BIOGRAPHIE
« Que les îles nombreuses se réjouissent ! »
Je me souviendrai longtemps de ce jour-
JE SUIS né en 1955, dans l’État australien du Queensland. Peu de temps après, ma mère, Estelle, a commencé à étudier la Bible avec les Témoins de Jéhovah. L’année suivante, elle s’est fait baptiser. Treize ans plus tard, mon père, Ron, a accepté la vérité. Quant à moi, je me suis fait baptiser en 1968, dans l’outback du Queensland.
Dès l’enfance, j’ai aimé lire. J’étais fasciné par les langues. Quand ils organisaient des sorties en famille, mes parents devaient être déçus de me voir lire à l’arrière de la voiture au lieu de regarder le paysage. Mais mon goût pour la lecture a favorisé ma scolarité. Au lycée de Glenorchy, dans l’État insulaire de Tasmanie, mes résultats scolaires m’ont valu plusieurs prix.
Puis est venu le moment de prendre une décision importante. Allais-
Durant les huit années qui ont suivi, j’ai eu la joie d’être pionnier en Tasmanie. C’est à cette époque que j’ai épousé Jenny Alcock, une ravissante Tasmanienne. Pendant quatre ans, nous avons été pionniers spéciaux à Smithton et à Queenstown, des villes reculées.
CAP SUR LES ÎLES DU PACIFIQUE
En 1978, nous avons quitté l’Australie pour la première fois afin d’assister à une assemblée internationale à Port Moresby, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Je me revois encore écoutant un discours prononcé par un missionnaire en hiri motu. Je n’ai pas compris un mot, mais ça m’a donné envie de devenir missionnaire, d’apprendre des langues étrangères et de donner des discours comme celui-là. J’aurais enfin la possibilité d’allier mon amour pour Jéhovah à ma passion pour les langues.
De retour en Australie, Jenny et moi avons eu la surprise d’être nommés missionnaires à Funafuti, une île des Tuvalu. Cet archipel s’appelait autrefois les îles Ellice. Nous y sommes arrivés en janvier 1979. Les Tuvalu ne comptaient alors que trois proclamateurs baptisés.
L’apprentissage du tuvaluan n’a pas été facile. Le seul livre trouvable dans cette langue était le « Nouveau Testament ». En l’absence de dictionnaires et de méthodes de langue, nous avons essayé d’apprendre tout seuls 10 à 20 mots par jour. Mais nous avons vite constaté que nous ne comprenions pas correctement la plupart de ces mots. Par exemple, quand nous voulions dire aux gens qu’il est mal de pratiquer la divination, nous leur disions en réalité de ne pas se servir d’une balance ou d’une canne ! Pourtant, nous devions absolument maîtriser cette langue pour conduire les nombreuses études bibliques que nous avions commencées. Nous avons donc persévéré. Des années plus tard, une des personnes à qui nous avions enseigné la Bible à cette époque nous a dit : « Nous sommes vraiment contents que vous parliez notre langue, maintenant. Au début, nous n’avions pas la moindre idée de ce que vous tentiez de nous dire ! »
Ceci dit, nous étions dans une situation que certains qualifieraient d’idéale pour l’apprentissage d’une langue. En effet, ne trouvant pas de maison à louer, nous avons finalement habité chez une famille Témoin de Jéhovah, dans le village principal de Funafuti. Ainsi, nous étions en immersion totale et au cœur de la vie du village. Le tuvaluan est devenu notre langue principale à la place de l’anglais, que nous ne parlions plus depuis plusieurs années.
TRADUCTION DE LA NOURRITURE SPIRITUELLE
En 1980, le Béthel nous a demandé de faire de la traduction, une tâche pour laquelle nous nous sentions totalement incompétents (1 Cor. 1:28, 29). Pour commencer, nous avons acheté au gouvernement une ronéo, qui nous a servi à imprimer les matières étudiées aux réunions. Nous avons même traduit en tuvaluan et ronéotypé le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle. Je me souviens encore de la forte odeur d’encre que dégageait cette machine et de l’endurance qu’il fallait pour dupliquer manuellement toutes ces publications dans la chaleur tropicale. C’est que là-bas, à cette époque, il n’y avait pas l’électricité !
