arrivée à Lethem quelques mois avant nous. Il y avait aussi Richard Achee, vétérinaire de métier, qui habitait dans la région. La filiale nous avait remis une liste d’une vingtaine d’hommes et de femmes qui avaient étudié par le passé. Mais nous avons découvert que la plupart d’entre eux n’étaient plus intéressés par le message, sauf deux personnes qui, par contre, ont souhaité devenir des proclamatrices non baptisées.

“ Nous avons tenu notre première réunion sous un manguier ; nous étions 12, dont nous autres, les 6 pionniers. Quelques mois plus tard, 60 personnes ont assisté au premier Mémorial. Entre-temps, notre groupe de pionniers s’était restreint à trois. Cela ne nous a pas empêchés de diriger 40 études bibliques ! Lors de sa visite, le surveillant de circonscription nous a conseillé d’arrêter d’étudier avec ceux qui n’assistaient pas aux réunions. Son conseil s’est avéré judicieux car les personnes avec qui nous avons continué d’étudier ont fait de bons progrès. ”

La preuve : quatre ans plus tard, la congrégation de Lethem rassemble 14 proclamateurs. Lors des assemblées spéciales d’un jour, l’assistance s’élève à une centaine de personnes. Un témoignage aussi flagrant de la bénédiction de Jéhovah compense largement toutes les difficultés que ces serviteurs endurent.

Des lieux de culte loués et improvisés

Depuis le début de l’œuvre en Guyana, il a toujours été difficile de trouver des lieux de culte convenables. En 1913, la poignée de proclamateurs de Georgetown ont loué une pièce au Somerset House ; ils s’y sont réunis pendant 45 ans. En 1970, alors que trois années auparavant le cap des 1 000 proclamateurs avait été franchi, seulement deux congrégations possédaient leur propre Salle du Royaume : celle de Charlestown, à Georgetown, et celle de Palmyra, à Berbice. La plupart des congrégations se réunissaient donc dans des locaux loués, ce qui souvent était loin d’être la panacée.

Vers la fin des années 50, par exemple, la congrégation de Wismar, sur les rives de la Demerara, s’était tellement agrandie que les frères ont dû chercher une salle. Ils ont pu se réunir dans un endroit appelé Islander Hall. L’École du ministère théocratique et la réunion de service avaient lieu en milieu de semaine, tandis que la réunion publique et l’étude de La Tour de Garde avaient lieu le dimanche soir. Mais l’organisation des réunions était une véritable opération de logistique. D’abord, les frères traversaient la Demerara sur un petit bateau, de Mackenzie à Wismar. Un frère prenait un carton de périodiques, un autre un carton de publications, et un troisième les divers formulaires et les boîtes à contributions. Évidemment, il fallait tout installer avant la réunion, et suivre le processus inverse après.

On tenait également les réunions sous des maisons sur pilotis. À cause des inondations fréquentes, les maisons guyaniennes sont généralement bâties sur des pilotis en bois ou en béton, ce qui laisse sous les habitations un espace utilisable, pour les réunions par exemple. Cependant, beaucoup de Guyaniens pensent que, si une religion ne peut pas s’offrir des lieux de culte convenables, c’est qu’elle n’a pas la bénédiction de Dieu.

De surcroît, les réunions tenues sous ces maisons étaient parfois interrompues, ce qui nuisait à la dignité de l’occasion. Un jour, un poulet, effrayé par un chien, a volé dans l’assistance et s’est posé sur une fillette de six ans. Elle a poussé un cri à vous faire dresser les cheveux sur la tête. D’ailleurs, tous les assistants ont sursauté. Après la réunion, cet incident a suscité quelques rires, mais il prouvait, encore une fois, le besoin d’un lieu de culte plus adéquat. De plus, ce genre de lieux n’incitait pas vraiment les sympathisants à venir aux réunions.

La construction de Salles du Royaume

“ Au cours des 32 années passées dans la congrégation de Charity, se rappelle Frederick McAlman, nous avons loué cinq sous-sols de maisons sur pilotis. Nous devions faire attention de ne pas nous cogner la tête contre les poutres en bois. Un jour, une sœur qui portait son enfant a mal estimé la hauteur d’une poutre, et le petit s’est blessé à la tête. Cette sœur a raconté l’incident à son père non croyant. Celui-ci et sa femme en ont conclu que la congrégation avait besoin d’avoir son propre lieu de culte. La mère de cette sœur a donc proposé d’offrir un terrain à la congrégation, et le père de financer les travaux de construction ; et c’est exactement ce qu’ils ont fait. Aujourd’hui, cette Salle du Royaume, après plusieurs rénovations, est toujours le centre du vrai culte de la région. Elle sert également de petite Salle d’assemblées pour la circonscription locale. ”

Autrefois, il fallait des mois pour achever la construction d’une Salle du Royaume. Prenons l’exemple de la salle d’Eccles. Sherlock Pahalan, alors ancien dans cette congrégation, raconte : “ Nous tenions nos réunions dans une école. Nous savions que nous aurions davantage d’accroissement si nous possédions notre Salle du Royaume. Mais les quelques proclamateurs d’Eccles étaient pauvres. Ils ont quand même pris la résolution de construire une salle. J’ai donc cherché un terrain dans le territoire, mais en vain.

“ Entre-temps, les frères de Georgetown nous ont prêté deux moules et nous ont appris à fabriquer des parpaings. Au début, nous mettions des heures à en confectionner seulement une douzaine, mais avec la pratique nous sommes devenus de vrais spécialistes, surtout les sœurs. Nous avions également du mal à nous procurer du ciment, car il était rationné à l’époque. Je devais introduire une demande pour en obtenir une certaine quantité. Puis, pour être sûr de l’avoir, je me rendais au quai tôt le matin, et je faisais la queue. Je devais ensuite trouver un camion qui aille à Eccles et qui ait suffisamment de place pour transporter le ciment. Jéhovah nous a aidés à chaque fois. Cependant, nous n’avions toujours pas de terrain. ”

Frère Pahalan poursuit : “ En 1972, Juliet et moi sommes partis en vacances au Canada, chez mon cousin, qui n’est pas Témoin. Il m’a expliqué qu’il possédait deux terrains à Eccles, mais que ses proches, à qui il les avait confiés, ne s’en occupaient pas. Il a alors sollicité mon aide. Je lui ai dit que je serais heureux de l’aider, précisant que je cherchais justement un terrain à Eccles pour y construire une Salle du Royaume. Sans hésitation, il m’a demandé de choisir l’un des deux.

