“ La bataille n’est pas la vôtre, mais celle de Dieu ”
“ La bataille n’est pas la vôtre, mais celle de Dieu ”
PAR GLEN HOW
Au cours des 60 dernières années, les Témoins de Jéhovah ont mené de nombreuses batailles devant les tribunaux canadiens. Leurs victoires ne sont pas passées inaperçues aux yeux du monde juridique. Pour avoir joué un rôle dans certains de ces combats, je me suis récemment vu remettre le Prix du plaidoyer courageux par l’Association américaine des avocats. Lors de la cérémonie de remise des prix, il a été déclaré que les décisions arrêtées à l’issue de procès impliquant les Témoins de Jéhovah constituaient un important rempart contre les excès de l’État, car elles avaient créé une charte implicite de droits juridiquement reconnus, qui garantissait et protégeait les libertés de tous les Canadiens. Laissez-moi vous donner quelques détails concernant certains de ces procès et vous raconter comment je suis entré en contact avec le monde juridique et les Témoins de Jéhovah.
EN 1924, George Rix, un Étudiant de la Bible, comme on appelait alors les Témoins de Jéhovah, a rendu visite à mes parents à Toronto, au Canada. Ma mère, Bessie, un petit bout de femme, l’a invité à entrer pour discuter. J’avais cinq ans à l’époque, et mon frère Joe en avait trois.
Peu de temps après, maman a commencé à assister aux réunions des Étudiants de la Bible, à Toronto. En 1929, elle est devenue pionnière, c’est-à-dire évangélisatrice à plein temps, et elle a poursuivi cette activité jusqu’en 1969, année où elle a achevé le cours de sa vie terrestre. En se dévouant inlassablement et avec détermination à son ministère, elle nous a laissé un bel exemple et elle a aidé de nombreuses personnes à acquérir la connaissance de la vérité biblique.
Mon père, Franck, était un homme calme, mais il s’est tout d’abord opposé aux activités religieuses de ma mère. Cependant, elle a eu la bonne idée d’inviter des ministres itinérants, tels que George Young, à lui rendre visite et à discuter avec lui. Avec le temps, l’attitude de mon père s’est adoucie. Au fur et à mesure qu’il constatait les effets bénéfiques de la vérité biblique sur sa famille, il est devenu très coopératif, même s’il n’est jamais devenu Témoin.
Je prends la décision de servir Dieu
En 1936, j’ai obtenu mon diplôme de fin d’études secondaires. Durant mon adolescence les choses spirituelles ne m’intéressaient pas vraiment. Nous subissions encore les effets de la crise de 1929 et les perspectives d’emploi étaient minces. Je me suis donc inscrit à l’université de Toronto et, en 1940, j’ai décidé d’entrer à la faculté de droit. Cette décision n’a pas surpris ma mère ; quand j’étais enfant, il lui était souvent arrivé de s’exclamer : “ Ce petit vaurien a toujours quelque chose à redire ! Vous verrez, il finira sûrement avocat ! ”
Le 4 juillet 1940, juste avant que je n’entre à la faculté de droit, le gouvernement canadien a soudainement frappé les Témoins de Jéhovah d’interdiction. Cela a été un tournant dans ma vie. Quand j’ai vu que le gouvernement usait de sa toute-puissance et prenait pour cible cette petite organisation de gens humbles et innocents, cela m’a convaincu qu’ils étaient les vrais disciples de Jésus. Tout comme Jésus l’avait annoncé, ils étaient ‘ les objets de la haine de toutes les nations Matthieu 24:9.) J’ai alors pris la résolution de servir la puissance divine qui guidait cette organisation. Le 10 février 1941, j’ai symbolisé l’offrande de ma personne à Jéhovah Dieu par le baptême d’eau.
à cause de son nom ’. (Je voulais me lancer tout de suite dans le service de pionnier. Toutefois, Jack Nathan, qui à cette époque dirigeait l’œuvre de prédication au Canada, m’a encouragé à terminer ma formation d’avocat. C’est ce que j’ai fait et, en mai 1943, j’ai obtenu mon diplôme, après quoi je suis devenu pionnier. En août, j’ai été invité à apporter mon aide à la filiale de la Société Tour de Garde, à Toronto, pour traiter des problèmes juridiques que rencontraient les Témoins de Jéhovah. Le mois suivant j’ai été admis au barreau de l’Ontario.
