Aller au contenu

Aller à la table des matières

Tahiti

Tahiti

Tahiti

Vues du ciel, les îles de Polynésie française comme Tahiti, Moorea et Bora Bora ressemblent à des joyaux sertis dans le bleu de cobalt de cette immense étendue qu’est l’océan Pacifique. Leurs lagons d’opale ornés de coraux où abondent des poissons aux couleurs vives sont bordés de plages jaune d’or ou noir basalte. Des cocotiers chargés de fruits ondulent sous l’effet de la brise. Dans les terres, les montagnes déchiquetées, couvertes de végétation et coiffées de nuages, transforment n’importe quel panorama en un paysage de carte postale.

À juste titre, des peintres et des écrivains ont qualifié ces îles de paradis terrestre. D’ailleurs, c’est ainsi qu’elles ont dû apparaître aux marins qui les ont découvertes jadis et qui s’y sont établis, voilà peut-être mille ans ou plus. Ces pionniers remarquables, vraisemblablement originaires d’Asie du Sud-Est, comptent parmi les ancêtres des peuples connus aujourd’hui sous le nom de Polynésiens. Au cours des siècles, ils ont quitté les îles où ils étaient bien implantés pour s’enfoncer, toujours plus loin, dans le vaste Pacifique et faire de ses myriades d’îles et d’atolls leur domaine.

L’actuelle Polynésie, nom qui signifie “ nombreuses îles ”, se situe à l’intérieur d’un immense triangle dont les pointes sont Hawaii, au nord, l’île de Pâques, au sud-est, et la Nouvelle-Zélande, au sud-ouest. Le présent récit se concentrera sur la partie française de la Polynésie, dont Tahiti est la plus grande île *. La Polynésie française se compose de cinq archipels : l’archipel des îles Australes (anciennement archipel Tubuaï), celui des îles Gambier, celui des îles Marquises, celui des îles de la Société et celui des îles Tuamotu. Ce n’est qu’au XVIsiècle que les explorateurs européens ont découvert par hasard ce domaine du Pacifique.

Les premiers Européens

L’Espagnol Álvaro de Mendaña de Neira découvre quelques-unes des îles Marquises en 1595. Pedro Fernandes de Queirós, qui a servi sous ses ordres, trouve une partie de l’archipel des Tuamotu en 1606. L’explorateur néerlandais Jacob Roggeveen, quant à lui, découvre Bora Bora, Makatea, et Maupiti en 1722. En 1767, le capitaine Samuel Wallis, à bord du navire de guerre britannique Dolphin, débarque à Tahiti, la plus grande île de la Polynésie française. Il sera imité, l’année suivante, par le navigateur français, le capitaine Louis-Antoine de Bougainville.

Impressionné par la beauté de l’île et par le charme de ses habitants, Bougainville la baptise la “ Nouvelle Cythère, d’après l’île péloponnésienne de Kýthira, à proximité de laquelle Aphrodite [la déesse de l’amour et de la beauté] serait montée de la mer ”, lit-​on dans l’ouvrage Cook & Omai — Le culte des mers du Sud (angl.). L’explorateur britannique James Cook se rend à Tahiti à quatre reprises, entre 1769 et 1777. Il donne leur nom aux îles de la Société, archipel qui comprend Tahiti.

Après les explorateurs viennent les missionnaires. Les plus efficaces sont ceux qu’envoie la Société missionnaire de Londres, une institution soutenue par les protestants. Deux de ses missionnaires, Henry Nott et John Davies, réalisent la tâche colossale de mettre au point une forme écrite du tahitien, puis de traduire la Bible dans cette langue. Aujourd’hui encore, la Bible en tahitien est largement utilisée en Polynésie française, en particulier dans les nombreuses îles sous influence protestante. Les missionnaires adventistes, catholiques et mormons rencontreront aussi un certain succès. Ainsi, l’Église catholique est très influente aux îles Marquises, aux îles Gambier et dans la partie est des îles Tuamotu.

Comment ces cinq archipels sont-​ils devenus un territoire français ? À compter de 1880, la France annexe progressivement les îles, ce qui donne naissance à une nouvelle colonie. Papeete, sur l’île de Tahiti, en devient la capitale et les habitants se voient offrir la citoyenneté française. En 1946, la France désigne ces îles comme territoire d’outre-mer, lequel prend le nom de Polynésie française en 1957.

Le message du Royaume arrive !

Le premier Témoin à être allé à Tahiti est Sydney Shepherd ; il est arrivé en 1931. Pendant deux ans, Sydney s’est rendu, par bateau, dans plusieurs îles du Pacifique pour donner le témoignage aux insulaires. Le Néo-zélandais Frank Dewar fait de même plus tard. Quoique ces frères ne puissent rester bien longtemps, ils distribuent beaucoup de publications. En effet, une vingtaine d’années plus tard, Leonard (Len) Helberg, un Australien qui était surveillant de circonscription, raconte : “ J’étais à Papeete dans la voiture du serviteur de congrégation ; il s’est arrêté pour prendre en stop un homme de sa connaissance qui habitait dans les collines. Cet homme âgé était américain. Quand il a appris que j’étais Témoin, il a dit : ‘ Oui, je me rappelle quand l’un de vos collègues est venu ici, il y a des années, et qu’il m’a donné une pile de livres du juge Rutherford. ’ Il s’agissait là d’un des nombreux indices du travail accompli par les pionniers qui nous avaient précédés, en l’occurrence Sydney Shepherd ou Frank Dewar. ”

Parmi les premiers proclamateurs du Royaume à avoir donné un témoignage plus intensif en Polynésie française figurent Jean-Marie et Jeanne Félix, un couple qui avait appris la vérité en Algérie, pays qui était alors une colonie française. Ils s’étaient fait baptiser en 1953. En 1955, les proclamateurs du Royaume avaient été invités à servir là où le besoin était grand, entre autres en Polynésie française. En réponse à cette invitation, les Félix et leur jeune fils, Jean-Marc, sont partis s’installer à Tahiti, en 1956. Toutefois, Jean-Marie, qui était ingénieur, n’est pas parvenu à trouver du travail. La famille s’est établie à 230 kilomètres au nord-est de Tahiti, sur l’île de Makatea, qui appartenait aux îles Tuamotu, et Jean-Marie a été embauché dans une carrière de phosphate.

Sa femme et lui se sont tout de suite mis à donner le témoignage à leurs voisins et aux collègues de travail de Jean-Marie. Jeanne écrit : “ Les insulaires manifestaient un grand respect pour la Bible, étaient très attentifs au message du Royaume et assidus dans leur étude de la Bible. Cela nous encourageait. Les membres du clergé, par contre, nous faisaient bien sentir que nous n’étions pas les bienvenus. Ils ont même mis en garde leurs ouailles contre les ‘ faux prophètes ’ qui se trouvaient parmi eux, et ils disaient aux gens de ne pas nous parler, de ne même pas passer devant chez nous ! ”

Avec le temps, toutefois, la plupart des habitants ont changé d’avis à l’égard de ce couple chrétien. Beaucoup ont même commencé à le respecter profondément, du fait qu’il ne prenait pas les Polynésiens de haut, contrairement à certains Européens de Makatea.

Il fallait tout de même du courage pour poursuivre l’œuvre, quand on songe que le directeur de la carrière de phosphate pouvait renvoyer un employé à tout moment. Qui plus est, les deux gendarmes qui se trouvaient sur l’île se présentaient parfois chez les Félix pour se renseigner sur leur activité. Petit à petit, ils se sont rendu compte que Jean-Marie et Jeanne n’étaient une menace pour personne ! Ces gendarmes sont même devenus amicaux.

Le premier étudiant de la Bible à avoir réalisé de bons progrès spirituels est Maui Piirai, un Polynésien qui travaillait avec Jean-Marie. Il a opéré de grands changements dans sa vie, au fur et à mesure que la vérité touchait son cœur. Ainsi, il a arrêté de fumer et de boire, et il a épousé la femme avec qui il vivait depuis 15 ans. Il s’est fait baptiser en octobre 1958, devenant le premier Polynésien dans les îles à vouer sa vie à Jéhovah. Évidemment, lui aussi faisait connaître la bonne nouvelle aux autres, ce qui irritait le clergé. Un pasteur s’était même arrangé pour que Maui perde son travail. Mais cette manigance a échoué, parce que Maui était un bon ouvrier et qu’il avait une excellente réputation.

Germaine Amaru est la deuxième personne qui a accepté la Parole de Dieu. Cette institutrice a connu la vérité grâce à l’un de ses élèves, Jean-Marc, le fils des Félix. Elle a été si impressionnée par la connaissance biblique que possédait son élève, pourtant âgé d’à peine sept ans, qu’elle a appelé ses parents, lesquels ont commencé d’étudier la Bible en sa compagnie. Mais ce n’est pas tout ! Germaine a ensuite aidé une autre institutrice, Monique Sage, et son mari, Roger, à apprendre à connaître Jéhovah.

Les Félix et Maui Piirai ont également commencé une étude avec Manuari Tefaatau, un jeune diacre de l’Église protestante de Makatea, ainsi qu’avec l’un de ses amis, Arai Terii. Au début, Manuari et Arai ont continué de fréquenter leur église, tout en faisant connaître aux paroissiens les vérités bibliques relatives à la Trinité, à l’enfer de feu, à l’immortalité de l’âme, etc. Comme vous pouvez l’imaginer, cela a suscité une vive émotion dans la communauté protestante. À l’exemple des habitants de l’antique Bérée, de nombreuses personnes sincères ont néanmoins scruté leur bible pour voir si ce qu’elles entendaient était vrai. — Actes 17:10-12.

Inutile de dire que le pasteur ne s’est pas laissé intimider. Il a même menacé d’expulser quiconque continuerait d’écouter les Témoins. Quelques-uns ont cédé devant la menace, mais d’autres ont progressé sur le plan spirituel et ont quitté l’Église. Parmi eux figurent Manuari et Arai, ainsi que Moea, la femme de Maui Piirai, et Taina Rataro, dont nous reparlerons plus tard.

Dans les premiers temps, le groupe sans cesse croissant de proclamateurs et d’étudiants de la Bible se réunissait au domicile des Félix, où Jean-Marie prononçait des discours en français, que Maui interprétait en tahitien. En 1959, quand les Félix ont quitté Makatea, le groupe a tenu ses réunions chez Maui, qui était alors devenu un frère. Que pensaient Jean-Marie et Jeanne du service qu’ils avaient effectué dans les îles ? Jeanne, qui est maintenant veuve et qui habite en Italie, traduit ainsi ses sentiments et ceux de son mari : “ Nous n’avons jamais eu de regrets. Pour tout dire, notre ministère à Makatea est certainement le meilleur souvenir que nous gardions de notre vie commune. ”

La bonne nouvelle atteint Tahiti

En 1955, juste avant que les Félix se rendent à Makatea, Len Helberg fut choisi par la filiale d’Australie pour commencer l’activité de circonscription dans le Pacifique Sud. Sa circonscription s’étendait sur des millions de kilomètres carrés, de la Nouvelle-Calédonie à la Polynésie française. Pourtant, moins de 90 proclamateurs vivaient dans ce vaste territoire, et aucun à Tahiti. Len poursuivait trois objectifs : visiter chaque congrégation ou groupe tous les six mois ; entrer en contact avec les proclamateurs isolés et les personnes intéressées par le message biblique ; enfin, parcourir de nouveaux territoires en utilisant le film La Société du Monde Nouveau en action, partout où c’était possible.

En décembre 1956, Len a débarqué à Tahiti pour la première fois. Il y est resté deux mois. Certes, il avait étudié le français à l’école, mais il avait presque tout oublié. Il a donc prêché en premier dans les quartiers commerçants, de manière à trouver des gens qui parlaient anglais. Il a ainsi rencontré l’un des hommes les plus riches de Tahiti. Cet homme l’a écouté avec intérêt et lui a demandé de revenir. Le samedi suivant, après avoir déjeuné avec Len, il l’a invité à son domicile et ils s’y sont rendus dans sa voiture, conduite par un chauffeur. Len écrit : “ Puis, au milieu de l’après-midi, à ma grande surprise, l’homme a pris une conque et a soufflé dedans. En fait, il sonnait le rassemblement de tous les dignitaires du village dans une salle de réunion attenante à sa maison.

“ Une douzaine de personnes sont venues, dont le maire, le chef de la police, et plusieurs diacres de l’Église protestante. Après m’avoir présenté comme un représentant des Témoins de Jéhovah, ‘ une nouvelle religion dans les îles ’, mon hôte a fait cette annonce : ‘ À présent, M. Helberg va répondre à toutes vos questions bibliques. ’ Et j’ai pu répondre à toutes leurs questions. ” Cela s’est reproduit chaque samedi pendant les deux mois qui ont suivi. Même si l’homme fortuné n’a jamais accepté la vérité, il a fait en sorte que Len puisse projeter le film La Société du Monde Nouveau en action dans une léproserie. Environ 120 personnes étaient présentes.