“ Durant les travaux, nous avons encore vu la main de Jéhovah agir. En effet, le ciment et beaucoup d’autres matériaux étaient difficiles à obtenir. Mais, avec des matières de remplacement et de l’improvisation, nous nous en sommes toujours sortis. En outre, peu de frères avaient les qualifications nécessaires, et il fallait une bonne organisation pour amener les volontaires sur le site. Avec mon petit van, je parcourais des centaines de kilomètres pour transporter les frères. Nous avons quand même terminé la construction de notre salle. Un membre du Collège central, Karl Klein, est même venu prononcer le discours d’inauguration. Quel beau cadeau ! ”

Un procédé de construction rapide

En 1995, plus de la moitié des congrégations de Guyana se réunissaient encore dans des locaux loués ou sous des maisons sur pilotis. La filiale a donc formé un Comité de construction national. En octobre de cette même année, les frères ont bâti la première Salle du Royaume selon la méthode rapide. Elle se situait à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Georgetown sur les rives du Mahaicony. Quand il a appris que les Témoins de Jéhovah allaient construire une Salle du Royaume en quatre week-ends, un voisin a déclaré : “ Si vous parlez de bâtir un poulailler, d’accord, mais un bâtiment en béton, jamais ! ” Inutile de vous le dire, cet homme a vite révisé son point de vue.

Dans un pays où les tensions raciales sont parfois très fortes, la construction de Salles du Royaume prouve que les Témoins de Jéhovah savent travailler ensemble dans l’unité chrétienne, quelle que soit leur race ou leur nationalité. S’adressant à un surveillant de circonscription, une dame âgée qui avait observé les travaux à Mahaicony s’est exclamée : “ Rendez-​vous compte, j’ai vu des personnes de six races différentes travailler ensemble ! ”

La construction de la filiale

En 1914, le premier bureau de la filiale a été ouvert chez frère Phillips, et il y est resté jusqu’en 1946. Cette année-​là, on comptait 91 proclamateurs. En 1959, ce chiffre était passé à 685, et l’œuvre continuait de progresser. En juin 1960, les frères ont donc acheté des bâtiments situés au 50 rue Brickdam, à Georgetown. Après avoir fait quelques transformations, ils ont pu utiliser ces locaux pour y abriter les bureaux de la filiale et une maison de missionnaires. Cependant, en 1986, ce complexe ne convenait plus. Alors, avec l’approbation du Collège central, de nouveaux locaux ont été construits sur le terrain existant. Des serviteurs internationaux ainsi que des frères du pays ont achevé la construction en 1987.

Comme les filles de Shalloum, qui ont aidé leur père à rebâtir une partie des murailles de Jérusalem, les sœurs ont été d’une aide précieuse dans la construction de la filiale (Neh. 3:12). Par exemple, 120 d’entre elles, réparties en 10 groupes, ont fabriqué les 12 000 parpaings nécessaires à la construction. Avec leurs 16 moules et en 55 jours seulement, elles se sont acquittées d’une tâche qui était loin d’être facile ! Il fallait mélanger les matériaux dans les bonnes proportions, de sorte que le ciment soit tout juste assez humide pour prendre, sinon les parpaings se seraient désagrégés une fois démoulés.

Des frères de l’endroit étaient veilleurs de nuit ; bien souvent, ils venaient sur le chantier directement après leur travail. D’autres ont œuvré aux côtés des serviteurs internationaux, qui leur ont permis d’acquérir de précieuses qualifications. Un de ces jeunes frères, Harrinarine (Indaal) Persaud, raconte : “ Ma tâche consistait à installer des baguettes d’angle sur le rebord d’une fenêtre, ce que je n’avais jamais fait de ma vie. Je m’y suis attelé jusqu’à ce que je réussisse. Après avoir vérifié mon travail, le responsable, apparemment satisfait, m’a dit : ‘ Maintenant tu as toute la filiale à faire ! ’ ” Aujourd’hui, ce jeune frère communique son expérience sur les chantiers de construction de Salles du Royaume.

Certains matériaux devant être importés, la coopération des autorités était nécessaire. Nombre de représentants du gouvernement sont venus sur le chantier, notamment le président Forbes Burnham et ses collaborateurs. Tous ont été impressionnés par le savoir-faire des volontaires. Un charpentier de la région a déclaré : “ Vous allez avoir un bâtiment d’une qualité exceptionnelle ! ” Le 14 janvier 1988, un représentant de la filiale de Brooklyn, Don Adams, qui était aussi surveillant de zone, a prononcé le discours d’inauguration.

Le 12 février 2001, une nouvelle construction a vu le jour, cette fois sur un autre site. Des serviteurs internationaux, aidés de frères du pays, ont une nouvelle fois prêté main-forte. Le samedi 15 février 2003, frère Richard Kelsey, de la filiale d’Allemagne, a prononcé le discours d’inauguration devant 332 personnes.

Un grand nombre de missionnaires sont rentrés en Guyana pour écouter le programme ; certains revenaient pour la première fois depuis plusieurs décennies. Le dimanche, 4 752 personnes (bien plus que le double des proclamateurs en Guyana) originaires de 12 pays ont assisté à une réunion spéciale.

De l’ingéniosité pour les assemblées

En général, les frères louent des locaux pour les assemblées de circonscription et les assemblées spéciales d’un jour. Dans les zones rurales, ils improvisent parfois un lieu de réunion. Thomas Markevich, qui a servi en Guyana de 1952 à 1956, explique : “ Notre assemblée se tenait à une soixantaine de kilomètres de Georgetown, en amont sur la Demerara. Environ 200 Témoins de la capitale souhaitaient y assister pour soutenir leurs frères. Nous avons donc décidé de construire une Salle d’assemblées de fortune à l’aide des matériaux disponibles sur place : du bambou pour les structures et les sièges, et des feuilles de bananiers pour le toit.

“ Une fois les matériaux rassemblés, nous les avons chargés dans un petit wagon que nous avons fait rouler sur un plan incliné. Hélas ! dans un virage, le wagonnet nous a échappé. Il a basculé et s’est renversé dans le fleuve. L’incident a toutefois tourné à notre avantage parce que les matériaux ont flotté jusqu’à notre site de construction. Quand l’assemblée a commencé, nos frères de l’étranger étaient ravis d’avoir à leurs côtés des centaines de villageois venus écouter le programme de trois jours. ”

Frère Markevich ajoute : “ Après l’assemblée, nous avons tous prêché dans des territoires avoisinants non attribués. Dans un village, un discours public a été prononcé. Tous les habitants étaient présents, ainsi qu’un singe apprivoisé. Il a écouté un moment, puis a décidé d’avoir une vue de la salle d’une place plus avantageuse. Quelques bonds et hop ! il a atterri sur mon épaule. Il a jeté un coup d’œil autour de lui, puis est retourné vers son maître jusqu’à la fin du discours, à mon grand soulagement ! ”

Des assemblées sont organisées

Au début du siècle dernier, on organisait généralement de grands rassemblements à l’occasion de la visite de représentants du siège mondial, tels que frères Coward et Young. En 1954, Nathan Knorr et Milton Henschel sont venus en Guyana à l’occasion de l’assemblée “ La société du monde nouveau ”. L’assistance a été de 2 737 personnes.

