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Nez à nez avec des marmottes

Nez à nez avec des marmottes

Nez à nez avec des marmottes

DE L’UN DE NOS RÉDACTEURS EN ITALIE

AIMERIEZ-​VOUS faire connaissance avec un petit animal timide, fascinant et amusant ? Alors ma femme et moi, nous vous invitons à découvrir comment nous nous sommes trouvés nez à nez avec les boules de poils qu’on appelle marmottes.

Nous sommes dans les Dolomites, une chaîne de montagnes au nord de l’Italie, à portée de vue de deux sommets majestueux : le Latemar et le Catinaccio. Nous empruntons un chemin escarpé qui mène aux pentes du Catinaccio. Les clairières sont parsemées de fleurs. Nous nous arrêtons pour admirer l’élégant lis martagon ainsi que la nigritelle noire, petite orchidée composée qui dégage un parfum de vanille. En milieu de matinée, le soleil a chauffé l’écorce des conifères alentour. Arolles, sapins et mélèzes embaument l’air de leurs capiteux effluves balsamiques.

Nous accédons alors à une vallée dépourvue d’arbres. Sur notre droite se trouve une pente raide et verdoyante, sur notre gauche un immense pierrier. Tout à coup, un mouvement furtif. Je me retourne d’instinct, mais plus rien. Je regarde plus attentivement ; une marmotte est juchée sur un rocher. Une colonie a peut-être élu domicile dans les anfractuosités du pierrier.

Précisons que la marmotte est le plus gros des sciuridés. Les marmottes de chez nous sont des marmottes alpines. D’instinct grégaire, elles vivent en colonies.

Revenons à notre marmotte. Nous quittons le chemin pour nous en approcher, mais elle s’est cachée. Nous attendons, dans l’espoir de la voir réapparaître. Quelques instants plus tard, ma femme me fait signe, toute contente. Une marmotte nous observe, derrière un rocher. Sa fourrure brun clair poivrée de noir se fondant sur la roche, elle passe presque inaperçue. En cherchant bien, j’aperçois un marmotton qui nous regarde du coin de l’œil. Un peu plus loin, nous voyons un troisième sujet, sûrement le père. Il nous semble qu’il s’agit d’une famille.

Le “ père ”, du haut de ses 45 centimètres, est sur son arrière-train, comme au garde-à-vous. Pendant ce temps, les deux autres marmottes vont et viennent parmi les rhododendrons. Pour se nourrir, ces rongeurs creusent la terre avec leurs membres antérieurs armés de griffes puissantes. Lorsqu’ils trouvent une racine à leur goût, ils la dégustent debout en la portant à la bouche avec les pattes de devant. Ils mangent tôt le matin et en soirée, s’accordant entre-temps une sieste. En plus de la végétation, ils consomment sauterelles, coléoptères, vers de terre et œufs d’oiseaux, mais ils ne mettent pas de nourriture en réserve dans leurs terriers.

Il est amusant d’observer les membres de cette famille. Quand j’essaie de les approcher pour les photographier, ils se figent tous les trois. Lorsque je bouge de nouveau, deux sifflements stridents du “ père ” rompent le silence de la vallée. En un éclair, la “ mère ” et l’“ enfant ” s’engouffrent dans deux passages étroits et disparaissent à travers les pierres. Le “ père ” me toise un instant, puis, après deux autres sifflements, file rejoindre sa famille.

Plus bas dans la vallée, je trouve un rocher qui me semble être l’observatoire idéal. Je m’allonge dessus et attends. Peu après, deux marmottes se hasardent dehors. L’une grimpe sur un gros rocher et s’y étale ; l’autre escalade le même rocher, de l’autre côté. Lorsqu’elles se rencontrent, elles semblent procéder à des embrassades.

Je continue à les observer, fasciné par leurs petits gestes vifs ponctués de pauses longues. Au moindre mouvement de ma part, elles s’immobilisent et relèvent la tête, sur le qui-vive. Elles se plongent ensuite dans une sieste, apparemment sans se soucier de ma présence.

Le tapis de verdure qui s’étend devant moi est truffé de trous facilement repérables par des monticules de terre de couleur claire. Ces trous sont des terriers d’urgence dans lesquels se réfugient les marmottes en cas de danger, au cours de leurs brèves sorties alimentaires. Ils comportent une chambre centrale desservie par plusieurs tunnels latéraux qui mesurent entre un et six mètres de long. Les marmottes s’orientent dans cet entrelacs de tunnels grâce à leurs vibrisses, des poils noirs situés de part et d’autre de leur museau.

Pendant les rigueurs de l’hiver, des groupes de 10 à 15 marmottes se retirent dans des chambres pour hiberner. Des jeunes et des adultes issus de différents terriers d’été se rassemblent dans ces chambres, qu’ils auront d’abord rembourrées d’herbe sèche. Serrés les uns contre les autres, ils plongent dans un long sommeil. La température de leur corps chute à moins de 8 °C, leur rythme cardiaque n’est plus que de trois à cinq pulsations par minute et le nombre de leurs mouvements respiratoires de deux ou trois par minute. Leurs fonctions vitales sont réduites au minimum. Environ une fois par mois, ils interrompent leur sommeil pour uriner et fienter dans des latrines spécialement creusées dans une autre partie du terrier et obturées hermétiquement. Les différentes chambres des terriers d’hibernation sont séparées les unes des autres, mais leur accès n’est pas complètement bloqué. Un minimum d’air peut ainsi circuler.

Les scientifiques cherchent depuis longtemps à comprendre comment les marmottes survivent aux conditions hivernales. Ils ont récemment découvert que l’hibernation était régulée par des glandes endocrines, notamment la thyroïde. Lorsqu’on leur injecte des extraits d’hormones, les marmottes n’entrent pas en hibernation. Mais, détail intéressant, lorsqu’elles sont exposées à un froid intense au cours de l’été, elles maintiennent leur température corporelle en augmentant l’activité thyroïdienne et métabolique. Manifestement, elles savent par instinct que ce n’est pas encore le moment d’hiberner.

Les marmottes sont si plaisantes que nous ne voyons pas le temps passer. C’est déjà l’après-midi, et nous devons les quitter pour redescendre dans la vallée. Nous y arrivons au crépuscule. Aujourd’hui, nous avons admiré quantité de merveilles de la nature, mais celle qui nous a peut-être le plus charmés est d’être tombés nez à nez avec des marmottes.

[Illustration, page 16]

Embrassades.

[Illustrations, page 17]

Fleurs alpines.

Campanule barbue.

Lis martagon.

Edelweiss.

[Crédit photographique, page 15]

Marmottes : Gerken/Naturfoto-Online.de

[Crédit photographique, page 16]

Marmottes : Gerken/Naturfoto-Online.de