Certains ont-​ils accepté le message du Royaume ? Frère Helberg se rappelle : “ En 1956, le jour de Noël, alors que je prêchais de maison en maison dans le quartier d’Arue, je me suis rendu chez la famille Micheli, qui a accepté le message avec enthousiasme. ” Cette famille connaissait bien La Tour de Garde et Réveillez-vous ! grâce à un parent qui vivait aux États-Unis et qui avait pris des dispositions pour les abonner. Plus tard, leur fille, Irene, et son mari sont venus à la vérité. Len a aussi commencé une étude biblique avec un certain M. Garnier, ce qui a amené d’autres membres de sa famille à accepter la vérité. Les Micheli et les Garnier ont fait partie de la congrégation de Papeete dès sa formation, en 1959.

En 1957, quand frère Helberg est allé à Guiléad, la filiale d’Australie a demandé au surveillant de circonscription Paul Evans, ainsi qu’à sa femme, Frances, de s’occuper de Tahiti. Le peu de temps qu’ils y sont restés, ils ont diffusé plus de 70 bibles et livres, et ont abonné de nombreux habitants à La Tour de Garde et à Réveillez-vous ! Frère Evans a écrit : “ Plusieurs Tahitiens ont à présent une connaissance biblique suffisante et sont tellement intéressés par ce qu’ils apprennent qu’ils ont hâte de commencer à prêcher en se conformant aux instructions de l’organisation. ” Ces nouveaux recevraient-​ils le soutien et la direction dont ils avaient besoin ?

Une sœur tahitienne retourne sur son île natale

En 1936, Agnès, une jeune Tahitienne, avait quitté Tahiti pour les États-Unis afin d’épouser Earl Schenck, un Américain. Tous deux ont rencontré des Témoins de Jéhovah, ont accepté la vérité et se sont fait baptiser à San Diego (Californie), en 1954. En 1957, en compagnie de leurs amis Clyde et Ann Neill, ils assistaient à une assemblée de district tenue à Los Angeles lorsque Nathan Knorr, du siège mondial, a cité plusieurs endroits où le besoin en proclamateurs était grand. Tahiti était du nombre.

“ Tout excitée, Agnès s’est levée d’un bon et s’est mise à pleurer, déclare frère Neill. Je me suis tourné vers elle et vers Earl, et je leur ai dit que je ferais tout ce que je pourrais pour qu’eux et leur fils, âgé de 11 ans, se rendent à Tahiti. À ce moment-​là, Earl, qui était infirme, s’est lui aussi mis à pleurer. Il avait vécu dans le Pacifique Sud pendant 17 ans, gagnant alors sa vie en exerçant les activités de peintre, de sculpteur et d’écrivain, et il lui tardait de retourner là-bas. En outre, Agnès, sa femme, bénéficiait toujours de la nationalité française. ”

Clyde poursuit : “ Après avoir beaucoup prié, Ann et moi avons décidé qu’avec nos trois enfants, alors âgés de 12, de 8 et de 3 ans, nous irions à Tahiti. Nos amis, David et Lynne Carano, ainsi que leur fils, David junior, ont décidé de se joindre à nous. Après avoir assisté à l’assemblée internationale de New York en 1958, nous avons donc pris le bateau à destination de Tahiti.

“ La filiale des États-Unis nous avait donné les noms de quelques personnes intéressées par la Bible, aussi nous sommes-​nous rendus chez elles dès notre arrivée. Nous ayant précédés, Agnès s’était déjà bien dépensée dans le ministère. Étant donné qu’Ann et moi ne parlions ni français ni tahitien, nous prêchions avec elle chaque fois que c’était possible. Quand nous sortions seuls, nous emportions deux exemplaires du livre ‘ Que Dieu soit reconnu pour vrai ! ’ l’un en anglais et l’autre en français. C’est le livre que nous utilisions à l’époque pour étudier. ”

Frère Helberg ainsi que frère et sœur Evans ont en quelque sorte défriché le terrain ; en quelques semaines, 17 personnes ont ainsi commencé à étudier la Parole de Dieu. Clyde se rappelle : “ Je me souviens bien d’un étudiant, Teratua Vaitape, qui avait été pasteur protestant. On l’avait démis de ses fonctions parce qu’il posait trop de questions au sujet des doctrines de l’Église. Teratua vivait avec les siens dans une maison minuscule qui ne comptait qu’une pièce, sans eau courante ni électricité. Il m’a avoué qu’il en avait appris plus sur la Bible en quelques semaines avec nous qu’en cinq ans de séminaire et en sept ans de service religieux. ”

Clyde continue : “ Après plusieurs semaines passées dans l’île, la ‘ radio cocotier ’ [le bouche à oreille] a fonctionné : les gens ont commencé à entendre parler de nous. C’était là une excellente chose, car les Tahitiens sont amicaux, et ils aiment la Bible. ”

Au début, le petit groupe tenait ses réunions chez les Schenck. Seulement deux personnes intéressées par la vérité y assistaient. “ Mais bientôt, se rappelle frère Neill, une quinzaine de personnes se sont jointes à nous, régulièrement. Il y avait notamment une dame avec qui nous étudiions. Deux ou trois ans auparavant, cette dame était venue en aide à Len Helberg, qui avait eu des ennuis mécaniques avec sa bicyclette juste devant chez elle, et Len lui avait remis des publications. En apprenant que nous étions de la même religion que lui, elle s’est montrée très enthousiaste. Sa maison étant très éloignée de la nôtre, elle nous offrait un repas quand nous lui rendions visite. Il s’agissait généralement d’un délicieux plat de poisson frais, cuit au-dessus d’un bidon métallique. ”

Avant le départ des Neill et des Carano en décembre 1958, Clyde a prononcé le deuxième discours de baptême en Polynésie française, le premier ayant été donné à Makatea en octobre, le jour où Maui Piirai avait été baptisé. Sur les 60 personnes qui y ont assisté, 8 se sont fait baptiser, dont Steven, le fils des Neill, et Auguste Temanaha, un Tahitien qui a contribué plus tard à établir une congrégation sur l’île de Huahine.

Une période de consolidation

En 1959, John Hubler et sa femme, Ellen, ont quitté l’Australie à la demande de la filiale de Fidji pour se rendre à Tahiti afin de soutenir la congrégation naissante de Papeete. John a assumé la fonction de serviteur de congrégation durant les sept mois qu’Ellen et lui ont pu rester à Tahiti. Né en Suisse, John parlait couramment le français. Ellen le parlait aussi pour avoir œuvré plusieurs années en Nouvelle-Calédonie aux côtés de son mari. Les Hubler ont donné aux nouveaux proclamateurs la formation dont ils avaient tant besoin dans le ministère de porte en porte, la plupart n’ayant jusqu’alors prêché que de façon informelle.

En 1960, John et Ellen ont entrepris le service de la circonscription. Ils ont été affectés en Polynésie française, ce qui leur a permis de continuer à aider les proclamateurs de Tahiti. “ Puis, en 1961, raconte John, j’ai été invité à assister aux cours de l’École de Guiléad. Une fois diplômé, j’ai été nommé surveillant de circonscription pour toutes les îles francophones du Pacifique. ”

La première Salle du Royaume

“ Lors de notre deuxième passage à Tahiti, explique frère Hubler, j’ai eu la joie de commencer une étude biblique avec Marcelle Anahoa, une institutrice à la retraite. À cette époque-​là, nous recherchions désespérément un terrain sur lequel construire une Salle du Royaume. Mais deux obstacles se dressaient devant nous. Déjà, personne ne semblait posséder une parcelle à vendre ; de plus, les fonds dont la congrégation disposait étaient insuffisants. Nous poursuivions toutefois nos investigations, confiants que Jéhovah dirigerait les événements.

“ Un jour que j’étudiais avec Marcelle, je lui ai fait part de la situation. ‘ Il faut que je vous montre quelque chose ’, m’a-​t-​elle confié. Elle m’a emmené à l’extérieur, et m’a dit : ‘ Vous voyez ce terrain ? Il m’appartient. J’avais envisagé d’y faire construire des logements, mais à présent que j’apprends la vérité, j’ai changé d’avis. Je vais en donner la moitié pour qu’on puisse y construire la Salle du Royaume. ’ En entendant cela, j’ai immédiatement adressé à Jéhovah une prière silencieuse, du plus profond de mon cœur, pour le remercier. ”

Sitôt les démarches légales effectuées, la congrégation de Papeete a construit sa première Salle du Royaume, qu’elle a achevée en 1962. Sa conception était typique des constructions insulaires : ouverte sur les côtés et pourvue d’un toit en feuilles de pandanus. Malheureusement, les poules du voisinage ne pouvaient s’empêcher de couver sur les sièges et de se percher sur les chevrons. Aussi, en arrivant aux réunions, les frères trouvaient par terre et sur les meubles des œufs... ainsi que des signes beaucoup moins désirables du passage de ces animaux à plumes ! Malgré cela, cette salle s’est avérée très utile, jusqu’à ce que les frères en construisent une autre, plus grande et moins précaire.

On dissipe des incertitudes juridiques

Au début, les frères ne connaissaient pas précisément le statut juridique des Témoins de Jéhovah en Polynésie française. En France, le périodique La Tour de Garde était interdit depuis 1952, mais l’œuvre, elle, ne l’était pas. En allait-​il de même dans ce territoire français ? Pendant ce temps, le nombre des proclamateurs ne cessait d’augmenter, ce qui attirait l’attention du public sur les Témoins de Jéhovah. D’ailleurs, en une certaine circonstance, vers la fin de l’année 1959, la police a fait irruption dans la Salle du Royaume, au cours d’une réunion, pour voir ce qui s’y passait.

En conséquence, les frères ont été encouragés à fonder une association déclarée. Le fait d’être enregistrés dissiperait les incertitudes et ôterait la suspicion. Comme les frères se sont réjouis quand, le 2 avril 1960, confirmation leur a été donnée qu’ils étaient bien enregistrés en tant qu’Association des Témoins de Jéhovah !

Néanmoins, La Tour de Garde restait interdite en France. Pensant que cette interdiction s’appliquait aussi à la Polynésie française, les frères recevaient les articles de La Tour de Garde dans une revue intitulée La Sentinelle, qui était envoyée depuis la Suisse. Un jour, les policiers ont révélé à Michel Gelas, alors président de l’association, qu’ils savaient pertinemment que La Sentinelle était La Tour de Garde, mais sous un autre titre. Ils n’ont cependant pas empêché l’envoi des périodiques. Les frères ont compris pourquoi lorsque l’interdiction qui pesait sur La Tour de Garde a été levée, en 1975.

En effet, à ce moment-​là, les frères de Tahiti ont demandé l’autorisation de recevoir La Tour de Garde sur l’île. Il est apparu que l’interdiction n’avait jamais été publiée au Journal officiel de la Polynésie française : La Tour de Garde n’avait donc jamais été interdite en Polynésie française, au grand étonnement de beaucoup !

Par contre, les autorités locales étaient strictes sur la délivrance ou la prolongation des visas. Ainsi, ceux qui n’avaient pas la nationalité française, comme Clyde et Ann Neill, déjà mentionnés, ne pouvaient généralement rester que quelques mois. Les Hubler étaient aussi dans ce cas. Seulement, John était membre de l’association, et la loi française autorisait un étranger à faire partie d’un bureau ; aussi a-​t-​il pu obtenir son visa plus facilement.

Cela a aidé John dans son service de la circonscription. En effet, le commissaire de police l’a un jour convoqué pour savoir pourquoi il faisait le tour des îles si souvent. John lui a expliqué qu’en tant que membre de l’association il devait se rendre aux réunions du bureau, explication qui a satisfait le commissaire. Mais ce n’était pas la seule fois où John serait amené à comparaître devant lui !

À partir de 1963, de nombreux Polynésiens, dont au moins un pasteur éminent, se sont irrités au sujet des essais nucléaires qui étaient effectués dans le Pacifique. Un apostat en a profité pour aller dire à la police que frère Hubler était l’un des agitateurs, ce qui, bien évidemment, était faux. Toutefois, John a de nouveau été convoqué devant le commissaire. Au lieu de dénoncer son accusateur, il a exposé avec amabilité la position biblique des Témoins de Jéhovah sur la neutralité et le respect envers l’autorité gouvernementale (Rom. 13:1). Il a également offert des publications au commissaire, lequel a conclu à juste titre que quelqu’un essayait tout simplement de nuire aux Témoins.

Au bout du compte cependant, les Hubler n’ont pu faire renouveler leur visa. Ils sont donc retournés en Australie, où ils ont poursuivi leur service itinérant jusqu’en 1993 ; des ennuis de santé les ont alors obligés à l’interrompre.

Dans les îles, les Hubler ont vu bien des personnes opérer des changements considérables dans leur vie afin de plaire à Jéhovah. L’une d’elles était une femme de 74 ans dont les 14 enfants étaient tous nés hors mariage. John se souvient : “ Nous l’appelions Mama Roro. Quand elle a connu la vérité, elle s’est mariée avec l’homme qui partageait sa vie et a fait reconnaître tous ses enfants, même s’ils étaient de pères différents. Pour dresser la liste de tous les enfants, le maire a dû remplir deux feuilles au lieu d’une. Mama Roro a insisté pour que les choses soient faites comme Jéhovah le veut. ” Après son baptême, cette sœur fidèle a entrepris le service de pionnier et s’est montrée particulièrement douée pour diffuser les périodiques. En compagnie d’autres proclamateurs, elle est même allée prêcher dans des îles éloignées.