Des décennies plus tard, en 1999, plus de 7 100 délégués ont assisté à deux assemblées : l’une a eu lieu à Georgetown et l’autre à Berbice. À Georgetown, les frères ont été mis à rude épreuve en raison de nombreux changements de dernière minute. “ Un acteur très célèbre et sa troupe de danseurs sont arrivés d’Inde. La commission du Parc national a estimé qu’elle ne pouvait pas reporter le spectacle, alors que c’était nous qui avions effectué la réservation en premier, explique la filiale.

“ Nous avons pris aussitôt des dispositions pour louer un autre site, le terrain de cricket, et nous avons immédiatement averti les congrégations. Il ne restait plus que huit jours avant l’assemblée ! Mais les ennuis ne se sont pas arrêtés là. Dans les Caraïbes, le cricket est très populaire ; les terrains sont presque considérés comme sacrés. Aussi, l’idée de nous voir marcher sur la pelouse était inconcevable pour la direction. Mais où jouer le drame et placer l’estrade ?

“ Nous avons malgré tout poursuivi les démarches entreprises, confiants que Jéhovah nous ouvrirait des portes. Et c’est ce qu’il a fait ! Nous avons obtenu l’autorisation d’utiliser la pelouse à condition de surélever le podium et son accès. Pour ce faire, tout le monde a travaillé d’arrache-pied la nuit entière. Même le temps n’était pas en notre faveur, car il a plu une bonne partie de la nuit. Malgré tous ces obstacles, le programme a débuté presque à temps.

“ L’assemblée s’est bien passée, et il a fait beau jusqu’au dernier jour, le dimanche. Mais, ce matin-​là, nous avons été réveillés par le bruit de la pluie. En un rien de temps, le terrain de cricket était inondé. Le niveau de l’eau n’était qu’à cinq centimètres du podium et de sa passerelle. La pluie a cessé juste avant le début du programme. Fort heureusement, les câbles électriques n’étaient pas à même le sol ; ils avaient été attachés sous les planches de la structure. En fait, surélever l’estrade et son accès s’est avéré un mal pour un bien ! ”

Les 6 088 assistants ont pu apprécier le drame sous un soleil éclatant. Deux semaines plus tard, la deuxième assemblée tenue à Berbice a réuni 1 038 personnes. L’assistance totale s’est donc élevée à 7 126 personnes : un record. Plus récemment, le nombre d’assistants a approché des 10 000.

Un avenir prometteur

Dans sa prophétie, Ézékiel a vu le temple de Jéhovah restauré et glorifié. De ce temple sortait un filet d’eau, qui s’élargissait et s’approfondissait à mesure qu’il coulait, jusqu’à devenir un ‘ torrent deux fois plus gros ’ communiquant la vie, même à la mer Morte pourtant salée et sans vie, dans laquelle il se jetait. — Ézék. 47:1-12.

Depuis 1919, le culte pur ne cesse de progresser, et les serviteurs de Dieu constatent que cette prophétie est en train de se réaliser. Aujourd’hui, un véritable torrent de dons spirituels (bibles, auxiliaires d’étude, réunions, assemblées) étanche la soif spirituelle de millions de personnes à travers le monde.

Les Témoins de Jéhovah de Guyana considèrent que participer à l’accomplissement de cette prophétie est un privilège. Et ils continueront d’utiliser les fleuves au sens littéral pour apporter la nourriture spirituelle vivifiante à tous ceux qui sont “ dans la disposition qu’il faut pour la vie éternelle ”, peu importe où ces personnes dignes habitent sur cette “ terre aux nombreuses eaux ”. — Actes 13:48.

[Note]

^ § 8 Quand elle a obtenu son indépendance en mai 1966, la Guyane britannique est devenue la Guyana. Nous emploierons donc ce nom-​ci, sauf quand le contexte impose de faire la distinction.

[Encadré, page 140]

Données générales

Le pays : Le littoral, dont la majeure partie se trouve au-dessous du niveau de la mer et est protégée par environ 230 kilomètres de digues, est constitué d’un sol alluvial. Les forêts couvrent à peu près 80 % du pays, notamment les hautes terres intérieures, où la plupart des cours d’eau guyaniens prennent leur source.

La population : Environ 50 % des habitants sont d’origine indienne, plus de 40 % sont des Noirs d’ascendance africaine ou des métis, et 5 % sont Amérindiens. Environ 40 % se disent chrétiens, 34 % hindous et 9 % musulmans.

Les langues : La langue officielle est l’anglais. On parle également le créole dans tout le pays.

Les sources de revenus : L’agriculture occupe environ 30 % de la population active. Parmi les autres secteurs d’activité économique figurent la pêche, la sylviculture et l’industrie minière.

L’alimentation : On cultive principalement le riz, le cacao, les agrumes, la noix de coco, le café, le maïs, le manioc, le sucre, ainsi que des fruits et des légumes tropicaux. On consomme la viande provenant des élevages de bovins, de porcs, de poulets et de moutons. Les produits de la mer sont essentiellement le poisson et la crevette.

Le climat : Il s’agit d’un climat tropical : les saisons sont peu marquées. Les régions côtières reçoivent entre 1 500 et 2 000 millimètres d’eau par an. Bien que la Guyana soit située près de l’équateur, le climat est doux grâce aux alizés qui soufflent constamment de l’océan Atlantique.

[Encadré/Illustration, pages 143-145]

Personne n’a pu lui “ verrouiller ” la bouche

Malcolm Hall

Naissance : 1890

Baptême : 1915

Parcours : Natif de l’île de Leguan. Il a été l’un des premiers à prêcher la bonne nouvelle dans cette île et il s’est occupé du groupe qui s’y est formé.

Par sa petite-nièce, Yvonne Hall.

Un jour, un agent électoral a dit à mon grand-oncle : “ Est-​ce vrai que vous ne votez pas ? Si c’est le cas, nous vous mettrons sous les verrous et nous confisquerons votre bible. ” En le regardant droit dans les yeux, mon grand-oncle lui a répondu : “ Mais que ferez-​vous de ma bouche ? Est-​ce que vous pouvez me la verrouiller pour m’empêcher de parler de la vérité que vos chefs religieux vous cachent depuis si longtemps ? ” Pour seule réponse, l’agent a rétorqué : “ Bon, on verra ça plus tard. ”

Mon grand-oncle s’est fait baptiser en 1915. Il était du nombre des premiers prédicateurs du Royaume en Guyana. C’était “ un véritable combattant de la vérité ”, a déclaré un frère. Il a connu le message du Royaume alors qu’il vivait et travaillait à Georgetown. Un seul discours public, donné à Somerset House, lui a suffi pour comprendre qu’il avait trouvé la vérité. Une fois rentré chez lui, il a vérifié tous les versets des Écritures dans sa bible.