Disposant de très peu d’ouvrages de référence, nous avions du mal à traduire en tuvaluan. Mais parfois, l’aide venait d’une source inattendue. Par exemple, un matin que je prêchais, je me suis présenté par erreur chez un vieil homme opposé à la vérité, qui avait été enseignant. Il m’a aussitôt rappelé qu’il avait demandé à ne plus être visité. Puis, il a dit : « Je voudrais quand même vous signaler une chose. Dans vos traductions, vous recourez trop à la voix passive. En tuvaluan, on ne l’utilise
pas si souvent. » D’autres me l’ont ensuite confirmé. Nous avons donc tenu compte de ce conseil. J’étais émerveillé que Jéhovah nous soit venu en aide par l’intermédiaire d’une personne hostile, qui visiblement lisait nos publications !La première publication imprimée en tuvaluan à l’intention du public a été une invitation au Mémorial. Ensuite, il y a eu les Nouvelles du Royaume no 30, éditées simultanément avec la version anglaise. Quelle joie de donner aux personnes quelque chose dans leur langue ! Peu à peu, quelques brochures et même quelques livres ont été traduits en tuvaluan. En 1983, le Béthel d’Australie a commencé à imprimer une édition trimestrielle de La Tour de Garde de 24 pages, ce qui nous fournissait en moyenne sept paragraphes à étudier par semaine. Comment le public a-
Au début, les traductions étaient rédigées à la main. Ensuite, elles étaient dactylographiées et redactylographiées jusqu’à ce qu’elles soient prêtes à être envoyées au Béthel d’Australie, qui les imprimait. Pendant un temps, le Béthel a confié la saisie de chaque manuscrit dans l’ordinateur à deux sœurs qui, pourtant, ne comprenaient pas le tuvaluan. Cette méthode, consistant à entrer le texte deux fois puis à faire apparaître les différences sur écran, limitait remarquablement les erreurs. Les pages composées nous étaient ensuite expédiées par avion pour vérification, puis nous les retournions au Béthel pour impression.
Comme les temps ont changé ! Maintenant, les équipes de traduction entrent elles-
AFFECTATIONS SUIVANTES
Au fil des années, Jenny et moi avons été affectés dans diverses régions du Pacifique. Après les Tuvalu, nous avons été envoyés en 1985 au Béthel des Samoa. Là-bas, nous avons aidé à la traduction en samoan, en tongien et en tokelau, tout en continuant de participer à la traduction en tuvaluan *. Puis, en 1996, nous avons été envoyés au Béthel des Fidji, où nous avons pu soutenir l’activité de traduction en fidjien, en kiribati, en nauru, en rotumien et dans des langues des Tuvalu.
Le zèle des frères et sœurs qui traduisent nos publications ne cesse de m’ébahir. C’est un travail qui peut être fastidieux et épuisant. Pourtant, ces compagnons fidèles s’efforcent d’imiter Jéhovah, qui veut que la bonne nouvelle soit prêchée « à toute nation, et tribu, et langue, et peuple » (Rév. 14:6). Par exemple, avant que ne commence la traduction de la revue La Tour de Garde en tongien, j’ai réuni tous les anciens des îles Tonga et je leur ai demandé qui pourrait recevoir une formation de traducteur. L’un d’eux, un mécanicien qui gagnait bien sa vie, a proposé de démissionner dès le lendemain pour être traducteur. C’était particulièrement touchant, car il était père de famille et ne savait absolument pas comment il allait faire bouillir la marmite. Mais Jéhovah a pris soin de lui et de sa famille, et il a été traducteur pendant de nombreuses années.
À l’exemple du Collège central, ces traducteurs dévoués se soucient de tout cœur des besoins spirituels des minorités linguistiques. Par exemple, valait-
En 2003, Jenny et moi avons quitté le service de la traduction des Fidji pour le service d’assistance aux traducteurs, situé à Patterson (État de New York). C’était un rêve qui se réalisait ! Nous avons été affectés à une équipe qui met en place et développe la traduction de nos publications dans davantage de langues encore. Pendant les quelque deux années qui ont suivi, nous avons eu la joie de nous rendre dans différents pays pour apporter une formation à des équipes de traduction.