La Bible en tahitien : une bénédiction

Dans les années 60, il n’était pas rare de rencontrer des gens qui ne parlaient que le tahitien. Mais grâce aux traducteurs Nott et Davies, la Bible existait dans cette langue depuis 1835 *. L’une de ses caractéristiques, c’est que le nom de Dieu, “ Iehova ” en tahitien, y figure tout au long du texte, y compris dans les Écritures grecques chrétiennes.

Largement diffusée sur les îles, la Bible en tahitien en a aidé plus d’un à acquérir une connaissance exacte de la vérité. Prenez Taina Rataro, par exemple. Né en 1927, Taina appartenait au premier groupe d’étudiants de la Bible de Makatea. Au début, il ne savait ni lire ni écrire le tahitien, sa langue maternelle. Mais il s’est considérablement appliqué et a fait d’excellents progrès, au point de s’inscrire à l’École du ministère théocratique et, plus tard, d’être nommé assistant ministériel.

Elisabeth Avae, 78 ans, est née sur l’île reculée de Rimatara, l’une des îles Australes, à environ 600 kilomètres de Tahiti. Dans les années 60, elle ne comprenait pas un seul mot de français ; en revanche, elle savait lire et écrire le tahitien. Elle s’est mariée, puis son mari et elle se sont installés à Papeete. Elle a découvert la vérité biblique grâce à sa fille aînée, Marguerite, qui avait commencé à assister aux réunions chrétiennes. Elisabeth aussi s’est mise à y assister, avec ses neuf autres enfants. Et cela, en dépit de l’opposition violente de son mari qui, pendant qu’elle était aux réunions, jetait dehors tous les vêtements qu’elle possédait !

À l’époque, les réunions étaient tenues en français, quelques parties du programme étant quelquefois traduites en tahitien. Elisabeth, qui suivait dans sa Bible en tahitien les versets cités, tirait spirituellement profit du programme. La sœur qui étudiait avec elle utilisait la brochure “ Cette bonne nouvelle du Royaume ”, traduisant oralement du français en tahitien tandis qu’Elisabeth lisait les textes dans sa Bible. De cette façon, Elisabeth a réalisé d’excellents progrès et s’est fait baptiser en 1965. Ensuite, elle-​même a étudié avec des personnes qui ne parlaient que le tahitien. Elle a aussi enseigné ses enfants, dont six ont voué leur vie à Jéhovah. Quelques-uns de ses petits-enfants, dont certains qu’elle avait élevés, ont fait de même.

Au nombre de ces petits-enfants figure Diana Tautu, qui est traductrice à la filiale de Tahiti depuis maintenant 12 ans. Voici ce que Diana déclare : “ Je remercie grand-mère de m’avoir aidée à acquérir une bonne connaissance du tahitien. J’ai maintenant le privilège de contribuer, dans une faible mesure, à ce que d’autres reçoivent la nourriture spirituelle salvatrice dans leur langue. ”

Des Chinois apprennent à connaître Jéhovah

Dans les années 60, environ 10 % de la population de Tahiti était chinoise. Clarisse Lygan est la première personne d’origine chinoise à avoir accepté la vérité. C’était alors une adolescente, issue d’une famille pauvre. Pour faire face aux dépenses de sa famille, elle travaillait tous les mercredis, jours où il n’y avait pas d’école. Elle était employée par une famille de Témoins. Clarisse a ainsi connu la vérité et, malgré la forte opposition de ses parents, elle s’est fait baptiser en 1962, à l’âge de 18 ans.

Alexandre et Arlette Ly Kwai, ainsi que Ky Sing Lygan, figurent également parmi les premiers Chinois à servir Jéhovah à Tahiti. Un jour, Alexandre, au volant de son taxi, a rencontré Jim et Charmian Walker, un couple de Témoins qui avaient quitté la Nouvelle-Zélande en 1961 pour soutenir l’œuvre. Alexandre a exprimé le désir d’étudier l’anglais. “ Comme j’étais pionnière à l’époque, raconte Charmian, Jim a dit à Alexandre que je pouvais être son professeur, ce qu’il a accepté. Son étude consistait en une leçon d’anglais d’une demi-heure et en une étude biblique de la même durée, à l’aide du livre Du paradis perdu au paradis reconquis. ”

Pendant ce temps, Ky Sing, le frère d’Alexandre, a également été touché par la vérité. Seulement, à l’époque, tous deux venaient de se convertir au catholicisme et des cours sur cette religion leur étaient donnés. Ils n’allaient pas tarder à remarquer des différences entre les enseignements de la Bible et ceux de l’Église. Lors du dernier cours, le prêtre a demandé à la centaine de personnes que comptait la classe si elles avaient des questions. Alexandre a levé la main et a réclamé des preuves bibliques de l’immortalité de l’âme. “ Je sais d’où vient cette question, a rétorqué le prêtre. Toi, tu parles avec les Témoins de Jéhovah ! Je me trompe ? ” Il a ensuite tourné le jeune homme en dérision devant toute la classe.

Cet incident a donné la preuve à Alexandre et à Ky Sing que l’Église catholique ne détenait pas la vérité. Ils ont voué leur vie à Jéhovah, et leurs femmes ont fait de même ; les deux frères ont plus tard été nommés anciens. Alexandre a même fait partie du Comité de la filiale de Tahiti pendant un temps ; après quoi sa femme et lui sont partis pour Raiatea, l’une des îles de la Société, afin de soutenir l’œuvre du Royaume. Ils se sont ensuite installés à Bora Bora, où Alexandre s’est dépensé fidèlement jusqu’à sa mort.

Changement de cap, en pleine mer !

Antonio Lanza était technicien chez un fabricant de téléviseurs en Italie, à Milan. En 1966, l’usine a demandé un volontaire pour s’occuper du service après-vente à Tahiti. Antonio a accepté cette mission, d’une durée minimale de trois ans. Mais il avait décidé de laisser Anna, sa femme, et leurs deux jeunes garçons en Italie. Anna a pleuré pendant des semaines, cherchant à convaincre son mari de changer d’avis, mais rien n’y a fait.

La traversée de Marseille (France) à Papeete a duré 30 jours. Antonio était un homme affable qui aimait discuter ; mais à bord, tout le monde ou presque parlait le français, une langue qu’il ne comprenait pas. Le deuxième jour, il a rencontré deux religieuses catholiques. Elles étaient italiennes ! Seulement, leurs rites quotidiens ne leur laissaient guère de temps pour bavarder. Elles lui ont dit néanmoins qu’il y avait à bord une Française parlant l’italien. Cette femme, Lilian Selam, était Témoin. Accompagnée de ses enfants, elle rejoignait son mari qui avait obtenu du travail à Tahiti.

Antonio a trouvé Lilian et a beaucoup apprécié la conversation qu’ils ont eue. Lilian lui a remis une publication biblique en italien. Par la suite, ils ont eu de nombreuses discussions spirituelles. Au cours de l’une d’elles, Lilian lui a rappelé que le fait de laisser sa femme et ses enfants pendant trois ans pour aller travailler à Tahiti le mettait, moralement, dans une situation dangereuse. Elle lui a également expliqué, à l’aide de passages bibliques comme Éphésiens 5:28, 29 et Marc 10:7-9, que Dieu tient le mariage pour sacré.

En réfléchissant à tout cela, Antonio en est venu à regretter sa décision. Alors que le bateau faisait escale au Panama, il a écrit à sa femme pour lui dire que, dès qu’il aurait les fonds nécessaires, il les ferait venir par avion, elle et les enfants. Puis, dans une autre lettre, il a demandé à Anna de se procurer une bible auprès du prêtre, et de l’apporter. Qu’en a pensé le prêtre en question ? Il a dit à Anna que son mari devait avoir l’esprit un peu dérangé pour vouloir lire un livre si compliqué.

Six mois après qu’Antonio est arrivé à Tahiti, sa famille l’a rejoint. Le lendemain de son arrivée, Anna, qui était très religieuse, a demandé à son mari d’emmener toute la famille à l’église, pour remercier le “ Bon Dieu ”, parce qu’ils étaient de nouveau réunis. “ Très bien, a répondu Antonio, allons à l’église. ” Mais, en fait d’église catholique, c’est à la Salle du Royaume qu’il les a conduits ! Évidemment, Anna a été plus que surprise. Cependant, elle a apprécié le programme et a accepté d’étudier la Bible. Avec qui ? Avec personne d’autre que Lilian Selam, la sœur qui avait donné le témoignage à Antonio sur le bateau.

Initialement, Antonio devait passer trois ans à Tahiti, tout seul ; cela fait maintenant 35 ans qu’il y vit avec sa famille. Qui plus est, il est aujourd’hui ancien dans sa congrégation, où sa femme et ses quatre fils se dépensent à ses côtés.

Des familles se rendent là où le besoin est grand

Au cours des années, de nombreux frères et sœurs sont allés s’établir dans des îles isolées, afin d’aider là où le besoin en proclamateurs du Royaume était grand. C’est ce qu’ont fait les Mara, les Haamarurai et les Terii, ainsi qu’Ato Lacour, dont la famille n’était pas dans la vérité. Les Mara — Vaieretiai, Marie-Medeleine et leurs cinq enfants — ont quitté Tahiti pour se rendre à Raiatea. En effet, le couple de pionniers spéciaux qui effectuait son service sur cette île avait été affecté ailleurs. Il ne restait plus que deux sœurs et quelques proclamateurs non baptisés.

Vaieretiai était sculpteur sur bois et, plus tard, sur corail, ce qui lui a permis de déménager sans pour autant changer de métier. Étant le seul ancien de Raiatea, il s’est occupé du petit groupe de proclamateurs sur l’île pendant cinq ans, jusqu’à l’arrivée d’un autre frère qualifié. Les Mara se sont ensuite installés à Tahaa, et y sont restés quatre ans.

Le problème des finances a toujours compliqué la vie des Mara, sur toutes les îles où ils ont vécu. “ Je devais aller à Tahiti pour vendre mes sculptures, raconte Vaieretiai. Il m’est arrivé quelquefois de ne pas avoir de quoi payer le trajet en avion. Dans ce cas, je demandais au responsable de la petite compagnie aérienne de me faire crédit, en lui promettant de régler la totalité de ma dette à mon retour. Même si nos ressources étaient parfois limitées, nous n’avons jamais manqué de rien. ” L’abnégation manifestée par Vaieretiai et Marie-Medeleine a eu une heureuse influence sur leur fille Jeanne qui, dans le service à plein temps depuis 26 ans, sert actuellement au Béthel de Tahiti.

En 1969, après avoir obtenu sa mutation, Ato Lacour est parti avec sa famille pour l’île de Rurutu, dans les îles Australes. Il n’était baptisé que depuis trois ans ; il était le seul de sa famille à être dans la vérité, et le seul proclamateur des îles Australes. Le lendemain de son arrivée, il est allé prêcher. Voici ce qu’il a écrit dans son journal : “ J’ai commencé à prêcher — tout seul. C’est difficile. Babylone la Grande est très implantée ici. ”

Il n’a pourtant pas fallu attendre longtemps avant que des personnes acceptent la bonne nouvelle et qu’un groupe soit formé. Au début, ce groupe se réunissait chez les Lacour, dans le salon. Ato raconte : “ Puisque nous étions membres d’une religion nouvelle dans l’île, notre groupe a été surnommé ‘ la religion de Lacour ’. Mais Jéhovah a ‘ continué de faire croître ’, si bien que notre groupe est devenu une congrégation en 1976. ” (1 Cor. 3:6). Avant la mort de frère Lacour, en 2000, plusieurs membres de sa famille, dont sa femme, Perena, l’avaient rejoint dans le vrai culte.

Rudolphe et Narcisse Haamarurai se sont établis à Bora Bora. Rudolphe a démissionné du poste de responsabilité qu’il occupait au sein de la société régionale d’électricité, située à Tahiti, et s’est mis à travailler à Bora Bora dans le ramassage des noix de coco et la préparation du copra. C’est la seule activité qu’il a pu trouver durant deux ans. Mais Jéhovah les a vraiment bénis, sa femme et lui, car ils ont pu voir une congrégation se former sur l’île ! Cette congrégation s’est réunie chez eux pendant plus de 25 ans, jusqu’en 2000, année où une Salle du Royaume a été construite en face du pittoresque lagon de Bora Bora.

Taaroa et Catherine Terii sont partis s’installer sur la toute petite île de Maupiti, laquelle appartient aussi aux îles Sous-le-Vent de l’archipel de la Société. À l’époque, ils avaient encore à leur charge 7 de leurs 15 enfants. Quand ils sont arrivés, en 1977, ils étaient les seuls proclamateurs de l’île. Ils vivaient sur un motu, un îlot couvert de végétation en bordure du lagon. Ils se nourrissaient essentiellement de poisson et de noix de coco râpée. La famille ramassait aussi des coquillages comestibles, qu’elle vendait ensuite. Quand les Terii allaient prêcher, ils traversaient le lagon à gué jusqu’à l’île principale, en prenant bien garde de ne pas mettre le pied sur un poisson pourvu de piquants venimeux !