Quand, plus tard, il est retourné chez lui, à Leguan, il a tout de suite commencé à donner le témoignage. Parmi les premières personnes qui ont accepté le message du Royaume figuraient ses deux sœurs et quelques-uns de ses neveux. Ensemble, ils ont formé le noyau d’un groupe qui se réunissait au domicile de mon grand-oncle.

À cette époque-​là, le clergé exerçait une terrible emprise sur les insulaires, et il fallait mener un réel combat pour que les gens acceptent la bonne nouvelle. Le clergé disait de mon grand-oncle qu’il était “ un fou, un illuminé de la Bible ”. Mais son zèle ne s’est pas éteint pour autant. Tous les dimanches matin, par exemple, il plaçait son phonographe devant le porche de l’église et diffusait des discours bibliques. Souvent, des gens restaient dehors pour écouter.

Avec le temps, certaines personnes ont fait bon accueil au message. Cela s’est particulièrement vu lors du Mémorial. Le premier étage de la maison de mon grand-oncle était bondé. Ce jour-​là, il a présidé la réunion, donné le discours et il a été le seul à participer aux emblèmes. L’un des hommes qui étudiaient la Bible avec lui, Leroy Denbow, est devenu pionnier et a même servi pendant quelque temps comme surveillant de circonscription.

Une fois à la retraite (il était commissaire de bord sur le fleuve Essequibo), mon grand-oncle a entrepris le service de pionnier sur l’île de Leguan et sur l’île voisine de Wakenaam. Sa journée commençait à 4 h 30 : il trayait ses vaches et s’occupait de ses cochons. Vers 7 h 30, il faisait sa toilette, lisait le texte du jour ainsi qu’une portion de la Bible, puis il déjeunait et se préparait pour la prédication. Je le revois encore gonfler les pneus de son vélo avant de partir. Chaque jour, il parcourait au moins 20 kilomètres.

Mon grand-oncle a achevé sa vie terrestre le 2 novembre 1985, après avoir servi Jéhovah fidèlement pendant près de 70 ans. Durant tout ce temps, personne n’a pu lui “ verrouiller ” la bouche. La preuve, c’est qu’aujourd’hui les îles de Leguan et de Wakenaam comptent chacune une congrégation.

[Encadré/Illustration, pages 155-158]

Les réponses aux questions de mon enfance ont changé ma vie

Albert Small

Naissance : 1921

Baptême : 1949

Parcours : Il a entrepris le service de pionnier en 1953. Sa femme, Sheila, et lui ont assisté à l’École de Guiléad en 1958 et sont revenus en Guyana où ils étaient affectés.

“ C’est Dieu qui t’a fait. ” Voilà ce que j’entendais souvent quand j’étais petit. Aussi, lorsque ma mère me disait que j’étais le pire de ses quatre enfants, je pensais que Dieu avait fait trois bons enfants et un mauvais.

Vers l’âge de dix ans, j’ai demandé à mon catéchiste : “ Qui a créé Dieu ? ” Je n’ai pas eu de réponse. Cependant, comme la plupart des gens à l’époque, quand j’ai été en âge de le faire, j’ai décidé de me joindre à un groupe religieux : pour ma part, j’ai choisi l’Église presbytérienne. Nombre de mes questions restaient toutefois sans réponse. Par exemple, à l’église, nous chantions un cantique qui déclarait notamment : “ Le riche est dans son château, le pauvre à son portail. Dieu les a créés de haute ou d’humble condition ; il leur a assigné leur rang. ” “ Dieu leur a-​t-​il vraiment ‘ assigné leur rang ’ ? ” me demandais-​je. Un jour, j’ai posé cette question à un pasteur : “ Si Dieu a créé Adam et Ève, d’où viennent les différentes races ? ” En bref, il m’a répondu que le récit de la Genèse était un mythe.

Puis, durant la Deuxième Guerre mondiale, on nous a encouragés à prier pour les soldats britanniques. Cela m’a définitivement convaincu que les enseignements de mon Église étaient en contradiction avec ce que j’avais lu dans la Bible. “ Mais où aller ? ” me demandais-​je. Je n’ai donc pas quitté mon Église. À l’âge de 24 ans, j’ai épousé Sheila.

Un jour, alors que je revenais tout juste de l’église, j’ai reçu la visite d’un Témoin de Jéhovah. On appelait les Témoins “ la religion sans enfer ”. Ils se réunissaient dans des foyers et ne portaient pas d’habits ecclésiastiques. Je n’avais donc pas de temps à leur consacrer. De plus, certains événements de ma vie, comme mon mariage avec une femme remarquable, m’avaient amené à la conclusion que Dieu s’occupait de moi.

Lorsque l’un des Témoins, Nesib Robinson, s’est présenté, je posais une rustine sur un pneu de mon vélo. “ Ce pneu est crevé, lui ai-​je dit. Si vous êtes chrétien, aidez-​moi à le réparer ! ” Et je suis brusquement rentré chez moi. La semaine suivante, alors que je m’apprêtais à sortir pour aller à l’église, ma bible à la main, j’ai vu Nesib monter les escaliers de chez moi. “ Je ne suis pas intéressé par votre religion, lui ai-​je lancé. Ma femme est à l’intérieur. Vous n’avez qu’à lui parler. ” Puis je suis parti.

Je regrettais de lui avoir dit cela. À l’église, au lieu d’écouter le pasteur, je me faisais cette réflexion : ‘ Si ma femme discute avec M. Robinson, elle n’aura pas le temps de nous préparer la soupe du dimanche. ’ En fait, je n’avais pas à m’inquiéter, car de retour à la maison, la soupe traditionnelle était prête. Par curiosité, j’ai demandé à Sheila : “ Est-​ce que tu as parlé avec ce monsieur Robinson ? ” “ Oui, m’a-​t-​elle répondu. Il s’est assis et m’a prêché pendant que je cuisinais. ”

Peu de temps après, Sheila a accepté une étude de la Bible. Elle a également mis au monde notre premier enfant, mais il est mort à la naissance. J’ai demandé à M. Robinson pourquoi de telles choses arrivaient. Il m’a expliqué que ce n’était pas à cause de Dieu, mais à cause de la désobéissance d’Adam et Ève et de l’imperfection qu’ils nous ont transmise. Sa réponse m’a satisfait.