Occupé à l’affermissement légal de la bonne nouvelle
La Deuxième Guerre mondiale faisait rage et au Canada l’œuvre des Témoins de Jéhovah était toujours interdite. Des hommes et des femmes étaient emprisonnés simplement parce qu’ils étaient Témoins de Jéhovah. Des enfants étaient renvoyés des écoles, certains étant même placés dans des familles d’accueil, pour la simple raison qu’ils refusaient de participer à des formes de culte nationalistes, telles que le salut au drapeau ou le chant de l’hymne national. Le professeur William Kaplan, auteur d’un livre intitulé L’État et le Salut : Les Témoins de Jéhovah et leur combat pour les droits civiques, a déclaré que “ les Témoins étaient victimes d’injures publiques et l’objet à la fois de pressions de l’État et d’attaques individuelles par un gouvernement intolérant et un ensemble de citoyens ouvertement hostiles, pris dans les passions et le patriotisme de la guerre ”.
Les Témoins avaient tenté de faire lever l’interdiction, mais sans succès. Soudain, le 14 octobre 1943, elle a été supprimée. Cependant, des Témoins se trouvaient toujours en prison ou dans des camps de travail, des enfants se voyaient encore refuser l’accès à l’école publique et l’interdiction demeurait en vigueur contre la Société Tour de Garde et l’Association internationale des Étudiants de la Bible, propriétaire de nos bâtiments de Toronto.
Fin 1943, je me suis rendu à New York avec Percy Chapman, alors surveillant de la filiale canadienne, pour consulter Nathan Knorr, président de la Société Tour de Garde, ainsi que Hayden Covington, vice-président et conseiller juridique. Frère Covington avait une très grande expérience dans le domaine juridique. Il a par la suite totalisé le nombre impressionnant de 36 victoires sur les 45 appels interjetés devant la Cour suprême des États-Unis.
La situation des Témoins du Canada s’est améliorée lentement. En 1944, les bâtiments de la filiale de Toronto ont été restitués à la Société et les bénévoles qui y travaillaient avant
l’interdiction ont pu reprendre leur activité. En 1945, la Cour supérieure de la province de l’Ontario a déclaré qu’aucun enfant ne devrait être forcé à participer à des activités pour lesquelles il émet une objection de conscience. Elle a donc ordonné que les enfants renvoyés de leur école y soient réintégrés. Finalement, en 1946, le gouvernement canadien a relaxé tous les Témoins retenus dans des camps de travail. Sous la direction de frère Covington, j’ai appris à mener ces combats avec courage et détermination, mais par-dessus tout en m’appuyant sur Jéhovah.La bataille du Québec
Alors que la majeure partie du Canada respectait désormais la liberté des Témoins de Jéhovah, la province catholique francophone de Québec continuait de s’opposer à eux. Cela faisait plus de 300 ans que cette province était sous la férule de l’Église catholique romaine. Les écoles, les hôpitaux et la plupart des services publics étaient soit gérés, soit contrôlés par le clergé. Un trône réservé au cardinal était même placé à côté du siège du président du Parlement québécois.
Le premier ministre et procureur général du Québec, Maurice Duplessis, était un dictateur qui a, selon l’historien Gérard Pelletier, imposé à la province “ le règne du mensonge, de l’injustice et de la corruption, d’abus systématique de l’autorité, l’empire de la mesquinerie et le triomphe de la bêtise ”. Duplessis a consolidé son assise politique en travaillant main dans la main avec le cardinal Villeneuve.
Au début des années 40, le Québec comptait 300 Témoins de Jéhovah, parmi lesquels beaucoup, y compris mon frère Joe, étaient des pionniers originaires d’autres régions du Canada. L’œuvre de prédication prenant de l’ampleur au Québec, la police locale, sous la pression du clergé, s’est mise à persécuter les Témoins en procédant à des arrestations répétées et en appliquant à tort à nos activités religieuses des arrêtés relatifs à la vente à domicile.
Je faisais si souvent l’aller et retour entre Toronto et Québec que finalement on m’a demandé de déménager au Québec pour collaborer avec des avocats non Témoins qui représentaient nos frères et sœurs chrétiens. Chaque jour, mon premier travail consistait à déterminer combien de Témoins avaient été arrêtés la veille, puis je me précipitais au tribunal local pour régler la caution. Heureusement, un frère aisé, Franck Roncarelli, a payé la caution dans bien des cas.