En 1980, Taaroa et Catherine ont été affectés à Bora Bora, cette fois comme pionniers spéciaux. Après cinq ans dans ce service, ils ont été, pendant 15 ans, pionniers permanents. Comme nous allons le voir, parmi les premières personnes qui ont étudié avec eux figure un couple qui a supporté une opposition farouche pour la cause de la bonne nouvelle.

Des nouveau-nés spirituels sont mis à l’épreuve

Edmond (Apo) et Vahinerii Rai ont été les premiers à accepter la vérité à Bora Bora, après avoir étudié la Bible avec les Terii. Les Rai habitaient une maison appartenant à la mère d’Edmond. L’étude a duré six mois environ, puis la mère d’Edmond, influencée par son pasteur, a exigé qu’ils quittent la maison. Edmond, Vahinerii et leur petit garçon de deux ans ont été contraints d’habiter une cabane, en pleine nature. Le pasteur a également persuadé l’employeur d’Edmond de le licencier — pire, il est allé jusqu’à demander aux employeurs susceptibles d’engager Edmond de ne pas l’embaucher ! Pendant huit mois, la petite famille a survécu, essentiellement grâce à la pêche.

Jusqu’au jour où une femme qui voulait faire construire une maison a contacté l’ancien employeur d’Edmond. Elle avait une grande estime pour les aptitudes d’Edmond et voulait qu’il travaille pour elle. En apprenant qu’il avait été renvoyé parce qu’il fréquentait les Témoins de Jéhovah, elle a dit à l’entrepreneur qu’il n’obtiendrait le contrat que si Edmond travaillait à nouveau pour lui. Ainsi donc, Edmond a retrouvé son emploi. À la même époque, sa mère est revenue à de meilleurs sentiments et elle a demandé à Edmond et à Vahinerii de revenir dans sa maison. Aujourd’hui, Edmond est ancien dans la congrégation de Bora Bora.

La bonne nouvelle s’enracine à Huahine

Auguste Temanaha figure au nombre des étudiants de la Bible de Tahiti qui se sont fait baptiser en 1958. Après son baptême, il est parti s’installer aux États-Unis, puis il est retourné à Tahiti vers la fin des années 60, avec sa femme, Stella, et leurs trois enfants. Il a dirigé alors une entreprise florissante. En 1971, ayant été encouragés par un surveillant de circonscription ainsi que par l’exemple de la famille Mara, mentionnée précédemment, les Temanaha ont vendu leur entreprise et se sont établis sur l’île de Huahine, à un peu plus de 160 kilomètres de Tahiti.

À cette époque, une sœur et quelques personnes intéressées par la Bible vivaient sur l’île. Le seul contact qu’elles avaient avec l’organisation de Jéhovah était les visites occasionnelles des pionniers et du surveillant de circonscription. Quelle joie pour elles de voir arriver les Temanaha ! Auguste a tout de suite organisé des réunions, dans sa cuisine. Une vingtaine de personnes y assistaient.

Au début, Auguste n’arrivait pas à trouver du travail. Sa famille et lui sont toutefois restés actifs dans le ministère, confiants que Jéhovah pourvoirait à leurs besoins. Et c’est ce qu’il a fait ! Par exemple, quand ils allaient prêcher, ils garaient habituellement leur voiture dans le territoire. À leur retour, ils la retrouvaient souvent remplie de nourriture. Ils ignoraient qui leur donnait tout cela ; ils supposaient qu’il s’agissait de personnes généreuses, qui habitaient le territoire et qui étaient au courant de leurs besoins. Cette situation s’est reproduite pendant plusieurs semaines, jusqu’à ce que leur situation financière s’améliore.

Vu le zèle et l’endurance que les Temanaha et d’autres proclamateurs ont manifestés, ainsi que la disposition amicale des insulaires, il n’est pas surprenant que Huahine compte aujourd’hui une congrégation prospère. En effet, il y a sur l’île un proclamateur pour 53 habitants. Par ailleurs, ces dernières années, une personne sur 12 a assisté au Mémorial !

Bien d’autres familles de Témoins ont fait preuve du même esprit de sacrifice. Par exemple, à partir de 1988, Jean-Paul et Christiane Lassalle ont œuvré deux ans aux îles Marquises. Jean-Paul avait été membre du Conseil d’administration de la Sécurité sociale de Tahiti ; il avait démissionné de ce poste prestigieux afin d’étendre son ministère. En 1994, les Lassalle ont encore déménagé, cette fois pour s’installer à Rangiroa, dans les îles Tuamotu, où ils sont restés pendant trois ans. À présent, Jean-Paul se trouve en France, où il sert Jéhovah avec fidélité.

Récemment, Colson Deane, directeur adjoint de la prison de Tahiti, a pris sa retraite et s’est établi avec Lina, sa femme, sur l’île de Tubuaï, dans l’archipel des Australes. Tous deux sont pionniers permanents et leur présence est un enrichissement pour la petite congrégation de l’île, qui est située dans une zone où il y a encore grand besoin d’anciens.

Des familles viennent de France pour aider

Quelques familles sont venues d’aussi loin que la France pour participer à l’œuvre. Prenez le cas des Sicari — Francis, Jeannette, et leurs deux filles, âgées de six et neuf ans. “ Nous guettions l’occasion qui nous permettrait d’étendre notre ministère, se rappelle Francis. C’est alors que nous avons lu dans l’Annuaire des Témoins de Jéhovah 1971 une invitation au service dans le Pacifique Sud. ” Même si des amis et des proches ont essayé de les en dissuader, les Sicari ont relevé le défi : ils sont arrivés à Papeete en avril 1972.

Francis étant ancien, sa présence a conduit à la formation de la deuxième congrégation de Tahiti, dans la commune de Punaauia. Tout comme Jean-Pierre Francine, qui était alors le surveillant-président de l’autre congrégation, Francis a eu le privilège de faire partie du premier Comité de la filiale de Tahiti quand cette disposition a été instituée, en 1976. Il a assumé cette fonction pendant 12 ans.

L’inquiétude des amis et des proches des Sicari était-​elle justifiée ? “ Contrairement à ce que certains avaient dit, notre déménagement a eu un effet positif sur nos filles, déclare Francis. La preuve, c’est qu’à nous quatre nous avons passé un total de 105 ans dans le service à plein temps et que nous avons reçu de nombreuses bénédictions, exactement comme Jéhovah l’avait promis, selon Malaki 3:10. ”

En 1981, dans Le ministère du Royaume, la filiale de France a fait savoir qu’on avait besoin d’anciens sur l’île de Moorea, qui se situait à une demi-heure de ferry de Papeete. Deux couples de Témoins ont répondu à cet appel, dont Alain et Eileen Raffaelli. Ils ont contribué à la formation d’une congrégation à Moorea, où ils ont œuvré durant huit ans. Alain a également été membre du Comité de la filiale, de 1987 à 1994.

En 1997, la filiale de France a encouragé les frères retraités à se rendre dans des îles reculées pour une période de deux ans ou plus, afin d’aider là où un besoin d’anciens se faisait impératif. Voici ce qu’en dit Gérard Balza, le coordinateur du Comité de la filiale de Tahiti : “ Nous pensions que deux ou trois couples répondraient à l’appel. Voir 11 couples se porter volontaires nous a vraiment surpris ! Deux d’entre eux ont même choisi de s’installer définitivement. Grâce à leur maturité spirituelle et à leur expérience, ces frères et sœurs ont été d’un grand soutien pour les proclamateurs locaux. Et même s’ils ne sont pas missionnaires, ils ont connu la vie des missionnaires et les difficultés qu’entraîne le fait de vivre sur une île éloignée. ”

Création d’une filiale

Tandis que l’œuvre progressait dans le Pacifique, des modifications en matière d’organisation sont intervenues. La filiale d’Australie a supervisé l’œuvre en Polynésie française jusqu’en 1958, année où celle des îles Fidji, plus proches, a pris le relais. Un autre changement est survenu en 1975, quand Nathan Knorr et Frederick Franz, du siège mondial, sont venus à Tahiti. Ils ont prononcé des discours encourageants devant plus de 700 personnes, et frère Knorr a organisé une projection de diapositives devant 500 spectateurs dans une des Salles du Royaume.

Après le programme, frère Knorr s’est réuni avec les anciens et a proposé l’ouverture d’une filiale à Tahiti. Cette idée a suscité l’enthousiasme des frères. Alain Jamet, un surveillant de circonscription qui parlait anglais, a été désigné surveillant de filiale. Cette disposition, qui est entrée en vigueur le 1er avril de la même année, s’est révélée être un grand pas en avant. Il est vrai que les Fidji étaient plus près que l’Australie, mais la barrière de la langue subsistait. Dorénavant, les frères pourraient communiquer directement et étroitement avec leur filiale.

Avec moins de 300 proclamateurs sur l’ensemble du territoire, le bureau de la filiale était modeste. Il se limitait à une pièce attenante à la Salle du Royaume de Papeete. Un bureau se trouvait d’un côté, le stock de publications de l’autre. Au début, l’activité du surveillant de la filiale s’effectuait à mi-temps, ce qui permettait à Alain et à sa femme, Mary-Ann, de continuer le service de la circonscription et de prêcher dans les îles isolées dépourvues de proclamateurs.

La prédication aux îles Tuamotu et aux îles Gambier

L’établissement d’une filiale à Tahiti a permis de mettre l’accent sur la prédication dans les îles reculées. Parfois, des frères se sont organisés eux-​mêmes en groupes, de manière à se rendre sur ces îles. Axel Chang, qui a fait partie du Comité de la filiale, se souvient d’un groupe de 20 frères et sœurs qui avaient affrété un avion pour se rendre à Rangiroa, le plus grand atoll des Tuamotu. Il raconte : “ Après avoir donné le témoignage à toute la population de l’atoll, nous avons fait un certain nombre de préparatifs en vue d’un discours public. Le maire de la localité nous a permis d’utiliser un endroit couvert. Au début, nous avons cru que l’auditoire se limiterait à notre seul groupe ! ‘ Les gens ont peut-être peur de leurs chefs religieux ’, nous disions-​nous. Mais quand le discours a commencé, des personnes sont arrivées et, progressivement, la salle s’est remplie. ”

Frère Chang poursuit : “ Au cours de la conférence, nous avons aperçu le prêtre catholique, sur sa bicyclette, qui pédalait ferme dans notre direction. En approchant, cependant, il a ralenti, essayant tant bien que mal de voir qui d’entre ses ouailles était présent. Cela s’est répété plusieurs fois, ce qui nous a bien fait rire. ”

En 1988, Alain Raffaelli a organisé une campagne de prédication sur les îles Gambier. Cet archipel, qui est situé à plus de 1 600 kilomètres de Tahiti et où le catholicisme prédomine, est le plus petit et le plus isolé de la Polynésie française. La seule autre fois où le témoignage avait été donné dans ces îles, c’était en 1979 ; Alain Jamet y avait alors passé trois jours.

Les frères ont abordé le maire afin de lui expliquer la nature de leurs activités et de lui demander où ils pourraient tenir une réunion publique. Il leur a proposé la salle des mariages, tout en s’excusant de ne pas pouvoir se joindre à eux pour inviter les gens, parce qu’il était pris par une campagne électorale. Évidemment, les frères l’ont excusé ! Le discours a rassemblé 30 personnes, y compris le maire et le gendarme.

Pendant la conférence, qui traitait de la condition des morts, Alain a dit que l’enfer, dans la Bible, n’est rien de plus que la tombe et que Christ en personne y est allé. “ Ça ne peut être vrai de Jésus ! ” a lancé quelqu’un parmi l’assistance. Alain a donc cité le Symbole des apôtres, selon lequel le Christ est “ descendu aux enfers ”. Voilà une réponse qui a ébahi tous les assistants : ils ont alors réalisé qu’ils récitaient cette phrase depuis des années sans jamais avoir vraiment réfléchi à son sens ! Une famille qui était présente à cette réunion est maintenant dans la vérité.

Les surveillants itinérants profitaient souvent des semaines où ils ne visitaient pas de congrégation pour prêcher à plein temps là où il n’y avait aucun proclamateur. C’est ce qu’ont fait Mauri et Mélanie Mercier, un couple tahitien. Ils ont été les premiers à prêcher la bonne nouvelle sur plusieurs atolls des Tuamotu, à savoir Ahe, Anaa, Hao, Manihi, Takapoto et Takaroa. Par ailleurs, chaque fois qu’il le pouvait, Mauri prononçait un discours public ou projetait des diapositives. “ La plupart des insulaires étaient amicaux, se rappelle-​t-​il, sauf à Anaa, un bastion du catholicisme. Lors de la projection de diapositives, quelques-uns se sont mis à nous huer, et d’autres voulaient nous battre. Quel soulagement d’avoir finalement réussi à les calmer ! ”

Des missionnaires se rendent sur les îles

À partir de 1978, plusieurs missionnaires ont été envoyés, de France, vers les îles les plus lointaines. Michel et Babette Muller sont arrivés en août 1978 et ont été affectés à Nuku-Hiva, la plus grande et la plus peuplée des îles Marquises. Des frères s’étaient déjà rendus dans cet archipel majoritairement catholique, mais aucun d’eux n’avait pu y rester. Les routes étant inexistantes, Michel et Babette se déplaçaient soit à pied, soit à cheval. Les insulaires leur offraient généralement le gîte. Il leur est même arrivé de dormir sur une couche de grains de café en train de sécher !