Nesib me rendait souvent visite à mon atelier de menuiserie. Nos conversations tournaient autour de mon travail, mais il arrivait toujours à glisser une pensée biblique avant de partir. Au fil du temps, nos discussions se sont davantage orientées sur la Parole de Dieu. Un jour, j’ai décidé de lui poser une ou deux questions qui me tracassaient depuis toujours, pensant qu’il ne saurait pas quoi répondre. Après tout, même de “ bons ” pasteurs ne connaissaient pas la réponse.

J’ai d’abord insisté pour qu’il me réponde à l’aide des Écritures, puis je lui ai lancé ma première question : “ Qui a créé Dieu ? ” Nesib m’a lu Psaume 90:2 dans la King James Version : “ Avant que naissent les montagnes, avant que tu crées la terre et le monde, depuis toujours et pour toujours, tu es Dieu. ” En me regardant, il m’a demandé : “ Vous voyez ce qui est dit ? Dieu n’a été créé par personne ; il a toujours été. ” Sa réponse claire et logique m’a stupéfait, si bien que je lui ai posé un flot d’autres questions refoulées depuis des années. Les réponses de Nesib, basées sur la Bible, surtout celles concernant le dessein de Dieu de transformer la terre en paradis, m’ont procuré une joie que je n’avais jamais éprouvée !

Ma première réunion à la Salle du Royaume m’a fortement impressionné. Pourquoi ? Parce que j’ai été étonné de voir les assistants y participer, ce qui n’était pas le cas dans mon Église. Ma femme, qui n’avait jamais assisté à une réunion, n’était pas à mes côtés ce jour-​là. Quand je lui ai raconté comment les choses s’étaient passées, elle m’a dit : “ Allons-​y ensemble ! ” Et nous y allons encore, 55 ans plus tard !

Sheila et moi, nous nous sommes fait baptiser en 1949, dans l’océan Atlantique. En 1953, j’ai entrepris le service de pionnier. Deux ans plus tard, Sheila m’a rejoint dans le service à plein temps, une carrière qui dure depuis plus de 50 ans. En 1958, nous avons été invités à assister à la 31classe de l’École de Guiléad, puis nous avons été affectés en Guyana, notre pays d’origine. Nous nous sommes dépensés dans le service itinérant pendant 23 ans, après quoi nous avons été nommés pionniers spéciaux, privilège de service que nous chérissons jusqu’à ce jour. Je remercie Jéhovah non seulement de m’avoir fourni les réponses aux questions que je me posais dans mon enfance, mais aussi de nous permettre, à ma femme et à moi, de le servir.

[Encadré/Illustration, pages 163-166]

“ Me voici ! Envoie-​moi ”

Joycelyn Ramalho (anciennement Roach)

Naissance : 1927

Baptême : 1944

Parcours : Aujourd’hui veuve, elle a passé 54 ans dans le service à plein temps, notamment plusieurs années dans le service itinérant avec son mari.

Je suis née dans les Caraïbes, sur l’île de Nevis. Ma mère m’a élevée seule. Elle était méthodiste et travaillait comme infirmière. Elle m’a appris à croire en Dieu. Pour son travail, nous avons déménagé dans un petit village de l’île. Le dimanche suivant notre arrivée, nous nous sommes rendues à l’église méthodiste et nous nous sommes assises sur un banc. Quelques minutes plus tard, cependant, on nous a signalé que les “ propriétaires ” du banc étaient arrivés et que nous devions donc nous mettre ailleurs. Même si un paroissien nous a gentiment autorisées à nous asseoir sur “ son ” banc, maman a décidé que nous ne retournerions plus jamais à cette Église. À sa place, nous avons choisi l’Église anglicane.

Au début des années 40, alors qu’elle était chez une amie, maman a rencontré un Témoin de St Kitts, qui lui a remis des publications. Grande lectrice, elle les a dévorées et a compris que c’était la vérité. Peu après, elle s’est mariée, et nous avons déménagé à La Trinité. À l’époque, les publications y étaient interdites, mais nous pouvions nous réunir dans une Salle du Royaume. Rapidement, maman a rompu avec l’Église anglicane et s’est mise à servir Jéhovah, en compagnie de mon beau-père, James Hanley.

À La Trinité, j’ai rencontré une jeune sœur, Rose Cuffie. J’étais loin de me douter que, onze ans plus tard, elle deviendrait l’une de mes compagnes dans l’activité missionnaire. Dans l’intervalle, mon désir de servir Jéhovah n’a cessé de grandir. Je me souviens encore de mes débuts, toute seule, dans la prédication. À la première porte, quand le maître de maison a ouvert, j’ai soudainement perdu la parole. J’ai attendu je ne sais combien de temps avant d’ouvrir ma bible. J’ai lu Daniel 2:44, et je suis vite partie.

J’ai entrepris le service de pionnier en 1950, et à peine un peu plus de deux ans plus tard, j’ai été invitée à faire partie de la 21classe de l’École de Guiléad. Quelle joie ! Trois élèves ont été envoyées en Guyana : Florence Thom, originaire de Guyana ; Lindor Loreilhe, ma compagne de chambre ; et moi. Nous sommes arrivées dans le pays en novembre 1953. Nous avons été affectées à Skeldon, une ville située à environ 180 kilomètres de Georgetown et à l’embouchure de la Courantyne. Un groupe isolé de frères et sœurs nous attendait avec impatience.

La plupart des habitants de Skeldon étaient originaires d’Inde et de confessions hindoue ou musulmane. Nombre d’entre eux étaient illettrés ; quand nous leur donnions le témoignage, ils répondaient bien souvent : “ Bruck am up sista ”, c’est-à-dire : “ Parlez moins vite ” ou “ Parlez avec des mots plus simples, ma sœur ”. Au début, nous étions entre 20 et 30 aux réunions, mais l’assistance a diminué lorsque ceux qui n’étaient pas vraiment intéressés ont cessé de venir.

Une femme a progressé au point de vouloir participer au ministère. Quand je suis allée la chercher à l’heure prévue, c’est en fait son fils de 14 ans, tout endimanché et content, qui était prêt à m’accompagner. Sa mère m’a dit : “ Mme Roach, emmenez Frederick à ma place. ” Plus tard, j’ai appris que le père de cette femme, un anglican fervent, avait fait pression sur elle. Toutefois, son fils, Frederick McAlman, a fait d’excellents progrès et, par la suite, il a assisté à l’École de Guiléad. — Voir l’encadré à la page 170.

J’ai ensuite été envoyée à Henrietta, ville qui ne comptait qu’un seul proclamateur. Cette ville faisait partie du territoire de la congrégation de La Charité. Ma nouvelle compagne de service était Rose Cuffie, la sœur dont je vous ai parlé plus haut. Rose et moi passions quatre jours par semaine à Henrietta et, chaque vendredi, de bonne heure, nous enfourchions notre vélo pour parcourir les 30 kilomètres de routes poussiéreuses qui nous séparaient de La Charité, où se tenaient les réunions. Nous emportions provisions, draps, couvertures et moustiquaires.