Entre 1944 et 1946, le nombre de procès pour de prétendues infractions est passé de 40 à 800 ! Non seulement les autorités arrêtaient et persécutaient sans cesse les Témoins, mais des foules incontrôlables, encouragées par le clergé catholique, les agressaient également.
Les 2 et 3 novembre 1946, à Montréal, a été organisée une assemblée spéciale qui abordait ces difficultés. Frère Knorr a prononcé le dernier discours, intitulé “ Qu’allons-nous faire ? ” Toute l’assistance s’est réjouie d’entendre sa réponse, qu’il a lue d’une voix forte dans le feuillet désormais historique La haine ardente du Québec pour Dieu, pour Christ et pour la liberté, est un sujet de honte pour tout le Canada. Il s’agissait d’un tract énergique de quatre pages décrivant les émeutes organisées par le clergé, les arrestations et les brutalités policières, ainsi que les violences perpétrées par des foules à l’encontre des Témoins de Jéhovah, le tout accompagné du nom de certains coupables, de dates et de lieux des faits. La distribution de ce
tract a débuté à travers tout le Canada seulement 12 jours plus tard.Peu de temps après, Duplessis annonçait publiquement qu’il déclarait une “ guerre sans merci ” aux Témoins de Jéhovah. Toutefois, sans le savoir, il a agi en notre faveur. Comment ? En ordonnant que quiconque distribuerait La haine ardente du Québec serait accusé de sédition — un crime très grave qui nous soustrairait aux juridictions du Québec et nous mènerait tout droit devant la Cour suprême. Dans sa rage, Duplessis n’avait pas envisagé cette conséquence. Il a ensuite personnellement ordonné l’annulation de la licence de débit de boisson de Franck Roncarelli, lequel avait été celui de nos frères qui réglait le plus de cautions. Privé de vin, l’excellent restaurant de frère Roncarelli, situé à Montréal, a dû fermer au bout de quelques mois, et notre frère s’est retrouvé ruiné.
Les arrestations se multipliaient. De 800 procès nous sommes rapidement passés à 1 600. De nombreux avocats et juges se plaignaient que toutes ces actions en justice engorgeaient les tribunaux québécois. En réponse, nous proposions un remède simple : que la police arrête les criminels au lieu des chrétiens ; cela résoudrait le problème.
Deux courageux avocats juifs, Albert Stein, de Montréal, et Sam Bard, de Québec, nous ont aidés dans de nombreuses affaires, notamment avant que je ne sois admis au barreau du Québec en 1949. Pierre Elliott Trudeau, plus tard premier ministre du Canada, a écrit : “ Les Témoins de Jéhovah [...] ont été bafoués, persécutés et honnis par notre société tout entière ; or ils ont trouvé le moyen de combattre par des moyens légaux Église, État, nation, police et opinion publique. ”
L’attitude des tribunaux québécois était manifeste dans la façon dont mon frère Joe a été traité. Il était accusé de troubler l’ordre public. Le juge suppléant, Jean Mercier, a condamné Joe à la peine maximum de 60 jours d’emprisonnement. Perdant alors son sang-froid, il a vociféré, depuis son siège, qu’il souhaiterait pouvoir condamner Joe à la prison à perpétuité.
Un quotidien a rapporté que Mercier avait ordonné à la police du Québec d’“ arrêter tout Témoin connu ou toute personne suspectée de l’être ”. Un tel comportement n’a fait que prouver la véracité des accusations formulées dans notre tract La haine ardente du Québec. Voici quelques titres caractéristiques extraits de journaux canadiens : “ Retour de l’âge des ténèbres au Québec ” (The Toronto Star), “ Retour de l’Inquisition ” (The Globe and Mail, Toronto), “ Cela sent le fascisme ” (The Gazette, Glace Bay, Nouvelle-Écosse).
Réponse à l’accusation de sédition
En 1947, j’ai collaboré avec M. Stein lors de notre premier procès relatif à l’accusation de sédition dont Aimé Boucher faisait l’objet. Aimé avait distribué quelques tracts près de chez lui. Lors de son procès, nous avons prouvé que La haine ardente du Québec ne contenait aucun mensonge, mais qu’il avait seulement été écrit avec des mots forts pour protester contre les atrocités dont les Témoins de Jéhovah étaient victimes. Nous avons montré qu’aucune action n’avait jamais été entreprise contre les auteurs de ces atrocités. Aimé avait été déclaré coupable uniquement pour les avoir fait connaître au public. La position de l’accusation se résumait finalement à ceci : il était devenu criminel de dire la vérité.