Les Muller ont passé 18 mois dans les îles Marquises avant d’effectuer le service de la circonscription. Beaucoup ont apprécié leurs visites et ont accepté des publications. Pour tout dire, à eux deux, Michel et Babette ont laissé 1 000 exemplaires du Recueil d’histoires bibliques en une année ! Les efforts fournis par de tels missionnaires, sans oublier ceux des pionniers et de l’ensemble des proclamateurs, ont permis à l’œuvre de progresser, non seulement aux îles Marquises, mais aussi dans tout le territoire de la filiale. Témoin les 69 maximums consécutifs du nombre des proclamateurs !

Il est bien évident que tous ces nouveaux avaient besoin d’une formation. Mais on manquait souvent de frères d’expérience pour les aider individuellement. Les Muller ont surmonté cette difficulté en prêchant avec deux nouveaux proclamateurs à la fois. L’un se rendait à une maison avec Michel ou Babette tandis que l’autre attendait son tour au bord de la route. Les Muller sont actuellement missionnaires au Bénin (Afrique).

‘ La prédication mettait notre connaissance des Écritures à l’épreuve ’

Christian et Juliette Belotti, des missionnaires, sont arrivés en Polynésie française en février 1982. Ils ont commencé par le service de la circonscription, avant d’être pionniers pendant cinq ans sur l’île de Raiatea, dont certains endroits n’étaient accessibles que par pirogue à balancier. Mais prêcher sur cette île n’a pas été seulement un test d’aptitude à manier la pagaie ! “ Cela mettait aussi notre connaissance des Écritures à l’épreuve, dit Christian. Assez souvent, on nous posait des questions de ce genre : ‘ Comment les oints savent-​ils qu’ils iront au ciel ? ’ ou ‘ Que représentent les bêtes de l’Apocalypse ? ’ ”

Comme c’est le cas dans toutes les petites communautés, les habitants de l’île de Raiatea se connaissaient tous. “ Quand donc un proclamateur devenait inactif, déclare Christian, il n’était pas rare d’entendre quelqu’un dire : ‘ Ça fait un bout de temps que je n’ai pas vu Untel. Il s’est refroidi ? ’ ou ‘ Untel a besoin d’aide. Il doit avoir un problème spirituel ! ’ ” Quand les Belotti ont quitté l’île de Raiatea, dans presque chaque fare (“ maison ” en tahitien) se trouvait quelqu’un qui avait étudié avec les Témoins de Jéhovah.

Même si leur point d’attache se trouvait sur l’île de Raiatea, les Belotti se sont aussi rendus sur l’île de Maupiti. Un jour, ils ont pris des dispositions pour que des livres y soient envoyés, directement, par bateau. Mais la cargaison n’a pas été livrée à temps. Christian et Juliette ne se sont pas démontés ; ils ont montré aux gens leur propre exemplaire du livre qu’ils comptaient leur proposer. Une trentaine de familles ont réclamé les livres, confiantes qu’ils finiraient bien par arriver ! Quand cela s’est produit, une personne intéressée par la vérité les a aimablement distribués.

Les Belotti ont ensuite été affectés à Rangiroa, dans les îles Tuamotu, où il n’y avait aucun Témoin. Plus tard, ils ont été envoyés en Guyane française, puis en République démocratique du Congo, où frère Belotti est actuellement membre du Comité de la filiale.

“ Jéhovah va te former ”

Venus de France, Frédéric et Urminda Lucas sont arrivés en avril 1985 sur l’île de Tahaa, où ils avaient été affectés. Trois proclamateurs seulement s’y trouvaient. Les deux premières semaines ont été très éprouvantes pour ce jeune couple. Ils tenaient les réunions dans leur salon et ils étaient les seuls à y assister. Lorsqu’ils chantaient les cantiques, ils se mettaient à pleurer ; mais ils n’ont pas cédé au découragement.

L’île ne disposait ni de l’électricité ni du téléphone. Frédéric et Urminda possédaient toutefois un talkie-walkie, qu’ils utilisaient pour communiquer avec les missionnaires de l’île de Raiatea, qui était toute proche — du moins, quand ils réussissaient à établir le contact ! Ils avaient aussi un réfrigérateur, qui était branché sur le groupe électrogène d’un voisin. “ Généralement, dit Frédéric, il fonctionnait de 18 à 22 heures. Un jour, nous sommes rentrés chez nous et avons découvert que nos tomates étaient complètement congelées. Notre voisin avait décidé de regarder un match de football à la télévision, et il avait mis le groupe électrogène en marche beaucoup plus tôt. ”

Les Lucas ont dû apprendre le tahitien. Comme le savent tous ceux qui ont appris une langue étrangère, les débutants passent par des moments gênants. Par exemple, Frédéric se rappelle être allé de maison en maison en pensant qu’il disait bien “ esprit saint ” — varua mo‘a. Seulement, il n’avait pas tout à fait acquis la difficile prononciation de mo‘a et, en fait, il disait “ esprit poulet ”.

Quand les Lucas sont arrivés sur l’île de Tahaa, Frédéric avait 23 ans et il était assistant ministériel. Il a confié à Alain Jamet, alors coordinateur du Comité de la filiale, qu’il ne se sentait pas capable d’assumer les responsabilités qu’on lui avait confiées. “ Ne t’en fais pas, lui a répondu Alain, Jéhovah va te former ! ” Et c’est bien ce qui s’est passé. Cinq ans plus tard, quand les Lucas sont partis pour le Burkina Faso, leur nouvelle affectation, le petit groupe de Tahaa était devenu une congrégation de 14 proclamateurs ; ils avaient leur Salle du Royaume et Frédéric exerçait la fonction d’ancien.

Comme ce couple est heureux de n’avoir pas cédé au découragement du début ! “ Ce furent les plus belles années de notre jeunesse, ont déclaré récemment Frédéric et Urminda. Nous avons appris à être patients et à mettre totalement notre confiance en Jéhovah plutôt qu’en nos propres capacités. Quand nous n’avions pas le moral, la prière nous encourageait. Nous avons fait de Jéhovah notre refuge, et il ne nous a jamais abandonnés. Il nous a vraiment formés ! ”

Des missionnaires célibataires pour des affectations difficiles

Des missionnaires célibataires venant de France se sont aussi rendus en Polynésie française afin de proposer leur aide. Georges Bourgeonnier et Marc Montet sont arrivés les premiers. Tous deux ont été membres du Béthel et surveillants itinérants. La circonscription de Marc comprenait les îles Australes, les îles Gambier, les îles Marquises et les îles Tuamotu. Sur certains atolls, Marc prêchait seul ; d’autres fois, il accompagnait des pionniers spéciaux. Partout où cela était possible, il prononçait des discours, auxquels assistait la quasi-totalité de la population de certaines îles. Après son mariage, il a poursuivi le service de la circonscription quelque temps encore. Aujourd’hui, sa femme, Jessica, et lui appartiennent à la congrégation de Bora Bora, où il est ancien et pionnier.

En février 1986, Philippe Couzinet et Patrick Lemassif, deux autres Français, ont été affectés aux îles Marquises. Contrairement aux autres îles de Polynésie française, les îles Marquises ne sont pas protégées par des récifs coralliens. Leurs hautes falaises tombent à pic dans le bleu du Pacifique et sont battues par ses vagues puissantes. Entre les sommets déchiquetés serpentent d’étroites vallées fertiles, pourvues de ruisseaux et de cascades — le paradis des chevaux, des chèvres et des bovins sauvages qui errent, très nombreux, dans ces îles.

Au fil des ans, les îles Marquises avaient reçu les visites sporadiques de pionniers et de proclamateurs. Les Muller, par exemple, avaient passé 18 mois sur Nuku-Hiva en 1978/79. Mais un témoignage complet sur l’ensemble de l’île n’avait pas été donné. Les choses ont changé quand Philippe et Patrick sont arrivés. Il est vrai que les progrès n’ont pas été fulgurants du fait que le catholicisme y était bien enraciné et que beaucoup craignaient les prêtres. À vrai dire, ces derniers étaient responsables de certaines menaces qu’on avait proférées à l’égard de ces deux frères. Par ailleurs, un mouvement charismatique se développait à cette époque, ce qui excitait le fanatisme et déclenchait des incidents regrettables parmi les habitants.

Au début, Patrick et Philippe prêchaient ensemble, puis ils sont partis chacun de leur côté après s’être familiarisés avec le territoire. Le premier est resté à la maison de missionnaires, à Hiva-Oa, où il dirigeait les réunions, et le second est parti plusieurs semaines pour se rendre en bateau sur d’autres îles. Au bout du compte, ils ont jugé qu’ils gagneraient en efficacité s’ils se séparaient totalement — Patrick prêchant dans les îles du nord, et Philippe, dans celles du sud.

Pour aider ces deux missionnaires, la filiale a demandé à des pionniers spéciaux tahitiens d’œuvrer à leurs côtés. Il s’agissait de Pascal Pater et de Michel Bustamante, qui sont aujourd’hui respectivement ancien et surveillant de circonscription. Ces jeunes hommes pleins d’enthousiasme étaient heureux d’offrir à Jéhovah la force de leur jeunesse (Prov. 20:29). Et de la force, il leur en fallait, car prêcher aux îles Marquises, ce n’était pas pour les douillets et les peureux ! Il n’y avait pas de route, seulement des sentiers rocailleux et souvent boueux qui s’enfonçaient dans des vallées étroites et menaient à des maisons et à des villages isolés. Le seul moyen pratique d’accéder à certains de ces endroits, c’était la moto tout-terrain.

Philippe se voit encore sur sa moto, empruntant un chemin étroit et se faisant charger par un troupeau de bovins qu’un autre véhicule avait effrayé. Il y avait un précipice d’un côté et une paroi abrupte de l’autre : Philippe était pris au piège ! Il a donc fait la seule chose qu’il pouvait faire : il a arrêté sa moto et s’est plaqué aussi fortement que possible contre la paroi rocheuse. Les animaux sont passés près de lui en trombe. Il était secoué, certes, mais indemne.

“ Pour moi, cette affectation, c’était l’aventure ! déclare Michel Bustamante. Mais nous avons parfois éprouvé des frayeurs, surtout quand nous étions seuls sur certaines îles. Une fois, j’ai prêché toute la journée dans un territoire éloigné de mon bungalow, qui se situait dans une vallée sombre et profonde. Mes efforts pour trouver où dormir dans un village proche n’ayant rien donné, j’ai dû rentrer à la maison. C’était maintenant le crépuscule, et les falaises imposantes se refermaient sur moi dans les ténèbres de la nuit. J’ai commencé à penser au spiritisme que les gens pratiquaient dans l’île et aux démons qui devaient errer çà et là, au point que l’angoisse m’a saisi. Je me suis donc mis à prier et à chanter des cantiques qui mentionnaient souvent le nom de Jéhovah. Quand je suis enfin entré dans mon bungalow, j’ai fermé la porte, j’ai ouvert ma Bible et j’ai commencé à la lire. Petit à petit, un sentiment de paix m’a envahi. ”

Après avoir peiné trois années durant, les frères ont été très heureux de voir le premier Marquisien avec qui ils avaient étudié la Bible venir à la vérité. C’était un jeune homme du nom de Jean-Louis Peterano. Un prêtre était venu le voir pour qu’il “ revienne dans le troupeau ”. Soucieux de “ sauver ” ce jeune homme, il a affirmé que le nom Jéhovah avait été inventé par les Témoins de Jéhovah. Jean-Louis lui a alors cité le Psaume 83:18 dans la Bible de Crampon (1905), une bible catholique qui utilise le nom divin. Le prêtre est resté muet, puis il est parti, sans jamais revenir. C’était sûrement la première fois qu’un Marquisien réussissait à défier un prêtre sur un point de théologie, à l’aide d’une bible catholique. Plus tard, même la secrétaire de l’évêque catholique a quitté l’Église et a accepté la vérité.

Sur Hiva-Oa, les missionnaires ont contacté un couple d’Européens, Jean et Nadine Oberlin. Comme le fameux peintre Paul Gauguin, ils étaient venus aux îles Marquises pour fuir la société. Ils habitaient un endroit presque inaccessible et menaient une vie simple, dépourvue du confort moderne. Après avoir étudié la Bible pendant trois ans et opéré de nombreux changements dans leur vie, ils se sont fait baptiser.

En 1986, lorsque Philippe Couzinet et Patrick Lemassif sont arrivés aux îles Marquises, il n’y avait qu’un proclamateur dans tout l’archipel. Huit ans plus tard, quand Philippe, le dernier à partir, a été affecté au Cameroun, on en dénombrait 36, soit 1 pour 210 habitants. Il y avait aussi trois congrégations, une sur chacune des trois îles principales, Hiva-Oa, Nuku-Hiva et Ua-Pu.