En chemin, nous donnions le témoignage, et nous nous arrêtions chez des proclamateurs isolés ainsi que chez une sœur inactive, pour les encourager. En général, nous étudiions avec eux La Tour de Garde. Le dimanche, de retour à Henrietta, nous dirigions l’étude de La Tour de Garde avec notre groupe d’étudiants de la Bible. Nous n’avons jamais eu de mésaventures, à part quelques crevaisons et de bonnes averses !

Notre joie ne s’est jamais estompée. Une dame nous a même dit un jour : “ Vous êtes toujours joyeuses ; rien ne semble vous perturber. ” Jéhovah a ajouté à notre joie en nous donnant aussi un ministère productif. Par exemple, la sœur inactive que nous visitions s’est remise à servir Dieu. Aujourd’hui, près de 50 ans plus tard, elle est toujours fidèle.

Le 10 novembre 1959, j’ai épousé Immanuel Ramalho, un pionnier. Ensemble, nous avons servi à Suddie, à 23 kilomètres au sud d’Henrietta. C’est là que j’ai fait une fausse couche. Pour surmonter cette épreuve, je suis restée active dans la prédication. Plus tard, nous avons eu deux enfants, sans pour autant abandonner notre service de pionnier.

En 1995, Immanuel s’est endormi dans la mort. Nous avons servi Jéhovah dans de nombreux territoires différents. Nous avons vu de petits groupes se transformer en des congrégations florissantes, qui avaient leurs anciens, leurs assistants ministériels, et même leur Salle du Royaume ! Nous nous sommes également dépensés joyeusement dans le service itinérant pendant 10 ans. Immanuel me manque beaucoup, mais le soutien plein d’amour de Jéhovah et des membres de la congrégation m’est d’un grand réconfort.

Quand Dieu l’a invité à accomplir un service spécial, le prophète Isaïe a répondu : “ Me voici ! Envoie-​moi. ” (Isaïe 6:8). Mon mari et moi, nous nous sommes efforcés de manifester ce bel état d’esprit. Certes, comme Isaïe, nous avons eu des moments difficiles, même déprimants. Mais les joies que nous avons connues les ont largement contrebalancés.

[Encadré/Illustration, pages 170-173]

Envoyé dans mon pays natal

Frederick McAlman

Naissance : 1942

Baptême : 1958

Parcours : Après l’École de Guiléad, il a été envoyé en Guyana, son pays d’origine. Lui et sa femme, Marshalind, y servent actuellement comme pionniers permanents.

Quand j’avais 12 ans, ma mère s’est mise à étudier la Bible avec Joycelyn Roach (maintenant Ramalho), une sœur missionnaire. Je me joignais à leurs discussions. Maman a arrêté d’étudier, mais moi, j’ai continué, et j’ai commencé à assister aux réunions. Lorsque j’avais 14 ans, sœur Roach et d’autres missionnaires, tels que Rose Cuffie et Lindor Loreilhe, m’emmenaient prêcher sur leurs bicyclettes. À l’époque, je ne savais pas que leur esprit missionnaire allait autant m’influencer.

Quand j’ai commencé à étudier avec les Témoins de Jéhovah, je me préparais à recevoir la confirmation dans l’Église anglicane. Un jour, le pasteur a essayé d’expliquer la “ Sainte ” Trinité. Après l’avoir écouté quelques instants, j’ai pris la parole et je lui ai dit que cette doctrine n’était pas dans la Bible. Il m’a rétorqué : “ Je sais que tu lis certains livres ; ces livres sont pernicieux. Ne les lis pas ! Tu dois croire en la Trinité. ” À partir de ce moment-​là, je ne suis plus jamais retourné à l’Église anglicane. J’ai continué d’étudier avec les Témoins, et je me suis fait baptiser en 1958.

En septembre 1963, j’ai reçu une lettre de la filiale m’invitant à entreprendre le service de pionnier spécial, ce que j’ai fait. J’ai été affecté à la congrégation de Fyrish, sur les rives de la Courantyne. Mon compagnon de service était Walter McBean. Pendant un an, nous avons parcouru le territoire en amont et en aval du fleuve. Cela nous a préparés à notre affectation suivante : la congrégation de Paradise, qui comptait dix proclamateurs lorsque nous sommes arrivés en 1964. Nous y avons servi comme pionniers pendant plus de quatre ans, et nous avons vu le nombre de proclamateurs passer à 25.

En 1969, j’ai été invité à faire partie de la 48classe de l’École de Guiléad. Cette même année, étant au Béthel de Brooklyn, j’ai eu la chance d’assister à l’assemblée internationale “ Paix sur la terre ”. Quel cadeau spirituel d’avoir pu rencontrer tant de frères et sœurs fidèles ! Je n’oublierai jamais le jour où Frederick Franz, membre du Collège central, m’a invité dans sa chambre. Il avait tellement de livres que je me suis demandé où était son lit ! Ulysses Glass, l’un de nos instructeurs à Guiléad, était lui aussi un étudiant assidu de la Parole de Dieu. Je l’entends encore dire : “ Les bases qui permettent de bien écrire et de bien enseigner sont l’exactitude, la concision et la clarté. ”

J’avoue que j’ai été déçu quand j’ai appris que mon affectation était la Guyana. C’était chez moi, pas un pays étranger. Toutefois, frère Glass m’a gentiment pris à part et m’a aidé à considérer les choses autrement. Il m’a rappelé qu’assister à Guiléad était en soi un grand privilège et que j’allais sûrement être envoyé dans une région qui m’était étrangère. Il ne s’était pas trompé puisque j’ai été affecté à la congrégation de Charity, sur les rives du Pomeroon. Elle ne comptait alors que cinq proclamateurs.

Mon compagnon de service, Albert Talbot, et moi étions peu habitués à naviguer. Nous avons donc dû apprendre à manœuvrer notre bateau. Cela paraît facile, mais je peux vous affirmer que ça ne l’est pas du tout. Si vous ne prenez pas en compte les courants et les vents, soit vous faites du sur-place, soit vous dérivez en tournoyant. Heureusement, on nous a bien aidés, notamment une sœur de la région.

Pendant dix ans, donc, nous avons mis nos muscles à contribution pour ramer. Puis un habitant nous a proposé de nous vendre un moteur, mais nous n’avions pas suffisamment d’argent pour l’acheter. Imaginez notre joie lorsque nous avons reçu un chèque de la filiale ! Apparemment, plusieurs congrégations avaient eu vent de notre besoin et souhaitaient nous soutenir. Avec le temps, nous avons acheté d’autres bateaux. Nous leur avons donné à tous le nom de “ Prédicateur du Royaume ” suivi d’un chiffre pour les identifier.