DES DÉCISIONS HISTORIQUES
À présent, revenons à l’anecdote que je cite en introduction. En 2000, le Collège central a estimé nécessaire d’affermir les équipes de traduction. Avant cette époque, la plupart des traducteurs n’avaient reçu que peu de formation. Après notre présentation devant le Comité de rédaction, le Collège central a approuvé la mise en place d’un programme mondial de formation. Cette formation porterait sur la compréhension de l’anglais, les techniques de traduction et la méthode de travail en équipe.
Qu’est-
En 2004, le Collège central a pris une autre décision historique : accélérer la traduction de la Bible. Quelques mois plus tard, cette activité faisait partie intégrante du travail de traduction, ce qui allait permettre à la Traduction du monde nouveau de paraître dans de nombreuses langues. Depuis 2014, cette version, complète ou partielle, a
été imprimée en 128 langues, dont plusieurs sont parlées dans le Pacifique Sud.En 2011, j’ai eu la joie de me rendre aux Tuvalu, pour une assemblée de district. Ce fut un des temps forts de ma vie. Depuis des mois, une sécheresse extrême sévissait dans l’ensemble de l’archipel, ce qui menaçait la tenue de l’assemblée. Mais le soir de mon arrivée, il est tombé des trombes d’eau ! L’assemblée a donc pu avoir lieu. J’ai eu l’immense honneur d’annoncer la parution des Écritures grecques chrétiennes. Traduction du monde nouveau en tuvaluan, dont les locuteurs constituent le plus petit groupe linguistique ayant jamais reçu ce merveilleux cadeau. L’assemblée s’est terminée sous une nouvelle averse tropicale. Ainsi, tous les assistants sont rentrés chez eux abondamment arrosés, littéralement et spirituellement !
Malheureusement, Jenny, ma fidèle compagne pendant plus de 35 ans, n’a pas vécu assez longtemps pour assister à cet évènement mémorable. En 2009, elle a succombé à un cancer du sein, contre lequel elle se battait depuis dix ans. À la résurrection, elle sera sans aucun doute enchantée de savoir que cette version de la Bible est parue.
Depuis, Jéhovah m’a donné une autre jolie épouse, Loraini Sikivou. Loraini et Jenny travaillaient ensemble au Béthel des Fidji. Loraini aussi faisait de la traduction, mais en fidjien. J’ai donc à nouveau une compagne fidèle, qui sert Jéhovah à mes côtés et partage ma passion pour les langues.
En repensant à toutes ces années, je suis encouragé de voir que Jéhovah, notre Père céleste plein d’amour, pourvoit continuellement aux besoins des groupes linguistiques, petits et grands (Ps. 49:1-3). Je vois son amour à travers la joie qui illumine les visages des gens qui reçoivent une publication dans leur langue pour la première fois ou qui chantent des louanges à Jéhovah dans la langue de leur cœur (Actes 2:8, 11). J’entends encore Saulo Teasi, ce vieux frère tuvaluan qui, après avoir chanté un cantique du Royaume dans sa langue pour la première fois, m’a dit : « Tu devrais dire au Collège central que ces cantiques sont plus beaux en tuvaluan qu’en anglais ! »
En septembre 2005, j’ai eu la surprise et l’honneur d’être nommé membre du Collège central des Témoins de Jéhovah. Je ne peux plus faire de traduction mais je garde un contact avec cette activité en apportant mon soutien à l’œuvre de traduction mondiale, ce dont je remercie Jéhovah. Quelle joie de savoir qu’il se soucie des besoins spirituels de tous ses adorateurs, même des habitants des îles perdues en plein océan Pacifique ! Comme le dit un psalmiste, « Jéhovah lui-
^ § 18 Pour lire certaines réactions à la diffusion de nos publications, voir nos éditions du 15 décembre 2000, p. 32, et du 1er août 1988, p. 22, ainsi que Réveillez-vous ! du 22 décembre 2000, p. 9.
^ § 22 Pour de plus amples renseignements sur la traduction effectuée aux Samoa, voir l’Annuaire 2009, p. 120-121, 123-124.