Arrivée des derniers missionnaires

Serge et Marie-Louise Gollin ont été les derniers missionnaires à venir de France. Arrivés en novembre 1990, eux aussi ont été envoyés aux îles Marquises, où ils ont grandement contribué à affermir les congrégations. Les Gollin ont appris le marquisien et, aussi surprenant que cela puisse paraître, ils ont rendu visite à chacune des familles qui vivent sur les six îles habitées !

À Hiva-Oa, où ils résident, Serge est le seul ancien. De là, ils se rendent régulièrement sur d’autres îles, dont deux ne comptent aucun proclamateur. La première fois qu’ils sont allés sur Fatu-Hiva, Serge n’en revenait pas de voir à quel point le prêtre catholique et le pasteur protestant de l’endroit se montraient coopératifs. Après avoir achevé leur office religieux, l’un et l’autre ont fait une annonce, invitant les gens à assister à un discours public d’une demi-heure que Serge prononcerait dans l’école. En outre, le pasteur protestant est venu et a traduit le discours en marquisien, qu’il parlait couramment, à la différence de Serge à l’époque.

Pour aider les assistants à trouver les différents passages des Écritures dans leurs bibles, Serge a écrit leurs références au tableau. Il a également prononcé les prières, auxquelles tous ont dit “ Amen ” distinctement. Le lendemain, les Gollin ont laissé des publications à chaque famille de Fatu Hiva. Depuis, ils sont toujours très bien accueillis chaque fois qu’ils se rendent sur l’île, qui compte un peu moins de 600 habitants.

La vérité biblique pénètre dans les prisons

Comme c’est le cas dans de nombreux pays, plus d’une personne en Polynésie française a connu la vérité biblique en prison. Prenez Alexandre Tetiarahi, qui était devenu délinquant dans sa jeunesse. En sept ans de détention, il s’était évadé au moins six fois, ce qui lui avait valu le surnom de “ Papillon ”, comme le bagnard en fuite d’un célèbre roman.

Dans sa cachette, à Raiatea, Alexandre a trouvé une bible et le livre “ Choses dans lesquelles il est impossible à Dieu de mentir ”. Il a lu la Bible de la première à la dernière page, et le livre plusieurs fois. Comme il était certain d’avoir trouvé la vérité, sa conscience s’est mise à le tourmenter. Qu’a-​t-​il donc fait ?

Bien qu’il n’ait eu aucun contact avec les Témoins de Jéhovah, les éditeurs du livre, Alexandre s’est rendu aux policiers, qui l’ont ramené à la prison, à Tahiti. Colson Deane y travaillait, en tant que gardien. Alexandre était arrivé depuis peu quand il l’a entendu donner le témoignage à un collègue. Identifiant aussitôt ces enseignements, il l’a abordé en privé et lui a demandé de lui en apprendre davantage.

Frère Deane a obtenu du directeur de la prison la permission d’étudier avec Alexandre dans sa cellule. Bientôt, plusieurs autres détenus ont également souhaité étudier. Le directeur a autorisé Colson à étudier aussi avec eux pendant la pause de midi. Plus tard, il a été décidé qu’il serait mieux que deux anciens prennent le relais. Pendant plusieurs années, 30 à 50 prisonniers ont bénéficié d’un discours biblique hebdomadaire, suivi d’une étude en privé, s’ils la désiraient.

Durant ce temps, Alexandre a fait de rapides progrès, ce que les responsables de la prison ont constaté. En conséquence, ils ont donné à cet ancien virtuose de l’évasion l’autorisation exceptionnelle d’assister à sa première assemblée de district, sous la responsabilité de frère Deane. C’est là qu’Alexandre s’est fait baptiser. Libéré depuis, il continue de servir Jéhovah.

Assemblées internationales à Tahiti

En 1969, Tahiti a eu le plaisir d’accueillir sa première assemblée internationale. Imaginez à quel point les 124 proclamateurs de l’époque ont été heureux de recevoir les 210 délégués venant de 16 pays ! Parmi ces délégués se trouvait Frederick Franz, le premier membre du Collège central à se rendre à Tahiti. Cette assemblée, qui a réuni un maximum de 610 personnes, a donné une impulsion aux frères, et n’a pas été étrangère à l’accroissement de 15 % du nombre de proclamateurs qui a été enregistré l’année suivante. En 1978, Tahiti a accueilli l’assemblée internationale “ La foi victorieuse ”. En cette occasion, l’assistance s’est élevée à 985 personnes !

La traduction en tahitien

L’accroissement du nombre de proclamateurs a entraîné une augmentation de travail pour la filiale, surtout dans le domaine de la traduction des publications bibliques en tahitien, la principale des langues polynésiennes parlées en Polynésie française. Avant même que la filiale ne soit établie, quelques proclamateurs ayant une bonne connaissance du tahitien traduisaient certaines publications à mi-temps, généralement à partir du français. En 1963, par exemple, ils ont commencé à traduire Le ministère du Royaume. Et en 1971, ils ont achevé la traduction du livre La vérité qui conduit à la vie éternelle.

L’établissement de la filiale de Tahiti en 1975 a donné un élan supplémentaire à la traduction. Bon nombre de nouveaux traducteurs avaient une connaissance suffisante de l’anglais, pour l’avoir appris à l’école. Ils pourraient désormais traduire directement de l’anglais plutôt que depuis la traduction française. À compter de 1976, la filiale a traduit La Tour de Garde en tahitien (édition bimensuelle) et, pendant un temps, Réveillez-vous ! Elle a aussi traduit “ Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile ”, Comment raisonner à partir des Écritures et l’intégralité du recueil de cantiques. Sans conteste, aucun autre groupe que les Témoins de Jéhovah n’a autant publié en tahitien !

Ces 30 dernières années, le tahitien et d’autres langues polynésiennes ont peu à peu été supplantés par le français. Cette tendance tient notamment au fait que le français, une langue importante au vocabulaire étendu, est utilisé dans les médias, et depuis l’école jusqu’à l’université.

Malgré tout, les Polynésiens étant nombreux à considérer que le tahitien fait partie de leur identité culturelle, les frères donnent souvent le témoignage dans cette langue. Et sur les 26 congrégations qui se trouvent sur le territoire de la filiale, 5 tiennent leurs réunions en tahitien, ce qui représente environ 20 % des proclamateurs. Aussi y a-​t-​il toujours besoin de publications dans cette langue.

Un programme intensif de construction est mis en place

La petite pièce adjacente à la Salle du Royaume de Papeete a tenu lieu de bureau de la filiale de 1975 à 1983, année où l’on a construit un nouveau Béthel dans la commune de Paea, à environ 25 kilomètres de Papeete. Réalisé entièrement par des frères locaux, ce nouvel ensemble comprenait quatre chambres pour les Béthélites, trois bureaux, un endroit où stocker les publications, et une Salle du Royaume. Le 15 avril 1983, Lloyd Barry, du Collège central, a inauguré ces nouvelles installations devant un auditoire de 700 personnes.

Toutefois, même ce Béthel est devenu trop exigu. Le Collège central a donc approuvé la construction d’un ensemble plus grand, dont une Salle d’assemblées, dans la région semi-rurale de Toahotu, à proximité de l’isthme reliant les deux parties de l’île de Tahiti. Ce projet a abouti grâce à une équipe de frères originaires d’Australie, du Canada, des États-Unis, de France et de Nouvelle-Zélande. Bien entendu, les proclamateurs locaux les ont grandement soutenus. Milton Henschel, membre du Collège central, a inauguré ces nouveaux locaux le 11 décembre 1993.

C’est à peu près à la même époque qu’un programme intensif de construction de Salles du Royaume a été mis en place. Sous la supervision du Comité de construction régional, les frères ont bâti 16 salles en moins de dix ans. De ce fait, la plupart des congrégations disposent à présent de leur Salle du Royaume.

Modifications au sein de la filiale et formation

En 1995, cela faisait près de 20 ans qu’Alain Jamet était le coordinateur du Comité de la filiale, mais désormais ses responsabilités familiales ne lui permettaient plus d’exercer cette fonction. Il a cependant pu rester membre du Comité et être surveillant de district à mi-temps. En septembre de la même année, le Collège central a donc affecté Gérard et Dominique Balza, du Béthel de France, à Tahiti. Gérard a été nommé coordinateur.

Le troisième membre du Comité est Luc Granger. Sa femme, Rébecca, et lui sont arrivés à Tahiti en 1991, afin de répondre aux besoins importants de ce territoire. Après avoir été pionniers spéciaux pendant une courte période, ils ont œuvré quatre ans dans le service de la circonscription et du district avant d’être affectés au Béthel, en 1995.

En mai 1997, le Béthel de Tahiti a été en mesure d’organiser sa première classe de l’École de formation ministérielle. Bon nombre des 20 élèves de cette classe ont reçu des privilèges de service spéciaux. Félix Temarii, par exemple, est actuellement l’un des deux surveillants de circonscription des îles. Conclusion de Gérard Balza : “ Nous prions pour que davantage de frères cherchent à se qualifier et à se rendre disponibles afin que nous puissions organiser une deuxième classe. Une chose est sûre : il reste beaucoup à faire sur quantité d’îles, dont certaines ne comptent toujours aucun proclamateur. Sur d’autres îles on a besoin de frères qualifiés pour assumer des responsabilités au sein des congrégations. De plus, les habitants de 58 îles, soit environ 7 % de la population, entendent rarement parler de la bonne nouvelle. Dans certains cas, les besoins pourraient être comblés par des couples mûrs sur le plan spirituel, à la retraite et jouissant de la nationalité française. Si de tels couples sont désireux de nous aider, ne serait-​ce que pour deux ans, la filiale serait heureuse de recevoir un courrier de leur part. ”

Les difficultés d’une société qui évolue vite

Tahiti en particulier cumule la croissance économique, le recul rapide de la religion et une urbanisation intense. Ces phénomènes ont amené beaucoup de gens à quitter leur île pour s’établir à Tahiti. La prospérité a entraîné le matérialisme, la soif de consommation et la poursuite des plaisirs.

Quel dommage qu’un certain nombre de Témoins de Jéhovah aient succombé à ces pressions sournoises ! Les jeunes trouvent particulièrement difficile de continuer à donner la priorité aux questions spirituelles et de rester chastes. Malgré tout, la bénédiction de Jéhovah demeure manifeste, car le territoire compte maintenant 1 proclamateur de la bonne nouvelle pour 141 habitants.

De toute évidence, bien des gens vivant en Polynésie française en sont venus à aimer un paradis beaucoup plus beau : le paradis spirituel, domaine exclusif du peuple qui porte le nom personnel de Dieu (Jean 6:44 ; Actes 15:14). Qui plus est, ce paradis est le précurseur du paradis littéral qui couvrira sous peu la terre et où il n’y aura plus ni douleur, ni chagrin, ni même la mort, autant de choses qui ont affligé les hommes partout et de tout temps. — Job 14:1 ; Rév. 21:3, 4.

Les premiers Polynésiens ont fait preuve d’un grand courage et d’une excellente maîtrise de la mer. Ils étaient sûrs aussi qu’une terre, peut-être meilleure que la leur, se trouvait par-delà l’horizon. Ils n’ont pas été déçus. D’une façon similaire, les fidèles adorateurs de Jéhovah de notre époque, comme ceux mentionnés dans ce récit, poursuivent leurs efforts en vue d’obtenir le prix que Jéhovah a placé devant eux, et qui est tellement plus précieux ! Eux non plus ne seront pas déçus. Oui, mieux que n’importe quelle étoile, Jéhovah guidera à coup sûr tous ceux qui lui font confiance vers le Paradis terrestre maintenant à portée de vue. — Ps. 73:23, 24 ; Luc 23:43.

[Notes]

^ § 4 Bien que ce récit porte sur la Polynésie française dans son ensemble, il s’intitule “ Tahiti ” du fait que cette île constitue le noyau de la région et qu’elle est très connue. Cela étant, “ Tahiti ”, dans le récit, se rapporte précisément à l’île qui porte ce nom.

^ § 54 L’histoire de la Bible en tahitien est parue dans La Tour de Garde du 1er juillet 2003, pages 26-9.

[Encadré, page 72]

Données générales

Le pays : Dispersées sur cinq millions de kilomètres carrés d’océan, les 130 îles polynésiennes représentent 4 000 kilomètres carrés de terre. Elles forment cinq archipels : Australes, Gambier, Marquises, Société et Tuamotu. Les 14 îles de la Société abritent 85 % de la population.

La population : La plupart des insulaires sont polynésiens, par un de leurs parents au moins. La minorité restante comprend des Chinois, des Européens et des Américains.

Les langues : Le français et le tahitien sont les langues principales, le français étant la langue de l’administration et du commerce.

Les sources de revenus : L’économie repose essentiellement sur l’administration et le secteur tertiaire, notamment le tourisme. L’agriculture, l’industrie et la culture perlière occupent le reste de la population active. Les perles représentent 80 % des exportations.