Après avoir travaillé aux côtés de plusieurs compagnons de service, j’ai rencontré celle qui allait devenir ma partenaire pour la vie : Marshalind Johnson, pionnière spéciale dans la congrégation de Mackenzie. Son père, Eustace, alors déjà décédé, était très connu en Guyana ; il avait été surveillant de circonscription pendant une dizaine d’années. Aujourd’hui, Marshalind et moi sommes pionniers permanents. À nous deux, nous avons effectué 72 années de service à plein temps, dont 55 ans dans le service de pionnier spécial. Pendant tout ce temps, nous avons également élevé six enfants.

Jéhovah nous a aussi bénis dans notre ministère. Au début des années 70, par exemple, alors que nous prêchions le long du Pomeroon, nous avons rencontré un jeune tailleur qui a accepté une étude biblique. C’était un excellent élève. Nous l’avons encouragé à apprendre les noms des livres de la Bible. Non seulement il connaissait tous ces noms par cœur au bout d’une semaine, mais il savait également à quelle page les livres bibliques se trouvaient ! Lui, sa femme et sept de leurs neuf enfants sont venus à la vérité depuis. Nous sommes tous les deux anciens dans la congrégation de Charity. Jamais je n’aurais reçu de telles bénédictions si je n’avais pas eu l’exemple formidable de ces premiers missionnaires si zélés !

[Encadré/Illustration, pages 176, 177]

J’ai étudié la Bible par correspondance

Monica Fitzallen

Naissance : 1931

Baptême : 1974

Parcours : Isolée, elle a étudié la Parole de Dieu pendant deux ans par correspondance et a beaucoup prêché à ses voisins amérindiens. Aujourd’hui aveugle, elle apprend par cœur des versets bibliques pour le ministère.

Je vis à Waramuri, une réserve amérindienne située sur les rives de la Moruka, au nord-ouest de la Guyana. Au début des années 70, quand j’ai connu la vérité, la congrégation la plus proche était celle de Charity, sur le Pomeroon. En pirogue, il fallait 12 heures pour s’y rendre.

J’ai rencontré les Témoins de Jéhovah alors que je faisais des courses à Charity. Frederick McAlman m’a proposé La Tour de Garde et Réveillez-vous ! Je les ai acceptés et, une fois chez moi, je les ai mis dans un coffre, où ils sont restés pendant deux ans. Puis je suis tombée malade. J’ai gardé le lit pendant quelque temps, et je suis devenue très dépressive. C’est alors que je me suis souvenue des périodiques. Je les ai lus et j’ai immédiatement perçu l’accent de la vérité.

Vers cette époque, mon mari, Eugene, s’est mis à chercher du travail et a décidé de descendre vers Charity. Comme j’allais mieux, je l’ai accompagné. Ma principale motivation, cependant, était de retrouver les Témoins de Jéhovah. Je n’ai pas eu besoin de chercher longtemps. Une sœur est venue frapper à la porte de la maison où nous logions. “ Êtes-​vous de ceux qui distribuent La Tour de Garde ? ” lui ai-​je demandé. La sœur m’ayant répondu par l’affirmative, je me suis enquise de l’homme que j’avais rencontré sur le marché deux ans auparavant. Elle est aussitôt allée chercher Frederick McAlman, qui prêchait avec un groupe non loin de là.

Quand ils sont revenus tous les deux, frère McAlman m’a montré comment se déroulait une étude biblique à l’aide du livre La vérité qui conduit à la vie éternelle. J’ai accepté d’étudier. Comme Eugene et moi devions retourner chez nous, à Waramuri, je me suis arrangée pour recevoir les cours bibliques par courrier. J’ai étudié deux livres de cette façon : les livres Vérité et ‘ Choses dans lesquelles il est impossible à Dieu de mentir ’. Pendant que j’étudiais le livre Vérité, j’ai officiellement rompu avec l’Église anglicane et je suis devenue proclamatrice non baptisée. Le prêtre m’a écrit ces mots : “ N’écoutez pas les Témoins de Jéhovah. Ils ont une compréhension superficielle de la Bible. Je viendrai vous voir pour en discuter. ” Mais il n’est jamais venu.

Étant la seule proclamatrice de la réserve, j’ai fait connaître mes nouvelles croyances à mes voisins. J’ai également donné le témoignage à mon mari qui, je suis heureuse de le dire, s’est fait baptiser un an après moi. Aujourd’hui, Eugene fait partie des 14 proclamateurs de la région.

Depuis quelques années, je ne vois plus à cause d’un glaucome et de la cataracte. J’apprends donc par cœur des versets bibliques pour le ministère. Malgré tout, je remercie Jéhovah de me permettre de le servir encore.

[Encadré/Illustrations, pages 181-183]

Jéhovah m’a accordé ‘ les demandes de mon cœur ’

Ruby Smith

Naissance : 1959

Baptême : 1978

Parcours : Cette sœur carib a joué un rôle capital dans la propagation de la bonne nouvelle à Baramita, une réserve amérindienne située dans les terres.

J’ai connu les Témoins de Jéhovah en 1975. J’avais alors 16 ans. Grand-mère a reçu un tract de son beau-fils et m’a demandé de le lui traduire, car elle ne lisait pas l’anglais. Stupéfaite des promesses bibliques qui figuraient dans ce tract, j’ai rempli le coupon et je l’ai envoyé à la filiale. Lorsque j’ai reçu les publications que j’avais demandées, je les ai étudiées et j’ai commencé à parler des vérités bibliques que j’avais découvertes. J’ai d’abord donné le témoignage à ma grand-mère et à ma tante. Malheureusement, mon père n’approuvait pas ce que je faisais.

Ma grand-mère et ma tante n’ont pas tardé à se mettre à prêcher. Aussi, certains habitants de notre village venaient chez nous pour en apprendre davantage sur la Bible. Dans le même temps, plus je lisais les publications, plus je m’apercevais que je devais opérer des changements dans ma vie pour plaire à Jéhovah. Cela signifiait entre autres avouer à mon père que je lui avais volé quelque chose dans son atelier et me réconcilier avec l’un de mes frères. Après avoir beaucoup prié, j’y suis parvenue.

Dans l’intervalle, la filiale a pris des dispositions pour qu’un pionnier spécial, Sheik Bakhsh, nous visite. Il n’a pas pu rester longtemps ; aussi, lui et un autre frère, Eustace Smith, qui est devenu par la suite mon mari, ont étudié avec moi par correspondance.