Les tribunaux québécois s’appuyaient sur une définition vague du mot “ sédition ”, vieille de 350 ans, qui laissait entendre que toute personne critiquant le gouvernement pouvait être reconnue coupable de crime. Duplessis s’est également servi de cette définition pour supprimer toute opposition à son régime. Mais en 1950, la Cour suprême a accepté notre argument selon lequel, dans une démocratie moderne, la “ sédition ” sous-entend l’incitation à la violence ou l’insurrection contre le gouvernement. La haine ardente du Québec ne contenait aucune incitation de ce genre et constituait, dès lors, un exercice légal de la liberté d’expression. Grâce à cette décision capitale, les 123 procès pour sédition ont été clos. J’étais aux premières loges pour constater que Jéhovah nous avait accordé la victoire.
Combat contre la censure
La municipalité de Québec avait quant à elle adopté un arrêté qui interdisait la distribution de publications en l’absence d’un permis signé par le chef de la police. Cette disposition constituait un acte de censure directe et, de ce fait, une violation de la liberté religieuse. Laurier Saumur, alors surveillant itinérant, avait été emprisonné pendant trois mois et faisait l’objet de plusieurs autres accusations sous le coup de cet arrêté.
En 1947, une plainte a été déposée au nom de frère Saumur pour empêcher la ville de Québec d’appliquer cette décision contre les Témoins de Jéhovah. Les tribunaux québécois se sont prononcés contre nous et, une fois de plus, nous avons interjeté appel devant la Cour suprême. En octobre 1953, au terme d’une audience de sept jours devant les neuf juges de cette cour, notre demande d’injonction a été acceptée. La cour a reconnu que la distribution publique de sermons bibliques imprimés est un aspect fondamental du culte chrétien des Témoins de Jéhovah et se trouve de ce fait protégée de la censure par la Constitution.
Ainsi, il ressortait de l’affaire Boucher que le discours des Témoins de Jéhovah était légal ; cependant, la décision Saumur établissait en outre comment et quand il pouvait être formulé. La victoire dans l’affaire Saumur a abouti à la levée de plus de 1 100 inculpations au Québec. À Montréal, plus de 500 inculpations ont également été retirées pour absence totale de preuves. En peu de temps le dossier a été clos : il ne restait plus aucun procès en cours au Québec.
L’ultime attaque de Duplessis
Ne disposant plus d’aucune loi susceptible d’être utilisée contre les Témoins de Jéhovah, au début de janvier 1954 Duplessis a soumis au Parlement un nouveau projet, la loi no 38, que les médias ont surnommée “ loi anti-Témoins de Jéhovah ”. Celle-ci stipulait que toute personne qui suspectait une autre de vouloir tenir des propos “ de caractère outrageant ou injurieux ” pouvait porter plainte contre elle sans qu’il lui soit nécessaire d’en fournir la preuve. En tant que procureur général, Duplessis pourrait alors interdire à l’accusé toute déclaration publique. Une fois l’injonction proférée contre un individu, tous les membres appartenant à son Église seraient également privés du droit d’expression. En outre, toutes les bibles et toutes les publications religieuses de cette Église seraient confisquées et détruites, et tous ses lieux de culte seraient fermés jusqu’à ce que l’affaire soit jugée, ce qui pourrait prendre des années.
Le projet de loi no 38 s’inspirait d’une loi échafaudée au XVe siècle, au cours de l’Inquisition espagnole, sous Torquemada. L’accusé et ses associés perdaient tous leurs droits civils, bien qu’aucune preuve de culpabilité ne soit produite. Commentant ce projet, la presse a annoncé que la police provinciale avait reçu l’ordre de fermer toutes les Salles du Royaume des Témoins de Jéhovah, et de saisir et de détruire leurs bibles et leurs publications. Devant cette menace sournoise, les Témoins de Jéhovah ont transféré toutes leurs publications religieuses hors de la province. Ils ont, cependant, poursuivi leur œuvre publique de témoignage, munis de leur propre exemplaire de la Bible.