L’alimentation : Les îles dépendent essentiellement des aliments importés. Néanmoins, on y cultive l’ananas, la banane, le manioc, la noix de coco, la papaye, la pastèque, la salade, le taro et la tomate. On trouve aussi des crevettes, des huîtres, du poisson, ainsi que de la viande de bœuf, de chèvre et de porc.

Le climat : Il s’agit d’un climat tropical — chaud et humide — qui varie légèrement d’un archipel à l’autre. La saison humide (l’été) s’étend de novembre à avril. En une année, l’île de Tahiti peut recevoir l’équivalent de neuf mètres de précipitations.

[Encadré/Illustrations, page 74]

Îles hautes, îles basses et motu

Les îles de Polynésie française, toutes d’origine volcanique, se divisent en deux catégories principales : les îles hautes et les îles basses. Les îles hautes sont reconnaissables à leurs contours déchiquetés et à leurs montagnes, dont certaines culminent à plusieurs milliers de mètres au-dessus du niveau de la mer. Tahiti est un exemple classique d’île haute.

À l’exception des Marquises, les îles hautes sont protégées par les récifs coralliens qui les entourent. Sur nombre de ces récifs, tel celui qui ceinture Bora Bora, on trouve de minuscules îlots recouverts de végétation appelés motu ; ce sont des lieux de vacances très appréciés.

Les îles basses sont des atolls coralliens qui émergent de deux ou trois mètres environ au-dessus du niveau de la mer. Les récifs forment habituellement une boucle qui laisse apparaître un lagon d’eaux cristallines. C’est le cas des îles Tuamotu. Certains lagons sont immenses. Ainsi, celui de Rangiroa a une longueur de 70 kilomètres et une largeur maximale de 20 kilomètres.

[Encadré/Illustration, page 77]

Un diacre devient proclamateur du Royaume

Manuari Tefaatau

Naissance : 1913

Baptême : 1959

Parcours : Manuari était diacre au sein de l’Église protestante quand il a connu la vérité grâce à quelques-uns des premiers étudiants de la Bible sur l’île de Makatea.

En 1956, Jean-Marie et Jeanne Félix, des Témoins de Jéhovah, sont arrivés à Makatea. Les premières personnes avec lesquelles ils ont étudié la Bible, à savoir Maui Piirai et Germaine Amaru, m’ont donné le témoignage. J’ai commencé à parler de la vérité biblique aux paroissiens que je côtoyais, ce qui a provoqué des remous au sein de l’Église. Pour tout dire, le pasteur m’a demandé de ne plus avoir de conversations avec les Témoins de Jéhovah.

Sans la moindre hésitation, je me suis retiré de l’Église et me suis mis à assister aux réunions des Témoins, lesquelles avaient lieu chez la famille Félix. Quelques autres paroissiens m’ont emboîté le pas. Je considère comme un privilège le fait d’avoir appartenu à ce petit groupe d’étudiants de la Bible des débuts en Polynésie française.

[Encadré/Illustration, pages 83, 84]

Jéhovah a comblé mes lacunes

Leonard (Len) Helberg

Naissance : 1930

Baptême : 1951

Parcours : Il a amorcé l’œuvre à Tahiti alors qu’il était célibataire et surveillant de circonscription nouvellement nommé. À présent, il vit en Australie avec Rita, sa femme.

Quand la filiale d’Australie m’a demandé de commencer le service de la circonscription dans le Pacifique Sud, en 1955, ce très vaste territoire ne comptait que deux congrégations, l’une aux Fidji et l’autre aux Samoa, et six groupes isolés. À Tahiti, il n’y avait aucun proclamateur.

J’ai retenu le mois de décembre 1956 pour me rendre sur l’île, où je suis arrivé après une traversée de six jours à bord du paquebot La Croix du Sud depuis les Fidji. J’ai trouvé une chambre dans une pension donnant sur le port pittoresque de Papeete. Le lendemain matin, tandis que je m’apprêtais pour la prédication, j’ai vu de ma fenêtre La Croix du Sud passer à quelques centaines de mètres à peine. J’étais seul dans un nouveau pays, à trois mille kilomètres de mes frères les plus proches, au milieu d’une population parlant une langue étrangère, le français. Tout ce que j’avais, c’était l’adresse d’un abonné à Réveillez-vous !

Je me suis soudain senti submergé par un sentiment de solitude à un point tel que j’ai éclaté en sanglots. Incapable de m’arrêter de pleurer, je me suis dit : ‘ Bon, considère ce jour comme perdu. Retourne te coucher, tu commenceras demain. ’ Après avoir prié intensément ce soir-​là, je me suis réveillé le lendemain matin avec un état d’esprit optimiste. Dans l’après-midi, j’ai trouvé la personne qui était abonnée à Réveillez-vous ! Elle était originaire d’Algérie. À l’exemple de Lydie dont parle le livre des Actes, cette femme et son fils âgé de 34 ans m’ont accueilli à bras ouverts et ont insisté pour que je loge chez eux (Actes 16:15). Disparu, mon sentiment de solitude ! J’ai remercié Jéhovah qui, j’en suis certain, m’a entendu le supplier longuement tout en pleurant.

Maintenant, quand je repense à tout cela, je mesure à quel point Jéhovah est un Père plein d’amour. Vraiment, si l’on se rend disponible, il comble largement nos éventuelles lacunes.

[Encadré/Illustrations, pages 87, 88]

Les pionniers des premiers temps

Alexis Tinorua a assisté aux réunions que Len Helberg organisait à la fin des années 50. “ J’écoutais frère Helberg discuter de la Bible avec des diacres protestants, dit-​il. Cela m’a convaincu que les enseignements des Témoins de Jéhovah étaient vrais, et j’ai commencé à étudier avec eux. Je me suis fait baptiser en 1960. Ensuite, j’ai été heureux de servir comme pionnier pendant neuf ans. En 1965, j’ai eu la joie d’être le premier à prêcher sur l’île de Huahine, dans les îles Sous-le-Vent de l’archipel de la Société. Je suis très reconnaissant à Jéhovah de m’avoir donné le privilège d’aider 80 personnes à parvenir à une connaissance exacte de la vérité biblique. ” Alexis a servi Jéhovah jusqu’à sa mort, en mai 2002.

Hélène Mapu a commencé son service de pionnier en 1963 à Tahiti, peu après avoir découvert la vérité. Son mari, qui n’était pas Témoin, l’a beaucoup soutenue. Comme il devait naviguer entre Tahiti et Raiatea pour son travail, il n’a vu aucune objection à ce qu’elle accepte l’invitation qu’elle avait reçue d’être pionnière spéciale à Raiatea, où elle a été la première à prêcher la bonne nouvelle. Elle est ensuite retournée à Tahiti, cette fois dans la presqu’île (la plus petite partie de l’île, aussi appelée Tahiti Iti). Avec une autre sœur, Mereani Tefaaroa, elles étaient les seuls Témoins. “ Dans la presqu’île, les gens manifestaient beaucoup d’intérêt, dit Hélène, et en peu de temps nous avons commencé de nombreuses études bibliques. ”

Il est manifeste que Jéhovah a béni ces sœurs fidèles, car une congrégation a plus tard été formée dans ce territoire, dans la commune de Vairao.

[Encadré/Illustration, page 101]

“ Tu choisis : c’est Jéhovah ou moi ”

Yvette Gillot

Naissance : 1932

Baptême : 1968

Parcours : Elle a été pionnière permanente plus longtemps que tous ceux qui ont été pionniers en Polynésie française.

Quand j’ai dit à mon mari que je voulais devenir Témoin de Jéhovah, il m’a lancé un ultimatum : “ Tu choisis : c’est Jéhovah ou moi. ” J’ai tenté de raisonner avec lui, mais en vain. Il nous a quittés, nos trois enfants et moi-​même. Il est cependant revenu des années plus tard.

Dans l’intervalle, je suis parvenue à subvenir aux besoins des miens, tout en étant pionnière permanente. Je travaillais tôt le matin, après quoi je dirigeais les réunions pour la prédication. À la fin des années 60, les îles ne comptaient qu’une centaine de proclamateurs ; aussi les frères n’étaient-​ils pas toujours disponibles.

Je remercie Jéhovah de m’avoir donné le privilège d’aider une cinquantaine de personnes à lui vouer leur vie, dont Richard Wong Foo, qui fait partie de la famille du Béthel de Tahiti depuis 1991. Je suis heureuse de dire que mes deux fils sont anciens dans leur congrégation.

[Encadré/Illustration, page 105]

Funérailles de la dernière princesse

En 1976, Michel Gelas, ancien dans une congrégation à Papeete, a vécu une situation peu commune, à la mort du dernier membre de la famille royale de Tahiti, la princesse Takau Pomaré. La princesse avait 89 ans. Elle descendait directement de la dynastie des Pomaré, qui avait régné à une époque sur Tahiti et sur les îles environnantes. Elle n’était pas Témoin de Jéhovah, mais sa fille adoptive, qui l’était, a demandé à Michel de prononcer le discours d’enterrement.

Considérant qu’il pouvait s’agir là d’une occasion formidable d’expliquer l’espérance de la résurrection à un vaste auditoire, dont des personnalités politiques et religieuses ainsi que des journalistes, Michel a accepté. Le lendemain de la cérémonie, un journal local a publié une photo de frère Gelas en train de prononcer son discours, face au cercueil. Parmi l’assistance se trouvaient le gouverneur, le président du gouvernement polynésien, d’autres notables et l’archevêque, revêtu de sa soutane blanche de cérémonie.

[Encadré/Illustration, pages 109, 110]

Un ecclésiastique nous prête son scooter, un autre brûle nos publications

Jacques Inaudi

Naissance : 1944

Baptême : 1965

Parcours : Jacques et sa femme, Paulette, ont été pionniers spéciaux en France et, dans le Pacifique, ils ont œuvré dans le service itinérant.

En 1969, Paulette et moi avons fait nos adieux à notre famille et à nos amis en France, et nous sommes partis à destination de Tahiti, notre nouvelle affectation. Pour pimenter un peu la traversée, le bateau a pris feu en plein Pacifique et nous avons dérivé pendant quatre jours ! Dès notre arrivée à Tahiti, j’ai été nommé surveillant de circonscription.

Notre circonscription comprenait la Nouvelle-Calédonie, le Vanuatu et la Polynésie française. À l’époque, la Polynésie française comptait une congrégation et deux groupes isolés. En 1971, notre circonscription a été restreinte à la seule Polynésie française, ce qui nous a donné le temps de nous rendre dans plusieurs îles reculées. Sur certaines d’entre elles le message du Royaume n’avait encore jamais été prêché. Paulette et moi avons passé neuf mois à Huahine et un peu de temps sur la petite île de Maupiti. À Huahine, nous avons eu la joie de commencer 44 études bibliques.

Pour nous nourrir, je pêchais, essentiellement au fusil sous-marin. Notre nourriture était frugale, mais nous n’avons jamais souffert de la faim ; nos besoins matériels ont toujours été comblés. En prêchant à Tubuaï, nous avons été agréablement surpris de voir un pasteur nous prêter son scooter. Peut-être nous avait-​il pris en pitié parce que nous n’avions pas de moyen de transport...

En 1974, nous sommes allés sur quatre des îles Marquises : Hiva-Oa, Nuku-Hiva, Ua-Huka et Ua-Pu. La filiale nous a demandé de rendre visite à Kalina Tom Sing Vien, une sœur isolée qui s’était établie à Ua-Pu comme auxiliaire de soins, en 1973. Elle y est restée durant treize mois. Elle a ainsi été le premier Témoin à rapporter son activité de prédication depuis les îles Marquises.

Contrairement au gentil pasteur de Tubuaï, le prêtre de Ua-Pu s’est opposé à notre activité. En effet, il nous a suivis en secret dans le territoire et a demandé à ses paroissiens de lui remettre toutes les publications que nous leur avions laissées. Il a ensuite tout brûlé devant la maison de Kalina, ce qui nous a choqués, et pas seulement nous, mais aussi de nombreux catholiques !

Malgré une telle opposition, l’œuvre aux îles Marquises s’est développée, et nous nous sentons privilégiés d’avoir pu y contribuer, dans une faible mesure. La santé de Paulette s’étant détériorée, nous avons dû abandonner le service à plein temps. Nous sommes toutefois bien décidés à continuer de donner le meilleur à Jéhovah.

[Encadré, page 113]

Premier séjour sur une île

Imaginez que vous vous rendiez, pour la première fois, sur une île lointaine ou sur un atoll. Vous prévoyez d’y passer une semaine ou deux pour donner le témoignage aux habitants. Mais voilà, il n’y a pas de Témoins sur l’île, pas plus qu’il n’y a de lieux d’hébergement ni de moyens de transport ! Qu’allez-​vous faire ? Où allez-​vous séjourner ? Marc Montet et Jacques Inaudi, qui ont été pionniers spéciaux et surveillants de circonscription, se sont retrouvés dans cette situation à plusieurs reprises.