En 1978, je suis allée à Georgetown pour assister à l’assemblée “ La foi victorieuse ”. Dès mon arrivée dans la capitale, je me suis rendue à la filiale pour dire que je voulais me faire baptiser. Albert Small a examiné avec moi les questions que les anciens considèrent avec ceux qui envisagent le baptême. Quelle joie de revenir à Baramita en tant que serviteur baptisé de Jéhovah !

Pleine de zèle, je me suis lancée à fond dans la prédication. Beaucoup de personnes se sont intéressées à la vérité. J’ai donc demandé à quelques-unes d’entre elles de bâtir un lieu de culte simple. Chaque dimanche, j’y traduisais La Tour de Garde, de l’anglais en carib. Mais mon père s’est opposé à mes activités et a tenu à ce que je reste à la maison ce jour-​là. C’est pourquoi, en secret, j’enregistrais les articles sur une cassette, et l’un de mes frères la faisait écouter à la réunion. À cette époque, l’assistance s’élevait à une centaine de personnes.

Peu après, nous avons déménagé à Georgetown pour le travail. Grand-mère, elle, s’est installée à Matthews Ridge. Ma tante est restée à Baramita, mais elle a arrêté de prêcher. L’activité liée au Royaume a donc cessé pendant quelque temps dans ce village.

À Georgetown, j’ai rencontré Eustace Smith, que j’ai épousé peu de temps après. Même si Eustace ne parlait pas le carib, lui et moi voulions retourner à Baramita pour y entretenir l’intérêt. En 1992, notre désir s’est réalisé. Dès notre arrivée, nous nous sommes dépensés dans le ministère et nous avons organisé des réunions. En un rien de temps, l’assistance est montée à environ 300 personnes !

Nous avons également mis en place des cours d’alphabétisation, qui avaient lieu après l’étude de La Tour de Garde. Yolande, notre première fille, nous aidait. Elle avait alors 11 ans et était proclamatrice non baptisée. Aujourd’hui, Yolande et notre deuxième fille, Melissa, sont pionnières permanentes.

En 1993, Jéhovah a permis qu’une Salle du Royaume soit construite à Baramita. Il a également pourvu à “ des dons en hommes ” parlant le carib et capables de prendre la tête dans la congrégation (Éph. 4:8). Au 1er avril 1996, la congrégation de Baramita était officiellement formée. Je suis heureuse de dire également que ma mère, ma grand-mère et presque tous mes frères et sœurs en font partie. Vraiment, Jéhovah m’a accordé ‘ les demandes de mon cœur ’ ! — Ps. 37:4.

[Illustration]

Eustace et moi aujourd’hui.

[Tableau/Graphique, pages 148, 149]

LA GUYANA — REPÈRES HISTORIQUES

1900 : Des personnes commencent à lire le Phare de la Tour de Sion et d’autres publications bibliques, et à en parler.

1910

1912 : E. Coward prononce des discours devant des centaines de personnes réunies à Georgetown et à New Amsterdam.

1913 : Location d’un lieu de réunion (Somerset House). Il est utilisé jusqu’en 1958.

1914 : Installation du premier bureau de la filiale à Georgetown.

1917 : Sous l’influence du clergé, le gouvernement interdit certaines publications.

1922 : Levée de l’interdiction. Visite de George Young.

1940

1941 : La Tour de Garde et Consolation (aujourd’hui Réveillez-vous !) sont interdits.

1944 : Toutes les publications des Témoins de Jéhovah sont interdites.

1946 : En juin, levée de l’interdiction. Arrivée des premiers missionnaires diplômés de Guiléad.

Années 1950 : Projection du film La Société du Monde Nouveau en action dans toute la Guyana.

1960 : La filiale achète une propriété à Georgetown. Les locaux existants abritent la filiale et une maison de missionnaires.

1967 : On franchit le cap des 1 000 proclamateurs.

1970

1988 : Inauguration de nouveaux locaux bâtis sur le terrain de la filiale.

1995 : Construction de la première Salle du Royaume selon la méthode rapide.

2000

2003 : Inauguration des bâtiments de la filiale actuelle, construits sur un nouveau terrain.

2004 : 2 163 proclamateurs œuvrent en Guyana.

[Graphique]

(Voir la publication)

Total des proclamateurs

Total des pionniers

1 000

2 000

1910 1940 1970 2000

[Cartes, page 141]

(Voir la publication)

GUYANA

Baramita

Hackney

Charity

Henrietta

Suddie

GEORGETOWN

Mahaicony

Soesdyke

Bartica

Yaruni

New Amsterdam

Mackenzie

Wismar

Skeldon

Berbice

Orealla

Lethem

Essequibo

Demerara

Berbice

Courantyne

VENEZUELA

BRÉSIL

SURINAME

[Illustrations pleine page, page 134]

[Illustration, page 137]

Evander Coward.

[Illustration, page 138]

Le Somerset House à Georgetown a servi de lieu de réunion de 1913 à 1958.

[Illustration, page 139]

George Young.

[Illustration, page 146]

Frederick Phillips, Nathan Knorr et William Tracy, en 1946.

[Illustration, page 147]

En juin 1946, cette proclamation a officiellement mis un terme à l’interdiction de nos publications.

[Illustration, page 152]

Nathan Knorr, Ruth Miller, Milton Henschel, Alice Tracy (anciennement Miller), ainsi que Daisy et John Hemmaway.

[Illustration, page 153]

John Ponting.

[Illustration, page 154]

Geraldine et James Thompson ont servi en Guyana pendant 26 ans.

[Illustration, page 168]

Des proclamateurs prêchent en bateau.

[Illustration, page 169]

Prédication sur la Moruka à bord du “ Prédicateur du Royaume III ”.

[Illustration, page 175]

Jerry et Delma Murray.

[Illustration, page 178]

Frederick McAlman ainsi qu’Eugene et Monica Fitzallen communiquent la bonne nouvelle à un Amérindien réparant sa pirogue.

[Illustration, page 184]

Assemblée de circonscription à Baramita, en 2003.

[Illustrations, page 185]

Dans la région de Baramita, de nombreux habitants ont accepté la vérité biblique.

[Illustration, page 186]

Prédication en pirogue.

[Illustration, page 188]

Sherlock et Juliet Pahalan.

[Illustrations, page 191]

Le “ paradis des pionniers ”.

[Illustration, page 194]

Salle du Royaume d’Orealla.

[Illustration, page 197]

Les locaux de l’ancienne filiale, au 50 rue Brickdam, à Georgetown, ont été achevés en 1987.

[Illustration, page 199]

Le Comité de la filiale, de gauche à droite : Edsel Hazel, Ricardo Hinds et Adin Sills.

[Illustration, pages 200, 201]

Les nouveaux locaux de la filiale.