Le projet de loi a été voté le 28 janvier 1954. Le 29 janvier, à 9 heures du matin, je me trouvais à la porte du tribunal pour déposer une plainte au nom de tous les Témoins de Jéhovah de la province de Québec, dans le but d’obtenir une injonction permanente contre cette loi, avant même que Duplessis n’ait l’occasion de l’utiliser. Le juge n’a pas accordé d’injonction
temporaire parce que la loi no 38 n’avait pas encore été appliquée. Néanmoins, il a dit que si le gouvernement tentait de l’employer, je pouvais revenir le voir pour obtenir sa protection. L’action du juge a ainsi eu le même effet qu’une injonction temporaire, car à partir du moment où Duplessis aurait ne serait-ce qu’essayé d’employer cette loi, il aurait été tenu en échec.Au cours de la semaine suivante, nous avons attendu pour voir si la police entreprendrait une quelconque action sur la base de cette nouvelle loi, mais il ne s’est rien passé. Pour en avoir le cœur net, j’ai procédé à un test. Deux pionnières, Victoria Dougaluk (plus tard Steele) et Helen Dougaluk (plus tard Simcox), ont prêché de porte en porte avec des publications à Trois-Rivières, ville natale de Duplessis. Là encore il n’y a eu aucune réaction. Tandis que les sœurs poursuivaient leur activité, j’ai demandé à Laurier Saumur de téléphoner à la police provinciale. Sans décliner son identité, il s’est plaint de ce que les Témoins de Jéhovah prêchaient et que la police ne faisait pas respecter la nouvelle loi de Duplessis.
D’un ton penaud, l’officier de permanence a répondu : “ Oui, nous savons que la nouvelle loi a été votée ; mais le jour d’après les Témoins de Jéhovah ont obtenu une injonction contre nous, alors nous ne pouvons rien faire. ” Aussitôt, nous avons rapatrié nos publications dans la province, et au cours des dix années durant lesquelles l’affaire a suivi son cours dans les diverses juridictions, notre œuvre de prédication a progressé avec succès.
En plus de l’injonction, nous avons tenté de faire admettre l’inconstitutionnalité de la loi no 38. Afin de prouver que cette loi visait délibérément les Témoins de Jéhovah, nous avons décidé de tenter le tout pour le tout — envoyer à Duplessis lui-même une assignation à comparaître au tribunal, l’obligeant à produire ses preuves. Je l’ai soumis à un contre-interrogatoire pendant deux heures et demie, lui rappelant à plusieurs reprises qu’il avait déclaré publiquement une “ guerre sans merci ” aux Témoins de Jéhovah et que, selon lui, la loi no 38 marquerait la fin des Témoins de Jéhovah au Québec. Fou de rage, il s’en est pris personnellement à moi, me disant : “ Jeune homme, vous n’êtes qu’un impertinent ! ”
“ Monsieur Duplessis, lui ai-je répondu, si l’objet de notre débat était d’analyser nos personnalités respectives, j’aurais probablement quelques remarques à vous adresser. Mais comme nous avons une affaire à traiter, voulez-vous bien expliquer à la cour pourquoi vous n’avez pas répondu à la dernière question, s’il vous plaît ? ”
En 1964, j’ai contesté la loi no 38 devant la Cour suprême, mais les juges ont refusé de statuer sur sa constitutionnalité étant donné que cette loi n’avait jamais été appliquée. Cependant, Duplessis était alors décédé, et plus personne ne se souciait de la loi no 38. Elle n’a jamais été utilisée contre les Témoins de Jéhovah ou contre qui que ce soit.
Peu de temps avant que Duplessis ne décède en 1959, il a été sommé par la Cour suprême de payer des dommages et intérêts à frère Roncarelli pour avoir illégalement supprimé sa licence de débit de boisson. Depuis lors, de nombreux Québécois sont devenus très amicaux. Le nombre de Témoins dans cette région est passé de 300 en 1943 à plus de 33 000, selon un recensement du gouvernement. Les Témoins de Jéhovah sont aujourd’hui répertoriés comme le quatrième groupe religieux de la province. Je ne considère pas ces victoires juridiques ou le succès rencontré par le ministère des Témoins de Jéhovah comme l’œuvre d’un homme, quel qu’il soit. Cela m’a plutôt convaincu que Jéhovah donne la victoire, car la bataille est la sienne, et non la nôtre. — 2 Chroniques 20:15.