“ Je commençais à donner le témoignage dès que je descendais de l’avion ou du bateau, dit Marc. En même temps, je me renseignais au sujet d’un logement éventuel. Ce n’était pas toujours simple pour un célibataire de trouver où se loger, mais je finissais généralement par rencontrer quelqu’un qui acceptait de m’offrir un lit et quelques repas. C’était toujours plus facile quand je revenais, parce que les gens me connaissaient. Mon mariage a aussi facilité les choses. Les gens se sentaient davantage à l’aise avec un couple. ”

Jacques explique comment il s’y prenait : “ J’allais souvent voir le maire pour lui demander s’il connaissait quelqu’un qui pouvait m’héberger pour un temps déterminé. Les renseignements qu’il me donnait étaient généralement les bons. Dans de nombreuses îles, on respecte celui qu’on considère comme un homme de Dieu et on l’aide, autant que possible. En général, on m’accueillait gratuitement. ”

[Encadré/Illustration, page 117, 118]

Notre plus grand plaisir, c’est de prêcher !

Alain Jamet

Naissance : 1946

Baptême : 1969

Parcours : Avec sa femme, Mary-Ann, ils ont connu différentes facettes du service à plein temps en France et en Polynésie française.

J’avais 13 ans quand ma famille a quitté la France et s’est établie à Tahiti. Après le lycée, je suis revenu en France pour suivre des études de médecine. C’est là que j’ai rencontré Mary-Ann, une étudiante en biologie, originaire de Tahiti, et nous nous sommes mariés. En 1968, les Témoins de Jéhovah ont pris contact avec nous, à la suite de quoi nous avons accepté la vérité.

Bien entendu, nous avons fait part de notre nouvelle espérance à nos parents, mais sans succès. En outre, nous avons écrit à nos églises respectives à Tahiti, pour demander que nos noms soient retirés de leurs registres. La paroisse de Mary-Ann est allée plus loin, puisque Mary-Ann a été excommuniée publiquement. Le pasteur avait même invité ses parents pour la circonstance !

Nous nous sommes fait baptiser en 1969 et avons entrepris le service de pionnier. À Marseille, j’ai été appelé pour accomplir le service militaire et j’ai passé deux mois en prison en raison de ma position de neutralité. Après ma libération, Mary-Ann et moi avons été nommés pionniers spéciaux à Marseille, puis à Bordeaux. Ensuite, à la demande de nos parents qui prenaient de l’âge, nous sommes retournés à Tahiti en 1973 et nous avons été instituteurs à plein temps pendant un an.

Le surveillant de la filiale de Fidji nous a ensuite demandé si nous avions l’intention de reprendre le service à plein temps, parce qu’un surveillant de circonscription en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie était nécessaire. La situation de nos parents s’étant améliorée, nous avons accepté l’invitation et avons commencé le service de la circonscription en août 1974. En 1975, lors d’une visite de Nathan Knorr, on m’a invité à être surveillant de la filiale de Tahiti, qui venait d’être établie.

Notre fils, Rauma, est né en 1986, et ma femme a arrêté le service à plein temps. Aujourd’hui, nous avons la joie de compter Rauma parmi nos frères spirituels. Avec le recul des années, nous pouvons dire que nous avons vraiment apprécié nos nombreux privilèges de service. Cela étant, notre plus grand plaisir, c’est de prêcher.

[Encadré/Illustration, pages 123-125]

Jéhovah prend soin de ses brebis

Michel Bustamante

Naissance : 1966

Baptême : 1987

Parcours : Accompagné de sa femme, Sandra, il s’occupe de l’une des deux circonscriptions de Polynésie française.

Notre circonscription comprend les cinq archipels de Polynésie française et a la taille de l’Europe. Quelques-unes des îles les plus reculées ne comptent qu’un ou deux proclamateurs. Mais nous nous y rendons, même si elles sont éloignées. Rosita, par exemple, vit sur l’île de Takapoto, dans les Tuamotu. Cette sœur fidèle prépare, chaque semaine, toutes ses réunions, et son mari, qui n’est pas dans la vérité, se joint souvent à elle. Le dimanche, alors que la plupart des gens vont se baigner ou pêcher dans le lagon, Rosita s’habille comme pour une réunion et elle étudie l’article de La Tour de Garde prévu pour la semaine. Elle rend minutieusement compte de son activité de prédication. Pour tout dire, elle est bien souvent la première à rapporter son activité à la filiale, ce qu’elle fait par téléphone ! Cela est d’autant plus remarquable que le téléphone le plus proche se trouve à 45 minutes, en bateau, de son motu !

L’arrivée d’un avion est toujours un grand événement. Quand donc nous prenons l’avion pour rendre visite à cette sœur, presque tous ceux qui habitent à proximité de l’aéroport viennent voir qui arrive. Une fois, une dame a demandé à Rosita : “ Qui accueilles-​tu ? ” “ Mon frère et ma sœur spirituels, a-​t-​elle répondu. Ils viennent exprès pour moi, pour m’encourager. ” Durant les trois jours que nous passons en sa compagnie, nous prêchons avec elle et nous lui prodiguons des encouragements spirituels. Il est rare que nous soyons couchés avant minuit, tellement elle apprécie d’être entourée spirituellement !

Sur une autre île, un adventiste nous a vus un jour rendre visite à son voisin, un Témoin. Plus tard, il lui a confié : “ Cela fait sept ans que je vis ici, et pourtant, aucun membre de mon église n’est jamais venu m’encourager. ” Cet homme occupe officieusement la fonction de pasteur au sein du petit groupe d’adventistes de l’île.

Daniel et Doris sont les seuls proclamateurs à Raïvavae, dans les Australes. Quand nous les avons enfin trouvés — ils vivent dans un endroit particulièrement retiré — nous leur avons demandé si nous pouvions organiser une réunion l’après-midi même, chez eux. Cette initiative les a réjouis, et nous sommes tous partis inviter les gens à y assister. Quand nous sommes venus pour la réunion, sept ouvriers, qui venaient juste de terminer leur journée de travail dans les plantations, attendaient sur le bord de la route ; certains avaient couvert leurs épaules de sacs de taro.

“ Ne vous préoccupez pas de votre apparence, leur avons-​nous dit. Venez, tout simplement. ” C’est ce qu’ils ont fait, mais ils se sont assis par terre plutôt que sur les chaises que nous avions disposées. Ils ont apprécié le programme et ils nous ont ensuite posé de nombreuses questions. Évidemment, cette réunion a beaucoup encouragé notre frère et notre sœur : notre objectif principal était atteint.

Il n’est pas toujours aisé de rencontrer les proclamateurs isolés quand l’aéroport n’est pas sur leur île. Un jour, après avoir atterri, nous avons fait deux heures de bateau en pleine mer afin de gagner l’île sur laquelle se trouvaient deux proclamateurs. Le bateau en question était une vedette sans toit, longue d’environ quatre mètres. Bien entendu, nous avons interrogé l’homme qui nous le louait pour nous assurer que son embarcation tenait bien la mer et qu’elle était pourvue d’un moteur de secours ! En effet, il n’y a rien de plaisant à dériver au beau milieu du Pacifique, c’est le moins que l’on puisse dire...

Bien avant d’arriver à destination, nous étions complètement trempés à cause des embruns, et nous avions mal au dos à force d’être malmenés par les vagues qui cognaient contre la coque. Le voyage du retour n’a pas été plus tranquille. “ Quand nous sommes revenus sur l’île principale l’après-midi, raconte Sandra, j’ai pris mon vélo pour aller prêcher un peu. Mais, pour avoir été secouée pendant la traversée, j’étais si faible que je n’ai pas pu diriger mon vélo sur la route de corail, et je me suis vite retrouvée par terre ! ”

Aussi comprenez-​vous sûrement pourquoi, chaque fois que nous allons rendre visite à nos frères et sœurs isolés, nous méditons sur le profond amour que Jéhovah et son organisation leur manifestent. Oui, nous formons vraiment une famille spirituelle hors du commun ! — Jean 13:35.

[Entrefilet]

“ Ils viennent exprès pour moi, pour m’encourager. ”

[Tableau/Graphique, pages 80, 81]

POLYNÉSIE FRANÇAISE — REPÈRES HISTORIQUES

1835 : La traduction de la Bible en tahitien est achevée.

Années 1930 : Sydney Shepherd et Frank Dewar se rendent à Tahiti et probablement dans d’autres îles.

1940

1956 : L’œuvre de prédication débute pour de bon à Makatea et à Tahiti.

1958 : Deux cérémonies de baptême, les premières en Polynésie française.

1959 : Formation de la congrégation de Papeete, la première en Polynésie française.

1960

1960 : Enregistrement de l’Association des Témoins de Jéhovah.

1962 : Construction de la Salle du Royaume de Papeete, la première dans les îles.

1969 : Première assemblée internationale à Tahiti.

1975 : Établissement d’une filiale à Tahiti.

1976 : Parution de La Tour de Garde en tahitien.

1980

1983 : Inauguration du premier Béthel.

1989 : Un maximum de 1 000 proclamateurs est atteint.

1993 : Inauguration du nouveau Béthel et de la Salle d’assemblées adjacente.

1997 : Première classe de l’École de formation ministérielle.

2000

2004 : 1 746 proclamateurs œuvrent en Polynésie française.

[Graphique]

(Voir la publication)

Total des proclamateurs

Total des pionniers

1 000

2 000

1940 1960 1980 2000

[Cartes, page 73]

(Voir la publication)

POLYNÉSIE FRANÇAISE

POLYNÉSIE FRANÇAISE

ÎLES MARQUISES

Nuku-Hiva

Ua-Pu

Ua-Huka

Hiva-Oa

Fatu-Hiva

ÎLES TUAMOTU

Manihi

Ahe

Rangiroa

Takaroa

Takapoto

Makatea

Anaa

Hao

ÎLES DE LA SOCIÉTÉ

Maupiti

Tahaa

Raiatea

Bora Bora

Huahine

Moorea

Tahiti

ÎLES AUSTRALES

Rurutu

Rimatara

Tubuaï

Raïvavae

ÎLES GAMBIER

MOOREA

TAHITI

PAPEETE

Punaauia

Paea

Toahotu

Vairao

[Illustrations pleine page, page 66]

[Illustration, page 70]

Jeanne et Jean-Marie Félix ont été parmi les premiers à donner un témoignage intensif en Polynésie française.

[Illustrations, page 71]

Maui Piirai, le premier Polynésien du territoire à s’être voué à Jéhovah, a été baptisé par Jean-Marie Félix en 1958.

[Illustrations, page 79]

Clyde et Ann Neill (ci-dessous) ont rejoint Agnès Schenck (à droite) à Tahiti pour soutenir l’œuvre de prédication.

[Illustration, page 85]

John et Ellen Hubler ont entrepris le service de la circonscription en 1960.

[Illustration, page 86]

En 1962, la congrégation de Papeete a construit sa première Salle du Royaume — une structure simple, ouverte sur les côtés et surmontée d’un toit en feuilles de pandanus.

[Illustration, page 89]

“ La Sentinelle ” du 15 avril 1965 contenait des articles tirés de “ La Tour de Garde ”.

[Illustration, page 92]

Afin de progresser spirituellement, Taina Rataro a appris à lire et à écrire le tahitien.

[Illustration, page 92]

Elisabeth Avae (assise) avec sa petite-fille, Diana Tautu.

[Illustration, page 95]

Anna et Antonio Lanza.

[Illustration, page 96]

Vaieretiai et Marie-Medeleine Mara.

[Illustration, page 97]

Ato Lacour.

[Illustration, page 98]

Rudolphe Haamarurai.

[Illustration, page 99]

Vahinerii et Edmond Rai (à gauche) avec Taaroa et Catherine Terii (à droite).

[Illustration, page 100]

Auguste et Stella Temanaha.

[Illustrations, page 102]

Christiane et Jean-Paul Lassalle (à gauche), Lina et Colson Deane (à droite).

[Illustration, page 103]

Roger Sage (à gauche) interprète en tahitien un discours prononcé par Francis Sicari lors d’une assemblée de district, dans les années 70.

[Illustration, page 107]

Eileen et Alain Raffaelli.

[Illustration, page 108]

Mauri et Mélanie Mercier.

[Illustration, page 120]

Marie-Louise et Serge Gollin sont missionnaires aux îles Marquises.

[Illustration, page 122]

Alexandre Tetiarahi avec sa femme, Elma, et leurs deux plus jeunes filles, Rava (à gauche) et Riva.

[Illustration, page 126]

L’équipe de traducteurs de Tahiti.

[Illustration, page 127]

L’assemblée internationale “ Paix sur la terre ” de 1969 était la première du genre à Tahiti.

[Illustration, page 128]

Cette Salle du Royaume, à Bora Bora, est la plus récente de la Polynésie française.

[Illustration, page 130]

Christine et Félix Temarii.

[Illustration, page 131]

Le Comité de la filiale, de gauche à droite : Alain Jamet, Gérard Balza et Luc Granger.

[Illustrations, pages 132, 133]

1) Le Béthel de Tahiti.

2) Gérard Balza annonçant, en juillet 2002, la parution du livre “ Approchez-​vous de Jéhovah ” en tahitien.

3) La famille du Béthel de Tahiti.