Changement de situation
En 1954, j’ai épousé une charmante pionnière originaire d’Angleterre, Margaret Biegel, et nous avons effectué le service de pionnier ensemble. J’ai cependant continué de défendre les Témoins de Jéhovah lors de procès, à la fois au Canada et aux États-Unis, et d’apporter mon aide en tant que consultant pour certaines affaires ayant cours en Europe et en Australie. Margaret est devenue ma secrétaire et s’est révélée être un soutien inestimable pendant de nombreuses années. En 1984, nous sommes retournés vivre à la filiale du Canada où
j’ai participé à l’organisation d’un service juridique. Malheureusement, en 1987, Margaret est décédée d’un cancer.Après la mort de ma mère en 1969, Joe et sa femme, Elsie, qui avaient tous deux été formés pour être missionnaires lors de la neuvième classe de l’École de Guiléad, ont accueilli mon père chez eux et s’en sont occupés jusqu’à sa mort, 16 ans plus tard. Par leur esprit de sacrifice, ils m’ont permis de rester dans le service à plein temps, ce dont je leur serai toujours reconnaissant.
Les batailles se succèdent
Avec les années, la nature des batailles juridiques des Témoins de Jéhovah a changé. De nombreux procès visaient désormais l’obtention de terrains ou de permis de construire pour des Salles du Royaume ou des Salles d’assemblées. D’autres avaient pour objet des conflits relatifs à la garde d’enfants, dans lesquels des parents non Témoins se servaient du fanatisme religieux, soit pour obtenir la garde exclusive des enfants, soit pour empêcher le parent Témoin de partager avec ses enfants des croyances et des pratiques religieuses bénéfiques.
En 1989, une avocate américaine, Linda Manning, est venue temporairement à la filiale du Canada pour apporter son aide au service juridique. Au mois de novembre de la même année nous nous sommes mariés et, depuis lors, nous sommes heureux de travailler ensemble ici au Béthel.
Au cours des années 90, John Burns, qui est également avocat à la filiale du Canada, et moi-même sommes allés au Japon pour aider nos frères chrétiens à gagner un procès de nature constitutionnelle mettant en cause la liberté d’un étudiant de ne pas participer aux cours d’arts martiaux imposés par son école. Nous avons également remporté une victoire lors d’une affaire relative au droit d’un adulte de refuser une transfusion sanguine.
Puis, au cours de 1995 et 1996, Linda et moi avons eu le privilège de passer cinq mois à Singapour en raison de l’interdiction visant les Témoins de Jéhovah de cet endroit et des poursuites judiciaires qui en découlaient. J’ai représenté 64 hommes, femmes et adolescents accusés de crimes pour avoir assisté à des réunions chrétiennes et pour avoir été en possession de bibles et de publications religieuses. Nous n’avons gagné aucun procès, mais nous avons pu observer comment Jéhovah a fortifié ses serviteurs fidèles pour qu’ils puissent rester intègres et joyeux dans l’épreuve.
Reconnaissant d’avoir pu apporter ma contribution
Âgé aujourd’hui de 80 ans, je me réjouis d’être en bonne santé et d’avoir la force de continuer à apporter mon aide dans les batailles juridiques que mène le peuple de Jéhovah. Je suis toujours prêt à me rendre au tribunal pour défendre ce qui est juste. Je suis heureux d’avoir vu le nombre des Témoins du Canada passer de 4 000 en 1940 à 111 000 aujourd’hui. Les gens et les événements vont et viennent, mais Jéhovah ne cesse de faire avancer ses serviteurs, s’assurant qu’ils prospèrent sur le plan spirituel.
Rencontrons-nous des difficultés ? Certainement, mais la Parole de Jéhovah nous rassure en ces termes : “ Toute arme qui sera formée contre toi n’aura pas de succès. ” (Isaïe 54:17). En me basant sur les plus de 56 années que j’ai consacrées au ministère à plein temps pour ‘ défendre la bonne nouvelle et la faire reconnaître en justice ’, je peux témoigner de la véracité de la prophétie d’Isaïe. — Philippiens 1:7.
[Illustration, page 19]
Avec mon jeune frère et mes parents.
[Illustration, page 19]
Hayden Covington, conseiller juridique.
[Illustration, page 19]
Avec Nathan Knorr.
[Illustration, page 20]
Duplessis s’agenouillant devant le cardinal Villeneuve.
[Indication d’origine]
Photo W. Edwards
[Illustrations, pages 20, 21]
Franck Roncarelli.
[Indication d’origine]
Avec l’aimable autorisation de Canada Wide
[Illustrations, page 21]
Aimé Boucher.
[Illustration, page 24]
Avec mon confrère John Burns et ma femme Linda.